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Reste qu'une introduction en Bourse est avant tout une opération financière. Les avantages
financiers de l'introduction dépendent de sa motivation. Trois situations se présentent :
Dans les deux premiers cas, l'essentiel des actions proposées lors de l'introduction sont des
actions nouvelles. Dans le dernier cas, l'introduction se traduit surtout par la vente d'actions
anciennes.
L'introduction en Bourse facilite aussi la mise en place d'un système d'intéressement des
salariés à fort potentiel de résultat, par exemple sous la forme de stock-options. Certes, rien
n'interdit à une entreprise non cotée de distribuer des stock-options à ses salariés, mais
l'absence d'un prix de marché clair et la difficulté de céder les titres en diminuent l'intérêt
pratique.
Enfin, l'introduction en Bourse est l'occasion d'une mutation dans le système de « corporate
governance » de l'entreprise. Elle implique au minimum une transparence des comptes de
l'entreprise, et plus largement un effort de communication financière dirigé vers des
investisseurs externes, actuels ou potentiels. Elle conduit aussi à la mise en place de systèmes
modernes de contrôle interne et à une professionnalisation des instances d'administration et de
surveillance. Ces mutations sont parfois vécues, à court terme, plus comme un coût que
comme un avantage de l'introduction. A long terme, elles ne peuvent que conforter la solidité
de l'entreprise.
Les coûts
L'introduction en Bourse engendre un ensemble de coûts pour l'entreprise, certains immédiats,
d'autres récurrents. Au moment de l'introduction, les intermédiaires financiers assurant le
placement des actions parmi les investisseurs perçoivent une commission. Son montant varie
suivant le type d'entreprise, la taille de l'opération et la procédure. En moyenne, sur le
nouveau marché, les commissions perçues par les intermédiaires depuis 1996 se situent dans
une fourchette de 5 à 7 % des fonds levés, suivant la taille de l'opération (aux Etats-Unis, elle
est typiquement de 7 %). La commission rémunère plusieurs services fournis par les
intermédiaires : le montage, la garantie et le placement.
Outre ces coûts directs et visibles, l'introduction mobilise pendant plusieurs mois l'attention
des dirigeants de l'entreprise. La négociation des termes de la transaction avec les
intermédiaires peut être une affaire de longue haleine. La mise en place de systèmes de
contrôle plus sophistiqués requiert un effort managérial important. Tous ces coûts ne sont
cependant pas à mettre sur le compte de l'introduction en Bourse : celle-ci est plutôt l'occasion
d'un effort nécessaire d'amélioration de la gestion dont toute entreprise, cotée ou non,
bénéficie.
La plus grande transparence d'une entreprise cotée a pour corollaire une perte de
confidentialité, tant vis-à-vis de ses concurrents que de ses clients et fournisseurs. Il est
probable que ce coût indirect d'une cotation dissuade certaines entreprises. Reste qu'aux Etats-
Unis, tous secteurs confondus, on observe beaucoup d'introductions en Bourse, en dépit des
exigences de transparence draconiennes incombant aux entreprises cotées. C'est dire que, pour
beaucoup d'entreprises, les avantages d'une cotation l'emportent très largement sur les
inconvénients.
A quel moment ?
La fluctuation des marchés boursiers laisse souvent perplexes les chefs d'entreprise, et, pour
ceux qui ont décidé d'introduire leur entreprise en Bourse, les amène à se demander si
certaines périodes sont meilleures que d'autres pour une introduction. La réponse à cette
question dépend de l'objectif de l'opération. Soit l'entreprise souhaite maximiser son prix
d'introduction, soit elle préfère laisser une marge pour une progression du cours après
l'introduction.
Pour atteindre le premier objectif, il faudrait que l'entreprise sache repérer le moment où le
marché la surévalue, et choisisse alors de s'introduire. Cet objectif pourrait apparaître comme
une gageure à l'heure des marchés financiers modernes : quelle que soit son excellence dans
son domaine d'activité, une entreprise a peu de chances de battre des « traders » aguerris à
leur propre jeu, qui est justement de dénicher les titres sous-évalués et d'éviter d'acheter des
titres surévalués. Et pourtant, plusieurs études récentes suggèrent que certaines périodes -
dites « fenêtres d'opportunité » - permettent aux entreprises d'obtenir de meilleurs prix. Elles
coïncident en général avec les périodes où le ratio market/book du secteur (valeur de
marché/valeur comptable) est élevé, et le volume d'introductions en Bourse fort.
L'évaluation de la société
Mais l'entreprise s'introduisant en Bourse n'a pas forcément intérêt à maximiser le prix
d'introduction. Le plus souvent, les entreprises n'ouvrent qu'une portion limitée de leur capital
lors de leur première cotation et projettent de faire appel au marché quelques mois ou années
plus tard, à l'occasion d'une augmentation de capital. La performance passée de l'action sera,
pour les investisseurs futurs, l'un des déterminants de son attractivité. Il peut donc être sage de
ne pas viser, au moment de l'introduction, le plus haut prix possible.
Pour l'entrepreneur envisageant une introduction en Bourse, l'évaluation de son entreprise est
souvent une pierre d'achoppement dans ses négociations avec les intermédiaires.
De plus, on a vu plus haut que les sociétés s'introduisant en Bourse, et cherchant à maximiser
le prix de vente, vont choisir des périodes où leur performance récente a été faste. Elles
peuvent d'ailleurs « aider » quelque peu cette performance, en faisant un effort particulier
l'année de l'introduction. Autant dire que la performance précédant l'introduction ne se prête
pas à l'extrapolation implicitement faite par l'approche comparative.
L'approche intrinsèque, utilisée à bon escient, permet d'éviter le piège de l'extrapolation. Elle
n'est pas une panacée, mais oblige à poser la question centrale : la rentabilité et la croissance
dégagées jusqu'ici par l'entreprise sont-elles pérennes ?
- Quel marché choisir ? Le marché boursier américain offre sans doute une meilleure
valorisation pour certains secteurs de pointe, comme la biotechnologie. Mais les coûts
d'introduction aux Etats-Unis sont supérieurs aux niveaux européens, et le Nasdaq a été
récemment au centre d'un scandale concernant des pratiques douteuses de cotation des
valeurs.
L'introduction en Bourse est une opération complexe mais potentiellement très bénéfique pour
l'entreprise, ses actionnaires et ses salariés. Une introduction réussie implique une réflexion
préalable approfondie sur les objectifs recherchés, la valeur de l'entreprise, le timing de
l'introduction, la procédure et le prix. *
(1) Les idées de cet article découlent d'une étude en cours financée par la Fondation HEC et
sont développées dans notre séminaire HEC Management « Pourquoi, quand et comment
s'introduire en Bourse », 9 et 10 septembre 1998.
La fluctuation des marchés boursiers laisse souvent perplexes les chefs d'entreprise. Ceux qui
ont décidé d'introduire leur société en Bourse se demandent si certaines périodes sont plus
adaptées que d'autres. (C) Pascal Nieto/REA
BRUNO HUSSON est directeur associé de Oddo et Cie, en charge du département Corporate
Finance. Egalement professeur affilié au Groupe HEC, il est l'auteur de plusieurs ouvrages et
articles portant notamment sur le diagnostic financier et l'évaluation d'entreprise.
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