THESE DE DOCTORAT
Directeurs de thèse :
Prof.dr. DANIEL GOYEAU Prof.dr. SILVIU CERNA
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Doctorant:
Claudiu Tiberiu ALBULESCU
2009
1
UNIVERSITE DE POITIERS UNIVERSITE DE L’OUEST DE TIMISOARA
FACULTE DE SCIENCES ECONOMIQUES FACULTE D’ECONOMIE ET GESTION DES AFFAIRES
THESE DE DOCTORAT
La stabilité du secteur financier en Roumanie
dans la perspective de son adhésion à l’UEM
Directeurs de thèse :
Prof.dr. Daniel GOYEAU Prof.dr. Silviu CERNA
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Jury :
Prof.dr. Christian AUBIN Prof.dr. Florian CATINIANU - rapporteur
(Université de Poitiers) (Université Ecologique « Traian » de Deva)
Prof.dr. Jean-Pierre BERDOT Prof.dr. Liliana DONATH - rapporteur
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Prof.dr. Alain SAUVIAT – rapporteur Prof.dr. Marilen PIRTEA
(Université de Limoges) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Prof.dr. Amine TARAZI - rapporteur
(Université de Limoges)
2
La Faculté de Sciences Economiques n'entend donner
aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises
dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.
3
Remerciements
Mes remerciements vont vers tous ceux qui m’ont accordé leur soutien dans la
rédaction de cette thèse.
Je remercie aussi tout particulièrement les rapporteurs qui ont accepté d’évaluer cette
thèse : Messieurs Alain Sauviat et Amine Tarazi, Professeurs à la Faculté de Droit et des
Sciences Economiques de Limoges, pour la partie française du jury, et Mademoiselle Liliana
Donath et Monsieur Florian Cătinianu, Professeurs à l’Université de l’Ouest de Timişoara et
à l’Université Ecologique « Traian » de Deva, respectivement, pour la partie roumaine du
jury.
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Résumé
L’ampleur des effets des crises financières sur les économies du monde explique le
développement d’une riche littérature sur la question de la stabilité financière. Si l’impact
négatif des crises est étudié depuis des décennies, les travaux portant sur les possibilités de
détecter et de prévenir les crises financières ainsi que sur les possibilités de limiter leurs
effets ne résultent que de recherches récentes dans ce domaine. Dans le contexte actuel, les
analyses liées à la stabilité systémique ne peuvent pas faire abstraction de liaisons de plus en
plus prononcées entre les institutions et les marchés financiers au niveau tant national
qu’international, les interdépendances étant amplifiées par la globalisation. La crise
financière et économique récente en représente une preuve incontestable.
Au niveau national, l’analyse de la stabilité financière systémique représente une
démarche complexe qui doit débuter par l’étude de la structure du système financier, puis
continuer par l’analyse du cadre institutionnel de régulation et de surveillance des
institutions et des marchés, avec l’identification des risques potentiels pour la stabilité, et
s’achever par la définition des techniques quantitatives appropriées pour évaluer la stabilité
d’un système financier. Cette thèse dont l’objectif est d’analyser la stabilité du secteur
financier en Roumanie dans la perspective de son adhésion à l’Union Economique et
Monétaire européenne, suit un tel parcours. Ainsi, nous proposons une recherche détaillée
des éléments qui influencent la stabilité d’un secteur financier pour comprendre la dynamique
de la stabilité financière en Roumanie.
L’activité de régulation et de surveillance a dernièrement connu une évolution
favorable, contribuant à l’amélioration de la capacité du système financier à répondre aux
chocs. Quant au cadre institutionnel, nous nous sommes concentrés sur le rôle de la BNR
dans la recherche de stabilité et sur son action récente en ce sens. L’analyse n’omet pas les
nouveaux défis pour la stabilité, tels que le développement des conglomérats financiers, la
volatilité des prix des actifs mais aussi l’utilisation à des fins spéculatives des produits
financiers dérivés qui demandent une surveillance continue et une réaction permanente des
autorités pour prendre les mesures adéquates pour assurer la stabilité. Un élément
particulier de l’étude est l’approche comparative des techniques d’évaluation quantitative de
la stabilité systémique et la construction d’un indice agrégé de stabilité financière qui permet,
d’un côté, de suivre la stabilité en dynamique et d’identifier les périodes de crises, et qui
offre, de l’autre côté, des informations sur la solidité du système financier dans la perspective
de l’adoption de la monnaie unique. Enfin, nous analysons l’impact que l’adhésion de la
Roumanie pourrait avoir sur sa stabilité financière systémique.
Cette recherche relève la complexité du concept de stabilité financière et la
multitude des facteurs qui l’influence. Quant à la stabilité du secteur financier en Roumanie,
nous avons mis en évidence une amélioration jusqu’en 2007, mais une dégradation ensuite
sous l’effet de la crise financière internationale actuelle. Ainsi, le système financier apparaît
pour l’instant insuffisamment préparé sur le plan de sa stabilité pour supporter l’adhésion de
la Roumanie à l’UEM.
5
Abstract
The adverse effect of financial crises on the world’s economies represented the
background for the development of a wide specialty literature on financial stability. If the
crises negative impact was subject to different studies during the decades, the investigations
related to the financial crises detection and prevention methods, as well as to the ways
available in order to limit their effects were only approached in the recent researches.
Nowadays, the systemic stability analyses can not ignore the complexity of relationship
between institutions and financial markets both at national and international level. The recent
financial and economic crisis strands for an illustrating example in this respect.
At national level, the analysis of systemic financial stability stands for a complex
demarche beginning with the description of financial system’s structure, passing through the
analysis of the institutional framework related to institutions and markets’ regulation and
supervision and through the identification of potential stability risks, the quantitative
techniques applied for assessing financial system stability being finally approached. The
present study follows a similar path and its aim is to analyse the Romanian financial system
stability in the context of the Monetary and Economic Union accession. Thus, we propose a
detailed research of the elements influencing financial sector stability in order to understand
the Romanian financial stability dynamics.
The regulation and supervision activity of the Romanian financial system
improved lately, contributing to increasing the financial sector response capacity to chocks.
In respect of the institutional frameworks, we have focused on the role of the NBR in
providing financial stability. The new challenges in terms of stability, such as financial
conglomerates development, assets prices increased fluctuations but also the speculative use
of derivatives, which require a continuous monitoring and a permanent flexibility of the
authorities in order to undertake adequate stability assurance measures, were not omitted
from the analysis. A distinctive element of the study is represented by the comparative
approach of systemic stability quantitative assessment techniques and by the construction of a
financial stability aggregate index enabling on the one hand, the monitoring of the stability’s
dynamics and the identification of crisis periods, and on the other hand, providing
information on financial system stability in the perspective of euro adoption. Finally, we have
analysed the impact of Romania’s accession to the euro zone on systemic financial stability.
This research highlights the complexity of the financial stability concept and the
multiple factors influencing it. In respect of Romanian financial sector stability, we have
underlined an improvement up to 2007, followed by its deterioration as a consequence of the
present international financial crisis. That is why the financial system seems unprepared for
sustaining Romania’s accession to the EMU.
6
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION.............................................................................................................................................. 16
3.1. LE ROLE DES BANQUES CENTRALES DANS LE SYSTEME FINANCIER ET LES OBJECTIFS DE STABILITE ......... 153
3.1.1. L’évolution du central banking........................................................................................................ 154
3.1.2. Politique monétaire versus politique de stabilité financière ........................................................... 158
3.1.3. Quelques considérations sur le rôle de la BCE et de la BNR dans l’assurance de la stabilité
financière................................................................................................................................................... 161
3.2. LES FONCTIONS TRADITIONNELLES DES BANQUES CENTRALES EN MATIERE DE STABILITE ....................... 162
3.2.1. Les opérations d’open market ......................................................................................................... 163
3.2.2. Assurance-dépôts et stabilité financière .......................................................................................... 164
3.2.3. La fonction de prêteur en dernier ressort ........................................................................................ 168
3.2.4. La gestion des systèmes de paiements et de règlements .................................................................. 180
7
3.2.5. La surveillance et la régulation du secteur bancaire : nouvelles stipulations introduites par l’Accord
Bâle II ........................................................................................................................................................ 191
3.3. DES ACTIONS RECENTES ENTREPRISES PAR LA BNR POUR ASSURER LA STABILITE FINANCIERE............... 207
3.3.1. L’harmonisation de la législation avec l’acquis communautaire.................................................... 207
3.3.2. La croissance de la transparence des politiques de la BNR............................................................ 209
3.3.3. La limitation de l’expansion du crédit non gouvernemental ........................................................... 213
3.3.4. La surveillance des institutions financières non bancaires ............................................................. 216
3.3.5. L’application de l’Accord Bâle II en Roumanie .............................................................................. 217
IV. LES NOUVEAUX DEFIS POUR LA STABILITE DU SECTEUR FINANCIER ROUMAIN ....... ..224
6.1. LE SECTEUR FINANCIER EST-IL ASSEZ STABLE POUR ADOPTER LA MONNAIE UNIQUE ? COMPARAISON AVEC
D’AUTRES PAYS EST-EUROPEENS ..................................................................................................................... 380
6.1.1. Courte présentation de la situation économique et financière des pays est-européens................... 381
6.1.2. Le choix des indicateurs individuels et des méthodes de normalisation.......................................... 386
6.1.3. La construction et l’analyse des indices agrégés de stabilité.......................................................... 388
6.2. LA ROUMANIE ET LA « ZONE EURO » : IMPLICATIONS SUR LA STABILITE FINANCIERE .............................. 392
6.2.1. Introduction de l’euro et la stabilité financière............................................................................... 393
6.2.2. La perte de l’autonomie de la politique monétaire.......................................................................... 394
6.2.3. La diminution du risque de liquidité par l’interconnexion avec TARGET ...................................... 395
6.2.4. La convergence réelle et financière : conditions préalables pour la stabilité financière................ 397
CONCLUSION GENERALE ......................................................................................................................... 403
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................................... 409
8
Liste d’abréviations et d’acronymes
9
CESAP = Comité des Surveillants des Assurances et des Pensions
CESVM = Comité des Surveillants du Marché des Valeurs Mobilières
CEVM = Comité Européen des Valeurs Mobilières
CFTC = Commodity Futures Trading Commission
CGFS = Le Comité pour le Système Financier Global
CIA = Central Intelligence Agency
CIP = Centrale des Incidents de Paiements
CLN = Credit-linked notes
CME = Comité des Marchés Emergents
CNVM = Commission Nationale des Valeurs Immobilières
COREP = COmmon solvency ratio REPorting framework
CPSS = Le Comité pour le Système de paiements et règlements
CRB = Centrale des Risques Bancaires
CSA = Commission de Surveillance des Assurances
CSBE = Comité des Surveillants Bancaires Européens
CSO = Credit spread options
CSSPP = Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées
DA = Analyses discriminantes (Discriminant Analysis)
DAE = Modèles dynamiques d’agrégation (Dynamic Aggregative Estimated)
DGS = Deposit Guarantee Schemes
DSGE = Modèles stochastiques d’équilibre général dynamique (Dynamic Stochastic General
Equilibrum)
DTS = Droits de Tirage Spéciaux
EAD = Exposition au risque de défaut (Exposure at Default)
ECM = Modèle à correction des erreurs (Error Correction Model)
EL = Perte attendue (Expected Losses)
EWS = Systèmes d’alerte précoce (Early Warning Systems)
FDIC = Federal Deposit Insurance Corporation
FED = Federal Reserve
FHGE = Modèles d’équilibre général à horizon fini (Finite Horizon General Equilibrum)
FINREP = FINancial REPorting
FMA = Full Models Approach
FMI = Fond Monétaire International
FSA = Financial Supervision Authority
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FSAP = Programmes d’Evaluation du Secteur Financier (Financial Sector Assessement
Programs)
FSI = Indicateurs de solidité financière (Financial Soundness Indicators)
FTD = First-to-default contracts
GE = Modèles d’équilibre général (General Equilibrum)
GTM = Group Technique Mixte
HFSA = Autorité de Surveillance Financière d’Hongrie
IAIS = L’Association internationale de surveillance des assurances
IASB = International Accounting Standards Board
IASF = Indices Agrégés de Stabilité Financière
IFN = Institutions financières non bancaires
IFRS = International Financial Reporting Standards
IDE = Investissements Directs Etrangers
IOSCO = International Organization of Securities Commissions
IPC = Indice des Prix de Consommation
IRBA = International Ratings Based Approach
ISDA = International Swaps and Derivatives Association
ISF = Institut de Stabilité Financière
LGD = Perte en cas de défaut (Lost Given Default)
LIBOR = London Interbank Offer Rate
LLP = Provisions pour pertes (Loan Loss Provision)
LTCM = Long - Term Capital Management
MCO = Moindres Carrés Ordinaires
MDA = Analyses discriminantes multiples (Multiple Discriminant Analysis)
MFSA = Malta Financial Services Authority
MoU = Memorandum of Understanding
MTC II = Mécanisme du Taux de Change II (Exchange Rate Mechanism)
NCUA = National Credit Union Administration
NPL = Créances douteuses (Non Performing Loans)
NTS = Multilateral Net Settlement System
OCC = Office of the Comptroller of the Currency
OTC = De gré à gré (over-the-counter)
PADR = Prêteur en Avant-Dernier Ressort (Lender of Penultimate Resort)
PCA = Precommitment Approach
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PD = Probabilité de Défaut (Probability of Default)
PDR = Prêteur en Dernier Ressort (Lender of Last Resort)
PFSA = Polish Financial Supervision Authority
PHARE = Poland and Hungary Assistance for the Restructuring of the Economy
PSC = Pacte de Stabilité et de Croissance
QIS = Etudes d’impact quantitatif (Quantitative Impact Studies)
RASDAQ = Romanian Association of Securities Dealers Automated Quotation
RBC = Modèles du cycle économique réel (Real Business Cycle)
ReGIS = Romanian Electronic Gross Interbank Settlement
REER = Taux de change effectif réel (Real Effective Exchange Rate)
RMO = Réserves Minimes Obligatoires
ROA = Rendement des actifs (Return on Assets)
ROBID = Romanian Interbank Bid Rate
ROBOR = Romanian Interbank Offer Rate
ROE = Rendement du capital propre (Return on Equity)
RTGS = Real Time Gross Settlement
SaFIR = Settlement and Financial Instrument Registration
SEBC = Système Européen des Banques Centrales
SEC = Securities and Exchange Commission
SENT = Système Electronique à Règlement Net
SEP = Système Electronique de Paiements
SME = Système Monétaire Européen
SPV = Véhicule spécial (Special Purpose Vehicle)
SSP = Single Shared Platform
SSS = Securities Settlement System
SVAR = Vecteurs structurels autorégressifs (Structural VAR)
SWIFT = Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication
TARGET = Trans-European Real Time Gross Settlement Express Transfer System
TROR = Total rate of return swaps
UEM = Union Economique et Monétaire
UL = Pertes inattendues (Unexpected Losses)
VAR = Vector Autoregressive Models
VaR = Value at Risk
WEF = World Exchange Federation
12
Liste des figures
13
Figure 35 : Un cadre possible de régulation et surveillance au niveau européen .................. 143
Figure 36 : L’évolution de l’inflation au niveau international (le déflateur PIB) .................. 155
Figure 37 : Les piliers de l’accord Bâle II.............................................................................. 198
Figure 38 : L’évolution des prix dans le contexte de la stratégie de CDI .............................. 211
Figure 39 : Le crédit pour la population au niveau de l’année 2007 (% du PIB) .................. 215
Figure 40 : Le portefeuille de crédits des conglomérats en Europe de l’Est (mil. EUR)....... 234
Figure 41 : L’évolution de l’indice BET................................................................................ 254
Figure 42 : Le taux d’intérêt de référence et BUBID 3.......................................................... 254
Figure 43 : L’évolution des produits dérivés par catégories de contrats................................ 285
Figure 44 : L’évolution des swaps sur taux d’intérêt et des credit default swaps.................. 285
Figure 45 : L’évolution de la valeur notionnelle des dérivés sur les marchés standardisés... 286
Figure 46 : Le PIB par rapport aux opérations avec des produits dérivés en 2007................ 287
Figure 47 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les dérivés de taux de change.............. 288
Figure 48 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les produits dérivés de taux d’intérêt .. 289
Figure 49 : Le volume des instruments financiers dérivés utilisés par les banques............... 294
Figure 50 : L’évolution du nombre de contrats futures et options sur la BMFMS ................ 297
Figure 51 : L’évolution de la valeur des contrats futures et options – BMFMS (mil. RON) 297
Figure 52 : L’évolution du nombre et la valeur des transactions du BET Index Futures....... 298
Figure 53 : L’évolution des ratings bancaires en fonction de la qualité de l’actionnariat ..... 325
Figure 54 : L’évolution des ratings bancaires en fonction du volume des actifs................... 326
Figure 55 : Le cadre de l’analyse macroprudentielle ............................................................. 329
Figure 56 : La modélisation macroéconomique d’un scénario de stress................................ 333
Figure 57 : Le diagramme Pagan pour la classification des modèles macroéconomiques .... 338
Figure 58 : Le schéma d’un stress-test................................................................................... 343
Figure 59 : La matrice de contagion....................................................................................... 349
Figure 60 : L’évolution de l’indice agrégé de stabilité et des indices composites................. 368
Figure 61 : L’évolution de l’IASF en fonction de différentes méthodes de calcul ................ 369
Figure 62 : L’évolution des écarts-types des indices de stabilité........................................... 370
Figure 63 : Les contributions des indices IDF, IVF, ISF et ICEM à la volatilité de l’IASF . 370
Figure 64 : Les prévisions sur l’évolution de l’IASF............................................................. 377
Figure 65 : L’évolution de l’IASF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est ................ 389
Figure 66 : L’évolution de l’IDF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est .................. 390
Figure 67 : L’évolution de l’IVF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est .................. 390
Figure 68 : L’évolution de l’ISF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est................... 391
14
Liste des tableaux
15
Introduction
16
en plus sophistiquées sur les marchés intégrés au niveau mondial. Cette évolution favorise à
long terme l’allocation plus efficiente des ressources mondiales de capital, contribue à la
réduction de la volatilité de l’activité économique et facilite le progrès des économies
émergentes. Néanmoins, la sphère financière n’est pas exemptée de tensions et de
mouvements déstabilisateurs qui génèrent des risques pour le système financier, ainsi que
pour l’ensemble de l’économie. Les facteurs principaux de la globalisation, associés à
l’apparition des crises financières, sont les régimes de change fixes et le processus de
dérégulation. Ces facteurs représentent un terrain propice pour la manifestation de turbulences
financières lorsque l’infrastructure financière n’est pas suffisamment développée au moment
de la libéralisation des flux de capital ou lorsque les fondements économiques n’ont pas été
assez solides.
Dans les conditions de l’apparition de ces crises sévères, un puissant courant de
pensée représenté par les anti-globalistes s’est manifesté. Ceux-ci associent le capitalisme à
l’ère de la globalisation avec la façon dont les Etats-Unis manifestent leur hégémonie au
niveau international : d’abord par la dérégulation, qui permet aux banques occidentales de
pénétrer dans et de contrôler les économies émergentes, ensuite par la création des institutions
financières internationales destinées à endetter les pays pauvres et finalement par le
déclenchement des conflits armés au sein des pays qui détiennent d’importantes ressources
naturelles, en vue d’exploiter ces ressources pour leur propre bénéfice.
Néanmoins, quelle que soit la réalité, des conditions monétaires et financières
stables pour limiter l’impact négatif des crises financières sont nécessaires. Les coûts des
crises financières récentes ont incité à des efforts supplémentaires des autorités et du milieu
académique pour identifier les instruments nécessaires pour prévenir l’apparition de ces
événements et pour trouver des remèdes aux crises.
La stabilité financière systémique est par conséquent devenue un objectif
prioritaire pour les autorités, un enjeu tout aussi important que la stabilité monétaire et la
garantie d’une croissance économique solide. L’analyse de la stabilité financière constitue un
défi dans un contexte de la croissance des interdépendances entre les marchés et les
institutions (tant financières que non financières), d’apparition de nouvelles techniques et de
nouveaux instruments financiers, de création de groupes financiers et non financiers et
d’intensification des flux internationaux de capital.
La stabilité financière ne doit cependant pas être confondue avec l’équilibre
financier ou avec l’absence du risque systémique. Lorsque la situation financière se dirige
17
cependant vers une zone d’instabilité, la probabilité que le risque systémique se manifeste est
beaucoup plus élevée et le secteur financier risque d’entrer en crise.
Les économies des pays émergents, surtout des pays qui modifient leur régime de
change et libéralisent leurs capitaux, sont beaucoup plus exposées aux crises. La Roumanie
est un des pays émergents dont les systèmes financiers ont connu des transformations
importantes sur la période récente et, par conséquent, l’analyse de la stabilité financière
représente un sujet d’actualité et d’extrême importance. La Roumanie doit faire face aux
risques associés à la libéralisation de son compte de capital, une condition incontournable
pour accéder à l’Union Européenne, ainsi qu’aux défis liés à l’adhésion à la zone euro. Le
problème de la stabilité systémique acquiert de nouvelles dimensions au sein d’une union
monétaire où les pays participants renoncent à un instrument important d’ajustement de
l’économie face aux chocs : le taux de change. En outre, le besoin de coopération se fait de
plus en plus ressentir car les déséquilibres qui affectent un membre de l’union, se propagent
rapidement à l’intérieur même de l’union.
Dans ce contexte, l’analyse de la stabilité financière au niveau national représente
un exercice complexe qui doit avoir comme point de départ une analyse des piliers de la
stabilité financière (institutions, marchés, méthodes de gestion du risque) et doit continuer
avec l’identification des risques financiers susceptibles de déstabiliser le système. L’analyse
de l’activité de régulation et de surveillance prudentielle représente une première étape
essentielle de notre étude. Cette activité a connu une évolution déterminante ces dernières
années, en contribuant à un renforcement de la capacité de réponse face à des chocs
déstabilisateurs. Concernant le cadre institutionnel, nous insistons sur le rôle de la Banque
Nationale de Roumanie dans la gestion de la stabilité et sur les démarches récentes entreprises
dans cette direction. L’analyse ne laisse pas de côté les nouveaux défis pour la stabilité,
comme par exemple le développement des conglomérats financiers, la volatilité des prix des
actifs, mais aussi l’utilisation des produits financiers dérivés à des fins spéculatives qui
demandent une surveillance continue et une adaptation permanente de la part des autorités
pour prendre les mesures adéquates.
Cette étude se distingue en proposant une comparaison des différentes techniques
d’évaluation quantitative de la stabilité systémique et la construction d’un indice agrégé de
stabilité financière en mesure, d’un côté, de mettre en évidence la dynamique de la stabilité et
d’identifier les périodes de crise et, d’un autre côté, d’offrir des informations sur la solidité du
système financier dans la perspective de l’adoption de la monnaie unique européenne. Enfin,
18
nous analysons l’impact que l’adhésion de la Roumanie à la zone euro pourrait avoir sur la
stabilité financière systémique.
Notre objectif ultime est d’évaluer, à partir de tous les éléments précédents, le
niveau de stabilité du système financier roumain dans la perspective de son adhésion à la zone
euro. Les méthodes de travail utilisées sont diverses et reposent sur des approches théoriques
et comparatives, ainsi que sur des statistiques descriptives ou des modèles économétriques.
Nous ne laissons pas de côté la méthode de recherche historique à laquelle nous recourons
pour expliquer l’évolution du central banking et l’activité associée aux produits financiers
dérivés.
La thèse est structurée en six chapitres qui se proposent d’analyser tous les aspects
de la stabilité financière au niveau national. Un premier chapitre définit le cadre d’analyse,
caractérisé par l’intensification du processus de globalisation qui a créé un contexte favorable
à l’éclatement de nombreuses crises financières. Ainsi, nous présentons les principales
caractéristiques des crises financières au niveau international au cours des deux dernières
décennies, en prêtant une attention toute particulière à la crise internationale actuelle qui,
selon beaucoup d’observateurs, est la crise qui a entraîné des coûts économiques et financiers
les plus élevés depuis la Seconde Guerre Mondiale. Cette crise a comme traits spécifiques le
recourt à des instruments ésotériques, une activité de régulation inefficiente et des
investisseurs nerveux. Elle est née aux Etats-Unis du secteur immobilier et des activités de
crédit risquées, et fut amplifiée par l’utilisation des produits dérivés et par le processus de
titrisation à des fins spéculatives. Elle s’est alors propagée, plus rapidement que jamais, au
monde entier.
Toujours dans le cadre de ce chapitre, nous analysons les modalités définissant la
stabilité financière, concept abondamment rencontré dans la littérature économique sans pour
autant bénéficié d’une définition unanimement acceptée. Néanmoins, on peut en retirer
quelques éléments incontournables tels que le rôle du secteur financier à l’intérieur du
système économique, la solidité des institutions et des marchés, l’importance des banques
dans le système financier, ainsi que la capacité du système financier à répondre aux chocs.
Ainsi, nous définissons un système financier stable comme un système qui,
lorsqu’il est déstabilisé par des chocs internes et/ou externes, retrouve toujours son état
d’équilibre, où il exerce efficacement ses fonctions habituelles d’allocation des ressources,
établit correctement les prix et assure un système de paiements efficient, fonctions qui
contribuent à la croissance économique et optimisent le bien-être collectif.
19
La notion de stabilité financière se distingue des notions d’absence de risque
systémique, de vulnérabilité ou de fragilité. Cela peut être montré à l’aide de « l’effet de
tunnel ». Ainsi, le système financier se situe généralement dans un couloir de stabilité d’où il
peut passer dans une zone d’instabilité, suite à un choc fortement déstabilisateur, lorsque les
mesures de correction ne se sont pas avérées efficaces. Si les déséquilibres s’accentuent dans
la période d’instabilité, le système risque d’entrer en crise. Sortir de la crise suppose alors des
mesures drastiques de réformes ou de re-régulation du système.
Les termes de vulnérabilité et de fragilité (ainsi que le risque systémique
d’ailleurs) caractérisent l’état du système financier sans tenir compte de son évolution. Un
système est vulnérable même s’il se trouve dans la zone de stabilité, mais sa vulnérabilité
reste faible. En outre, la distinction entre vulnérabilité et fragilité est ambiguë, mais la
littérature considère généralement que la fragilité porte sur les risques internes (endogènes) du
système du fait de son faible développement et d’une solidité fragile de ses institutions, alors
que la vulnérabilité se manifeste à travers des facteurs exogènes de risque et est considérée
comme une vulnérabilité externe.
Les piliers de la stabilité sont analysés dès le deuxième chapitre, en nous appuyant
sur leur évolution dans le temps, mais aussi en comparant le cadre national de stabilité à ce
qui se passe au niveau européen. Ainsi, ce chapitre décortique le cadre prudentiel de
surveillance qui doit traduire la structure du système surveillé et qui doit être compatible en
même temps avec les engagements au niveau européen. S’il y quelques années, la surveillance
prudentielle visait seulement la solidité des institutions financières individuelles, elle est
récemment et progressivement passée de la sphère de la microéconomie à la sphère de la
macroéconomie. Cette évolution résulte de la prise en compte des interdépendances de plus en
plus accentuées entre les participants sur ces marchés financiers et des phénomènes de
contagion qui existent sur ces marchés. Une approche macro prudentielle est ainsi retenue qui
ne se propose de gérer les seuls risques associés à chaque établissement, mais qui tente aussi
de prévenir les risques systémiques, plus complexes à identifier.
En Roumanie, un modèle sectoriel de régulation et de surveillance du système
financier est en place, modèle où des autorités compétentes surveillent chaque secteur
financier du système. Ce cadre de surveillance peut être considéré comme un cadre
compatible avec celui qui existe au niveau central et donc, contrairement aux tendances
observées dans certains états européens, l’instauration d’une autorité unique de surveillance
du système financier ne s’y impose pas. Nous démontrons cela en nous appuyant sur les
conditions qu’une institution de régulation et de surveillance doit remplir pour avoir une
20
activité efficace, et sur les arguments pro et contre l’instauration d’une autorité unique de
surveillance. Par conséquent, dans un contexte où le secteur bancaire occupe une position
particulière dans le système financier roumain et où la solidité des institutions bancaires est
une garantie pour la stabilité du système, la Banque Nationale de Roumanie ne peut pas être
déchargée de la tâche de surveillance du secteur bancaire. La création d’un comité mixte de
surveillance sous l’égide de la banque centrale, formé par des membres de la banque et des
membres des autres autorités de surveillance, représente à présent une meilleure solution que
l’instauration d’une autorité unique pour la surveillance des conglomérats financiers, principal
motif pour lequel l’unification des activités de surveillance est recommandée.
Le troisième chapitre décrit le rôle de la Banque Nationale de Roumanie dans la
recherche de stabilité financière systémique. Les banques centrales ont généralement une
longue tradition dans l’accomplissement de cette mission, la stabilité des prix et la stabilité
financière se trouvant parmi les objectifs prioritaires de la majorité des banques centrales.
Il y a un puissant courant de pensée qui montre que les deux objectifs des banques
centrales –stabilité des prix et stabilité financière– ne sont pas compatibles. Le compromis
entre les deux objectifs, compris comme le renoncement à un de ces objectifs en faveur de
l’autre, est généralement présenté sous la forme d’un compromis de court terme. D’autres
nombreux arguments soulignent pourtant le fait qu’il y a une synergie à moyen et long terme
entre stabilité des prix et stabilité financière. Une croissance soutenue du niveau général des
prix, ainsi qu’une réduction de ce niveau au-dessous des anticipations des agents
économiques, représentent des sources potentielles d’instabilité. Un processus déflationniste
rapide peut conduire à des taux d’intérêt réel élevés, à une diminution des cash-flows et à une
montée de l’instabilité financière. Il y a aussi un argument historique conformément auquel
les crises bancaires sont souvent nées d’une situation macroéconomique défavorable et de
politiques macroéconomiques inadaptées, alors qu’une politique monétaire visant la stabilité
des prix, réduit ces risques.
