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Idées et Méthodes
Dictionnaire
Le Stoïcisme
Aperçu La connaissance La cosmologie La psychologie La morale
Rien n'est plus bizarre et plus curieux que les idées des Stoïciens sur la
formation, la conservation et la destruction du Monde : il est, à leurs
yeux, un grand être animé (Zoôn) qui vit et respire comme les autres
animaux. Il y a, dans le Monde comme dans les animaux, un véritable
mouvement respiratoire, dont les alternations forment les phases de son
histoire. Ainsi, au commencement l'éther, la raison ou l'âme (c'est tout
un) commence à se tendre, c'est-à-dire à se condenser. De là résulte,
dans son sein, la formation d'un milieu plus dense, d'une sorte de noyau;
c'est l'air. Puis la contraction se prolongeant, la sphère de l'eau se forme
dans la sphère de l'air; puis, dans celle-ci, la sphère solide; ce qui
n'empêche pas les combinaisons partielles d'où naissent les plantes, les
animaux, etc. C'est là la période du développement. Quand le Monde est
arrivé sa terme de cette période, le relâchement, c'est-à-dire la dilatation,
succède à la contraction, et, par un mouvement rétrograde, tout
s'absorbe dans l'éther après en être sorti, jusqu'à ce que, les choses
étant revenues à leur état primitif, une nouvelle contraction recommence
qui ramène les mêmes phénomènes, non seulement dans leur
ensemble, mais jusque dans leurs moindres détails, et ainsi de suite
pendant toute l'infinité de la durée, où chacune de ces périodes occupe
plusieurs milliers d'années.
Ainsi l'éther est à proprement parler l'esprit qui anime le grand Tout,
l'Ame du monde : mens agitat molem... Dans la théorie stoïcienne, il n'y
a pas d'autre cause, pas d'autre Dieu, à moins qu'en ne veuille donner ce
nom à l'inexorable fatalité, dont le dogme, par une contradiction non
moins étrange que les précédentes, y subsiste à côté du dogme de la
providence. Les Épicuriens avaient nié la Providence, et étaient arrivés au
fatalisme par la doctrine du hasard; les Stoïciens y arrivèrent par la voie
contraire, celle de l'universelle détermination ( Déterminisme) des
causes. En réalité, la providence est la sagesse et la puissance de Dieu
librement appliquée au gouvernement du monde. Bien de pareil chez les
Stoïciens; et, bien qu'ils attribuent à Dieu l'intelligence et la puissance,
bien qu'ils le représentent comme s'occupant des affaires de ce monde, il
est clair que c'est là un soin stérile, qui ne peut rien changer à l'ordre
immuable des choses, qu'une nécessitéaveugle (fatum stoïcum) avait
fatalement déterminé de toute éternité. C'est donc, pour ainsi dire, d'une
manière subreptice, que ces idées de providence et d'attributs moraux
ont pénétré dans la théorie des Stoïciens.
A la réception passive des images, et aux trois degrés de tension qui lui
succèdent, correspondent différents états de l'âme, la représentation,
l'assentiment, la compréhension, la science, respectivement exprimés
par les emblèmes de la main ouverte, demi-fermée, fermée, fermée et
serrée fortement avec l'autre main.
Pour résumer le système avec fidélité, c'est donc à son âge de primitive
"floraison" que nous devrons nous reporter, alors que logique, physique
et morale composaient un tout organique indivisible. Nous exposerons
donc ces trois grands chapitres de la doctrine en leurs idées
essentielles, après avoir rapidement rappelé l'histoire extérieure de
l'école jusqu'au temps où le principal théâtre de son enseignement et de
son influence fut devenu le monde romain. Il y aurait bien lieu, au
préalable, de rechercher quelle part revint aux écoles antérieures dans la
constitution des théories stoïciennes. Nous nous bornerons aux
indications suivantes : l'école fut, à n'en pas douter, redevable : à
Socrate, de sa foi en l'identité des sciences et des vertus; à Platon, de
son aversion pour toutes les formes de l'hédonisme; à Aristote, de sa
discipline logique; à Héraclite, de sa physique, de sa théologie , de
son culte moral du Logos; à Antisthènes enfin, des principes de son
éthique. De tant d'emprunts, le stoïcisme, loin d'éprouver de la confusion,
se faisait au contraire un titre de gloire. Il le pouvait impunément. Il avait
conscience - quelle que fût l'origine des matériaux dont il usa - de la
puissante originalité qu'il avait mise à en composer un tout rationnel
unique, une philosophie.
« Quelqu'un lui demandait à qui confier son fils; lui de répondre : à moi,
car, si je savais quelqu'un qui me fût supérieur, je me mettrais à
philosopher sous lui. Aussi disait-on : lui seul est sensé; les autres
voltigent comme des ombres; et encore : si Chrysippe n'avait pas existé,
il n'y aurait pas eu de Portique (Diog., VII, 183) ».
Le stoïcisme à Rome.
