A la classe de 2 2
Nous avons eu de grands moments
ensemble, tantôt joyeux, calmes,
bruyants, chaleureux, tendus… mais
quelle réussite et quelle joie en cette
fin d’année de lire et relire une
anthologie de textes originaux et
passionnants !
Je vous remercie et vous souhaite
bonne chance.
Je vous quitte… avec regrets !
Marie-Dominique Caradec
Sommaire
Elle ne savait pas comment elle en était arrivée là. Du haut de ses dix-
huit ans, elle ne comprenait pas comment autant de choses avaient pu lui
tomber dessus. " J'me lance ou pas ? " Des souvenirs défilèrent devant ses
yeux. Sa sœur d'{ peine sept ans, sa mère. Elle se demandait si elles
comprendraient, si elles le vivraient bien. " J'me lance ou pas ? " Elle
repensa également à sa vie qu'elle avait essayée de tracer aussi
soigneusement que possible pour qu'aucun détail ne lui échappât. Elle
pensa à ces moments qu'elle avait passés sur ce même banc dans le parc de
la ville, à attendre que son existence prenne enfin un tournant. Combien
de choses elle s'était imaginées : par exemple le genre de personne qu'elle
voulait rencontrer, les endroits où elle voulait voyager ou encore la femme
qu'elle voulait devenir. Tant de faits qu'elle avait inventés, se voyant déjà
heureuse au milieu des siens, aimante et tout particulièrement aimée. "
J'me lance ou pas ? " Elle se remémora le village de ses grands-parents. Ces
petites maisons collées les unes aux autres, et qui étaient pourtant si
charmantes et accueillantes. Cela l'amena à se rappeler sa grand-mère, son
doux sourire qui la rassurait, lorsque, pendant les vacances qu'elle passait
chez elle, elle se réveillait en sursaut après un cauchemar. Puis elle se
souvint de son grand-père avec ses yeux magnifiques. Un jour elle lui avait
même dit :
« Tu vois Papy, moi mon prince charmant il aura les mêmes yeux que
toi. »
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aussi aveugles. Juste d'avoir espéré que le rôle serait bien joué. Au final
l'acteur se révèle être plus que médiocre.
Donc « J'me lance ou pas ? » Elle était rentrée du Lycée plus tôt que
prévu. Ayant la clef de son appartement, elle avait pénétré dans celui-ci
sans hésiter. Cependant, il y a parfois des portes qu'on devrait ouvrir avec
précaution. Ce qui se trouve derrière ne nous fait pas toujours du bien.
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Elle avait alors vu son homme avec un autre. A ce moment là, elle n'en
avait pas voulu à celui qu'elle aimait tant, mais plutôt à elle-même. Après
tout elle avait bien déjà auparavant eu vent de ce qu'étaient les princes
charmants en vérité. Pourtant elle y avait cru. Fort. Très Fort. Ce jour-là
elle n'avait pas pleuré non plus. Elle ne voulait pas être faible, ni pitoyable.
A vrai dire elle n'en avait même pas été capable. Elle avait juste pu reculer
et murmurer « Pardon. Je suis tellement désolée. » Et elle l'avait vraiment
été. Elle l'était aujourd'hui encore.
Puis elle repensa à ces vacances d'été de l'année suivante qu'elle avait
passées sur la côte. La première fois qu'elle avait conduit. Ce jour-là, il
avait fait très chaud. Puis comme ça, sans qu'elle ne s'y soit attendue le
moins du monde, sa mère lui avait proposé de conduire jusqu'à la plage.
« Après tout, tu as ton code et tu as pris assez de leçons non ? » Oui. Sans
aucun doute qu'elle avait pris des leçons. Seulement elle avait eu peur.
Peur à cause de ce stupide accident qu'elle avait vécu. Elle s'était trouvée
au mauvais endroit au mauvais moment. Renversée par une voiture. Un
jeune conducteur par ailleurs. Et puis encore une fois elle s'en était voulu à
elle-même. Après tout, n'y avait-il pas qu'à elle qu'arrivait ce genre de
malheurs ? Sa seule peur avait donc été à ce moment là d'écraser à son
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tour un passant. Mais elle n'en avait pas parlé à sa mère. Cela l'aurait fait
se sentir faible. Alors elle avait simplement osé et n'avait écrasé personne -
pour son plus grand bonheur. Bien sûr, elle avait été fière. Fière que sa
mère soit fière. Car au fond il n'y avait personne, à part peut-être sa petite
sœur qu'elle chérissait plus au monde.
Elle vit des roses, des arbres, de l'espoir, des sourires, du bonheur, du
soleil, un arc-en-ciel et un chemin. Alors elle sourit. Sa mère ne serait
sûrement pas déçue. Elle comprendrait. Au fond sa mère connaissait tous
ses secrets et elle savait que sa fille en avait assez. Assez de cette vie, où
tout le monde n'était que l'ombre de soi-même. Sans aucun doute
pleurerait-elle, mais elle s'en remettrait. Elle s'était après tout remise d'un
cancer, alors pourquoi pas de ça ? Et sa sœur. Oui, sa sœur ne
comprendrait sûrement pas. Mais viendrait un jour où on pourrait lui
expliquer. Un jour où elle serait assez âgée pour comprendre que les gens
pensent parfois qu'ils n'ont plus le choix. La jeune fille pensa alors à la
naissance de sa sœur. La joie qu'elle avait ressentie en tenant ce tout petit
être dans ses bras, malgré le père qui l'avait engendrée. Elle l'aimait. Et elle
continuerait à l'aimer. Quoi qu'il adviendrait.
Une fine brise se fit alors sentir. Elle baissa la tête et vit le sol qui
s'étalait bien loin en dessous d'elle. Elle eut un dernier sourire. « J'me
lance. » Et elle vécut heureuse jusqu'à la fin des temps.
Maïlys Lemaître
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Ce sacré Skyzo !
Il était connu des nombreux habitants pour ses divers séjours au centre
hospitalier d’Oeilthonville. C’était une personne pas nette, on l’appelait Skyzo,
petit surnom peu agréable qui lui avait été donné à cause de son dérangement
mental. Cela faisait 3 semaines maintenant que Skyzo était sorti de sa sixième
hospitalisation mais cette fois, il ne s’en était pas remis. Trois semaines
passèrent et notre personnage vivait toujours seul dans ce qu’il appelait sa mère,
en d’autres termes la rue. Jamais une personne ne l’avait vu accompagné si ce
n’est avec un médecin et jamais personne ne l’avait abordé pour lui proposer de
l’aide, un logement ou autre de peur qu’il ne le prenne mal. C’était la deuxième
fois en une semaine que je le croisais dans la rue, et c’était la deuxième fois
qu’en observant certaines réactions et son regard, je compris qu’il n’allait pas
bien du tout. Grand gaillard, démarche imposante avec des cheveux blonds et
des yeux bleus, il avait tout sauf « presque tout » pour faire croire qu’il vivait
bien et qu‘il était « normal ».
Un certain temps s’était déj{ écoulé après que je l’aie vu pour la dernière
fois et les nouvelles à Oeilthonville n’étaient pas très rassurantes. Deux vols {
mains armées qui coûtèrent la vie de cinq banquiers différents et un préjudice
financier de près de trois cent mille euros étaient la cause du mal être des
habitants de la ville ainsi que le fait de n’avoir aucun suspect et encore moins de
pistes. Je savais pertinemment ce que se demandaient mes voisins ainsi que
chaque habitant: Est-ce Skyzo ?, Penses-tu que c’est lui ?… . Pour ma part, j’avais
des doutes. Certes, je ne l’innocentais en rien, mais je me disais qu’un homme
aussi sombre et timide que lui n’aurait pas risqué autant. Pendant un certain
temps je menai mon enquête et ma conclusion était que je n’avais pas beaucoup
avancé et que je tournais en rond, tout comme les investigateurs.
Après quelques jours, une nouvelle série de vols { mains armées s’était
abattue dans la ville sans que, { nouveau, des pistes sur l’auteur de ces crimes
soient trouvées. Coïncidence ou non, je revis cette même semaine Skyzo mais
cette fois quelque chose avait changé. Bien habillé, bien rasé et le sourire à la
bouche, il paraissait heureux de la vie et à ma grande stupéfaction, me dit
bonjour comme si on se connaissait depuis des années et des années. Son regard
quant { lui restait asphyxiant, captivant et il fit en sorte que je n’eusse pas le
courage de lui répondre. Je me posais alors la même question que les habitants
de la ville se posaient déj{. C’était étrange, trop pour moi…
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Le lendemain matin, comme { mon habitude, j’allais acheter mes
croissants { la boulangerie de la résidence lorsque, au moment où je m’apprêtais
{ rentrer, j’aperçus derrière les vitres de cette dernière Skyzo. Encore un échec
pour moi lorsque je me suis rendu compte qu’il ne faisait rien d’autre sinon
acheter du pain. Habitué à le voir seul et affamé je trouvais quand même assez
bizarre le fait de le voir avec une somme d’argent. Certes relativement petite
mais c’était de l’argent ! Encore plus intriguant, c’était le fait qu’il avait acheté
trois baguettes au lieu d’une seule. C’était décidé, cette fois j’allais le suivre.
J’attendais alors qu’il sorte de la boulangerie pour pouvoir l’espionner. Je
trouvais beaucoup trop étrange qu’en pleine période de mal-être à Oeilthonville,
Skyzo soit aussi joyeux et que sa vie se soit amélioré aussi vite sans que
personne ne s’en rende compte.
Alexandre Felicio
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Compte à rebours
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Le cours de français commence. Je n’ai jamais aimé le
français. J’ai de très bonnes notes en français et je ne
fais aucune faute d’orthographe et de grammaire, mais
j’écris mal, mon style est banal, je n’ai aucun talent et
les sujets de rédaction se ressemblent tous. De plus, je
n’aime pas mon professeur. Aujourd’hui elle nous
annonce que l’on va faire un cours sur l’épicurisme. Je
me demande bien ce que c’est encore que cette nouvelle
invention… Si vous tenez vraiment à le savoir, dans mon
cours ça donne ça :
Epicurisme :
C'est une façon de penser fondée par un philosophe
grec, Epicure (IIIe siècle av. J.-C.)
Morale fondée sur la recherche du plaisir.
_attention il ne s'agit pas d'un excès ==> "pourceaux
d'Epicure"
_l'idéal de bonheur pour Epicure est de se contenter des
plaisirs naturels (dormir, manger, être avec ses amis) et
de fuir la douleur
Carpe diem :
_Traduction : Cueille le jour, profite de l'instant
présent.
_Expression inventée par : Horace
_Reprise par : Ronsard et bien d'autres
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Je ne suis pas de leur avis, mais je me garde d’ouvrir la
bouche et me contente de sourire timidement. Après
tout, si cela les rend heureuses, tant mieux. Elles ont de
la chance, mais comment font-elles pour être toujours
aussi optimistes ? Alexandra a habité au Venezuela
pendant deux ans et elle vient d’arriver cette année.
Elle ne voit plus ses amis de là-bas, mais on est en
novembre et elle en a déjà trouvé d’autres et malgré le
fait que ses anciens camarades lui manquent, elle sourit
tout le temps au collège et on ne l’entend pas souvent
se plaindre sur son sort. Chloé est la fille la plus
courageuse que je connaisse. Elle a vécu tellement
d’horreurs depuis qu’elle est petite. Son enfance l’a
endurcie, mais personne ne le remarque. Elle continue
de vivre avec une face cachée, ces événements l’ont
endurcie et elle est parfois insensible, mais son sourire
est à toute épreuve et sa joie de vivre est presque
contagieuse. Cependant, je ne parviens pas à les envier
ou à partager cette euphorie inutile. Je pense que c’est
gâcher de l’énergie pour rien que de lutter contre la
déprime et la lassitude.
Une semaine a passé. On est lundi soir, je vais me
coucher. En plein milieu de la nuit, je me réveille. J’ai
très, très mal au ventre. Ça ne peut pas être les règles,
je les ai eues il y a deux semaines. Je dois avoir eu une
indigestion, ça va passer. J’essaie de me rendormir.
Impossible. La douleur est de plus en plus forte, j’ai
l’estomac gonflé, je me roule en boule, la douleur est
toujours présente, je déplie mes jambes, elle
s’intensifie, je m’assieds, je hurle tellement j’ai mal. Quoi
que je fasse, je souffre, je transpire, haletante. J’essaie
de me lever, je ne peux pas, je parviens juste à rester
accroupie. Je vais en canard jusqu’à la cuisine, je me
relève doucement, mais je n’arrive pas à rester debout.
Je m’assieds sur une chaise, puis je me relève, pliée en
deux pour prendre un Doliprane dans le placard. Je
retourne me coucher, pliée en deux, sans avoir encore
réussi à me mettre debout. Deux heures plus tard, j’ai
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encore plus mal. Je marche à quatre pattes, en pleurs,
jusqu’à la chambre de mes parents. Mon père se réveille.
« Qu’est-ce qui t’arrive Margaux ?
_ Je ne sais pas, j’ai mal au ventre depuis trois heures.
J’ai pris un Doliprane il y a deux heures, mais ça n’a pas
du tout fait effet. »
Mon père se lève et appelle le médecin de nuit. Celui-ci
arrive une demi-heure plus tard. Il me donne un
médicament pour soulager la douleur, me conseille de
retourner me coucher et de faire une prise de sang
demain car il n’a pas réussi à identifier la maladie.
C’est mardi, matin. Je ne vais pas en cours à cause de
ma prise de sang. Enfin une bonne nouvelle ! Je n’ai plus
mal. L’après-midi je retourne en cours. Alexandra et
Chloé se précipitent sur moi et me demandent pourquoi
je n’étais pas là ce matin. Quelle originalité ! Avec mon
sourire timide habituel je leur raconte l’épisode du mal
de ventre de la veille, leur montre mon pansement au
bras en leur disant que je reviens de ma prise de sang.
« Tu n’as pas eu peur ? me demande Alexandra. Je
déteste le sang et les aiguilles !
_ Non, ça va. C’était amusant, c’est la première fois que
j’en fais une. »
Quelques jours plus tard, je reçois les résultats. Ils
ne savent toujours pas à quoi était dû mon mal de
ventre, mais ils ont détecté une leucémie. Ils ne sont pas
sûrs, mais je dois vite refaire une prise de sang pour voir
s’ils se sont trompés. Le lendemain je retourne faire une
deuxième prise de sang, un peu plus angoissée que la
première fois. Cette fois les résultats sont formels : je
suis atteinte d’une leucémie et ma mère prend tout de
suite un rendez-vous chez le médecin.
Tout ce que j’ai compris est que la maladie s’appelle
leucémie lymphoïde chronique, qu’elle est due à une
prolifération de lymphocytes je crois et qu’elle est
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incurable à ce jour. Apparemment elle est très rare
pour les personnes de mon âge, elle se manifeste
généralement chez les personnes âgées. On ne sait pas à
quoi elle est due, peut-être à un caractère génétique… Il
ne me reste plus que quarante mois à vivre environ. J’ai
fait le calcul, ça fait trois ans et quatre mois…
Je suis complètement désemparée. Non pas que je sois
triste, mais comment dire ? Je sais presque exactement
quand je vais mourir… C’est vraiment étrange. Je vais
enfin pouvoir découvrir tout ce qui se passe après, je
vais pouvoir vivre la mort, mais en un sens, c’est
horrible, car il ne me reste que trois ans et quatre mois
à vivre et je n’aurais sûrement pas un mois de plus pour
faire tout ce que j’ai à faire dans ce bas monde. Quand j’y
réfléchis, ça ne me sert plus à rien d’aller à l’école
puisque je n’aurai le temps ni de faire des études, ni de
commencer une carrière à moins d’être comme ces
surdoués qui passent le bac à treize ans.
On est vendredi. Ça fait une semaine que je ne vais plus
en cours. Je reste dans mon lit à ne rien faire, je ne
mange presque rien, je m’endors quand mes yeux se
ferment, je n’ai même plus la force d’aller chercher la
télécommande. Quand le téléphone sonne personne ne
répond car mes parents aussi sont assez déprimés et
mon ordinateur prend la poussière. Ma mère pleure tous
les soirs, je l’entends. Ca me fait du mal de lui causer
tant de peine, mais elle, elle a la force d’aller au
boulot. Dans la famille, c’est mon père qui est le plus
fort, il essaie de faire comme si de rien n’était et me
parle normalement même si je suis une épave ; cependant
il n’a pas le courage de me forcer à manger… Je ne me
lave plus et mes parents n’ont rien dit à ma petite sœur,
malheureusement elle n’est pas idiote et elle se doute
de quelque chose.
« Pourquoi tu es déjà à la maison ? Tu n’es pas allée à
l’école ? me demande-t-elle après être rentrée.
_ Si, si, mais j’ai fini tôt. »
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Voilà ce que je lui réponds tous les jours et elle
commence à se poser des questions. Je ne viens jamais à
table et quand elle demande pourquoi, maman lui dit que
je n’ai pas faim, ou que j’ai déjà mangé, ou que j’ai décidé
de faire un régime.