Pour atteindre leur objectif de stabilité financière, les banques centrales disposent
d’une large gamme d’instruments tels que, par exemple, la promotion d’une meilleure
transparence du système, l’identification des risques par la surveillance des établissements de
crédit, le renforcement de l’infrastructure financière et la sensibilisation des participants aux
marchés financiers aux vulnérabilités du système, la coopération avec d’autres institutions qui
surveillent les marchés financiers et la fourniture de liquidité au système en qualité de prêteur
en dernier ressort. Ces safety nets peuvent être considérés comme « des fonctions classiques
de stabilité ».
21
La Banque Nationale de Roumanie remplit ces fonctions dans un cadre compatible
avec celui qui existe au niveau de l’Union Européenne. Cette compatibilité est importante
parce que, suite à l’adhésion à l’Union Monétaire, les banques centrales interviennent dans le
cadre de certaines lignes directrices et toute adaptation ou modification survenue après
l’adhésion à la zone euro peut avoir un impact néfaste sur la stabilité. La Banque Nationale de
Roumanie contribue à la stabilité du système financier par ses opérations d’open-market, par
sa participation au système d’assurance dépôts et par sa gestion des systèmes de paiements.
Une fonction importante est celle de prêteur en dernier ressort, par l’intermédiaire de laquelle
la banque centrale peut aider les seules institutions en difficulté, en leur offrant des liquidités
contre des garanties solides, ou peut fournir des liquidités à l’ensemble du marché. Le rôle de
la Banque Nationale de Roumanie dans la surveillance du secteur bancaire est aussi essentiel
en participant à l’application des accords de Bâle II. Cet accord international a pour objectif le
renforcement de la régulation et de la surveillance des institutions financières, mais a aussi un
rôle macro prudentiel en favorisant la transparence des marchés et en renforçant l’implication
des autorités dans la gestion du risque systémique.
Les nouveaux défis pour la stabilité financière sont analysés dans le quatrième
chapitre, des défis qui sont en réalité des risques potentiels déjà présents mais plus
susceptibles de se manifester à l’avenir avec le développement du système financier en
Roumanie. Ces risques (la difficulté de la surveillance des conglomérats financiers, la
volatilité élevée du prix des actifs ou l’utilisation spéculative des produits financiers dérivés)
sont arrivés à leur maturité au sein des systèmes financiers développés et leur manifestation a
déjà engendré de nombreux épisodes de turbulences financières.
Le phénomène d’érosion des barrières traditionnelles entre les activités financières
s’est accentué et de nouvelles structures appelées conglomérats sont apparues avec la
globalisation des marchés financiers. L’apparition des conglomérats qui exercent leur activité
dans le secteur bancaire, mais aussi sur le marché du capital et dans le secteur des assurances
(ils proposent toute gamme des services financiers), a entraîné l’effacement progressif des
frontières entre les banques commerciales, les banques d’investissements, les sociétés
d’assurances et le marché de capital. Cette tendance à l’interpénétration du secteur bancaire,
du marché du capital et du marché des assurances sous l’égide de l’évolution des marchés
financiers impose des exigences supplémentaires à la régulation et à la surveillance
prudentielle.
La présence des conglomérats financiers en Roumanie, comme d’ailleurs dans tous
les pays de l’Europe Centrale et de l’Est, est significative. Les défis liés à la surveillance de
22
ces entités ont imposé une adaptation de la législation dans ce domaine et la signature d’un
nombre important d’accords de partenariat entre les autorités nationales de surveillance et
leurs homologues des pays d’origine des conglomérats.
La volatilité élevée des prix des actifs financiers et immobiliers représente un autre
risque pour la stabilité financière. Les bulles spéculatives des prix des actifs affectent les
objectifs des banques centrales. Par conséquent, le problème concernant l’implication de la
banque centrale dans la surveillance des prix des actifs surgit. Certains considèrent que
l’intervention des banques centrales sur les marchés des actifs n’est pas nécessaire. Pourtant,
étant donné le rôle de ces institutions sur le marché et les risques importants pour la stabilité,
risques induits par la volatilité élevée des prix, une implication active des banques centrales
apparaît nécessaire. Même si le taux d’intérêt ne représente pas le meilleur instrument
d’intervention pour corriger les prix des actifs, d’autres mécanismes ou instruments peuvent
être utilisés, tels que, par exemple, des messages transmis au marché, des rapports ou même
des mesures pour restreindre le crédit lorsqu’on constate qu’un endettement excessif est à
l’origine de bulles spéculatives sur le marché du capital ou sur le marché immobilier.
Dans le cas de la Roumanie, le marché des actifs financiers est réduit pour l’instant
et ne présente pas encore un véritable potentiel risque systémique. Mais, les risques relatifs
aux prix des actifs s’intensifieront avec le développement du marché dans le futur contexte
d’adhésion à la zone euro. Nous montrons cependant que le pilotage du taux d’intérêt pratiqué
par la Banque Nationale de Roumanie n’a qu’un effet limité sur l’évolution des prix de ces
actifs. En ce qui concerne le marché des actifs immobiliers dont les prix ont augmenté de
manière exponentielle ces dernières années, la banque centrale est intervenue à plusieurs
reprises pour limiter l’expansion des crédits, mais sans résultats notables. Dans le contexte de
la crise financière actuelle, l’évolution des prix de l’immobilier a connu une tournure
importante, ce qui a conduit au blocage du marché, aggravant la situation économique de la
Roumanie.
Les produits financiers dérivés, à côté de l’apparition des conglomérats et de la
surveillance des prix des actifs, représentent un défi pour la stabilité financière au niveau
international, mais aussi un nouveau défi pour les autorités de surveillance roumaines.
L’usage de ces produits qui permettent une meilleure diversification des risques,
ne présente pas que des aspects positifs. Les risques qui caractérisent ces marchés, sont non
seulement des risques financiers traditionnels, tels que le risque de crédit, de marché, ou
opérationnel, mais aussi des risques spécifiques liés à la particularité de ces produits. Il y a
tout d’abord un risque lié à la complexité des instruments dérivés. Leur combinaison avec
23
l’activité de titrisation se trouve à la base des crises récentes des marchés financiers. Ensuite,
nous sommes confrontés à un risque de volatilité élevée sur les marchés des produits dérivés.
Ce risque se manifeste pendant les périodes de turbulence lorsque les produits dérivés ne font
qu’amplifier la volatilité du prix des actifs support. Puis, il y a le risque légal et celui lié à la
régulation de nouveaux produits financiers. Il n’y a donc pas une régulation et une
surveillance adéquate pour tous les instruments dérivés. Enfin, mais non pas en dernier lieu, il
y a un risque de système lié l’utilisation croissante de ces produits et à la concentration des
marchés.
En Roumanie, l’usage des instruments financiers dérivés ne représente pas pour
l’instant une source de risque systémique mais, avec la présence importante de conglomérats
financiers qui font fréquemment appel à ces produits, les autorités devraient être beaucoup
plus prudentes vis-à-vis des modalités de régulation de ces produits et de surveillance des
institutions impliquées dans les transactions sur produits dérivés.
A côté de l’analyse de la solidité des institutions financières, du cadre de
régulation et de surveillance, ainsi que des risques potentiels, un problème particulier pour
évaluer la stabilité financière systémique porte sur les possibilités de mesurer le phénomène
de façon empirique. Ces techniques sont analysées dans le cinquième chapitre de cette étude.
Une première modalité d’évaluation empirique de la stabilité est l’analyse des
indicateurs de solidité financière qui a débuté avec le développement des théories expliquant
le déclenchement des crises. Ces indicateurs ont gagné un intérêt particulier avec le
perfectionnement des techniques quantitatives utilisées pour évaluer la stabilité financière,
telles que celles employées, par exemple, par les tests de résistance aux chocs ou les systèmes
d’alerte précoce.
Les systèmes d’alerte précoce, une autre possibilité pour évaluer la stabilité,
permettent l’identification rapide des problèmes d’une économie, en s’appuyant sur les
indicateurs qui émettent des signaux liés à l’apparition des crises, ce qui facilite la prise rapide
des mesures préventives. Les systèmes d’alerte précoce sont utilisés grâce à leur capacité
d’anticiper une crise, mais ils peuvent aussi avoir une autre destination. Ces techniques
peuvent être utilisées par les autorités de régulation pour identifier les banques présentant une
forte exposition aux risques, en utilisant certaines méthodes spécifiques comme, par exemple,
l’élaboration de ratings. Nous avons utilisé à notre tour une telle méthode pour évaluer la
solidité des institutions bancaires individuelles en Roumanie.
Une autre technique d’évaluation de la stabilité financière systémique consiste à
mener un stress-test qui évalue l’impact de chocs sur le système financier et sa capacité à
24
réponse. Ces tests peuvent être pratiqués tant au niveau des établissements individuels qu’au
niveau systémique. Les grandes banques internationales sont celles qui ont procédé pour la
première fois à tels tests pour évaluer l’impact sur leurs portefeuilles d’un choc externe.
L’utilisation de ces techniques est encouragée par les Accords Bâle II qui stipulent que les
institutions qui recourent aux méthodes avancées de gestion du risque de crédit doivent
effectuer de tels stress-tests.
Cependant, aucune des méthodes présentées jusqu’à présent, que nous considérons
comme des méthodes complémentaires, n’offre d’informations ni sur la dynamique de la
stabilité financière, ni sur la possibilité de comparer la stabilité de différents systèmes
financiers. C’est pourquoi nous proposons une nouvelle méthode d’évaluation de la stabilité,
fondée sur l’élaboration d’un indice agrégé de stabilité financière.
Même si cette technique paraît rigide et mécanique, elle a de nombreux avantages
par rapport aux autres méthodes : une plus grande transparence, une possibilité d’identifier
plus aisément les données statistiques nécessaires et la simplicité des calculs. La procédure de
construction de l’indice agrégé n’est pas un exercice arbitraire. Plusieurs étapes bien
différenciées doivent être suivies. La première consiste à identifier les différentes dimensions
qui caractérisent le concept, tout en sachant qu’il est toujours multidimensionnel, et à choisir
des indicateurs représentatifs de ces différentes dimensions. Une fois ces indicateurs de base
définis, ils doivent être ensuite normalisés car ils peuvent présenter des grandeurs différentes.
La dernière étape consiste à agréger les indicateurs normalisés retenus.
En utilisant une telle technique, nous nous proposons d’identifier les périodes de
crises traversées par le système financier roumain sur la dernière décennie et de suivre la
dynamique de la stabilité. En outre, après validation économétrique du modèle qui identifie
les déterminants de la stabilité financière, nous proposons quelques prévisions sur l’évolution
de l’indice de stabilité sur les deux prochaines années, à l’aide d’un modèle de simulation
stochastique et selon trois scénarios alternatifs concernant les fondamentaux
macroéconomiques.
Le sixième et dernier chapitre de la thèse traite de questions liées à la stabilité
financière de la Roumanie dans la perspective de l’adoption de l’euro. Plus précisément, une
première question porte sur la nécessité d’évaluer la stabilité du système dans la période de
préparation à l’adhésion à la zone euro. Une seconde question fait référence aux implications
que l’adoption de l’euro peut entraîner sur la stabilité financière de la Roumanie.
Les réponses à la première question sont soutenues par une étude comparative
entre la stabilité financière de la Roumanie et la stabilité financière d’autres pays est-
25
européens qui ont adopté ou qui vont adopter l’euro, en utilisant un indice agrégé de stabilité
La convergence réelle et financière sont nécessaires pour assurer le succès de l’adhésion à la
zone euro. Plus la convergence est forte, plus l’impact des chocs causés par l’adoption de la
monnaie unique sera limité. Les résultats montrent que la Roumanie n’est pas à présent
suffisamment préparée pour adhérer à la zone euro, surtout après l’impact extrêmement
négatif de la crise économique et financière actuelle.
Quant aux implications de l’adhésion de la Roumanie à la zone euro sur la
stabilité, nous menons une analyse des avantages et inconvénients potentiels. Si la perte
d’autonomie de la politique monétaire peut être considérée comme l’inconvénient principal,
plusieurs avantages peuvent être attendus, notamment si un niveau satisfaisant de
convergence réelle et financière est atteint : l’élimination du risque de change, l’accès accru à
la liquidité par la participation au système de paiements TARGET, la réduction du risque-
pays et le renforcement de la crédibilité.
Au total, la thèse soutient que la stabilité financière de la Roumanie dans la
perspective de l’adhésion à la zone euro a d’ores et déjà bénéficié d’avancées
importantes mais que d’autres progrès restent à réaliser : l’efficience et l’adaptation de son
cadre de régulation et de surveillance, le rôle et l’implication de la banque centrale,
l’identification des risques potentiels ainsi que la nécessité d’utiliser des techniques
complémentaires pour évaluer la stabilité.
Les apports de la thèse se situent au niveau de l’analyse complexe de la stabilité
financière qui met l’accent sur le cadre institutionnel de régulation et de surveillance et sur les
nouveaux défis pour la stabilité ; de l’analyse comparative des techniques quantitatives
d’évaluation de la stabilité financière ; de la définition d’un indice agrégé qui permet, d’une
part, d’évaluer la stabilité et, d’autre part, de prévoir l’évolution de la stabilité ; et enfin de
l’analyse de l’opportunité pour la Roumanie d’adhérer à la zone euro, du point de vue de sa
stabilité financière.
26
I. Le concept de stabilité financière systémique et le
phénomène de globalisation
27
1.1.1. Les effets de la globalisation financière
Le terme de globalisation est apparu dès le Moyen Age, une fois les états
nationaux constitués et les échanges entre ceux-ci réalisés. L’impact du phénomène sur les
économies du monde a été pourtant différent. Par conséquent, l’analyse des implications de la
globalisation est faite en termes d’avantages – inconvénients ou de coûts – bénéfices, qui,
dépeints dans leur forme extrême de manifestation, ont donné naissance à deux courants de
pensée opposés, celui en faveur de la globalisation et celui contre la globalisation.
On se propose, dans cette section qui a comme objectif principal de mettre en
évidence les implications de la globalisation sur la stabilité des systèmes financiers,
d’analyser avant tout les risques imposés par la globalisation, sans oublier pour autant de
clarifier cette notion et de présenter, de manière équilibrée, les avantages et les inconvénients
de la globalisation. On considère la globalisation comme un phénomène continu, dynamique
et irréversible, et l’accent doit être mis sur la maximisation des avantages et sur la prévention
de la manifestation des risques qui caractérisent ce processus.
28
Néanmoins, comme le remarque Scholte (2000), les définitions de la globalisation
proposées dans la littérature sont nombreuses. La majorité des auteurs considère la
globalisation comme une nouvelle étape du capitalisme, une manifestation de la modernité ou
une universalisation. Les critiques à l’égard de la globalisation font appel à l’idée de
modernisation sur l’égide des Etats-Unis, d’où le terme d’« américanisation ».
Par exemple, Dinu (2006) considère la globalisation comme une tendance vers
l’universalisation ou comme une forme nouvelle d’organisation du monde dans le but de
trouver une réponse différente (sans conflit) en ce qui concerne l’allocation des ressources,
ainsi qu’une réponse pour les problèmes de développement qui n’ont pas trouvé leur solution
en s’appuyant sur le principe de l’adversité. De cette façon, l’auteur affirme que « l’ordre
international géré par un pouvoir supranational est appelé globalisation, même si elle est tout
simplement américanisation », en ajoutant que « la globalisation est au fond un problème
politique ». Selon son approche, la globalisation est une modalité de manifestation de
l’hégémonie.
La globalisation représente vraiment une transformation de la géographie sociale,
marquée par la supra territorialité ou par l’idée de supranational mais, comme l’affirme
Scholte (2000) : (a) la globalisation suppose des relations complexes entre territorialité et
supra territorialité, (b) la globalisation affecte chaque personne différemment et (c) la
globalisation apporte des modifications importantes aux prérogatives de l’état, de la nation et
de la modernité.
La mondialisation, l’équivalent en français de la globalisation, est définie à son
tour comme la tendance d’intégration continue des économies au niveau mondial, dû aux
intensifications des flux commerciaux et financiers. Comme le souligne Norel (2005), le
terme de « globalisation » dans la littérature française est adopté comme synonyme de la
« mondialisation ». Malgré tout cela, les économistes utilisent la notion de globalisation
surtout lorsqu’ils font référence à la « globalisation financière ».
Au long de l’histoire, plusieurs périodes de globalisation peuvent être identifiées.
L’ère de la première globalisation a eu lieu au Moyen Age, et cette époque est connue en
France comme la constitution des « systèmes – monde ». Comme le disent Norel et Paulet
(2008), ceux-ci ont précédé la révolution industrielle et, dans leur sens restreint, ils ne
relèvent autre chose que ce que l’on appelle aujourd’hui la globalisation.
De l’autre côté, Berdot et Léonard (2006) soutiennent que l’usage récent de la
notion de « globalisation » a laissé l’emploi du terme « mondialisation » à l’époque de
grandes découvertes (fin du XVème siècle). Selon eux, la globalisation n’est pas synonyme de
29
mondialisation de l’économie, elle ne représente pas non plus l’internationalisation ou la
trans-nationalisation des économies : elle est d’abord une extension géographique des
marchés (segmentation) et une croissance du caractère commercial des activités de toute sorte
(marchandisation), même au-delà du champ traditionnel de l’économie.
Même s’il n’y a pas un consensus pour définir la globalisation, la littérature
accepte à l’unanimité le fait que les dimensions de ce phénomène sont multiples : la
dimension économique, sociale, politique, environnementale, culturelle et religieuse. Dans
son essence, la globalisation est cependant conçue comme une tendance continue de
renforcement de l’intégration économique, et pas seulement entre les nations.
Toutefois, il est nécessaire de distinguer le phénomène de globalisation du
phénomène de régionalisation. Si l’intégration est la façon dont la globalisation ainsi que la
régionalisation se produisent, les différences résident dans l’ampleur et l’intensité de deux
phénomènes. A la différence de la globalisation, la régionalisation fait référence à une
certaine zone géographique où les liaisons entre certains groupes ou blocs se constituent plus
rapidement, selon des règles préétablies et seulement sur certains plans. Si on pense à l’Union
Economique et Monétaire (UEM), celle-ci est apparue dans le contexte d’un processus
complexe d’interactions entre la globalisation et l’intégration régionale (Portes, 1999).
La globalisation est souvent confondue dans la littérature avec l’intégration.
Comme on l’a déjà dit, l’intégration économique suppose l’augmentation des
interdépendances entre les états par l’élimination des barrières au commerce et au capital, de
la même façon que le renforcement de la convergence peut se produire sur le plan global ou
régional. L’intégration peut se réaliser selon certaines règles et régulations ou par
l’intermédiaire de la force du marché. Elle contribue à la création de la globalisation.
En ce qui concerne la globalisation financière – notion d’extrême importance pour
notre étude et qui représente en même temps la forme la plus évidente de la globalisation –
elle est souvent associée à la libéralisation des transactions sur actifs financiers (Stulz, 2005).
Cette notion fait référence à l’intégration des marchés financiers du monde entier.
La libéralisation est une condition nécessaire pour la globalisation financière, mais
comme le disait aussi Arestis (2002), elle n’en est pas une condition suffisante. La
globalisation financière inclut aussi des aspects qui tiennent de la structure des marchés
financiers, parce qu’elle suppose, à côté de l’ouverture des économies nationales,
l’élimination des barrières qui séparent différents compartiments des marchés financiers
(Heteş et al., 2008).
30
La globalisation financière est un processus complexe où se produit
l’augmentation des interdépendances entre les marchés et les acteurs financiers du monde
entier, en s’appuyant sur les flux de capitaux transfrontaliers et sur l’intégration des marchés.
L’intégration financière apparaît lorsque les économies libéralisées enregistrent une
croissance des mouvements de capitaux et une intense participation des acteurs locaux sur les
marchés financiers internationaux (Schmukler, 2004). Le processus de dérégulation qui est
survenu dans les années 80-90, a représenté une impulsion pour la globalisation financière, un
autre facteur stimulateur étant le processus de désintermédiation bancaire.
Il faut mentionner que le processus de globalisation a continué même après le
déclenchement des crises financières des années 90, suivies par un processus de re-régulation.
L’intensification de la surveillance financière et de la régulation au cours de la dernière
décennie a pour objectif de limiter les risques et non pas de stopper le processus de
globalisation financière. Autrement dit, le fait que la désintermédiation a apporté sa
contribution à l’amplification de la globalisation ne signifie pas que le rôle des banques est
réduit dans ce processus. Par contre, les institutions bancaires sont les promoteurs de la
globalisation financière, et on assiste seulement à une réorientation de l’activité bancaire. Les
groupes bancaires internationaux ont une activité de plus en plus intense sur les marchés de
capitaux.
En outre, les nouveaux instruments financiers utilisés par ces institutions ne font
que contribuer à l’intensification du processus de globalisation financière. Les prix des actifs,
les portefeuilles et les politiques des compagnies sont influencés de plus en plus par le
contexte global.
31
Figure 1 : L’évolution du niveau d’ouverture commerciale (% du PIB)
30
25
20
15
10
0
60
62
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94
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06
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20
20
20
20
(Exportations+Importations)/PIB
Ce ne sont pas seulement les échanges des marchandises qui se sont intensifiés,
mais aussi les activités des institutions qui ont décidé de développer leur activité et d’investir
dans d’autres régions géographiques. Les raisons qui incitent les compagnies (surtout les
multinationales) à délocaliser et à investir dans d’autres pays sont diverses et elles tiennent
aussi bien aux perspectives concernant les opportunités d’affaires, les économies d’échelle et
de gamme, et la croissance des profits, qu’à la diversification des risques et à la
matérialisation des avantages fournis par les technologies modernes.
Lorsqu’on analyse les éléments caractéristiques de la globalisation, et surtout ceux
de la globalisation financière, à côté de la présentation des vecteurs de propagation du
phénomène (driving forces), il est nécessaire de présenter aussi le rôle des acteurs de la
globalisation : les gouvernements, les investisseurs, les consommateurs et les institutions
financières. Chacun de ces acteurs contribue à la croissance du niveau d’intégration de
l’économie au sein de l’économie globale. Les gouvernements jouent un rôle important dans
la libéralisation des contraintes liées à la circulation des biens et des capitaux, les
investisseurs et les consommateurs deviennent les principaux agents de la globalisation en
contribuant à l’augmentation des interdépendances et de la concurrence, tandis que les
institutions financières font de ce processus une activité soutenable, de longue portée.
L’internationalisation des services financiers s’accomplit sur deux voies. La
première réside dans la présence des intermédiaires financiers internationaux sur les marchés
locaux. La deuxième implique l’accès des investisseurs et des débiteurs locaux aux services
offerts par ces intermédiaires sur d’autres marchés. Au cours de la dernière décennie, le FMI a
remarqué dans son « Rapport Global de Stabilité Financière » de 2007, un développement de
32
l’actionnariat bancaire étranger dans les pays en développement mais aussi dans les pays
industrialisés, en analysant la situation de 105 pays (Tableau 1).
100000,0
80000,0
60000,0
40000,0
20000,0
0,0
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93
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20
20
20
33
Un autre élément permettant d’analyser la globalisation financière est le niveau de
libéralisation. La Banque Européenne de Reconstruction et Développement (BERD) calcule
un tel indicateur de réforme bancaire et de libéralisation du taux d’intérêt pour 29 pays en
transition, la plupart de l’Europe Centrale et de l’Est (Figure 3).
3,5
2,5
1,5
0,5
0
89
90
91
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00
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20
20
20
20
20
20
20
Source : base de données de BERD
On observe ainsi une augmentation continue de cet indice, ce qui reflète une
intensification de l’intégration financière. Ce phénomène n’est pas visible seulement dans le
groupe des pays analysés, mais aussi au niveau global. Même si le processus de globalisation
financière est loin d’être achevé, les économies des états du monde sont devenues si
interconnectées que, comme le disent Hervé et al. (2007), « les crises financières des années
90 auraient eu un plus grand impact sur l’économie globale d’aujourd’hui que sur celle de la
décennie passée ».
Même si les données présentées jusqu’ici soulignent une accélération de la
globalisation sur les dernières décennies, certains affirment pourtant qu’on ne traverse pas la
période la plus intense de ce processus. Comme le remarque O’Neill (2004), lorsqu’on
analyse le commerce, les investissements et les flux de la force de travail, on peut facilement
observer que la globalisation fut plus profonde avant 1914 qu’après 1945. Dans la seconde
moitié du XIXème siècle, le commerce international a été multiplié par 25, alors qu’il n’a été
multiplié que par 21 sur la période d’après la guerre. Les flux internationaux de capitaux
rapportés au PIB ont été en moyenne de 3,3% sur la période 1870-1914, tandis qu’ils n’ont
représenté que 2,2% du PIB entre 1975-2000. Comme de nos jours, à l’époque il y avait les
soi-disant « pôles financiers », Londres étant situé au centre de l’activité financière. La
période a connu, comme à présent, toute une série de crises bancaires (Arestis, 2002).
34
Il faut pourtant préciser que les dimensions de la globalisation financière étaient
différentes. Tant les marchés que les produits sont devenus de plus en plus complexes. Le
nombre de pays qui participent à ce processus a augmenté, et les interdépendances entre les
économies des pays du monde se sont intensifiées. A présent, la globalisation a un impact
beaucoup plus significatif sur les économies qu’il y a un siècle.
35
de pensée, considère que, pour intensifier le processus, il serait nécessaire d’avoir une
institution globale responsable pour la coordination du processus.
Les détracteurs de la globalisation (les antiglobalistes), tels Joseph Stiglitz, lauréat
du Prix Nobel, quant à eux, mettent en évidence les effets désastreux de la globalisation pour
les pays en développement, surtout pour les pays pauvres. Ils accusent les grands pouvoirs
économiques, les Etats-Unis principalement, d’avoir influencé le processus pour atteindre
leurs propres objectifs. De cette façon, la globalisation génère des crises dans des pays
pauvres, affecte les populations défavorisées, même celles des pays industrialisés, et détériore
la qualité des produits et de l’environnement. Les cultures locales et les valeurs ethniques se
perdent et les pays riches bénéficient plus que les pays pauvres de ce processus du fait, d’une
part, d’une meilleure représentation dans les forums internationaux et, d’autre part, grâce à
l’orientation de leur production vers les produits à haute valeur ajoutée.
Dinu (2006) accuse les activistes de la globalisation de « la résistance excessive de
masquer les sens de la globalisation à tout prix ». IL les accuse aussi de déformer la réalité,
en cherchant une formule pour conserver un pouvoir hégémonique afin de contrôler les
ressources globales. A présent, nous traversons une période de la globalisation appelée par
l’auteur « la seconde modernité ». Elle est accompagnée d’une transition des valeurs. De cette
façon, si on parlait de souveraineté dans la période de la première modernité, on a parlé de
dépendance pendant le postmodernisme et, à présent, on parle d’une société globale. Mais
d’autres valeurs ont souffert de ces évolutions telles que autarchie-coopération-ouverture;
contrôle–alignement–harmonisation ; destruction–transformation–innovation ou encore
international–transnational–supranational. En ce qui concerne le supranational, Dinu (2006)
considère qu’il est comme que le supranaturel, « un espace du débordement des névroses, des
illusions, des ambitions, des risques ».
Sahay (2002), au contraire, adopte une position opposée et fait un portrait des
détracteurs de la globalisation. Qui sont-ils et où se trouvent-ils ? Il part de la caractérisation
proposée par Stanley Fischer1, qui considère que les antiglobalistes se divisent en deux
catégories : ceux qui désirent l’amélioration du processus de globalisation et ceux qui veulent
s’isoler. Conformément aux affirmations de Sahay, qui approfondit cette caractérisation, la
majorité des pays en développement qui protestent contre la globalisation, font partie de la
première catégorie. Pourtant, au sein de ceux qui s’isolent, plusieurs catégories se distinguent.
Les isolationnistes des pays industrialisés font partie de ceux qui ont été affectés par les
1
Citoyen américain d’origine israélienne qui est à présent le gouverneur de la Banque Nationale de l’Israël
36
exportations des pays émergents et avancent l’idée de la dégradation de la qualité de
l’environnement pour protéger les intérêts d’une certaine catégorie d’entrepreneurs. En même
temps, ils protestent contre les institutions financières internationales comme le FMI ou la
Banque Mondiale. Une autre catégorie d’isolationnistes se retrouve dans les pays en
développement et sont considérés comme les leaders du protectionnisme contre ce qui affecte
les gens riches et non pas les pauvres de leur pays. Une dernière catégorie d’isolationnistes est
formée par ceux que Sahay appelle les « pseudo-isolationnistes ». Ils sont les gouverneurs qui
accusent les marchés globaux de leurs propres problèmes auxquels ils ne trouvent pas de
solution.
En conclusion, les globalistes regardent la globalisation comme le seul événement
important de l’histoire contemporaine, tandis que les antiglobalistes ou les ultra-sceptiques
considèrent plutôt la globalisation comme un mythe. Nous avons présenté jusqu’à présent les
opinions de deux extrêmes sur le phénomène de globalisation, et nous allons maintenant
analyser les avantages et les inconvénients de la globalisation financière d’une perspective
plus nuancée.
Nous analysons d’abord des gains procurés par la globalisation. Son effet sur la
croissance économique globale, transmis par l’intermédiaire de différentes chaînes indirectes,
semble être positif. La globalisation est à l’origine d’un renforcement de la concurrence, de la
transparence et de gains de productivité par le transfert du know-how. La majorité des pays en
développement ont connu, au cours des dernières décennies, une croissance économique
supérieure à celle des pays développés, malgré des périodes de turbulences financières
reconnues. Cette thèse fut l’objet de nombreuses vérifications empiriques, réalisées
essentiellement sur des économies émergentes, qui ne permettent pas de tirer une conclusion
définitive.
