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Le cannabisme caractérise la dépendance

Cannabisme toxicomaniaque au cannabis qui est la drogue la plus


largement répandue dans le monde.

Si l’usage du cannabis dans sa variété du chanvre


I. Généralités / Définition indien ne s’est répandu que récemment dans les pays
occidentaux, il a été consommé pour ses vertus
Selon la définition de Modell 1967, une drogue est médicinales et à des fins religieux ou sociales par des
définie comme « substance qui par sa composition millions d’êtres humains pendants des siècles et dans
chimique peut modifier la structure ou le de nombreux pays.
fonctionnement d’un organisme vivant et exercer une
action biologique d’ordre général ». Pris occasionnellement, le risque est minime, par
Cette dénomination très générale, désigne toute contre sa capacité d’entraîner une dépendance
substance psychotrope ou non médicamenteuse ou psychique en fait une drogue dont les propriétés
illicite, n’entrainant pas toujours des abus ou une psychodysleptiques peuvent chez des sujets
dépendance comme c’est le cas pour le cannabis d’où prédisposés entraîner des complications
l’introduction de la distinction entre drogue douce et psychiatriques.
drogue dure.
II. Historique
La toxicomanie est un terme flou, il couvre d’un mot
les divers comportements toxicomaniaques. Il sous
Une abondante littérature concerne l’histoire du
entend une pharmacodépendance particulière dont la
chanvre remontant à la plus haute antiquité.
spécificité procède d’une rencontre entre un produit,
La première description détaillée du cannabis se trouve
une personnalité et un moment socioculturel.
dans un traité de médecine préparé par l’empereur
chinois Shen Nung aux environs de l’an 2737 avant J.C.
La pharmacodépendance est un état psychique et
Depuis cette époque, les orientaux désignent le
parfois physique caractérisé par des modifications du
cannabis sous plusieurs appellations telles que : « le
comportement, une pulsion à prendre une drogue afin
paradis du pauvre », « l’apaisement des peines », « le
de retrouver ses effets et quelques fois d’éviter le
chemin du paradis », « le libérateur du péché ».
malaise de la privation.
Au onzième siècle de notre ère, le vieux de la
montagne « cheikh ledjbel » l’utilisait pour asservir les
La toxicomanie comporte : la tolérance, une
séides à des fins sanguinaires « Haschichen =
dépendance psychique et physique et des effets
assassins ».
nuisibles pour l’individu et pour la société.
Au dix huitième siècle, Linné en 1753 le décrit
scientifiquement sous le nom de « Cannabis saliva ».
La tolérance est un état d’adaptation de l’organisme à
Et c’est au dix neuvième siècle que le cannabis a fait
une substance et se manifeste par la nécessité
son apparition en occident, Baudelaire le révèle au
d’augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets.
public en 1860 dans son ouvrage « Paradis artificiel ».
A la même époque opium et haschich firent leur
La dépendance psychique est un état mental
apparition en occident. C’est Moreau de tours qui
caractérisé par une impulsion qui réclame l’usage
publia le premier travail important sur les désordres
d’une drogue dans le but de créer un plaisir ou
mentaux causés par le haschich.
d’annuler une tension.
En Indes, la plupart des auteurs affirment l’existence
de psychoses spécifiques dues au chanvre et à ses
La dépendance physique est l’exigence de l’organisme
préparations « ganga, Bhang, Charas » et leur
à consommer une drogue afin d’éviter un syndrome de
fréquence.
sevrage ; ce dernier consiste en un ensemble de signes
somatiques consécutifs à la suppression brusque d’une
drogue chez un toxicomane.

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III. Intérêt de la question sécheresse est au climat est de plus petite taille, mais
riche en résine « moyen de protection » aux propriétés
psychotropes, contenus en plus grande quantité dans
 Pose un problème médico – légal.
les sommités fleuris que dans les feuilles.
 Des effets nocifs pour l’individu et pour la société.
 Risque important de complications psychiatriques.
Le principe actif du chanvre « cannabis sativa » est
 Problème de prise en charge : comment faut-
le THC (Tétra-hydro-cannabiol) particulièrement
il « traiter » cette déviance et en limiter les
dans sa forme 9-THC.
conséquences et l'extension.
 Touche des classes d’âge de plus en plus jeunes.
 Diminue l’espérance de vie et augmente le taux de Les produits utilisés :
mortalité. Le cannabis se présente sous trois formes de
 Intérêt de la prévention. concentration croissante :

