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Eléments d'un cours sur l'oeuvre poétique de


Bibliographie critique sur l'oeuvre de P.

Philippe Jaccottet
Jaccottet
● Présentation critique des oeuvres au
programme
● Patience de P. Jaccottet : extrait d'un essai
sur le poète tardif.
● Les Journées de P. Jaccottet : brève note
critique sur Autres journées (1987)

● Lecture commentée du poème "L'ignorant"


par Jean-Michel Maulpoix - Université Paris X-Nanterre - 2003-2004
● Lecture commentée du poème "L'effraie"
● Lecture du sonnet "Sois tranquille..." (Observation à propos de la mise en ligne de ces notes de cours)
● Le travail du poète

La poésie française dans les


La poétique de Philippe Jaccottet
:
années 1950 : "Habiter"
présentation de la (Notes et proposition de plan pour une leçon)
génération de poètes à
laquelle appartient
Philippe Jaccottet
· Entendre ici le mot « poétique » au sens large : il ne s’agira pas
seulement d’examiner les procédés ou les techniques qui entrent en
jeu dans l’écriture des poèmes de Philippe Jaccottet, mais
Liens vers d'autres pages consacrées à Philippe
d’interroger plus globalement, à travers son « faire » (son poiein)
Jaccottet
la cohérence ou la cohésion de son œuvre, autant dire son projet,
les choix auxquels il donne lieu, et la façon dont il s’accomplit.
(sites extérieurs)

· C’est donc aussi bien se demander : qu’est-ce que le poétique


● Présentation du livre de J.C.Mathieu :
Philippe Jaccottet, l'évidence du simple et pour P.Jaccottet ? Comment caractériser son approche et sa mise
l'éclat de l'obscur.
en œuvre ?
● Entretien de P. Jaccottet avec Mathilde
· Je m’intéresserai donc successivement au travail du poème,
Vischer
marqué par la recherche d’un équilibre entre contrainte et liberté
● Les "beaux chemins" de P. Jaccottet, par
ainsi que par le privilège accordé aux valeurs de souffle et de
Hans Freibach
mesure, puis au parti-pris du peu, de l’atténuation et de la
● Mémoire (à télécharger) de Mathilde
restriction, avant de conclure sur la dimension éthique de ces
Vischer: "Philippe Jaccottet traducteur et
choix.
poète, une esthétique de l'effacement"

● Traduire Jaccottet, par Fabio Pusterla


· Il n’y a pas de prétention à un discours sur l’Être dans l’œuvre
● P. Jaccottet, une critique de l'image
de PJ :
poétique, par Pierre Campion.

● Un film de Jérôme Prieur sur P. Jaccottet


« Être est plus lointain que l’extrémité du ciel, plus inconnu que
● La poétique de l'espace dans l'oeuvre de P. l’inconnu. »
Jaccottet, par Damien Berdot
● Colloque "La mémoire et la ® poète qui « baisse le ton », qui ne cesse d’en rabattre, à
faille" (Montpellier) l’instar de la plupart des modernes (« Il faut en rabattre » écrit
● Entretien avec P. Jaccottet à propos de G. Mallarmé dans « Etalages », texte de la section de Divagations
Roud intitulée « Quant au livre ».), et qui pourtant maintient, ne fût-ce
● Entretien avec PA Stauffer et A.Duplan (24 qu’en sourdine, une fonction du poète, un devoir de poésie…
décembre 1997)
● "Vers le secret du monde", Philippe
® Rabattu, l’envol. Ravalé, le cœur. Et “ rendu au sol ” le poète,
Jaccottet et Gustave Roud, entretien d'Eric plus que jamais boiteux dans l’ici-bas… Et néanmoins… Formule-
Bulliard avec P.Jaccottet. clef de la poétique de PJ.
● « Grignan, une fenêtre ouverte sur le
monde », entretien avec Philippe Jaccottet ***
par Pierre-André Stauffer et Antoine
Duplan, dossier l’Hebdo, 24 décembre
1997, n° 52
● La poétique de l'espace dans l'oeuvre de
I. Respiration du poème...
Philippe Jaccottet, par Damien Berdot,
Mémoire de licence, sous la direction de
Peter Schnyder, Université de Haute-
Définition du poème comme lieu de respiration, aire de souffle :
Alsace, juin 2000

