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COURS DE TERMINALE OBLIGATOIRE SES

CHAPITRE 5 :
LA DYNAMIQUE DE LA STRATIFICATION SOCIALE

INTRODUCTION

« Les hommes naissent libres et égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres » (COLUCHE)… une citation à retenir
alors que se redessine le paysage social français.

Toutes les sociétés sont constituées de groupes sociaux et ce sont les liens, aussi bien entre membres d'un même groupe
qu'entre membres de groupes différents, qui constituent la vie sociale. Ces groupes ne sont pas juxtaposés les uns à côté
des autres, ils sont hiérarchisés et entretiennent donc des relations marquées par la domination de certains et les inégalités
et les différences existant entre les membres des différents groupes. Dans les sociétés modernes, ces groupes ne sont pas
étanches (il y a toujours une certaine circulation d'individus entre les groupes). De même, au cours du temps, les groupes
et leur hiérarchie (et donc les inégalités) se transforment. C'est un des aspects manifestes du changement social (ou de la
dynamique sociale). Comment et en quoi la stratification sociale se transforme-t-elle au cours du temps ?

Dans une première partie, il est nécessaire de présenter et de relier les notions de stratification sociale et d’inégalités. Une
seconde partie présente ensuite, pour la France essentiellement, le caractère multidimensionnel des inégalités qui sont au
fondement de la stratification sociale actuelle. Une troisième partie permet de montrer en quoi et comment la stratification
sociale et les inégalités se transforment.

I- STRATIFICATION SOCIALE ET INEGALITES

Accroche :
Pourquoi la notion de stratification sociale est-elle liée à celle des inégalités ?

I.1- Comment définir la stratification sociale ?

Stratification et hiérarchie sociale :


La stratification désigne une classification des individus selon un critère qui permet de repérer les inégalités et de classer
les individus par strates. Une strate sociale est l’ensemble de toute les personnes présentant une situation semblable pour
un critère social donné et qui se situent dans un même niveau de la hiérarchie de prestige (homogénéité sociale). La
stratification sociale est donc « l’inégale distribution des droits et des privilèges, devoirs et responsabilités,
gratifications et privations, pouvoir social et influence parmi les membres d’une société ( SOROKIN). « Il est
classique, depuis Max WEBER, de distinguer les hiérarchies sociales définies à partir du prestige (groupe de statut), les
hiérarchies définies à partir du revenu (classes au sens de WEBER) et les hiérarchies définies à partir du pouvoir (classes
dirigeantes, élites…) » (BOUDON, BOURRICAUD). La hiérarchie sociale est donc la façon dont se distribuent les
positions sociales.
La stratification sociale est le fait, pour toute société, d'être composée de groupes sociaux différenciés et
hiérarchisés. Elle désigne le fait que toute société se construit en produisant un système de différenciation, de
hiérarchisation des positions sociales. La structure sociale repose ainsi sur des groupes sociaux qui se définissent par
l’inégal accès aux ressources d’une société de castes (exemple: Inde, intouchables et brahmanes) ), d’ordres (exemple:
France de l’Ancien Régime, tiers-état, clergé, noblesse), de classes sociales (exemple: analyse de MARX sur l’opposition
irréductible entre la bourgeoisie et le prolétariat). Dans les sociétés modernes contemporaines , la société est organisée en
strates sociales, hiérarchisées à partir de critères multiples (revenus, statut professionnel, pouvoir, prestige) mais qui ne
s’opposent pas de manière irréductible et qui sont étudiées grâce aux P.C.S.

Les enjeux concernant la stratification :


La question ne porte pas sur l’existence d’une différenciation des positions sociales, voire d’une hiérarchie sociale (il
existe un quasi-consensus sur ce sujet), mais sur les possibilités réelles données aux individus de changer de position
sociale, de connaître en particulier une ascension sociale (la structure sociale est-elle figée ou non ?). Cela renvoie aux
enjeux et aux déterminants de la mobilité sociale : l’individu est-il déterminé par son origine sociale (CF : holisme) ou
n’est-il qu’influencé par cette origine, pouvant s’affranchir de sa position sociale de départ (CF individualisme) ? En
d’autres termes, l’individu peut-il échapper à son destin ?
Il est ainsi possible d’illustrer l’évolution sur très long terme de la stratification en France :
● La société démocratique se distingue, par exemple, de la société de l’Ancien Régime par la transformation de
groupes de droits (les ordres : le statut social est acquis par la naissance et défini juridiquement ; les trois ordres

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sont la noblesse, le clergé et le tiers-état) en groupes de fait (les classes sociales) : 1789 met fin aux privilèges,
« tous les hommes naissent libres et égaux en droits ». Cependant le XIX° siècle révèle une égalité de principe, ou
formelle, mais peu réelle : l’hérédité sociale reste lourde sur la destinée des individus.
● Au XX° siècle, après 1945, se confirme une tendance à la moyennisation de la société : c’est l’image d’une
société qui « prend du ventre » et la référence à la « toupie » qui met l’accent sur la constitution d’une vaste
classe moyenne (CF : Fiche méthodologique « CONCENTRATION, DISPERSION, COURBE DE LORENZ ET
COEFFICIENT DE GINI »).
● La fin du XX° siècle remet en cause un certain optimisme précédent, la crise économique et sociale marquant le
retour d’une certaine polarisation sociale : les inclus et les exclus, la société prenant l’image d’un « sablier ».

I.2- Pourquoi associer stratification sociale et inégalité ?

Stratification et hiérarchie :
Les sociétés sont toutes stratifiées. Cela signifie qu’elles sont composées de groupes sociaux aux caractéristiques
différentes. Ces groupes sont hiérarchisés, c’est à dire que certains sont « en haut » de l’échelle, d’autres « en bas »,
certains « au-dessus », d’autres « en-dessous ». Il y a donc un classement des différents groupes sociaux. La hiérarchie
sociale repose sur des jugements collectifs (pas individuels) de valeur : par exemple, il « vaut mieux » (du verbe
valoir, même racine évidemment que « valeur ») être médecin qu’instituteur. C’est socialement plus valorisé. Le médecin
aura donc plus de richesses, plus de pouvoir, plus de reconnaissance sociale que l’instituteur. Cela ne préjuge en rien de
l’utilité réelle de leur fonction. Cela signifie simplement que notre société accorde plus de valeur sociale à la fonction de
médecin qu’à celle d’instituteur, de même qu’elle en accorde plus à celle d’instituteur qu’à celle d’éboueur. Un groupe
social va rassembler des personnes ayant les mêmes caractéristiques du point de vue de leur position dans la hiérarchie
sociale.

Hiérarchie, différences et inégalités :


Deux groupes vont donc rassembler des personnes ayant des caractéristiques différentes (il n’y a pas d’homogénéité
sociale entre les deux groupes). Mais comme ces deux groupes sont dans une position hiérarchisée l’un par rapport à
l’autre, ces différences vont devenir des inégalités. Une inégalité, c’est une différence qui se traduit en termes
d’avantage et de désavantage par rapport à une échelle de valeurs ou à une échelle d’appréciation et qui fonde
donc une hiérarchie. Ainsi la couleur des cheveux peut différencier deux individus, mais, en règle générale, cette
différence ne constitue pas la base d’une inégalité, ce qui n’est pas le cas de la couleur de la peau dans de nombreuses
sociétés.
L’inégalité économique et sociale désigne la façon dont sont répartis les biens matériels, financiers et symboliques :
de façon surabondante pour certains, insuffisante pour d’autres. Pour le sociologue, l’inégalité n’est pas une simple
réalité statistique mais une construction sociale : elle suppose la perception d’un écart ou d’une différence de
traitement considérés comme injustes selon le système de valeurs du groupe ou de la société concernée.
Si on associe inégalités et stratification sociale, c’est tout simplement parce que l’existence de groupes hiérarchisés
se voit à travers les inégalités qui les caractérisent.