 Marijuana (ou Kif): les sommités fleuries et les


IV. Epidémiologie feuilles sont desséchées, hachées. Le taux de THC
est de 1-15%.
 Le cannabis représente la drogue la plus
consommée dans le monde.  La résine (ou hashish, chira) : est présente sous
 Sur le plan judiciaire, le cannabis serait cause de forme de pain compact ou de Plaque dont la
60% des interpellations policières. couleur va du brun au brun rouge.
 40 % des polytoxicomanes ont débuté par une C’est la forme la plus répandue du chanvre indien.
consommation de cannabis. Le taux de THC va de 10-50%.
 Age de début : 17 – 23 ans.
 La population la plus atteinte : des hommes âgés  L’huile de cannabis : est une distillation concentrée
de 20 à 25 ans. très visqueuse. Elle est appliquée sur des
 Sexe ratio : 3 hommes pour 1 femme. cigarettes puis fumée, ou ingérée ou encore
 Mortalité : aucun décès n’a été signalé pour la mélangée à des gâteaux. Le taux de THC est parfois
prise isolée de cannabis. supérieur à 60%.
 Il s’agit en général d’un sujet mal inséré au point
de vue socio – professionnel. Mode d’utilisation : Ils se consomment de
 Le risque cancérigène d’un joint est cinq fois différentes façons :
supérieur à celui d’une cigarette. • Marijuana (ou Kif) : les sommités fleuries et
les feuilles sont desséchées, hachées. on
V. Produits et modes d’utilisation mélange le produit au tabac et on le roule pour
obtenir des joints.
Le cannabis est une plante herbacée, annuelle, • La résine (ou hashish, chira) : on la mélange à
originaire de l’Asie centrale, décrite sous la désignation du tabac aussi après l’avoir réchauffé à la
« Cannabis Sativa ». flamme d’un briquet pour en faciliter
Présentant une grande souplesse écologique, sa l’émiettement.
présentation ainsi que sa teneur en produit actif • L’huile de cannabis : est appliquée sur le
varient suivant le climat, l’altitude et le sol. papier à tabac et fumée.
Elle se présente sous forme d’une plante qui porte à Elle peut aussi être ingérée sous forme de
l’extrémité de sa tige des feuilles et un exsudat décoction, infusion, ou mélangées à du miel,
résineux qui soude cette extrémité florifère. des gâteaux, du sucre avant d'être ingérées.
Dans les régions tempérées « comme l’Europe », c’est
une plante de haute tige « jusqu’à 02 mètres » Pharmacologie du cannabis :
cultivées pour ses fibres et ses graines oléogineuses
« chènevis ». • Fumé dans une cigarette, 20% de THC agit dans
Dans les pays chauds « régions Asiatiques et l’organisme dont 1% au niveau du cerveau, le
méditerranéennes » la plante en réaction à la

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reste est dégradé par la combustion ou part − Sujet débordé de tendresse euphorique ou
dans la fumée. victime d’un raptus anxieux.
• Le pic plasmatique apparaît au bout de 20 − La notion de temps et de l’espace est
minutes. perturbée et les phénomènes sensoriels
• très lipophile, il se fixe sur les graisses et le engendrent un monde extra-ordinaire.
tissu cérébral.  Une troisième phase :
• le THC est métabolisé au niveau hépatique de Du repos extatique, apragmatisme impuissant et
façon très lente (sa demi-vie est de 8-10 jours) bienheureux.
ce qui explique son accumulation dans  Une dernière phase :
l’organisme chez les fumeurs réguliers. Permet le sommeil, au réveil le sujet n’éprouve plus de
• Elimination : principalement fécale et rénale. phénomènes particuliers.
• Le THC franchit la barrière placentaire et gagne
le sang et le cerveau du fœtus, il passe ⇔ Cette ivresse cannabique est parfois chez les
également dans le lait maternel. impulsifs traversée par :
− Des raptus anxieux.
− Fugues
VI. Effets cliniques du cannabis
− Réactions tragiques ou meurtrières.