Eichengreen et Musa (1998) testent, sur un échantillon de 41 pays, la corrélation
entre le niveau de libéralisation des mouvements des capitaux et le développement
économique et mettent en évidence une relation positive entre les deux.
On retrouve aussi dans la littérature l’idée que la réduction de la volatilité
macroéconomique résulterait du processus de globalisation. Il est vrai que la volatilité de la
consommation et des investissements a diminué tant dans les économies industrialisées que
dans la majorité des économies émergentes, mais les facteurs qui y ont contribué sont
multiples. Néanmoins, la volatilité financière, exprimée par la volatilité des prix des actifs,
n’a pas connu la même tendance. De plus, on a observé dans plusieurs situations qu’après la
37
libéralisation de leur compte de capital, certains pays ont connu une amplification de la
volatilité de leur activité économique, les soi-disant « boom-bust cycles ».
Les bénéfices de la globalisation financière se remarquent aussi par l’augmentation
des investissements directs étrangers qui amène, en plus du capital, des connaissances et des
nouvelles technologies. Comme on l’a vu, les IDE ont connu ces dernières années une
croissance significative, représentant « la plus importante forme du financement international
privé pour les économies de marché émergentes » (Kose et al., 2006). Leur impact est
reconnu positif grâce aux gains de productivité et à l’expérience managériale. Mais, les IDE
sont principalement réalisés par des firmes multinationales à la recherche d’opportunités
d’investissement à haute profitabilité. Cependant, lorsque ces firmes décident de délocaliser
de nouveau pour chercher encore de nouvelles opportunités, l’effet est totalement opposé. La
capacité d’une économie émergente à se réorganiser ou à se réorienter (zones, catégories
professionnelles) est beaucoup plus limitée que celle d’une économie industrialisée.
La globalisation financière entraîne un essor des systèmes financiers des pays
développés. De nouveaux types de capitaux sont disponibles au fur et à mesure que
l’intégration dans l’économie globale s’intensifie. Une infrastructure financière performante
est implémentée qui apporte sa contribution à la réduction de l’asymétrie des informations et,
par conséquent, à la diminution de certains problèmes tels que, par exemple, de sélection
adverse et de hasard moral. Cependant, la complexité des institutions financières et des
instruments qu’elles utilisent, implique aussi un processus plus complet, plus profond et plus
stable de régulation des marchés. Les coûts de ce processus ne sont pas à négliger. Encore
plus importants sont les coûts entraînés par la surveillance déficitaire de ces institutions.
Stulz (2005) montre que la globalisation améliore la gouvernance corporatiste, en
réduisant le coût du capital. Les investisseurs étrangers, qui ont une certaine solidité
financière et l’expérience nécessaire pour se lancer sur le marché international, possèdent des
techniques de management plus performantes que la plupart des investisseurs locaux. Leur
présence sur les marchés émergents contribue de façon indirecte au perfectionnement du
système public de gouvernance, qui se manifeste par la réduction de la corruption et de la
bureaucratie, ainsi qu’à l’amélioration de la transparence des politiques gouvernementales.
Le fait que la période récente de la globalisation financière est marquée par les
tendances désinflationnistes dans le monde entier, a incité certains auteurs à affirmer que ce
phénomène a contribué au perfectionnement des performances de la politique monétaire. Cela
est le résultat de l’intensification de la concurrence qui exerce des pressions déflationnistes. Il
ne faut pas pourtant oublier que le phénomène d’intensification de la globalisation a été
38
accompagné de nombreuses crises financières qui ont affaibli les performances de la politique
monétaire. Les périodes post crises sont généralement des périodes inflationnistes.
Le processus de globalisation ne génère pas uniquement des effets favorables.
Même si la globalisation des institutions financières semble avoir amélioré la stabilité du
point de vue des institutions individuelles, ce phénomène rend le système financier, dans son
ensemble, plus vulnérable aux événements extrêmes (FMI, 2007). Les marchés de capitaux
sont devenus plus intégrés, ce qui représente un facteur de vulnérabilité qui a été à l’origine de
nombreuses crises financières.
La libéralisation des flux de capitaux est souvent considérée comme le facteur
principal responsable des crises sur les marchés émergents. Cela a contribué à l’augmentation
des pressions concurrentielles et a incité les investisseurs à adopter un comportement de plus
en plus risqué. Même s’il est difficile de le prouver de façon empirique, il semble que les pays
en développement ont été plus affectés par ce processus que les pays industrialisés.
La globalisation financière a aussi contribué à l’augmentation de la corrélation
entre les cycles économiques de l’ensemble des pays du monde. Dans ce contexte, les chocs
se propagent plus rapidement d’une économie à une autre, augmentant ainsi le risque de
contagion (Jochimsen, 1996).
On peut affirmer que la globalisation procure des gains significatifs si les risques
qu’elle génère, sont limités au maximum. Comme le disent aussi Kose et al. (2006),
l’allocation efficiente du capital, le développement des systèmes financiers, la répartition des
risques, l’amélioration de la discipline macroéconomique et la qualité du management ne
peuvent se produire que dans certaines conditions. Il y a un seuil qui doit être dépassé pour
que les avantages de la globalisation puissent surcompenser les coûts éventuels. L’essor
économique et la diminution du risque de crises ne peuvent être effectifs que si les marchés
financiers sont suffisamment développés, s’il y a une intégration élevée des échanges
commerciaux et si les politiques macroéconomiques sont adéquates.
Il y a aussi quelques règles fondamentales qui doivent être respectées par tout pays
qui a l’intention de libéraliser complètement son compte de capital (Cerna et al., 2008) : (a)
l’inflation doit être contrôlée, le taux de change doit être stabilisé, et la crédibilité économique
externe doit être suffisamment consistante ; (b) le déficit budgétaire et les engagements extra-
budgétaires de l’état doivent rester dans des limites raisonnables ; (c) le niveau d’endettement
externe (publique et privé) ne doit pas être excessif ; (d) il faut mener une politique
d’encouragement de la concurrence suffisamment puissante et (e) il faut disposer d’un
système informationnel et statistique efficient.
39
1.1.1.4. Globalisation financière versus stabilité financière
2
La dérégulation concerne la réduction ou l’éloignement des restrictions relatives aux activités sur biens et
capitaux, mené par les gouvernements. Elle représente une autre forme de la libéralisation économique et
financière.
40
Roger Ferguson (2006) mène lui aussi une analyse des facteurs d’aggravation des
risques financiers liés à la globalisation : l’apparition des crises financières ; un contexte
institutionnel beaucoup plus complexe (avec par exemple le développement des fonds
d’investissements et des fonds spéculatifs) ; des incertitudes liées à ceux qui subissent
finalement les risques financiers et aussi l’émergence de nouveaux produits financiers comme
les dérivés de crédit.
Compte tenu de la multitude des défis imposés par la globalisation à la stabilité
financière, certaines mesures pour libérer progressivement le compte de capital (accompagnée
par une augmentation de l’efficience des politiques macroéconomiques et de la surveillance
prudentielle) et pour développer suffisamment les systèmes financiers, doivent être prises.
Une attention particulière doit être accordée aux interdépendances entre les secteurs
financiers, à la volatilité accrue des prix des actifs et aussi à la connaissance du
fonctionnement des produits financiers complexes, tout cela pour limiter le risque systémique
et pour éviter l’apparition des crises financières.
Les théories portant sur les crises financières sont apparues au même moment que
le capitalisme et se sont développées au fur et à mesure que la complexité de ce système a
augmenté. Minsky (1991) et Heinrich (2008) ont présenté les perceptions historiques de
grands économistes en ce qui concerne les crises financières. Ainsi, Adam Smith considérait
que la récession prolongée et les crises financières étaient causées par de petits
41
dysfonctionnements institutionnels qui affectaient le fonctionnement du marché, par un
système inapproprié d’intervention qui permettait aux personnes d’une moralité douteuse
d’opérer sur les marchés et par des chocs externes qui affectaient de façon négative
l’économie. Ainsi, les crises se limitaient à la manière d’administrer le système d’assurance -
dépôts et aux restrictions imposées aux banques en termes d’actions sur les marchés.
La théorie des crises financières acquiert de nouvelles dimensions chez Marx dont
les thèses s’appuient sur les dysfonctionnements du système capitaliste avec comme point de
référence l’éclatement de la crise économique de 1857. Il entrevoyait l’effondrement du
système capitaliste partant d’une théorie du désastre qui indiquait le fait que le système
capitaliste allait se bloquer à cause des conflits politiques. Les crises représentaient pour lui
un acte brutal de purification, nécessaire pour éliminer les obstacles apparus dans la voie de
l’accumulation et qui fournissaient de nouvelles opportunités au développement capitaliste.
Pourtant, les coûts de ces crises étaient inacceptables pour lui. En 1879, lorsqu’il attendait la
parution du premier volume de son livre « Le capital », Marx ne savait pas comment conclure
son travail, motivant qu’il attendait la fin d’une nouvelle crise déjà déclenchée, pour faire une
analyse détaillée de ses caractéristiques tout à fait nouvelles.
Keynes, l’un des plus grands économistes du XXème siècle, considère à son tour
que la loi naturelle du développement des économies capitalistes mène à l’apparition des
conditions favorables à l’instabilité financière. Les organismes législatifs et les politiciens
devraient être conscients des changements institutionnels et de la nécessité de développer des
instruments qui peuvent contrecarrer aussi bien les pressions inflationnistes que les
déséquilibres déflationnistes. Pour Keynes, l’instabilité potentielle est un trait fondamental du
système capitaliste et, comme l’instabilité peut générer des déséquilibres sévères affectant les
investissements et les revenus, il est nécessaire d’identifier des instruments capables de
soutenir les flux de profit et les prix des actifs.
La théorie complexe de Keynes avance l’idée de la nécessité d’intervenir dans
l’économie de marché pour que celle-ci puisse fonctionner de façon appropriée et pour
prévenir les déséquilibres. De plus, Keynes était conscient de la capacité des agents à
apprendre et à s’adapter, ce qui permet par conséquent un système d’intervention qui évolue
avec le développement de l’économie de marché.
La théorie des crises financières nous montre donc qu’elles apparaissent dans le
contexte de l’existence d’un système financier fonctionnel. Pour Eichengreen (2004), les
crises financières n’éclatent pas dans des pays dont les marchés financiers sont
« rudimentaires », bien que cependant le plus grand problème apparaisse dans les économies
42
émergentes ou dans celles en transition. Pour ces pays, les principaux risques sont le risque de
change et une dette publique élevée.
Dans le contexte de la globalisation, le problème des crises financières s’est
accentué. Davis (2003) souligne la contribution des flux internationaux de capitaux aux crises
récentes. Selon lui, les flux de capitaux mettent en danger la stabilité financière
principalement par l’intermédiaire du taux de change. C’est pourquoi les régimes de change
utilisés doivent être compatibles avec le mécanisme de fonctionnement de l’économie. Les
problèmes les plus nombreux apparaissent dans le cas des régimes de change fixe. Les
régimes flexibles ont l’avantage que, par l’intermédiaire des fluctuations du taux de change,
ils rendent les banques, les compagnies et les gouvernements conscients du risque auquel ils
s’exposent lorsqu’ils contractent des dettes en devises étrangères, mais ils n’excluent pas en
même temps l’apparition d’une crise (Feldman et Watson, 2002).
Dans l’optique des crises qui ont marqué les évolutions économiques de deux
dernières décennies, la libéralisation de la circulation du capital, réalisée dans le contexte du
développement des marchés financiers en partant d’informations insuffisantes, apparaît
comme un facteur qui a contribué à l’augmentation de l’instabilité financière dans le monde,
aux spéculations et aux déséquilibres multiples. Voila pourquoi il est important d’étudier ces
phénomènes pour identifier les mesures nécessaires pour garantir la stabilité financière.
Les crises financières peuvent être définies de plusieurs façons et leur nature est
extrêmement vaste. Davis (2001) définit une crise comme « un effondrement majeur et
contagieux du système financier qui détermine l’incapacité à fournir des services de
paiements ou à attribuer des fonds aux institutions ».
Une autre définition des crises est la perte de la confiance dans la monnaie qui se
manifeste par une forte demande d’échange de devise domestique contre des devises
étrangères, ce phénomène conduisant soit à une dévalorisation/dépréciation importante de la
monnaie, soit à la diminution des réserves en devises étrangères ou à l’application des
restrictions liées aux mouvements de capital (Răcaru et al, 2006).
La crise financière peut être aussi définie comme une crise qui affecte les marchés
boursiers et le marché du crédit d’un pays ou d’un groupe de pays. Si dans une première étape
les turbulences ne concernent que les marchés financiers, leur aggravation conduit, dans une
43
deuxième étape, aux graves effets sur l’économie réelle, entraînant une crise économique
accompagnée par une récession.
Les épisodes de crise financière doivent être différenciés de ceux d’instabilité
financière. La période d’instabilité peut conduire ou non à l’apparition d’une crise financière.
L’instabilité financière décrit une situation de volatilité élevée, soit des prix des actifs
financiers, soit du volume des créances émises par des intermédiaires. Une telle situation est
susceptible d’attirer des coûts nominaux et réels importants. De la même façon, on peut se
trouver dans une situation d’instabilité financière lorsqu’on enregistre la faillite d’une
institution importante (pas nécessairement d’une institution financière), ou lorsque le système
de paiements et règlements pour des raisons multiples ne fonctionne plus correctement.
De l’autre côté, la crise financière représente la situation où, après une période
d’instabilité, le système ne revient plus à sa situation normale, par la simple application des
mesures de correction. Il est nécessaire d’imposer des mesures drastiques pour rétablir la
discipline sur les marchés financiers et, parfois, il est inévitable de restructurer le système.
Les crises se caractérisent par des paniques sur le marché, par la réduction de l’activité
économique ou par la perte de la confiance dans la capacité du système financier à exercer ses
fonctions. Mishkin (1997) considère la crise financière comme « une forme plus sévère
d’instabilité financière où le système financier cesse presque de fonctionner ».
La littérature économique fait la distinction entre trois types de crises financières :
la crise de change, bancaire et de dette externe. En pratique, il n’y a pourtant pas de formes
pures de crise. Dans ce sens, un concept particulier dans la théorie économique est représenté
par les crises jumelles (twin crises), crise de change et crise bancaire. Les crises de l’Asie
(1997), de Russie (1998) ou de Turquie (2000) en sont des exemples types. D’autres formes
complexes de crises sont les crises de change et fiscales, Brésil (1999), ou les crises de change
et de dette externe, Mexique (1994), Argentine (2001).
Les études théoriques et empiriques montrent qu’il est difficile de délimiter les
différents types de crises financières car, généralement, ces crises coexistent. Cependant,
certaines font une distinction entre crises de change pures, crises de dette externe et crises
jumelles en termes de succession des événements et des conséquences économiques, comme
par exemple l’étude de Bauer et al. (2007).
Kaminsky (2006) distingue à son tour six variétés des crises financières en
analysant les crises financières enregistrées en 20 pays industrialisés et en voie de
développement, dans la période 1970-2002. Le résultat indique que 14% des crises sont liées
aux déséquilibres du compte courant, 29% sont causées par les excès financiers, 5%
44
apparaissent à la suite des problèmes fiscaux, 42% sont influencées par le niveau de la dette
publique, 5% sont dues à l’assèchement brutal des financements (sudden stops) et le reste de
4% sont des crises autoréalisatrices (self-fulfilling crises).
Les facteurs déterminants des crises financières peuvent être classés en facteurs
généraux et en facteurs spécifiques. Les facteurs généraux sont ceux qui caractérisent les
périodes d’instabilité. Ceux-ci sont présents dans tous les épisodes de crise, étant nommés des
sources d’instabilité. Les principales sources d’instabilité financière sont exposées par
Mishkin (1997), Lai et al. (2003) et Eichengreen (2004). Elles sont représentées par
l’asymétrie de l’information, le manque de coordination des déposants, les inefficiences du
marché, l’absence de prise de conscience du risque de crédit, la croissance du taux d’intérêt,
les effets du marché des actifs sur les bilans et les déséquilibres institutionnels. Une autre
cause importante est le boom des crédits (credit boom), qui alimente des niveaux
insoutenables de croissance économique (Dăianu et Lungu, 2008).
Les crises financières sont généralement dues aux manifestations communes de
ces facteurs d’instabilité et présentent différentes modalités de propagation. Ces phénomènes
45
peuvent apparaître à la suite de graves déséquilibres dans le système financier (comme par
exemple ceux présentés au-dessus) ou à la suite de chocs externes. Dans le premier cas, les
crises financières apparaissent généralement à l’intérieur du système bancaire, en se
propageant ensuite aux autres composantes du système. Dans le deuxième cas, du fait des
interdépendances entre le secteur financier et le secteur réel, une crise dans le secteur réel peut
affecter le fonctionnement de certaines institutions financières ou de certains marchés et, par
des effets de contagion, engendre une situation de grave instabilité qui exige des mesures
immédiates, pouvant en même temps générées des coûts élevés.
A côté de ces facteurs généraux, certains facteurs spécifiques doivent être
mentionnés. Les crises peuvent résulter d’un déséquilibre de la balance des paiements, de la
détérioration de variables fondamentales de l’économie ou d’un régime de change fixe
(Chang et Velasco, 1998). Les causes politiques se trouvent aussi parmi les causes spécifiques
(Chang, 2007).
Différents scénarios de déclenchement des crises financières sont observés par
Crockett (2000) et Davis (2003) et sont présentés dans le Tableau 2.
46
Les auteurs considèrent que la première étape est celle de la création des
déséquilibres, qui se manifeste dans des conditions économiques favorables. Les déséquilibres
se construisent dans le contexte des changements du régime, de la dérégulation, du fait de
l’accumulation des dettes et de la concentration des risques. La deuxième étape est la
manifestation des déséquilibres, suite à des chocs économiques.
Les chocs ont comme conséquence l’échec de quelques institutions ou marchés et
il y a deux façons complémentaires dont ils conduisent à la croissance de la vulnérabilité. Ils
peuvent mener directement à la faillite d’une autre institution par l’effet de spillover, dû aux
fortes liaisons bilancielles avec le reste du système financier. Ils peuvent aussi causer
l’incertitude concernant la solvabilité des institutions ou des marchés, parce que les éléments
bilanciels et les instruments utilisés sont peu transparents.
Les conséquences des crises financières ne se limitent pas seulement à la
restriction du crédit et à la réduction des investissements comme on peut l’observer dans le
tableau au-dessus. Les crises sont suivies par la sous-évaluation du taux de change, par la
croissance du taux d’intérêt et parfois par la propagation des chocs sur d’autres marchés ou
régions, à cause de l’effet de contagion (Wyplosz, 1998).
L’analyse des facteurs déterminants des crises financières est devenue un sujet de
grande importance dans la littérature économique et financière des années 90. Les causes des
crises sont devenues de plus en plus diversifiées, déterminant les spécialistes à chercher de
nouvelles explications. Les crises financières sont souvent apparues comme « une grande
surprise ». Parce que, parmi les crises financières, les crises de change se sont fait remarquer
par leur gravité et par le haut niveau de contagion, différents modèles théoriques ont été
construits pour expliquer l’apparition de ces crises en partant des facteurs déclencheurs.
La première génération de modèles a été développée par Krugman en 1979 et elle
a été approfondie par la suite par Flood et Garber en 1984. Ces modèles ont été développés
pour expliquer les crises de l’Amérique Latine des années 60-70 (Kaminsky, 2006).
Conformément à ce type de modèles, dans le contexte d’un taux de change fixe, une
expansion excessive du crédit par rapport à la croissance de la demande de monnaie conduit à
une perte progressive des réserves internationales et finalement à une attaque spéculative sur
le taux de change. A cause de cette attaque, les réserves sont épuisées et les autorités sont
forcées d’abandonner la parité. Conformément aux affirmations de Krugman, un déficit
47
budgétaire considérable, financé par l’expansion du crédit, se trouve à la base de l’apparition
de la crise. Pour maintenir l’équilibre du marché monétaire, la banque centrale est forcée de
vendre des devises contre la monnaie domestique et la conséquence en est présentée au-
dessus. L’hypothèse de base dans le modèle de Krugman est le fait que la banque centrale ne
peut pas maintenir la parité de la monnaie si elle ne dispose pas de ressources suffisantes.
Eichengreen et al. (1996) définissent ce type de crises comme des crises de la balance des
paiements, soutenant que celles-ci montrent les incohérences entre les fondamentaux
économiques et les engagements concernant le régime de change.
Les modèles récents suggèrent que les autorités abandonnent la parité non
seulement à cause de la réduction des réserves, mais aussi en fonction de l’évolution d’autres
variables (Răcaru et al., 2006). Ainsi, dans le cas d’un taux de change fixe, une augmentation
des taux d’intérêt au niveau international exerce des pressions à la hausse sur les taux internes
défavorables à la production nationale, conduisant à une augmentation du coût lié à la
préservation de la parité. Selon cette argumentation, l’évolution des taux de change au niveau
interne et international, ainsi que les variations du PIB peuvent être considérées comme des
indicateurs de crise.
La deuxième génération des modèles, développés par Obstfeld en 1994, ont
comme source d’inspiration les crises autoréalisatrices (self-fulfiling crisis). La
compréhension du mécanisme de déclenchement des crises de change a été suscitée par la
crise du Système Monétaire Européen (SME) de 1992. Les facteurs qui ont déclenché la crise,
ne sont pas seulement de nature économique ou liés à la décision de modifier le régime de
change. Par conséquent, ce nouveau type de modèles est caractérisé par la possibilité de
d’équilibres multiples, l’économie pouvant évoluer entre ces équilibres, sans modification
significative des variables réelles.
La décision d’abandonner le régime de change (exit close) doit s’appuyer sur une
analyse coûts-bénéfices, dans le contexte d’une certaine situation économique (chômage,
dette publique ou solidité du secteur bancaire). Par exemple, l’existence des attentes portant
sur l’effondrement du taux de change conduira à des taux d’intérêt plus élevés, ce qui
entraînera des coûts supplémentaires pour les autorités, qui peuvent décider d’abandonner
l’ancrage (peg), validant de cette façon les anticipations initiales. En même temps, cela
n’implique pas nécessairement l’existence de certains aspects négatifs au niveau du secteur
réel. Une brusque détérioration des anticipations suffit pour conduire à l’abandon de l’ancrage
et au transfert vers un autre équilibre, dans les conditions d’un taux de change flexible.
48
Cette approche implique l’idée que l’anticipation de crises de change est
extrêmement difficile du fait de l’inexistence d’une liaison claire entre les variables réelles et
l’apparition des crises. Contrairement aux modèles de première génération, dans cette
situation, la causalité ne résulte pas exclusivement de la détérioration des attentes liées aux
fondamentaux économiques, mais peut être observée dans les deux sens. Ce type de
circularité engendre l’apparition d’équilibres multiples (Jeanne, 1999). En conclusion,
conformément à ces modèles, une crise de change apparaît lorsque les spéculateurs
s’aperçoivent que, dans certaines conditions économiques, les autorités décideront
d’abandonner le régime de change.
La troisième génération de modèles combine les deux premières générations et
introduit dans l’analyse une série d’éléments microéconomiques, comme par exemple des
variables correspondant au secteur bancaire. Le développement de ces modèles s’est accentué
après la crise du Mexique et la crise asiatique. Krznar (2004) groupe ces modèles en trois
catégories.
Un premier groupe de modèles se concentre sur les problèmes du secteur bancaire
(hasard moral, asymétrie des informations, surveillance inappropriée du secteur) pour
expliquer ces crises. La crise bancaire conduit à la crise de change selon le mécanisme des
modèles de première génération.
Un deuxième groupe de modèles considère que le comportement moutonnier des
banques et des sociétés d’investissements est la cause principale d’une crise de change.
Certaines distorsions des informations se transforment en panique généralisée et les
investisseurs trouvent un refuge dans l’acquisition des devises.
Le troisième groupe de modèles de la dernière catégorie considère l’effet de
contagion comme la principale cause des crises de change. Les explications sont fondées sur
l’impact négatif d’un même choc exogène sur plusieurs économies. La crise peut être aussi
transmise par l’intermédiaire des liaisons commerciales au moment où la dépréciation de la
monnaie d’un partenaire se traduit par la réduction de la compétitivité de l’autre partenaire.
L’interdépendance financière joue à son tour un rôle important.
Les facteurs contribuant à l’apparition des crises financières sont divers et évolue
en permanence. Cette évolution a rendu les explications insuffisantes ou peu pertinentes pour
le mécanisme de déclenchement des éventements lorsqu’il s’agit de comprendre les nouvelles
crises financières. Trois générations de modèles théoriques sont ainsi apparues pour expliquer
de façon différente l’apparition des crises de change. Dans ce qui suit, nous allons analyser la
manière dont ces crises se sont manifestées au cours des dernières années, en mettant l’accent
49
sur la complexité des phénomènes et sur les facteurs qui ont contribué à l’apparition des
crises. Dans ce contexte, on analyse les périodes de crises les plus importantes des années 90,
jusqu’à la crise financière récente, née en 2007.
50
Italie, la croissance économique a commencé à stagner dès 1990. Toujours sur les années
d’avant la crise, l’inflation a atteint des niveaux élevés (vers 10% au Royaume-Uni en 1990).
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51
la livre sterling s’est appréciée dans le contexte d’une inflation croissante. En Italie, comme
nous l’observons Figure 5, l’évolution des réserves internationales indique un effort plus
ancien de la banque centrale pour garder sa monnaie dans le cadre du SME. Les taux d’intérêt
ont continué à augmenter pour conserver la confiance dans la monnaie, même si les pressions
inflationnistes commençaient à s’affaiblir.
Figure 5 : Les taux d’intérêt et les réserves internationales autour de la crise du SME
Evolution du taux d'intérêt à long terme Evolution des réserves internationales
50000
25
45000
40000
20
35000
France
15 30000 Royaume-
Italie
25000 Uni
10 Royaume-Uni 20000 France
Allemagne 15000 Italie
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20
Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »
Cette crise est la preuve que les régimes de change des états européens reflétaient
une combinaison entre les déséquilibres macroéconomiques et les déséquilibres structuraux.
Tant les banques que les gouvernements ont eu une capacité réduite à défendre leur monnaie.
Une crise financière tout à fait particulière est la crise japonaise des années 90 qui
présente deux phases. La première, sans implications économiques significatives au niveau
mondial, a commencé au début des années 90 et a atteint son apogée en 1994. La deuxième a
débuté en 1997, dans le contexte de la crise asiatique que nous présentons dans une section
suivante. Cette crise fut la première enregistrée dans ce pays depuis la Deuxième Guerre
Mondiale. Au Japon, les investissements des entreprises ont diminué tandis que l’épargne
privée est restée stable. Une des réponses à cette situation a été le surplus de la balance des
paiements, malgré la croissance économique rapide.
Les fondamentaux économiques du Japon sont présentés Figure 6 avec les
évolutions du PIB, des réserves internationales et du taux de change réel – échelle gauche
(base 2000) –, et les évolutions de l’inflation et du taux d’intérêt – échelle droite. Même si les
fondamentaux ne relèvent pas une situation de déséquilibre macroéconomique au début des
années 90, un risque important est présent du fait de la concentration du crédit dans le secteur
immobilier.
52
Figure 6 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques au Japon
700 10,00
600 8,00
500
6,00
400
4,00
300
2,00
200
100 0,00
0 -2,00
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20
Taux de change réel Réserves internationales PIB Taux d'intérêt Inflation
53
C) La crise du Mexique
La crise du Mexique a débuté en 1994, mais elle s’est avérée beaucoup plus sévère
que la crise japonaise. Le Mexique était un pays émergent dont l’économie semblait saine au
début des années 1990 (Figure 7). La croissance économique était solide et l’inflation a baissé
de façon continue avant 1994. Le niveau des réserves internationales (échelle droite du
graphique) s’était lui aussi amélioré.
140 60000
120 50000
100
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60
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20
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20
PIB Inflation Taux d'intérêt Réserves internationales
Malgré cette situation, la crise financière s’est déclenchée en décembre 1994, par
une brusque dépréciation de la monnaie mexicaine (peso), ayant par la suite des répercussions
importantes sur l’économie réelle mexicaine, mais aussi sur d’autres économies, surtout en
Amérique latine.
La crise qui a éclaté aux premiers jours du mandat du président Ernesto Zedillo,
est aussi connue sous le nom de la crise Tequila ou de « l’erreur de décembre ».
Les causes de la crise sont diverses. On cite régulièrement l’incompatibilité du
régime de change (ancrage sur le dollar américain) avec une inflation forte relativement à
l’inflation américaine, la qualité des crédits accordés dans la période caractérisée par des taux
d’intérêt réduits qui s’était détériorée et le déficit de compte courant qui s’est amplifié pour
atteindre 29 milliards de dollars en 1994, soit 8% du PIB (Truman, 1996). De plus, le risque-
pays a beaucoup augmenté avec la rébellion armée de Chipas et ensuite avec l’assassinat du
candidat à la présidence, Luis Donaldo Colosio, en mars 1994 (Whitt, 1996).
Les investisseurs, attirés dans les années précédentes par l’évolution de l’économie
mexicaine, se sont affolés et ont vendu rapidement les obligations publiques (tesobonos). Face
54
à ces ventes, la Banque Centrale du Mexique a décidé d’acheter des titres pour maintenir le
taux d’intérêt inchangé sur le marché, ce qui a eu pour effet de réduire les réserves
internationales (Figure 7).
Les sorties de capital se sont accélérées le 20 décembre 1994, les investisseurs ont
paniqué et le Mexique se retrouvait au seuil d’une crise. Le gouvernement a décidé de
dévaloriser le peso de 15% par rapport au dollar américain (Figure 8). A cause du déficit élevé
du compte courant, beaucoup ont considéré que cette décision fut tardive.