Le mercredi après-midi, pendant que je garde les yeux
ouverts dans mon lit en pensant continuellement à la
mort, quelqu’un sonne à la porte. Ma sœur est la seule à
réagir au bruit de la sonnette. Elle court vers la porte
d’entrée et s’empresse d’ouvrir. C’est Chloé, je
reconnais sa démarche et j’entends sa voix dans le
couloir. Elle frappe à la porte et n’attend pas que je
l’invite à entrer pour ouvrir.
« Margaux ! Ca n’a pas du tout l’air d’aller !
_ Pas vraiment…
_ Mais qu’est-ce qui se passe ? me demande-t-elle,
paniquée. Personne ne sait où tu es au collège ! On
s’inquiète tous pour toi ! Pourquoi tu ne réponds pas au
téléphone ? Ton portable est éteint et personne ne
pense jamais à décrocher le fixe ! »
Je lève les yeux, ils sont humides, je la regarde sans la
voir et je commence à articuler deux trois phrases qui
veulent plus ou moins dire « C’est compliqué ». Chloé
s’assoit sur mon lit à côté de moi et me demande de tout
lui raconter. Je continue à fixer l’endroit où elle était,
debout. Sans pleurer j’entame l’histoire, je lui raconte
tout en détails. Parfois ma voix se brise, alors elle me
demande de répéter. Une fois que j’ai fini elle marque un
TEMPS de pause puis décrète :
« D’accord. D’abord tu vas commencer par te laver. »
Je suis étonnée. Je m’attendais à une phrase
déprimante de l’ordre de « Pauvre Margaux, mais qu’est-
ce que tu vas devenir ? », mais je me rappelle que Chloé a
toujours su garder son sang-froid dans toutes les
situations. Elle m’aide à me lever puisque ça fait belle
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durette que je ne me suis pas servie de mes jambes. Elle
me laisse à la porte de la salle de bains et va dans la
cuisine. Elle connaît bien ma maison et sans réfléchir
ouvre le frigo, sort ce qui n’a pas dépassé sa date limite
de péremption et ouvre les placards. Il n’y a pas grand-
chose alors elle opte pour un encas pas très équilibré :
des frites surgelées, du saumon fumé, des Pringles au
paprika et un liégeois. Dès que je sors de la douche, je
me remets en pyjama et automatiquement je me rassieds
sur mon lit. Chloé m’apporte le tout sur un plateau.
« Tiens ! Il faut que tu manges et que tu reprennes des
forces. On se sent toujours mieux une fois qu’on a
mangé.
_ Je n’ai pas faim.
_ L’appétit vient en mangeant, insiste-t-elle. »
Je commence à entamer une des chips et un morceau de
saumon avec du pain qu’elle m’apporte, puis, comme elle
m’encourage et que je suis lancée, je continue à manger.
J’esquisse un sourire. Chloé est incapable de préparer
des repas sains et équilibrés. Elle sait tout cuisiner,
mais n’a jamais d’idée pour un repas. Elle n’a jamais rien
envie de manger en particulier, tout lui convient tant
que c’est comestible. C’est en me rendant compte qu’elle
s’est décarcassée pour moi que je commence à
comprendre ce qu’est l’amitié. Je me sens obligée de la
remercier.
« Merci beaucoup d’être passée me voir Chloé. Bonne
nuit, je vais me recoucher maintenant.
_ Oh non ! Tu ne vas pas dormir maintenant ! Il faut que
tu te recales et que tu recommences à vivre
normalement. C’est bon, tu as eu ton TEMPS de pause, tu
en avais besoin après un tel choc, maintenant il faut que
tu rebondisses et que tu ailles de l’avant, sinon autant
mourir tout de suite. »
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C’est dur ce qu’elle me dit, mais elle a totalement
raison. Après tout, si je m’enterre maintenant c’est
comme si je n’avais même pas trois ans à vivre.
Maintenant que j’ai mangé et que je me suis lavée, la
meilleure chose à faire, c’est de sortir non ?
C’est justement ce que me propose Chloé ensuite. Je
m’empresse de demander de l’argent à ma mère qui est
agréablement surprise de mon rétablissement. Ensuite,
j’enfile mes bottes, mon manteau, mon écharpe, mes
gants. Puis, Chloé me fait remarquer que je suis restée
en pyjama. On rit, puis je décide de rester comme ça,
après tout, je suis bien cachée sous mon manteau. C’est
la première fois que je ris depuis longtemps. Même avant
d’apprendre que j’étais leucémique je ne riais pas
beaucoup. Je sens que ça commence à aller un peu
mieux…
J’offre une glace à Chloé et j’en prends une aussi. On
crève de froid dehors. Ça n’a rien à voir avec la
température de mon lit. Chloé a pris son appareil photo
et me mitraille depuis un bon quart d’heure. Je me jette
sur elle pour lui reprendre l’appareil et j’appuie une
bonne dizaine de fois sur le bouton.
Chloé me propose de dormir chez elle ce soir.
J’accepte et passe à la maison chercher mes affaires et
demander à Maman si elle est d’accord. Je passe
quelques heures à rattraper tous les cours que j’ai
manqués, heureusement qu’il y avait les grèves ! Et dire
que demain je retourne à l’école… J’ai l’impression
d’avoir pris des vacances ; un peu glauques, mais des
vacances tout de même.
Les cours reprennent normalement et j’évite de
répondre quand on me demande pourquoi je n’étais pas
là. Je parle juste de ma mésaventure à Alexandra,
Manon et Roxane.
Je me suis rapprochée de Chloé. Nous nous appelons
plus souvent, bien que nous nous voyions toute la
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journée. L’année suivante, à la rentrée de 3ème, nous
nous retrouvons dans la même classe et Alexandra avec
Manon et Roxane ; toutes deux n’étaient pas dans notre
classe l’année dernière.
Chloé a remarqué que je me plaignais de moins en moins
de mon triste sort.
« Ca va mieux ? Tu arrives à oublier ? Me demande-t-elle.
_ Oui. De toute façon je suis contente d’en finir en
quelque sorte. La vie ne vaut pas la peine d’être vécue.
_ Tu n’as pas tant changé que ça en fait. Je pensais que
cette expérience te forcerait à te rendre compte que tu
dois profiter de chaque jour, comme si tu devais mourir
le lendemain. Tu n’as plus le TEMPS de gâcher ta vie. Tu
n’as plus que quelques années de vie et tu sais que tu
mourras soit à ce moment, soit avant. Tu n’auras pas plus
de TEMPS, tu n’as pas le droit à l’erreur. Ca n’a aucun
sens de s’arrêter complètement de vivre pour ça, mais tu
dois quand même changer de comportement et en tirer
des leçons. »
Pourquoi est-ce que Chloé a toujours raison ? C’est si
dur ce qu’elle me dit et pourtant c’est tout à fait juste.
Il faut peut-être que j’arrête de rester renfermée sur
moi-même et que je profite de mes 29 derniers mois.
En cours nous avons regardé « Le Cercle des Poètes
disparus ». Ce film m’a beaucoup plu.
En ce moment nous étudions les romantiques dont
Charles Baudelaire, nous avons dû réciter un de ses
poèmes : « L’Horloge ».
Je suis en première. Le TEMPS a passé et petit à petit,
j’ai appris à profiter de la vie. C’est mon dernier jour. Je
le sens. La phrase de Chloé est restée gravée dans ma
mémoire « Tu dois profiter de chaque jour, comme si tu
devais mourir le lendemain. » Nous sommes toujours
amies. Nous l’avons même été de plus en plus. Et c’est
elle qui m’a appris et aidée à m’accrocher à la vie et à m’y
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attacher. C’est grâce à elle, mais c’est grâce à moi aussi.
Je pense qu’en quelque sorte j’ai fait assez d’efforts
pour y arriver. Je suis à l’hôpital. Mes amis et ma famille
sont autour de moi. Mes parents ont eu un autre bébé.
C’est encore une fille. Il faut croire que mon père
n’envoie que des chromosomes X. Mes seuls regrets sont
de ne pas voir mes petites sœurs grandir et de ne pas
pouvoir fonder une famille à mon tour. Tout le monde
pleure autour de moi… Chloé également. Je ne dois pas
regretter. Après tout je suis heureuse d’avoir eu cette
maladie car si je ne l’avais pas eue, je n’aurais même pas
vécu trois ans… Je n’aurais pas pu réaliser à quel point
la vie est importante. C’est la leucémie qui m’a donné une
dernière chance de vivre, même si ça n’a pas duré
longtemps… Au mois je meurs heureuse. Tout le monde me
dit adieu… Je leur réponds puis, je ferme les yeux.
Soukaïna Trouiller
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CONFESSION : AU DELA, MES YEUX LE VOIENT.
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Chère Mélanie,
Je t’en parle car je sais que, toi, tu me crois. Tu sais j’ai toujours
dit qu’avoir le pouvoir de medium ne me ferait pas peur si je le
possédais, que nous avons tous une conscience, un esprit et que les
« fantômes », comme on le dit si sombrement ne sont que la couche la
plus fine existentielle en chacun de nous représentative de l’après-mort :
le coup astral et que le cycle, le cercle vicieux, de la Vie est universel,
que tout être est amené un jour ou l’autre à quitter son corps physique,
ce que l’on appelle communément la mort pour enfin renaître par la
suite et ainsi éternellement. Renaître de ses cendres pour redevenir
poussière. Malgré cela, j’ai peur de ce sens que je suis contrainte de
préserver dans ce monde de matérialistes, car, bien que j’accepte ma
nouvelle identité, je sais que bien des gens me prendraient pour une folle
dingue s’ils savaient ce que mes yeux voient.
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pour un malade. Dans ce cas, je prie pour que l’on écoute la voix des
« Fous ».Après tout, la folie n’est qu’un chemin oublié…
Je t’embrasse très
fort
Angélica Tisseyre
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Le désert de la fin
Les bruits de la machine enregistrant les battements cardiaques
retentissaient maintenant depuis bien longtemps. Tous ces “bips”
insupportables qui se répétaient à longueur de journées commencèrent à
m’agacer. Mais comment les faire arrêter? Suffisait-il de les éteindre ou bien
d’appuyer sur un bouton pour que tout explose comme on le voit dans ces
fameux films? Je ne savais absolument pas; je me décidai donc à me lever et à
résoudre le problème moi-même, tout seul comme un vrai héros. Cependant
il me fut impossible de me lever, je n’arrivais même pas { bouger un seul
membre du corps. Tout d’un coup, je fus pris d’une immense panique. J’avais
l’impression d’être paralysé ou encore d’être dans le coma! L’esprit me revint
alors, je me rappelais tous les petits détails de mon accident ; en effet, j’étais
dans le coma.
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malheureusement ou plutôt trop tard, mais elle l’a fait! Il me fallut une
semaine au moins pour me remettre de cette nouvelle. Mais ce qui m’a le
plus touché c’était de voir Mary le visage rouge, quand je lui ai raconté ce qui
m’était arrivé. Effectivement Mary avait pleuré des jours et des nuits, elle me
faisait de la peine et tout ça parce que je ne l’avais pas écoutée!
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- “J’ai trouvé, j’ai trouvé!”, répétait-elle.
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Une fois sortis de l’aéroport nous nous dirigeâmes vers l’hôtel le plus
proche et louâmes une chambre pour la nuit. On avait prévu de partir tôt le
lendemain pour avoir le temps de voir le druide pour qu’il nous en dise plus
sur cette herbe. Nous passâmes une nuit fabuleuse et on nous servit un petit-
déjeuner royal à la marocaine. Nous partîmes de bonne heure pour aller à la
rencontre de Mohammed. Ce druide était célèbre dans cette région et des
passants nous indiquèrent où nous pouvions le rejoindre. Le druide habitait
dans la “Kasbah” de cette ville qui était connue pour être un labyrinthe pour
des personnes, majoritairement des touristes, qui ne les connaissaient pas
comme nous. Nous payâmes donc un guide, Moustafa, pour qu’il nous amène
vers ce druide. Néanmoins Moustafa, arabe bien sûr, nous prenait pour des
touristes et voulait obtenir plus d’argent de notre part. Je refusai car on s’était
entendu sur le prix initial. Sur ces mots, Moustafa s’enfuit et nous laissa,
Mary et moi, au milieu de cette “Kasbah” où des centaines de petites ruelles
se croisaient sans vraiment savoir où elles allaient se terminer. Nous
pouvions bien dire qu’on était perdu. J’essayais tout de même de m’orienter
mais la seule chose qui attira mon regard fut ces maisons ou plutôt petites
baraques carrées peintes tout en bleu ciel qui étaient attachées les unes aux
autres, et devant lesquelles jouaient les enfants du quartier. Il me fut
impossible de comprendre comment les garçons arrivaient à jouer au football
dans un espace aussi étroit. Les murs opposés étaient séparés de deux mètres
peut-être, la place de circuler. On entendit des bébés pleurer, des femmes
crier d’une maison { l’autre et des enfants rigoler. Parmi toute cette foule
quelqu’un devait bien connaître ce druide. Mais le problème était qu’ils ne
comprenaient pas la langue française. Je fus donc obligé de sortir mon talent
artistique du langage de signes en faisant pleins de gestes simples. Depuis
mon enfance j’étais douée pour ces choses-là. Un petit garçon comprit alors
ce que je voulais exprimer et me fit signe pour m’encourager { le suivre. Mary
et moi suivîmes donc cette belle et petite compagnie et arrivâmes à une
petite cabane. Je compris alors que le garçon nous avait emmenés chez
Mohammed. Pour le remercier je lui donnai un billet et le petit garçon s’en
alla avec ses copains tout contents d’avoir de l’argent. Le druide qui était sorti
de sa cabane nous souhaita la bienvenue. J’étais émerveillée de la gentillesse
de certains marocains qui, sans vous connaître, vous offre un chaleureux
accueil. Après lui avoir raconté toute mon histoire, la panique et la peur que
nous avions, Mohammed prit la parole:
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- “Je comprends tout { fait vos sentiments et votre attitude. Ce n’est pas
la première fois que des personnes étrangères comme vous viennent jusqu’ici
pour me voir. Donc ce qu’il faut faire est tout d’abord de prendre un long
chemin à travers le désert pour arriver à un tout petit village où vous
demanderez { Abdoullah, un fidèle ami { moi, de vous indiquer l’endroit où
se trouve cette herbe. Vous irez donc la chercher au bord d’une oasis, c’est l{
où l’on la trouve, et vous, Monsieur, mangez donc une viande accompagnée
de l’épice, “le chavouaiha” qui est fabriquée { partir de cette herbe. Mais
rappelez-vous -, il faut surtout que cette viande provienne d’un animal
albinos et aussi vous devez être sain, sans compter votre maladie du cancer.
Et sachez également que c’est seulement cette épice qui peut guérir votre
cancer. Mais Abdoullah vous précisera cela et vous décrira sa forme et
couleur. Elle est facilement reconnaissable mais très rare. Mes amis, je vous
souhaite une bonne route et une rapide guérison pour vous Monsieur.”
Après une courte discussion sur l’itinéraire qu’il fallait prendre, nous le
remerciâmes pour sa disponibilité et son amitié pour nous. Nous
empruntâmes donc deux dromadaires pour entamer notre long et épuisant
voyage pour arriver au petit village d’Abdoullah dont Mohammed nous avait
parlé. Pour cela, il fallait passer par les dunes et les vents chauds du désert. A
vrai dire, nous étions superbement équipés et, en moins de trois semaines,
nous arrivâmes au village. On demanda { voir Abdoullah, l’ami de
Mohammed. Mais les villageois ne comprenaient pas ce qu’on leur disait {
part un paysan, parlant le français, qui se présenta comme Abdoullah, ami du
druide. Il nous expliqua où trouver cette herbe et nous la décrivit
brièvement. “ Le chavouaiha” était, de couleur turquoise. C’était un tout petit
buisson épineux. Mais qui se doutait que cet Abdoullah était celui qu’on
cherchait. Et bien personne! Mary et moi partîmes confiants vers l’oasis
derrière la colline comme l’avait dit Abdoullah. Ce n’était pas très loin du
village, une heure plus tard l’oasis était déj{ en vue. Nous nous précipitâmes
vers l’oasis et reconnûmes tout de suite l’herbe telle qu’Abdoullah nous
l’avait décrite. Mais je voyais de nombreuses autres herbes. Or je ne
m’occupais pas de celles-ci car il fallait se dépêcher pour quitter cet endroit
envahi de moustiques. J’arrachais vite un minuscule buisson d’herbe de
“chavouaiha” et m’enfuis avec Mary de cette oasis. Mais c’était trop tard, un
moustique s’était accroché { mes cheveux et m’avait piqué derrière l’oreille
sans que je le remarque. Dès que nous fûmes arrivés au village, je commandai
28
de la viande extraite d’un animal albinos et préparai l’herbe pour en faire
l’épice. “Le chavouaiha” fut rajouté { la viande et le repas fut mélangé, c’était
donc prêt et sans hésiter je me mis à manger. La nourriture était délicieuse,
rarement ai-je vu quelque chose d’aussi bon ! Mary et moi crûmes enfin que
c’était fini, que je n’avais plus besoin de m’inquiéter au sujet de ce cancer,
mais nous nous trompâmes. Pendant ma digestion, je fus pris d’un mal de
tête affaiblissant tout mon corps, j’étais si faible que je m’évanouis. On appela
d’urgence l’hôpital le plus proche qui envoya un hélicoptère. Pendant que
Mary racontait toute l’histoire aux médecins, un villageois qui était médecin
également vint m’examiner. On lui révéla mon histoire depuis le début et {
ces mots là, le médecin pria pour que je revienne vivre sur terre.