Support pédagogique :
Document A : « Différence et inégalité », document 4 page 130, Terminale SES, Hachette, 2003

I.3- En France, la nomenclature des P.C.S. permet d’étudier la stratification sociale

Les P.C.S. :
Pour repérer les inégalités, il est nécessaire de déterminer les groupes sociaux entre lesquels se mesurent les inégalités. En
France, l'I.N.S.E.E. construit ses statistiques à partir du classement de la population en P.C.S. (professions et
catégories socio-professionnelles).
Les P.C.S., professions et catégories socio-professionnelles, correspondent à une répartition des français (et
particulièrement des actifs français) dans des catégories dont les membres présentent une certaine homogénéité
sociale (par exemple vis-à-vis de la fécondité, des opinions politiques, des pratiques de loisirs, etc…).
Pour constituer ces groupes, l'I.N.S.E.E prend en compte un certain nombre de critères socio-professionnels : le statut
des actifs (salarié / travailleur indépendant / employeur), leur métier, leur qualification, leur place dans la
hiérarchie professionnelle (avoir ou non des personnes sous ses ordres), l'activité de l'entreprise où travaille la
personne, le secteur (public ou privé). Il est important de noter que le revenu n'est pas un des critères retenus par
l'I.N.S.E.E. pour constituer les P.C.S.
Les P.C.S. regroupent des catégories (42 catégories socio-professionnelles) qui sont une décomposition plus fine de la
population active, qui elles-mêmes regroupent les 455 professions que dénombre l'I.N.S.E.E. :
455 Professions ➔ 42 P.C.S. ➔ 6 P.C.S.
Il existe 6 principales P.C.S. : les exploitants agricoles, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, les cadres et

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professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers (cette
classification date de 1982,puisque avant il s’agissait de C.S.P., catégories socio-professionelles). Les chômeurs, s'ils
ont déjà travaillé, sont classés en fonction des critères attachés à leur dernier emploi. S'ils n'ont jamais travaillé, ils sont
classés à part, dans un groupe qui n'est pas vraiment une P.C.S., les « chômeurs n'ayant jamais travaillé ». Ce nombre de
P.C.S. peut s’élever à 8 quand l'I.N.S.E.E. souhaite répartir l'ensemble de la population française : il faut ajouter alors 2
P.C.S., les « retraités » et les « autres sans activité professionnelle ».

Support pédagogique :

Document B : Des C.S.P. aux P.C.S.

Intérêt et limites des P.C.S. :


Répartir la population active ou la population totale en P.C.S., c'est faire le pari que les caractéristiques socio-
économiques des individus sont en lien avec leurs comportements. Dit autrement, cela signifie qu'une partie des
comportements des individus est induite par leur formation, leur métier, leurs responsabilités, leur statut juridique. Est-ce
bien réaliste ? Pour une bonne part, sans doute. Par exemple, le partage des tâches domestiques à l'intérieur d'un couple
résulte-t-il du hasard ou bien est-il lié au statut social des individus ? Les statistiques montrent que les couples
« ouvriers » sont plus traditionnels dans ce domaine que les couples « professions intermédiaires ». Disposer de
statistiques mettant en évidence le partage des tâches en fonction de la P.C.S. permet de le voir, et ce n'est évidemment
pas le fruit du hasard. Mais évidemment, tel ou tel couple « ouvrier » peut très bien ne pas suivre ce modèle.
La France est un des seuls pays à disposer d'un outil de cette qualité pour étudier les comportements humains. Comme
tous les outils, il est d'une part perfectible et ne doit pas, d'autre part, être utilisé pour dire n'importe quoi : ce n'est pas
parce qu’un individu appartient à une P.C.S. qu’il a obligatoirement le comportement attendu des membres de cette P.C.S.
Quelle est la pertinence de cet outil ? Les P.C.S. repèrent-elles correctement les groupes sociaux réels ? Malgré des
imperfections, la France a un outil de repérage des groupes sociaux plutôt meilleur que ceux des autres pays. Cependant
les transformations de la stratification sociale rendent cet outil peut-être moins fiable qu'il ne l'a été, ce qui sera souligné
avec la dynamique de la stratification sociale.

Support pédagogique :
Document C : « Les P.C.S. : différences ou inégalités », document Ex2 page 131, Terminale SES, Hachette, 2003

Transition :
Puisqu’une stratification repose sur des inégalités, quelles sont les inégalités à la base de la stratification sociale actuelle?

II- LE CARACTERE MULTIDIMENTIONNEL DES INEGALITES AU FONDEMENT DE LA STRATIFICATION


SOCIALE

Accroche :
Il faut souligner tout de suite que les inégalités ne sont pas qu'économiques, même si les inégalités économiques sont
sans doute les mieux connues, ce qui ne prouve en rien qu'elles soient les plus importantes. Les inégalités sociales
constituent une part importante des fondements de la stratification sociale. C’est à ce titre qu’il faut parler du caractère
multidimentionnel des inégalités. De plus il existe un phénomène de cumul des inégalités : les inégalités font
système.

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Support pédagogique :
Document D : « Qu’est-ce qu’une inégalité ? », Inégalités : l’essentiel, Les dossiers de l’Observatoire des inégalités, n°1,
septembre 2007

II.1- Les inégalités économiques : salaires, revenus et patrimoine

Les inégalités économiques portent sur les salaires, les revenus et le patrimoine :
● Le salaire est un revenu du travail perçu par un salarié, c'est à dire un travailleur lié par un contrat de travail (de
subordination) à un employeur. Le salaire est toujours rattaché à une seule personne alors que le revenu est souvent celui
du ménage (c'est-à-dire l'ensemble des personnes qui vivent sous le même toit).
Les revenus (qui comprennent les salaires, mais pas uniquement) peuvent être classés en différentes catégories : les
revenus primaires sont versés en contrepartie d’une participation à la production alors que les revenus de transfert (ou
prestations sociales) sont versés quand l’individu ou le ménage remplissent un certain nombre de conditions (par
exemple, les allocations familiales). Les revenus primaires comprennent les revenus du travail, ou revenus d’activité
(salaires et traitements de la fonction publique, mais aussi honoraires des professions libérales, par exemple) et les
revenus du capital, ou revenus de la propriété (dividendes et intérêts, loyers perçus, par exemple). Il existe aussi des
revenus en nature (exemple d’un logement de fonction).
Le revenu disponible est le revenu dont un individu, ou plus souvent un ménage, peut disposer librement : revenu
disponible = revenu primaire + revenu de transfert – (cotisations sociales + impôts directs)
● Le patrimoine est constitué par l'ensemble des biens (« les avoirs ») possédés par un individu ou, le plus souvent, par
un ménage à un moment donné. Pour être rigoureux, il faut déduire de ce montant celui des dettes. Le patrimoine peut
être composé d’éléments très divers : des éléments bâtis ou immeubles (appartement, maison, bâtiments de production)
ou non bâtis ou fonciers (terrains), des éléments en monnaie ou liquidités (montant des dépôts sur les livrets d’épargne,
par exemple), des biens (bijoux, livres ou meubles anciens, par exemple), des titres représentatifs de créances ou de
propriété appelés valeurs mobilières (obligations et actions, par exemple, ou Bons du Trésor), etc… Tous ces éléments
sont évalués en monnaie pour pouvoir les ajouter les uns aux autres. Les patrimoines s’évaluent à partir des déclarations
fiscales (impôt sur la grande fortune ou déclarations de succession) et sont donc assez mal connus. Il est parfois difficile
de valoriser (c'est-à-dire de donner une valeur) certains des biens possédés par un individu : quelle valeur donner à un
meuble ancien, quelle valeur donner à un appartement (seule sa vente permettrait de lui donner une valeur « juste ») ?
Le patrimoine peut permettre d’obtenir des revenus (appelés « revenus du patrimoine ») : ainsi les actions procurent-
elles le plus souvent des dividendes, les livrets d’épargne des intérêts, les immeubles possédés et loués des loyers.
● Les revenus sont donc des flux alors que le patrimoine est un stock acquis en utilisant son revenu ou en en héritant et

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qui peut être transmis à des héritiers. Il est logique de penser que des revenus faibles entraînent un patrimoine faible
(même si ce n'est pas toujours le cas : un agriculteur propriétaire de son exploitation peut avoir des revenus faibles alors
qu'il détient un patrimoine).

Comment mesurer les inégalités économiques ?