Les effets du cannabis sont essentiellement ceux de


Effets à long terme :
l’ivresse cannabique ; cependant l’ivresse cannabique
L’intoxication chronique au cannabis est
est modulée par deux éléments :
responsable certaines manifestations qui
 Les unes intrinsèques :
surviennent après consommation régulière et
− Personnalité du sujet.
importante. Il s’agit de :
− Le niveau culturel.
• Sur le plan physique :
− Possibilité du contrôle de l’expérience.
− Augmentation de la fréquence cardiaque
− De même que la concentration du produit actif :
− Diminution de la fonction de ventilation,
Si quantité inhalée < 03 mg : pas d’effet
de la fonction digestive, de la fonction
d’effets subjectifs.
sexuelle avec diminution de la
Si quantité inhalée (03 mg – 20 mg) : effets plus
spermatogenèse chez l’homme et
ou moins importants, en général euphorisants.
perturbation de l’ovulation chez la femme.
Si quantité inhalée > 20 mg : apparition de
− Diminution du degré d’immunité de
pseudo-hallucinations.
l’organisme
 Les autres extrinsèques :
− Augmentation du risque cancérogène.
Liés à l’environnement dans lequel est faite
− Perturbation des capacités de
l’expérience, interviennent largement dans la réussite
mémorisation à court terme, de l’attention
du voyage ; ainsi on distingue : Le groupe à haut risque
et de la concentration intellectuelle.
/ Groupes à faible risque.
− On a signalé notamment lors de la
première cigarette des céphalées et des
Effets à court terme : il s’agit essentiellement
lipothymies
de ce Moreau de Tours a appelé « l’ivresse
− La conjonctivite oculaire, la pharyngite et
cannabique » :
la tachycardie sont des symptômes
Moreau de Tours décrit cette ivresse en quatre phases
constants.
successivement entrecoupées de périodes calmes :
− Une sécheresse de la bouche, des
 Une première phase :
céphalées, des troubles digestifs, boulimie,
Bien être euphorique survenant 01 à 02 heures après
toux, soif, des vertiges.
l’ingestion, pendant laquelle le sujet communique de
façon expansive.
• Sur le plan psychique :
 Une deuxième phase :
 Exaltation de l’humeur avec sentiment
Caractérisée par une hyperesthésie sensorielle
d’expansion, de détachement et d’élation
responsable :
− Illusions voire hallucinations.

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 hyperesthésie auditive, visuelle et tactile et Un tableau authentique de dépression peut
esthésique « enchaînement d’un monde sensoriel fréquemment émailler l’évolution de la toxicomanie.
à l’autre » Le tableau est souvent masqué par l’effet des drogues.
 Les troubles sensoriels sont parfois prédominants Les états dépressifs motivent fréquemment une
ainsi que de véritables hallucinations, il s’agit de demande de prise en charge.
distorsion perceptive, d’illusion et une Il est parfois difficile de différencier les états dépressifs
perturbation plus ou moins marquée des repères d’un syndrome déficitaire des toxicomanes.
temporels et spatiaux
 Des phénomènes délirants sont rares. 4. Troubles anxieux et du sommeil :
Constants au cours de toutes les toxicomanies, plus
VII. Complications particulièrement dans les périodes de sevrage, même
plusieurs mois après. Les patient se traitent alors eux
même par des médicaments « BZD, barbituriques,
A. Intoxication aiguë : hypnotiques… ».
 Crise d’angoisse.
 Etat oniroïde. 5. Démences :
 Episodes psychotiques francs : Les démences d’origine toxique sont rares. Elles
− Type délirant « BD » seraient plus fréquentes lors de la prise de solvants,
− Type dysthymique : dépression / excitation. barbituriques, alcool ou autres toxiques, souvent
Les psychoses cannabiques sont souvent remarquables associés au cannabis.
par l’importance de l’agitation et de l’agressivité.
6. Alcoolisme :
B. Intoxication chronique : Est une complication évolutives fréquente du
1. Syndrome amotivationnel : cannabisme, car pris au début pour potentialiser l’effet
Décrit par Mc glothin et West en 1868 lors de l’usage du cannabis.
pluri-quotidien du cannabis ; caractérisé par :
 Un état d’indifférence. 7. Conduites suicidaires :
 Déficit de l’activité sociale « professionnelle, Peuvent se voir lors d’un raptus secondaire à un
scolaire… ». sentiment de dépersonnalisation ou bien lors d’un
 Perte du sens de l’initiative, le sujet devient passif, accès dépressif.
refuse l’effort, asthénique et apragmatique.
 Déficit du fonctionnement intellectuel : VIII. Etiopathogénie
− Fatigabilité.
− Troubles mnésiques. L’idée prévaut que les jeunes essaient la drogue par
− Troubles de concentration. curiosité, qu’ils y prennent plaisir puis se trouvent
− Pauvreté de l’idée. piégés par le produit. Alors débute l’escalade, celle des
 Déficit de l’humeur et de l’affectivité. doses, celle d’une substance à une autre plus forte,
− Indifférence affective aux proches. celle des passages à l’acte « vols, cambriolages,
− Emoussement émotionnel. prostitution », celle de la détérioration des relations
− Intolérance marquée aux frustrations. humaines et souvent de la désocialisation.