Je compris alors que je n’avais pas pris la bonne herbe pour guérir mais
ce n’était pas { cause de ceci que j’étais dans le coma maintenant. Plus tard {
l’hôpital les médecins découvrirent ma piqûre de moustique. A ce moment,
l’avertissement de Mohammed me revint dans la tête : “et aussi vous devez
être sain”. En effet je n’étais pas sain, j’étais atteint du paludisme et d’après ce
qu’on dit, on n’a pas le droit de manger de la viande d’albinos lorsqu’on est
malade. Pour cette raison, cela fait maintenant 20 ans que je suis dans le
coma. Tout ce voyage en Afrique m’a mené vers “ le désert de la fin” de ma
vie. Ce qui arriva à Mary je ne saurais le dire, mais je lui souhaite un époux
qui veillera bien sur elle et lui apportera le bonheur que je n’ai pas pu lui
donner car j’étais trop occupé { fumer pour en finir avec mon histoire.
Rica Pinto
29
En fait, c'était la fin
Il paraît qu'il est mort sur coup ! Il roulait au moins à deux cents à
l'heure !
Je compris alors que ce cauchemar était en fait mon chemin vers la
mort...
Antoine Ferreira
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Fausses mémoires.
- Je ne vais pas rester les bras croisés! Et puis c’est lâche de ne pas leur
faire face. Je ne suis pas un animal pour me sauver comme ça.
Elle l’embrassa pour lui dire adieu. Enfin, pour lui dire au revoir. Puis
elle s’éclipsa, en laissant un Dawid désorienté et inquiet, et courut vers sa
« baraque », située { cinq minutes. Elle ouvrit la porte de sa baraque d‘un
geste bruyant et maladroit (après tout il fallait se dépêcher, il était presque
22h, l’heure du couvre-feu !). Je dis « sa » baraque, mais dans le 8m² où elle
vivait s’entassaient 10 personnes. Elle ouvrit donc la porte et vit un couple nu
sur le seul lit de la pièce. A côté d’eux, une femme contait des histoires à ses
enfants, serrés entre leur mère et un vieillard qui essayait de s’endormir
malgré le bruit. Rachel allait se racler la gorge, pour que les deux amants
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arrêtent d’offrir un tel spectacle aux enfants, mais après tout, pourquoi? Ils
ont une mère, et puis faire l’amour, c’est le seul loisir, le seul divertissement
et le seul lien qui lie deux personnes dans ce ghetto sinistre, froid et morbide.
Elle attrapa son sac, y enferma quelques habits, et sans dire un mot, elle
sortit de la chambre, si toutefois on pouvait appeler cela une chambre. Elle
courut jusqu’{ la rue Muranowska, près de l’Umschlagplatz, et y emprunta
une petite ruelle. Cette petite ruelle, elle l’avait repérée il y a longtemps. Elle
approcha doucement, regarda autour d’elle pour vérifier que personne
n’approchait, leva la plaque d’égouts, y entra et la referma de l’intérieur. Tout
en descendant de l’échelle, elle tenait dans sa main un plan de Varsovie ainsi
que celui de ses canalisations, qu’elle avait volé { un ouvrier, qui de toute
façon allait être emmené { l’Umschlagplatz. Autant profiter des biens d’un
homme déj{ condamné { mort! Dans l‘autre main, elle empoignait une
lampe-torche. Munie de ses plans, ainsi que d’un revolver offert par Dawid
(au cas où un soldat apparaîtrait), elle emprunta les égouts de la rue Stawki.
Tout en marchant, elle éclairait le passage pour suivre le bon chemin. Mais
elle n’était pas très concentrée sur ses propres gestes. Dans sa tête, elle
revoyait Dawid, son Dawid. Elle le connait depuis qu’elle a 5 ans, elle est avec
lui depuis ses 14 ans, et elle l’aime depuis...Justement, depuis quand? Même
en y réfléchissant bien, elle ne savait déterminer l’âge de son amour pour lui.
En tout cas, cela fait bien 8 ans qu’elle est avec lui. Elle repensa { tous les
doutes qu’elle avait eus, { ce qu’il lui disait quand elle était petite…A l’école
primaire, quand un garçon venait l’embêter, Dawid se battait avec lui jusqu’{
ce qu’il demande pardon { Rachel ; au collège, quand un prof s’énervait
contre elle, il la défendait toujours et au lycée, quand un jeunot lui brisait le
cœur, il la réconfortait toujours. Bref, Dawid a toujours été l{ pour elle, il la
soutenait toujours quand elle avait besoin de réconfort. Mais maintenant,
elle devait se débrouiller toute seule car il n’était pas l{. Dans sa mémoire,
elle avait l’image d’un Dawid heureux, toujours souriant et c’était l’image
d’un Dawid qu’elle aimait. Perdue dans ses pensées et dans sa mémoire, elle
avançait doucement vers un monde meilleur, où elle ne s’inquiéterait plus de
ne pas le voir pendant cinq minutes, où elle n’aurait pas peur qu’il soit tué,
où elle pourrait lui montrer son amour tous les jours, et où ils pourraient
vivre heureux, car elle savait que Dawid l’aimait au moins autant qu’elle
l’aimait, elle. Elle avançait doucement mais d’un pas sûr, quand soudain, son
pied heurta quelque chose, et elle se retrouva à terre. Elle se releva, prit sa
lampe-torche et jeta la lumière de sa lampe sur ce qui l’a fait tomber. C’est l{
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qu’elle vit un corps gisant. Etouffant un cri de surprise et de peur, elle se
rapprocha du visage du blessé pour s‘assurer que ce n‘était personne qu‘elle
connaissait. C’est l{ qu’elle vit que ce visage lui était malheureusement bien
familier : c’était celui de Dawid. Ses yeux verts et sa bouche étaient grands
ouverts, et elle vit du sang sur son front. Elle poussa un cri d’angoisse quand
elle vit une balle dans sa tête, d’où coulait du sang encore frais. Elle toucha sa
main qui était glacée, et un frisson parcourut tout son corps. Il était bel et
bien mort. Elle resta quelques minutes à le contempler, des minutes qui lui
paraissaient être des heures entières, à pleurer au-dessus de son corps
refroidi, au-dessus de son cadavre. Tout en sanglotant, elle se releva et prit de
l’appui sur le mur. Elle avait perdu l’être le plus cher { ses yeux, le dernier qui
lui restait, car la Gestapo lui avait enlevé ses parents. Un sentiment
d’impuissance et de désespoir la prit, quand une main se posa sur son épaule.
Elle se retourna, persuadée que c’était la main de l’assassin de son ami qui
l’agrippait, probablement celle d’un soldat nazi.
« Combien de fois t’ai-je dit de ne pas toucher aux jouets de ton frère? Un
jour tu ne t‘en rendras même pas compte, et tu feras une bêtise !»
Rachel n’a jamais vécu sous l’occupation nazie, elle n’a pas non plus de petit
ami qui s’appelle Dawid. Nous sommes en 2009, Rachel a bien 22 ans, et elle
est atteinte d’une schizophrénie mentale.
Catherine Domagala
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La fin du monde
C’est la fin…
Timo Siebert
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La fin du rêve de l’illusionniste
« Alors les enfants, vous êtes prêts à découvrir votre note de contrôle ? »
« Bon, ben commençons, Meilleure note 20,5 pire 2,5 moyenne 13,8.
David 2,5 ; vous avez fait des progrès mon cher, félicitation ».
« Vous avez dépassé les limites Mr. L’Ombre, vous êtes inutile ! Vous ne
pensez qu’{ votre musique insupportable où l’on voit des hommes en train de
tourner la tête comme des fous enragés ! Je veux voir vos parents
immédiatement ce soir. Je ne peux plus vous supporter et maintenant rangez
vos affaires, si vous les avez, et disparaissez hors de ma vue ! »
« Et si vous revenez avec vos chaînes en ferraille, je vous les fais détruire
avec votre copie déplorable.»
Dans les couloirs, son MP4 dans les oreilles à pleine puissance, David est
un étudiant de 16 ans en classe L et de loin, on peut voir ses longs cheveux
blonds et gras qui contrastent avec la longue tenue noire et délavée qui racle le
sol comme une robe de mariée traînant derrière lui une cacophonie de bruits de
métal. David parait grand avec ses chaussures qui lui assurent une hauteur
confortable mais lorsqu’il retire ses bottes { talon de sept centimètres, on
remarque sa petite taille de 1m80. Marchant le long du couloir en direction de
40
l’extérieur, il entendit la seule voix qu’il réussit { reconnaître et qui lui remonta
le moral : La douce voix de sa petite amie, Jade.
« Je me suis encore fait virer du cours de maths ; pour moi les maths c’est
fini et je ne vais plus en cours. »
«Comment peux-tu ne pas aller en cours de math quand tu n’y vas déj{
presque jamais ?»
« Euh…oui… bien sûr … je veux te voir avec la tunique que je t’ai achetée.»
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Lorsque Jade prononça ces paroles, le visage de David s’illumina et ses
yeux étaient pleins d’admiration.
Puis David se rapprocha d’elle et l’embrassa avec amour puis ils s’en
allèrent vers la cité, enrobés de nuages toxiques.
Le reste de la semaine fut atroce pour David qui attendait avec impatience
le concert du Lundi ; il avait reçu en une semaine des nouvelles plus mauvaises
les unes que les autres: un -7 en anglais jusqu’{ un 8 en EPS. Il avait aussi connu
la mort de son meilleur ami dans un accident mortel sur scooter avec un bus, et
pour terminer, l’arrivée de son bulletin fut la cause de la plus grande dispute
imaginable où ses parents l’avaient insulté jusqu’au moment où il rangea ses
affaires et s’enfuit de la maison comme un adolescent victime de la furie d’un
père sévère et de l’ignorance d’une mère naïve. Perdu, il alla chez Jade pour la
dernière nuit avant le concert.
«Le soleil se lève sur toi, mon amour.», déclara Jade en lui tendant une
bière.
«Habille toi vite, on doit aller au concert ». David comprit les ordres et
mit sa tenue de concert qui consistait en un T-shirt noir avec l’emblème du
groupe, un manteau extrêmement long et un pantalon de velours noir clouté.
A leur arrivée, Jade conduisit David dans un bar souterrain appelé «la
Rêverie». Là, une simple lumière ténébreuse éclairait la pièce équipée de
nombreux fauteuils et sofas en cuir noir qui étaient occupés par des fans de
Megadeath, l’artiste. Lorsqu’ils prirent connaissance des lieux et de l’hôte, Jade
prit la parole:
A ces paroles, David prit la direction du bar et découvrit que pour les fans
de Megadeath, c’était gratuit et donc, rempli d’extase, il rejoignit sa séraphine
qui l’attendait sur un sofa dans un coin du bar.
42
Le concert allait commencer, la salle était remplie de personnes de toutes
les générations en train de chanter les hymnes les plus connus de Megadeath.
David était proche de la scène et se sentit honoré d’être si près de la scène mais
il n’avait pas le temps de réfléchir sur son statut privilégié car les artistes
montaient sur scène. Des cris de joies éclatèrent dans toute la salle et des
rugissements de gloire pouvaient être entendus. Sans attendre, Megadeath
commença son concert que le public attendait depuis plusieurs années.
Puis il lui sembla entendre d’autres bruits, au-del{ de l’eau qui cascadait.
Des bruits qui ressemblaient à des voix, au roulement rythmique mais étouffé
d’un tambour. Leur source était soit dans sa tête, soit en aval du torrent. Il entra
dans l’eau et suivit son cours, ses bottes faisant crisser les cailloux polis par un
flux incessant. Sur son passage, les clapotis provoquèrent la fuite de minuscules
créatures dans la végétation qui festonnait la berge. Une brise agréablement
tiède lui caressait le visage. L’air frais et pur lui faisait presque tourner la tête. Il
atteignit l’endroit où le torrent décrivait une courbe ; alors qu’il la franchissait,
les voix se firent plus fortes et plus distinctes.
Ils étaient devant l’entrée d’une petite vallée. Le cours d’eau serpentait
entre des tentes de bois circulaires. Un long pavillon rectangulaire s’étendait sur
un côté, orné d’emblèmes de groupes que David ne put identifier. Des trophées
de guerre étaient également suspendus aux cloisons : épées larges, lances, crânes
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blanchis de loups à dents de sabre. Une odeur de bois fumé et de gibier rôti
planait dans l’air. Autour des chevaux attachés, le bétail et la volaille erraient
librement. Et les hommes fourmillaient.
Une femme avança vers lui. Sa démarche trahissant son assurance, elle ne
fit pas un geste pour saisir l’épée qui lui battait la hanche. Le jeune homme
estima qu’elle mesurait une tête de moins que lui, même si sa coiffe de plumes
écarlates striées d’or compensait leur différence de taille. Se tenant très droite,
elle avait une silhouette très belle. Elle ne manifesta aucun étonnement en le
voyant. Son expression était presque passive… pour autant qu’un visage pareil
puisse avoir une expression passive. En s’approchant de lui, elle eut un sourire
franc et chaleureux.
-Enchantée ! Lança-t-elle.
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- Pourquoi, ça devrait ? Nos civilisations sont-elles en conflit ?
-Je ne sais pas de quoi vous parlez, mais je suis certain qu’il n’y en a pas.
-Vous voulez dire que vous n’avez vu pas des centaines de personnes
drapées de noir ?
-Je veux dire que je ne comprends rien à ce que vous racontez. Vous êtes
bizarre.
-Et vous, vous parlez par énigmes. Dans quelle région de la Terre
sommes-nous ?
-Il ne s’appelle pas Terre ! Au moins pas ici, et je n’ai jamais connu un
homme convaincu que des… gens comme vous vivent dans ces terres.
-Venez.
Lewis Lockwood
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La Grotte du Dragon
Moi, de mémoire, je crois que j’avais onze ans quand ça c’est passé,
cette histoire qui m’a tenu éveillé pendant longtemps. Mais je ne me
souviens plus de tout. A cet âge-l{, j’étais un petit gamin souvent
désœuvré, qui traînait dans le quartier et passait son temps { fouiner
partout. Ce doit être pour cela que c’est moi qui ai découvert cette histoire
délirante.
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qui avaient couru au fil des siècles sur cet endroit terrifiant me revinrent
en mémoire.
Au fond d’une toute petite ouverture dans les roches noires, une
dizaine de mètres au-dessus de l’endroit où éclataient les vagues, brillait
une lueur diffuse et pas très rassurante. Pour ne pas me faire repérer, au
cas où il y aurait eu quelqu’un dans la grotte, j’ai éteint ma lampe. Et je
suis entré. Mais après avoir cherché longtemps, je me suis rendu compte
que ce tunnel ne me mènerait nulle part. Ce que je ne comprenais pas,
c’est d’où venait la lumière.
Je ne sais pas trop comment raconter ce que j’ai vu, parce que, en
fait, c’était assez indescriptible. D’ailleurs, jusqu’{ maintenant, je l’ai
toujours gardé pour moi. De toute façon, personne ne me croira jamais.
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Mais c’est mieux comme cela, personne n’ira jamais gâcher ce projet
incroyable.
Emilie TAROUILLY
48
L’Illusion de l’Aventure
C’est la veille du grand voyage. Je vais prendre le train pour la première
fois seule demain pour rendre visite à Mamie en Suisse. Mes parents m’ont
autorisée { partir avec mon chien de compagnie, Tom. Depuis qu’on a pris les
billets, je suis très anxieuse et je m’imagine toutes sortes de choses terribles. Et
si des terroristes attaquent le train ? Et si le train déraille ? Et si quelqu’un y
dépose une bombe ? « Et si, et si, et si », je pense toujours aux plus grandes
catastrophes.
Le jour J est arrivé. Une fois à la gare, mes parents tentent de me rassurer
en m’informant que le voyage ne durera pas longtemps, puis, ils me disent au
revoir. Pourtant, je reste paniquée par l’idée de devoir me débrouiller. Je me
déplace dans l’immense endroit en espérant trouver le train que je dois prendre.
Soudain, je regarde l’heure et je vois qu’il part dans peu de temps. Pressée, je
cours désespérément sur les différents quais en espérant apercevoir mon train.
Le temps passe de plus en plus vite et je crois l’avoir vu. Je cours dans sa
direction et j’y entre. C’est au moment où l’hôtesse informe les voyageurs sur la
destination et l’horaire d’arrivée du voyage que je me rends compte que je me
suis trompée de train : celui-ci part pour l’Espagne. Tout d’un coup, je m’agite et
je tente de demander de l’aide aux hôtesses mais c’est trop tard : le train
démarre ! Ma situation ne peut pas être pire.
Une fois arrivée à destination, je récupère Tom et mon bagage. Je sors de
la gare et je me retrouve dans le Désert des Bardenas. Je décide de marcher avec
Tom afin de me familiariser avec l’endroit. Le soleil brille au-dessus des dunes
de sable. C’est magnifique. Je suis fatiguée, j’ai soif et j’ai faim. Tout d’un coup,
j’aperçois un très grand homme. Quelque peu effrayant, l’homme arrive vêtu
d’une longue robe noire sur un grand chameau. Je profite de l’occasion pour lui
demander des indications. Il ne comprend pas ce que je dis mais il m’indique
d’un geste de le suivre. Bizarrement, je suis rassurée. Je prends confiance en cet
homme du désert et me laisse guider. Après cette longue marche fatigante, je
me retrouve avec Tom, en face d’une dizaine d’hommes. Très musclés, ils
m’impressionnent. C’est { ce moment-l{ que j’ai commencé { imaginer le pire.