La connaissance des revenus est inséparable de la réflexion sur les inégalités : les inégalités ne sont pas que d’ordre
économique mais les inégalités de revenu engendrent d’autres inégalités. Connaître les patrimoines et leur répartition est
également très important pour étudier les inégalités dans un pays : d’une part les inégalités de patrimoine sont plus
grandes que les inégalités de revenus ; d’autre part, elles renforcent les inégalités de revenus car, le patrimoine engendre
des revenus supplémentaires. Mais ces inégalités économiques se mesurent mal car les informations fiables sont difficiles
à recueillir (par des déclarations fiscale et successorales qui ne sont pas forcément fidèles à la réalité...). Cependant, pour
mesurer les inégalités, il y a deux outils principaux : l'écart ou le rapport inter-décile et la courbe de LORENZ.
● L'écart ou le rapport inter-décile :
Pour mesurer l'inégalité des revenus, par exemple, il faut débuter par un classement par ordre croissant des
ménages par groupe de 10% (« décile »), en commençant par les 10% percevant les plus faibles revenus (ce
groupe s'appelle le premier décile) et en allant jusqu'au 10ème groupe, c'est-à-dire les 10% des ménages percevant
les plus hauts revenus. Un décile est séparé du décile supérieur et du décile inférieur par un montant de revenu
appelé « limite de décile ». Chaque décile est donc borné par une limite inférieure de décile, qui est le montant du
revenu au-dessus duquel se situent les ménages du décile, et une limite supérieure (sauf pour le 10ème décile), qui
est le montant du revenu au-dessous duquel se situent les ménages du décile. Ce tableau présentant la répartition
du revenu par décile permet de calculer le rapport inter-décile, en général D9/D1. Quant à l’écart inter-décile, il
se calcule par D9-D1. (CF : Fiche méthodologique « CONCENTRATION, DISPERSION, COURBE DE
LORENZ ET COEFFICIENT DE GINI »).
● La courbe de LORENZ :
A partir d'un tableau de répartition du revenu par décile, se construit un graphique qui permet d'évaluer au
premier coup d'œil l'ampleur des inégalités. Pour construire la courbe de LORENZ, il faut placer en abscisse les
ménages par décile successif (par ordre croissant) et en ordonnée le revenu global cumulé en % (le montant total
du revenu des ménages correspond à 100%). Plus la courbe est éloignée de la diagonale, plus les inégalités sont
grandes. En effet, cela signifie qu'une forte proportion des ménages ne dispose que d'une faible proportion du
revenu global et il y a donc une forte inégalité. L'égalité parfaite est représentée par la diagonale. A partir de
cette courbe de LORENZ peut être calculé un indicateur mesurant les inégalités, le coefficient de GINI,
compris entre 0 (pour l’égalité parfaite) et 1 (pour l’inégalité parfaite). (CF : Fiche n°12 « CONCENTRATION,
DISPERSION, COURBE DE LORENZ ET COEFFICIENT DE GINI »).
Pour étudier l’évolution des revenus (ou du patrimoine) sur une période, il est nécessaire de disposer des revenus réels (ou
du patrimoine réel), c'est-à-dire du pouvoir d’achat. Il faut donc passer des revenus nominaux (ou en valeur) aux revenus
réels (ou en volume) en enlevant les effets de l’inflation qui gonfle artificiellement les revenus nominaux, selon la
formule suivante : revenu réel = (revenu nominal / indice des prix) x 100 pour le revenu réel à prix constants de l’année
qui sert de base 100 à l’indice des prix.

Support pédagogique :
Document E : « Les chiffres qu’il faut connaître », Inégalités : l’essentiel, Les dossiers de l’Observatoire des inégalités,
n°1, septembre 2007

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Question 1 :
Ces affirmations vous paraissent-elles vraies ou fausses ? Justifiez.
1- 10% des ménages ont touché en moyenne 10 327 euros en 1996.
2- 50% des ménages ont touché moins de 24 599 euros en 2004.
3- le 2ème décile des ménages a touché moins de 13 363 euros en 1996.
4- 10 % des ménages ont touché plus de 49 554 euros en 2004.

Question 2 :
Utilisez les données du tableau pour complétez les phrases :
1- ------ des ménages ont touché un revenu disponible annuel inférieur à 16 250 euros en 1996.
2- ------ des ménages ont eu un revenu disponible annuel supérieur à 62 095 euros en 2004.
3- Le 4ème décile des ménages est constitué de ménages ayant perçu entre ------ et ------ euros de revenu disponible
annuel en 2004.

Question 3 :
Calculez le rapport D9/D1 pour 2004 et vérifiez qu’il est égal à 3,1.

Question 4 :
Quelle est, parmi ces trois phrases celle qui convient pour exprimer ce résultat ?
1- Il y a 3,1 fois plus de ménages dans le premier décile que dans le neuvième décile en 2004.
2- Le revenu moyen du neuvième décile est 3,31 fois plus élevé que le revenu moyen du premier décile en 2004.
3- La limite supérieure du revenu par individu des ménages du 9ème décile est 3,31 fois plus élevée que celle des
ménages du 1er décile en 2004.

Question 5 :
Choisissez parmi ces trois phrases celle qui vous semble juste.
1- si le rapport inter-décile D9/D1 diminue, cela signifie que les inégalités sont stables.
2- si le rapport inter-décile D9/D1 diminue, cela signifie que les inégalités augmentent.
3- si le rapport inter-décile D9/D1 diminue, cela signifie que les inégalités diminuent.

Support pédagogique :
Document F : « Les chiffres qu’il faut connaître », Inégalités : l’essentiel, Les dossiers de l’Observatoire des inégalités,
n°1, septembre 2007

Question 6 :
Faites une phrase explicative pour la valeur 168 364 concernant les agriculteurs.

Question 7 :
Calculez l’écart et le multiplicateurs des patrimoines médians entre les cadres supérieurs et les ouvriers non qualifiés.

Support pédagogique :
Document G : Document Exercice d’application 4 (suite) page 137, Terminale SES, Hachette, 2003

Question 8 :
En utilisant les données que vous lisez sur le graphique, complétez les phrases :
En France, en 1997, 40 % des ménages disposaient de ------ du revenu disponible total. Si la répartition du revenu
disponible était parfaitement égalitaire (droite), 40 % des ménages disposeraient de ------ du revenu disponible total. En

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France, en 1997, les 20 % des ménages ayant les plus hauts revenus disposaient de ------ du revenu disponible total. En
France, en 1998, environ ------ des ménages ne disposent d'aucun patrimoine. En France, en 1998, 50 % des ménages
détenaient ------ du patrimoine total. En France, en 1998, les 10 % des ménages les plus riches détenaient plus de ------ du
patrimoine total.

Question 9 :
Dites pour chaque affirmation si elle est vraie ou fausse selon vous. Justifiez.
1- On ne peut pas comparer les deux courbes car elles ne concernent pas la même variable.
2-Les inégalités de patrimoine sont plus fortes que les inégalités de revenu disponible.
3-Les inégalités de revenus et de patrimoine sont équilibrées car les courbes sont bien régulières.
4- La droite ne sert à rien.

Les inégalités de revenu sont en France beaucoup moins importantes que les inégalités de patrimoine, qui s’accroissent :
Selon CHAUVEL, le salaire mensuel moyen des ouvriers et des employés à temps plein est 2,5 fois plus petit que le
salaire mensuel moyen des cadres. Pour le patrimoine, 20% de la population ne disposent d'aucun patrimoine. Dans ces
conditions, il devient difficile de mesurer un écart … Il vaut mieux parler de gouffre ! En ce qui concerne les patrimoines,
le rapport inter-décile (D9/D1) est au moins de 1 à 70, c'est à dire que la limite supérieure du patrimoine détenu par le
neuvième décile des ménages est 70 fois plus élevée que celle du premier décile.
Mais plus encore que les inégalités elles-mêmes, ce qui compte c'est leur évolution.
● Depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, les revenus réels ont énormément augmenté en France : une fois
supprimés les effets de l’inflation, en pouvoir d’achat, donc, le revenu moyen par personne a été multiplié par plus
de 4 depuis 1950. Et la progression du pouvoir d’achat, ralentie depuis 1980, s’est cependant poursuivie
globalement, même si certaines catégories en ont moins profité que d’autres. L’origine des revenus des ménages
s’est également profondément transformée : la part des revenus primaires a beaucoup diminué alors qu’augmentait
la part des revenus de transfert (résultat du développement de l’Etat providence et du vieillissement de la
population). Mais depuis les années 80, les écarts ne se réduisent plus (les inégalités relatives stagnent), dans
un contexte où, de toutes façons, les salaires n'augmentent plus que faiblement. De plus, ces résultats ne tiennent
pas compte des revenus du patrimoine.
● L’inégalité de patrimoine s’est fortement réduite en France au cours du XX° siècle. Les « rentiers » du XIX°
siècle ont quasiment disparu. Cette réduction s’est accélérée pendant les Trente Glorieuses, grâce en particulier au
développement de l’accession à la propriété. Cependant depuis la fin des années 1970, la réduction de l’inégalité
des patrimoines ne s’est pas poursuivie. Les inégalités de patrimoine se sont fortement accrues depuis 1980 :
d'abord parce que les prix des actifs patrimoniaux ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus du travail (par
exemple, depuis 1980, le prix du mètre carré dans l'immobilier a progressé 4 à 5 fois plus vite que le salaire
moyen), ensuite parce que les revenus tirés du patrimoine ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus du
travail (partage de la valeur ajoutée au bénéfice des détenteurs de capital, sous forme de dividendes par exemple).
Du fait de la croissance rapide des revenus du patrimoine depuis le milieu des années 1980, il est probable
que les inégalités entre les revenus totaux des ménages ont progressé mais c'est difficilement visible dans les
statistiques car, la plupart du temps, les statistiques présentent les inégalités de revenus en excluant les revenus du
patrimoine.
En conclusion, les inégalités économiques telles peuvent être mesurées restent importantes, ne se réduisent plus,
voire s'accroissent. Cependant la situation française n'est pas spécialement catastrophique : du point de vue des
écarts de salaire, par exemple, la France se situe dans une position moyenne par rapport aux autres grands pays
développés. Et les inégalités se sont beaucoup plus accrues en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qu'en France depuis le
début des années 80.

