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Ce choix est donc en fin de compte comparable à celui que l’homme doit
faire face au Christ en croix : ainsi les deux larrons ont dû faire le leur. C’est bien
là que tout se décide. Comme le dit saint François de Sales, « la frontière entre
les royaumes du bien et du mal passe par mon cœur ».
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Article paru dans « Résurrection », Louvain-la-Neuve, Périodique bimestriel, 15e année, mai-juin,
1985-1986, № 5.
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Puisque chaque niveau physique a été conçu dans l’œuvre de Dieu pour
se reproduire lui-même, l’homme devient alors l’ingrédient spirituel dont
l’activité intellectuelle découvre cet ordre et l’organise rationnellement.
Telle est la fonction, tel est le rôle de l’homme de foi et de science, lequel
constitue ainsi une pièce-clé dans le cosmos. Voilà la raison dernière pour
laquelle le mal s’attaque bien plus à l’homme lui-même qu’au reste de la nature.
La tentation de la démesure
C’est ce type de mal subtil qu’on trouve fréquemment dans les domaines
technologique et moral, lorsqu’une pseudo-explication ou une pseudo-vérité,
parée du prestige scientifique, cause un désordre profond.
Mais l’homme a besoin d’être sauvé, et surtout sauvé de son repli maladif
sur lui-même, lequel a des effets aliénants sur son rapport au reste de la
création. Comment remplirait-il autrement une fonction rédemptrice sur la
nature en tant que médiateur portant en soi la signification et l’harmonie voulue
par le Créateur ?
C’est dans ce contexte que l’Incarnation prend tout son sens. Elle signifie
que Dieu lui-même s’est rendu présent dans sa création d’une manière
complètement nouvelle, puisque la Parole éternelle de Dieu, par qui l’univers fut
créé et en qui il reçut son ordre, est devenue elle-même homme en Jésus-Christ
selon un mode d’être et d’agir proprement personnels, de telle sorte que notre
existence de créature a été assumée par le Verbe de Dieu lui-même.
Or, pour opposer une résistance au mal, les créatures devraient répéter
l’acte de création, ce que Dieu seul peut faire. C’est justement ce que permet
l’Incarnation en introduisant au cœur du monde la Parole créatrice éternelle.
a) Le fait que Dieu soit devenu homme, prenant notre existence contingente
pour sauver la création tout entière à partir de ses fondements
ontologiques, renforce la place unique de l’homme dans l’univers.
Néanmoins, c’est seulement au fur et à mesure que l’homme guérit à
l’intérieur de lui-même qu’il peut exercer son rôle vraiment intégrateur et
« ordonnateur » dans le monde qui l’entoure.
c) Par son Incarnation, le Verbe (en qui l’univers a reçu son être et son
ordre et par qui tout est maintenu) signifie que la relation ontologique
entre le cosmos (univers contingent) et le Créateur n’est sûrement ancrée
qu’en Dieu seul.
Par la Parole que Dieu nous adressa en son Fils Jésus, il nous rappelle
que le « nombre » (c’est-à-dire nos équations) n’est pas un mode rationnel
indépendant, mais qu’il va plutôt de pair avec cet autre mode primaire de notre
rationalité propre qu’est la « parole » (c’est-à-dire la raison limitée qui a écrit les
équations) et que ces deux modes sont l’un et l’autre des formes de l’ordre
contingent, qui trouvent leur source et leur aboutissement dans l’ordre non
contingent et autosuffisant de Dieu.
Nous pouvons donc dire vraiment que, sous l’impact créateur de la Parole
incarnée de Dieu, l’ordre contingent du cosmos constitue une sorte de caisse de
résonance qui fait écho au Verbe de Dieu d’une manière telle que l’univers loue
et glorifie son Créateur et son Rédempteur.
Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre ; toi qui as
établi ta gloire par-dessus tous les cieux, ta splendeur est chantée par la
bouche de tes créatures, des tous-petits. À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas, enseigne-nous à reconnaître que tu prends
soin de nous et que tu nous as visités en nous voulant dépositaires des
œuvres de tes mains, en nous montrant la Sagesse de tes lois, et en nous
couronnant d’honneur et de gloire. Et en regardant plus haut que les cieux,
puissions-nous voir Jésus, devenu un peu moindre que les anges par la
souffrance de la mort, couronné de gloire et d’honneur, afin que, par la grâce
de Dieu, il goûtât la mort pour tous les hommes.
Alexandre de Pomposo,
docteur en physique.