« Le souffle pousse, monte, s’épanouit, disparaît ; il nous anime


et nous échappe ; nous essayons de le saisir sans l’étouffer. Nous
inventons à cet effet un langage où se combinent la rigueur et le
vague, où la mesure n’empêche pas le mouvement de se
Textes, essais, entretiens
poursuivre, mais le montre, donc ne le laisse pas entièrement se
perdre. » (La Semaison, mars 1960).
● Anne-Marie Albiach
● Jacques Ancet ® cette citation fait apparaître ce qui constitue sans doute le
● Marie-Claire Bancquart cœur de la poétique de Jaccottet, à savoir la recherche de points
● Charles Baudelaire d’équilibre entre les contraires.
● Yves Bonnefoy
● Jacques Borel ® Observer dans cette première partie, le privilège chez PJ
● Marc Chénetier d’une écriture du souffle (qui n’est pas la parole soufflée du haut
● Benoît Conort lyrisme) dont la musique serait le modèle et qui se tient au plus
● Mahmoud Darwich près de la voix et de la respiration, c’est-à-dire de l’existence
● Michel Deguy même
● André Du Bouchet
● Jacques Dupin 1.1 Le travail du poème
● Claude Esteban
● Lucette Finas Ne pas se leurrer sur l’apparence « simple » de nombre de
● Jean Giraudoux
poèmes de Philippe Jaccottet. L’écriture est pour lui le lieu du
labeur le plus rigoureux et le plus exigeant.
● Guy Goffette,
● Julien Gracq,
® S’il avoue écrire par inspirations, émotions, il se présente en
● Eugène Guillevic
même temps comme un tenant du classicisme : "pour le poète
● Edmond Jabès
d'aujourd'hui, la création doit être une longue patience". La poésie,
● Roberto Juarroz
affirme-t-il, est "un domaine où le plus grand scrupule est de
● JMG Le Clézio,
rigueur". Une fois de plus, la traduction est son modèle… Elle
● Stéphane Mallarmé
suppose une attention au moindre mot, à la moindre nuance.
● Henri Michaux Respect dans sa propre parole de la parole d’autrui…
● Pierre Michon
● Gaston Miron CONTRAINTES ET LIBERTÉS
● Gérard Noiret
● Valère Novarina · A la fois écriture poétique très libre et lien conservé avec un
● Pascal Quignard, héritage classique
● Rainer Maria Rilke
● Arthur Rimbaud ® usage de formes traditionnelles comme le sonnet, mais
● James Sacré irrégulier dans la disposition des rimes. PJ Adopte et adapte un
● Dominique Sampiero legs.
● Nathalie Sarraute
● Nicolas de Staël, ® usage de vers réguliers et de vers libres
● Jean-Luc Steinmetz
● Jules Supervielle, · travaille à assouplir l’alexandrin. Fait progressivement de plus
● Antony Tapiès... en plus de place au vers libre
● Michel Tournier
● Paul Valéry, ® L’effraie est largement dominé par l’alexandrin. Dans
● Jean-Pierre Verheggen
l’Ignorant, il reste majoritaire, mais se trouve en concurrence avec
le vers de 14 syllabes.
● Andrea Zanzotto