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Q 81
Q 82
Q 83
Q 85
Q 86
Q 87
Q 88
Q 90
Q 91
Q 92
Q 93
Q 95
Q 96
Q 97
Q 98
Q 00
Q 01
Q 02
Q 03
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1
2
Q
D) La crise asiatique
3
Droits de tirage spéciaux – la monnaie du FMI.
55
tandis que le FMI parlait du « miracle économique asiatique ». Ce succès s’était fondé
dernièrement sur l’attraction massive des flux de capitaux, par des taux d’intérêt élevés, et les
indicateurs macroéconomiques se sont améliorés (Figure 9).
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Une grande partie de ces flux de capitaux s’est avérée être de « l’argent brûlant »
(hot money), ce qui a rendu vulnérables certaines économies, telles que celle de la Thaïlande,
la Corée de Sud, la Malaisie, l’Indonésie et des Philippines. Les surinvestissements et
l’extension accélérée du secteur privé furent un facteur supplémentaire de vulnérabilité. La
surchauffe des économies est apparue. De même, il y a eu des caractéristiques particulières à
chaque état qui ont contribué à l’apparition et à la propagation de la crise.
En Thaïlande, même si la croissance économique moyenne était de 10% et les
investisseurs continuaient à investir, un déficit important du compte courant est apparu. Cela a
été aussi le résultat d’une faible valeur ajoutée pour les exportations de ce pays et de la
concurrence des produits chinois. En 1993, la Thaïlande a créé Bangkok International
Banking Facilities, un centre offshore destiné à attirer les capitaux étrangers et à faire de la
concurrence à Singapour. Les déséquilibres se sont progressivement accumulés et les autorités
sont intervenues tardivement, même si le FMI les en avait avertis (Aghevli, 1999).
En Corée, le développement de l’industrie a été entraîné par l’apparition de grands
conglomérats (Chaebols). Cependant, les capitaux privés étaient considérablement influencés
56
par la politique de l’état et des pertes de compétitivité étaient constatées. Le secteur bancaire a
financé les grandes corporations dans leur agressive expansion, sans prêter une attention
particulière à la qualité des crédits. Une grande partie de ces crédits sont devenus des créances
douteuses au début de la crise financière.
La Malaisie représentait jusqu’en 1997 une destination habituelle pour les
investissements. Les investissements de capital étaient massifs, de sorte que les transactions
boursières de Malaisie (KLSE) dépassaient parfois les transactions boursières des marchés
mieux capitalisés. Les perspectives de croissance étaient positives et la dette externe
commençait à se réduire.
En juin, juste avant l’apparition de la crise, l’Indonésie enregistrait une inflation
réduite et elle avait un secteur bancaire solide. Un nombre important de firmes indonésiennes
avait fait des emprunts en dollars américains, dans une période où la roupie s’était
constamment appréciée par rapport au dollar.
Un aspect important au moment des entrées massives de capitaux a été le choix du
régime de change. La majorité de ces états ont implémenté des régimes de change fixe –
ancrage par rapport au dollar. Le signal de la crise fut marqué par la brusque dépréciation des
monnaies de ces pays (débutant avec le baht thaïlandais), suivie tout de suite par des retraits
massifs de capitaux. La bulle financière de Thaïlande a éclaté au début 1997. La banque
centrale a essayé de défendre la monnaie qui a subi des attaques spéculatives le 2 juillet 1997,
mais sans succès. Les attaques se sont déclenchées en moins de 24 heures à la suite de
l’annonce par le Royaume-Uni de sa cession de Hong-Kong à la Chine.
Dans le même temps, les monnaies de la Malaisie et du Taïwan ont connu des
attaques spéculatives. En Indonésie, les autorités monétaires décidèrent d’élargir la bande de
fluctuation de la roupie de 8% à 12% pour passer, le 14 août 1997, en change flottant.
L’économie du Singapour est à son tour entrée en récession, et les autorités monétaires
décidèrent de dévaluer leur monnaie de 20% pour obtenir un « soft landing » après le choc. A
Hong-Kong, la chute du marché boursier s’est produite en octobre 1997 et les autorités ont
décidé de vendre plus de 80 milliards de dollars pour maintenir la parité de la monnaie.
Rien n’avait annoncé cette crise, à part la vulnérabilité financière de la Thaïlande.
Les agences de rating n’ont prévu ni l’accumulation des déséquilibres, ni l’apparition des
turbulences qui allaient se propager ensuite en Chine et au Japon4, mais aussi dans d’autres
états comme par exemple la Russie. Selon Wyplosz (1998), la crise est apparue même si les
4
Le Japon a connu, dès mai 1997, des pressions sur le yen et a décidé d’augmenter son taux d’intérêt. Cela n’a
pas été possible dans d’autres pays du fait de la vulnérabilité des compagnies (Nanto, 1998).
57
fondamentaux économiques étaient bons. Beaucoup d’économistes ont considéré que cette
crise ne fut pas générée par la psychologie des marchés ou par des causes technologiques,
mais par une mauvaise politique de prêts bancaires.
Le FMI décida d’initier un programme de stabilisation de 40 milliards de dollars,
dans un contexte où la majorité de ces pays ont mené des politiques fiscales solides. Le
support financier du FMI fut néanmoins conditionné à la mise en œuvre de certaines réformes
par l’intermédiaire des « programmes d’ajustement structurel ». A part la reprise économique,
ces programmes étaient destinés à restaurer la confiance dans les finances publiques, à
protéger la valeur de la monnaie, mais aussi à pénaliser les compagnies insolvables.
Les effets macroéconomiques de la crise furent très importants. Le PIB nominal
des pays de l’Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) s’est réduit de 9,2 milliards
de dollars en 1997 et de 218,2 milliards en 1998. Les faillites d’entreprises furent nombreuses
et la première conséquence fut l’augmentation de la pauvreté dans les années post-crise.
Les investisseurs institutionnels sont devenus réticents aux investissements dans
les pays émergents, même dans les pays situés ailleurs dans le monde. Le choc négatif a eu
comme résultat une baisse du prix du pétrole au niveau mondial à 8$ / baril, affectant
financièrement les pays de l’Organization of the Petroleum Exporting Countries (OPEC).
Cette baisse a contribué à l’apparition de la crise de Russie en 1998 qui a généré à son tour la
crise Long - Term Capital Management (LTCM), un fonds d’investissements américain.
Aussi, la crise asiatique a montré que les flux internationaux de capitaux sont « un
bon serviteur, mais un maître faible » (Cerna et al., 2008).
E) La crise russe
58
Figure 10 : L’évolution de la croissance économique en Russie
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Source : OECD Factbook, 2007
Figure 11 : Les ressources financières des banques de la Fédération Russe en juin 1998
Capital
23%
Crédits auprès d'autres
institutions financières
1%
Dépôts Comptes
50% gouvernamentaux
3%
Le 13 août 1998, les marchés financiers de Russie se sont effondrés suite aux
craintes des investisseurs que le gouvernement allait dévaluer le rouble et, compte tenu de
l’évolution de ses réserves internationales, aux inquiétudes que la Russie ne puisse plus
59
honorer ses engagements. Les prix des actifs ont connu une baisse dramatique, même jusqu’à
65%, incitant les autorités à stopper toutes les transactions sur titres.
Le 17 août, le Gouvernement et la Banque Centrale de Russie ont fait une
déclaration commune, annonçant :
- l’élargissement de la bande de fluctuation du rouble par rapport au dollar de 5,3-
7,1 à 6,0-9,5 roubles/dollar ;
- la restructuration de la dette de la Russie, exprimée en monnaie domestique ;
- un moratoire temporaire de 90 jours imposé aux paiements de certaines dettes
des banques, incluant les dettes liées aux contrats forward de taux de change.
La banque centrale est intervenue plusieurs fois en août 1998, permettant aux
banques d’utiliser les réserves obligatoires pour réaliser leurs paiements. Elle a ainsi offert
une « stabilisation » des crédits pour les banques en difficulté et a garanti les dépôts constitués
à la banque d’état Sberbank. Au total, les prêts accordés par la banque centrale aux banques
commerciales ont été multipliés par six en 10 mois, à partir de juin 1998. Même si la liquidité
fut injectée avant le déclenchement de la crise, il n’a pas été possible d’éviter les turbulences.
Le FMI et la Banque Mondiale sont intervenus cette fois aussi, avec un support
financier de 22,6 milliards de dollars, destiné à aider les réformes et à stabiliser les marchés
financiers par des opérations de swap sur un énorme volume d’obligations gouvernementales
(GKO) arrivées à l’échéance, contre des euro-obligations à long terme. Les réformes ont eu
un impact positif comme nous l’observons Figure 9. Cette crise, à la différence des crises
précédentes, a eu pour effet de corriger des déséquilibres de l’économie.
Cependant, les effets négatifs de la crise ont eu des coûts importants, la crise russe
contribuant au déclenchement d’autres épisodes de turbulences. Begg (2005) souligne les
effets négatifs de la crise russe qui a eu des répercussions prononcées dans quelques pays
voisins, avec une diminution des transactions financières et une réduction de la croissance du
PIB en Hongrie et en Pologne, dans les premiers mois de 1999. « Les turbulences financières
en Russie furent un test pour le marché financier des pays de l’Europe de l’Est » (Feldman et
Watson, 2002).
F) La crise d’Argentine
Dans les années 2001-2002, l’Argentine a expérimenté l’une des plus graves crises
de l’histoire. Tout comme les autres crises des pays émergents, la crise argentine semble être
60
une combinaison entre la fragilité des institutions financières et l’incapacité d’offrir une
réponse adéquate aux politiques économiques (FMI, 2003).
Du point de vue économique, l’Argentine a connu une période difficile dans les
années 80, avec une croissance économique faible et une inflation élevée. En 1991, un « Plan
de convertibilité » destiné à discipliner des politiques macroéconomiques et une réforme
structurelle orientée vers le développement des marchés financiers furent mis place avec
succès. Si la croissance du PIB était négative dans les années 80 (-0,5% en moyenne), elle a
dépassé 10% dans les années 1991-1992 et est restée élevée jusqu’en 1998 (Figure 12).
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20
PIB Réserves internationales Inflation
On observe aussi une brusque réduction de l’inflation (échelle droite), ainsi qu’une
amélioration de la croissance économique (PIB 2000 = 100). Les réserves internationales ont
augmenté avec des entrées de capitaux.
Une autre caractéristique de l’économie d’Argentine a été l’introduction, en 1992,
d’un régime de taux de change fixe, un currency board, et d’une nouvelle monnaie (le
nouveau peso), indexée sur le dollar. L’économie est progressivement « dollarisée ». Le
currency board a contribué à la réduction de l’inflation, mais a rendu en même temps
impossible le financement des déficits budgétaires. Simultanément, les autorités ne pouvaient
plus utiliser la politique monétaire et le taux de change comme des instruments d’ajustement
de l’économie.
Le secteur financier argentin, même s’il était étroit, a contribué à un financement
excessif en devises. L’augmentation du financement en devises semblait normale en quelque
sorte, parce que les grandes compagnies étrangères (Suez, Ford, Carrefour) ont bénéficié de
la politique de privatisation. Même s’il ne fut pas à l’origine de la crise, le système financier a
contribué à l’amplification des vulnérabilités.
61
En même temps, le déficit du compte courant s’accroît au fur et à mesure que la
monnaie s’apprécie. L’activité économique est à son tour affectée par l’incertitude de
l’environnement politique, associé au désir du président Menem de présenter sa candidature
pour un troisième mandat (FMI, 2003). La crise de Russie a eu aussi un impact négatif,
affectant la confiance des investisseurs dans les économies émergentes.
La situation économique de l’Argentine s’est progressivement empirée entre 1998-
2002. Les deux événements critiques à l’origine de la cries ont été représentés par la récession
de 1998-1999 et la détérioration de la situation du système financier en 2001. Le PIB de
l’Argentine a baissé dans cette période de 21%, et le taux du chômage a atteint 23%. La
surévaluation du peso, le taux excessif d’endettement de l’Argentine et la perte de la
confiance dans l’économie, s’ajoutent à tous ces éléments.
La crise s’est déclenchée avec l’annonce du ministre de l’économie, Domingo
Cavallo, en novembre 2001, soulignant que l’objectif budgétaire établi par le FMI n’a pas été
atteint. Par conséquent, le Fond a refusé le transfert de 1,25 milliard de dollars pour aider
l’économie. Cette annonce a entraîné une fuite des capitaux, entraînant le secteur bancaire
dans une grave crise. Pour atténuer le choc, Cavallo a introduit en décembre un mécanisme
qui limitait les sorties de capitaux (Corralito) par l’intermédiaire duquel il n’était pas permis
de retirer des comptes courants plus de 250 pesos par semaine. A côté de cette mesure de
dernière instance, le ministre de l’économie a lancé la « pesofication » des comptes bancaires
(le plan Bonex II). Tous les comptes en dollars ont été transformés en pesos au taux de change
officiellement annoncé.
Une autre mesure prise par le gouvernement pour faire sortir l’économie de la
crise dans les mois suivants a été une aide sociale de 100, ensuite de 150 pesos, attribuée aux
familles affectées par le chômage. En janvier 2002, l’abandon de la parité de 1 peso pour 1
dollar a été décidé. Le peso s’est dévalorisé en quelques jours et un nouveau taux « officiel »
de 1,4 peso pour un dollar s’est imposé. Quelques mois plus tard, le flottement libre de la
monnaie a été mis en place.
Le gouvernement argentin s’est heurté à des difficultés importantes pour
rembourser sa dette obligataire. La banque centrale a épuisé ses réserves et a été contrainte à
un compromis, 76% des obligations ont été échangées en nouvelles obligations dont la valeur
nominale était réduite de 25%. Le FMI n’a pas renoncé aux sommes relatives à la dette
argentine, mais une partie des paiements a cependant été ajournée.
62
1.1.2.5. La crise des subprimes et la crise globale des marchés financiers de
2007-2008
A) Présentation du problème
63
« subtils et nerveux » (expression de l’auteur cité au-dessus), tels la titrisation des créances ou
des dérivés de crédit5, qui permettaient de céder les actifs à haut risque aux partenaires
désireux d’assumer ces risques, comme par exemple les fonds spéculatifs (hedge funds).
En liaison avec l’analyse des crises financières, deux écoles de pensée s’opposent
(White, 2008). La première est appelée « ce qui se ressemble » (what is the same) tandis que
la deuxième est intitulé « ce qui est différent » (what is different). Reinhart et Rogoff (2008)
considèrent qu’il y a une forte similitude entre la crise actuelle et les autres crises financières,
soutenant cette affirmation par la présentation de l’évolution des prix des actifs et de la
croissance réelle de la dette publique. Selon nous, il y en a cependant quelques différences,
au-delà de l’ampleur de la crise. Tout d’abord, les innovations financières qui ont permis
l’accumulation des déséquilibres et qui ont délayé leur correction, se trouvent à la base de
l’apparition de la crise6. Deuxièmement, nous parlons d’un échec de l’activité de régulation et
de surveillance des institutions de crédit, en particulier des institutions des crédits
hypothécaires, qui ont fait appel aux instruments de plus en plus complexes et de plus en plus
risqués pour répondre aux pressions concurrentielles, sans comprendre leur fonctionnement et
les risques auxquels elles s’exposent.
L’un de ces instruments est le processus de titrisation (securitization) décrit par
Durand (2007), Dăianu et Lungu (2008) et Cerna (2008). Les banques constituent des
« paquets » de crédits immobiliers plus ou moins risqués, dans une échelle qui va des crédits
susceptibles de défaillance (subprimes) jusqu’aux crédits de haute qualité (prime mortages).
Ces paquets sont transférés à un véhicule spécial (écran) (Special Purpose Vehicle – SPV)
sous la forme des titres négociables sur le marché (mortgage backed securities)7.
Les autres instruments, en étroite liaison avec la titrisation, sont représentés,
comme nous l’avons déjà dit, par les produits dérivés de crédit à l’aide desquels les banques
et les institutions de crédit hypothécaire ont réussi à sortir de leur bilan une partie importante
des portefeuilles de crédits. Les titres négociables sur le marché sont transformés par le SPV
5
Ces techniques et instruments financiers modernes qui représentent de nouveaux défis pour la stabilité
financière en Roumanie seront analysés au quatrième chapitre de la thèse.
6
Les innovations financières apportent des bénéfices lorsqu’elles augmentent le dynamisme et la croissance
économique. Cependant, elles sont à l’origine des risques considérables. Le risque systémique devient plus
important au fur et à mesure que les innovations financières deviennent plus complexes (Dăianu et Lungu,
2008).
7
Une grande partie des titres risqués sont achetés par les fonds spéculatifs.
64
en obligations structurelles garanties avec des créances (collateralized debt obligations –
CDO). Tout comme un titre hypothécaire ordinaire, ces instruments apportent un certain
revenu au possesseur, mais ils permettent en même temps de partager le risque afférent à un
certain portefeuille de crédits hypothécaires en plusieurs catégories ou « tranches » de risque
(senior tranche, mezzanine tranche, equity), en fonction des notations des agences de rating.
La tranche la plus risquée, qui sera la dernière à être remboursée (equity), est souvent achetée
par des hedge funds. Ces opérations rendent très difficile le processus de surveillance des
entités qui subissent finalement le risque, réduisant la transparence du marché (« shadow
banking system »).
Il y a plusieurs raisons pour agir de cette façon (Léonard, 2008). Une première
raison est l’amélioration de la valeur des indices calculés à partir des situations financières,
fait qui augmente la confiance des investisseurs. Un autre motif est l’arbitrage des taux
d’intérêt, la banque tirant profit de la différence entre les intérêts obtenus par les entités
intermédiaires (SPV) qui ont investi dans le portefeuille des créances de la banque et les
intérêts qui doivent être payés aux investisseurs, de façon indirecte, par le même SPV.
En 2006, les crédits subprimes représentaient pas moins de 600 milliards de
dollars, soit environ 20% de tous les prêts immobiliers accordés aux Etats-Unis (Lasserre,
2007). En 2007, le volume total des crédits subprimes a été estimé à 13% du crédit total en
cours, environ 1.300 milliards de dollars (Banque de France, 2007).
Une deuxième cause de la crise a été représentée par les déficits du processus de
régulation et de surveillance. Le gouvernement des Etats-Unis n’a pas surveillé de façon
appropriée la situation des deux agences quasi-gouvernementales (Fanny Mae et Freddy
Mac), chargées d’attribuer des crédits et des garanties hypothécaires. Par exemple, la première
institution n’avait plus présenté de rapports depuis 2004, mais elle a continué à être cotée en
bourse à la suite d’une dérogation (GEAB, 2006).
Au-delà de ces deux causes spécifiques, les innovations et les carences de
l’activité de régulation et de surveillance, le contexte macroéconomique global a contribué lui
aussi au déclenchement de la crise. Il y a plusieurs aspects qu’il faut mentionner dans ce sens.
Tout d’abord, certains parlent d’une inflation réduite et d’une croissance économique
soutenue sur les dernières années (The Great Moderation), mais aussi d’une inflation
financière élevée. Cette période fut favorable à l’accumulation des déséquilibres. Les autres
déséquilibres macroéconomiques étaient l’excédent des économies de certains états comme
par exemple la Chine, corrélé avec le déséquilibre du compte courant aux Etats-Unis, et par
l’excès de liquidité créé par le FED et la BCE, accompagné par le désir de nouveaux pays
65
industrialisés et exportateurs de pétrole de limiter l’appréciation de leurs monnaies vis-à-vis
du dollar.
Les banques centrales qui ont fixé les taux d'intérêt et ont permis l'extension du
crédit, ont été accusées à leur tour d’avoir favorisé l’apparition de la crise (Durand, 2007).
Avant l’éclatement de la crise, quelques autres turbulences financières ont été
enregistrées au niveau international, constituant un signal d’alarme pour les investisseurs. Un
premier phénomène de contagion concerne la baisse des prix des actions sur les marchés
émergents en mai – juin 2006 (Mauro et Yafeh, 2007). Un deuxième signal a été marqué par
les turbulences du marché du capital en Chine, de février à mars 2007. La crise des marchés
de crédits hypothécaires aux Etats-Unis a ensuite suivi.
La crise s’est effectivement déclenchée au moment où les fonds spéculatifs ont
essayé d’ajuster leurs expositions ou de couper leurs positions perdantes, situation qui a rendu
illiquide le marché des titres garantis avec des crédits hypothécaires à risque. Comme Bear
Stearns détenait deux fonds identiques qui avaient investi dans des instruments risqués, la
banque en a été sérieusement affectée. Sa cotation boursière a brusquement chuté et elle fut
rapidement achetée par JP Morgan, avec le consentement du FED. En août 2007, la crise s’est
généralisée et les fonds spéculatifs se sont trouvés bloqués sur des positions défavorables8.
Une deuxième étape de la crise fut l’incapacité des investisseurs immobiliers
privés de rembourser leurs dettes. En utilisant les techniques de titrisation, un nombre
important de crédits hypothécaires a été attribué, au cours des années 90, aux emprunteurs à
historique problématique concernant le remboursement. Ces créances douteuses représentent
des prêts hypothécaires à taux ajustable (Adjustable Rate Mortgages – ARM), du type
« 2/28 » et « 3/27 » (Schumer et Maloney, 2007)9. Dans le contexte de la crise des subprimes,
l’ajustement du taux a entraîné une augmentation des annuités d’environ 30%, et de
nombreux débiteurs se sont trouvés dans l’incapacité d’honorer les engagements.
La crise des subprimes n’a pas affecté seulement l’économie américaine, mais a eu
des répercussions au niveau mondial, entraînant une crise globale des marchés financiers.
C) De la crise des subprimes vers une crise globale des marchés financiers
8
Pour une description plus détaillée du mécanisme de déclenchement de la crise, voir Cerna (2008).
9
Un ARM hybride est caractérisé par un taux d’intérêt fixe pendant les deux premières années du crédit, le taux
d’intérêt étant ensuite ajusté tous les six mois en fonction d’un taux de référence – LIBOR par exemple.
66
d’apparition de la crise des crédits (credit crunch) et la probabilité de déstabilisation des
marchés du capital, avec de graves implications sur l’économie réelle.
Hidelbrand (2008) considère que la transformation de la crise des subprimes en
crise financière mondiale résulte des déficiences concernant la gestion du risque par les
grandes banques internationales, de l’endettement élevé de ces institutions et du manque de
transparence sur le marché.
Un certain temps fut nécessaire avant que l’on accepte et parle de l’existence d’une
crise des marchés financiers au niveau global, qui s’est déclenchée fin 2007 et s’est prolongée
en 2008. Tout cela parce qu’on était confronté à un paradoxe. Les effets de la crise sur
l’économie réelle étaient moins évidents vers la fin 2007 que lors des situations précédentes
de crise (Banque de Suède, 2007).
Ce phénomène a été aussi remarqué par Landau (2007) et Noyer (2007). Selon
eux, quel que soit l’indicateur utilisé (niveau des spreads ou volatilité), le choc induit sur les
marchés du crédit par les pertes enregistrées sur les prêts hypothécaires à risque est sans
précédent. Et cependant, ces pertes, tout en étant importantes et spectaculaires pour quelques
institutions, ne semblaient pas constituer un risque majeur pour la santé du système financier
à ce moment-là.
La situation a continué à se détériorer, et les effets sur l’économie réelle ont
commencé à se faire ressentir. Tout d’abord, la crise a contribué dans un premier temps à une
croissance explosive du prix du pétrole (Figure 13).
140
120
100
80
60
40
20
0
7
7
7
8
-9
-0
-0
-0
-9
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-0
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9
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av
oc
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oc
av
oc
av
ju
ju
ju
ju
n
n
ja
ja
ja
ja
67
Le prix du pétrole dont l’évolution a des effets directs sur l’économie réelle en
affectant tous ses secteurs, a enregistré une forte augmentation au cours des années d’avant
crise (de 35 $/baril en juillet 2004 à plus de 70 $/baril en juillet 2007). Il faut cependant
remarquer qu’après le déclenchement de la crise des subprimes et ultérieurement après le
déclenchement de la crise globale des marchés financiers, le prix a doublé en quelques mois,
montant jusqu’à près 140 $/baril en juin 2008. Un renversement n’a eu lieu qu’après les
premiers signes de la récession mondiale. Ainsi, le prix a baissé à moins de 55 $/baril en
novembre 2008.
La crise financière a affecté les marchés des capitaux du monde entier. Sur la
Figure 14, nous observons qu’en moyenne, les prix des actions des sociétés cotées sur les
marchés (plus de 20.000 sociétés) des 45 pays analysés ont enregistré une baisse, avec peu
d’exceptions en ce qui concerne la variation du prix en 200710.
Figure 14 : La variation moyenne des prix des actions des compagnies cotées
Nouvelle-Zélande
Afrique de Sud
Royaum e-Uni
Luxem bourg
Hong Kong
Iles Vierges
Allem agne
Etats-Unis
Roumanie
Botswana
Danemark
Argentine
Thaïlande
Bahamas
Tchéquie
Pays-Bas
Berm uda
Australie
Belgique
Finlande
Espagne
Portugal
Autriche
Bulgarie
Lettonie
Mexique
Norvege
Pologne
Lituanie
Hongrie
Bahrain
Canada
Estonie
Cyprès
France
Irlande
Russie
Suisse
Suède
Japon
Chine
G rèce
Brésil
Italie
30
20
10
-10
-20
-30
-40
Pour ne pas influencer l’analyse en choisissant une certaine date pour apprécier la
variation des prix des actions, nous avons utilisé les moyennes des prix des actions.
L’évolution négative est aussi confirmée par les indices de grandes places boursières de
l’Europe et des Etats-Unis (Figure 15).
10
Les données ont été extraites début février 2008, de sorte que la variation à six mois résulte de la hausse/baisse
du prix par rapport au prix enregistré le mois précédant le déclenchement de la crise et la variation à un mois
montre l’évolution moyenne des prix des actions en janvier 2008.
68
La majorité de ces indices sont entrés en phase baissière surtout à partir de janvier
2008. Cependant, tout en observant les graphiques (Figures 14 et 16), on constate que les
marchés ont été affectés différemment.
6000 8000
7000
5000
6000
4000
5000
3000 4000
3000
2000
2000
1000 1000
0
0
no 3
no 6
no 9
no 2
no 5
8
ao 0
ao 3
ao 6
ao 9
ao 2
ao 5
m 1
m 4
m 7
m 0
m 3
m 6
92
95
98
01
fé 4
fé 7
2
7
1
6
0
ja 3
ja 9
ja 2
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-9
. -9
-9
. -9
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-0
. -0
-0
. -0
-9
-9
-9
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-0
-0
0
0
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il- 9
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il- 0
il- 0
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-9
-9
-0
-0
-0
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r-9
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fé
fé
fé
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ja
ja
2000 4000
1000 2000
0 0
j ui 0
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j ui 3
j an 95
j ui 6
j an 98
j ui 9
j an 01
j ui 2
j an 04
j ui 5
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oc 3
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oc 9
oc 2
oc 5
08
1
6
jan 92
jan 95
ja 9 8
jan 01
jan 04
jan 07
jui 0
jui 3
ju 6
jui 9
jui 2
jui 5
av 1
94
97
av 0
av 3
av 6
oc 0
oc 3
oc 6
oc 9
oc 2
oc 5
08
t- 9
t- 9
t- 9
t- 9
t- 0
t- 0
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l -9
l -9
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l -0
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0
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v.
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av
oc
av
av
av
av
nv
nv
av
av
j an
ja
Les pays européens sont parmi les plus touchés par la crise globale des marchés,
tandis que les marchés émergents d’Asie et d’Amérique Latine ont réussi dans un premier
temps à échapper au choc.
Figure 16 : Les variations des prix des actions par zones géographiques
20
15
10
-5
-10
-15
-20
Europe Am érique Am érique Asie Australie et Afrique Paradis
du Sud du Nord Nouvelle fiscaux
Zélande
69
Tout comme dans l’étude de Balit Moussalli (2007) portant sur la crise asiatique,
Albulescu (2008a) montre, en utilisant la base de données Infinancials que, pour les pays
européens, il n’y a pas eu une liaison directe entre l’impact de la crise sur les marchés des
capitaux et les résultats économiques des entreprises au cours de la période qui a précédé la
crise (la Pologne et la Roumanie ont connu la chute la plus importante de leurs indices
boursiers alors que la situation économique des sociétés de ces pays s’est améliorée)11. Les
fondamentaux macroéconomiques ne semblent pas avoir influencé à leur tour la gravité du
choc.
Dans une autre étude, Albulescu (2008b) teste la liaison entre la situation des
marchés des capitaux et la structure industrielle des économies des pays analysés. Etant donné
que les marchés émergents (Argentine, Brésil, Chine et Russie) ont fait preuve d’une
meilleure résistance à la crise, on s’attendait à ce que les secteurs industriels caractéristiques
pour les économies de ces pays soient moins affectés par la crise, tandis que les secteurs
industriels spécifiques pour les économies industrialisées (services financiers, automobiles,
banques, etc.) soient fortement affectés par la crise. Les résultats sont cependant ambigus. Le
secteur des ressources primaires n’a pas été très touché par le choc, mais l’industrie
automobile a sévèrement souffert, les résultats étant conformes aux prévisions initiales.
Pourtant, de l’autre côté, le secteur des télécommunications est un secteur bien développé
dans les pays industrialisés et fait partie des secteurs les moins affectés. Si, au niveau
européen, on prend en considération le cas particulier de la République Tchèque (un pays où
l’industrie automobile est développée), on observe que le marché de capital est le moins
affecté par la crise.