Et si l’homme était le chef d’une méchante tribu ? Et s’il se servait de moi et de
Tom comme des esclaves ? Soudain, Tom a commencé à aboyer. Gênée, je tentai
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de le faire taire. Aussitôt, deux hommes se jetèrent sur chacun de nous. Je
compris que ces hommes nous voulaient du mal. Ils nous attachèrent à des
rochers { l’aide de cordages. Après nous avoir capturés, chaque homme rejoignit
sa tente.
Le jour se leva. Calmement, je vis partir les hommes sur leur chameau. Ils
devaient sûrement aller au marché des animaux. Quand ils disparurent,
j’aperçus une jeune fille, d’environ quinze ans. Elle sortait de la tente du chef:
celle-ci devait être sa fille. Je lui demandai de venir. Aussitôt, elle s’approcha de
moi. Nous ne parlions pas la même langue, alors nous nous exprimâmes { l’aide
de nos mains. La fille du chef comprit quand je lui demandai de me délivrer et
elle le fit. Ensuite, craignant que la tribu ne revienne, elle me fit comprendre
qu’elle devait me quitter. Je la remerciai de tout mon cœur et m’en allai en
courant.
Soudain, Tom aboya, ce qui me réveilla. Tout ce qui venait de se passer
était un rêve ; une ILLUSION ! Je m’étais en fait endormie sur le quai de la gare.
Affolée, je me déplaçai et je cherchai de l’aide. Je rencontrai une famille
française et je lui expliquai ma situation. Aussitôt, les parents de cette famille
comprirent et acceptèrent de payer mon ticket ainsi que celui de Tom. Réjouie,
je les remerciai mille fois et m’assis { leurs côtés durant tout le voyage. Arrivée
en France, j’utilisai leur téléphone pour appeler mes parents. Maman vint me
chercher { la gare. Je lui donnai un câlin et n’osai même pas lui dire ce qui
m’était arrivé. Cette nuit-l{, j’étais très heureuse de savoir que cette aventure
n’avait été qu’une ILLUSION.
Maya Lang
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Illusion d’une présence
passagère…
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Kim a toujours été une adolescente malheureuse. Vous me direz : comme
tous les adolescents. Sauf que Kim n’était pas comme les autres. Sa vie n’avait
aucun sens pour elle .D’ailleurs, elle se répétait chaque nuit, quand elle n’arrivait
pas à trouver le sommeil : « Pourquoi trouver un sens à donner à la vie ? ». Sa vie,
pour elle, n’était qu’une illusion. Un mauvais rêve. Elle ne se réveillerait que
quand la mort viendrait la chercher. Mais Kim avait beau attendre, la mort ne
venait toujours pas. C’est alors que ses envies de suicide sont venues la hanter.
C’est à partir de ce mal-être qu’elle a commencé à fumer comme une cheminée, en
espérant que le cancer l’atteindrait. Qu’elle a commencé à se droguer, histoire
d’accélérer le processus et d’oublier, pendant le moment d’overdose, à quel point
c’est douloureux d’avoir la « chance » de respirer, d’avoir ce cœur qui bat à
l’intérieur de nous. Qu’elle a commencé à s’approcher trop dangereusement du
quai, quand un train traversait. Qu’elle a commencé à ne plus regarder la route,
quand les voitures passaient à toute vitesse…
Pourtant Kim avait plein d’amis. Chaque jour que Dieu faisait, Kim riait à
s’en tordre le ventre, elle souriait, elle dansait au rythme de la musique…
C’est dommage, Kim était une fille très jolie : grande, mince, brune aux
yeux verts, et très intelligente. D’ailleurs beaucoup de garçons avaient le béguin
pour elle. Mais Kim ne les remarquait même pas. Elle s’était réfugiée dans une
bulle : son monde ; et elle ne laissait personne y entrer, et elle ne voulait plus en
sortir. Sa vie était finie. A seulement 16 ans. Chaque soir, chaque nuit, chaque week-
end, c’était toujours la même chose : elle s’enfermait dans sa chambre, mettait sa
musique très fort afin que ses parents ne puissent pas l’entendre pleurer. Elle y
restait pendant des heures et Dieu sait ce qu’elle faisait. Ce qui est sûr, c’est que
sa mère, quand elle passait dans la chambre de sa fille, s’étonnait toujours
quand elle remarquait des tâches de sang le long de ses draps…c’était presque
harmonieux…
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Oui, Kim était dépressive…en secret.
Comme chaque matin, Kim sortit de chez elle de bonne heure. Pour elle,
chaque jour était un combat, un coup qu’elle devait supporter. Ce matin-là, elle
était vêtue d’un pantalon noir et d’un pull rouge. Elle marchait dans la rue, le
baladeur en main et sa musique résonnant dans ses oreilles, à un volume
inquiétant. La routine…
Puis elle le vit, là, droit devant elle. Il se tenait là, comme s’il l’avait
toujours attendue. Il était beau comme un Dieu, si fort, si réconfortant, si
protecteur. Il lui tendait la main. Il voulait qu’il la rejoigne, la sortir se son
désespoir, lui sécher les larmes, la prendre dans ses bras en la serrant pour que
cette douleur disparaisse ; soigner ses poignets ensanglantés. Il l’aimait comme
personne, Kim aussi. La raison. Sa raison.
Elle arriva en retard à son premier cours, ne pouvant résister à une troisième
cigarette. Son professeur la gronda, l’humilia, la rabaissa. C’était le début de son
combat quotidien. A la fin du cours, Abbi, son amie la plus proche, l’accueillit à
bras ouverts. Kim ne résista pas. Puis elle laissa place à la superficialité
incarnée : rires stupides, gloussements inutiles, tendresse exagérée…ce jeu auquel
se livrent tous les adolescents : l’hypocrisie.
Le soir, sa maison était comme une délivrance. Cette journée a été dure. Elle
s’enferma dans sa chambre et augmenta le volume de sa musique…Elle
s’endormit tôt, bercée par les larmes coulant infiniment sur ses joues, déjà
trempées. Puis elle le vit, sa raison, sa lumière. Il était parfait. Elle prit la main
qu’il tendait et enroula ses bras autour de sa nuque. Il la serra tendrement et
posa ses lèvres sur sa gorge, doucement. Elle ne fit que resserrer son étreinte et
huma son odeur exquise. Elle n’avait plus mal : pour elle il n’y avait jamais eu
de douleur puisqu’il était là, lui, son amour.
Cette matinée-là, Kim s’est fait inviter par trois garçons. Elle n’a même pas
retenu leurs noms. A la cafétéria, Abbi avait réservé une place à côté d’elle, vide.
Kim, pendant ce temps, s’était réfugiée dans les toilettes, la douleur ayant
repris le contrôle sur elle. Elle se tortilla, se tint la poitrine, les côtes, se roula
en boule, se recroquevilla, mordit sa veste. Non…la souffrance était là, comme
un démon la possédant. Elle avait beau crier, pleurer, se faire souffrir,…Non…la
blessure était toujours aussi à vif.
Puis la porte s’ouvrit. Il la prit par la taille et l’amena vers son torse, la
consolant. Kim s’accrochait à lui comme si elle allait tomber. Il sécha ses
larmes du bout des lèvres. Il caressa ses cheveux, la rassura… Kim se laissait
porter, elle croyait à toutes ces promesses. Ses lèvres descendirent jusqu’à
atteindre les siennes. Elle fourragea ses doigts dans ses cheveux.
Le soir, sa maison était comme une délivrance. Cette journée a été dure. Elle
s’enferma dans sa chambre et augmenta le volume de sa musique…
Elle s’endormit tôt, bercée par les larmes coulant infiniment sur ses joues,
déjà trempées.
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Puis elle le vit. Encore. La beauté incarnée. Kim sentit enfin son cœur battre
la chamade, ses lèvres étaient capables d’un vrai sourire. Son corps gelé se
réchauffait, finalement. Il prit son si joli visage entre ses paumes et l’embrassa
sur le front. Elle se colla à lui. Kim se sentait enfin…en vie. Elle avait un sens :
lui. Une raison : lui. Un but : lui. Du bonheur : lui. De l’amour : lui.
Ce qui est sûr c’est que sa mère, quand elle entra dans la chambre de sa
fille pour la réveiller, vue l’heure tardive qu’il était déjà, fut horrifiée lorsqu’elle
découvrit le cadavre de Kim, pendu en haut de son lit, avec ses draps, si
harmonieusement tâchés de sang.
Elle mit donc fin à ses jours. La mort est finalement venue la chercher…
Mélanie Vanier
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L’illusion incroyable
Quelques jours plus tard lorsque Danièle est au parc, elle reçoit un
coup sur la tête puis s’évanouit….
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Après être restée environ une semaine dans cette chambre, Danièle
avait beaucoup appris sur Quentin : Hélène lui faisait croire que c'était elle
sa vraie mère ! Quentin l'aime comme telle et ne veut vraiment pas croire
ce que dit Danièle.
James Denman
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ILLUSIONS SUCCESSIVES
Jean-Louis avait 36 ans. Il nageait dans le bonheur. En effet, pour lui – mais il ne
s’en rendait pas compte -, bonheur était un synonyme assez précis de bonheur.
De ce côté, il était servi. Son enfance, puis sa jeunesse, dans un milieu aisé et un
pavillon de banlieue huppé, l’avait placé sur la bonne voie. Il avait une assez haute idée
de lui, son entourage aussi. Jean-Louis était plutôt beau, avait une femme magnifique
et aimante, un boulot bien aimé, et { son sens intéressant, car il lui permettait d’avoir
des responsabilités et l’aidait { penser que toutes ces choses étaient largement
méritées.
En fait, son défaut majeur était son intelligence. Un jour, son défaut se
transforma en différence. Il roule sur le boulevard périphérique, en direction de la
Porte d’Italie. Il repense aux événements de ces derniers jours. Tout avait commencé
jeudi. Comme tous les jeudis, il philosophait avec des amis sur la futilité de leur vie
terrestre. Mais, à la différence de ses amis, c’était pour Jean-Louis autre chose qu’une
ironique façon de se rassurer et de se féliciter de sa réussite.
Il était rentré en voiture, mais il avait ressenti le besoin de s’arrêter durant une
heure sur un parking, histoire de faire le vide. Le jour d’après, il n’y pensait déj{ plus,
mais la nuit, le doute s’immisça { nouveau dans son esprit. Il eut, au milieu de la nuit,
une soudaine envie de vomir. Il ne retourna pas se coucher et veilla toute la nuit dans
la cuisine. Les jours qui suivirent, la situation se détériora encore. Il se mit à se poser
des questions, et pour la première fois, les réprimandes de son patron étaient autre
chose qu’une inutile démonstration d’autorité.
Il décide alors de partir. Pas d’aller quelque part, juste de partir. Il ne veut plus
retrouver cet environnement qui le dégoûte { présent. Il prend l’autoroute vers l’est.
C’est la direction dans laquelle il est sûr de faire du chemin avant de tomber dans la
mer. Il est à présent à Karlsruhe. Il s’en veut de ne pas avoir emporté quelques
économies, mais au fond, ça lui est bien égal. Il est déj{ content d’être parti.
Quentin Gérard-Coester
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L’importance de L’œil
Sam et Jeff étaient les meilleurs amis du monde depuis six ans. Ils habitaient
à côté dans une petite ville à cent kilomètres de Thunder Bay dans le Canada
central. Tous les bons moments de leurs vies, ils les ont passés ensemble. Mais
c’était quand Sam et Jeff étaient en troisième qu’un événement les a fortement
marqués.
Mercredi 26 Mai, après les cours, comme tous les autres jours de l’année,
Sam et Jeff se préparaient à rentrer de l’école, une marche de deux kilomètres.
Jeff, comme d’habitude, prenait beaucoup plus de temps pour se préparer que
Sam. Mais, Sam l’aida et après dix minutes ils furent prêts { partir. Sam, { côté
de Jeff, marchait lentement. Sam a dû tenir même la main de Jeff pour traverser
la route principale à cause de la peur que celui-ci avait des voitures.
La plupart des garçons adore les voitures, leur vitesse, leurs couleurs et
leur bruit. Mais Jeff n’était pas comme les autres : le bruit des voitures lui faisait
peur. On ne pouvait pas mettre Jeff dans une voiture, tant il avait peur des
automobiles. C’est pourquoi Sam et Jeff prenaient l’habitude de rentrer de
l’école { pied.
Même si c’était plus rapide de passer par la grande route, Jeff et Sam
rentraient par les petites rues de façon à éviter le plus grand nombre de voitures.
- Offensé, Jeff répliqua : Oui, moi je connais le chemin mieux que toi,
laisse-moi naviguer, toi tu ne connais rien !
- D’accord, on va continuer sur ce chemin, tu as sûrement raison, c’est moi
qui suis confus»
Sam et Jeff continuèrent leur conversation et ce fut seulement après une
autre trentaine de minutes que Jeff remarqua :
Cette remarque insulta tellement Sam, qu’il ne lui répondit pas ; les deux
amis marchaient en silence. Jeff entendait le bruissement des feuilles, ce qui
indiquait que Sam était proche, mais il ne le voyait pas. Avec l’absence de bruit,
des souvenirs lointains revenaient à Jeff. Un souvenir de son troisième
anniversaire, qu’il avait oublié lui revint. Il se souvint du gâteau décoré de pâte
d’amandes de toutes les couleurs de l’arc en ciel et du papier d’emballage de ses
cadeaux : violet, rose, bleu, vert… Le lendemain de son anniversaire, Jeff se
souvint qu’il était dans la voiture avec sa mère, puis il y eut l’accident avec le
camion. Après cela, tout dans sa mémoire, devint pur chaos… Jeff eut
l’impression de tomber, il leva ses mains, avant de toucher la terre mouillée de
la forêt.
Jeff, toujours dans les nuages, répondit, quoi, quoi, je ne sais pas !
-
Je crois que tu es tombé sur une racine d’arbre, tu es trop faible.
-
Marche à côté de moi, comme cela tu ne vas pas tomber.
- D’accord, heureusement que je ne me suis pas fait mal, on continue ? »
C’est { ce moment-là que hulula un hibou au-dessus d’eux. Sam leva les
yeux pour tenter de voir l’animal. Soudain, il vit que le ciel était d’une couleur
rouge foncé, une vague panique s’installa, il secoua violemment Jeff { côté de
lui :
« Jeff, il fait presque nuit, je ne crois pas qu’on a pris le bon chemin !
Qu’est-ce qu’on va faire, on est perdu dans une forêt, on n’a presque aucune
chance de s’en sortir, je ne sais même pas où le soleil s’est couché, et comme il y
a des nuages, on n’a aucun repère pour savoir dans quelle direction on doit
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marcher. On va tous les deux mourir, mangés par les ours avant l’aube,
personne ne nous trouvera. »
À cette phrase Sam tomba sur les genoux et pleura comme un bébé. Il
attendait des mots de consolation de la part de Jeff mais, à son grand
étonnement, Jeff répondit d’un ton autoritaire :
Les deux amis restèrent en silence pendant quelques instants, puis Sam
murmura:
Ce fut après une longue marche, qu’un son extraordinaire força les deux
garçons { s’arrêter : un bruissement de feuilles tout près. Sam, maintenant plein
d’espoir essaya de courir vers le bruit, mais au dernier moment Jeff l’arrêta :
« Oui, oui c’est par ici, il y a sans aucun doute une route, maintenant
j’entends clairement le bruit d’un camion.
- Est-ce que tu es sûr, Jeff, parce que moi je n’entends rien ! questionna
Sam.
- Oui, viens, tu me suis ! » répondit Jeff d’un ton responsable.
Ils arrivèrent { une route nationale au bout d’une trentaine de minutes et
Sam informa Jeff :
« Jeff, qu’est ce qui est arrivé ? Elle l’embrassa et continua, j’étais très
inquiète et j’ai même appelé { la police. Merci Sam, tu lui as sauvé la vie,
comme il est aveugle j’ai eu peur qu’il ne se soit perdu dans la forêt !
- Non, madame, répondit Sam, ce n’est pas moi que vous devez
remercier car c’est Jeff qui m’a sauvé la vie, il entend des choses que
moi je n’arrive pas { entendre. »
Matthew HAUGHTON
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L’invisible à l’œil
Pour les vacances d’été, la famille Scott est partie en Australie. Ils ont
prévu de découvrir le désert situé au centre du pays. Ils ont fait le voyage
en voiture, des centaines de kilomètres par jour.
Le jour de leur plus spectaculaire visite est arrivé : la visite de l’Ayers
Rock (‘Uluru’ pour les aborigènes). Ce rocher était célèbre pour sa
gigantesque taille et du fait que c’était un seul morceau.
Le programme de la journée commençait très tôt, à six heures du
matin. A cette heure, l’attraction touristique était le lever de soleil au-
dessus du rocher. Les diverses couleurs de l’Urulu étaient magiques : au
début noir, puis violet, marron, ensuite feu rouge, et finalement sa couleur
normale orange. Se lever tôt, valait le coup: les couleurs ont fasciné les
Scotts.