Essais généraux ® par la suite, les types de vers sont extrêmement divers
(alexandrins, octosyllabes, décasyllabes et autres…) et souvent se
● Le lyrisme, mélangent dans un même texte : c’est l’unité de souffle qui
● la modernité... prédomine, la recherche d’une « mesure » liée à ce que Jaccottet
● De qui, de quoi, suis-je le appelle dans Éléments d’un songe son « oreille intérieure ».
contemporain ?
● Pour un lyrisme critique...
· Joue sur la frontière prose/poésie, en adoptant souvent des
moules traditionnels pour les assouplir, pour "prosaïser" (hiatus,
● La poésie n'est pas une maladie
incertitudes rythmiques, assonances approximatives au lieu de
honteuse...
rimes...). Parole simple et tâtonnante.
● Ethique de la parole critique
● Poésie et autobiographie
POÈME DISCOURS ET POÈME INSTANT
● Poésie et modernité urbaine
● Introduction à une poétique du
Voué au "poème discours", Jaccottet a le désir du "poème
texte offert
instant" :
● Entretien avec Michel Meresse
● Réponse à une enquête de la
« Sans doute le poème en vers longs et réguliers suppose-t-il un
revue Sud souffle assez ample et paisible, un équilibre que j’ai perdu, ou que
● Portrait du poète en danseur de je ne connais plus continûment, naturellement. Solennisation des
corde choses, des instants, accord, harmonie, bonheur. Mais comment
● Internet et l'écriture passer de certaines notes poétiques au poème ? La voix retombe
● La poésie française depuis 1950 trop vite. Il y a une difficulté intéressante dans l’opposition entre
le poème-instant (celui de l’Alegria d’Ungaretti) et le poème-
discours qui a toujours été le mien, tel un bref récit légèrement
solennel, psalmodié à deux doigts au-dessus de la terre. » (La
Semaison, p. 47)

® Difficulté de retrouver l’ancien souffle lyrique : « la voix


retombe trop vite ». On ne peut pas porter longtemps le poème

® caractérisation du « poème discours » tel que PJ le pratique :


récit bref + solennité relative + chant d’en bas.

ENTRE CONVERSATION ET ÉLOQUENCE

« Je croyais avoir acquis, avec les derniers poèmes de


L’Ignorant, comment dire ? un ton, un rythme, un accent, une façon
de maintenir le discours à mi-hauteur entre la conversation et
l’éloquence » (Note III de La promenade sous les arbres)
® prééminence de la voix, de la parole. Poésie comme travail de
la voix dans l’écriture.

1.2 L'air et le souffle

Titre "airs" (1961-1964) : à la fois hauteurs, souffles, chansons et


manières d'être (rappelons que ce même titre ouvre l'oeuvre de Du
Bouchet).

LE MODÈLE MUSICAL

Plus que la peinture, le modèle ou la référence majeure de la


poésie de Jaccotet pourrait être la musique (pièces dédiées à
Purcell)

Dans une note de Janvier 1959 de la Semaison, il confie son "rêve


d'écrire un poème qui serait aussi cristallin et aussi vivant qu'une
oeuvre musicale, enchantement pur, mais non froid, regret de
n'être pas musicien, de n'avoir ni leur science, ni leur liberté. Une
musique de paroles communes, rehaussée peut-être ici et là d'une
appogiature, d'un trille limpide, un pur et tranquille délice pour le
coeur, avec juste ce qu'il faut de mélanvcolie, à cause de la
fragilité de tout. De plus en plus je m'assure qu'il n'est pas de plus
beau don à faire, si on en a les moyens, que cette musique-là,
déchirante non par ce qu'elle exprime, mais par sa beauté seule".

L’AIRE DE SOUFFLE

Modèle dans les souffles, d'une parole aérienne et passagère :


"Parole-passage, ouverture laissée au souffle. Aussi aimons-nous
les vallées, les fleuves, les chemins, l'air. Ils nous donnent une
indication sur le souffle. Rien n'est achevé. Il faut faire sentir cette
exaltation, et que le monde n'est que la forme passagère du
souffle." (La Semaison, p.35).

Le poème serait dès lors quelque chose comme une aire de


souffle (cette parole- paysage et cette parole-passage dont je
parlais plus haut) : "Aire choisie, délimitée par le vent, site
d'obélisques semés par le souffle d'un Passant invisible, tout de
suite et toujours ailleurs" (Paysages avec figures absentes, p.16).