En conclusion, la crise a eu un impact négatif sur la majorité des marchés du
capital du monde entier et a continué à s’aggraver. Les causes de la propagation différenciée
sont difficiles à identifier et elles sont plutôt liées à la perception des investisseurs en ce qui
concerne la solidité des économies. L’effet mimétique a eu à son tour une contribution
importante. Une réponse possible serait le fait que l’impact de la crise des marchés du capital
a été étroitement lié à l’évolution antérieure des prix des actions (du boom spectaculaire des
prix).
Quelles sont les implications de la crise sur l’économie réelle ? Immédiatement
après le déclenchement de la crise des subprimes, les autorités étaient confiantes et pensaient
11
Malgré le fait que tous les prix des actions ont souffert de corrections majeures, au moins en Roumanie, ni le
marché du crédit, ni la croissance économique n’ont été affectés de façon négative dans la première partie de
2008, et cela aussi à cause de la dimension réduite du marché du capital dans l’ensemble du secteur financier.
70
qu’elle ne déclencherait pas de turbulences au niveau global. « Les fondamentaux
économiques restent robustes, les profits des compagnies, des banques et des institutions
financières sont considérables et les perspectives de croissance sont très favorables »
(Banque de France, 2007). Pourtant, comme nous l’avons vu, vers la fin 2007 les indicateurs
du climat économique mondial ont commencé à se détériorer. La Banque de Suède (2007)
considérait que les principales menaces viendraient du marché hypothécaire américain, tandis
que Noyer (2007) lançait des avertissements sur les restrictions quantitatives de crédits qui
allaient affecter le bilan des banques.
Quelques mois après le déclenchement des turbulences, les opinions concernant la
sortie de la crise étaient différentes. Buiter (2007) était convaincu que la situation reviendrait
à la normale dans la deuxième moitié de 2008. Les signaux de la stabilisation ont été donnés,
selon lui, par le fait que les banques étaient devenues conscientes par rapport aux risques
auxquels elles s’exposaient et par l’introduction dans le bilan des éléments à risque
enregistrés hors bilan jusqu’alors. Par exemple, HSBC a annoncé, le 26 novembre 2007, que
45 milliards dollars représentant surtout des créances hypothécaires seront réintroduits dans le
bilan. Un autre signal a été la faillite du super fonds Single Master Liquidity Enhancement
Conduit, détenu par les grandes banques américaines : Citigroup, JP Morgan Chase et Bank
of America.
Buiter (2007) considérait en même temps que l’orientation des capitaux
excédentaires des pays tels que la Russie, la Chine ou les pays du Golf vers les marchés
financiers affectés par la crise, mettrait fin aux déséquilibres (un exemple en ce sens a été
l’annonce de Citigroup d’augmenter son capital de 7,5 milliards dollars, grâce au fonds
souverain Abu Dhabi Investment Authority)12.
Cependant, d’autres observateurs anticipaient la situation inverse avec une
aggravation de la crise (Hidelbrand, 2008). Le GEAB (2008) considérait que l’économie
américaine entrerait en récession en 2008. Finalement, les prévisions pessimistes se sont
avérées pertinentes. L’apparition des turbulences sur les marchés des changes s’est manifestée
après la crise des marchés boursiers. Les prévisions liées à la croissance économique se sont
empirées et, de plus, les économies ont été confrontées à la récession. Les pressions
inflationnistes étaient élevées début 2008, mais une fois la crise économique installée, la
baisse de la consommation a inversé la tendance. Dans le contexte de la réduction des prix
12
Il faut mentionner que la prise du contrôle de grandes banques des pays industrialisés par les investisseurs des
pays émergents peut engendrer une modification des rapports diplomatiques et politiques au niveau mondial.
71
dans le secteur énergétique, le risque de déflation a menacé les économies, au moins pour une
certaine période.
Nous observons que les effets de la crise financière sur l’économie réelle se sont
fait sentir. Conformément aux analyses du FMI (2008), l’économie américaine a enregistré
une baisse significative de l’activité des petites entreprises et de la consommation, l’activité
économique dans l’Europe de l’Ouest est en régression et les indicateurs de confiance se sont
détériorés. Vers la fin 2008, l’économie américaine et les économies des pays de la zone euro
sont entrées officiellement en récession. Au début du novembre, deux autres banques
américaines (Franklin Bank et Security Pacific Bank) sont confrontées à la faillite.
Les perspectives de croissances des économies émergentes furent à leur tour
affectées par le phénomène de contagion, même si les fondamentaux économiques étaient
restés solides fin 2008. Les pays de l’Europe de l’Est n’ont pas été épargnés par la crise du
secteur réel. Ainsi, des pays comme l’Hongrie, l’Ukraine et plus tard la Roumanie et la Serbie
ont fait appel aux fonds du FMI.
L’impact de la crise financière sur l’économie de la Roumanie a été étudié par
Cerna (2008), pour qui la stabilité financière de la Roumanie n’a été affectée début 2008, ni
par le canal indirect, celui de l’impact sur l’économie réelle (croissance économique,
financement du déficit du compte courent, confiance des investisseurs), ni par le canal direct,
celui de l’impact sur le secteur bancaire et le secteur des marchés financiers13. Pourtant, les
corrections des prix des actions sur le marché boursier se trouvent parmi les plus
significatives de l’Europe. Selon Dima et al. (2008), les indices boursiers ont été très volatils
en Roumanie et le marché boursier a ressenti les effets de la crise internationale fin 2007.
On considère qu’au second semestre 2008, le niveau de stabilité financière de la
Roumanie a connu une détérioration provoquée par plusieurs facteurs. Premièrement, trois
banques internationales qui ont reçu un soutien financier pour dépasser la crise (Morgan
Stanley, Goldman Sachs et Barclay’s), ont spéculé sur les marchés de change dans les pays de
l’Europe de l’Est, y compris la Roumanie. Par conséquent, la BNR a été contrainte
d’intervenir sur le marché pour contrer ces attaques sur le leu. Parallèlement, l’agence de
rating S&P a abaissé les notations souveraines de la Roumanie, vers la catégorie
« subinvestement grade ». Une autre agence de rating (Fitch) a procédé de la même manière,
13
La BNR affirme pourtant que la stabilité financière de la Roumanie pourrait être affectée par les turbulences
sur les marchés internationaux par l’intermédiaire du canal indirect, respectivement par l’impact sur l’économie
réelle et sur la liquidité bancaire (BNR, 2008).
72
à cause du déficit du compte courant qui est assez élevé et à cause de l’augmentation de la
dette externe.
Le choc suivant a été représenté par le blocage du marché de crédit, comme
conséquence de la pénurie de liquidités et de nouvelles normes de la BNR concernant
l’activité de crédit. Le taux d’intérêt sur le marché interbancaire a augmenté à 50% dans
quelques jours à la fin du mois d’octobre et les banques commerciales ont cessé l’activité de
crédit, en pratiquant ultérieurement des taux d’intérêt très élevés. Cela a engendré une
contraction du volume du crédit et beaucoup d’entreprises ont réduit leur activité. Les
prévisions sur la situation économique et financière pour 2009 sont inquiétantes.
Comme conséquence de l’impact négatif des périodes de crise sur la stabilité
financière en particulier et sur l’économie en général, différentes mesures ont été proposées
pour réduire les effets négatifs des crises14. La majorité portait sur le contrôle des flux de
capital, pour empêcher la propagation du phénomène de contagion. Le renforcement de
l’activité de management du risque par une régulation et une surveillance adéquate du
système financier a été proposé comme une mesure alternative. D’autres mesures sont liées au
régime de change. Quelles que soient les décisions prises, elles ne peuvent pas éviter
l’apparition de crises à l’intérieur du système. Mais, cela ne signifie pas pour autant que les
effets négatifs des crises ne peuvent pas être réduits par des mesures appropriées.
Dans le contexte de la première crise financière du XXIème siècle, caractérisée par
des instruments ésotériques, une activité de régulation inefficiente et des investisseurs
nerveux, les autorités ont difficilement accepté l’existence de la crise et leur intervention a été
trop tardive et indécise (Reinhart et Rogoff, 2008). Cette crise a souligné encore une fois le
potentiel de propagation des chocs (spillover) sur les marchés financiers (de Rato, 2007).
Les coûts partiels enregistrés par les institutions bancaires ont été présentés par le
FMI (2008) dans le Rapport Global de Stabilité Financière. En mars 2008, ces coûts
atteignaient 80 milliards de dollars dans le cas des banques européennes et 95 milliards de
dollars dans le cas des banques américaines. Au niveau global, les coûts enregistrés par les
banques à la suite des turbulences financières étaient de 193 milliards de dollars et on estimait
à ce moment-là que les pertes causées par la crise atteindraient 288 milliards de dollars.
Le rapport de stabilité financière de la Banque d’Angleterre d’octobre 2008 a mis
en évidence que les pertes sur le marché des actifs (mark-to-market losses) étaient beaucoup
14
L’Annexe 1 présente les coûts des crises bancaires au niveau international dans la période 1977-1995 (Brealey
et al., 2001).
73
plus élevées que celles à la même période de l’année précédente (Banque d’Angleterre, 2008).
Ainsi, les pertes enregistrées par les institutions financières du Royaume-Uni atteignaient
122,6 milliards de £, tandis que les pertes des établissements financiers américains étaient de
1.577, 3 milliards de $, et celles de la zone euro s’élevaient à 784,6 milliards d’€.
Les banques centrales ont injecté des liquidités considérables sur le marché
monétaire pour stopper la propagation de la crise. Ces actions n’ont pas pour autant stoppé la
crise et ce pour deux raisons (Dăianu et Lungu, 2008). Premièrement, cette mesure ne vise pas
les racines du problème, c'est-à-dire la crainte liée à la dégradation de la situation financière
des banques. Deuxièmement, la liquidité n’est pas destinée aux participants du marché qui en
ont le plus grand besoin.
Compte tenu de tous ces aspects, nous considérons qu’il est nécessaire
d’entreprendre des actions fermes pour limiter les coûts des crises financières. Les autorités
de régulation et de surveillance ont un rôle à jouer dans la surveillance des activités
complexes des institutions bancaires et dans l’identification des établissements qui sont
finalement exposés aux risques financiers. D’autres mesures sont liées à la responsabilisation
des agences de rating dans la perspective des accords de Bâle II. Le rôle des banques
centrales est considérable en ce sens, la stabilité financière s’avérant un objectif tout aussi
important que la stabilité des prix. Cependant, une responsabilité tout à fait particulière reste
au sein des institutions financières internationales qui sont impliquées dans l’élaboration des
stratégies et des lignes directrices nécessaires pour assurer la stabilité financière.
L’élimination des sources d’instabilité n’exige pas un effort isolé, mais plutôt une
action commune de différents organismes impliqués dans ce processus. La séparation entre
les aspects nationaux et globaux de la stabilité financière doit être éliminée du fait des
menaces continues exercées par les phénomènes de contagion. La stabilité financière relève
de la responsabilité traditionnelle des banques centrales et des autorités de régulation et de
surveillance, mais cet objectif n’est être atteint sans une étroite coopération avec les
institutions qui ont des prérogatives dans ce domaine, au niveau international. La
collaboration entre les institutions et les structures existantes devient essentielle parce que la
stabilité du secteur financier en dépend de façon critique.
74
1.1.3.1. Le rôle du Fonds Monétaire International
15
Feldman et Watson (2002) notent que les Programmes d’Evaluation du Système Financier élaborés par le FMI
fournissent des informations sur le développement du système financier et sur les résultats macroéconomiques
des états membres.
75
solidité financière (Financial Soundness Indicators – FSI), qui prennent en considération
l’adéquation du capital, la sensibilité au risque de marché, la qualité des actifs, les revenus, le
profit et la liquidité des institutions bancaires. Le Fonds encourage en même temps la
constitution d’un ensemble d’indicateurs qui puissent offrir des informations sur les autres
institutions financières ou non financières, mais aussi sur l’activité des ménages et des
marchés immobiliers.
Le Fonds pratique aussi une activité de surveillance des marchés financiers au
niveau global. Les évolutions macroéconomiques au niveau mondial et les principales sources
de vulnérabilité, surtout dans les pays émergents, sont analysées par l’intermédiaire des
rapports globaux de stabilité financière (Global Financial Stability Reports). En conformité
avec un nouvel courant de pensée, l’activité de surveillance du FMI devrait s’intensifier. Cette
idée a été reprise après le déclenchement de la crise financière et économique mondiale.
Ainsi, beaucoup considèrent que le Fonds doit jouer le rôle d’une institution internationale de
surveillance, dans le cadre d’une nouvelle architecture financière mondiale.
A côté du FMI, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) est l’une des
institutions qui jouent un rôle important dans la surveillance prudentielle internationale. Selon
la BRI, la stabilité financière est fondée sur la politique macroéconomique et la transparence,
sur la régulation et la surveillance financière et sur l’infrastructure institutionnelle et celle du
marché.
La stabilité financière
La Banque a son siège à Bâle (Suisse) et, à l’aide du Comité de Bâle, elle a mis en
œuvre un processus destiné à assurer la solidité du système financier international, ainsi que
sa stabilité. Il y a quatre grands comités qui se trouvent au centre du Processus de Bâle et qui
constituent ses composantes:
76
- Le Comité de Bâle responsable pour la surveillance bancaire (BCBS), s’occupe
de la régulation des activités des banques commerciales.
- Le Comité pour le Système Financier Global (CGFS) émet des standards liés aux
échanges internationaux et aux marchés financiers.
- Le Comité pour le Système de paiements et règlements (CPSS) se concentre sur
l’infrastructure du marché, surveille et analyse le développement des systèmes internes et
internationaux de paiements, des régulations et des compensations.
- L’Association internationale de surveillance des assurances (IAIS) s’occupe de
différents aspects de la surveillance des compagnies d’assurances pour assurer la stabilité
financière.
Bieri (2004) considère que le Processus de Bâle représente un élément clé du
système financier global et qu’il joue un rôle important dans la coordination des efforts
multilatéraux de différents comités pour seulement favoriser la croissance et le maintien de la
stabilité financière. La globalisation des marchés financiers suppose pourtant une étroite
collaboration entre les éléments du Processus de Bâle, responsable pour le fonctionnement
global et la stabilité du système financier. La BRI et le BCBS ont créé ensemble l’Institut de
Stabilité Financière (ISF) chargé de promouvoir la collaboration entre les surveillants.
Toujours dans le cadre de la BRI, sont organisées des réunions sur des questions
financières du Groupe des dix (G10), organisme dont le but est de surveiller le phénomène de
concentration de l’activité financière au niveau mondial, mais aussi d’examiner le processus
de restructuration financière, la conduite des politiques monétaires, la concurrence et le flux
des crédits.
Le Forum de Stabilité Financière (constitué par les ministres des finances et les
gouverneurs des banques centrales de G7) a été créé en 1999, pour promouvoir la stabilité
financière internationale par l’intensification des échanges d’informations et par la
collaboration en ce qui concerne la surveillance. Le FMI, à côté de la BRI, est membre du
Forum qui établit un rapport annuel sur le stade des travaux entrepris dans le secteur de
l’identification des risques financiers, de l’évaluation de la transparence et de l’efficacité de
l’activité de régulation et de surveillance, mais aussi dans des secteurs qui portent sur la lutte
contre le blanchissement de l’argent et contre le financement du terrorisme. Ces rapports sont
intitulés « Ongoing and Recent Work Relevant to Sound Financial Systems ».
77
1.1.3.3. La Banque Centrale Européenne
78
1.1.4. Les conditions particulières imposées par l’intégration dans
l’UE
35
20
30
25
15
provenant de l'UE vers l'UE
20
en dehors de l'UE en dehors de l'UE
15 10
10
5
5
0 0
99
00
01
02
03
04
05
06
07
99
00
01
02
03
04
05
06
07
19
20
20
20
20
20
20
20
20
19
20
20
20
20
20
20
20
20
16
Cette hypothèse théorique n’a cependant pas été validée en pratique. Même si la situation des partenaires
commerciaux s’est détériorée, la réduction de la demande externe n’a pas été visible car les exportations
roumaines ont augmenté de plus de 38%, selon l’Institut National de Statistique, au mois de juillet 2008 par
rapport au même mois de l’année précédente, une croissance plus importante que celle des importations, 30%.
La tendance au rééquilibrage de la balance commerciale est apparue avec la dépréciation de la monnaie
domestique et des mesures restrictives de politique monétaire prises par la BNR tout au long de 2008. Toutefois,
la contraction des exportations se fait ressentir vers la fin de 2008.
79
Une deuxième observation porte l’augmentation tendancielle des importations,
plus accentuée que celle des exportations, ce qui traduit une compétitivité réduite par rapport
aux partenaires commerciaux, même si la situation semblait commencer à s’équilibrer en
2008.
Deuxièmement, l’accession de la Roumanie à l’UE s’est traduite par un flux
important d’investissements directs étrangers. Ceux-ci enregistrent une croissance
exponentielle d’un milliard d’euros environ en 2003 à plus de neuf milliards en 2006 (Figure
19, échelle droite). Les flux nets d’IDE provenant de l’extérieur de l’Europe vers la Roumanie
restent modestes et n’enregistrent pas d’intensifications sur la période analysée.
Figure 19 : Les flux nets des IDE vers la Roumanie (mil. EUR)
800 10000
700 9000
600 8000
7000
500
6000
400
5000
300
4000
200
3000
100 2000
0 1000
-100 0
2003 2004 2005 2006
La croissance des IDE réalisés par les pays partenaires montre une intensification
des liaisons de production, commerciales et financières entre la Roumanie et ces pays. Du
point de vue de la stabilité financière, il est important d’analyser le degré du financement du
déficit de compte courant par l’intermédiaire des IDE. Un décalage important indique des
pressions futures sur le taux de change.
La croissance des IDE dans le secteur financier a été déterminée surtout par la
pénétration des banques étrangères et de leurs succursales en Roumanie. Selon une étude de la
BNR, le capital étranger dans le secteur bancaire représente, en 2007, environ 75% du total
(Georgescu, 2007). Presque 84% de l’actionnariat des banques à capital majoritaire étranger
provient de l’UE (Figure 20). Seules 4 des 29 banques du système ont des actionnaires
majoritaires provenant hors de l’Union. De nombreux investisseurs sont grecs. En ce qui
concerne les succursales des banques étrangères, toutes sont des succursales de banques
européennes
80
Figure 20 : L’actionnariat majoritaire des banques en Roumanie (nombre des banques)
8
7
6
5
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Source : le site des banques commerciales (la liste des banques est fournie par la BNR)
81
cette démarche a représenté un défi pour les autorités. Suite à la libéralisation, les transactions
en devises ont connu une croissance significative et le degré d’ouverture de l’économie
commence à son tour à augmenter. Après l’adhésion à l’UE, les risques pour la stabilité
financière de l’économie roumaine n’ont pas été éliminés, mais ils ont changé de nature.
82
linéaire, il peut réagir différemment face à des perturbations de dimensions différentes. Un
système peut être instable face à de petites perturbations, mais une fois que ces perturbations
atteignent un certain niveau, il y des forces qui interviennent et qui amortissent les chocs, et le
système revient à l’équilibre. On rencontre aussi la situation inverse où le système ne réagit
pas à de petits chocs, mais il devient instable quand il ressent des chocs importants. On
observe avec cette définition la liaison entre la notion de stabilité et celle d’équilibre.
La stabilité représente un terme souvent rencontré en politique. Lemco (1991),
dans son livre « Political Stability in Federal Governements » donne une définition de la
stabilité politique, et admet qu’il n’y a pas, même dans ce cas, une définition acceptée par tout
le monde. Il arrive à une définition de la stabilité politique après avoir analysé les processus
nationaux qui mettent ce phénomène en danger. Il définit la stabilité politique à long terme
comme une situation où les protestations collectives violentes restent limitées, alors qu’il
associe la stabilité politique à court terme avec la préservation des fonctions des gouvernants.
La stabilité économique (ou macroéconomique) fait référence à un état de
l’économie qui est associé à un taux d’inflation et de chômage bas, à une volatilité réduite du
prix des actifs et du taux de change, qui attire les investissements en diminuant l’incertitude et
qui contribue à la croissance économique et à l’amélioration du niveau de vie. On observe que
cette notion inclut la stabilité aussi bien monétaire que financière, éléments qui deviennent
des conditions nécessaires pour son accomplissement17.
La stabilité monétaire est habituellement associée à la stabilité des prix et
représente la situation où on enregistre ni phénomène inflationniste, ni un phénomène
déflationniste significatifs, qui pourrait à son tour causer des déséquilibres. Foot (2003)
définit la stabilité monétaire comme « la stabilité de la valeur de la monnaie ».
La stabilité financière systémique fait référence à la stabilité du système entier et
elle diffère de la stabilité financière d’un établissement individuel ou de la stabilité d’un actif,
qui se traduit par la continuité et la sécurité dont jouit cet actif par rapport aux autres actifs sur
le marché. Selon la Banque Nationale d’Autriche, la stabilité financière représente un
instrument préliminaire pour une croissance efficace de l’économie. Une caractéristique d’un
système financier stable est le fait qu’il amortit les chocs plutôt qu’il ne les amplifie.
Même si définir la stabilité financière semble un exercice simple, aucun consensus
n’apparaît. De nombreux analystes associent le terme à l’absence d’instabilité ou à un
17
« La stabilité financière est devenue une composante extrêmement importante pour la stabilité
macroéconomique, parce que les flux de capitaux exploitent les vulnérabilités du système financier pour
sanctionner promptement les erreurs ou les inconsistances de la politique économique » (Isărescu, 2007).
83
déséquilibre financier, ce qui n’est pas tout à fait satisfaisant. C’est pourquoi il faut présenter
les facteurs qui caractérisent le phénomène pour pouvoir lui donner une définition correcte.
18
Schinasi (2004, 2005) – « Le concept de stabilité financière ne se réfère pas à une seule position stable ou à
une certaine trajectoire dans le temps, à laquelle le système financier revient après un choc, mais plutôt à un but
ou à un phénomène continu ».
19
Outre, la notion d’équilibre dynamique, il y a aussi la notion d’équilibre statique. Par rapport à l’économie et
aux finances, celui-ci peut être atteint seulement ex-post, par des données comptables qui « équilibrent » les
phénomènes. Le défi est la détermination d’un équilibre ex-ante qui, dans notre cas, correspond à une situation
de « pure » stabilité financière. Cerna (1994) parle aussi d’une variante distincte de l’équilibre statique –
l’équilibre statique comparatif – situation où on définit les conditions d’équilibre du début et de la fin de la
période où se produit le rétablissement de l’équilibre, quelle que soit la cause de la perturbation.
84
situation d’équilibre (Figure 21). Dans le cadre du couloir de stabilité financière, les mesures
prises par les autorités pour rééquilibrer la situation et pour éliminer les effets négatifs des
chocs sont des mesures préventives. Les systèmes financiers sont la plupart du temps stables.
La situation d’instabilité ou de turbulence intervient lorsqu’un choc de grande ampleur
déstabilise le système financier. Dans ce cas, les mesures prises par les autorités sont de
mesures de correction. La crise représente un cas extrême de l’instabilité, lorsque les chocs se
multiplient et lorsqu’un blocage se produit dans le fonctionnement du système. Cela arrive
surtout au moment où les mesures préventives et correctives n’ont pas mené aux résultats
préconisés. Nous devons souligner le fait que le système financier peut très rapidement passer
de la stabilité à la crise, en particulier lorsqu’il s’agit d’un choc exogène important.
Crise financière
Situation de
crise financière
le trajet du système financier Zona 3
Zone
1 – choc habituel
2 – choc puissant
3 – plusieurs chocs importants
Zone 1: mesures préventives
Zone 2: mesures de correction
Zone 3: mesures drastiques, de restructuration
Source : l’auteur
85
endogènes du système et la vulnérabilité se manifeste vis-à-vis des facteurs exogènes de
risque et est regardée comme une vulnérabilité externe.
Au-delà de la distinction entre la délimitation de ces notions apparentées, il est
important d’analyser les éléments qui caractérisent la stabilité financière systémique pour
pouvoir lui donner une définition correcte : sa nature de bien public, sa caractéristique qui
implique des actions transparentes, son aspect micro et macro financier, l’importance du
secteur bancaire mais aussi celle des autres composantes du système financier ainsi que la
libéralisation des flux de capitaux et la modification de la nature des risques financiers.
La stabilité financière systémique est tout d’abord un objectif de la politique
publique qui détermine le bien-être public. Les établissements publics empruntent sur le
marché, limitent les risques et agissent par l’intermédiaire du marché pour mettre en pratique
la politique monétaire, pour maintenir la stabilité monétaire et un système opérationnel de
paiements et de compensation. Plus d’établissements publics dont les rôles et les objectifs
sont bien établis, doivent contribuer à l’assurance de la stabilité financière. La stabilité
financière est dans ce contexte un bien public (Cerna et al., 2008).
Etant un bien public, les actions des autorités doivent être transparentes. Même si
la transparence doit représenter une caractéristique de la définition de la stabilité financière,
ce phénomène n’est pas tout à fait observable, parce qu’il n’est pas possible d’anticiper
exactement la réaction d’une économie à différents chocs (Allen et Wood, 2006).
La stabilité financière fait référence aussi bien à la stabilité du chaque
établissement financier qu’aux relations qui s’établissent entre ces institutions. Un système
financier peut être stable même si une ou plusieurs institutions se trouvent en difficulté et en
même temps il peut devenir instable même si ces établissements ne se confrontent pas à des
déséquilibres individuels majeurs. Pourtant, il est moins probable qu’un système qui englobe
quelques établissements importants qui ressentent des déséquilibres restera stable. Schinasi
(2005) affirme qu’un déséquilibre dans le cadre d’une des composantes du système peut
mettre en danger la stabilité du système financier entier. Néanmoins, si le système fonctionne
suffisamment bien pour exercer ses fonctions, un problème individuel ne représente pas
nécessairement une menace pour la stabilité globale. La définition de la stabilité financière
doit ainsi tenir compte du fait qu’un changement quelconque de l’environnement ne constitue
pas obligatoirement une source d’instabilité.
Certains auteurs associent la stabilité financière à la situation des établissements
financiers (Foot, 2003), tandis qu’Allen et Wood (2006) considèrent que l’instabilité des
établissements financiers est seulement un exemple important qui affecte la stabilité
86
financière systémique, mais on ne peut pas tout réduire à cet élément. La stabilité financière
ne fait pas référence seulement à la possibilité d’un effondrement des établissements
financiers, mais aussi des autres compagnies.
L’importance des banques dans le système financier, surtout pour les pays en
transition, ne doit pas être négligée. En étant la plus importante catégorie d’intermédiaires
financiers du système, leur fragilité peut déstabiliser le système financier entier. Lorsqu’on
décide de soutenir certaines institutions bancaires en difficulté, pour éviter une crise bancaire,
on se confronte au problème du hasard moral. Feldman et Watson (2002) soulignent le fait
que le soutien accordé aux banques faibles peut conduire à la prévention des perturbations
macroéconomiques, mais l’assistance doit être accordée pour éviter les problèmes récurrents
et pour éviter le hasard moral.
La stabilité et l’efficacité du système financier nécessitent un état approprié de
toutes ses composantes. Les banques restent certainement le canal principal de mobilisation
des économies internes et de financement des investissements, surtout dans les pays en
transition, mais il y a d’autres secteurs financiers, comme par exemple les assurances qui
jouent un rôle important pour la stabilité du système financier. L’analyse de la problématique
de la stabilité du secteur des assurances est nécessaire à cause des évolutions conjoncturelles
et des évolutions structurelles de ce secteur et à cause de la capacité collective du secteur à
réagir face aux crises financières. En même temps, l’élimination des déficiences futures des
sociétés d’assurances contribue à renforcer la solidité du secteur financier.
Trainar (2004) soutient que le rôle du secteur des assurances pour la stabilité
financière est important du fait de la complexité des conglomérats financiers. Les risques sont
transférés du secteur bancaire vers le secteur des assurances et des réassurances. Même si on
ne connaît pas dans l’histoire des faillites des sociétés d’assurances qui ont mené à une crise
macroéconomique, la régulation appropriée de ce secteur est importante en raison de leur
capacité à absorber les chocs.
Les interactions entre le marché du capital et le secteur bancaire augmentent de
façon continue. On voit apparaître le besoin d’une coordination attentive dans la surveillance
de cet aspect compte tenu du fait que les banques peuvent être affectées par les crises nées sur
le marché des titres et inversement. Les actifs sur le marché dd capital sont extrêmement
volatils, fait qui conduit aussi à des vulnérabilités dans les autres composantes du secteur
financier. Selon Mishkin (1997), le déclin du marché du capital joue un rôle important pour
l’instabilité financière, en engendrant une baisse de la valeur des firmes sur le marché, fait qui
87
équivaut à un déclin de la valeur des actifs. On a donc besoin d’une régulation et d’une
surveillance stricte de ces marchés.
La stabilité de toutes les composantes du système financier devient un enjeu
important dans le contexte de libéralisation des systèmes financiers. Le phénomène de
globalisation détermine l’intensification des pressions compétitives, situation qui cause un
comportement risqué de l’industrie des services financiers (Tůma, 2006). La dérégulation et la
libéralisation sont caractéristiques pour beaucoup de systèmes financiers et elles doivent être
prises en considération pour définir la stabilité (Goodhart, 2004).
La Banque Nationale d’Autriche (2005), avant de définir la stabilité financière,
analyse les risques auxquels le système financier est confronté. L’identification des risques
pour la stabilité financière systémique, « composante d’une intégration internationale du
secteur financier domestique », suppose la connaissance des informations exactes sur les pays
par rapport auxquels les établissements financiers domestiques sont exposés.
L’asymétrie d’informations représente un autre élément important qui doit être
analysé avant d’essayer de définir la stabilité financière. A côté de ses manifestations les plus
connues, le hasard moral et la sélection adverse, on voit aussi apparaître le problème du
passager clandestin (free-rider)20, qui caractérise surtout le marché du capital (Mishkin,
1997).
