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ALFRED LOISY
JÉSUS
ET LA
TRADITION ÉVANGÉLIQUE
PARIS
EMILE NOURRY, ÉDITEUR
62, RUE DES ÉCOLES (v«)
1910
JESUS
ET LA
TRADITION ÉVANGÉLIQUB
DU MÊME AUTEUR
307 pages 3 f r.
1 r
JÉSUS
ET LA
TRADITION ÉVANGÉLIQUE
^
PARIS
EMILE NOURRY, ÉDITEUR ^ \\^
62, RUE DES ÉCOLES (v^)
1910 V^
INTRODUCTION
II
(
15 —
traste l'intimilé du lien qui existe entre Mat-
thieu, Marc et Luc, on n'a qu'à leur comparer
Jean.
Il n'y a pas toutefois entre eux que des ressem-
III
I
9î
et indiquera le début de
source primitive
la
dans les mots Il y eut un homme, envo>^é de
:
('
1. Jkan, I, 4 el 9.
2. J. Wellhausex, Das EcangelUim Johamiù, 1008.
— 28 —
tétiques en ce qui concerne la distinction des
éléments primitifs et des éléments secondaires
de la rédaction. Peut-être aussi réussira ton à
déterminer avec plus de précision le rapport des
différents éléments avec la tradition synoptique
considérée dans ses sources et dans les Évangiles
mêmes. 11 semble fort invraisemblable qu'on
tire du quatrième Évangile des ta'aits qui puis-
sent éclairer l'histoire de Jésus. L'Évangile
johannique, en toutes ses parties, ne tend qu'à
l'exaltation du Christ immortel et laisse tomber
délibérément tout ce que la tradition synoptique
retenait des traits qui ont caractérisé la per-
sonne et l'activité de Jésus vivant.
Mais la critique du quatrième Évangile peut
sembler à certains esprits grosse de conclusions
imprévues, qui bouleverseront ce que l'on sup-
posait être la base solide de la tradition synopti-
que. Sait-on si elle ne découvrira pas une source
ancienne qui contredira les sources des Synop-
tiques, et si elle ne sera pas obligée de conclure
que les deux traditions ne sont pas plus solides
l'une que l'autre? N'est il pas prudent de dire
aujourd'hui qu'on ne sait rien de Jésus, puisque
demain peut-être on sera contraint d'avouer
qu'on ne possède à son sujet que des légendes
sans autorité, sans vérité, sans réalité ?
- 29
IV
1. Gal. II, 2, 6,
— 36 —
Seulement Paul en était venu à penser que, pour
entrer dans le royaume, il suffisait d'embrasser la
foi du Cbiist; et son idée du Ctirist était beau-
coup plus large que celle des premiers apôtres,
qui regardaient Jésus comme le Sauveur d'Is-
raël et pensaient que les croyants devaient être
agrégés à Israël pour être sauvés, ou que tout au
moins les Juifs, même après adhésion au Christ,
n'étaient pas dispensés de la Loi.
Paul sait que Jésus a subi la mort par le cruci-
fiement; il croit que Jésus est ressuscité; mais
il ne dit pas que Jésus ait prédit sa mortel sa
I
— 38 —
qu'ils avaient cru d'abord à la manifestation pro-
chaine du règne avec Jésus comme Christ-roi.
11 est donc certain que les premiers apôtres et
TRADITION KVANGÉLIQUE
¥
CHAPITRE PREMIER
La carrière de Jésus
I
— 53 —
rôle sous les derniers princes de la dynastie asmo-
néenne. Ce sont les zélateurs de la Loi, les hommes
pieux, fidèles à toutes les observances. Les docteurs
messianique.
Il
I
— 61 —
que lui donnait sa mission, et la force persuasive
d'une éloquence qui jaillissait du cœur. Rien ne
ressemblait moins que cette parole vraiment inspirée,
vivante et pénétrante, à l'enseignement ordinaire
des scribes ou docteurs de la Loi, qui discutaient
des problèmes de casuistique, alléguant l'autorité
des maîtres plus anciens et commentant minutieuse-
ment le texte mosaïque, avec abondance de distinc-
tions et subtilités scolastiques. L'action personnelle
des miracles.
Il en faisait presque malgré lui. Dès son premier
séjour à Capharnaûm, on lui amène des malades à
guérir. Sa propre popularité l'effraie ; il craint que
le thaumaturge ne lasse tort en lui au prédicateur
du royaume, et il s'éloigne de Capharnaûm. Vaine
précaution. L'élan une fois donné, le mouvement ne
s'arrête pas ; Jésus veut prêcher et convertir, il faut
inquiètes.
