Le libéralisme ne se réduit pas à son seul volet économique. Cʼest aussi une philosophie politique qui met la liberté au premier plan. Cʼest également une philosophie sociale individualiste car elle fait passer lʼindividu avant la raison dʼEtat, les exigences de la collectivité. Cʼest encore une philosophie de lʼhistoire selon laquelle lʼhistoire est faite, non par les forces collectives, mais par les individus. Cʼest enfin une certaine philosophie de la connaissance et de la vérité: le libéralisme croit en la découverte progressive de la vérité par la raison individuelle. Cʼest de la confrontation des points de vue que doit peu à peu se dégager une vérité commune. Le parlementarisme traduit ainsi au plan politique cette confiance dans la vertu du dialogue.
1.2. Les conséquences juridiques et politiques. Le libéralisme se défie foncièrement de lʼEtat et du pouvoir. Tout libéral souscrit à lʼaffirmation que le pouvoir est en soi mauvais, son usage pernicieux; sʼil faut sʼen accommoder, il faut aussi tenter de le réduire autant que faire se peut. Pour éviter le retour à lʼabsolutisme, le libéralisme met en avant le principe de séparation des pouvoirs, lʼéquilibre des pouvoirs, la décentralisation et la non-intervention en matière économique et sociale. Enfin la répartition des pouvoirs doit être consignée par écrit et contrôlée par des juridictions. Le libéralisme se défie également de tout ce qui risque dʼétouffer lʼinitiative de lʼindividu. Dʼoù lʼopposition aux syndicats et autres corporations. Dʼoù le refus des autorités intellectuelles ou spirituelles. Par définition le libéralisme est anticlérical. Cʼest pourquoi, au XIXe siècle, le libéralisme apparaît comme une doctrine subversive.
2. La sociologie du libéralisme.
2.1. Le libéralisme, expression des intérêts de la bourgeoisie.
Le libéralisme est aussi lʼexpression dʼun groupe social, la doctrine qui sert le mieux les intérêts dʼune classe. Les pays où le libéralisme sʼépanouit sont ceux où il existe une bourgeoisie déjà importante. Les adeptes du libéralisme se rencontrent surtout parmi les professions libérales et la bourgeoisie commerçante. Dʼoù un paradoxe: si le libéralisme apparaît subversif comme philosophie, il est conservateur dʼun point de vue sociologique puisque la bourgeoisie, installée au pouvoir depuis la Révolution, entend le conserver contre le retour de lʼaristocratie et la montée des couches populaires. Cʼest pourquoi le libéralisme nʼest pas la démocratie.
2.2. Le libéralisme ne se réduit pas à lʼexpression dʼune classe. La bourgeoisie peut avoir adopté le libéralisme non seulement parce quʼil sert ses intérêts mais aussi par conviction voire par générosité.
2.3. Les deux faces du libéralisme. Le libéralisme est à la fois révolutionnaire et conservateur, subversif et conformiste.
3. Les étapes de la marche du libéralisme.
En Angleterre, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves, le libéralisme a transformé peu à peu le régime et la société par la voie des réformes. Dans les autres pays, il a eu recours au mode révolutionnaire. R. Rémond, Le XIXe siècle: 1815-1914, Points-Seuil Histoire
3 Michel Lévêque
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Fiche
3.1. Premier épisode en 1820.
Le libéralisme prend la forme de conspirations militaires. Lʼarmée est, à lʼépoque, le foyer du libéralisme. En France, au Portugal, en Espagne, à Naples, au Piémont, en Russie, les complots militaires libéraux échouent.
3.2. Seconde secousse en 1830. Par rapport aux mouvement de 1820, on peut parler de révolution, car les forces populaires entrent en jeu. A lʼouest de lʼEurope, les révolutions triomphent: France, Belgique. Partout ailleurs, cʼest lʼéchec.
3.3. Les tentatives des libéraux. Cʼest sous lʼégide du libéralisme que lʼunité italienne sʼaccomplit. Le libéralisme triomphe encore dans les Etats scandinaves, aux Pays-Bas, en Suisse. En Allemagne, le libéralisme est dʼabord contenu par lʼAutriche; puis Bismarck oblige les libéraux à choisir entre lʼunité (pour laquelle opte une majorité) et le libéralisme (auquel reste fidèle une minorité). En Autriche, le libéralisme ne se développe quʼaprès 1867 et lʼacceptation du dualisme. En Russie, le mouvement décabriste de 1825 et les initiatives du tsar réformateurs Alexandre II sont isolés: il faut attendre la révolution de 1905 pour voir le libéralisme triompher.
4. Les résultats.
4.1. Les régimes politiques libéraux.
Le libéralisme dʼun régime se reconnaît dʼabord à lʼexistence dʼune constitution. Ensuite ces constitutions tendent à limiter le pouvoir. Ce qui nʼexclut pas quʼil soit monarchique, le libéralisme sʼopposant seulement à lʼabsolutisme. La décision politique est désormais partagée entre la couronne et la représentation nationale, souvent sous forme bicamérale. Le libéralisme est en effet acquis au bicaméralisme: plus il y a de pouvoirs, moins le risque est grand que lʼun dʼeux sʼarroge la totalité de la puissance. La chambre haute, composée de descendants de lʼaristocratie ou de membres choisis par le pouvoir, permet de compenser les passions populaires. La présence dʼune seconde chambre en régime démocratique est souvent un vestige du libéralisme. Nulle part le libéralisme nʼadopte le suffrage universel: quand celui-ci est introduit, cʼest le signe que le libéralisme a cédé la place à la démocratie. Le suffrage censitaire est certes restrictif mais nʼexclut pas de façon définitive: tout un chacun peut devenir électeur à partir du moment où il remplit les conditions de fortune; il appartient donc à lʼindividu de sʼenrichir. Le régime libéral se traduit aussi par une décentralisation: confier lʼadministration locale à des notables élus, cʼest manifester sa défiance à lʼégard du pouvoir central; cʼest aussi se protéger contre les poussées populaires. Le régime libéral reconnaît la liberté dʼopinion, favorise lʼexpression parlementaire et la liberté de la presse et cherche à contrôler lʼenseignement secondaire au détriment de lʼEglise. Plus généralement, le libéralisme cherche à retirer aux Eglises leurs privilèges et à instaurer lʼégalité entre les confessions.
4.2. Lʼordre social libéral. La société libérale repose sur lʼégalité de droit; mais lʼinégalité de fait perdure. Lʼargent et lʼinstruction sont les deux piliers de lʼordre libéral.
R. Rémond, Le XIXe siècle: 1815-1914, Points-Seuil Histoire
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