Dans La promenade sous les arbres : "(...) Mais qu'est-ce que


l'air? Ah! sûrement, j'adopterai un jour un langage plus vif et plus
chantant pour m'y élever comme l'alouette et le conquérir dans
l'allégresse de la poésie! On ne résiste pas à ces trouées!"

® un modèle : le haiku

TS 312 : "illuminer d'infini des moments quelconques"

les auteurs qui ont pratiqué ce genre ont été des "passants
invisibles" (TS 314).

acuité du "très peu" (TS 316)


1.3 Le maintien du Chant

Définit les conditions d’un maintien du chant, les conditions d’un


chant légitime, tout en ayant parfaitement conscience de « la fin de
l’hymne », de longue date déjà énoncée par Hölderlin ou Mallarmé.

® Cf Chant d’en bas, p. 45

ENTRE PARLER ET CHANTER

P.Jaccottet établit peu à peu son écriture entre critique et


apologie du langage, entre un « parler est facile » (p. 41) et un
« parler est difficile »

® Mathieu parle d’une « oscillation de la diction entre parler et


chanter » (p. 417)

® travaille à rapprocher le parler et le chanter : élaborer un chant


proche de la voix familière, mais également porter la parole
jusqu’à l’irrésistible évidence du chant (cf P. 45)

· En même temps que la manifestation d’une présence, le chant


est appel à son dépassement. Il dit toujours beaucoup plus que ce
qu’il dit. Il transporte avec lui, par-delà tout processus signifiant,
un surcroît d’indétermination. Il est un langage emporté par la
musique au-delà de la signification. Une impalpabilité discursive.
Un langage débordé, débordant, dans lequel le langage même
semble faire face à l’indicible et se mesurer à lui. Le chant
accomplit donc la voix en se portant au-delà du sens. Selon Rilke,
“le chant est existence”, “Un souffle autour de rien. Un vol en
dieu. Un vent”. (Sonnets à Orphée, éd. Aubier, p. 147).

® Jaccottet reprendra à son compte ces formules en affirmant


« Chanter, c’est être » (Carnets 1995-1998, p. 122).

LA CHERCHERIE

· Fréquence du verbe « chercher » chez PJ. Cf p 50 et 58

® recherche d’une fidélité à l’insaisissable (50)

® chercherie orientée vers ce qui est hors de portée (p. 58). Elle
se connaît vaine.

· Poésie moderne est interrogative. Elle cherche plus qu’elle ne


chante. Elle est moins inspirée que questionneuse.
® Michaux : « approcher le problème d’être ».
® Question du « Qui suis-je », « Où suis-je ? », "Quand
sommes-nous" ?
® Beck : « le poème est le lieu d’élaboration progressive
d’une vérité quant à l’époque ».
· La poésie est un espace de chercherie (Baudelaire). On y
cherche du sens (le sens s’y trouve mis en difficulté, en cause,
en suspens…). C’est un tissage de/dans la perplexité. La poésie,
par la précision de ses tours, entrouvre un peu la langue sur notre
ignorance. C’est un chant d’ignorance.
· Poète, celui qui nous rappelle que n’est pas maîtrisé ce
monde que nous croyions connu. Celui qui nous rouvre (en sa
profondeur) cet espace que nous croyions fermé. Celui qui nous
invite à nous remettre en chemin. Celui qui nous enjoint
d’exister, tout simplement.
· Valeur critique de la chercherie.

Nietzsche : « L’œuvre d’art ne jaillit pas tant du miracle d’une


imagination créatrice que de la puissance de jugement, qui choisit,
ordonne et trie les éléments dont cette œuvre est formée. »

LE CHANT D’EN BAS

Le chant au plus près de la finitude (Cf les notes relatives au


volume portant ce titre).

® chant qui n’efface pas la rugosité de l’existence et de notre


rapport au réel. Chant qui ne craint pas d’être rauque et rocailleux.
C’est le chant de celui qui questionne. De celui qui reste en bas. De
celui qui ignore. Un chant « rétif aux griseries de l’imagination,
s’admonestant, tenant la bride courte à l’exaltation, contrecarrant
son penchant au mélodieux » (JC.Mathieu).