La pauvreté
Elle constitue un aspect des inégalités économiques. Elle est aussi et surtout à l'articulation des inégalités sociales et
des inégalités économiques car en général, les « pauvres » cumulent beaucoup des inégalités. De plus, la pauvreté est
aussi à la source de l'exclusion. Il y a plusieurs définitions de la pauvreté :
• La pauvreté absolue :
Elle concerne les gens qui ne disposent pas du minimum vital. Ce minimum est défini par des quantités de biens
et de services, celles qui permettent de survivre. L'O.N.U. va par exemple définir la pauvreté absolue comme la
situation dans laquelle un individu n'a pas les moyens de se procurer le panier de biens jugés indispensables à sa
survie (environ 10€ par jour en 2002 en France).
• La pauvreté relative
Elle définit la pauvreté par comparaison avec le niveau de vie moyen du pays considéré. Elle est en général
définie par une proportion du revenu médian (celui qui partage la population en deux parties égales). En
France, un ménage est considéré comme pauvre par l'I.N.S.E.E. quand il dispose de moins de 50% du revenu
médian français par unité de consommation. Le reste de l'Europe utilise en général la barre des 60% du revenu

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médian (ce qui accroîtrait le nombre de pauvres en France).
En 2005, environ 7 millions de Français pouvaient être considérés comme pauvres, selon l’Observatoire national de la
pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) pour le seuil de 60% du revenu médian (soit 817 euros par mois pour une
personne seule).

Support pédagogique :
Document H : « La pauvreté en France », Inégalités : l’essentiel, Les dossiers de l’Observatoire des inégalités, n°1,

septembre 2007

Question 10 :
Faites une phrase explicative pour la dernière ligne du tableau (année 2005).

II.2- Les inégalités sociales

Les inégalités sociales :


Les inégalités économiques se cumulent avec beaucoup d’autres inégalités sociales : le logement, l’accès à la culture ou à
l’informatique (décisif pour la réussite scolaire ou professionnelle), la santé ou la mortalité (très inégale selon les
catégories sociales), la participation politique (les plus favorisés sont aussi ceux qui votent et militent le plus)… Souvent
interdépendantes, ces inégalités se cumulent et forment en quelques sorte un système : les mêmes mécanismes qui
permettent aux riches d’accumuler de plus en plus de ressources (matérielles ou non) conduisent les plus pauvres à
accumuler de plus en plus de handicaps, et à voir diminuer d’autant leurs chances de rattraper le niveau de vie moyen…
traduisant ainsi une véritable fracture sociale.

Les inégalités face à la consommation :


Une homogénéisation apparente des modes de vie a été générée par l’élévation du niveau de consommation : presque
tout le monde possède désormais une voiture ou une télévision (objet qu’il est d’ailleurs distingué de ne pas montrer ou
de ne pas posséder chez les diplômés)… mais la similitude s’arrête là. Les inégalités s’avèrent considérables à travers
le détail des dépenses. La distinction s’opère désormais, de façon moins visible, à travers la consommation de services
(femme de ménage, cours de soutien scolaire privés, vacances, restauration…) et sur la qualité des produits consommés.
De l’alimentation aux vêtements, tout le monde n’a pas le même type de dépenses et les inégalités sont souvent fortes
entre catégories sociales.
● Cela peut être illustré par les inégalités face aux vacances. Le taux de départ en vacances a légèrement progressé entre
1994 et 2004, de 62 à 65%. Mais 21 millions de personnes n’ont pas bougé de leur domicile par choix ou par contrainte
(ainsi 37% de ceux qui ne sont pas partis l’ont fait faute de moyens). Ces inégalités se retrouvent aussi dans le type de
congés : les plus modestes préfèrent les vacances longues estivales, principalement dans la famille, alors que les plus
aisés partent moins longtemps mais plus souvent, de préférence en circuit, à l’étranger et à l’hôtel. En 2004, presque tous
les cadres (90%) partent en vacances contre moins de la moitié pour les agriculteurs (48%). Le taux de départ en vacances
stagne ou diminue légèrement pour les catégories moyennes ou populaires.
● Cela peut aussi s’illustrer par un accès inégal aux nouvelles technologies selon les catégories sociales. Les NTIC se
diffusent dans la société française : 74% des Français possèdent un téléphone portable, 60% un ordinateur et 45% sont
équipés d’Internet à domicile, selon le Crédoc. Mais les inégalités sociales sont marquantes : au sein de la population
active, 89% des cadres supérieurs ont un ordinateur à la maison contre 61% pour les ouvriers. Malgré la diminution du
prix des ordinateurs, les matériels restent onéreux et leur fonctionnement n’est pas évident pour ceux qui n’ont pas appris
à les manier, notamment pour les plus âgés. Enfin, tous les milieux ne trouvent pas la même utilité aux différentes
technologies de l’information.
● Cela peut enfin être illustré par un accès inégal à la culture. Les pratiques culturelles (livre, cinéma, musée, théâtre…)
se sont diffusées aux cours des trente dernières années, notamment parce que l’élévation du niveau des diplômes et des

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 8/16


niveaux de vie se conjuguent avec la croissance de l’offre (bibliothèques, patrimoine culturel, exposition…). Malgré tout,
les écarts restent nets : 50% des cadres sont allés à un concert ou à un spectacle au moins une fois dans l’année contre
22% des ouvriers. De fortes disparités persistent aussi en fonction du niveau de diplôme : en 2000, 17% de ceux qui ont
au mieux le certificat d’étude sont allés au théâtre ou au concert au moins une fois dans l’année contre 57% pour ceux qui
ont un diplôme supérieur au baccalauréat. Un peu moins de la moitié des titulaires du certificat d’étude ont lu au moins un
livre, contre 85% de ceux qui possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur. Enfin des différences se font également
ressentir quant à la qualité des biens culturel : alors que pour la majorité de la population la télévision demeure le
principal loisir, l’usage qui en est fait et le choix des programmes diffèrent selon les classes sociales.

Les inégalités face à la réussite scolaire :