Ensuite la famille est allée faire un tour autour du rocher, histoire de
voir ce géant de différents angles. Leur tour faisait une dizaine de
kilomètres et ça leur a pris quelques heures à finir. A la fin, tout le monde
était fatigué, sauf Bob le plus jeune des trois enfants qui voulait faire plus:
grimper jusqu’au sommet de l’Urulu.
Cela n’était pas impossible, car une chaine existait, qui montrait le
chemin et qui servait aussi comme assurance. Mais il était fortement
déconseillé de monter parce qu’il y avait déj{ de nombreux accidents
mortels. Les populations locales croyaient en une puissance divine qui
punissait tout le monde qui avait l’intention de grimper cette immense
création de la terre. Il était rare que quelqu’un atteigne le sommet, la
plupart des gens se contentait de monter suffisamment haut pour avoir
une bonne vue sur le désert australien.
Bob n’a pas lâché. Il était tellement sérieux, que son père se mit
d’accord pour monter. Cela leur prit trois heures de monter au sommet.
Soudain, le ciel est devenu noir et des éclairs apparurent. Bob regarda vers
le haut et blitz un éclair le toucha.
Il tomba par terre.
Quand il se réveilla , il remarqua qu’il pouvait devenir invisible quand
il le voulait. Cela changea sa vie.
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En rentrant d’Australie, il allait commencer sa nouvelle vie. Il décida
de profiter de son « don de devenir invisible » et de faire des bêtises dans
son collège.
Le lendemain c’était le premier jour de l’école après les vacances.
Comme d’habitude, Bob était en retard. Tout le monde était déjà rentré en
classe et la porte était fermée. Alors Bob se décida de passer { l’action ; il
devint invisible. Très lentement, il ouvrit la porte et entra en classe. Les
élèves se tournèrent vers la porte, mais ne le voyaient pas. Le professeur
essaya de continuer la leçon, mais quand elle remarqua que tous les élèves
regardaient la porte, elle leur assura que ce n’était que le vent. Bob ,en
entendant tout cela, décida de fermer la porte. Il attendait le moment où
le professeur allait tourner son dos à la classe pour écrire sur le tableau.
Alors Bob décida de se mettre derrière le professeur pour lui retirer ses
pantalons. Maintenant toute la classe était capable de voir le caleçon
Pikachu du professeur. La classe éclata de rire, quelques élèves tombèrent
de leurs chaises, d’autres crièrent des mots comme : « Pika, Pika »… Le
professeur remonta rapidement son pantalon et sortit de la classe en
larmes. Tout d’un coup, un des élèves se posa la question « Qui avait pu
faire tout cela ? ». La seule réponse était, que ça ne pouvait être qu’un
fantôme, et en suivant la prof, tout le monde s’enfuit de la classe. Bob
éclata de rire, il n’a jamais pensé que devenir invisible pouvait être si drôle
que ça. Il regarda autour dans la classe et se demanda que faire d’autre
pour s’amuser. Ses yeux se fixèrent sur un objet : le cahier des notes !!! Bob
savait qu’il n’était pas un élève brillant - mais qu’il n’était pas idiot non
plus. Il ouvrit le cahier et changea tous ses notes à 20. Ensuite, tout
content de lui-même, il redevint visible et sortit de la classe.
Un peu plus tard il rencontra ses deux meilleurs copains Sam et Fred.
Les deux étaient très excités et lui demandèrent la raison pour laquelle il
avait raté le cours. Bob leur expliqua que son autobus était en retard.
Ensuite ses copains lui expliquèrent qu’il avait manqué le meilleur show
de sa vie avec l’histoire du pantalon du prof. Bob leur assura avoir vu la
scène, mais les copains ne le crurent . Le sujet fut vite oublié…
Pendant l’heure du déjeuner, la conversation entre les amis s’orienta
sur les filles. Tous les jeunes garçons voulaient savoir de quoi parlaient les
filles. De qui étaient-elles amoureuses… Quel sujet { écouter en étant
invisible!!! pensa Bob avec un sourire sur son visage. D’un coup, il proposa
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à ses copains d’écouter la conversation des filles. Les copains étaient
surpris d’entendre cette idée absurde mais voyant le visage très déterminé
de Bob, ils ont vite compris qu’il était sérieux. A la question, comment vas-
tu le faire pour ne pas être aperçu, il leur dit de ne pas s’inquiéter et de le
laisser jouer le jeu. Leur prochaine leçon était EPS, excellente occasion
pour Bob de se transformer en invisible. Il décida de rentrer dans le
vestiaire des filles. Elles étaient en train de se déshabiller et de mettre leur
tenue de sport. Quel spectacle!!! Il resta quelques secondes à les admirer
avec les pieds plantés dans le sol… Puis il leva la tête pour écouter leurs
conversations.
- « Alors Julie, tu rêves toujours de Sam?»
- Non je ne suis plus intéressée par lui, l’autre jour il m’a laissée
tomber en refusant de m’aider avec les devoirs de maths, alors qu’il est le
meilleur en classe. De toute façon, je trouve Robert beaucoup plus
attirant.
Les filles continuèrent ainsi leur conversation et Bob était déçu
qu’elles aient parlé de tous les garçons sauf de lui. Pas un mot. Mais c’est {
ce moment que la plus belle fille avoua qu’elle était amoureuse de Bob et
qu’elle allait lui proposer de sortir ensemble. En entendant ces mots, Bob
fut bouleversé,son cœur commença { battre d’une façon anormale, il
perdit conscience, tomba par terre et redevint invisible. Les filles étaient
surprises { tel point qu’elles poussèrent des cris et fuirent du vestiaire {
toute vitesse. Il tenta de devenir invisible, mais il ne le put ! Le rêve était
fini pour lui. Sans doute n’allait-il pas sortir avec cette jolie fille et en plus
il allait être viré de l’école.
C’est exactement ce qui lui est arrivé, mais au moins il a appris
quelque chose : si tu as une telle opportunité, n’en profite pas, parce que
tu vas être très vite puni.
Peter Schindler
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La maison de poupées
Dolly ouvrit les yeux et comme elle s’y attendait trouva une
multitude de cadeaux sur sa commode rose. Bien sûr qu’elle se
réjouissait de chaque cadeau qu’on lui offrait mais chaque année
elle attendait avec impatience le cadeau de ses parents.
Il faut dire que Mario et Nette Puppet étaient nés pour adorer
les poupées, plus encore, les poupées étaient leurs déesses et ils les
vénéraient et les aimaient comme si elles étaient leurs enfants.
Affolée Dolly regarda dans tous les sens quand son regard se
posa sur la petite baignoire dans laquelle quelques secondes
auparavant se baignait une poupée en lisant un magazine.
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sa sœur. Elle prit alors la petite poupée dans sa main et la lâcha
aussitôt en poussant un cri d’effroi…Ce visage, ses
pommettes,…Aucun doute cette poupée était censée représenter sa
sœur aînée Muneca.
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Le psychologue qui ne croyait en aucun cas aux visions de
Dolly lui prescrivit des calmants et lui assura que les petites
poupées dans sa maison n’étaient pas vivantes et qu’il était donc
impossible qu’elles soient responsables de la mort de Muneca.
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Instinctivement Dolly se lança dans une course folle pour
essayer d’éviter l’inévitable. Elle s’arrêta néanmoins devant la
porte du grenier espérant que tout n’était qu’illusion et qu’il était
impossible que ses parents soient morts. Ayant très peur de ce qui
l’attendait dans cette chambre, elle essaya de se remémorer les
exercices de détente qu’elle avait faits tellement souvent lors de ses
séances chez le psychologue. Elle essaya aussi de s’expliquer ce
qu’elle avait vu d’une façon rationnelle. Elle descendit alors, sans
avoir omis de jeter un coup d’œil dans le grenier, et elle retourna
dans sa chambre pour reprendre son jeu. Dolly s’expliqua cette
bizarre vision par la peur de ce qu’elle avait vu quelques mois
auparavant. Elle souffrait encore beaucoup de la mort de sa sœur
même si celle-ci n’avait pas toujours été gentille avec elle. Elle
n’avait sûrement pas encore bien assimilé la mort de celle-ci.
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eu raison d’espérer car tout n’avait été qu’illusion. Devant sa porte
on entendait Muneca crier…d’abord Dolly sursauta mais elle se
calma aussitôt quand elle l’entendit dire à Bambola : « Non mais ça
va pas grosse **** ! Tu m’as encore pris ma brosse ! Combien de fois
dois-je te dire que je ne veux pas de tes cheveux gras dans MA
brosse ! » Dolly se mit à rire de tout son cœur puis voyant le regard
intrigué de sa mère, elle l’enlaça tendrement et se jura de ne plus
jamais embêter ses sœurs.
Mais soudain toute cette idylle fut détruite par un cri strident
et perçant.
Affolée Dolly regarda dans tous les sens quand son regard se
posa sur la petite baignoire dans laquelle quelques secondes
auparavant se baignait une poupée en lisant un magazine…
Louise Pignet
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Mémoire - Bonheur ou Malheur?
Il est 1 heure 30 du matin. Dans une chambre d’un hôtel sur le bord de Paris, un
homme est dans le coma. Soudainement, il s’éveille. Une alarme sonne, l’infirmière de
garde accourt pour voir si tout va bien, mais l’homme a de nouveau sombré dans un
coma.
***
Où suis-je ? Tout est flou autour de moi, aucun son ne m’est familier. Une
question plus pressante me vient { l’esprit: qui suis-je ? Je ne possède aucun
souvenir, même pas de mon nom. Ma mémoire a complètement disparu. Au même
moment que cette idée me vient, je sombre dans le néant.
Les journées s’ensuivent, je n‘arrive pas { distinguer les unes des autres. Ma
vision ne s’est pas améliorée et je ne me rappelle toujours de rien. La seule bonne
nouvelle est que je suis conscient de plus en plus longtemps même si je reste
toujours enfermé dans mon corps.
***
Apparemment une semaine s’est écoulée depuis mon accident. Je me suis fait
renverser par une voiture qui ne s’est même pas arrêtée. Ma vue est de nouveau
parfaite et j’arrive { parler. J’ai la jambe gauche cassée, en plus de deux côtes, donc
marcher n’est pas encore à ma portée. J’ai été transféré dans une chambre partagée
avec deux autres hommes depuis que mon état s’est amélioré. L’un a récemment eu
une opération mais je n’en sais pas plus. Il ne m’a parlé que pour me dire son nom :
Alain. En revanche l’autre ne fait que parler. Son nom est Bernard et il m’énerve !
Imaginez devoir rester toute la journée allongé dans un lit d’hôpital pour que
quelqu’un puisse vous raconter sa vie. C’est horrible ! En plus, il a une façon de
parler aux gens comme s’il était totalement supérieur à eux. Par exemple, il nous
raconte toutes ses conquêtes féminines, en prenant le soin de décrire à chaque fois
leur état de mélancolie au moment de leur rupture. Une autre de ces histoires
racontait le jour où une femme âgée lui confia sa maison à vendre (il était vendeur
immobilier), et qu’il en profita pour l’acheter { bas prix. Ces histoires devenaient
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de plus en plus horribles au point qu’{ la fin de ma première journée à ses côtés,
j’appris { le détester. Il était tout ce que je ne voulais pas être.
Mon meilleur moment durant la semaine fut les visites chez le psy. Je dois y
aller pour qu’on puisse m’aider { retrouver la mémoire mais aussi pour parler de
choses diverses ce qui apparemment m’aidera { analyser ma personnalité. Je ne suis
pas sûr de tout comprendre, mais les séances ne sont pas désagréables et elles me
permettent de m’échapper de ce satané Bernard!
***
Une semaine plus tard on me laisse partir. On avait trouvé dans ma poche un
portefeuille avec 15€ et un ticket de métro non validé, donc je ne suis pas
totalement pauvre pour l’instant. L’hôpital n’a pas réussi { contacter quelqu’un de
ma famille ni un ami. Ils ne doivent pas savoir que j’ai eu un accident. Peut-être
aussi qu’ « ils » n’existent pas et que je n’ai pas d’ami. De toute façon je ne m’en
souviens plus et donc je suis tout seul pour l‘instant. A ce moment précis je dois
plutôt me concentrer sur le fait que j’ai une vie { reconstruire. Première étape :
sortir de cet abominable enfer stérile!
Quel froid ! Je ne me souvenais plus qu‘il pouvait faire aussi froid ! Je suis
dehors, dans l’air frais d’un jour de janvier { Paris. Pendant quelques instants
j’observe cette ville qui semble être tout à fait nouvelle pour moi, avant de partir
vers la station de métro qu’on m’a indiquée à l’hôpital. Heureusement que les
consignes qu’on m’a données pour rentrer chez moi sont très détaillées et me
permettent de trouver mon chemin dans le grand labyrinthe souterrain du métro.
Alors l{ je n’en crois plus mes yeux. Ma journée, que je croyais ne pouvoir
que s’améliorer s’est encore détériorée. Effectivement, { chaque endroit où je suis
allé pour essayer de trouver un petit boulot, je me suis fait violemment rejeter sans
la moindre raison. Je commence à sombrer dans le désespoir. Étais-je tellement
mauvais avant, qu’aujourd’hui je ne puis même pas rentrer dans un magasin?
Je navigue dans la ville sans vrai but, quand soudain un journal emporté par
le vent vient me frapper en plein dans le visage. Énervé, je l’arrache de mon visage
et au moment où je m’apprête { le jeter, je remarque une photo de moi. Le titre dit
« Homme le plus détesté de Paris » suivi d’un texte résumant toutes les
abominations que j’ai commises. Quel choc ! Je m’en doutais depuis que j’avais tous
ses flash-back, mais le voir écrit dans un journal pour que tout le monde puisse le
voir… Je suis bouche bée !
C’est { ce moment précis que j’entends le bruit d’une voiture. Je lève la tête,
je vois une voiture rouge se diriger droit sur moi sans s’arrêter. Je suis pétrifié. Le
temps semble ralentir. Le visage du chauffeur m’apparaît clairement : c’est la
femme blonde de mon flash-back. Non, le visage a changé: maintenant c’est la
femme africaine du train. Les visages s’enchaînent ensuite, chacun ayant l’air
déterminé et rempli de haine. Le temps reprend son cours normal. La voiture me
heurte, tout est noir mais je ne ressens pas de douleur. Je comprends maintenant
que j’ai survécu au premier accident pour pouvoir me repentir de mes péchés.
Samuel Denton-Thompson
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Mémoire effacée.
- J’aurais bien commencé par des présentations, si je le pouvais. Je ne
connais plus ni mon nom, ni mon prénom, ni ma date de naissance. Je devine
que je dois avoir dans les vingt-cinq ans d’après ma taille et mon physique,
mais je ne sais même pas si je suis marié. Surtout, je commence à me lasser de
cet hôpital, qui rendrait fou { force d’être enfermé dans une petite salle toute
blanche.
-Je me demande bien si un jour je sortirai de là, mais où irais-je alors ? J’ai
l’impression d’être un extra-terrestre atterri d’une comète, puisque personne
ne semble connaître mon origine. Là est le problème ; personne ne sait d’où je
viens, ni où je vais d’ailleurs. Je me demande si un jour quelqu’un viendrait par
miracle me révéler mon identité, mais je n’y crois plus… J’ai envie de dormir,
dormons.
Soudain, sur le fond étoilé des étoiles se détache une traînée lumineuse,
rouge-orangée, puis plusieurs traînées suivent. Ensuite, on entend, on voit un
flash lumineux du côté du centre ville, et une énorme explosion, rouge, jaune
et verte. Le centre ville est détruit, et les blessés se comptent par centaines.
Panique dans l’hôpital. On lui dit qu’il faut sortir : il faut laisser la place
aux blessés. Il n’est plus prioritaire, on lui donne simplement une carte, avec
quelques numéros de téléphone, et une cinquantaine d’euros, puis on le met {
la porte.
-Je ne sais que penser, j’étais dans le doute, et me voil{ maintenant livré à
moi-même dans une ville détruite par un objet tombé du ciel et que je ne
connaissais pas de toutes manières. Maintenant, c’est l’intuition qui prime. Je
vois l’arrêt de bus { droite, des ambulances se précipiter devant moi, derrière
moi. Je prendrais bien le métro, { ma gauche. J’achète donc un billet, et je
m’engouffre dans le tunnel pour aller vers le centre ville. Pourquoi le centre
ville ? C’est le dernier des endroits où l’on irait après un tel évènement, mais je
sens une force irrépressible m’attirer vers l{ bas. Enfin sinon, où irais-je ?
-Un feu s’allume en moi, qui m’éclaire, qui me réchauffe. Mon identité me
semble à portée de main, je saurai enfin mon passé, ce trou dans mon cerveau
va se remplir. Mais au fur et { mesure que je m’approche, la peur m’envahit.
J’arrive au point presque d’être déchiré entre cette force qui m’attire et la peur
qui me repousse, je suis bloqué.
-Je ne sais pas si mon plan fonctionnera. Il me semble sur ses gardes,
même s’il semble rêver. Mais je vais devoir me risquer { aller chercher ce qu’il
me faut dans la météorite, si je veux en savoir plus sur lui et moi. Avançons.