® Recherche du chant et résistance au chant.

***

2. Une poétique restreinte

Le peu : seul socle autorisé de la parole. Cette parole fait signe


vers le silence. Elle accueille l’écho de ce qui ne s’énonce qu’aux
frontières de la langue

2.1 Images et figures absentes ?

LA MÉFIANCE À L’ENDROIT DES IMAGES

· "Les enfants en inventent, à un certain âge, tous les jours; les


surréalistes en ont inondé la poésie moderne. Pour peu qu'on cède
à cette pente, il se produit un foisonnement de relations plus ou
moins bizarres entre les choses qui peut, à bon marché, faire croire
que l'on a découvert les secrètes structures du monde, alors qu'on a
simplement tiré le maximum d'effets de l'imprécision d'une
expression"

· "Méfie-toi des images. Méfie-toi des fleurs. Légères comme les


paroles. Peut-on jamais savoir si elles mentent, égarent, ou si elles
grisent?"

® par souci de ce qu’Yves Bonnefoy appelle « la vérité de


parole », PJ s’interdit de céder au charme des images. Sa poésie
n’est pourtant pas dépourvue d’images.
"les ornements sont tombés, rien ne reste que les formes
essentielles" (Semaison, 17)

LE RÉEL PRIS EN COMPTE

· Dans La Seconde semaison (p. 106), PJ cite ce mot de Clément


Rosset : « plus le sentiment du réel est intense, moins il est
compréhensible. »

· Attention de PJ aux détails et aux signes que paraît parfois


adresser le monde : il est celui qui avance à travers l’épaisseur du
visible. Cela se vérifie particulièrement dans ses proses.

· « La parole qui cherche à échapper à ce monde ou à le dépasser


s’égare et s’altère, en trahissant à la fois le monde où elle aurait
dû continuer à jouer puisqu’il est son domaine, et l’Absolu où elle
ne peut que s’éteindre. » (La promenade sous les arbres).

· Renvoyé sans cesse vers l’exister par l’impossibilité à s’établir


par les signes comme à demeure dans le sens et dans la beauté,
voire à atteindre un centre. On n’habite pas dans le poème. On y
transite. On y fait face.

® poésie qui ne congédie pas le réel mais l’affronte avec


lucidité.

2.2 Note et fragmentation

LE POÈME ET LA NOTE

· Cf Semaison : "Notes pour des poèmes » = notes en vue de


poèmes, notes préparatoires, amorces, frêles appuis.

® ces notes sont aussi bien des modalités de l’interrogation :


des arrêts sur objets, pensées, choses vues et choses lues,
événements ou circonstances. Ce sont des notes de lecture au sens
propre.

® semis ou semaison, elles ont une valeur vitale, germinative.

· Traduction de l'immédiat. Capter des sensations, des


rencontres. L'immédiat déjoue les doutes de l'esprit. Il prend de
vitesse l'angoisse

Difficulté cependant, reconnue, par Jaccottet, à "passer de


certaines notes poétiques au poème" car "la voix retombe trop
vite".

LA BEAUTÉ EN MIETTES

· Attacher PJ à la question du fragment, du motif insistant des


débris et des éclats, voire de la pulvérisation de la beauté (et donc
du chant) ® observations à reprendre sur le sort moderne de la
beauté, mise en pièces par l’obus rimbaldien (Char) mais
subsistant en archipel, fragmentairement = poussières ayant valeur
d’astres, poussières aphoristiques porteuses de sens et d’éclat.
® En ce commun rapport au fragmentaire, Char et PJ se
rapprochent, mais il est bien évident que leurs poétiques divergent
autant que leurs tempéraments. Leurs écritures respectives sont
d’espèces différentes, l’une plus familière de l’aphorisme et l’autre
du haïku, l’une offensante-offensive, l’autre défensive-dissuasive.
La parole de PJ est davantage de sauvegarde que de combat, ce qui
fait perdurer dans son écriture une tonalité nostalgique ou un mode
mineur là où Char vitupère et prophétise sur le mode majeur…
Différence à l’évidence perceptible dans le retrait, chez l’un, de
cette métaphore qui est le noyau dur et fulminant de la poétique de
l’autre.