Allen et Wood (2006) identifient les possibles caractéristiques de la stabilité
financière ou de l’instabilité financière : la crainte que les moyens de paiement peuvent
devenir indisponibles à n’importe quel prix, l’allocation efficiente des épargnes pour les
opportunités d’investissement, l’implication des établissements financiers et des autres
institutions, la stabilité des prix des actifs et la déviation du plan optimal d’épargne–
investissement.
Une ample étude qui porte sur la modalité de définir la stabilité financière, a été
réalisée par Schinasi (2004). Il établit cinq principes clés qui doivent être pris en
considération dans la définition de la stabilité financière.
20
Les agents qui ne dépensent pas leurs ressources pour collecter l’information, tirent profit du fait que d’autres
personnes qui détiennent l’information la rendent publique. Si ceux qui disposent de l’information prennent
certaines décisions, le marché les suit. Ceux qui détiennent l’information vont de cette façon partager le profit
avec les spéculateurs et n’auront plus les ressources nécessaires pour collecter des informations véridiques. Cela
mène à une sélection adverse (à cause de la quantité réduite d’informations) et au hasard moral (ceux qui ont des
informations y renoncent parce qu’ils voient que les autres prennent des décisions correctes même s’ils ne
dépensent pas de ressources pour obtenir ces informations).
88
1) La stabilité financière représente un concept large, qui intègre différents aspects du système
financier : l’infrastructure, les établissements et les marchés.
2) La stabilité financière n’implique pas seulement l’allocation des ressources par les
finances, la gestion des risques, la mobilisation de l’épargne et l’allégement de l’accumulation
du bien-être, le développement et la croissance, mais aussi un fonctionnement approprié du
système de paiements.
3) La notion de stabilité financière est liée non seulement à l’absence des crises financières
actuelles, mais aussi à l’habilité du système financier à limiter les déséquilibres par
l’intermédiaire d’un mécanisme d’autocorrection, avant qu’ils ne deviennent des menaces
pour le processus économique.
4) La stabilité financière doit être analysée en fonction des implications potentielles sur
l’économie réelle. Les turbulences des marchés financiers ou celles des établissements
financiers individuels doivent être considérées comme des menaces possibles pour la stabilité
financière si elles affectent l’économie réelle. La volatilité et les turbulences peuvent être
causées par la concurrence ou par l’utilisation de nouvelles informations, qui sont bienvenues
dans un contexte où il n’y a pas de contagion et d’effets systémiques.
5) La stabilité peut être analysée lorsqu’elle représente un phénomène continu. Le maintien de
la stabilité financière ne demande pas nécessairement que chaque partie du système financier
fonctionne de façon pertinente, répondant aux exigences maximales.
En considérant tous ces aspects, on peut noter que la définition de la notion de
stabilité financière est complexe et difficile à cause de la multitude d’éléments qui doivent
être pris en considération. Toujours aussi importantes sont les conditions préalables
nécessaires pour permettre un système financier robuste et stable, comme par exemple, la
stabilité macroéconomique, une stratégie adéquate pour la régulation et la surveillance
financière et un environnement politique favorable à la stabilité.
89
plus facile d’identifier les éléments d’instabilité financière. On parle dans ce cas d’une
définition de la stabilité de manière « négative »21. Une autre cause de l’élargissement du
spectre des définitions de la stabilité financière est le manque d’une démarcation claire entre
les concepts de stabilité, instabilité et crise.
Quant à la stabilité monétaire, un consensus sur sa définition n’a pas toujours
existé. La définition de la stabilité monétaire a évolué au cours des dix dernières années et
touche à des notions variées, partant de la stabilité de la valeur (anticipée) de la monnaie et
allant jusqu’à la stabilité des prix ou même des niveaux bas d’inflation (Bieri, 2004).
L’histoire de la stabilité financière est en quelque sorte différente parce qu’elle représente un
processus complexe ; il paraît y avoir un consensus seulement lorsqu’on parle de la stabilité
financière comme d’une « bonne chose », ou lorsqu’on annonce le fait que l’instabilité est
absente.
Un premier ensemble de définitions porte de façon directe sur les caractéristiques
du phénomène. Par exemple, Foot (2003) associe à la stabilité financière certains éléments de
la stabilité macroéconomique. Selon lui, il y a stabilité financière lorsqu’il y a stabilité
monétaire, un taux de chômage proche du taux naturel, une confiance dans les marchés et
dans les établissements financiers clés et lorsqu’il n’y a pas de variation des prix des actifs
réels ou financiers qui conduise à une augmentation du taux d’inflation ou du taux de
chômage.
La Banque Centrale de Norvège évite de donner une définition claire de la stabilité
financière mais elle souligne les conditions qui sont nécessaires pour l’assurer. On peut
compter parmi ces conditions la stabilité du secteur bancaire et des systèmes de paiements.
Cette institution considère aussi que la stabilité de l’économie internationale représente une
condition préliminaire pour assurer la stabilité financière.
Un deuxième ensemble de définitions de la stabilité financière fait référence
directe au concept de stabilité. On parle dans ce cas de définitions plus simples (données par
la Banque Centrale de Suède et d’Autriche) mais aussi de définitions complexes, comme sont
celles de Patat (2000) et de Schinasi (2005).
Selon la Banque Centrale de Suède, la stabilité financière est rendue par la
prévention du risque par les banques (Jacobson et al., 2001). La Banque Centrale d’Autriche
définit à son tour la stabilité financière comme la situation dans laquelle les marchés
21
En général, on considère qu’un système financier stable facilite l’amélioration des performances économiques,
tandis qu’un système instable empêche le développement économique.
90
financiers accomplissent leurs fonctions d’allocation des ressources, d’une manière
satisfaisante, même si des chocs apparaissent dans le système.
La stabilité financière ne porte pas seulement sur les risques bancaires. De plus, un
système financier peut être instable même si les ressources sont allouées de manière
satisfaisante. Dans ces conditions, Patat (2000) considère ce concept multidimensionnel
comme une situation dans laquelle le fonctionnement de différentes composantes du système
financier, et surtout les relations réciproques, s’effectuent d’une façon saine, sans
perturbations brutales. La stabilité financière peut être aussi définie comme une situation dans
laquelle le secteur financier fonctionne sans discontinuités, permettant une allocation
efficiente des ressources et montrant une capacité de résistance adéquate et durable devant les
chocs potentiels. Une autre définition semblable est donnée par Schinasi (2004) : « Un
système financier est stable s’il est capable de faciliter (et non pas d’empêcher) les
performances de l’économie, et d’éloigner les déséquilibres financiers qui apparaissent au
sein du système, comme résultat des événements adverses et imprévus ». Le gouverneur de la
BNR s’inscrit dans la même direction de pensée lorsqu’il définit « la stabilité financière
comme la situation où le système financier est capable de collecter et de placer, de façon
efficace, les fonds et de résister aux chocs sans entraîner de préjudices pour l’économie
réelle » (Isărescu, 2006).
A la différence des premières définitions, ces dernières associent en plus à la
stabilité financière la capacité du système financier de répondre aux chocs. Selon Schinasi
(2005), la stabilité financière signifie plus que l’absence des crises et il ajoute aux définitions
antérieures la capacité du système à évaluer, à établir les prix et à gérer les risques financiers.
Néanmoins, certains préfèrent définir la stabilité par l’absence d’instabilité. Pour
Allen et Wood (2006), cela semble être la meilleure stratégie, définissant d’abord l’instabilité
financière comme « toute déviation du plan optimal d’épargne–investissement de n’importe
quelle économie, due aux imperfections du secteur financier ». Ils définissent ensuite la
stabilité financière comme « un état donné dans lequel il est improbable de voir apparaître un
épisode d’instabilité financière ». Cette définition n’est cependant pas opérationnelle. Toute
déviation, même s’il s’agit d’une petite déviation, signifierait une situation d’instabilité. De
plus, personne ne connaît quel est le plan optimal d’épargne–investissement.
Andrew Crockett (2000) analyse à son tour la stabilité financière du point de vue
de l’absence d’instabilité qui « représente une situation où les performances économiques
peuvent être affectées par des fluctuations des prix des actifs ou par l’incapacité d’un
établissement financier à respecter ses obligations contractuelles ». Il souligne quatre aspects
91
de cette définition : l’existence des coûts économiques réels, l’importance du désastre
potentiel et non pas celle des pertes actuelles, la prise en considération d’autres établissements
que les banques et, en même temps, la considération des banques comme une catégorie
d’établissements financiers tout à fait particulière. Crockett distingue en même temps deux
types d’instabilité financière : celle des établissements et celle des marchés.
Mishkin (1997) montre que l’instabilité financière « apparaît lorsque les chocs du
système financier interfèrent avec le flux d’informations de sorte que le système financier ne
puisse plus accomplir ses tâches qui portent sur l’orientation des fonds vers les opportunités
d’investissements productifs ». L’auteur soutient que le terme d’instabilité financière est
souvent remplacé par celui de fragilité financière ou de vulnérabilité financière, toutes ces
trois notions représentant un état du système financier qui ne permet pas le fonctionnement
approprié de celui-ci ou qui met en danger son fonctionnement adéquat.
Cependant, il semble qu’il faille faire une distinction claire entre les notions
d’instabilité, vulnérabilité et fragilité financière. Un système financier est plus ou moins
vulnérable et fragile, quoi qu’il se situe dans le couloir de stabilité ou d’instabilité présentés
précédemment. La vulnérabilité représente une notion qui, selon nous, fait référence à
l’exposition du système financier à des chocs externes. Un système est d’autant plus
vulnérable que les fondamentaux macroéconomiques se détériorent et que l’intégration
financière du système au sein du système financier international s’intensifie. La fragilité tient
plutôt au degré de développement du système et à la manifestation des chocs endogènes.
On définit un système financier stable comme un système qui se dirige toujours
vers un état d’équilibre après avoir été affecté par des chocs internes et/ou externes, en étant
capable d’exercer ses fonctions habituelles pour allouer efficacement l’épargne, établir des
prix corrects et assurer un système de paiements et règlements adéquat, fonctions qui
contribuent à la croissance économique et à l’assurance de la prospérité.
L’équilibre des forces à la suite d’un choc et la capacité du système à y répondre
pour atténuer les effets du choc sont importants. De même, la capacité à prévoir l’apparition
d’un choc est à son tour importante. On fait référence ici aux chocs qui peuvent conduire à la
déstabilisation du système et qui rendent le système incapable d’exercer ses fonctions de
façon correcte, et non pas aux chocs habituels (niveau 1 – Figure 17) qui, par leur apparition
même, conduisent le système vers un nouvel équilibre.
La stabilité financière se traduit par l’efficacité et la solidité du système financier
et la difficulté de la définir réside dans le fait qu’elle ne se résume pas à un objectif
92
numérique, même s’il y a des études récentes qui montrent que le niveau de stabilité
financière peut être quantifié.
A côté des instruments utilisés pour assurer la stabilité, il y a aussi des mesures qui
doivent être prises, des mesures qui ne font pas référence de façon explicite à la stabilité
financière mais qui contribuent à son maintien. Toutes les séries de mesures entreprises pour
assurer la stabilité macroéconomique contribuent au fonctionnement approprié du système
financier et réciproquement.
Dans cette perspective, Allen et Wood (2006) distinguent deux grandes catégories
de mesures : les mesures préventives qui sont mises en pratique pour corriger les
déséquilibres du système, avant qu’ils ne conduisent à un épisode d’instabilité financière et
les mesures de correctives qui doivent être mises en pratique lorsque l’inefficacité des
mesures préventives a conduit le système financier vers dans une phase d’instabilité.
Ces mesures sont définies comme tout aspect de l’infrastructure financière qui
réduit le risque d’instabilité financière, même si elles font références ou non aux problèmes
des établissements financiers.
a) Les lois
Les lois commerciales réglementent par exemple les procédures à suivre en cas
d’insolvabilité, et les droits de ceux qui détiennent des garanties sur les crédits. Elles
encouragent un comportement prudent mais qui peut parfois décourager l’investissement.
C’est pourquoi la stabilité financière doit être un objectif qu’il faut prendre en considération
pour concevoir les lois commerciales.
93
assure lui aussi une fonction de surveillance (oversight), par l’intermédiaire des Programmes
d’Evaluation du Secteur Financier et le rôle d’identifier les vulnérabilités des systèmes
financiers nationaux, afin de recommander en même temps des perfectionnements.
e) L’infrastructure physique
Certaines parties de l’infrastructure physique peuvent affecter la stabilité
financière. Les systèmes de paiements de grandes valeurs (large-value payment systems) en
représentent un exemple. Dans un système de paiements conçu de manière inappropriée,
l’incapacité de paiement d’un membre peut menacer la solvabilité des autres participants.
22
Une analyse détaillée du rôle du prêteur en dernier ressort dans l’assurance de la stabilité
financière est menée dans le troisième chapitre de la thèse.
94
a) Le soutien à la liquidité
Il intervient par exemple si le système IT d’une banque ne fonctionne pas de façon
correcte. Les actions classiques de prêteur en dernier ressort supposent l’injection de
liquidités dans la banque concernée23. Dans les pays bénéficiant d’un currency board, leur
capacité à se porter prêteur en dernier ressort est restreinte.
b) Le soutien à la solvabilité
Le problème qui apparaît lorsqu’un établissement important, financier ou non
financier, devient insolvable, est encore plus grave. Si une société de grande est menacée
d’insolvabilité, le gouvernement est contraint de décider s’il faut lui accorder immédiatement
une assistance officielle. Le soutien doit être alloué pour éviter la distorsion de l’activité
économique, pour protéger les créditeurs et pour éliminer le risque de contagion. Ces actions
induisent un hasard moral et c’est pourquoi on rencontre une attitude réservée lorsqu’il faut
attribuer une aide d’urgence : cette aide contribue à l’accumulation de dettes pour les sociétés
en difficulté et implique aussi une prise de risques par l’intermédiaire de l’argent public.
Au-delà de ces deux premières catégories de mesures, une troisième, des mesures
de correction des dysfonctionnements ou de restructuration du système, peut être ajoutée. On
peut y inclure :
- Les mesures de gestion des crises
Ces sont les premières mesures prises en cas du déclenchement d’une crise
financière, lorsque aucune des mesures décrites au-dessus ne s’est avérée efficace. Les
mesures de gestion des crises sont liées à une analyse équilibrée de la situation et à
l’identification des ressources financières nécessaires pour sortir de la crise. Ces mesures
peuvent aussi être intégrées aux mesures préventives, mais il y a eu peu de situations où les
accords antérieurs ont donné les résultats escomptés et il a souvent été nécessaire de les
repenser de manière ad hoc. Ces mesures impliquent fréquemment plusieurs établissements
du même pays ou des pays différents.
- L’identification des coûts économiques et sociaux de la crise
Ce problème est extrêmement délicat. Il faut analyser l’impact de la crise et
identifier les catégories d’agents économiques qui doivent recevoir de l’aide de sorte que la
sortie de la crise soit possible.
23
Il y a quelques années, la Banque de New York (BONY) a souffert d’une telle crise pure de liquidité, et la FED
s’est comportée en prêteur en dernier ressort, en offrant à la BONY les liquidités nécessaires pour réaliser des
paiements contre des garanties réelles.
95
- L’identification des facteurs déclencheurs des crises et la réduction de leur
influence future
Comme nous l’avons mentionné dans la deuxième section du chapitre, les facteurs
déclencheurs des crises sont nombreux et évoluent en permanence. Par conséquent, les
dernières mesures portent sur une nouvelle manière de repenser les mesures préventives : la
législation, la réorganisation efficace de certaines institutions et la faillite d’autres
établissements.
Les mesures les plus importantes et les plus efficaces sont celles de la première
catégorie, c’est-à-dire les mesures préventives. Elles portent surtout sur l’activité de
régulation et de surveillance du système financier et sur le cadre institutionnel de surveillance
(le rôle des banques centrales et d’autres autorités de régulation et de surveillance). Il faut en
même temps mettre l’accent sur les risques potentiels dont la matérialisation peut générer
l’apparition d’une nouvelle crise financière.
Pour identifier des éléments qui assurent la stabilité du système financier, Donath
et Cismaş (2008) appliquent une approche distincte. Elles ne parlent pas de mesures qui
doivent être entreprises, mais des conditions qui doivent être remplies pour avoir un système
financier stable :
- des conditions macroéconomiques favorables résultant des politiques visant une
croissance économique soutenable, la stabilité des prix, la santé des finances publiques ou un
taux d’épargnes adéquat ;
- des conditions structurelles appropriées soutenues par une fiscalité qui promeut
l’initiative et par des marchés financiers compétitifs et efficaces ;
- une infrastructure institutionnelle des marchés financiers qui permet une mise en
évidence des droits et des obligations des participants aux transactions financières.
96
Conclusion du chapitre
Les coûts des crises financières récentes ont déterminé les autorités et les
académiciens à augmenter leurs efforts pour identifier les instruments nécessaires pour
prévenir l’apparition de ces événements et pour trouver des solutions dans le cas du
déclanchement des crises. L’assurance de la stabilité financière systémique est devenue par
conséquence un objectif prioritaire. La stabilité financière est un concept
multidimensionnelle, ample, qui fait référence tant à la solidité des institutions financière
qu’au cadre institutionnel et aux mesures macro prudentielles entreprises par les autorités.
Nous avons montré dans ce premier chapitre que la globalisation financière a une
influence majeure sur le cadre d’analyse de la stabilité. L’interdépendance accrue des
économies et des systèmes financiers a changé la nature des risques et cette interdépendance
est beaucoup plus forte à l’intérieur de l’Union Européenne. Par conséquent, l’analyse de la
stabilité doit aussi tenir compte du climat économique mondial. Dans ces conditions, le rôle
des institutions financières internationales dans l’élaboration du cadre prudentiel et dans la
correction des déséquilibres s’est intensifié.
Le concept de stabilité financière est cependant très vaste ce qui rend presque
impossible l’identification d’une définition unanimement acceptée. Nous avons montré à
l’aide de « l’effet de tunnel » qu’il est nécessaire, d’un coté, de différencier la stabilité et
l’équilibre financier et, de l’autre coté, qu’il faut distinguer la situation de stabilité, de la
situation d’instabilité et de la situation de crise d’un système financier. Cette distinction peut
être effectuée surtout ex-post, en identifiant le type de mesures prises par les autorités pour
corriger les déséquilibres avec des conséquences négatives sur la stabilité financière
systémique. La stabilité est une notion dynamique et multidimensionnelle.
97
II. Le cadre de surveillance et de régulation prudentielle
en Roumanie
98
bénéfique, cela favorise en même temps les investissements excessifs et la prise des risques
importants. Les risques s’intensifient au fur et à mesure que la concurrence s’accroît, comme
une conséquence directe de la globalisation.
Le secteur financier évolue de façon continue, évolution qui peut être caractérisée
par quelques aspects spécifiques dont on peut rappeler : l’importance croissante des marchés
financiers et leur volatilité, les innovations financières et l’intensification du processus
d’intégration de différents systèmes financiers nationaux. Dans ce contexte, l’activité de
surveillance et de régulation prudentielle qui se propose de contrôler les risques du marché et
d’offrir de la confiance aux participants, a acquiert une attention tout à fait particulière24.
Pourtant, le problème qui apparaît est la manière dont il faut appliquer la
régulation et la surveillance prudentielle. Les innovations financières et la dérégulation des
marchés ont produit des résultats positifs, mais les risques associés sont tout aussi importants.
Comme le dit un ancien proverbe chinois, « le miel est doux mais les abeilles piquent »
(Banque de France, 2006). Il faut trouver par conséquent une méthode par l’intermédiaire de
laquelle ceux qui agissent sur les marchés financiers puissent tirer profit des avantages, sans
être sujets à la manifestation des risques financiers.
Boot (2001) fait la distinction entre deux formes de régulation : directe et
indirecte. La régulation qui essaie d’infliger l’effet désiré s’appelle régulation indirecte (elle
n’est pas prohibitive, elle n’interdit pas). La stipulation du comportement exigé de la part des
banques détermine la régulation directe (par exemple, la distinction entre les banques
commerciales et celles d’investissement aux Etats-Unis). Ce dernier type de régulation est
prohibitif, interdit. La régulation indirecte a gagné en importance mais, dans un
environnement compétitif, ces instruments de contrôle doivent être utilisés sans provoquer des
distorsions pour la concurrence. Une surveillance efficace et une régulation adéquate, ainsi
qu’un management des risques, peuvent contribuer à la gestion des vulnérabilités financières
(Feldman et Watson, 2002).
Au sein des systèmes financiers en général, et du système financier roumain en
particulier, le secteur bancaire occupe une position particulière. Comme nous allons le voir
dans la section suivante, les actifs des établissements bancaires de Roumanie sont beaucoup
plus importants que les actifs des sociétés d’assurances et des institutions d’investissements
financiers. Par conséquent, la nécessité d’un cadre adéquat de surveillance des établissements
24
« Par surveillance, on comprend le contrôle des opérations d’une institution pour s’assurer qu’elle respecte
les règles et les régulations applicables et qu’elle déroule son activité de façon correcte ». (Bărglăzan et al.,
2007). On parle dans ce cas de surveillance micro-prudentielle.
99
de crédit s’avère un défi pour les autorités. Les banques représentent un cas particulier parce
que la faillite d’une telle institution amplifie le risque systémique et parce que le manque des
liquidités dans le secteur bancaire est une source directe de l’instabilité (White, 2006).
Même si nombreux sont ceux qui partagent l’opinion selon laquelle les banques
sont des établissements financiers particuliers auxquels il faut payer une attention particulière,
certains considèrent que les banques sont incitées à être prudentes à cause de leur réputation et
il n’est donc pas nécessaire de les surveiller plus qu’on ne le fait pour n’importe quelle autre
institution. Nous n’adhérons pas à cette idée car, d’un côté, ceux qui prennent les décisions
dans le cadre d’une banque ne recherche pas toujours l’amélioration de la réputation de la
banque et, de l’autre côté, par leur activité même, les banques représentent des institutions à
risque potentiel élevé à l’adresse du système financier.
Selon Davis (2000), les distorsions dans le cadre de régulation peuvent déterminer
les banques à prendre des risques supplémentaires. Un calcul incorrect des garanties allouées
cause l’aléa moral qui peut conduire à l’augmentation des risques s’il n’est pas compensé par
une régulation prudentielle. De cette façon, un mauvais fonctionnement de la régulation et de
la surveillance peut causer des distorsions dans la situation financière, en particulier dans le
cas des banques moins solides qui prennent des risques excessifs (Mishkin, 1997)25.
Un autre problème qui apparaît dans le cas de la régulation et de la surveillance
restrictive du système bancaire est une possible réduction de la profitabilité des banques et
une diminution du processus d’innovation. Une régulation excessive peut compromettre les
performances du système et, en même temps, la stabilité financière. De l’autre côté, une
surveillance efficaces et une régulation appropriée, ainsi qu’un bon pilotage des risques,
peuvent aider à la gestion des vulnérabilités. Par conséquent, l’activité de régulation et de
surveillance doit être exercée de sorte qu’elle contribue à l’assurance de la stabilité financière.
La régulation excessive a des implications négatives pour le système financier. En
effet, on désire avoir un secteur robuste de services financiers qui soit affecté au minimum par
la régulation, qui soit en même temps une source de stabilité et pouvoir pour l’ensemble de
l’économie (Boot, 2001). Cela implique : (a) la réduction de la dépendance vis-à-vis de la
régulation ; (b) l’augmentation de la discipline du marché à l’aide des « systèmes d’alerte
précoce » ; (c) moins d’interdépendances entre les banques et la réduction du risque
25
Tout en analysant le problème dans la perspective de la théorie principal - agent, l’auteur soutient que les
autorités de régulation et les politiciens (des agents dans cette situation), suivent leur intérêt, transmettant le coût
aux bancaires (principal). Pour que les agents agissent dans l’intérêt du principal, les autorités de régulation
doivent imposer des restrictions sur les activités risquées, imposer un capital réglementaire suffisant et fermer les
institutions insolvables. Ils n’agissent pas toujours de la sorte parce qu’ils veulent cacher la faible performance
qui résulte de leur coopération. Ils attendent donc une amélioration de la situation.
100
systémique ; (d) la diminution de l’impact d’une faillite bancaire ; (e) des institutions
financières compétitives et innovatrices, mais prudentes.
Les politiques restrictives de régulation dans les périodes d’adversité économique
peuvent augmenter la fragilité financière en déterminant une profitabilité réduite,
l’augmentation des risques de contrepartie et la violation des spécifications concernant le
capital réglementaire. De l’autre côté, les déficiences de la régulation peuvent déterminer
l’augmentation des incidents de paiements sur le marché interbancaire, fait qui conduit à une
augmentation de la fragilité financière de l’économie. Ainsi, la suppression du contrôle
transforme la banque commerciale d’une entreprise sûre en une entreprise très risquée.
Le taux de faillite bancaire peut devenir à son tour sensible au régime de
régulation et de surveillance. Une surveillance stricte et des conditions rigides pour les
réserves et les capitaux des banques devraient prolonger la durée de vie de ces institutions
particulières. Cependant, une compétition trop accrue entre les établissements, causée par des
changements dans le régime de régulation, peut avoir des effets opposés (Sinclair, 2000).
Une autre question qui apparaît est liée à l’uniformité de l’activité de régulation et
de surveillance. Goodhart et al. (2004a) soutiennent que les banques avec un portefeuille
diversifié peuvent transférer rapidement les externalités négatives à leurs clients et elles
doivent donc subir des normes de surveillance plus laxistes. Ces mesures pourraient causer
une distorsion de la concurrence sur le marché. De plus, selon nous, le transfert des
externalités négatives vers les clients ne représente pas une solution optimale pour assurer la
stabilité financière.
Les institutions bancaires sont généralement soumises à une surveillance
macroéconomique qui se propose de maintenir la stabilité de la valeur interne et externe de la
monnaie domestique et à une surveillance microéconomique, appelée aussi régulation micro-
prudentielle, qui se propose de limiter les risques que les banques et les autres établissements
financiers assument, ainsi que d’évaluer la solidité de chaque institution.
Bichi (2005) observe qu’après les crises financières des années 90 on a constaté
que les deux régimes de surveillance doivent être complétés par une approche macro-
prudentielle, censée analyser les liaisons entre la santé d’un système financier et la stabilité
macroéconomique. La nouvelle approche, appelée régulation macro-prudentielle, demande
aux surveillants bancaires de ne pas se concentrer seulement sur les banques individuelles,
mais aussi sur le système financier dans son ensemble, ainsi que sur ses interactions avec
l’économie réelle.
101
Tableau 3 : La perspective macro et micro-prudentielle de la surveillance
Perspective macro-prudentielle Perspective micro-prudentielle
Objectif à court terme La réduction de graves La limitation des déséquilibres des
déséquilibres du système institutions individuelles
financier
Objectif final Eviter les coûts de la réduction La protection des consommateurs
du PIB (investisseurs / déposants)
Modèles de risque Endogènes (en partie) Exogènes
Corrélation et exposition Importante Pas relevant
commune des institutions
Le dosage du contrôle En termes de graves turbulences En termes de risques des institutions
prudentiel du système (top-down) individuelles (bottom-up)
102
Les nouvelles directions en ce qui concerne l’assurance de la stabilité financière
portent sur le renforcement de la régulation et de la surveillance macro-prudentielle. Une
approche macro-prudentielle des processus économiques est essentielle pour pouvoir
comprendre la nature de l’instabilité financière. La consolidation de l’orientation macro-
prudentielle du cadre de régulation et de surveillance est importante à cause des coûts et de la
nature de l’instabilité financière et surtout des crises financières. Le coût principal se présente
sur la forme des pertes de production mais il y aussi des coûts sociaux importants.
La globalisation et la titrisation représentent des défis considérables dans quatre
zones étendues de la surveillance macro-prudentielle (Schinasi, 2005) : la transparence, la
dynamique des marchés, l’aléa moral et le risque systémique26. Beaucoup d’activités sont
enregistrées hors bilan, et les investisseurs et les surveillants bancaires n’ont pas accès à ces
informations. Le risque systémique est passé au-delà de la sphère du système bancaire en se
manifestant dans le secteur des marchés de capital et des instruments dérivés.
En termes d’objectivité, un renforcement de l’orientation macro-prudentielle
nécessitera une approche plus large à l’avenir, une approche systémique qui dépassera la
limite de la protection des déposants (par l’assurance-dépôts). Quant au traitement des
institutions, une modification de l’approche appliquée implique un redimensionnement des
accords entre les autorités de régulation et de surveillance en ce qui concerne l’importance
systémique des institutions. Le risque réside dans le fait qu’en absence d’un consensus sur le
diagnostique, les remèdes et la distribution des responsabilités, les points faibles potentiels de
la défense contre les risques restent sans solution.
Begg (2005) propose un redimensionnement des standards de solvabilité pour les
institutions individuelles en fonction de leur importance systémique. Les standards macro-
prudentiels pour le système considéré comme un tout dérivent d’une approche de haut en bas
(top-down), fondée sur l’analyse des coûts et de la probabilité d’apparition des crises
systémiques. Les standards micro-prudentiels afférents dérivent d’une approche de bas en
haut (bottom-up), de l’agrégation du standard uniforme de solvabilité qui s’applique aux
institutions « représentatives ».
Différents indicateurs peuvent être analysés dans le cadre de l’activité de
régulation et de surveillance prudentielle. La forme la plus importante (prédominante) de
régulation est le capital, mais l’analyse de la liquidité ou de la profitabilité des institutions
26
Le risque systémique est défini par Donath et Cismaş (2008) comme le risque qui implique une perte de la
valeur économique et de la confiance dans le système financier, avec des implications négatives sur l’économie
réelle. La manifestation des événements de risque systémique peut être soudaine et non anticipée.