2. Pharmaco psychose : Le modèle biopsychosocial lui-même doit être


Décrite chez les utilisateurs chroniques à très forte complexifié. Malgré les progrès de la neurobiologie et
doses. Peut prendre schématiquement le tableau des études comportementales, malgré l’apport des
d’une sx paranoïde, hébéphrénique ou celui d’une PHC. études catamnestiques et psychanalytiques, il est
La pharmaco psychose pose la question de l’influence illusoire de tenter d’isoler les conditions objectives qui
des toxiques dans la genèse ou l’aggravation des conduiraient inéluctablement un enfant à devenir
syndromes psychotiques. toxicomane. Il convient plutôt d’émettre l’hypothèse,
plus proche de l’expérience clinique, d’une
3. Syndrome dépressif : « près de 40% des
toxicomanes »
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vulnérabilité qui serait la résultante de facteurs voies ascendantes en agissant sur des aires spécifiques
biologiques, d’une sociogenèse et d’une psychogenèse. du système nerveux central.
Outre la convergence neurochimique observée entre
A. Vulnérabilité génétique : l'effet des différents produits toxicophiliques et les
 Etude de morbidité dans les familles des neurones dopaminergiques, un certain nombre de
toxicomanes : caractéristiques, tant anatomiques que fonctionnelles,
On a retrouvé chez les parents biologiques des de ces neurones, leur confère une place particulière
toxicomanes aux opiacés des taux élevés de dans le système nerveux central.
personnalités antisociales, de dépression, de Cette hypothèse étiopathogénique qui touche
toxicomanie et d’alcoolisme. essentiellement le système dopaminergique est
 Etude d’adoption : cependant controversée et reste donc à confirmer.
Il existerait deux modes de vulnérabilité génétique à la
toxicomanie chez des toxicomanes adoptés, séparés C. Vulnérabilité psychologique :
dès leur naissance de leurs parents biologiques : L’expérience clinique plaide pour une vulnérabilité
L’un à travers les parents biologiques lié à la addictives qui, après le premier contact avec la drogue,
personnalité antisociale, et l’autre à travers les parents favorise chez certains l’installation d’une dépendance,
biologiques qui n’ont pas de personnalité antisociale alors que chez d’autres les expériences d’initiation
mais ont des problèmes d’alcool. resteront sans lendemain. Les premiers auteurs qui, au
 Etudes de jumeaux : (Etudes faites chez des 19ème siècle se sont intéressés à la dimension
jumeaux élevés séparément). Des études ont psychologique des toxicomanies et ont mentionné une
évalué l’héritabilité des problèmes de drogue à 46 « immaturité affective », souvent évoquée par la suite,
% ; suggérant des facteurs génétiques communs à et qui aujourd’hui est plus précisément définie par des
certains comportements « consommation d’alcool, difficultés de séparation – individuation, une fragilité
comportement antisocial dans l’enfance et chez du sentiment d’identité, une incapacité à être seul, à
l’adulte ». maintenir des relations durables avec un objet investi,
 Rôle du gène DRD2 : une fantasmatisation moins riche.
Il existerait une éventuelle liaison ou association  Motivation exprimée :
génétique « gène codant pour le récepteur Parmis les motivations rationnelles exprimée sont la
dopaminergique D2 » et les conduites addictives. curiosité, le désir de connaître, l’attrait de l’inconnu, la
tentative de dépasser les coordonnées de l’espace et
B. Vulnérabilité biologique : du temps, la recherche du plaisir, le désir d’enrichir son
Les mécanismes d'action sont distincts selon les types expérience, la recherche d’une expansion de la
de produits, dont on distingue trois groupes : les conscience et d’un état d’extase, l’identification à un
psychostimulants (cocaïne, amphétamine), les opiacés groupe marginal, le refus de la société, le rejet d’un
(morphine, héroïne), et le cannabis et ses dérivés. certain système de valeur, une situation familiale
Il est clair que chaque groupe de produits, voire même conflictuelle, l’anonymat et la tristesse des grandes
chaque produit, possède un site d'action propre métropoles.
« récepteur, enzyme, vésicule de stockage ». Des motivations inconscientes certaines personnalités
Cependant, il existe une convergence de l'effet de ces prédisposées lorsqu’elles rencontrent la drogue,
produits sur certains systèmes de neuromédiateurs : éprouvent un véritable « coup de foudre
les systèmes catécholaminergiques, et plus toxicomaniaque ».
précisément, les systèmes dopaminergiques. En Comorbidités toxicomanie avec la dépression, les
dehors des cannabinoïdes - où l'effet dopaminergique troubles anxieux, la personnalité antisociale,
est encore mal défini- il semble raisonnable d'admettre schizophrénie…
que la très grande majorité des produits  Evénement de vie :
toxicophiliques active la transmission d'une ou de Des événements perturbants dans l’enfance tels que
plusieurs des voies dopaminergiques ascendantes. l’absence des parents « abandon, décès, divorce… »
Schématiquement, la cocaïne bloque la recapture de génèrent des frustrations réelles « frustration de
dopamine, l'amphétamine accroît sa libération et les manque, d’injustice profonde… ».
opiacés activent les neurones dopaminergiques des Le recours à la drogue vient en lieu et place des
mécanismes de défense « refoulement, isolation,
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annulation rétroactive » : engourdir le psychisme, ordalique traduit une faille du narcissisme, ou une
bloquer le surgissement de représentations défaillance de la fonction de la loi, ou une rupture
intolérable. précoce dans le chemin de l’individuation. Se retrouver
 Modes relationnels dans l’enfance : en vie après avoir frôlé la mort est une confirmation
− Empiètement : les toxicomanes se plaignent que leur qui comble - temporairement certes - la faille
mère empiète sur leur espace psychique. Ils narcissique. On retrouve ainsi par un autre chemin la
n’auraient pas été considérés comme des individus sensation forte.