-ça ne semble pas avoir très bien marché, mais j’ai quand même les
papiers. C’est ce qui compte. Cependant, il faut que je me dépêche, puisqu’elle
semble me rattraper. Je ne cours pas assez vite, je vais me faire prendre !
-Je ne comprends pas, mais les papiers que je tenais dans ma main se sont
évaporés. Ensuite, j’ai aperçu un flash lumineux derrière moi, et j’ai cru voir la
femme s’envoler dans une capsule. Enfin peu importe, au même moment, j’ai
tout de suite acquis une connaissance hors du commun, et surtout, je sais que
j’habite Rue de la République.
Wenda Zhou
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L’œil révélateur
Alice JUNE était une fille comme les autres et avait une vie
monotone. Le lycée l’occupait beaucoup. Cette jeune fille de 15 ans avait de
gros yeux verts où l’on pouvait voir se refléter le monde entier. Ses
cheveux d’un noir sombre brillaient à la lumière du soleil et tombaient sur
ses petites épaules. Sa petite sœur, Manon, avait 9 ans et comme toutes
les petites sœurs, elle l’embêtait souvent. Alice passait ses journées
entières au lycée et à la sortie, elle voyait des amis avant de rentrer pour
faire ses devoirs. Elle aimait sortir comme tous les jeunes et souvent ses
parents la grondaient car elle ne travaillait pas assez. À part cela, c’était
une famille heureuse avec des problèmes, oui, mais comme tout le monde.
Alice rentrait à pied de l’école car sa maison n’était pas loin mais elle
devait traverser un parc qui, à la sortie, s’assombrissait à cause de la nuit
tombant vite. Ce parc rempli de fleurs et d’arbres ainsi que d’oiseaux était
un endroit calme et joyeux où les problèmes disparaissaient ainsi que les
malheurs de la vie.
Un jour, regardant sa sœur qui jouait à côté d’elle, Alice eut l’envie
de tout lui raconter et d’obtenir ainsi un conseil. En réfléchissant, elle
décida de lui confier ce secret et lui raconta toute l’histoire. Alice parlait
et parlait et sa petite sœur Manon écoutait attentivement en demandant
quelquefois des détails plus précis. Quand elle eut terminé, elle sentit un
soulagement profond et se sentit libérée enfin de cet œil qui la poursuivait
dans les rêves. Elle décida de sortir un peu pour oublier cet épisode mais
quand elle rentra chez elle, sa mère lui posa des questions. Elle comprit
que sa petite sœur avait tout dit à leur mère et soudain, elle fut prise
d’une rage intérieure. En évitant quelques questions, elle monta dans sa
chambre avec l’excuse que ses devoirs l’attendaient. Le soir, elle descendit
pour prendre un verre d’eau mais elle s’arrêta au milieu des escaliers car
elle vit ses parents parler. Elle attendit un peu et elle entendit ce qu’ils
disaient.
-« Non, le moment n’est pas encore venu. Elle ne pourrait pas encore
comprendre et il faut donc attendre encore un peu. »
-« Mais elle l’a vu… elle va s’en douter » finit par ajouter la mère.
Soudain, un bruit fit tourner les deux personnes. Ce n’était qu’un des
chats qui avait fait tomber une photographie sur une table de chevet.
Alice se leva pour remettre la photo à sa place et quand elle s’approcha, le
chat la fixait comme s’il voulait dire quelque chose. Elle prit le cadre dans
ses mains et quand elle le retourna, une chose la surprit. Son regard se
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posa sur l’œil d’un enfant et tout de suite, un flash lui passa dans la tête.
Cet œil était celui du passant. D’un coup, son regard s’assombrit et elle
sentait sa vie s’écrouler. Elle avait donc un lien avec cet homme mais alors,
pourquoi n’avait-il rien dit lors de la rencontre ? S’il la connaissait,
pourquoi ne l’avait-il pas saluée ? Des milliers de questions se mélangeaient
dans sa tête et elle avait l’impression qu’elle allait exploser. Cette jeune
fille sentait son cœur s’effondrer et elle ne savait plus quoi faire. Son
esprit était rempli de confusion et la seule chose qu’elle dit fut « Qui est-
ce ? ». Sa grand-mère qui l’observait depuis quelques minutes, comprit
qu’une chose étrange troublait sa petite fille.
-« Celui à gauche est, comme tu vois, ton père et celui de droite ton
oncle, donc son frère. Regarde-les comme ils sont jeunes. Des années se
sont écoulées déjà… ».
Elle comprit donc que cet homme était son oncle. Mais la chose
étrange était qu’elle ne se souvenait pas de l’avoir vu et donc elle ne l’avait
jamais rencontré et pourtant, dans le parc, elle avait eu une forte
intuition. Pourquoi donc n’avait-il rien dit si c’était son oncle ?
Rentrée chez elle, la jeune fille alla voir le bureau sans se faire voir
de sa mère qui était dans la cuisine. Regardant dans les tiroirs, elle essaya
d’ouvrir le dernier mais il était fermé à clé. Soudain, elle se rappela que
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son père gardait une clé dans le tiroir de sa commode; alors elle alla dans
la chambre de ses parents voir si ce qu’elle pensait était vrai. Quand elle
ouvrit le tiroir, Alice trouva la clé et se précipita pour voir le contenu
secret. Au milieu des objets, la jeune fille trouva un papier qui était un
certificat de naissance. Ce certificat était le sien et quand elle lut le bout
de papier, elle eut un coup au cœur. Le nom de son père était bien juste
mais celui de sa mère était un autre. Elle ne comprenait pas et ne voulait
comprendre. Cela voulait donc dire que sa mère n’était pas sa vraie mère.
Mais alors, qui était sa mère biologique? Pourquoi l’avait- elle abandonnée
avec son père? Où était-elle partie? À ce moment, elle décida de demander
des explications à ses parents.
De son côté, Alice alla demander des explications à ses parents. Les
deux parents se regardèrent et décidèrent que le moment était venu de lui
dire la vérité. Ils allèrent dans le salon et s’assirent.
83
-« Mais alors qui est ma mère ? » dit Alice.
Alice ne pouvait respirer. Elle n’y croyait pas car, pour elle, ce ne
pouvait être vrai. Sa mère avait donc été massacrée et son oncle voulait se
venger. Pendant la conversation, la jeune fille aperçut une silhouette par la
fenêtre et elle crut voir l’œil du passant. Elle pensait rêver et continua à
écouter son père.
BANG.
Martine Palma
84
L’œil traître.
86
femme frappée par son mari, deux adolescents main
dans la main, riant dans la rue, une grand-mère toute
seule sur un banc regardant le ciel, une mère avec
sa fille dans ses bras, inséparables ; elle avait vu
des arbres, des rues, le parc, sa maison, tel qu'ils
étaient. Lucie était déçue, triste: rien n'était
aussi beau qu’elle l'avait imaginé.
* * *
FIN
SCLAPARI Charlotte
87
Opportunité du Crépuscule
Il faisait froid ce jour là, et les feuilles mortes étaient givrées. Keiva
marchait, le menton bien enfoncé dans son écharpe. Elle était { l’aise dans
cette forêt qu’elle connaissait si bien. Cette fois, elle n’était pas venue admirer
les arbres, ni prendre des photos; quelque chose la tracassait et il fallait
qu’elle y voie plus clair. Elle n’avait pas eu le temps, cette année l{, de ralentir
pour profiter de la vie comme elle l’avait fait les autres années. C’était donc le
bon moment pour respirer à fond et remettre ses idées et son esprit
désorienté en place.
Elles avaient été solidement soudées toutes les quatre, ces deux
dernières années, et chaque instant avait été un vrai régal, un puits de
bonheur et de joie qui permettait de se rendre compte de l’importance des
vrais amis. Elles avaient été au collège ensemble, dans la même classe. Pour
Keiva, le collège Karmen Sheryl était son collège de quartier, mais ses trois
amies étaient là dans une branche externe du Lycée International. Elle les
avait toujours un peu enviées pour leur chance de parler anglais
couramment. L{ où c’était le plus dur, c’était que cette année, Keiva s’était
retrouvée seule dans un nouveau lycée, et que les trois filles étaient allées au
lycée inter. Elles étaient toutes très occupées avec le travail de seconde, et
même quand Keiva avait enfin un moment à partager avec ses meilleures
amies, celles-ci continuaient à se démener, car après tout, leur lycée était
plus exigeant. Ceci avait petit à petit amené un ralentissement dans leur
amitié si précieuse. Elles se disaient toujours, évidemment, que ce n’était pas
grave, et que leur amitié surmonterait facilement ces moments difficiles.
C’était sans prendre en compte le déménagement soudain qui était prévu.
88
Un mois plus tôt, l’entreprise du père de Keiva avait fait une
proposition : Le meilleur manager de l’année gagnait l’occasion d’envoyer ses
enfants dans une nouvelle école américaine à Dubaï qui venait d’ouvrir en
partenariat avec cette entreprise. C’était une excellente école, qui allait vite se
faire un nom dans le monde scolaire. On peut imaginer combien le père de
Keiva avait été au comble de la fierté et du bonheur en apprenant qu’il avait
été désigné pour offrir cette opportunité à sa fille bien aimée. Mais pour elle,
c’était venu comme un choc. Keiva ne pouvait s’empêcher d’avoir le cœur
déchiré en deux : d’une part la joie de son père et de la nouvelle vie qui
l’attendait ; d’autre part, ses amies, sa vie, et ses projets.
***
Lila était assise sur le lit en mezzanine, comme à son habitude dans la
chambre de Keiva. Jay était dans le ‘pouf’, et Sonia assise sur un oreiller avec
le dos contre le mur. La chambre était chaude et accueillante, et Jack Johnson
jouait sa musique dans le fond. On pouvait entendre Jay chantonner avec la
musique, relax et réfléchie, comme elle l’était toujours. Une bouteille de
grenadine était posée par terre, et les cookies brûlés, fruits d’un après midi de
travail, étaient restés abandonnés à côté. Keiva avait les trois visages anxieux
de ses amies tournés vers elle, elle expliqua en détails la situation. Un silence
bref après les explications fut suivi de trois « oh nooon, Keivaaa ! Mais on
t’aime nous, c’est pas possible ça. » Elle resta là les regardant avec un sourire
triste, leur chagrin lui réchauffait pourtant le cœur. Puis Lila dit : « Mais, il
me semble que ton père avait entendu parler de cette offre depuis quelque
temps non ? On aurait pu s’en douter un peu. Et puis, ça doit lui faire
vachement plaisir de pouvoir t’offrir ça, même si c’est nul pour nous. » Keiva
hocha la tête tristement et dit :
-Oui c’est vrai, c’est ça le pire : c’est qu’il est si heureux que moi aussi je
suis fière de lui, mais c’est impossible pour moi de partir maintenant, quand
je suis heureuse ici.
-Ca doit lui faire très plaisir, parce que c’est quand même une école très
réputée, d’après ce que tu nous as dit, expliqua Lila.
-Sans oublier que même pour lui, c’est cool d’être nommé meilleur
manager,ajouta Jay en se redressant dans le ‘pouf’.
89
-J’avoue…
-Mais bon, c’est sûr que pour toi, pour nous, c’est…non! Ce n’est pas
possible,conclut Lila. »
-Pff, Lila, genre que tu peux parler d’être moche. » Lila était une des
filles les plus mignonnes du lycée. « Et puis de toute façon faut que vous
veniez me voir !
90
-Les filles, on est trop triste de devoir se séparer de Niuna, mais ça ne
veut pas dire qu’on sera plus amies, qu’on sera plus ce qu’on est quoi. Enfin il
ne faut pas non plus faire comme si on ne se reverra jamais. Keiva t’as de la
famille en France, tu reviendras, et en plus y’a facebook donc franchement on
ne perdra pas cette amitié. Ce n’est pas possible, hein ? On est les Fantastic
Four!»
***
Manon Knoertzer
92
Par la fenêtre
- Bah alors, Lucie ? Voil{ qu’on espionne les gens par la fenêtre
maintenant ? Ah vraiment, je vous jure, quelle sans-gêne cette mamie
Lucie !
C’était vrai, elle adorait regarder par la fenêtre. Toute cette vie qui
s’animait sur le pavé parisien, tandis qu’elle se sentait mourir un peu plus
chaque jour depuis ce samedi-là. A travers le théâtre de la rue qui se jouait
sous sa fenêtre, elle se sentait revivre sa propre vie. Et, oubliant le présent,
elle plongeait dans sa mémoire, revivant ses souvenirs.
Assise dans son fauteuil, la vieille regardait dehors. Des histoires qui
se tissaient et s’effilochaient, des sentiments qui tournaient en boucle
comme sortis d’une boite { musique. La rue qui déroulait son écharpe
tricotée d’or et de boue.
- volée.
- ah…
- je…
- merci.
Ils baissèrent la tête. Elle releva le regard vers lui. Ils se mirent à rire,
gênés.
93
Une jeune femme passa, au bras d’un homme. Une belle jeune
femme, aux bras bruns qui frissonnaient sous la brise d’avril. Et un beau
jeune homme, au sourire de mannequin, aux petites dents blanches bien
alignées. Ils s’arrêtèrent sous la fenêtre, se regardèrent.
Ils s’étaient regardés, eux aussi. Elle sentait encore ce regard empli
d’ombres qui se posait sur elle. Toujours beau parleur, il lui avait tout de
suite plu.
Elle était dans une salle d’attente, blanche, étriquée, assise sur le bord
d’un fauteuil de velours usé, où bien d’autres personnes avant elle avaient dû
s’asseoir et s’inquiéter. La porte s’ouvrit enfin. Elle se leva aussitôt, portant
un regard plein d’espoir vers l’infirmière qui venait d’apparaître. « Il… » Mais
en apercevant la tête baissée de l’infirmière, elle se tut, hocha la tête. Elle
avait compris. Depuis peu, il se plaignait de douleurs dans les poumons.
94
- Mais enfin, arrête ! Je t’assure que je ne regardais pas cette fille !
- ben voyons !
Son visage usé par le temps prenait les teintes grises d’un cadavre.
- Dors, je te rejoindrai.
La vieille Lucie était assise dans son fauteuil, la tête inclinée sur son
épaule, les paupières clauses, la peau froide, un sourire aux lèvres, à côté
de la fenêtre.
Elise Guignard
95
« Quand j’avais treize ans, mon père est mort. »
Il avait un petit avion avec lequel il volait toutes les fins de semaine.
Un dimanche, il est parti et n’est jamais revenu. Je crois que la disparition
de ce père l’a plus bouleversée que ne pouvait se l’imaginer sa mère.
Elle ne côtoyait plus les gens de son âge, elle vivait dans une bulle
hermétique où rien ne l’atteignait plus. Devant son mutisme, sa mère prit
un rendez-vous chez le médecin. Celui-ci lui prescrivit des
antidépresseurs. Le problème était qu’{ la suite d’un temps qu’il jugea
suffisant, il aurait fallu qu’elle arrête totalement son traitement. Elle
essaya, mais au bout d’une semaine, elle avait des vertiges, elle se sentait
mal, elle avait l’impression de tomber au fond d’un gouffre aux parois sans
fin. Je sais que c’était psychologique mais elle n’y pouvait rien. Alors, un
après-midi où sa mère faisait des courses, elle finit la dernière rangée de la
boîte d’antidépresseurs qui restait, comme ça. Oh, elle n’a pas tout avalé
d’un coup : petit { petit, mais si régulièrement qu’avant le retour de sa
mère, la boîte était vide. Toute la nuit, elle ressentit une béatitude
extrême. Ses soucis s’étaient envolés tels des papillons.
Elle savait qu’il existait un trafic de drogue dans son collège, mais on
ne le lui avait jamais proposé directement. Elle était si désespérée qu’elle
l’attendit { la sortie. Elle paya et il lui montra comment sniffer la dose. A
cette époque, se transpercer la peau avec une aiguille la rebutait et elle
était encore consciente des risques qu’elle prenait. Voici comment,
d’illusion en illusion, elle devint purement et simplement une droguée.
Les fruits véreux ont souvent les plus belles apparences. Sa mère ne
se doutait de rien et quand elle trouva une seringue sous le lit de sa fille, il
était déjà trop tard. Elle lui parla :
Le ton montait :
Sans que sa mère puisse la retenir, elle claqua la porte et courut chez
le dealer, où une autre mauvaise nouvelle l’attendait. C’était encore une
enfant, dont le corps devenait celui d’une femme marquée par le poison.
Elle avait une beauté singulière, un visage osseux, mais des yeux d’un bleu
si profond, que même la drogue ne pouvait changer. Les hommes en
manque d’amour, se repaissaient de ce bleu quand elle se blottissait contre
eux. Sa chevelure, devenue terne, comme ses ongles cassants, ne
parvenaient plus à dissimuler sa vraie nature. Elle aurait tout fait pour
quelques grammes de paradis, absolument tout. Sa fierté n’existait plus…
Après cinq clients, elle eut de quoi se payer deux bonnes doses. Dans
un élan de prévoyance qui ne lui était pas coutumier, le jeune homme lui
laissa un paquet de poudre blanche à partager pour le lendemain.
Tremblants d’excitation, de désir, ils se piquèrent mutuellement. Elle,
dans sa chair jaunie, aussi fine que du parchemin. Lui, dans sa chair de
vieille femme, piquetée de taches violettes, souvenirs d’anciennes piqûres.