1. Marc, vi, 4.
I
— 64 —
réunissait, le jour du sabbat, pour la prière et pour
la lecture de la Loi et des Prophètes. La lecture du
texte hébreu était accompagnée d'une traduction en
langue vulgaire. Tout juif instruit pouvait ensuite
III
I
— 69 —
l'homme pour le sabbat *. » Et à propos des scru-
pules pharisaïques sur les aliments : « Ce n'est pas
ce qui entre du dehors dans l'homme qui peut souil-
— 73 —
de guérir sa fille possédée. Les enfants de Dieu
c'étaient les Juifs; et les chiens, c'étaient les païens.
k
— 74 —
envoyé de Dieu. Sans parti pris du côté du Maître
ni du côté des disciples, la conversation roulait sur
le royaume céleste et sa venue prochaine. Jésus
n'instruisait pas ses apôtres, il entraînait avec lui
IV
connue.
L'hypothèse radicale de certains critiques, selon
lesquels Jésus lui-même n'aurait jamais pensé qu'il
royaume de Dieu.
Il
— 77 —
Plusieurs ont pensé que Jésus avait commencé à
prêcher sans avoir l'idée de sa vocation messianique,
et qu'il aurait pris conscience de cette vocation au
cours de son ministère, peu de temps avant que
ses disciples la lui reconnussent par la bouche de
chef prédestiné.
Le fonds très simple des idées et des sentiments
I
— 82 —
de Pierre ne signifie pas autre chose. Faire éclat
de sa destinée aurait pour le moment plus d'incon-
vénients que d'avantages. Il suffit que les amis sa-
chent à quoi s'en tenir,
La défense que Jésus intime à ses disciples de
1. Marc, ix. 9.
3. Marc, v. 43.
- 83 -
tion, n'implique aucunement que réyangéîiste ait
inventé les récits. Tout porte à croire qu'il les a
seulement adaptés au cadre qu'il leur donnait et à
I
- mi-
voir ; et il n'y a pas à objecter qu'Élie doit venir aupa-
ravant, attendu qu'Elie, c'est-à-dire Jean-Baptiste,
vous allez être assis sur douze trônes, pour juger les
douze tribus d'Israël *. » Le Christ n'allait pas à
Jérusalem pour y mourir ;
il y allait pour préparer
et procurer, au risque de sa vie, l'avènement de
Dieu.
Lui non plus ne se cachait pas le péril de sa
démarche. Mais il aurait cru manquer de foi et
1. Matth. X, 39.
— 89 —
Dieu visible à Thumanité, il s'en fût tranquillement
1. Zach. XI, 9.
— 90 —
un âne, que les disciples couvrent de leurs man-
teaux ; le Christ s'assied sur le paisible animal ; la
aux prêtres.
Ces deux faits, l'acclamation messianique sur le
mont des Oliviers et l'expulsion des vendeurs peu-
vent paraître douteux à raison de leur rapport avec
d'anciens textes que la tradition a interprétés en
prophéties messianiques. Ils ne sont pas toutefois
dans le même cas que d'autres incidents visiblement
surajoutés à la série des souvenirs apostoliques
ï
— 92 —
relatifs à la passion. Car ils semblent avoir appar-
tenu à la source historique de Marc, dans une rela-
tion assez courte que Tévangélistea paraphrasée, et
récits.
I
— 96 —
puisque la femme a mérité d'être lapidée, que celui
qui a conscience d'être sans péché lui jette la pre-
mière pierre. Tout le monde s'en va, et Jésus peut
J
— 97 —
tice, ni pitié, ni bonne foi. C'est alors aussi qu'il
prononça la parole sur le temple qui devait être
détruit, et que lui-même rebâtirait en trois jours:
arriva.
VI
à
— 99 —
Je royaume, qui ne saurait tarder. Les jours paisi-
bles de la prédication galiléenne sont bien passés :
}
— 100 —
Jésus cette nuit-là, il se chargea d'y conduire une
troupe armée que les prêtres avaient aisément
recrutée parmi les gardes du temple elles gens de
service : la troupe s'emparerait de Jésus, et, le len-
demain matin, les prêlres le livreraient à Pilale, qui
lui *
». Son âme se rasséréna dans la prière, il
i
— 102 —
ment Phomme dont on parle. Mais il comprend
tout le péril de sa position, et il s'en va. C'était
I
— 103 —
Jésus de Nazareth prétendait évidemment à la di-
gnité messianique, par conséquent à la royauté
d'Israël ; d'où l'on pouvait conclure qu'il méditait le
renversement de la domination romaine. D'autre
part, il n'avait commis aucun acte de rébellion con-
tre la puissance impériale ; non seulement il n'avait
pas fait appel aux armes, mais il n'avait pas dit un
seul mot qui pût exciter ses compatriotes à la
monde *
», n'aurait jamais pu être dite par le Christ
Vil
apocryphe.