mais des outils du narcissisme des parents.
La conduite toxicomaniaque va exprimer une C. Aspect sociologique : les facteurs sociaux majorent
revendication d’autonomie, mais simultanément le risque de consommation de drogue :
dénie la séparation tout en renforçant la − Le besoin d’appartenance à un groupe
dépendance. − La tendance familiale à recourir à des psychotropes
− Rejet : les placements multiples et l’abandon sont dans des situations de tension (alcool, somnifères,
interprétés par l’enfant comme un rejet. Le tranquillisants…)
manque de drogue prolonge le manque de mère et − Les relations familiales perturbées (placements à
certains toxicomanes rapprochent explicitement la répétition, séparation des parents, absence du père…)
recherche de drogue à la recherche de leur mère. − Précarité, isolement social et désinsertion
Dans la répétition du manque qu’il recrée sans − Accessibilité à des toxiques et multiplicité des
cesse, le toxicomane tente de réélaborer le produits dur le marché ?
traumatisme du rejet.
− Empiètement et rejet : mélange d’empiètement de IX. Psychopathologie
l’espace psychique de l’enfant et de
désinvestissement par une mère essentiellement
dépressive. A. Typologie psychiatrique :
 Modes relationnels dans l’adolescence : La classification théorique des toxicomanies s’établit
Au cours de l’adolescence, la reviviscence des pulsions habituellement en fonction de la drogue principale
agressives et érotiques fragilise le moi, de même que la consommée. Elle se fait parfois à partir des modes
pression anxiogène des choix de vie à faire ; une évolutifs.
tension anxieuse résultant des conflits mal résolus des On distingue en dehors des sujets dont la personnalité
périodes précédentes « surprotection ou rejet des antérieure à la toxicomanie était considérée comme
parents, abus sexuels, difficultés identificatoires… ». normale, quatre groupes : les psychopathes, les
La consommation toxicomaniaque, au début, est donc névroses graves, la schizophrénie et les états limites.
en rapport avec la problématique adolescence ; en La psychopathie :
particulier elle comporte une propension à l’agir qui Concerne 1/3 des toxicomanes.
court-circuite la mentalisation. Caractérisé par une instabilité, impulsivité, une
biographie faite de ruptures et de passages à l’acte
 Recherche de sensations fortes : itératifs, un comportement délinquant, un besoin
La recherche de sensations fortes est une dimension de impérieux et immédiat de satisfaction de désirs.
la personnalité « qui tend à atteindre et à maintenir un La conduite toxicomaniaque est un moyen de lutter
niveau optimum d’activation élevé ». On observe une contre une éventuelle dysphorie.
recherche de sensation forte dans la psychopathie, L’état limite :
l’alcoolisme et la toxicomanie. Un sujet hyperactif, La toxicomanie est fréquente chez l’état limite, surtout
impulsif, irritable a tendance à rechercher des en rapport avec l’angoisse flottante et la dépression de
sensations fortes. la perte de l’objet.
Névroses graves :
 Conduites ordaliques : Le début est plus tardif.
Sur le plan du sens de recherche de sensations fortes, La toxicomanie est relativement rare chez les
on fait appel à la notion de conduite ordalique névrosés, d’aspect compulsif, culpabilisées.
« jugement de Dieu » ; c’est l’appel du sujet à une Les états dépressifs chroniques compensés par la
puissance extérieure toute – puissante qui décide de le consommation de toxiques
faire vivre ou mourir. La mise en acte du fantasme
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Elles consistent souvent à une pharmacodépendance
aux substances sédatives, hypnotiques ou
B. Psychanalyse :
La toxicomanie est une conduite dont la signification
tranquillisantes.
psychopathologique n’est pas univoque.
Psychoses :
Ce sont sans doute les plus nombreuses mais leur
Allant des sujets schizoïdes à la schizophrénie typique.
diversité même prouve s'il en était besoin que les
Correspond à 10 % des toxicomanies.
mécanismes inconscients en cause chez les
Elles ont sans doute comme fonction essentielle de
toxicomanes sont susceptibles de s'appuyer sur des
soulager l’angoisse profonde et de permettre
conflits se situant à des moments très divers du
« temporairement » une pseudo-adaptation sociale au
développement de leur personnalité.
sein de groupes déviants.
La toxicomanie est une conduite auto-érotique et
Des schizophrènes qui, psychologiquement à la dérive,
narcissique ; elle implique, outre l’immaturité
espèrent trouver dans l'usage de la drogue une
affective et le besoin de satisfactions immédiates.
automédication pour leur angoisse, leur
Des fixations orales « l’objet absorbé ou injecté étant
dépersonnalisation, leur apragmatisme et ils trouvent
une source ambivalente de plaisir et de danger ».
également dans la communauté marginale qui les
Des tendances auto-destructrices, en effet le
accueille pendant un temps la possibilité de retarder
retournement des pulsions agressives contre le Moi a
l'échéance psychiatrique.
pu faire interpréter les toxicomanies comme des
Malheureusement, ces jeunes toxicomanes voient
équivalents suicidaires.
rapidement les effets de leurs toxiques s’amenuiser,
La drogue représente l’objet idéal toujours présent et
contraints d’augmenter les doses, ils sont bientôt
dont l’absorption est synonyme de disparition de
victimes de complications de l’intoxication :
tension.
recrudescences anxieuses, épisodes dépressifs, et
La réalisation pulsionnelle est pervertie, il ya
surtout, efflorescence d’une symptomatologie
érotisation de la prise du toxique qui est préférée
psychotique franche, dysthymiques, délirante d’allure
comme mode de réalisation pulsionnelle à une
paranoïde ou déficitaire de type hébéphrénique.
sexualité qui reste souvent inaccessible.
Le type d’aménagement signe la fragilité narcissique de
« Personnalité toxicomaniaque »
ces sujets qui répriment souvent des sentiments de
Certains toxicomanes avérés n’entrent dans aucun des