® Cf sur débris le livre de Ferrage, p. 15.

· Semaison, p. 56 : « Beauté : perdue comme une graine livrée


aux vents, aux orages, ne faisant nul bruit, souvent perdue,
toujours détruite ; mais elle persiste à fleurir, au hasard. »

DISCONTINUITÉ ET CONTINUITÉ

· À la fois discontinuité des notes, voire hétérogénéité du texte


fragmentaire (cf Semaison) et continuité de la réflexion, de la
lecture : travail d'herméneute incertain qui avance dans
l'incertitude = développement d'un "chant d'en bas.

® Jaccottet privilégie l’épars, ou plutôt le reconnaît. Mais face à


l’épars et au fragmentaire, il y a obstination, réitération,
creusement interrogatif.

® La continuité me paraît assurée par le travail de l’œil et de la


conscience davantage que par les effets d’harmonie ou de mélodie
propres aux poèmes. C’est d’abord la continuité d’une recherche.
Une assiduité.

2.3 Poésie et incertitude

® Atténue le lyrisme, valorise l’entrouverture et développe une


rhétorique de l’incertitude.

LA POÉSIE ATTÉNUÉE

® PJ pratique une poésie du presque

Incises, points de suspension viennent réduire le chant,


contrarier le développement

· Yannick Mercoyrol : « L’expérience demeure toujours dans une


relative obscurité, parce qu’elle appréhende quelque chose qui se
donne et se refuse dans le même geste, imposant dès lors une
certaine distance afin d’en saisir l’apparition, et faisant de cette
poésie, nécessairement, une poésie du presque, c’est-à-dire de
l’écart ténu entre visible et invisible qui demeure fermé sur
l’énigme de son essence. »

L’ENTROUVERTURE
· Char : « Nous ne pouvons vivre que dans l’entrouvert ».
Deleuze : « Le devenir est toujours entre ou parmi ».

· Le haiku serait pour PJ un modèle d’entrouverture : "Le poème


idéal doit se faire oublier au profit d'autre chose qui, toutefois, ne
saurait se manifester qu'à travers lui" (nrf n°279) ® il y a
entrevision, « apparence de soupirail » (Dupin)

· une poétique des illuminations brèves, des saisissements furtifs


® une ponctuation d’instants, mais en mineur toujours (rien à voir
avec les illuminations rimbaldiennes).

® la puissance de l’émotion se mesure à l’aune de la fugacité.

· PJ oppose au poids du pire, du malheur et du fatal ce qu’il


appelle dans Après beaucoup d’années (p. 95) « l’autre regard »,
dans lequel « on voit, on aura vu inopinément, à la dérobée,
« autre chose ». Cet autre chose se situe au croisement du dehors
et de l’intime. Il est vu « en quelque sorte de l’intérieur de nous-
mêmes, bien que vu au-dehors ».

® cet « autre chose », c’est ce que Mallarmé déjà assignait à la


poésie :

« Autre chose.. ce semble que l’épars frémissement d’une page


ne veuille sinon surseoir ou palpite d’impatience, à la possibilité
d’autre chose. » (« La musique et les lettres », Divagations, p. 356)

· récuse toute conception matérialiste sans pour autant verser


dans l’idéalisme ou dans la métaphysique. ® reste sur le bord.

ECRIRE L’INCERTITUDE

· « A la source, une incertitude » : autre formule décisive de P.J.