L'école est, en France, publique et gratuite donc accessible à tous également. Pourtant, le genre des études, leur durée, le
niveau de diplôme atteint sont assez nettement corrélés avec l'origine sociale.
● Les durées de scolarité ne s’allongent plus depuis dix ans, tandis que l’échec ne baisse plus. Premières victimes, les
enfants issus de milieux populaires : les fils d’ouvriers représentent 44% des élèves de l’enseignement « adapté » (qui
regroupe les élèves en difficulté) dans le secondaire contre 1,6% pour les fils de cadres. Certes, la proportion de
bacheliers parmi les fils d’ouvriers s’est accrue mais celle des fils de cadres aussi, jusqu’à frôler les 90%. Les inégalités
scolaires se jouent désormais à un niveau plus élevé. Les statistiques du Ministère de l'Education nationale montrent
par exemple qu'en 1996, 80% des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures sortis de formation initiale
entre 1991 et 1994 ont un diplôme de l'enseignement supérieur alors que 20% à peine des enfants d'ouvriers non qualifiés
et d'ouvriers agricoles sont dans cette même situation. Deuxième exemple : en 12002, les enfants de cadres représentent
42% des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles, les enfants d'ouvriers 6% et ceux des employés 9%, alors
que les enfants de cadres représentent environ 15% des jeunes de 20 à 24 ans et les enfants d'ouvriers et d’employés plus
de la moitié.
● La réussite scolaire est étroitement dépendante du niveau d’étude des parents. Plus de la moitié des enfants dont le
père ne dispose d’aucun diplôme a déjà redoublé au moins une fois à l’entrée en 3°, contre 14% de ceux dont le père a un
diplôme supérieur au baccalauréat. Globalement, les premiers sont cinq fois plus souvent en retard scolairement que les
seconds. Cette réussite scolaire dépend du diplôme du père mais aussi de la mère, qui consacre davantage de temps à
suivre la scolarité des enfants. Concrètement, il s’agit d’aide aux devoirs, d’achats de livres et plus généralement de
conditions de vie favorables (disposer d’un espace à soi en particulier). Mais aussi d’un suivi plus large des études, d’une
information sur l’orientation et d’une proximité au monde scolaire dans les activités extrascolaires (lectures, visites de
musées, pratique d’un instrument…). Enfin, le fait que les parents soient « passés par là » est le plus souvent un atout
pour se sentir légitime à opter pour un parcours similaire et permet en tout cas de mieux connaître les bonnes pratiques
pour réussir dans l’institution scolaire.
● Il faut ajouter que le même diplôme n'est pas valorisé de la même manière sur le marché du travail selon l'origine
sociale : en 1990, 81,1% des enfants de cadres ayant un diplôme supérieur à bac + 2 sont eux-mêmes cadres entre 26 et
33 ans ; avec le même diplôme, les enfants d'artisans et commerçants ne sont que 68,5% à être eux-mêmes cadres entre
26 et 33 ans. Ces inégalités de réussite scolaire seront à nouveau évoquées à propos de la mobilité sociale.

Les inégalités face à la santé et à la mortalité :


Alors même que, en France, l'accès aux soins médicaux est garanti à tous, et que l’espérance de vie à 35 ans a augmenté
en moyenne de 3 ans entre les années 70 et 90, ces avancées majeures ont davantage profité aux catégories sociales
favorisées.
● Il existe tout d’abord des inégalités géographiques en termes de santé, entre ville et campagne, mais aussi entre
régions : ainsi, si l’Iles de France compte 426 médecins pour 100 000 habitants, la Picardie n’en compte que 256. Mais
les inégalités sont aussi sociales. Ainsi, selon une enquête de l’IRDES, il y a, en 2006, 130% de plus d’ouvriers se
déclarant en « moyen ,mauvais ou très mauvais » état de santé que de cadres ou de professions intellectuelles supérieures.
L’accès au soins demeure socialement marqué. Plus les personnes appartiennent à une catégorie sociale favorisée, plus
elles accèdent aux soins tôt, et plus elles le font en ayant recours à la médecine de ville, en particulier la médecine
spécialisée. Les catégories plus modestes ont moins recours à la médecine de ville, mais leur recours plus tardif aux soins
les oriente davantage vers les soins hospitaliers.
● Un ouvrier non qualifié meurt en moyenne plus jeune qu’un cadre. Ainsi, entre 1982 et 1996, le nombre de décès
observés chez les ouvriers non qualifiés de 30 à 75 ans a été 30% plus élevé que si leur mortalité avait été la même que
celle de l'ensemble de la population, et celui des décès observés chez les cadres de 40% inférieur à celui qu'il aurait été
aux conditions de mortalité de l'ensemble de la population. L'écart est donc important. Résultat : l'espérance de vie est
moins longue chez les ouvriers que chez les cadres (aujourd'hui, l'espérance de vie à 35 ans est de 46 ans pour les
cadres de la fonction publique et de 37 ans pour les ouvriers non qualifiés). Ces chiffres signifient que les cadres qui ont
35 ans aujourd'hui ont une chance sur deux d'atteindre ou de dépasser 81 ans (35+46) et les ouvriers une chance sur deux
d'atteindre ou de dépasser 72 ans (35+37), ce qui fait quand même 9 ans de moins en moyenne. Il faut rechercher les
explications de ces inégalités face à la mort dans les différences de conditions d’existence, qu’il s’agisse des conditions de
travail, des choix de consommation et de l’accès aux soins. Les chiffres montrent aussi des inégalités devant la mort en

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 9/16


fonction de la région.

Les inégalités face au logement :


Dans les domaines du logement, des avancées réelles ont été obtenues ces dernières décennies. Ainsi, par exemple entre
1984 et 2002, la proportion des logements « tout confort » est passée de 70% à 90%.
● Mais les progrès sont de plus en plus lents et de moins en moins partagés. Quoi de commun en effet entre la vie
dans une « banlieues » paupérisée regroupent des classes populaires et celle, plus bourgeoise, du 5° arrondissement de
Paris ? Les « cités » françaises sont loin de constituer des ghettos mais il n’en demeure pas moins qu’une partie d’entre
elles est en grande difficulté, souffrant du mauvais entretien, de l’insécurité, et de l’éloignement du centre-ville, des
commerces et des services publics. Il existe aussi des inégalités générationnelles face au logement : les jeunes générations
sont particulièrement touchées par l’élévation des prix du marché de l’immobilier, à la location comme à la vente.
● Beaucoup reste à faire pour que chacun dispose de conditions d’habitat dignes de ce nom. 100 000personnes n’ont
pas de domicile, autant vivent en camping ou dans un mobil home toute l’année, plus de 500 000 vivent dans des
meublés… Un million de personnes vit dans des logements exigus, fortement surpeuplés, et un autre million ne dispose
pas du confort de base (salle d’eau, WC, chauffage). Selon les estimations du Pôle national de lutte contre l’habitat
indigne, les risques sanitaires liés à l’habitat indigne concernent 400 000 à 600 000 logements dans lesquels vivent un peu
plus d’un million de personnes.
● Le mal logement ne se réduit pas pour autant aux situations extrêmes. Une fraction considérable de la population
(un peu plus de trois millions selon le rapport 2007 de la Fondation de l’Abbé Pierre), au sein des couches modestes et
moyennes (notamment chez les jeunes) vit dans des locaux choisis faute de mieux : dégradations, mauvaise
insonorisation, surface trop faible, quartier dégradé… L’idéal pavillonnaire est loin d’être la norme en France. La France
ne construit toujours pas assez de logements, en particulier dans le secteur social, et la demande ne fait que s’accroître :
un million de dossiers seraient en souffrance.

Les inégalités face au travail et au chômage :


Parcours scolaire, réseau social et poids des discriminations se conjuguent pour façonner un monde du travail
profondément inégalitaire. L’ouvrier et son patron, qui touche 4 à 500 fois son salaire, vivent dans des univers différents.
● Bien des fractures traversent le monde du travail. Pollution, stress, bruit, charges lourdes… les conditions de travail
se remettent à se dégrader. En même temps, dans une période de chômage de masse, la sécurité de l’emploi constitue
désormais un facteur central de qualité de vie, alors que le statut des salariés ne cesse de se précariser. Mais cette
dégradation ne se diffuse pas à l’ensemble des couches sociales de la même façon : elle frappe beaucoup plus
durement les moins qualifiés. Le taux de chômage des non-diplômés est de 15%, contre moitié moins pour les Bac+2. Sur
la période 1992-1994, le risque de perdre son emploi et d’être au chômage était de 3,8% pour les cadres et professions
intermédiaires, contre 7,8% pour les ouvriers et les employés. Et si le taux de chômage des cadres s’élève à environ 5%,
celui des ouvriers atteint 12,5% et celui des employés environ 10%.
● La situation des jeunes est occultée sous des moyennes chiffrées globales qui mélangent les générations. Quel sens
donner à un taux de chômage de 10% s’il est presque le double (18%) pour les 15-24 ans ? Les générations nées à partir
de la fin des années 60 ont été beaucoup plus marquées par le manque d’emploi et la précarité que les précédentes, alors
que le niveau de formation s’est nettement élevé. Même avec des salaires inférieurs, l’entrée dans le monde du travail
reste un parcours d’obstacles, souvent fait de stages nombreux et de période de précarité. Si la majorité occupe un CDI,
un cinquième des jeunes actifs exerce un emploi temporaire contre environ 8% des actifs de 30 à 49 ans. Parallèlement la
situation des retraités s’est améliorée (ils ont bénéficié d’emplois durant les Trente Glorieuses, touchant ainsi des retraites
à taux plein, profitant d’une revalorisation du niveau des retraite et des revenus de leur épargne), accentuant le sentiment
d’inégalité.
● Le chômage frappe beaucoup plus durement les étrangers que les français : en moyenne, un quart des actifs non-
ressortissants de l’Union Européenne étaient demandeurs d’emplois en 2002, contre 9% de l’ensemble de la population
active et environ 8% des Français. Chez les jeunes non-ressortissants de l’Union Européenne, le taux de chômage atteint
36%. Une partie de cet écart tient au niveau de diplôme, mais les étrangers subissent aussi des discriminations. Les
données du recensement montrent qu’il existe des inégalités considérables selon les nationalités. Entre 30 et 39 ans, plus
de 35% des étrangers originaires d’Afrique sont au chômage, contre 11% de ceux qui viennent de l’intérieur de l’Union
Européenne. La discrimination, la qualification et les secteurs traditionnels d’emploi peuvent expliquer ces inégalités.