dévalorisation, de manque d’estime et incertitude de
cadres nosographiques précités. Une première
soi. Incapacité à assurer un rôle protecteur et à
approche psychologique ne parvient pas à définir que
compter sur soi.
d’une façon négative, par l’absence de structuration
névrotique ou de manifestations d’une psychose ⇒ La drogue représente donc :
franche. Et lorsque des troubles du comportement  Un substitue objectal matériel :
− Qui ne manque jamais, qui se plie à l’incapacité
d’allure psychopathique se développent chez eux, ils
semblent accessoires et secondaires à la toxicomanie. de différer le plaisir et à la nécessité de satisfaction
Il n’existe pas de personnalité propre aux toxicomanes, immédiate du toxicomane.
− Entièrement maîtrisable avec lequel la relation
il existe par ailler un certain nombre de constantes
concernant la personnalité des usagers de drogues instaurée est aconflictuelle.
dures, telles que :  Un moyen de satisfaire un plaisir oral.
 La dépression avec dévalorisation narcissique.  Un agent de renforcement narcissique.
 L’impulsivité latente ou manifeste, agressivité
pathologique. X. Prise en charge
 Besoin impérieux de satisfaction.
 Intolérance aux frustrations. Le premier contact se fait dans différentes
 La faiblesse du Moi avec troubles de circonstances, il s’agit soit :
l’identification.  Un tableau d’intoxication aiguë.
 La difficulté d’accéder à des relations amoureuses  Un syndrome de sevrage.
et sexuelles stables avec inadaptation pouvant aller  A la suite d’une complication de l’intoxication aiguë
jusqu’à des comportements déviants.. ou chronique.
 La motivation du sujet est une étape importante
dans le début de la prise en charge.
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La motivation : évaluation de la motivation est une C. Le traitement au long cours (Post cure):
étape importante par la suite l’élaboration d’un projet Permet le maintient de l’abstinence par une prise en
thérapeutique. Lorsque la motivation du sujet est charge psychothérapique, sociothérapique et plus ou
réelle, la prise en charge doit être conçue dans le cadre moins chimiothérapique, afin de prévenir les rechutes
d’un projet global de soins s’inscrivant sur le long et l’aggravation de la toxicomanie.
terme et qui comporte : Psychotropes :
 Dans un premier temps le sevrage physique  Traitement des troubles anxieux et des troubles du
et psychique. sommeil qui persistent après le sevrage est
 Dans un second temps une phase dite de indispensable pour prévenir le risque de rechute
postcure. « BZD à ½ longue, Neuroleptiques sédatifs,
 Et enfin, une réinsertion affective et sociale. hypnotique ».
 Traitement des états dépressifs : nécessite la mise
A. Objectifs : en place d’un traitement antidépresseur
 Arrêter la consommation de la drogue. psychotonique.
 Amélioration de la santé physique et psychique.  Traitement du syndrome déficitaire : fait appel aux
 Des relations sociales et familiales stables. NLP désinhibiteurs.
 Une activité professionnelle continue.
 Une diminution de la délinquance. Les psychothérapies:
Toutes les approches thérapeutiques des toxicomanes
B. La cure de sevrage : sont d'inspiration psychothérapique : les techniques
Il est le plus souvent indispensable de le réaliser en proposées sont multiples, individuelles ou collectives,
milieu hospitalier sous surveillance médicale et orthodoxes ou aménagées. Certains utilisent les
psychiatrique. techniques de relaxation, d'autres les groupes
Dès le début de l'hospitalisation, la plupart des thérapeutiques. Théoriquement, la psychothérapie
services qui reçoivent des toxicomanes pour constitue l'abord privilégié de l'ensemble des
Sevrage proposent un contrat de séjour relativement problèmes du toxicomane : en pratique, son
strict : absence d'affaires personnelles, interdiction de engagement en psychothérapie est bien souvent
visites, de sorties de salle et de permissions pendant difficile à réaliser « demande faible et fluctuante,
une semaine au moins, décisions thérapeutiques situation frustrante par rapport aux bénéfices
énoncées par les soignants et non par le patient lui- immédiats obtenus par la drogue, multiplication des
même. Tant de rigueur se justifie lorsque l'on sait passages à l'acte ».
combien la demande de sevrage est souvent ambiguë Le psychothérapeute qui accepte de prendre en charge
et plus encore combien pour le toxicomane il va être un toxicomane sait qu'il s'engage dans une relation qui
difficile de tenir ses engagements. sera d'emblée très affectivisée sinon passionnalisée,
Pour pallier les troubles contemporains de la faite de heurts et de réconciliations et qu'il lui faudra
période de sevrage « douleurs musculaires, renoncer aux impératifs de la neutralité, fut-elle
sudation, troubles digestifs, irritabilité, agitation, bienveillante. L'important est d'instaurer et de
crises anxieuses, insomnie, mais surtout le maintenir un lien affectif fait de disponibilité et de
"craving" » une aide chimiothérapique est le plus constance.
souvent indispensable. Les thérapies familiales se proposent l'abord du
Peuvent être proposés : symptôme-drogue dans la famille nucléaire ou élargie.
 Des anxiolytiques « Valium, Tranxène ou autres Il a été évoqué leurs principes fondamentaux : en
benzodiazépines » ou éventuellement des général des entretiens d'évaluation précédent les
neuroleptiques anxiolytiques et / ou sédatifs séances « à rythme variable, hebdomadaire ou
« Tercian, Largactil ou Nozinan ». mensuel » qui associent les membres de la famille à
 Des antalgiques type « Dafalgan ou Antalvic » pour des thérapeutes formés à la pratique de ces thérapies.
diminuer les crampes et les algies viscérales. Rappelons que leur but est de comprendre le mode
 Des antispasmodiques : « Spasfon » à la dose de 3 d'échanges à l'intérieur du système familial, la place
à 6 comprimés par jour. qu'y tient le symptôme-drogue pour aboutir à une
réorganisation des échanges intra-familiaux et à une