S’embrassant dans un baiser de mort, dont un seul en réchapperait, ils
vagabondèrent dans les rues { trois heures du matin. C’était beau, le ciel
98
teinté de vert, la lune grimaçante qui les regardait. Les immeubles se
tordaient, les fenêtres étaient des yeux et les portes des gueules grandes
ouvertes prêtes à les dévorer. Le froid les prenait pareil à mille aiguilles qui
leur transperçaient la peau, puis, aussi vite qu’il était arrivé, c’était la
chaleur qui les submergeait. Torride, écrasante. Le pavé se distordait pour
former des grains de sable tourbillonnants. Une tempête de sable ! Ils
étaient pris, enveloppées, perdus à jamais. Qui viendrait les chercher dans
ce vent des sables auxquels seuls les Touaregs savent résister ? Et tout à
coup, on était en face d’un lac : des centaines de grues s’envolaient, toutes
ensembles, commençant un long périple vers le soleil. Ah, la tête leur
tournait tant ils étaient saisis ! Ce n’était pas donné { tout le monde
d’observer un tel spectacle ! Ils se sentaient légers, légers, débarrassés de
tout lien avec la réalité. Ils s’envolaient vers un monde magique, peuplé de
nymphes, là où la boisson coule à flots. Ils le sentaient, une odeur sucrée,
suave, le touchait, du bout des doigts. Un bruit sourd comme une charge
d’éléphants lancés { toute allure, un cri d’horreur, une chape de plomb, un
écran noir et plus rien.
99
- Ah, répondit l’infirmière rougissante, il n’a pas eu autant de chance
que vous ! Mais si vous continuez ainsi, vous finirez de la même façon,
continua-t-elle. »
-…
- Non ! S’exclama-t-elle.
Pauline Vaskou
100
Quand la réalité n’est qu’une illusion.
Des jours, des mois et des années passèrent, les amis de Dior
changèrent, grandissaient mais lui restait identique. Un jour d’été, Marie
oublia de fermer la fenêtre de sa chambre, alors que Dior y dormait. Elle
sortit avec ses copines, puis subitement, un horrible orage éclata. Les
éclairs fusaient dans le ciel, la pluie fouettait la ville et le vent faisait
trembler les gratte-ciels. Quand Marie rentra chez elle, elle retrouva sa
chambre inondée jusqu’aux chevilles et son bureau en morceaux car le
vent en avait emporté la moitié. Et, devant elle, par terre, était Dior mort.
Elle s’écroula et se mit { pleurer… Il lui avait coûté tellement cher… En
même temps, qui avait dit que les ordinateurs ne craignaient pas l’eau… ?
(Ordi dit en verlans dior.)
Mégane Odin
101
Quatorze Printemps
Chapitre I.
L’aube se lève. La rosée humide éclatante sur ces longs prés verts
s’évapore sous cette chaleur accablante. Un homme chauve se balade le long des
sentiers forestiers. Il boite. C’est un campagnard. Il possède une humble ferme {
deux kilomètres de la forêt ; plus au nord. Deux hectares de clôtures et champs
le long de la Vienne en Poitou-Charentes lui appartiennent avec quelques
bovins et chèvres.
Il avait eu une fille fort jolie typiquement française aux cheveux châtains
clairs aux reflets d’or. Quelques petites tâches de rousseurs garnissaient son
visage la rendant, comment dire ? A croquer ! Elle portait souvent une petite
jupe { l’ancienne tissée { la main, rouge { carreaux, et un foulard entourait ses
cheveux. Ses yeux d’un vert foncé profond impressionnaient par leur beauté. On
les disait divins, dérobés à sa patronne sainte Bénédicte. La légende raconte
qu’elle les avait volés à son mari par vengeance, puis elle fût canonisée par le
Pape Urbain IV. Sainte ? Je n’ai jamais compris pourquoi. La vérité c’est que je
ne me la suis jamais demandée. Les choses étant dites la question a toujours été
d’où cette charmante gamine les avait volés ? Son père, le boiteux, était borgne ;
cependant l’autre globe oculaire était marron enchâssé tel une vipère prête {
mordre et { empoisonner sa proie. C’était pourtant un homme fort agréable,
mais la nature en avait décidé ainsi. D’ailleurs le Boiteux proclamait que la
nature ne se trompait jamais et qu’il y avait toujours un pourquoi du comment.
Drôle d’idée lorsqu’on sait que dans cette pauvre famille tous naissent avec des
tares : le grand-père manchot, la tante démente, l’oncle alcoolique et le père
boiteux et borgne. Peut-être qu’après que le père ait accumulé deux tares, la fille
en était sortie apparemment intacte de ces hérédités douteuses. Son frère, lui,
gâté par la nature quitta ce monde sourd à la naissance.
102
de leurs accents. Là-bas, ils héritent tous le marron des montagnes et le blanc de
la neige. C’est naturel après tout !
Chapitre II.
Son père la maria jeune. Quatorze printemps avec mon fils, un robuste
garçon de treize ans. Un « bout de chou », cela m’a permis d’unir nos terres et
d’enfin produire du lait car dans la famille, on produit du blé depuis des siècles.
Au XVème siècle un de mes ancêtres servait le comte de Poitou-Charentes.
« Une fierté » qui animait souvent les dîners et la soupe aux marrons lorsqu’on
les invitait.
Il mourut deux semaines après que l’heureuse nouvelle soit annoncée. Les
bruits et rumeurs circulaient !
« Elle l’a tué ! », « Son mari la battait à coup de fourche ! ». Bref, des
ignares, ils ne savent rien. Pour eux, un mari éduque sa femme, la bat. Elle,
cuisine, nettoie, fait des enfants, se soumet et se doit de faire bonne impression.
Actuellement, on désignerait de tels comportements de « machistes et
démodés ». Cependant, { l’époque, cela paraissait normal voire monotone, une
routine parmi d’autres. Mais ils avaient oublié la famille…
Il se trouve que son père, un homme fortement influant dans les contrées
n’était pas innocent. Pourtant il s’en lava les mains tel un ouvrier après une
longue journée de besogne se décrasse le bras et nia toute culpabilité. « C’est la
tare de la famille qui ressort » disait-t-il d’une voix hypocrite. Le juge, convaincu
ou acheté, l’acquitta. Ce qui m’a toujours dérangé, c’est que le juge était endetté
mais envers lui. L’enquête que nous avions menée n’avait rien donné.
L’autopsie ? Haha ! Une blague. Son corps ? Brûlé ? Logiquement non, c’est un
bébé.
103
carottes, des amandes, et du fromage. Un régal ! Le préfet en était amoureux de
ce petit gant voluptueux qui lui conférait une texture unique. Ni trop pâteuse ni
trop liquide. Avant ce meurtre lui et moi buvions souvent un coup par-ci par-là
dans un bar ou deux. « Un petit Martini et la pèche pour la journée ! » disait-il,
puis il rentrait dans sa belle limousine, la seule du coin. 290 chevaux, double
suspension arrière, forme aérodynamique sportive, GPS intégré. Elle passait de 0
{ 120 km/h en 10 secondes dans des conditions normales optimales. Je n’ai
jamais su par quel miracle elle fut saccagée puis volée. Bon, en même temps,
préfet des verts avec une voiture consommant trois fois plus d’énergie ça se
comprend, c’est comme un pompier pyromane ou un homme politique
respectant ses engagements ! Un ami comique, « Nous allons créer des emplois
pour aider les plus démunis. » disait-il alors il ouvrit une boutique Emmaüs avec
des « employés » bénévoles parce que sinon ce n’est pas aider mais acheter le
client. Son sens de l’humour riche nourrissait son pauvre esprit consommateur.
Xavier Vol
104
Le soir du solstice d'hiver
Adrien Bloch
107
Spéculations crépusculaires.
C’était une nuit comme beaucoup. Elle ne trouvait pas le sommeil. Elle
savait qu’elle ne trouverait pas le sommeil. Et pourtant elle restait l{,
allongée, les yeux fixés sur la fenêtre, à penser comme souvent. Elle se
retournait dans son lit de temps à autres, pour changer de pensées, pour que
les heures passent sachant qu’elle ne pourrait rien faire d’autre de toutes
manières. Comme beaucoup de jeunes de son âge, elle souffrait d’insomnies,
des insomnies troublantes et fatigantes mais contre lesquelles elle ne pouvait
lutter, elle ne le savait que trop bien pour avoir essayé…
En effet, elle aurait voulu, ô combien voulu, pouvoir rester encore dans
ce lit tant elle était exténuée… On aurait pu croire qu’elle menait de rudes
combats chaque nuit, tant sa fatigue se faisait ressentir dans chacun de ses
mouvements, que ce soit pour s’habiller, enfiler ses chaussons, ou marcher
vers la cuisine…
109
besoin de se montrer le plus fort et dominant auprès des autres…
Étrangement, Nabila n’était jamais passée par l{ et avait toujours su garder la
tête sur les épaules. Elle se disait que ce comportement qu’adoptait son frère
ne l’avait épargnée lorsqu’elle avait son âge tout simplement parce qu’elle
n’en avait jamais ressenti la nécessité.
« Mamaaaaaaaaaaaaaaan ! »
« Au revoir Stéphane ! »
110
« Et, après, je lui ai dit « Oui, mais tu sais, c’est pas ce que je recherche
chez un mec… », et l{, tu sais ce qu’il m’a répondu ?! »
« Et bien, l{ il m’a dit, « Ben, tant mieux, parce que moi je n’ai trouvé
que ce qui ne m’intéressait pas chez toi ! » ! Tu imagines, quoi ? Me dire ça
alors que j’ai fait tant pour lui… »
Mais elle n’avait répondu cela que pour être en paix. Puisque, de toutes
manières, elle savait qu’Oriane ne s’intéresserait pas vraiment au plus petit
problème qu’elle pouvait avoir, mis { part une « histoire de mec », sachant
que c’était la seule chose qui pourrait l’intéresser… Après tout, elle n’avait
jamais encore eu de « mec », Nabila, un vrai de vrai comme elle s’aimait {
l’imaginer. Il y en avait bien quelques uns qui l’avaient déj{ un peu
intéressée, et certains sur lesquels elle se posait beaucoup de questions, mais
personne ne pouvait comprendre { quoi ressemblaient ses sentiments… Non,
selon elle, personne.
« Tu viens, Nabila ? »
« Hmmm ? »
« Ben… Il faut voir les bons côtés des gens aussi ! Tu le trouveras, ton
prince charmant, mais pas forcément au lycée ! Et puis, ne prends pas en
112
exemple n’importe quel garçon, il y en a qui en valent vraiment pas le
coup… »
Elle n’avait vraiment pas l’air d’aller ? Pourquoi Ludivine disait-elle une
chose pareille ? De toutes manières, rien ne lui arrivait ces temps-ci qui
pourrait lui causer du malheur : elle n’avait pas de problèmes de cœur, ses
amies les plus précieuses étaient toujours à ses côtés, ses résultats scolaires
étaient bons… Malgré ses problèmes de sommeil et ses interrogations
régulières sur certaines choses de la vie comme l’injustice, le bonheur et la
volonté de changer, afin de savoir si tout cela avait un rapport avec sa vie ou
pas, tout allait pourtant plutôt bien…
…plutôt…
Le cœur du problème devait être l{. Mais elle n’eut pas le temps de plus
se concentrer là-dessus, puisque l’heure des mathématiques avait sonné…
La maison des Haburoa, ainsi était leur nom de famille, avait toujours
pu surprendre les invités variés qui pouvaient y passer : « Quel ordre ! »
disaient certains, « Quelle disposition de meubles ! », disaient d’autres,
« Quel beau papier peint, ça convient parfaitement au parquet ! » avaient
mentionné certains, « Qui a gagné le match hier ? » avaient demandé
d’autres…
113
table basse ronde faite en bois verni régulièrement. Un canapé bleu ressortait
dans un tel décor, n’invitant qu’{ mieux s’installer dedans et permettant {
tous les invités d’avoir été unanimes en parlant de « maison chaleureuse et
accueillante ». Depuis ce salon, on accédait à une petite entrée avec un
mobilier donnant la possibilité d’y ranger les clés, les manteaux et les
vêtements d’hiver ainsi que les chapeaux, entrée qui menait ensuite { la
cuisine sur la droite ou au couloir en face. Ce corridor donnait donc sur la
salle de bain d’un côté, et l’escalier de l’autre qui lui débouchait { l’étage
réservé aux chambres. Tout avait été pensé de manière à ce que le salon soit
isolé des chambres pour plus de confort par rapport à ceux qui désiraient
dormir, et de manière { ce que l’ordre puisse être préservé d’où l’étage prévu
uniquement aux chambres…
114
toujours été adepte de la franchise. Supposer qu’elle pourrait se trahir elle-
même était l’une de ses plus grandes frayeurs.
« Oh, chéri allons… Tu te plains, mais écoute donc ton frère parler !
Lui, à Paris, il nous dit que chaque jour il a le droit à 40min de perturbations
régulièrement dans la semaine, alors ça n’est pas { nous de nous plaindre ! »
« Et puis, en plus à Paris ils sont nuls, ils n’ont pas une équipe de foot
aussi bien qu’ici { Lyon ! » renchérit le petit dernier.
« Ils pourraient tout de même faire des efforts… Et toi Nabila, tu n’as
pas eu de problèmes avec le bus ? »
« Et bien… »
« Allons, chérie, et puis { son âge c’est normal on était tous comme ça {
l’époque… »
Mais Nabila ne lui adressait déjà plus la parole. Sa journée avait été
suffisante pour qu’on ne lui fasse pas de reproches en plus. Le dîner s’acheva
115
donc dans un silence religieux, et c’est après avoir fait ses devoirs que Nabila
fit sa toilette et se prépara { aller dormir, pleine d’espoir.
116
lieu du gauche…démontrant un chiffre forcément impair puisqu’elle débutait
toujours du pied droit… Ce type de raisonnement était typique de sa panique
psychologique. Arrivée telle une tornade dans le salon plongé dans la
pénombre nocturne, Nabila trébucha, et atterrit violemment sur le canapé…
Hébétée, elle continua son chemin vers la cuisine… Il lui aurait fallu
une bouteille entière de lait pour pouvoir retrouver un quelconque calme…
Mais sa rage se raviva de nouveau en voyant que l’interrupteur n’était plus {
son endroit initial, comparé { son habitude…
Nabila poussa un cri, un hurlement qui lui parut résonner tant qu’elle
s’impressionna elle-même. Elle aurait voulu pouvoir frapper quelque chose,
pouvoir se déchaîner et expier toute cette nervosité qui l’incarnait… Pouvoir
oublier tout ce qui lui arrivait en ce moment, pouvoir faire abstraction de son
mal être, pouvoir faire abstraction de ses parents dénués de discernement,
pouvoir faire abstraction de toute cette hypocrisie de la part de ses moins
importantes « copines » parlant sans cesse de choses qui lui importent le
moins du monde, de leurs petites histoires privées sans aucun intérêt… Elle
se leva brutalement, puis elle eut la sensation que sa tête tournait, tournait.
Ses yeux se refermèrent, et sa conscience se dispersa...
117
Nabila se releva, lentement. Elle observa autour d’elle, aveuglément,
s’interrogeant quelques instants sur cet endroit où elle était et sur l’heure
qu’il pouvait être… Elle se souvenait maintenant de ce qu’il était arrivé, et
n’osa plus jeter un regard sur la pièce qui l’entourait. Elle était maintenant
captivée par ce qu’il se passait dehors… Le soleil était toujours couchant, elle
n’avait dû perdre conscience que peu de temps… Son pouls était encore un
peu battant, maintenant qu’elle y pensait… Mais elle remarquait surtout que
la lune était l{, elle aussi. C’était, toujours, le crépuscule qui se présentait l{,
devant elle. Un crépuscule comme arrêté, paralysé face à elle. La lumière était
orangée, le ciel de la nuit bleuté. La lune était blanche et luisante du
crépuscule, et le soleil avait une teinte légèrement rosée… Ce spectacle était
sublime, sublime. Elle entra dans un état de méditation instantanément,
entièrement calme, et fixant le ciel sans s’en lasser… Elle commença alors {
réfléchir, calmement, et tout lui parut clair…
Nabila s’allongea alors dans son lit, paisiblement. Lui vint alors {
l’esprit la chouette, de nouveau. Un fruit de son imagination, lui aussi ?
C’était possible, mais elle pensait { autre chose qui lui plaisait beaucoup
plus : la chouette avait certainement vu, dans le fond de ses yeux, ce petit
reflet de lumière crépusculaire. Ce devait être tout ce qu’il lui manquait avant
de repartir, rechercher cette lumière en elle qui demeure certainement dans
chacun… Nabila referma alors les yeux, lentement, et passa certainement
sous ce phénomène étrange la meilleure nuit de sommeil de toute sa vie.
Derhen Villiers-Moriame
118
Le Temps des Fleurs
Les jolies fleurs blanches foisonnent dans la ville. Elles éclosent à tous les
coins de rue, pas dans des parterres ni dans des champs réservés à leur culture,
non, elles se mêlent naturellement et en abondance aux rangées de maisons,
comme si constructions et fleurs étaient sorties de terre ensemble.