Les inégalités hommes-femmes :


C'est le genre (masculin / féminin) qui fonde la hiérarchisation et l'inégalité qui en découle.
● Les inégalités dans le travail :
Depuis les années 60, les inégalités de salaire entre homme et femmes avaient tendance à se réduire, mais depuis une
dizaine d’années, ce processus est stoppé. Les écarts de salaire restent globalement de l'ordre de 20% entre hommes et
femmes (pour des salariés à temps plein ayant la même qualification et effectuant le même travail), mais en tenant compte
du temps partiel, l’écart double, passant quasiment à 40%. Les femmes sont sur-représentées dans les salariés payés au
SMIC (environ 17% des salariées sont payées au SMIC contre 9% des hommes salariés seulement), dans le travail à

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temps partiel (environ 30% des salariées travaillent à temps partiel, contre 5% des hommes salariés) et bien sûr dans le
chômage (le taux de chômage des femmes est d’environ 10% contre 8% pour celui des hommes). En revanche, elles sont
sous-représentées dans les postes à responsabilité, alors que les filles réussissent mieux leurs études que les garçons et
que leur niveau de diplôme est supérieur (du moins pour les filles nées après 1960). Ainsi, au bout de 10 ans d'expérience
professionnelle sans interruption de plus de 6 mois, les titulaires d'un diplôme de 2è ou 3è cycle universitaire ont 76
chances sur 100 d'occuper un poste de cadre s'ils sont des hommes et 57 chances sur 100 s'ils sont des femmes. Dans le
monde du travail, l'inégalité hommes - femmes est donc de règle.
● Les inégalités sexuelles dans les autres domaines de la vie sociale :
Mais on retrouve ces inégalités dans les autres domaines de la vie sociale : en particulier, le travail domestique repose
pour l'essentiel sur les femmes (les femmes consacrent en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2h01
pour les hommes), et les changements, s'ils existent, sont encore peu perceptibles dans les statistiques (les femmes
prennent en charge les tâches les moins valorisées et les hommes ce qui se voit et qui dure). Et l'inégalité dans l'exercice
du pouvoir politique, malgré la loi sur la parité, reste très forte (en 2008, 75 femmes sénateurs, soit environ 22% du
Sénat ; 107 femmes députés sur un total de 577 députés). Les inégalités dans la sphère domestique ont des répercussions
pour les femmes dans bien d’autres domaines où elles sont freinées, de la vie professionnelle aux loisirs, en passant par
l’engagement politique ou associatif notamment. C’est l’une des raisons qui explique leur faible représentation en
politique ou dans les instances dirigeantes d’associations.
● Toutes ces inégalités ne sont pas récentes. Elles sont cependant de plus en plus mal supportées, c'est à dire ressenties de
plus en plus comme « injustes » dans la mesure où les arguments traditionnels (souvent avancés par les hommes comme
par les femmes) qui visaient à les justifier sont de moins en moins valides (s'ils l'ont jamais été) : les femmes sont
aujourd'hui plus diplômées que les hommes (argument de la moindre qualification des femmes), elles n'interrompent plus
que rarement leur vie professionnelle pour élever leurs enfants (argument d'une vie professionnelle en pointillés, qui
justifierait les inégalités constatées), elles sont, plus souvent qu'avant, seules du fait de la montée du nombre des divorces
(argument du deuxième salaire dans le couple, qui justifierait là aussi son plus bas niveau). Le consensus qui a existé sur
le partage social des tâches entre hommes et femmes et donc sur leur place hiérarchique est aujourd'hui contesté.
De ce fait, les différences se sont transformées en inégalités.

Une multitudes d’autres inégalités sociales :


Ouvriers, femmes, jeunes, minorités ethniques, handicapés, homosexuels… sont particulièrement victimes des inégalités
ou discriminations négatives. Ces inégalités sociales sont multiples, concernent de nombreux domaines et ne sont pas
toujours facilement mesurables. Leur présentation exhaustive est donc impossible.

II.3- Les inégalités font système

Support pédagogique :
Document I : « Le processus cumulatif », document 8 page 132, Terminale SES, Hachette, 2003

Support pédagogique :
Document J : « Le cumul des inégalités », BIHR, PFEFFERKORN, « Déchiffrer les inégalités », 2° édition, Syros, 1999

Un phénomène cumulatif :
Il existe un phénomène de cumul des inégalités : les inégalités font système, c'est à dire qu'elles s'entraînent

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 11/16


mutuellement les unes les autres. Les inégalités économiques s’accompagnent souvent d’inégalités sociales : le
processus est cumulatif et les inégalités font système ; elles s’engendrent les unes les autres mais s’aggravent aussi les
unes les autres.
Quelques exemples : un travailleur au chômage aura du mal à trouver un logement car il ne pourra pas disposer de
suffisamment de feuilles de paie pour prouver sa capacité à payer le loyer (sa « solvabilité »). Mais s'il n'a pas d'adresse à
donner à un éventuel employeur, il est certain de ne pas trouver d'emploi … Une absence de logement, ou un logement
insalubre augmente les risques de maladie et raccourcit l’espérance de vie. De plus, les enfants ne disposant pas de lieu
spécifique pour le travail scolaire et n’ayant pas accès à des activités extrascolaires valorisées rencontreront plus
largement l’échec scolaire, favorisant ainsi la reproduction des inégalités de génération en génération. Sans prendre ces
extrêmes, si un ménage dispose de revenus faibles, il partira moins en vacances, se soignera moins bien, etc.
Au total, l’origine sociale détermine le niveau de patrimoine (économique, social et culturel), mais aussi le type
d’emploi (via la scolarisation), qui détermine à son tour le revenu et donc le patrimoine. Ainsi, les inégalités de
revenu engendrent des inégalités de patrimoine, qui renforcent les inégalités de revenu par le biais des revenus
patrimoniaux… de même, les inégalités de conditions de travail engendrent des inégalités de revenu, mais aussi des
inégalités face à la maladie et la mort ; et les inégalités face au logement (qui découlent des inégalités de revenu et de
patrimoine) contribuent aux inégalités face à l’école (accentuées par les inégalités culturelles) et la santé, débouchant sur
des qualifications et des capacités d’insertion inégales.
Les inégalités forment système : elles s’engendrent les une les autres ; elles constituent un processus cumulatif, au terme
duquel les privilèges s’accumulent à l’un des pôles de l’échelle sociale tandis qu’à l’autre pôle se multiplient les
handicaps. Et les inégalités tendent à se reproduire au cours des générations.

Transition :
Les inégalités (économiques ou sociales) sont connues depuis longtemps mais se transforment au cours du temps. Aussi
faut-il se pencher sur la transformation des groupes sociaux eux-mêmes et donc sur les inégalités qui les caractérisent afin
de comprendre la dynamique de la stratification sociale.

III- LA DYNAMIQUE DES INEGALITES ET DE LA STRATIFICATION SOCIALE

Accroche :
Inégalités et stratification sociale sont liées. Si les inégalités s'affaiblissent et/ou se transforment, il est logique de
penser que c'est en lien avec des transformations de la stratification sociale. Ainsi tout un courant de pensée relie
l'atténuation des inégalités visible au cours du XX° siècle à la constitution d'une vaste classe moyenne. Et les arguments
ne manquent pas pour soutenir cette thèse. Cependant, il peut être observé l'apparition de nouvelles inégalités, brouillant
les frontières traditionnelles entre les groupes sociaux, mais les recomposant plus qu'elle ne les supprimerait. Tout cela
renvoie aux débats sur moyennisation versus polarisation de la société française.