® Observer comment l’écriture de PJ épouse dans sa forme


même le mouvement de l’incertitude, jusqu’à mettre en œuvre ce
que l’on pourrait appeler une poétique de l’incertitude

® parenthèses, interrogations, recours aux propos rapportés,


tournures hypothétiques

® quantité de lignes méandreuses où le poème se conteste lui-


même, assume des approximations et des incorrections

® se développe ainsi un mouvement de recherche, de


creusement, dont le texte définitif conserve la marque

· On peut parler à ce propos d’une rhétorique de l’incertain,


avec prétéritions et palinodies

® écriture instable où les incorrections mêmes sont gages


d’authenticité

® le paradoxe, l’antithèse, l’oxymore y ont leur place : « C’est le


plus sombre dans la nuit qui est clarté » (L’Ignorant, p. 83)
***

3. De la poétique à la « poéthique »

· Idée que le poème ne vaut rien s’il ne constitue pas une


expérience

· Conjuguer Jaccottet poète et Jaccottet moraliste : poète qui


examine, suspecte, interroge, cherche à déterminer une juste
conduite

® Nombre de phrases ont valeur de maxime : « L ‘effacement


soit ma façon de resplendir »

® pourtant( pas de « leçon » administrée sentencieusement

3.1 La parole juste

REFUS DE LA TRICHERIE (TS 334)-

= la poésie ne saurait être ni un luxe, ni un ornement, ni un


mensonge, ni un jeu, plutôt un art de faire vibrer le moindre mot.

® refus de se payer de mots

= Comme Bonnefoy un anti-Platon : contre celui qui accuse le


poète de manipuler à sa guise la figure des choses.

= souci de la vie juste autant que de la voix juste

PRONONCER JUSTE

="ne rien expliquer, mais prononcer juste" = c'est aussi un


chanter et un articuler juste

= c'est aussi juste prononcer, se contenter d'articuler :

« Je passe, je m’étonne, et ne peux en dire plus » (Pensées sous


les nuages, p. 122)

® c’est rentre justice et ne pas jouer faux.

JACCOTTET EUMOLPOS

cf dans la revue Faire part, ce texte de Jaccottet :

"On rencontre fréquemment, dans les inscriptions et les textes


égyptiens, l'épithète "juste de voix" accolée au nom d'un défunt;
elle signifie que ses déclarations ont été reconnues exactes devant
le tribunal de l'autre monde. Cet épithète a en grec un équivalent
exact : Eumolpos . Mais qui était Eumolpos? Le premier
hiérophante, le premier prêtre des mystères, l'ancêtre de la famille
sacerdotale des Eumolpides. En effet, "quiconque n'a pas une voix
intelligible" doit renoncer définitivement à l'espoir d'être prêtre :
les paroles sacrées, mal récitées, perdraient de leur efficacité.
Tout ce qui est dit dans les mystères, qui sont initiation de l'âme à
la mort, le doit être d'une voix juste" (Faire part, p.47)

= le poème (obole au passeur) aussi est "initiation de l'âme à la


mort", et c'est pourquoi il doit parler d'une voix juste. Sa principale
qualité, selon Jaccottet, doit être sa justesse de ton : "il m'a
semblé parfois (...) que ma plus vraie vie, ma seule vraie vie,
n'était faite que des moments pour lesquels j'avais cru trouver une
expression un peu juste; comme si devenir poésie, si peu que ce
fût, leur conférait plus de réalité, ou, plus précisément encore, les
révélait, les fixait, les accomplissait." La parole ajoute-t-il, semble
ajouter à ces moments "une valeur, et une espèce de privilège".
Elle constitue dans le temps éperdu de l'existence une sorte de
halte.

3.2 Parole adressée, parole échangée

Importance de la prise de parole : figures de l’appel et de


l’intimation. Il reste dans la poétique de PJ quelque chose de
« l’écho sonore » hugolien, en sa version évidemment affaiblie.

L’APPEL ET L’ÉCOUTE

Le poète est à la fois celui qui appelle et celui qui répercute des
appels de voix. Cf par exemple le poème « La voix » (Poésie, p. 60)

Celui qui entend importe plus que celui qui parle.

CF aussi Pensées sous les nuages, p. 123.

L’INTIMATION

Mise en demeure : expression d’une urgence intérieure. D’un


devoir être.