— 110 —
probable, par la découverte du sépulcre abandonné,
c'est qu'il croyait fournir de la résurrection une
preuve matérielle et objective, moins discutable
quu le témoignage personnel de ceux qui disaient
avoir vu Jésus ressuscité. La difficulté de celle
preuve a été sentie plus tard ; elle invitait l'incré-
résurrection et à Jérusalem.
La foi à la résurrection de Jésus a créé l'histoire
plus.
Christ.
CHAPITRE II
L'enseignement de Jésus
caustes.
Il va de soi que ce Dieu détaché de la nature,
]I
est-il
de sa gloire.
11 suit de là que le droit au royaume, en tant que
droit il y a, ne se fonde pas sur la qualité d'Israélite
la foi et le repentir.
JII
1. Dans Mattii. v, 21 48
J
— 139 —
hommes enfants de Dieu; il faut aimer les méchants
comme les bons il faut subir patiemment le mal,
;
1. II Cou. III, 6.
IV
— U6 —
comme un éclair, inopinément, et pour tout 1(
d'homme ^
», qui figure le règne de Dieu succédant
aux empires terrestres, oppresseurs d'Israël, soit,
rition de Jésus.
L'idée messianique, au temps où prêchèrent Jean-
Baptiste et Jésus, n'était donc pas plus déterminée
que celle du règne de Dieu en un symbole fixe et
VI
4. Marc, xv, 26; Matth. xxvh,37; Luc, xxux, 38; Jean, xi.x,ll).
— 161 —
évangélistes ont eu soin d'opposer à ce titre celui
de « Fils de Dieu », et de présenter ce dernier
commele motif essentiel de la sentence capitale. En
réalité, si Jésus considère Dieu comme père, et tous
hommes comme ses enfants, s'il se regarde lui-
les
l'avenir.
Vil
signification apparente.
1. Mattil. v-vii.
2. Jean, vi, 26-58.
— 172 —
exemple plus bref, où Jean transforme en allégorie
une simple métaphore synoptique, de quel côté se
trouve la simplicité de l'enseignement vivant. « La
moisson est abondante, et les ouvriers peu nom-
breux », a dit Jésus, envoyant une foule empressée
à écouter sa parole ; « priez donc le Maître de la
moisson, pour qu'il envoie des ouvriers à sa mois-
son ^. » La figure du langage ne fait ici que donner
du relief à l'idée, sans nuire à sa clarté. En un cas
semblable, le Christ johannique est censé dire à ses
disciples : « Ne dites-vous pas vous-mêmes que
dans quatre mois la moisson viendra? Pour moi, je
vous dis ; levez vos yeux et considérez les campa-
gnes, qui sont blanches pour la moisson. Déjà le
moissonneur reçoit un salaire et il recueille du fruit
terdit pas.
Vlli
manquèrent le fest n.
cette bonté.
IX
ë
— 189 —
blé et sénevé qui poussent en quelques mois, levain
La tradition évangélique
I
— 11)5 —
venait pas, il fallait croire au Christ, qui était venu.
Démontrer aux Juifs que Jésus, nonobstant sa mort
sur la croix, ne laissait pas d'être le Christ: telle
1. I Cor. XV, 3 4.
— 202 —
sembler douteuse. La foi à la résurrection ne prit
consistance qu'un certain temps après la mort de
Jésus, et il n'est pas sûr qu'un seul de ses disci-
ples en ait eu déjà l'idée trois jours après la pas-
sion ; mais on peut s'expliquer qu'un des premiers
besoins de la croyance ait été de préciser le mo-
ment où Jésus avait quitté le séjour de la mort pour
devenir immortel.
Le chiffre de trois jours s'imposa; mais la tradi-
i
— 208 —
faut, qu'avant sa mort; il les fait ensuite assister à
14
— 210 —
la première apparition, il a soufllé sur les apôlres
pour leur donner le Saint-Esprit et instituer ainsi
l'Église. Précisions aussi nettes que celles du troi-
Il
i
— 211 —
toutefois ils ne Font déjà pris. Ils ne pourront
oublier le dernier repas où Jésus leur a donné
rendez-vous pour le festin du royaume céleste, ni la
Matthieu.
3. Jean xix, 28-30.
— 214 —
Non seulement on voulut que le Christ lui-même
eût eu conscience d'accomplir les prophéties, on
lui fit marquer d'avance les péripéties du drame
sanglant dont il fut la victime. C'est ainsi que, dans
les Synoptiques, quand il est encore en Galilée, il
1. Marc, x, 43.
— 218 —
même évangélisle insiste sur l'inintelligence des
apôtres galiléens devant les prédictions de la pas-
sion ;
qu'il signale la protestation de Pierre contre
la première de ces prédictions et le fait traiter par
Jésus de Satan, qui n'entend rien aux choses de
Dieu et en juge à la manière des hommes *. Si les
j
— 21U —
Toutefois, dans la prière qui clôt les derniers entre#«
tiens de Jésus avec ses disciples*, comme dans
rÉpître aux Hébreux, le Christ, prêtre et victime,
offre à Dieu sa propre vie, et l'effet de cette offrande
est que les disciples, c'est-à-dire tous les fidèles,
1. Jean, xvii.
— 220 —
habite en eux comme le Père habite en lui ; source
; aux prodiges
mentionnés par Marc il ajoute un tremblement de
de morts.