Le stoïcisme s'est introduit et développé à Rome en devenant une
doctrine essentiellement pratique, et c'est ainsi qu'il a agi sur la
civilisation romaine et sur celles qui en furent les héritières. En 272,
Rome achève la conquête de la Grande Grèce ; en 242, celle de la
Sicile; en 168, mille Achéens, parmi lesquels Polybe, sont envoyés en
Italie. Vers 174, elle bannit les épicuriens Alcée et Philisque; en 162,
tous les philosophes; et les rhéteurs. En 135 se place l'ambassade de
Carnéade, de Critolaüs et de Diogène qui déjà modère le principe
stoïcien, en faisant de l'utile une conséquence du bien et un moyen d'y
atteindre. Panétius de Rhodes, disciple de Diogène et de son
successeur Antipater de Tarse, vit plusieurs années à Rome dans la
société de Polybe, de Scipion, de Lélius, de Q.-M. Scévola, de Sextus
Pompée, des Balbus et des plus illustres Romains. Il introduit à Rome un
stoïcisme pratique, peu orthodoxe, mais élargi par des emprunts aux
péripatéticiens et à Platon ( Platonisme). Son condisciple, Blossius de
Cume, est l'ami de Tibérius Gracchus et on a pu soutenir que les
Gracques avaient voulu réaliser, en partie, par leurs lois, les théories
sociales des stoïciens grecs. De bonne heure, les doctrines de l'école
sont mises à profit par les jurisconsultes, qui ne cesseront de s'en
inspirer en les adaptant au milieu romain. Posidonius, disciple de
Panétius, se lie à Rome avec des personnages importants. Pompée et
Cicéron vont l'entendre à Rhodes. Eclectique, il suit parfois Platon et
Aristote ; il répond aux objections, des pyrrhoniens et à celles des
adversaires de toute philosophie, en mettant en lumière les affirmations
acceptées de tous ses représentants.
Sous Domitien, les stoïciens sont tous traités comme des opposants.
Les philosophes sont encore chassés de Rome et de l'Italie; Epictète,
Arria, Dion Chrysostome s'en éloignent. Arulenus Rusticus et Herennius
Senecio sont mis à mort, pour avoir écrit avec trop d'éloges la vie de
Thraséas et d'Helvidius. Au temps des Antonins, le stoïcisme devient,
sous sa forme éclectique et pratique, le guide des empereurs comme de
leurs sujets. Les édits d'Hadrien et d'Antonin, les oeuvres des grands
professeurs Gaius et Papinien introduisent dans la législation plus de
douceur et d'humanité, proclament l'esclavage un droit contre nature, font
place aux droits de la femme, de l'esclave, du pauvre et créent, avant le
Digeste, cette raison écrite, ce code universel qui aura une influence si
grande au Moyen âge et dans les temps modernes. Euphrate, qui avait
cherché à vivre en stoïcien, «pour lui et pour Dieu», avant de se dire
philosophe ou d'en prendre le costume, ne se tue, parvenu à un âge
avancé et souffrant d'une maladie incurable, qu'après en avoir demandé
la permission à Hadrien. Pline le Jeune, son disciple et son admirateur
(Ep., I, 10) vit avec les stoïciennes Arria, Faunia, les deux Helvidia et
acquitte les dettes d'Artémidore.
Son ami Tacite a un idéal politique, qui le rapproche des stoïciens et qui
explique ses jugements sur les empereurs comme sur Sénèque,
Thraséas, Burrhus, Helvidius. Juvénal, dit C. Martha, complète Tacite
sans trop renchérir sur lui. Dion de Pruse, surnommé Chrysostome,
d'abord rhéteur, exilé de Rome en 82, erra en Grèce et chez les Gètes,
n'ayant pour livres que le Phédon de Platon et le Discours sur
l'ambassade de Démosthène. Vivant avec les gens du peuple, il devient
philosophe et, sous le nom de Diogène exilé et errant, il fait, à propos de
Domitien, une vive critique de la tyrannie. Ami de Nerva, Dion reste
philosophe. Ses vingt dernières années sont consacrées à la prédication
populaire, à des « missions ». A Apamée , à Tarse, à Alexandrie , à
Rome, en beaucoup d'autres villes, dans les théâtres ou dans les forums
et les agoras, Dion parle en homme d'État, en bon citoyen, fait la critique
de ceux qui l'écoutent et leur indique les moyens de détruire leurs défauts
et de donner satisfaction à leurs besoins moraux. A Trajan comme aux
Alexandrins, il montre que la raison mène et doit mener le monde.
Sachant se faire écouter comme Socrate, réalisant la conception
d'Epictète, qui voit dans le cynique idéal un envoyé de Dieu, il mêle à son
stoïcisme du platonisme et du péripatétisme, du pythagorisme et du
cynisme, pour dégager les hummes de l'égoïsme, de la frivolité, des
passions sensuelles et grandir leur moralité on leur dignité.
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