® autant Jaccottet récuse le retour(nement) élégiaque tel qu’il


voit le poète pleurer sur le passé et sur lui-même, autant son
écriture poétique conduit-elle le sujet lyrique à se prendre lui-même
à partie, se fixer des tâches, s’adresser des injonctions, ou
engager la communauté humaine tout entière dans une commune
chercherie (cf Chants d’en bas, p. 58)

LES MOTS D’AUTRUI

S’interdisant tout développement métaphysique, Jaccottet


préfère s’abriter derrière les mots d’autrui

® ce sont d’abord des mots de tous les jours


® ce sont des paroles échangées entre des passants

® c’est un recours à des effets de citation nombreux, des jeux


de paroles rapportées. Un lyrisme mis entre guillemets, quand ce
n’est pas entre parenthèses.

3.3 Une poétique du lien maintenu

PJ refuse que la poésie soit une affaire esthétique ou une affaire


religieuse, mais son travail de poète consiste bien à relier et à
relire

® s’il refuse toute transcendance, il arpente pourtant sans cesse


le chemin qui y conduit. Il refuse de s’en tenir à l’expression des
coupures, des séparations et des débris.

® le poète continue de rapprocher la limite et l’illimité, le proche


et le Tout autre…

LA LIMITE ET LE MYSTÈRE

· Est confronté au mystère « en déchiffrant le langage du


monde » (Mircea Eliade)

· Page capitale de La Semaison :

"C'est le Tout-autre que l'on cherche à saisir. Comment expliquer


qu'on le cherche et ne le trouve pas, mais qu'on le cherche encore?
L'illimité est le souffle qui nous anime. L'obscur est un souffle;
Dieu est un souffle. On ne peut s'en emparer. La poésie est la
parole que ce souffle alimente et porte, d'où son pouvoir sur nous.

Toute l'activité poétique se voue à concilier, ou du moins à


rapprocher, la limite et l'illimité, le clair et l'obscur, le souffle et
la forme. C'est pourquoi le poème nous ramène à notre centre, à
notre souci central, à une question métaphysique. Le souffle
pousse, monte, s'épanouit, disparaît ; il nous anime et nous
échappe; nous essayons de le saisir sans l'étouffer. Nous inventons
à cet effet un langage où se combinent la rigueur et le vague, où la
mesure n'empêche pas le mouvement de se poursuivre, mais le
montre, donc ne le laisse pas entièrement se perdre.

Il se peut que la beauté naisse quand la limite et l'illimité


deviennent visibles en même temps, c'est-à-dire quand on voit des
formes tout en devinant qu'elles ne disent pas tout, qu'elles ne sont
pas réduites à elles-mêmes, qu'elles laissent à l'insaisissable sa
part."

L’IGNORANCE ET LE SAVOIR

Quelque chose de religieux ( ?) dans le rapport entre ignorance et


savoir qui se trouvent singulièrement liés l’un à l’autre

® savoir d’une espèce singulière : « c’est quand l’intelligible est


absorbé par le sensible que la merveille rayonne vraiment
inépuisable (TS 254)
® dilution relative de la raison dans l’expérience

***

Conclusion

· Poésie comme travail de l’inexpliqué ou des moments


inexplicables : « Poésie nourrissonne et servante des
énigmes » (Promenade sous les arbres, 93)

· Quelque chose d’un Sisyphe et d’un stoïcien en PJ évoluant sur


une ligne de crête entre sens et non-sens, et se voyant sans cesse
menacé d’effondrement, de renoncement, à la façon du vieux
maître de l’Obscurité : celui qui avait enseigné la valeur
incomparable des signes a chuté dans le nihilisme et accuse le
langage de n’être que mensonge.

® Jaccottet paraît avoir logé en lui ce vieux maître comme un


essentiel contradicteur auquel il s’agit d’apporter la réplique.

® son écriture oscillatoire et endeuillée va par chutes et


relèvements successifs dans les recueils au programme. Elle trace
des lignes méandreuses où le poète ne cesse de faire retour sur ce
qui a été dit.

· Tâche double du poète : établir la validité des signes et


réévaluer nos raisons de vivre.

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