103
financières reste tout aussi importante. Les nouveaux standards en matière de régulation et de
surveillance prudentielle – introduits par l’Accord de Bâle II – portent surtout sur le capital
réglementaire mais ils introduisent aussi la dimension macro-prudentielle de la surveillance27.
En conclusion, l’institution de la surveillance bancaire ne signifie pas un manque
de confiance dans le fonctionnement des banques. Celles-ci sont libres d’agir conformément à
leurs propres politiques et stratégies, mais certains aspects particuliers de leur activité doivent
être réglementés et surveillés par une autorité de contrôle.
27
Les implications de l’Accord seront analysées en détail au Chapitre III, dans la section qui porte sur les
fonctions traditionnelles des banques centrales en ce qui concerne la stabilité.
104
Une analyse de l’évolution de la structure du système financier sur la période
2003-2007 montre que les institutions de crédit et les sociétés d’assurances ont réduit leur
poids dans le total des actifs financiers, et les sociétés de leasing et les autres institutions
financières non bancaires ont enregistré une croissance. En ce qui concerne les actifs des
fonds d’investissements sur le marché du capital, leur poids est resté relativement stable.
La réduction de la part de marché correspondant aux institutions de crédit en
faveur des institutions financières non bancaires peut être expliquée par le régime prudentiel
plus laxiste appliqué à ces dernières institutions jusqu’en 2007, date après laquelle elles sont
entrées dans la zone de surveillance de la BNR. La structure du système financier en 2007
était la suivante:
Figure 22 : La structure du système financier roumain en 2007 (% dans le total des actifs)
2,05%
7,67%
4,00%
3,77%
0,36%
82,15%
Avant 1998, la majorité du système bancaire roumain était propriété de l’état. Les
institutions de crédit empruntaient des fonds surtout aux grandes compagnies, détenues par
105
l’état, qui déroulaient leurs activités dans un secteur économique non restructuré. Les banques
commerciales faisaient souvent appel aux fonds de la banque centrale qui menait une
politique monétaire adaptative. Une conséquence en a été un taux d’inflation élevé.
La situation du secteur bancaire était devenue instable et plusieurs banques
roumaines se sont effondrées au cours des années 1998-199928. La crise financière de Russie
n’a fait qu’aggraver la situation. Dans ce contexte, à partir du second semestre 1998, le
Gouvernement a initié une nouvelle loi bancaire et a modifié le statut de la BNR, renforçant
l’indépendance de cette institution et soulignant son rôle important dans la surveillance des
institutions bancaires.
Après ces réformes, le degré d’intermédiation financière a connu une croissance
continue à partir de 2000, évoluant de 9,3% du PIB à 36,6% en 2007 (Figure 23). Plusieurs
banques à actionnariat étranger ont réalisé des investissements en Roumanie.
40,00%
35,00%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
28
Les coûts financiers de la recapitalisation des certaines institutions et de différentes stratégies d’aide publique
pour les banques en difficulté ont atteint environ 10% du PIB (Barisitz, 2004).
106
Commerciale Roumaine. Toujours sur la figure 24, on observe que le degré de concentration
du secteur bancaire a légèrement diminué. Cet indicateur est important parce qu’il offre des
informations sur le risque systémique potentiel associé à la faillite de grands établissements
bancaires.
100
90
80
70
60
50
40
30
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10
0
99
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20
20
20
20
20
20
La pondération des premières cinq banques dans l'actif total
Institutions à capital majoritaire privé
Institutions à capital majoritaire étranger
De plus, pour obtenir une image d’ensemble sur l’évolution du secteur bancaire et
des risques potentiels pour la stabilité financière, il faut analyser la composition des actifs et
des passifs bancaires ainsi que les indicateurs de solidité financière. La situation des actifs et
des passifs des institutions de crédit est présentée Figure 25.
02
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20
20
20
20
Créances gouvernementales Créances sur les entreprises Créances sur les ménages Dépôts du secteur gouvernemental Dépôts des entreprises et de la population
Concernant les actifs, on observe que 98,3% sont des actifs internes, dont la
plupart représente des créances sur le secteur non bancaire autochtone. Les créances sur la
population ont connu une croissance soutenue, tandis que les créances sur les compagnies se
107
sont maintenues à un taux de croissance presque constant par rapport au niveau total des
créances. Les crédits en devises sont très importants parce que cette composante est à
l’origine de l’augmentation de la vulnérabilité du secteur des entreprises et de celui de la
population devant le risque de taux de change.
Quant à la structure des passifs, on remarque une croissance de la part des passifs
externes, qui représentaient presque 28,3% du total en 2007, les banques étrangères procédant
à la recapitalisation de leurs succursales en Roumanie, pour obtenir une part de marché
significative. Les dépôts attirés par le secteur non bancaire, surtout ceux provenant des
entreprises et de la population, représentent la plus importante catégorie de financement pour
les passifs internes. Il faut mentionner que la plupart des dépôts sont des dépôts à court terme.
En ce qui concerne la solidité du secteur bancaire, elle peut être considérée en
analysant les indicateurs d’adéquation du capital, les indicateurs de liquidité et de
profitabilité. On observe, Figure 26, la tendance baissière des indicateurs de solvabilité dans
le contexte de l’expansion du crédit privé, surtout pour la composante représentée par la
population. Conformément aux données de la BNR (2008), les banques de petites et
moyennes dimensions présentent récemment un rapport d’adéquation du capital supérieur à
celui des plus grandes banques du système.
60
50
40
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20
10
0
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20
Capital social (% dans les fonds propres) Le ratio de solvabilité (> 8%)
108
La liquidité du système, ainsi que sa profitabilité, sont considérées comme
satisfaisantes (Figure 27). L’indicateur de liquidité calculé par la BNR dépasse le niveau de
référence de « 1 », et le rapport entre les actifs liquides et les actifs totaux dépasse 50%.
L’excès de liquidité du système bancaire roumain s’est réduit en 2007, dans un contexte où
les crédits ont continué à augmenter et les liquidités des marchés financiers internationaux se
sont réduites.
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20
Actifs liquides / Actif total Liquidité effective / Liquidité necessaire ROA ROE
Quant à la profitabilité, elle a diminué sur les dernières années, mais quelques
signaux de reprise se sont faits sentir vers la fin 2007, dans le contexte des performances
supérieures obtenues, surtout au niveau des grandes institutions de crédits (BNR, 2008).
La profitabilité, exprimée par le rendement des actifs (RoA – Return on Assets) et
par le rendement du capital propre (RoE – Return on Equity), a connu une baisse continue à
partir de 2002. Cependant, elle reste assez élevée, situation considérée comme normale pour
un pays en transition où les rendements doivent récompenser les risques financiers.
Par rapport aux autres états de l’Europe Centrale et de l’Est, le secteur bancaire
roumain présente un niveau de capitalisation plus élevé, mais en même temps un rendement
du capital en baisse. De même, le niveau des créances douteuses enregistre une évolution
défavorable, dépassant le niveau des autres pays analysés (Tableau 5).
109
Tableau 5 : Indicateurs de solidité bancaire – comparaison avec d’autres pays européens
Ratio de Créances douteuses ROA ROE
solvabilité (% du total des crédits)
Bulgarie 2002 25,2 2,6 2,1 14,9
2003 22 3,2 2,4 22,7
2004 16,1 2 2,1 20,6
2005 15,2 2,2 2,1 22,1
2006 14,5 2,2 2,2 24,4
2007 13,9 2,2 2,5 25,4
République 2002 14,3 8,1 1,2 27,4
Tchèque 2003 14,5 4,9 1,2 23,8
2004 12,6 4,1 1,3 23,3
2005 11,9 4,3 1,4 25,2
2006 11,4 3,6 1,2 22,5
2007 11,9 3 1,3 23,1
Pologne 2002 13,8 21,1 0,5 5,2
2003 13,7 10,4 0,5 5,4
2004 15,5 9,2 1,4 17,1
2005 14,5 7,7 1,6 21,9
2006 13,2 3,6 1,7 21
2007 11,8 3,1 1,8 25,6
Roumanie 2002 25 - 2,6 18,3
2003 21,1 8,3 2,2 15,6
2004 20,6 8,1 2 15,6
2005 21,1 8,3 1,6 12,7
2006 18,1 8,4 1,7 10,3
2007 14 9,1 1,8 11,5
Hongrie 2002 13 2,9 1,4 16,2
2003 11,8 2,6 1,5 19,3
2004 12,4 2,7 2 25,3
2005 11,6 2,5 2 24,7
2006 11 2,5 1,8 24
2007 11,3 2,5 1,8 22,9
Source : FMI (2008)
Le secteur des assurances est perçu au niveau global comme un segment stable du
système financier. Il contribue à la croissance économique et à l’allocation efficace des
ressources par le transfert des risques et la mobilisation de l’épargne. Les compagnies
d’assurances détiennent des passifs illiquides et ne sont pas exposées au risque de contagion,
à la différence des banques commerciales. Nous avons pourtant vu que ce secteur aussi peut
être touché par la crise financière. L’effondrement de la société d’assurances AIG des Etats-
Unis a demandé de la part des autorités une injection massive de capital et l’assureur, Yamato
Life du Japon, s’est déclaré en faillite le 10 octobre 2008.
110
Le secteur des assurances n’est pas très développé en Roumanie, même s’il a un
rythme d’expansion soutenu grâce à la croissance économique continue et à l’intérêt accru de
la population pour les services d’assurances. La pénétration des assurances sur le marché reste
encore sous les niveaux enregistrés dans l’Europe Centrale et de l’Est (BNR, 2008). Dans le
contexte de l’intégration européenne, une accélération du rythme d’expansion du marché des
assurances est nécessaire pour soutenir la convergence avec le marché unique.
L’évolution des primes brutes souscrites par les principales catégories
d’assurances, en comparaison avec les indemnisations brutes payées, est présentée Figure 28.
Pour la stabilité financière, une telle comparaison est nécessaire parce que : (a) la croissance
des primes brutes souscrites reflète la croissance du degré de développement du secteur ; (b)
une accélération du rythme de croissance des indemnisations brutes payées, supérieure à la
croissance des primes souscrites, reflète une réduction de la profitabilité des compagnies
d’assurances.
7000 3000
6000 2500
5000
2000
4000
1500
3000
1000
2000
1000 500
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20
111
Le degré de concentration du marché des assurances est élevé, la part de marché
des 10 premières sociétés d’assurances touchant 80% en 2006, pourcentage qui s’est maintenu
presque au même niveau en 2008 (Tableau 6).
Tableau 6 : La part de marché des 10 premières sociétés d’assurances en fonction des primes
brutes souscrites (mil. RON)
2006 2008
112
Figure 29 : L’évolution de la profitabilité des sociétés d’assurances
150
100
50
-50
-100
-150
-200
S1
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07
20
Résultat technique de l'activité d'assurances générales
Résultat technique de l'activité d'assurances vie
Le profit / la perte agrégés au niveau du marché
Les principaux risques pour les assurances générales sont l’expansion considérable
des préjudices et la croissance des coûts liés à la réassurance, ainsi que les pressions exercées
par la concurrence sur le marché. Malgré tout cela, les indicateurs de stabilité financière sont
restés à des niveaux qui ont garanti le fonctionnement approprié des compagnies d’assurances
(Figure 30). Le degré de couverture des indemnisations nettes payées dans le total des
réserves techniques nettes a connu une augmentation significative en 2007 par rapport à 2006
à cause des augmentations des primes brutes souscrites et du maintien du taux de cession des
réassurances à un niveau constant, et, de plus, les compagnies d’assurances générales ont
bénéficié d’injections de capital (BNR, 2008).
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0,5
0
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20
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20
113
compagnies d’assurances vie font des investissements à long terme, anticipant aussi les
corrections possibles sur les marchés financiers pendant la période de validité des contrats.
Le secteur des assurances-vie a connu un développement continu sans enregistrer
une détérioration des indicateurs de stabilité financière (BNR, 2008). Néanmoins, en 2006, le
rapport entre les dépenses et les primes nettes souscrites s’est détérioré (Figure 31).
3,5
2,5
1,5
0,5
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20
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20
Réserves techniques nettes / Primes nettes soucrites Degré de solvabilité Dépenses / Primes nettes soucrites (échelle droite)
En ce qui concerne les évolutions récentes du marché des assurances, on note que
le processus d’harmonisation entre la législation nationale concernée et la législation
européenne a continué. La stabilité du secteur des assurances n’a pas encore été affectée par la
crise des marchés financiers internationaux.
114
public à statut juridique qui exerce son activité en s’appuyant sur le principe de
l’autofinancement. La bourse électronique des valeurs immobilières de Bucarest, (RASDAQ,
Romanian Association of Securities Dealers Automated Quotation) a, à son tour, été ouverte
le 26 octobre 1996 et a été absorbée, le 1 décembre 2005, par la Bourse des Valeurs Bucarest.
La BVB reste la place boursière la plus importante en Roumanie, son activité
connaissant un progrès significatif par le lancement du premier indice boursier, le BET
(Bucharest Exchange Trading Index) en septembre 1997, indice qui a représenté un véritable
« baromètre » de l’activité boursière. Le BET résulte de la nécessité d’utiliser un instrument
synthétique pour évaluer les performances de l’activité de la place boursière. Le deuxième
indice, le BET-FI (Bucarest Exchange Trading Investment Funds Index) a été lancé en 2000,
et reflète l’évolution de toutes les sociétés d’investissements financiers listées sur la BVB.
L’évolution de ces deux indices (Figure 32) a été positive dès leur lancement. A
partir de 2004, on a enregistré une augmentation significative des indices, et implicitement du
marché du capital, soutenu par les perspectives données par l’adhésion à l’Union Européenne
et des mesures prises pour libéraliser complètement le compte de capital. La croissance
économique a représenté aussi un environnement propice au développement du marché.
90000
10000
80000
70000
8000
60000
50000 6000
40000
4000
30000
20000
2000
10000
0 0
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03
03
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04
04
04
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07
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08
08
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01
01
01
01
115
transactions sur le marché. La capitalisation boursière a chuté immédiatement après le
déclenchement de la crise des subprimes, pour se reprendre début 2008, surtout parce que
d’autres compagnies ont été listées en bourse. Le volume des transactions a beaucoup oscillé
sur la période analysée, pour diminuer au second semestre 2007 et en 2008, avec les tentatives
de consolidations des positions des investisseurs (Figure 33).
35 600
30
500
25
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20
300
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10
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97
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ja
ja
116
CNVM a annoncé la suspension, à partir du mois d’octobre 2008, de la taxe appliquée aux
transactions sur actions (0,08%).
30000
10000
25000
8000
20000
6000
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fé
Source: les sites Internet des places boursières nationales pour les indices de la Roumanie, la République
Tchèque et la Hongrie et Yahoo Finance pour les indices de la France et du Royaume Uni
Compte tenu du fait que le marché du capital de la Roumanie détient une part
réduite au sein du secteur financier, les effets de la crise ne se sont pas immédiatement
ressentis dans l’économie réelle qui a fait preuve d’une bonne résistance aux chocs externes
multiples au cours de 2008.
117
CSSPP (Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées) a commencé son
activité29.
29
L’implémentation du système de pensions privées est au début. Les ressources que ce système contrôlera dans
les années à venir seront pourtant importantes et par conséquent le rôle de la CSSPP dans l’assurance de la
stabilité financière par la régulation et la surveillance du système des pensions privées va augmenter.
118
rapports des banques, la violation des lois et des régulations issues par la BNR, mais aussi
lorsqu’il remarque une situation financière précaire.
Concernant l’activité de régulation et de surveillance, il faut dire qu’un premier
pas dans la gestion de la stabilité du secteur bancaire est représenté par les stipulations qui
portent sur les possibilités dont les institutions de crédit disposent pour pouvoir opérer sur le
marché concerné. L’article 25 (1) de la Loi no. 312/2004 sur le statut de la BNR, spécifie le
fait que la Banque Nationale de Roumanie a la compétence exclusive pour autoriser les
institutions de crédit et qu’elle est responsable pour la surveillance prudentielle des
établissements de crédit dont elle a autorisé le fonctionnement en Roumanie.
119
la proposition faite par les commissions pour le budget, les finances et les banques dans le
cadre du Sénat et de la Chambre des Députés, et ils sont élus pour un mandat de 5 ans pour le
président, de 4 ans pour le vice-président, de 3, 2 et 1 an respectivement pour les membres.
La Commission de Surveillance des Assurances a les attributions suivantes:
a) élabore ou avise les projets d’actes normatifs qui portent sur le domaine des
assurances ou qui ont des implications sur ce secteur et avise les actes administratifs
individuels, si ceux-ci sont liés à l’activité d’assurance ;
b) surveille la situation financière des assureurs pour protéger les intérêts des
assurés ou des potentiels assurés, et pour accomplir cet objectif elle peut décider d’organiser
des missions de contrôle pour vérifier l’activité des assureurs ;
c) entreprend les mesures nécessaires afin que l’activité d’assurance soit gérée en
respectant les normes prudentielles spécifiques ;
d) participe, en qualité de membre, aux associations internationales des autorités
de surveillance des assurances et représente la Roumanie ;
e) approuve les actionnaires significatifs et les personnes importantes de
l’assureur, conformément aux critères stipulés dans les normes ;
f) approuve la séparation ou la fusion d’un assureur enregistré en Roumanie ;
g) approuve le transfert du portefeuille ;
h) peut demander aux assureurs, ainsi qu’à toute autre personne liée à leur activité,
de présenter des informations et des documents relatifs à l’activité d’assurance ;
i) participe à l’élaboration du plan des comptes, des normes et des méthodes
comptables, après avoir consulté les associations professionnelles des opérateurs du secteur
des assurances.
L’activité de régulation exercée par la CSA pour l’adhésion de la Roumanie à l’UE
s’est concentrée dans trois directions principales (CSA, 2006) :
a) la contribution de spécialité dans l’élaboration des actes normatifs inclus dans la
catégorie de la législation primaire ;
b) l’assurance de l’harmonisation des régulations nationales dans le domaine de la
comptabilité avec les régulations de l’Union Européenne (implémentation des IFRS30 dans le
secteur des assurances) ;
c) l’amendement et la modification de la législation secondaire spécifique pour le
secteur des assurances.
30
International Financial Reporting Standards.
120
La CSA transmet au Parlement, en 6 mois après la fin de chaque exercice
financier, un rapport sur le marché des assurances en Roumanie, ainsi qu’une présentation des
activités exercées. La CSA prépare et publie un rapport informatif annuel sur le marché des
assurances et sur les institutions et les organismes concernés31.
La CSA a récemment élaboré et adopté la Stratégie pour la période 2007-2011,
dont l’implémentation permettra à la Commission de devenir une institution à haut standard
de professionnalisme et un partenaire crédible dans l’espace européen. L’objectif général de la
Stratégie – à savoir, la valorisation maximale de la qualité d’état membre que la Roumanie
possède à l’intérieur des structures de la Commission Européenne, en même temps que la
croissance de la crédibilité de l’autorité de la CSA au niveau national – est soutenu par trois
grands objectifs stratégiques, c’est-à-dire (CSA, 2006) :
a) le renforcement de la capacité institutionnelle de la Commission de Surveillance
des Assurances;
b) le changement de la philosophie de surveillance (le remplacement de la
surveillance du type « en conformité » avec celle fondée sur l’évaluation du risque, étape
préalable, absolument nécessaire pour l’implémentation de Solvency II32);
c) la redéfinition du rôle et de la position de la CSA dans le cadre des commissions
et des comités de spécialité de la Commission Européenne, ainsi qu’au sein de ceux de
l’Association Internationale des Surveillants des Assurances.
31
Le dernier rapport annuel de la CSA date de 2006.
32
Solvency II est un projet en deux phases qui se propose de repenser le cadre européen de surveillance des
assurances et d’établir un système de solvabilité qui tient mieux compte du profil de risque. Comme Bâle II
(présenté dans le chapitre suivant), trois piliers se trouvent à la base de Solvency II : le Pilier 1 représente les
exigences quantitatives (par exemple, le capital qu’un assureur doit détenir) ; le Pilier 2 est donné par les
demandes qui portent sur le système de gouvernance et de gestion du risque et le Pilier 3 fait référence aux
exigences qui portent sur la transmission des informations et sur la transparence.
121
surveillance du marché de capital, des marchés de marchandises (réglementées) et des
instruments financiers dérivés, mais aussi des institutions et opérations spécifiques.
Pour exercer l’activité de surveillance, la CNVM peut, conformément à la Loi no.
297/2004 :
a) vérifier la façon dont les attributions et les obligations légales et statutaires des
administrateurs, directeurs, directeurs exécutifs, ainsi que celles d’autres personnes qui ont
des connections avec l’activité des entités réglementées, sont accomplies ;
b) solliciter au conseil d’administration des entités réglementées d’organiser des
rendez-vous avec ses membres, ou, selon le cas, de convoquer l’assemblé général des
actionnaires, établissant les sujets à mettre sur l’agenda ;
c) demander des informations et des documents aux émetteurs dont les valeurs
mobilières font l’objet d’offres publiques ou qui ont été acceptées pour faire l’objet des
transactions sur un marché réglementé ou dans un système alternatif de transaction ;
d) entreprendre des contrôles aux sièges des entités surveillées par la CNVM;
e) auditer toute personne en ce qui concerne les activités des entités réglementées
et surveillées par la CNVM.
Les objectifs fondamentaux de la CNVM sont :
• établir et maintenir le cadre nécessaire au développement des marchés
réglementés ;
• promouvoir la confiance dans les marchés réglementés et dans les
investissements liés aux instruments financiers ;
• assurer la protection des opérateurs et des investisseurs contre les pratiques
déloyales, abusives et frauduleuses ;
• promouvoir le fonctionnement correct et transparent des marchés ;
• prévenir la fraude et la manipulation du marché ;
• établir les standards de solidité financière et de pratique honnête sur les
marchés réglementés ;
• adopter les mesures nécessaires pour éviter l’apparition du risque systémique
sur les marchés régulés;
• empêcher la distorsion de l’information et assurer un traitement unitaire et
correct envers les investisseurs et leurs intérêts.
Pour accomplir ses objectifs, la CNVM a commencé à collaborer avec des
institutions internationales qui agissent dans le domaine de la régulation des marchés du
122
capital. Ainsi, la CNVM a participé en 2005 aux travaux de l’Organisation Internationale des
Régulateurs des Valeurs Mobilières et a témoigné un grand intérêt surtout pour l’implication
dans l’activité du Comité des Marchés Emergents (CME), structure spécialisée dont l’activité
vise à augmenter l’efficacité des marchés émergents des valeurs mobilières en élaborant des
standards et des principes, et en facilitant l’échange d’informations et d’expériences.
De même, la CNVM a participé en septembre 2005 au Programme annuel de
l’IOSCO (International Organization of Securities Commissions) qui porte sur la question de
« La régulation du marché du capital » dans les pays émergents (CSA, 2006).
Les objectifs et les principes fondamentaux de l’Organisation Internationale des
Régulateurs des Valeurs Mobilières représentent le standard global clé pour la régulation du
marché des titres de valeurs. Les décisions de l’IOSCO portent sur le fait que les membres de
l’organisation pourront échanger des informations en s’appuyant sur leur expérience pour
intensifier de cette manière le développement des marchés locaux, auront une bonne
collaboration pour définir les standards et pour améliorer la surveillance du marché des
transactions internationales et fourniront de l’assistance mutuelle pour promouvoir l’intégrité
du marché des titres de valeurs.
En 2005 et 2006, la CNVM a eu comme objectif principal l’implémentation de
l’acquis communautaire dans la perspective de l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Pour
achever la transposition de l’acquis communautaire lié au secteur financier et
l’implémentation des standards internationaux en vigueur, la CNVM a aussi dirigé ses efforts
vers de nouveaux projets développés à côté d’autres autorités qui ont des compétences sur le
marché financier Roumain :
• la collaboration avec la BNR pour préparer la transposition des directives
européennes applicables aux sociétés de services d’investissements financiers et aux
établissements de crédit, pour assurer une approche unitaire de l’Accord de Capital – Bâle II
au niveau national ;
• la participation dans un groupe de travail interinstitutionnel coordonné par le
Ministère des Finances, à côté des représentants de la BNR et de la CSA, pour transposer la
directive européenne qui porte sur la surveillance supplémentaire des institutions de crédit,
des sociétés d’assurances et des sociétés de services d’investissements financiers ;
• l’analyse des stipulations du paquet législatif portant sur le crédit hypothécaire
qui va assurer le cadre juridique pour l’émission des obligations hypothécaires et des
instruments financiers titrisés, analyse faite avec la Banque Nationale de Roumanie et avec le
Ministère des Finances.
123
La CNVM a en même temps poursuivi les démarches visant l’extension des
relations de coopération avec des autorités similaires à l’étranger. Ces actions se sont
matérialisées par la signature de sept memoranda de compréhension (Memoranda of
Understanding) et par l’initiation des négociations pour conclure des accords de réciprocité
avec des autorités similaires de Luxembourg, Autriche, Portugal, Turquie, Grèce, République
de Moldavie et Chine, ayant comme objectif d’établir des mécanismes efficaces d’échange
d’informations pour assurer une surveillance efficiente des entités et des opérateurs qui
déroulent leurs activités sur le marché du capital.
124
régulation et de la surveillance de différents secteurs financiers. La décision de créer des AUS
doit tenir compte des caractéristiques particulières du chaque système financier.
Nous proposons, dans ce qui suit, de montrer que le cadre de surveillance du
système financier roumain, présenté précédemment, est compatible avec la structure du
système financier et la BNR ne pourra pas atteindre l’objectif de stabilité financière sans
pratiquer une surveillance efficace du système bancaire. Pour cela, nous évoquons les
conditions qu’une institution de régulation et de surveillance doit remplir pour exercer une
activité efficace. En outre, nous présentons les arguments en faveur du maintien de la fonction
de surveillance au sein des banques centrales et les arguments qui recommandent la
constitution des AUS. Enfin, nous soulignons la compatibilité de la structure institutionnelle
de surveillance appliquée en Roumanie avec le cadre de surveillance au niveau de l’UE.
La création d’un comité de surveillance mixte sur l’égide de la BNR, comité formé
par des membres de la BNR et des autres agences de surveillance, apparaît à présent une
meilleure solution que la constitution d’une AUS pour le système financier roumain.
125
transparence, la responsabilité, l’indépendance et la crédibilité se trouvent parmi les attributs
qui transforment les banques centrales en institutions à même de lutter contre l’inflation, mais
elles présentent en même temps les caractéristiques d’une autorité de surveillance efficace.
La plupart des études analysent la transparence, la crédibilité et l’indépendance des
banques centrales en étroite liaison avec l’accomplissement des objectifs de stabilité des prix.
Nous considérons que ces éléments doivent aussi caractériser une autorité de régulation et de
surveillance. Une institution indépendante et crédible contribue à l’assurance de la stabilité
financière en offrant des garanties au secteur financier, en particulier lorsque des mesures
extrêmes doivent être entreprises.
2.4.1.1. La transparence
33
Etant interrogé sur le niveau optimal du degré de transparence des banques centrales, lors de la conférence
« Les banques centrales comme des institutions économiques » organisée par le Centre Cournot en 2006 à Paris,
Eichengreen répondait: « pour la politique monétaire, environ 50% ».
126
Les discussions sur la transparence se concentrent sur l’efficacité des autorités
dans l’accomplissement de leurs objectifs. L’amélioration de la transparence est partiellement
associée aux efforts d’accroître la responsabilisation. La transparence des stratégies utilisées
et la transparence des décisions peuvent permettre aux agents privés de comprendre le stade
présent de la politique monétaire ou de la politique de surveillance. La transparence
représente une condition préalable pour la responsabilisation (Schich et Seitz, 1999).
2.4.1.2. La responsabilisation
Une autre condition pour qu’une autorité de surveillance puisse remplir ses
fonctions est sa responsabilisation. La responsabilisation (accountability) signifie l’obligation
d’expliquer et de justifier ses actions et ses décisions, en fonction de certains critères, et d’être
responsable des décisions prises. La responsabilisation de l’autorité de surveillance aide à
éviter le conflit potentiel entre celle-ci et le pouvoir politique34.
Quintyn et Taylor (2004) considèrent que la responsabilisation des autorités de
régulation et de contrôle représente « la clé de la véritable indépendance de ces organismes ».
Les auteurs énumèrent plusieurs critères qui doivent être pris en considération pour que la
responsabilisation soit réelle : un fondement juridique clair ; une présentation claire et
publique des objectifs de l’autorité de contrôle, comme par exemple le maintien de la stabilité
du secteur financier et la solidité des banques individuelles ; les relations entre l’autorité de
contrôle et le pouvoir exécutif, législatif et juridique doivent être clairement définies ; la
nominalisation, le remplacement ou la révocation de l’équipe managériale doivent suivre une
procédure transparente.
2.4.1.3. L’indépendance
34
En citant Milton Friedman, André Orléan (2006) affirme en évoquant la responsabilisation de la banque
centrale : « toutes les confrontations entre la banque centrale et l’autorité politique ont rendu cette dernière
victorieuse ».
127
L’indépendance est considérée comme essentielle pour combattre la préférence
naturelle des politiciens pour des politiques économiques expansionnistes, qui promettent des
gains électoraux à court terme, mais qui risquent d’aggraver la situation financière à long
terme. La décision de fermer une banque en difficulté n’est pas populaire. Les politiciens,
désireux d’éviter la déclaration d’une faillite, peuvent être tentés d’exercer des pressions sur
les responsables du contrôle bancaire. L’indépendance de la régulation bancaire représente
pour la stabilité financière ce que l’indépendance de la banque centrale représente pour la
stabilité monétaire, et l’indépendance de ces deux organismes (ou, selon le cas, d’un seul
organisme) leur permet de se consolider de façon réciproque. Les deux fournissent en effet un
bien public – la stabilité financière. L’indépendance de l’autorité de régulation ne représente
pas un but en soi, mais contribue à l’accomplissement des objectifs statutaires.