Luc est légendaire dans sa description de l'ago-
nie du Christ à Gethsémani '
: dans l'idée bizarre
1
— 223 —
de faire guérir instantanément par Jésus l'oreille
III
que son ministère, tant dans les actes que dans l'en-
initial.
figurer.
nité.
l'évangélisation du monde.
Dans le quatrième Evangile, les œuvres de Jésus,
— 234 —
ses miracles, sont des signes, c'est-à-dire des
preuves du Christ, mais des arguments qui expli-
•iquent en même temps et révèlent ce qu'ils démon-
trent, et les discours s'y rattachent de la même façon
qu'un commentaire au texte qu'il interprète. En tant
1. Jean, v, 17.
— 236 —
Tous ces miracles révèlent une fonction du Christ
sauveur, un aspect de sa mission.
Dès que la manifestation messianique de Jésus
était anticipée dans son ministère, il était indispen-
1. MaTTH. XI, 3.
— 237 —
fidèles, plus tard, deviendront chrétiens., Par une
adaptation facile de ce que le Baptiste avait réelle-
ment enseigné, on lui fit annoncer le Messie au lieu
du règne de Dieu, ce qui le transformait en précur-
seur du Christ, et l'on supposa bientôt qu'il avait
vu l'Esprit descendre sur Jésus, ou même qu'il
IV
l
— 241 —
composé des recueils analogues à ceux qui repré-
L
— 246 —
Jérusalem, la conversion des païens, l'institution de
l'Église. La première dt ces paraboles avait été
dite pour expliquer la substitution des (t pécheurs »
1. Jean, vr.
2. Jean, xvii.
I
— 254 —
ses amis, ne leur laissant d'autre loi que l'amour qui
lui a fait chercher la mort.
Ce sentiment intense de la vie chrétienne est
1. Col. I, 15-20.
2. Hébr. 1, 3.
I
—•^261 -
éternelles; il est devenu réellement tel pour l'hu-
manité depuis que le Christ est remonté au ciel et
1. Luc. X, 22.
— 262 —
leurs, les trois premiers Évangiles ont un caractère
plus populaire que le quatrième, et même que les
1. Phil. j, 10.
— 264 —
présenter le travail de la foi comme un effort ten-
du génie.
On a lieu de supposer que certaines paroles
attribuées au Christ ont pu être perçues par des en-
d'histoire.
VI
2. h. VII, 14,
1. II Cor. XI, 2; cf. Épii. v, 22-32.
-2T0-
^
dans la mère de Jésus que le quatrième Évangile
amène aux noces de Cana et sur le Calvaire, on doive
reconnaître FEglise dlsraëL Mais le passage de
celte Eglise Israélite, vierge mère du Christ, à
Marie, vierge mère de Jésus, n'a guère pu se faire
de lui-même. La substitution, du moins, n'a pas
résulté d'un accident, d'un contresens par fausse
application d'une métaphore. On doit tenir compte
de la signification que le titre même de Fils de Dieu
devait prendre dans l'esprit d'un très grand nombre
de païens convertis à qui la notion théocratique du
roi Messie ne disait rien de précis. Familiarisés avec
les généalogies divines et les histoires de héros en-^
1
— 271 —
Restaient à fixer les circonstances de cette origine
miraculeuse. La tradition messianique en fournis-
ment apologétique très ancien, qu'on aurait attribué ati Clirist. Les
ftpôlres galiléens n'ont guère pu se persuader que Jésus descendait
VII
'
1. I. PiER. in, 19} Iv, 6.
— 286 —
fourni à Ja piété chrétienne les renseignements
qu'elle demandait sur la mère du Christ. 11 a con-
tribué grandement à introduire dans la croyance de
rÉglise l'idée de la virginité gardée par Marie
jusque dans l'enfantement. 11 a donné au calendrier
ecclésiastique les noms de Joachim et d'Anne, la
tradition chrétienne.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
Introduction o
Chapitre III. —
La tradition évangélique 192
Jésus consacré et démontré Messie par sa résurrection
Preuves de la résurrection. 194. —
Le travail de la
tradition sur les souvenirs de la passion, 210. — Le tra-
DU MÊME AUTEUR
2i0 pages 3 fr
Loisy, Alfred
Jésus et la tradition
évangelique
GG