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levée des entraves « y compris celle que constitue la être adaptée à chaque situation et répondre à
drogue » pour le toxicomane. l’évaluation du risque.
Prévention tertiaire :
Mesures sociales : C’est la prise en charge des toxicomanes avérés pour
Une aide sociale est souvent proposée aux éviter les rechutes, éviter l’aggravation de la
toxicomanes afin de rompre avec la marginalisation toxicomanie, prévenir la déchéance sociale et
progressive dans laquelle ils se trouvent et de préparer somatique ainsi que les complications psychiatriques.
leur réinsertion au sein de la société. Le but principal est de favoriser le sevrage en
Apprentissage d’activité ou de profession. proposant aux toxicomanes non seulement des
services thérapeutiques mais également des dispositifs
D. La prévention : permettant leur réinsertion sociale et leur
Prévention primaire : épanouissement psychologique.
Elle a pour objectif d’empêcher l’éclosion de nouveaux
cas de toxicomanie à un stade où l’individu n’est pas XI. Conclusion
encore en contact avec la drogue ; à travers
l’information et l’éducation des jeunes et des familles. Or on se heurte à ce fait paradoxal que les effets
L’intégration sociale des exclus, la répression du trafic psychopathologiques du cannabis font encore de
et le contrôle de la production. divergences marquées parmis les spécialistes. On
Sur le plan médical, la prise en charge précoce et le discute encore sur le point de savoir si le cannabisme
dépistage des troubles de la personnalité et des était une toxicomanie à combattre ou à tolérer en tant
carences familiales ont un rôle important à jouer. que « drogue douce ».
Le vrai problème est celui des complications
Prévention secondaire : psychiatriques qui pourront faire basculer une
Vise à prévenir l’aggravation de la situation des sujets personnalité fragile et prédisposée dans des états de
qui ont déjà expérimenté les drogues. décompensation plus ou moins durables.
L’idée principale est d’informer les intéressés des
possibilités de soins et de prise en charge ; elle doit