Ici, les gens ne préfèrent pas parler de ce tournant décisif gravé dans la
chronologie de la ville.
« Vous êtes ici pour la fête, je suppose. Je vous conseille de prendre votre
temps et d'en profiter. »
L'homme est de bonne humeur. Verre après verre, il s'est mêlé à ses
clients et son visage est déjà bien rouge, mais personne ne semble lui en vouloir
de se faire plaisir. Chaque siège de l'auberge est occupé et les rires résonnent
dans l'atmosphère. De temps en temps, on entend aussi les voix enjouées de la
route, à l'extérieur.
La ville entière festoie. Une fois par an, la fête rend les gens heureux
pendant toute la nuit, jusqu'à ce que le soleil se lève.
119
« J'espère que vous avez une chambre pour la nuit, Monsieur. Trop tard
pour en trouver à cette heure-ci ! Tout est plein à craquer. »
« On dirait bien. »
« Ce n'est pas que quelqu'un soit assez fou pour passer une nuit comme
celle-ci dans sa chambre, bien au chaud sous les couvertures. »
L'aubergiste fait un clin d'œil { Riku comme pour dire : « En tout cas, pas
vous, Monsieur, j'en suis sûr ! »
Parce qu'il a prévu de rester éveillé toute la nuit, il n'a pas pris de
chambre... même s'il n'a aucune intention de profiter de la fête.
Riku fera une prière une heure avant l'aube, au moment où l'obscurité est
la plus noire et la plus profonde. Il quittera la ville, poussé par le soleil de
l'aurore dardant ses rayons entre les montagnes et la mer, comme lors de sa
dernière visite. À l'époque, l'aubergiste, qui, quelques minutes auparavant, disait
à l'un de ses plus fidèles clients que son premier petit-fils allait bientôt naître,
n'était lui-même qu'un enfant.
Il fixe Riku avec méfiance et dit : « Vous êtes bien venu pour la fête, hein ?
»
« Ne me dites pas que vous n'en aviez pas entendu parler ! Vous voulez
dire que vous êtes venu ici totalement par hasard ? »
« En tout cas, si vous êtes venu ici pour faire affaire, n'y pensez même pas.
Vous ne pourrez avoir aucune conversation sérieuse avec qui que ce soit une
nuit comme celle-ci. »
120
L'aubergiste continue à expliquer en quoi cette nuit est si particulière.
Il est arrivé sans prévenir et n'a laissé aucune chance aux habitants
paisiblement endormis.
« Ouais. La ville est passée d'une ruine totale à ça. Toute la célébration
tourne autour de cette renaissance. »
121
« Qu'est-ce que vous racontez ? Depuis que je suis gamin, ça a toujours
été la "Fête de la Résurrection". »
« C'était avant que vous ne soyez assez vieux pour vous souvenir de quoi
que ce soit. »
« Hein ? »
« En effet. »
« Vous ne semblez pas ivre, mais vous ne devez pas avoir toute votre tête !
Maintenant, écoutez, c'est la nuit de la fête, alors je ne vais pas m'énerver parce
que vous m'avez charrié, mais ne racontez pas vos histoires aux autres habitants
de la ville. Tous nos ancêtres, les miens y compris, ont frôlé la mort. »
Riku sait très bien ce qu'il fait. Il savait que l'homme ne le croirait pas.
Appelé par l'un de ses autres clients, l'aubergiste quitte Kaïm, non sans lui
donner d'abord un avertissement.
Parmi ceux qui sont morts dans la tragédie deux cents ans plus tôt, il y
avait sa femme et sa fille.
122
Des dizaines de femmes et des centaines d'enfants qu'il avait eus tout au
long de sa vie éternelle, la femme et l'enfant qu'il avait ici comptaient
particulièrement.
Il n'y avait qu'eux trois : lui, sa femme, et leur petite fille. Ils menaient une
vie simple et heureuse.
La vie que menait sa famille devait s'arrêter un jour. Elle ne pourrait pas
continuer infiniment. Pourtant, ce n'était en aucun cas une raison d'être triste.
N'ayant aucune emprise sur l'éternité, les humains savaient comment aimer et
chérir l'instant présent.
Riku aimait tout particulièrement montrer des fleurs à sa fille, plus elles
étaient fragiles et éphémères, mieux c'était.
Sa fille adorait les fleurs. C'était une enfant douce qui n'aurait jamais
interrompue l'épanouissement de fleurs qui avaient luttées si fort pour éclore.
Elle préférait les admirer des heures durant.
« Regardez la taille des bourgeons ! Elles vont éclore dans peu de temps
maintenant ! », dit-elle avec joie après avoir découvert les fleurs blanches sur la
route près de la maison.
« Peu importe », dit la femme de Riku. « C'est une chance de les voir
éclore, c'est ça qui est amusant. »
« C'est peut-être amusant pour nous », répondit la fille. « Mais pense aux
pauvres fleurs qui travaillent si dur pour s'ouvrir et fanent le même jour. C'est
triste... »
« Même si elle ne fleurit pas longtemps, la fleure est heureuse si, pendant
cet instant, elle peut dévoiler les plus beaux pétales et libérer le parfum le plus
exquis dont elle est capable. »
Ton sourire est plus beau que n'importe quelle fleur épanouie.
Les mots qu'il avait prononcés d'un ton si désinvolte, il s'en rendait
compte, s'avéraient presque prophétiques.
124
Sa femme dit à Riku : « Bonne nuit, mon chéri, je vais vraiment me
coucher maintenant. »
« Bonne nuit », répondit Riku, profitant d'un dernier verre pour apaiser la
fatigue de la journée.
Les deux êtres chers de Riku partirent pour cet autre monde lointain
avant d'avoir pu quitter leur profond sommeil et sans avoir eu la moindre
chance de lui dire : « Bonjour ».
Le soleil se leva sur une ville qui avait été détruite en un instant.
Parmi les décombres, les fleurs blanches que la fille de Riku aurait
tellement voulu voir, étaient en pleine éclosion.
Riku pensa déposer une fleur sur le corps froid de sa fille en guise
d'offrande, mais il y renonça.
Il prit conscience que personne, aucun être vivant sur cette terre, n'avait
le droit de s'emparer de la vie d'une fleur qui n'allait vivre qu'une seule et unique
journée.
Riku se tient debout sur la place centrale de la ville. Les fêtards, eux aussi,
s'y amassent peu à peu, jusqu'à ce que, presque avant qu'il ne s'en aperçoive, la
place pavée de pierres ne soit bondée.
Alors que Riku lui sourit en silence, l'aubergiste semble quelque peu
embarrassé et dit :
« Oh... ? »
« Pourtant je pense vraiment qu'il peut y avoir des choses dans ce monde
dont on peut se souvenir même si on n'y a pas assisté réellement. Comme le
tremblement de terre : je ne l'ai pas oublié. Et je ne suis pas le seul. Il a beau
s'être produit il y a deux cents ans, personne dans cette ville ne l'a oublié. On
n'arrive pas { se l'imaginer, mais on n’arrive pas non plus { l'oublier. »
126
Au moment où Riku acquiesce de nouveau pour signifier à l'aubergiste
qu'il l'a compris, une mélodie grave résonne sur la place. C'est l'heure à laquelle
le tremblement de terre a détruit la ville.
Toutes les personnes rassemblées ici ferment les yeux, se tiennent la main
et se mettent à prier, l'aubergiste et Riku y compris.
La musique s'arrête.
Là où l'espace d'une journée suffisait pour les voir éclore et faner, elles
restent maintenant en fleur pendant trois ou quatre jours.
Théo Gallois
127
Une histoire
J’ai trouvé le premier hôtel de la liste tout de suite et j’ai réservé une
chambre où j’ai déposé tous mes bagages et je suis sorti, décidé {
découvrir le mystère de cette lettre. A la réception je me suis surpris
puisque j’ai rencontré une des femmes qui voyageaient dans l’avion, on
parla et on finit par dîner ensemble, elle s’appelait Nina. Je ne suis donc
pas allé { l’université mais elle me proposa de m’y accompagner le jour
d’après…
Je me suis réveillé plus tôt que Nina qui était paisiblement endormie
{ coté de moi. On s’est habillé et on est parti voir la fameuse université.
Dans la rue, on sentait qu’il allait faire un beau jour. Le soleil perçait
entre les rues et les gens paraissaient contents, même les oiseaux
chantaient. Je me dirigeai vers la cathédrale lorsqu’un groupe d’Italiens
croisa mon chemin et je fus surpris car...je comprenais ce qu’ils disaient, je
fus surpris, pourquoi comprenais-je l’italien ? Ne serait-ce pas une
illusion ? Mais mes soupçons furent confirmés lorsqu’un autre groupe
passa et que je compris ce qu’ils disaient en russe ! C’était bizarre, il faut
l’admettre mais je continuai quand même { marcher en me demandant ce
que cela pouvait être. Je suis sur que tu te doute que quelque chose
d’étrange s’est passé puisque je n’arrête pas de faire des insinuations. Bon
je vais vous expliquer ce qui s’est passé. Je suppose que vous avez tous vu
le film de Spiderman ; vous savez lorsque Peter revient après s’être fait
piquer par l’araignée et que lorsqu’il se réveille il a des capacités
surhumaines, c’est { peu près la même chose qui s’est passé dans mon cas
sauf qu’au lieu d’être des changements physiques, ce qui s’est produit a été
des changements mentaux. Ces changements mentaux, on pourrait les
qualifier d’élargissement de mémoire : { partir du jour où j’ai regardé la
grenouille, je peux me rappeler mes vies, comment dire, antérieures.
130
Je sais que Thémistocle était en fait le héros de la bataille de
Marathon et pas seulement de celle de Salamine et que Miltiade n’était pas
le héros de cette bataille puisqu’il a volé la gloire à Thémistocle.
Jose Lorenzo
131
UNE ILLUSION D’HOMME
Bizarre… certaines heures passent si vite et d’autres si lentement. Je ne
ressens rien, c’est étrange… On a tous imaginé ce que l’on ressentirait et ferait
dans cette situation. Quelle est notre stupeur lorsque l’on vit enfin ces instants
et que l’on ne ressent rien et ne fait rien. Rien. De toute façon, que faire dans ce
lieu sinistre et glacial à part réfléchir sur sa vie ? La mienne je l’ai ratée. Mais
qu’est ce que le mot raté veut dire ? Tout est relatif ! Allons bon, voilà que je me
mets { faire de la philosophie, moi qui l’ai toujours trouvée inutile et stupide.
J’ai toujours voulu faire quelque chose d’important. D’important oui, mais
quoi ? Je ne voulais pas mener une vie médiocre, comme les autres à travailler
toute ma vie dés l’âge de 15 ans jusqu’{ 65 ans pour mourir { 73 ans et que mon
existence soit oubliée, privée de sens par sa banalité. Non, moi je voulais
marquer mon temps ; qu’importe le moyen mais lorsque l’on prononcerait mon
nom, tous se souviendraient de qui je suis, de qui j’étais…
Je n’ai jamais suivi d’autre idéal, ni eu aucun lien avec personne. Solitaire
et impitoyable. Telle était ma réputation. « Le fou» voil{ comment on m’a
appelé. Mais pourquoi chercher absolument une explication ? Après tout, les
Dieu m’ont fait ainsi ! M et Mme Dieu morts en 44 au Havre sous les
bombardements américains. J’ai passé mon enfance dans une famille d’accueil.
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu l’impression de rêver ma vie
comme si j’allais bientôt me réveiller. Quelle est cette réalité dont j’entends
parler autour de moi ? Quelle garantie ai-je d’avoir vraiment vécu tous ces
« souvenirs » ? Ne suis-je pas le jouet d’un créateur tout-puissant qui aurait
introduit dans mon cerveau vierge de bébé le film de ma vie ? Une mémoire
artificielle en quelque sorte, une illusion… Ce qu’il me fallait alors c’était un acte
fort, marquant, bien ancré dans le présent, un acte suffisamment « anormal »
pour pouvoir affirmer le reste de ma vie : J’y étais ! Ce fut le jour où j’abattais
Polo le chien de ma famille d’accueil d’une décharge de chevrotines, { bout
portant… Je venais d’avoir 15 ans. Mais je n’ai pas réussi { déchirer ce voile
d’illusion, je ne l’ai qu’effleuré. Après tout, je ne sais même pas si ce voile existe
vraiment. Cette illusion n’est peut-être qu’une autre illusion. Toujours est-il que
je me suis enfui, loin, très loin de cette maison d’adoption. Je voulais briser tout
lien avec mon passé et j’ai, sans le savoir, pénétré dans ma vie d’adulte.
132
J’ai quitté la région rapidement grâce { l’auto-stop. Curieusement mes
« parents » n’avaient pas donné l’alerte, on ne me recherchait pas, je n’ai jamais
compris pourquoi. Mais j’ai essayé de « m’intégrer» comme on dit, après avoir
été placé dans un centre pour enfants fugueurs. Ils ne m’ont posé que très peu
de questions. Je leur ai raconté que l’on me battait et que si je rentrais ils me
tueraient. Ils n’ont jamais rien su de moi. Un an plus tard je m’enfuyais bien
décidé à me prendre en main.
Par la suite j’ai voulu être le seul maître de mon destin ; j’ai voulu faire les
choses les plus anormales possible. J’ai donc décidé de voler : au départ des
petits vols à main armée, puis je suis passé à plus grande échelle. Un soir de juin,
j’ai braqué un casino. Le jackpot ! J’étais riche { en mourir. La suite de ma vie n’a
jamais été qu’une course après l’image que je voulais donner de moi-même. J’ai
menti, triché, volé, abusé… J’ai donné une image totalement différente de ce que
j’étais. M’abusant moi-même, je me suis perdu dans mes rêves et mes illusions.
J’y croyais tellement. ! C’était beau ! J’étais bien habillé, roulait belle voiture,
parlait haut. J’avais du succès ! J’avais ma vie bien en main et les autres pliaient
devant moi. J’étais une illusion. Mais au fond de moi-même, j’avais l’impression
que ce destin n’était pas vraiment mon choix, que ce choix ne faisait partie que
de ce voile. Cette fois, j’ai décidé de le déchirer ; comme le chien n’avait pas
suffi, il me fallait quelque chose de plus fort, de plus anormal. J’ai tué un parfait
inconnu rencontré par hasard dans la rue, mais ce voile était encore là, bien
présent. Il y eut bien sûr des témoins pour me dénoncer. J’ai été condamné et
délaissé de tous mes « amis ». Je me rends compte finalement que ma vie n’a
jamais eu de sens ; elle n’a servi { rien. Je suis incarcéré dans un asile
pénitentiaire de haute sécurité ; heureusement ma « folie » a été prise en
compte sinon j‘aurais été exécuté { l’heure qu’il est.
Augustin Fennebresque
133
Le Voyage dans le Temps
A mon avis la personne qui vivait ici devait être vieille (si pas déjà
morte) et je me décidai à la trouver pour essayer de comprendre ce que je
faisais l{. Je scrutai la pièce une dernière fois mais ce fut en vain : il n’y
avait aucun téléphone, aucun ordinateur, aucune technologie. Je
m’avançai vers le placard mais n’y trouva que de grandes robes de bal et
quelques vieilles pièces d’argent dont on voyait même plus le dessin.
135
La porte s’ouvrit et mon regard terrifié fut rencontré avec le regard
confus d’un homme qui portait des jeans, des converses, un T-shirt noir, et
qui poussait un petit chariot portant un ordinateur d’où sortait des sons
d’animaux.
Megan Shephard
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Ont participé :
Adrien BLOCH Le soir du Solstice d'Hiver
James DENMAN L'illusion incroyable
Samuel DENTON-THOMPSON Mémoire - Bonheur ou Malheur
Katarzyna DOMAGALA Fausses Mémoires
Alexandre FELICIO Ce Sacré Skyzo
Augustin FENNEBRESQUE Une Illusion d'homme
Antoine FERREIRA En fait, c'était la fin
Theo GALLOIS Le Temps des Fleurs
Quentin GERARD-COESTER Illusions Successives
Elise GUIGNARD Par la fenêtre
Matthew HAUGHTON L'Importance de L'Œil
Manon KNOERTZER L'Opportunité du Crépuscule
Maya LANG L'Illusion de l'aventure
Maïlys LEMAITRE Ce n'est qu'un nouveau départ
Lewis LOCKWOOD La fin du Rêve
José LORENZO VALMASEDA Une Histoire
Mégane ODIN Quand la réalité n'est qu'une illusion
Martine PALMA L'Œil Révélateur
Louise PIGNET La Maison de Poupées
Rica PINTO Le désert de la fin
Peter SCHINDLER L'Invisible à l'œil
Charlotte SCLAPARI L'Œil Traître
Megan SHEPHARD Le Voyage dans le Temps
Timo SIEBERT La Fin du Monde
Emilie TAROUILLY La Grotte du Dragon
Angelica Kiyomi Dian TISSEYRE Confession: au-delà mes yeux le voient
Soukaïna Marina TROUILLER Compte à Rebours
Mélanie VANNIER Illusion d'une présence passagère
Pauline VASKOU Quand j'avais 13 ans, mon père est mort
Derhen VILLIERS-MORIAME Spéculations crépusculaires
Xavier VOL Quatorze Printemps
Wenda ZHOU Mémoires Effacées
Illustrations :
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