III.1- Moyennisation versus polarisation : présentation de la problématique et des enjeux

Moyennisation versus polarisation :


● La moyennisation insiste sur le rapprochement des modes de vie permis par la réduction des inégalités et le
processus de constitution d'une vaste classe moyenne. C’est donc processus de constitution d'une vaste classe
moyenne, réduisant les positions extrêmes dans la stratification sociale et rapprochant ainsi les niveaux de vie et les
modes de vie.
Cette conception, cette vision de la société correspond à celle proposée par TOCQUEVILLE : les principes de la société
démocratique (égalité des chances, mobilité sociale, consensus social …) permettent le rapprochement des strates
sociales, la diversité sociale s'opérant sans hiérarchie et dans l'harmonie.
● La polarisation met l'accent sur les écarts entre les situations sociales provoqués par le jeu des inégalités et le
processus de regroupement des groupes sociaux autour de pôles opposés. C’est donc un processus de constitution de
pôles principaux dans la stratification sociale, reflets d'inégalités qui creusent des écarts entre ces positions sociales,
l'accent étant souvent mis sur l'existences de deux pôles d'où une approche bipolaire de la société.
Cette conception, cette vision de la société correspond à celle proposée par MARX : les inégalités et l'hérédité sociale
restent marquées, produisant des processus de disparités, de fractures et de ségrégation entre les classes sociales dans une
société conflictuelle ; c’est une vision bipolaire de cette société en deux camps irréductibles : bourgeoisie et prolétariat, au
XIX° siècle.

Support pédagogique :
Document K : « L’avènement des sociétés démocratiques selon Tocqueville », document 10 page 135, Terminale SES,
Hachette, 2003

Support pédagogique :

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 12/16


Document L : « L’histoire est celle de la lutte des classes », document 7 page 473, Terminale SES, Hachette, 2003

Moyennisation et polarisation : évolution en France


● La société démocratique se distingue, par exemple, de la société de l'Ancien Régime par la transformation de groupes
de droits (les ordres : le statut social est acquis par la naissance et défini juridiquement) en groupes de fait (les classes
sociales) : 1789 met fin aux privilèges, « tous les hommes naissent libres et égaux en droits ». Cependant le XIX° siècle
révèle une égalité de principe, ou formelle, mais peu réelle : l'hérédité sociale reste lourde sur la destinée des individus.
Au XX° siècle, après 1945, se confirme une tendance à la moyennisation de la société : c'est l'image d'une société qui
« prend du ventre » et la référence à la « toupie » qui met l'accent sur la constitution d'une vaste classe moyenne.
La fin du XX° siècle remet en cause un certain optimisme précédent, la crise économique et sociale marquant le retour
d'une certaine polarisation sociale : les inclus et les exclus, la société prenant l'image d'un « sablier ».
● Ce débat est réactualisé par les effets des transformations de la société française au cours du dernier quart du XX° siècle
et du début du XXI° siècle, et en particulier par les mutations du salariat : montée des flexibilités et des précarités semble
confirmer la fin d’une vaste classe moyenne et le retour à une polarisation..
Une autre question porte sur la représentation de la structure sociale et l'usage des catégories socioprofessionnelles (les
indicateurs pour mesurer la moyennisation ou la polarisation portent sur les effectifs des catégories socioprofessionnelles,
comme la nomenclature des PCS de l'Insee en France, et sur leur évolution dans le temps). Par exemple, le groupe des
employés est devenu le plus important en effectifs en France : faut-il en conclure au développement des couches
moyennes (avec les professions intermédiaires et les cadres) ou constater que les couches populaires (employés et
ouvriers) restent majoritaires (environ 60% de la population active) ?

III.2- Réduction des inégalités et moyennisation de la société

Quels sont les arguments qui peuvent être avancés pour soutenir l'idée de la moyennisation de la société française ?
● Le rapprochement des modes de vie permis par la réduction des inégalités économiques et sociales
traditionnelles.
Sur l'ensemble du XX° siècle, il faut relever la réduction des inégalités économiques (selon la thèse de KUZNETS :
l’inégalité est appelée à dessiner une courbe en cloche au cours du processus de développement, avec une première phase
d’inégalités croissantes lors de l’industrialisation et de l’urbanisation, suivie par une seconde phase de stabilisation, puis
par une phase de diminution substantielle des inégalités) : les bas revenus ont progressé nettement plus vite que les hauts
revenus, la consommation s'est beaucoup accrue (spécialement après la seconde Guerre Mondiale) pour toutes les
catégories sociales, rendant possible l'accès quasi généralisé aux biens de consommation durables (automobile,
réfrigérateur, télévision, lave-linge, etc). Parallèlement, la sécurité devant les aléas de la vie a beaucoup progressé pour
tous grâce au développement de l'Etat providence : la Sécurité sociale a permis à tous les Français de se soigner
convenablement et de bénéficier de retraite permettant de vivre dignement, ce qui était très loin d'être le cas auparavant.
La très grande sécurité de l'emploi durant les Trente glorieuses a également permis à beaucoup de ménages de faire
des projets et d'emprunter pour acquérir leur logement (l'accession à la propriété s'est développée dans toutes les couches
sociales). Enfin, la scolarisation de tous les enfants s'est allongée. Résultat : les modes de vie se ressemblent de plus en
plus, quel que soit le groupe social auquel un individu appartienne. Ainsi, l'habillement est beaucoup moins typé
socialement qu'il ne l'a été (tout le monde porte des jeans), les départs en vacances concernent un nombre grandissant de
français, se retrouvent sur les bancs du lycée des enfants de tous les groupes sociaux, etc.
● La constitution d'une vaste classe moyenne
La constitution d’une vaste classe moyenne, regroupant les professions intermédiaires, certains cadres, les ouvriers
qualifiés, une bonne partie des employés, serait la conséquence (et aussi sans doute la cause) de cette réduction des
inégalités et de cette uniformisation des modes de vie.
En effet, dans le monde du travail, les différences se sont aussi beaucoup atténuées : les agriculteurs sont de moins en
moins nombreux et leurs tâches de gestion les font de plus en plus ressembler à des chefs d'entreprise de l'artisanat ou de
l'industrie, les ouvriers travaillent de moins en moins souvent directement la matière, ils ont le plus souvent des fonctions
de contrôle sur des opérations de production de plus en plus souvent automatisées. Certains cadres doivent se passer de
secrétaire et tapent eux-mêmes leurs rapports ou leur courrier, de même qu'ils gèrent seuls leur agenda. L'autonomie dans
le travail est plus grande à tous les échelons de la hiérarchie. Donc, là aussi, les différences (et donc les inégalités)
s'atténuent. Résultat : les individus cherchent de plus en plus à accroître leur consommation, à améliorer leur position
personnelle et celle de leurs enfants et les conflits sociaux, collectifs, diminuent en nombre (il y a beaucoup moins de
grèves à la fin du XX° siècle que dans les années 1970, par exemple). L’apparition d’une vaste classe moyenne serait
alors synonyme de la disparition de classes inégales, polarisées et antagonistes, et donc peut-être de la disparition
simple des classes.

Support pédagogique :
Document M : « La moyennisation et les inégalités : les arguments de la fin des classes », document 14 page 138,
Terminale SES, Hachette, 2003

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 13/16


Définir la classe moyenne :
● Au début du XIX° siècle, TOCQUEVILLE qualifie les travailleurs indépendants de classe moyenne en raison de leur
situation intermédiaire entre le peuple et la noblesse ; le premier, il prophétise le regroupement de la population au sein
d’une vaste classe centrale, caractéristique des sociétés modernes.
Plus tard, MARX reprend parfois ce terme pour désigner la petite bourgeoisie : artisans, commerçants et chefs de petites
entreprises ; il prévoit la bipolarisation de la société et donc l’éclatement de cette classe moyenne entre prolétariat et
capitalistes.
● Au cours du XX° siècle, et surtout après la seconde Guerre Mondiale, le terme de classe moyenne désigne les couches
sociales salariées intermédiaires entre les classes populaires qui font les travaux d’exécution et les classes dominantes
ou dirigeantes qui ont le pouvoir décisionnel au sein des organisations.
Mais cette classe semble « absorber » aujourd’hui bon nombre de P.C.S. : en plus des professions intermédiaires, il faut
y inclure la majorité des cadres (car leur pouvoir de décision est souvent limité) ainsi qu’une partie des employés (dont
les fonctions sont assimilables à celles des cadres).
● Cependant, lorsque les Français sont interrogés, ils sont très nombreux à penser appartenir à la classe moyenne, et cela
quelle que soit leur P.C.S. : le sentiment d’appartenance à la classe moyenne semble se définir moins par le critère du
pouvoir décisionnel que par la fonction de consommation. La classe moyenne est celle dont la fonction de
consommation lui permet de s’intégrer à la société de consommation, ni en haut, ni en bas, mais entre les deux. Mais
si tout le monde est moyen, est-il encore possible de parler de classe sociale et donc de classe moyenne ?