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Critères diagnostiques DSM IV R
Critères de l’abus :

A. Mode d’utilisation inadéquat d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance
cliniquement significative, caractérisé par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de 12
mois :
1) Utilisation répétée d’une substance conduisant l’incapacité de remplir des obligations majeurs, au travail, à l’école,
ou à la maison « exp ; absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la
substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des taches
ménagères ».

2) Utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux « exp ; lors de la
conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance ».

3) Problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance « exp ; arrestations pour comportement anormal en
rapport avec l’utilisation de la substance ».

4) Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou
exacerbés par les effets de la substance « exp ; disputes avec le conjoint à propos des conséquences de
l’intoxication, bagarres ».

B. Les symptômes n’ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la dépendance à une substance.

Critères de la dépendance :

Mode d’utilisation inadapté d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement
significative, caractérisé par la présence de trois « ou plus » des manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période
continue de 12 mois :
1) Tolérance, définie par l’un des symptômes suivants :
a) Besoin de quantité notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré.
b) Effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance
2) Sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :
a) Syndrome de sevrage caractéristique de la substance « voir les critères A et B des critères de sevrage à une substance
spécifique »
b) La même substance « ou une substance très proche » est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage

3) La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu.
4) Il ya un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance.
5) Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance « exp ; consultation de nombreux
médecins ou déplacement sur de longues distances », à utiliser le produit « exp ; fumer sans discontinuer », ou à récupérer de
ses effets.
6) Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la
substance.
7) L’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique
persistant ou récurrent susceptible d’avoir être causé ou exacerbé par la substance « exp ; poursuite de la prise de la cocaïne
bien que la personne admette une dépression liée à la cocaïne, ou poursuite de la prise de boissons alcoolisées bien que le
sujet reconnaisse l’aggravation d’un ulcère du fait de la consommation d’alcool ».

Spécifier :
Avec dépendance physique : présence d’une tolérance ou d’un sevrage
Sans dépendance physique : absence de tolérance ou de sevrage

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