Support pédagogique :
Document N : L’analyse de MENDRAS

Un constat contestable ?
Cette idée de moyennisation de la société est donc fondée sur des réalités difficilement contestables. Cependant,
aujourd'hui, nombreux sont les sociologues qui remettent en cause cette analyse : la diminution de certaines inégalités,
réelle, ne signifie pas la disparition des inégalités. D'abord, certaines inégalités traditionnelles réaugmentent. Ensuite,
de nouvelles inégalités apparaissent qui dessinent un nouveau paysage de la stratification sociale en France.

III.3- Nouvelles inégalités et nouvelles polarisation de la société ?

Support pédagogique :
Document O : « Moyennisation versus polarisation », document 22 page 143, Terminale SES, Hachette, 2003

La tendance à la réduction des inégalités traditionnelles (économiques et sociales) semble stoppée :


● Concernant les inégalités économiques, le fait que les inégalités de revenus, en particulier en intégrant les revenus du
patrimoine, aient plutôt tendance à s'accroître qu'à se réduire pose évidemment question. De plus, les inégalités de
patrimoine se sont beaucoup accrues depuis 20 ans du fait de la montée du prix des actifs patrimoniaux (immobilier,
titres boursiers). Ainsi, si le nombre de pauvres progresse, parallèlement, le nombre de « très riches » progresse
également, creusant le niveau des inégalités économiques.
● Mais les inégalités font système : aux inégalités économiques, il faut ajouter le maintien voire l’aggravation d’inégalités
sociales. Par exemple, les inégalités de consommation n’ont pas disparu : certains biens restent socialement sélectifs

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 14/16


(lave-vaisselle, ordinateurs, etc…) et les vacances ne sont pas du tout les mêmes selon les groupes sociaux. Par exemple,
l’inégalité face à la scolarisation demeure persistante : la scolarisation s'est bien allongée pour tous mais les études
restent très différentes selon le groupe social d'origine. Ainsi, il y a proportionnellement plus d'enfants de cadres et
professions intellectuelles supérieures dans les classes préparatoires aux grandes écoles aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a
trente ans (où ils étaient déjà très sur-représentés). Au delà de ces exemples, le mouvement de réduction des inégalités
sociales semble s’être stoppé, voire inversé dans de nombreux domaines, accentué par le développement d’un chômage
de masse.

Support pédagogique :
Document P : « Les effets des inégalités de patrimoine », document 15 page 139, Terminale SES, Hachette, 2003

Support pédagogique :
Document Q : « Les inégalités de consommation renouvelées », document 16 page 140, Terminale SES, Hachette, 2003

Support pédagogique :

Document R : La réaffirmation de frontières de classes

De nouvelles inégalités apparaissent, fragmentant les groupes sociaux traditionnels et brouillant le paysage de la stratification
sociale :
● Fragmentation des groupes et trajectoires individuelles :
Aujourd'hui, les inégalités qui séparaient traditionnellement les groupes sociaux les uns des autres, fragmentent de plus en
plus les groupes sociaux eux-mêmes. Ainsi, pour un même niveau de diplôme, par exemple, les inégalités de salaires se
sont beaucoup accrues. En fonction de quoi ? De plus en plus en fonction de l'histoire personnelle de chaque individu : si
l'individu a été embauché au bon moment par une entreprise qui se développait, il a pu bénéficier d'opportunités de
carrière que d'autres titulaires du même diplôme n'auront pas eues s'ils habitent dans une région en déclin économique,
par exemple. La même fragmentation s’observe au niveau du groupe des jeunes ou du groupe des ouvriers. Quoi de
commun entre un ouvrier qualifié travaillant dans une grande entreprise comme EDF, par exemple, ayant pu acquérir son
logement dans des conditions très avantageuses et disposant d'une énergie peu coûteuse, et un ouvrier qualifié du textile
vosgien, secteur en complète déconfiture, qui a été licencié successivement de plusieurs entreprises et se retrouve sans
emploi avec une qualification qui n'a plus de valeur sur le marché français du fait de la mondialisation ? Pas grand chose,

SES Terminale Obligatoire Chapitre 5 : La dynamique de la stratification sociale 15/16


assurément. La trajectoire individuelle compte de plus en plus pour expliquer les inégalités, en particulier
économiques, observées. Cela laisse parfois les individus très seuls face à des inégalités ressenties comme spécialement
injustes. Résultat de cette fragmentation : les groupes sociaux sont moins homogènes, se différenciant moins
clairement des autres groupes.
● De nouvelles inégalités apparaissent, liées aux transformations du salariat :
La précarisation du contrat de travail d'un certain nombre de salariés engendre une inégalité qui a d'importantes
conséquences pour la vie quotidienne entre ceux qui ont un emploi stable, sûr (pas seulement les fonctionnaires), et les
autres qui craignent pour leur emploi, quand ils en ont un. D'autre part, on constate une personnalisation croissante de
la relation d'emploi : c'est la compétence personnelle de l'individu qui lui permet d'exercer cet emploi, pas, ou de
moins en moins, sa simple force de travail qui pouvait être interchangeable avec celle de son voisin. Les inégalités et,
donc, les groupes sociaux, sont moins clairement qu'auparavant enracinés dans la division du travail au sein des
entreprises. Ils sont moins visibles. Mais cela ne signifie pas qu'ils aient disparu.
● Les inégalités transversales :
Enfin, des inégalités « transversales » ou fractales (qui traversent les groupes sociaux) sont apparues en tant que telles.
Ont déjà été étudiées les inégalités entre hommes et femmes : celles-ci ont toujours existé mais le fait que les
différences soient bien davantage ressenties comme socialement injustes en ont fait des inégalités que la société essaie de
limiter (au moins officiellement). Il y a également des inégalités en fonction de l'âge : toutes les générations n'ont pas et
n'auront pas accès aux mêmes avantages. Ainsi, les jeunes ont-ils aujourd'hui des difficultés majeures pour accéder à un
emploi stable, comme s'il y avait un sorte de « droit d'entrée » à payer (petits boulots, travail quasi non rémunéré lors des
stages…). L’origine ethnique, le handicap, l’orientation sexuelle… sont aussi source d’inégalités transversales, dépassant
la simple séparation des groupes sociaux.

Support pédagogique :
Document S : « Aggravation des inégalités fractales », document 21 (seconde colonne) page 142, Terminale SES,
Hachette, 2003

CONCLUSION

La stratification sociale repose sur l’existence de groupes sociaux hiérarchisés et donc sur des inégalités. Ces inégalités
peuvent être économiques et/ou sociales. Mais dans tous les cas ces inégalités se cumulent et font système. C’est ainsi
que lorsque les inégalités fortes opposent deux groupes, une vision polarisée de la société est envisagée, opposant des
classes sociales ; lorsque les inégalités se réduisent c’est au contraire une conception d’une société moyennisée qui
s’impose, traduisant une fin les classes sociales antagonistes, voire une simple fin des classes sociales.

Les inégalités se transforment plus qu'elles ne disparaissent, accompagnant les transformations économiques liées à la
croissance. Ces transformations contribuent à ce que les inégalités soient davantage vécues sur le mode individuel que
collectif. La frontière séparant les groupes sociaux est de ce fait beaucoup moins claire. Cela ne signifie pas que la
hiérarchie entre les groupes n'existe plus. Et la réduction des inégalités devient également moins simple dans la mesure où
celles-ci ne sont pas clairement attachées à tel ou tel groupe.

La question centrale devient, plus que jamais, celle de l'égalité des chances : comment assurer à chaque individu dans
une société qui se veut égalitaire et démocratique les mêmes chances d'accès aux ressources valorisées par la société ? La
réponse à cette question n'est évidemment pas simple. Un aspect central de la question est de savoir dans quelle mesure la
position sociale des parents détermine la position sociale des enfants : s'il y a une forte « hérédité » sociale, les inégalités
se reproduisent sans que le mérite des individus soit réellement pris en compte. C'est la question de la mobilité sociale qui
est ainsi posée.

COMPLEMENT

Support pédagogique :
Document T : Aggravation de la pauvreté versus enrichissement des plus riches

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