Plusieurs types d’indépendance (ou d’autonomie, comme l’appellent certains) sont
évoqués dans la littérature. On rencontre souvent des modèles différents utilisés pour mesurer
le degré d’indépendance, mais la majorité fait référence à l’indépendance de la banque
centrale comme autorité monétaire35. Dardac et Barbu (2005) élaborent une synthèse de ces
modèles dont la construction est discutable parce qu’ils ne font pas toujours la distinction
entre l’indépendance « apparente » et l’indépendance « réelle ».
Cukierman et al. (1992) réalisent l’une des classifications les plus connues du
degré d’indépendance des banques centrales. L’étude est fondée sur l’indépendance politique
et les stipulations légales sont considérées comme des variables. Les pays de l’ancien bloque
communiste apparaissent avec de très bonnes performances en matière d’indépendance des
banques centrales (Annexe 2). Les résultats sont douteux au moins pour deux raisons : a) les
banques centrales d’un système centralisé sont subordonnées à la sphère politique et cette
influence continue aussi pendant une courte période après le changement du régime ; b) il
résulterait qu’il n’y a pas de relation directe entre l’indépendance et la performance en matière
d’inflation, paradoxal à l’idée centrale de l’article selon laquelle un plus grand degré
d’indépendance permet à la banque centrale d’atteindre les objectifs d’inflation.
Quelques insuffisances dans l’étude sont aussi observées par Cerna (2002). Ainsi,
une plus longue durée de vie du conseil d’administration de la banque centrale ne signifie pas
forcément qu’elle est indépendante, « parce qu’il est possible que les membres de cet
35
Quant à l’indépendance des banques centrales comme autorités monétaires, Capie (2005) soutient que ce
problème existe depuis toujours. Après la Grande Dépression, les banques centrales ont été accusées d’avoir un
comportement inadéquat, fait qui a mis fin à leur indépendance. A la suite des pressions inflationnistes qui sont
apparues après la seconde guerre mondiale, le besoin d’avoir de telles institutions indépendantes a été de
nouveau ressenti.
128
organisme soient maintenus dans leurs positions justement parce qu’ils obéissent au pouvoir
politique ». De l’autre côté, le fait que la banque centrale est juridiquement indépendante ne
signifie pas qu’elle ne reçoit pas des signaux, des suggestions et des indications de la part du
Gouvernement, du Parlement ou des groupes de pression.
Plusieurs types d’indépendance sont proposés. Schich et Seitz (1999) parlent de
l’indépendance institutionnelle, l’indépendance du personnel et l’indépendance fonctionnelle.
Lybek (2004) préfère le terme d’autonomie à celui d’indépendance des banques centrales,
faisant la distinction entre plusieurs types d’autonomie : l’autonomie comme objectif (signifie
que la banque centrale est responsable de plusieurs objectifs, tout en ayant cependant la
possibilité de choisir l’objectif prioritaire parmi plusieurs objectifs stipulés dans la lois
bancaire) ; l’autonomie comme cible (il y a un seul objectif primordial stipulé dans la loi) ;
l’autonomie comme instrument (implique le fait que le gouvernement décide les cibles de la
politique monétaire, en accord avec la banque centrale) ; l’autonomie limitée ou le manque
d’autonomie (signifie que la banque centrale est presque une agence gouvernementale).
Une agence de surveillance doit être capable de prendre des décisions qui entrent
dans son champ de compétence, sans interventions éventuelles de la part des ministres, des
parlementaires ou des autres officialités gouvernementales. Une agence de régulation doit
disposer d’une autorité suffisante par rapport à toutes les firmes qu’elle est censée réglementer
(Abrams et Taylor, 2000). Cette autorité porte au moins sur : l’habileté de demander aux
institutions réglementées de fournir des informations, la capacité d’évaluer les compétences
du management supérieur et des actionnaires des institutions et la mise en pratique des
sanctions lorsque les règles ne sont pas respectées, ou même la possibilité d’intervenir dans
l’activité de ces institutions lorsqu’il est nécessaire.
Un accent important est mis aussi sur l’indépendance financière de l’autorité de
surveillance36. L’accomplissement de l’objectif de stabilité financière, par l’intermédiaire de
la fonction de prêteur en dernier ressort, équivaut avec certaines pertes dans le bilan des
autorités de surveillance, et ces institutions peuvent subir des pressions politiques si elles ne
bénéficient pas des ressources nécessaires.
Quintyn et Taylor (2004) distinguent quatre niveaux d’indépendance pour une
autorité de régulation et de surveillance:
36
Pour l’indépendance financière de la banque centrale, voir l’étude de Stella (1997). Une autre étude effectuée
par Lybek (2004) montre que l’intégrité de la banque centrale devrait être protégée des influences politiques
suite à des pertes significatives dans ses résultats. Selon lui, les banques centrales doivent disposer des fonds
suffisants parce que la profitabilité ne doit pas représenter un objectif, et le manque de fonds pourrait affecter de
façon négative les objectifs de stabilité des prix.
129
1) L’indépendance de la régulation du secteur financier signifie le fait que les
organismes en charge doivent jouir d’une autonomie suffisante pour définir au moins les
règles prudentielles et les règlements.
2) L’indépendance du contrôle est cruciale dans le secteur financier, étant en
même temps difficile à réaliser et à garantir.
3) L’indépendance institutionnelle, c'est-à-dire le statut dont jouit l’autorité de
contrôle, en dehors du pouvoir exécutif et législatif, et qui suppose trois éléments critiques.
D’abord, le personnel doit bénéficier de la sécurité du lieu de travail – la nominalisation et
surtout la révocation doit respecter des règles claires. Ensuite, la structure du management de
l’autorité de contrôle doit être constituée de plusieurs commissions d’experts. Enfin, la prise
des décisions doit être ouverte et transparente.
4) L’indépendance budgétaire dépend en principal du rôle du pouvoir exécutif et
législatif dans la détermination du budget de l’autorité de contrôle et dans son utilisation.
L’autorité ne doit pas être exposée aux pressions politiques exercées par l’intermédiaire du
budget. Certaines autorités de contrôle sont financées par des redevances versées par les
autorités contrôlées, pratique qui limite l’interférence politique, mais qui risque de rendre
l’autorité de contrôle dépendante des établissements contrôlés37.
Le degré d’indépendance est proportionnel au degré d’implication de la banque
centrale dans la surveillance du système financier (Masciandaro, 2004 ; Dardac et Barbu,
2005). De l’autre côté, Sinclair (2000, 200138) considère que la dimension de la fonction de
régulation et de surveillance des banques centrales est d’habitude corrélée de façon négative
avec le degré d’indépendance de celles-ci, mais en ce qui concerne le groupe des pays
industrialisés et en transition, cette corrélation va dans l’autre sens.
2.4.1.4. La crédibilité
La crédibilité est tout à fait importante pour l’autorité monétaire ainsi que pour
l’autorité de surveillance. Une autorité de surveillance crédible peut mieux résister aux
pressions politiques et ses exigences sont mieux accomplies par le secteur privé. En cas de
crise financière par exemple, la fonction de prêteur en dernier ressort ne peut être mise en
pratique que par une banque centrale crédible si on souhaite limiter le hasard moral.
37
C’est le cas de l’Autorité de Surveillance Financière d’Hongrie (HFSA).
38
dans « Central Banks and Financial Stability », Brealey et al. (2001).
130
Waller et De Haan (2004) présentent les résultats d’un sondage fait parmi les
économistes du secteur privé et qui porte sur la crédibilité et la transparence des banques
centrales. Les auteurs arrivent à la conclusion qu’une banque centrale crédible : peut réduire
l’inflation à un coût social plus bas et peut la maintenir plus facilement au niveau accepté ;
peut agir plus facilement en qualité de prêteur en dernier ressort sans créer de la panique liée
au fait qu’elle ne peut pas accomplir les objectifs d’inflation ; peut défendre de façon plus
facile la valeur de la monnaie en cas d’attaques spéculatives ; trouve plus facilement de
l’appui public pour assurer son indépendance. On a la même situation dans le cas d’une
autorité de surveillance. Sa crédibilité rend ses décisions invulnérables. Les institutions
respectent une autorité crédible et ils collaborent avec un tel organisme. Il faut rappeler que
les résultats obtenus par ces deux auteurs sont influencés de façon considérable par la
réputation des banques centrales analysées.
En conclusion, les objectifs de l’autorité de régulation et de surveillance doivent
être clairs, et elle doit les atteindre par des instruments et des stratégies qui lui sont propres.
La clarté des objectifs évite un conflit entre ces objectifs et l’accomplissement d’autres
objectifs par la même institution. Une autorité de régulation et de surveillance indépendante
peut jouir de la crédibilité nécessaire.
Ces différentes caractéristiques sont nécessaires, mais pas suffisantes, pour
garantir la performance d’une autorité de surveillance. Il faut en même temps tenir compte de
sa capacité de s’adapter rapidement à l’environnement en changement et d’éliminer
l’arbitrage de la régulation. Le débat se concentre dans ce cas sur les arguments qui sont en
faveur du maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire dans le cadre de la
banque centrale et sur leur confrontation avec les arguments qui convergent dans la faveur de
la création d’une autorité unique de surveillance.
Les objectifs des banques centrales liés à la stabilité des prix et ceux liés à la
stabilité financière sont corrélés, même s’il peut y en avoir un compromis à court terme
(Mishkin, 2001). Plusieurs spécialistes (Quintyn et Taylor, 2004 ; Oosterloo et De Haan,
2004) soutiennent le besoin du maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire au
sein de la banque centrale. Bieri (2004), en citant Tinbergen, affirme que, si la banque
131
centrale dispose seulement d’un seul instrument, celui de politique monétaire, elle peut
atteindre seulement un objectif – celui de stabilité des prix. C’est pourquoi, si l’objectif de
stabilité financière se trouve parmi les attributions de la banque centrale, celle-ci doit
surveiller le système bancaire. Tout régime de surveillance du secteur bancaire doit faire une
liaison entre l’activité de surveillance et la banque centrale, du fait des relations existantes
entre la stabilité des prix et la stabilité financière (Masciandaro, 2004).
La régulation bancaire a été « instaurée » par la banque centrale pour assurer la
stabilité du secteur financier. Dans le secteur financier non bancaire (le marché du capital, les
assurances, les fonds de pensions), la régulation est généralement assurée soit par un
ministère, soit par un organisme spécialisé à l’intérieur de l’administration centrale.
Cependant, la recherche de stabilité des prix et de stabilité financière est une obligation
traditionnelle des banques centrales et des autres agences de surveillance, mais
l’accomplissement de ces objectifs jumelés n’est pas possible sans une étroite coopération
entre ces entités de régulation et de surveillance. C’est pourquoi le problème de l’inefficacité
de la coopération n’existe plus si une seule institution remplit les deux fonctions.
Un régime combiné de politique monétaire et de contrôle bancaire présente des
avantages spécifiques en matière de stabilité systémique : les informations obtenues par les
banques centrales dans leurs missions de surveillance des systèmes de paiements et des
marchés monétaires favorisent la détection des difficultés de trésorerie des banques, tandis
que la disponibilité de l’information prudentielle permet une intervention plus rapide et une
meilleure gestion du hasard moral lié aux éventuelles injections de liquidité, dans le cadre des
actions de prêteur en dernier ressort.
Selon nous, une synergie évidente existe entre la fonction de surveillance et celle
de politique monétaire, car les informations obtenues lors de l’activité de surveillance des
banques aident et conduisent à l’amélioration des prévisions macroéconomiques. L’exactitude
des prévisions sur les variables macroéconomiques est essentielle pour la politique monétaire
qui est une politique prospective. Sinclair (2000) souligne à son tour la synergie qui existe
entre les objectifs de la banque centrale, celui de stabilité des prix et celui de stabilité
financière. Il soutient que la transition à un régime plus « sûr » de contrôle financier
impliquera un niveau plus bas des prix d’équilibre, indifféremment de la trajectoire des
agrégés monétaires.
Une étude de la BCE (2001) montre qu’en ce qui concerne la surveillance
prudentielle, la banque centrale analyse, au-delà de la solidité des établissements individuels,
les implications sur le risque systémique, tandis qu’une AUS entreprend surtout des actions de
132
protection des déposants ou des investisseurs. Cette étude compare aussi les arguments pour
ou contre l’intégration de la fonction de surveillance du secteur bancaire au sein de la banque
centrale. Les arguments en faveur de l’intégration de cette fonction sont :
a) La synergie des informations entre la fonction de surveillance et les missions
fondamentales de la banque centrale. Cet argument souligne l’importance que les
informations confidentielles obtenues après un contrôle prudentiel peuvent avoir pour les
systèmes de paiements et pour la bonne conduite de la politique monétaire. En même temps,
l’information prudentielle sur les institutions susceptibles d’alimenter le risque systémique est
essentielle pour la surveillance macro-prudentielle. De plus, si une crise financière nécessite
l’intervention de la banque centrale, celle-ci peut intervenir sur la base des informations
prudentielles et elle peut apprendre quelle est la situation particulière d’une banque qui a
besoin des liquidités. L’obtention de ces informations de façon indirecte, par l’intermédiaire
d’une AUS, peut mener à des interprétations erronées.
b) L’accent particulier mis sur le risque systémique. Il y a une étroite relation
entre le contrôle prudentiel de chaque intermédiaire et l’évaluation du risque systémique.
Même dans les pays où il y a une AUS, la banque centrale a un rôle significatif pour la
stabilité financière systémique. La banque centrale peut mieux apprécier non seulement la
probabilité des incidents possibles, des chocs macroéconomiques, ou les perturbations sur les
marchés, mais aussi les autres facteurs qui affectent la stabilité financière, comme par
exemple l’activité des groupes d’intermédiaires financiers.
c) L’indépendance et l’expertise technique. Cet argument met l’accent sur la
qualité de la contribution que les banques centrales peuvent apporter pour la stabilité du
système financier. L’indépendance de l’autorité de surveillance vis-à-vis des interférences
politiques est importante pour assurer l’efficience de l’activité de surveillance.
Les arguments pour le maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire
au sein de la banque centrale sont souvent mentionnés comme argument contre la constitution
d’une AUS. Abraham et Taylor (2000) énumèrent une série d’arguments contre
l’implémentation des AUS et parle d’une soi-disant « Boîte de Pandore »39. Les explications
39
Dans la « Boîte de Pandore » sont présentés quatre types des risques liés à l’unification de la surveillance. Un
premier risque provient de la sphère du politique, quelques politiciens pouvant voir ce processus d’unification
comme une opportunité pour augmenter leur influence. Un deuxième risque est de nature législative. La
constitution d’une agence unique nécessitera la modification de la législation, fait qui peut conduire cependant à
voir certains groupes d’intérêts s’emparer de ce processus. Un autre inconvénient de l’unification est la
possibilité de ne pas trouver de solution aux lacunes de la régulation. Un troisième risque engendré par ce
changement est la possible réduction de la capacité de régulation par la perte du personnel clé. Une partie du
personnel va considérer le processus d’unification comme difficile et préfère l’éviter. Ainsi, certains employés,
même s’ils sont de bons experts, peuvent se sentir menacés et cherchent un autre travail ou vont à la retraite. Un
133
des auteurs relèvent plutôt des risques que la constitution d’une AUS suppose et du fait que
les fondements d’une telle décision ne sont pas justifiés :
a) Les objectifs peuvent ne pas être clairs. Un des plus puissants arguments contre
l’unification des fonctions au sein d’une AUS est la difficulté à trouver un équilibre entre les
différents objectifs de la régulation. Compte tenu de leur diversité – en partant de la protection
contre le risque systémique et allant jusqu’à la protection des investisseurs –, il est possible
qu’une seule autorité de régulation ne se concentre pas de façon claire sur les objectifs
nationaux et ne puisse pas faire la distinction lorsqu’il s’agit de la régulation de différents
types d’établissements.
b) Des déséconomies d’échelle. Les économies d’échelle représentent un argument
important en faveur de l’AUS, mais il faut reconnaître qu’il peut y avoir aussi des
déséconomies. Une source d’inefficience peut apparaître parce qu’une agence unique se
trouve en situation de monopole, et la nouvelle structure peut être plus rigide et
bureaucratique. Une autre source pour les déséconomies d’échelle est la tendance d’une
agence unifiée d’augmenter le nombre de fonctions, « l’effet Christmas-tree ». Cela arrive
parce que les politiciens peuvent être tentés d’assigner des tâches connexes aux fonctions
principales. Par exemple, dans les pays scandinaves, la surveillance des brokers sur le marché
immobilier a été assignée aux agences uniques de surveillance.
c) Des synergies limitées. Certaines critiques de l’unification indiquent le gain
réduit obtenu par l’unification, c'est-à-dire les économies de gamme sont probablement moins
significatives que les économies d’échelle. Par exemple, la source du risque des banques
réside dans l’actif bilanciel, tandis que la majorité des risques des sociétés d’assurances se
retrouvent dans les passifs. De plus, les procédures de surveillance pour le deux secteurs
financiers sont différentes.
d) Le hasard moral. Peut-être l’argument le plus inquiétant contre l’unification est
l’aléa de moralité. Celui-ci est fondé sur la prémisse que le public supposera que tous les
créditeurs des établissements surveillés recevront une protection égale.
Un élément qui n’est pas avancé dans les analyses de type coût-bénéfice de la
littérature est le fait que la majorité des banques centrales sont responsables de la stabilité
financière. La stabilité financière a une dimension autant macroéconomique que
microéconomique, qui sont étroitement corrélées. Si la banque centrale n’assure plus la
quatrième risque est le remplacement de l’équipe managériale, fait qui pourrait rendre le processus de régulation
plus lent. L’unification de la surveillance implique un besoin de ressources humaines, des managers, même dans
les environnements où ce type de personnel manque.
134
stabilité microéconomique (obtenue à l’aide de la fonction de régulation et de surveillance des
institutions bancaires), il est très difficile de gérer la stabilité systémique.
De plus, si on assigne à la banque centrale seulement l’objectif de stabilité des
prix, cela ne signifie pas forcément que l’accomplissement de cet objectif est garanti. Les
actions de la banque centrale dépendront dans une mesure considérable de la politique fiscale
et de l’existence d’un environnement de stabilité. C’est pourquoi la coopération avec les
autorités politiques et l’implication de la banque centrale dans l’assurance de la stabilité
financière représenteront la clé pour atteindre les objectifs de cette institution.
L’intégration de la surveillance du secteur bancaire au sein de la banque centrale
ne représente pas toujours la meilleure solution. Il y a aussi des arguments qui recommandent
que la surveillance de l’ensemble du système financier soit exercée par une AUS. De cette
manière, dans les systèmes caractérisés par des marchés du capital très développés et où les
activités du secteur financier sont difficiles à délimiter, les bénéfices informationnels obtenus
par la banque centrale peuvent être réduits. De plus, l’existence des conglomérats financiers et
le manque d’expérience des banques centrales dans la surveillance recommandent la
constitution d’une AUS.
135
financière : la Norvège (1986), l’Islande, l’Autriche et la Danemark (1988), la Suède (1991),
l’Angleterre et la Corée (1997), la Lettonie (1998), l’Estonie (1999), la Hongrie (2000), le
Japon (2001), Malte, l’Allemagne (2002) et la Belgique (2004). Cette analyse coût-bénéfice
est présentée dans le Tableau 7.
40
Financial Services Authority représente l’autorité unique de surveillance au Royaume-Uni.
136
être dans une mesure plus réduite, le marché des actions. Il appelle ce processus de séparation
des fonctions un processus plus compliqué mais peut-être plus « démocratique »41.
Les arguments en faveur de la constitution de l’AUS sont aussi nombreux que
ceux qui militent pour le maintien de la fonction de surveillance au sein de la banque centrale.
Ces arguments portent sur un potentiel conflit entre les objectifs de la politique monétaire et
les objectifs de stabilité financière. De plus, il y a aussi des arguments pour le maintien d’un
rôle formel de la banque centrale (le cas de la Bundesbank par exemple) qui font référence à
la synergie et à la circulation des informations et au fonctionnement approprié du système des
paiements.
Gulde et Wolf (2005) sont favorables à une implication formelle de la banque
centrale en matière de surveillance. Quant à la centralisation de la surveillance, ils considèrent
qu’elle devrait se concentrer au début sur un nombre restreint de banques considérées comme
multinationales. De cette façon :
• une surveillance multilatérale dépend de l’importance de l’activité
internationale des institutions concernées, de l’effet de contagion et des externalités ;
• le problème potentiel identifié en théorie porte sur le système courant de
surveillance nationale déterminé par la localisation de la banque commerciale mère et sur le
besoin de coordination du flux supplémentaire d’informations ;
• dans la période suivante, le système européen bancaire et celui des assurances
subiront des changements substantiels une fois Bâle II et Solvency II, ou les normes IAS,
introduits.
La BCE (2001) a rédigé une liste d’arguments existant dans la littérature et qui
sont en faveur de la séparation de la fonction de stabilité des prix de la fonction de
surveillance et elle a identifié trois éléments principaux qui vont dans cette direction :
a) Le conflit d’intérêts entre la surveillance et la politique monétaire. Une
préoccupation d’ordre prudentiel liée à la fragilité du système bancaire peut inciter la banque
centrale à adopter une politique monétaire plus laxiste et à laisser de côté l’objectif
d’inflation, en particulier en cas de crise. L’argument fondamental dans cette situation est que,
par le maintien de la stabilité des prix, on assure de facto la stabilité financière. En
conclusion, l’instabilité financière n’est prise en considération que lorsqu’elle affecte les
objectifs d’inflation.
41
La position de cet auteur est intéressante parce que, d’un côté, il milite pour l’élimination de la fonction de
surveillance du sein de la banque centrale et pour la création des AUS et, de l’autre côté, il soutient l’intégration
des prix des actifs financiers dans la fonction de réaction de la politique monétaire, qui suppose une
compatibilité considérable entre les objectifs de stabilité des prix et ceux de stabilité financière.
137
b) L’émergence des conglomérats financiers. Cet argument a été souvent analysé
dans les débats récents. Les liaisons de plus en plus étroites entre les banques, les assurances
et le marché du capital rendent difficiles la distinction entre les différentes activités des
conglomérats. Un contrôle sectoriel peut s’avérer dans ce cas moins efficace du fait des
problèmes d’arbitrage42.
c) La concentration du pouvoir dans les mains de la banque centrale.
L’assignation des responsabilités de régulation et de surveillance à une banque centrale
indépendante peut être considérée comme préjudiciable à cause des abus possibles. La banque
centrale peut devenir une institution excessivement bureaucratique.
La majorité des études en faveur de la création d’une AUS sont réalisées par des
chercheurs des pays où il y a déjà en place une AUS. L’étude de l’HFSA (2002) va dans le
même sens. L’argument le plus important pour la constitution de l’HFSA en 2002 a été
l’amélioration de l’efficacité de la surveillance sur base consolidée et l’amélioration du
management de l’agence intégrée a été définie comme une responsabilité importante. Le
management de l’HFSA a contribué à améliorer la confiance des acteurs financiers et la
fusion des agences de régulation a mis en évidence le fait que certaines stipulations des lois
spécifiques pour chaque institution surveillée étaient en conflit les unes avec les autres ou
contenaient des différences injustifiées. La création d’une AUS a remédié à cette situation.
Un autre argument en faveur de la séparation de la fonction de surveillance de
celle monétaire est le passage aux banques universelles qui rend difficile pour la banque
centrale la séparation ou la distinction entre les établissements financiers qui peuvent ou non
bénéficier du « safety net » qu’elle leur offre.
Briault (2002) a avancé à son tour une série d’éléments en faveur de l’unification
de la surveillance, tels les économies d’échelle et les économies de gamme, l’émergence des
conglomérats financiers, mais aussi :
- La neutralisation de « l’arbitrage ». Il y a des situations où les établissements
financiers qui offrent des services ou des produits similaires sont surveillés par des autorités
différentes. Cela peut déterminer le placement d’un certain service ou produit financier dans
la partie du conglomérat financier où les coûts de surveillance sont plus réduits ou dans le
secteur où la surveillance n’est pas trop détaillée.
42
La possibilité qu’une entreprise concentre son activité dans certains secteurs du conglomérat pour entrer ou
sortir de la sphère de surveillance d’une certaine autorité de régulation. La création d’une AUS éliminerait cette
pratique.
138
- La flexibilité de la régulation. Un potentiel avantage de l’approche de la
surveillance unifiée est qu’elle rendrait le système de surveillance plus flexible. Les agences
spécialisées (sectorielles) pourraient être empêchées à fonctionner effectivement là où le statut
juridique laisse place à des interprétations ou elles pourraient avoir des problèmes lorsqu’elles
sont confrontées à des situations particulières, par exemple lorsque un nouveau type de
produit ou une institution qui ne sont pas couverts par la législation en vigueur apparaissent.
- La constitution d’une équipe de spécialistes. Une demande essentielle de la
régulation effective est qu’une agence de régulation doit être capable d’attirer, retenir et
développer un groupe de spécialistes qualifiés. L’unification peut contribuer à ce processus ;
une agence unifiée peut être mieux placée pour formuler une politique des ressources
humaines, incluant la planification de la carrière et de la stratégie de personnel.
- L’amélioration de la responsabilisation. L’argument final en faveur de
l’unification est que ce processus améliore la responsabilisation de la surveillance. Dans un
système avec de multiples agences de surveillance, il peut être plus difficile à observer si les
autorités de régulation et de surveillance assument la responsabilité pour leurs performances
et pour les coûts de fonctionnement.
Mayes (2006) soutient aussi la nécessité d’un seul système de régulation et de
surveillance du système financier où une seule autorité a la responsabilité du management pas
seulement en matière de surveillance mais aussi pour la prise des décisions promptes et pour
des interventions rapides face à des problèmes liés à l’adéquation du capital.
Un autre argument en faveur de l’AUS et qui n’est généralement pas présenté dans
la littérature est la plus grande aisance à conclure des memoranda de compréhension
(Memoranda of Understanding, MoU) entre les autorités de surveillance. Cet argument est
principalement lié au besoin d’une surveillance particulière des conglomérats financiers.
L’implication des institutions de plusieurs pays est souvent nécessaire, et il est plus pratique
de signer un MoU entre deux AUS de pays différents que de conclure trois MoU différents
entre les autorités de surveillance du marché du capital, du marché bancaire et du marché des
assurances de ces pays.
La structure organisationnelle de la surveillance unifiée peut être implémentée en
utilisant un des trois modèles fondamentaux suivants :
• le premier est la division sectorielle en conformité avec laquelle les structures
organisationnelles sont établies pour refléter les secteurs financiers (établissements de crédit,
marchés du capital, services d’assurances, fonds de pensions);
139
• le deuxième est une structure fonctionnelle conformément à laquelle les unités
organisationnelles sont établies en fonction des activités entreprises (attribution des licences,
consolidation ou surveillance, etc.);
• une troisième solution possible est une structure matricielle qui combine les
deux versions.
Ces trois structures organisationnelles de surveillance sont rencontrées en pratique
et le choix doit être fait en fonction des objectifs établis et des ressources disponibles.
Néanmoins, d’autres systèmes divers et hybrides de régulation et de surveillance peuvent être
rencontrés.
Un facteur clé pour qu’une structure de régulation remplisse les critères
d’efficacité est qu’elle doit refléter, au moins jusqu’à un certain point, la structure de
l’industrie réglementée. Par exemple, lorsque les banques universelles prédominent dans le
système financier, avec des activités significatives sur les marchés du capital, la régulation
combinée des banques et du marché du capital est préférée. Une autre raison pour combiner
les activités de régulation pour le marché bancaire et celui du capital est le fait que le risque
apparaît dans l’actif bilanciel. La situation des sociétés d’assurances est différente parce que,
dans ce cas, les risques principaux sont au passif. Malgré cela, la synergie entre activités
bancaires et activités d’assurances (le phénomène « bancassurance ») a mené à la situation où,
dans certains pays, ces deux secteurs sont surveillés par une autorité commune.
Une AUS doit être créée en tenant compte des caractéristiques du système
financier et du contexte international. L’apparition de conglomérats financiers est, selon nous,
l’argument principal qui relève l’importance de la flexibilité de l’AUS43. Les interconnexions
au niveau du système financier constituent des éléments fondamentaux pour l’analyse de la
stabilité financière systémique, pour la capacité d’absorption des chocs éventuels qui
pourraient affecter certaines composantes du système et pour la possibilité d’amplifier
certains déséquilibres sectoriels.
L’augmentation du nombre des conglomérats où opèrent de divers groupes
d’établissements financiers tant autochtones qu’internationaux, a incité les autorités de
régulation à chercher des modalités efficaces pour les surveiller. La surveillance fragmentée
peut causer des problèmes dans l’évaluation de tous les risques sur une base consolidée. La
question qui surgit est si le groupe comme un tout est suffisamment capitalisé et s’il a mis en
pratique des systèmes adéquats pour la gestion des risques. L’expérience a montré que la
43
Les risques que l’émergence des conglomérats financiers présente pour la stabilité financière, seront approchés
en détail au Chapitre IV.
140
surveillance effective des conglomérats financiers diversifiés impose certaines demandes liées
aux organismes de surveillance, qui ne sont généralement pas présentes dans une structure
organisationnelle simple. Pourtant, comme nous allons le constater, il y a des solutions pour la
surveillance des conglomérats au niveau national, par la constitution des comités mixtes de
surveillance, ainsi que pour la surveillance des conglomérats financiers transnationaux, par la
conclusion de MoU et par l’implémentation de pratiques internationales applicables en ce
domaine.
L’incompatibilité entre la surveillance bancaire et les objectifs de la politique
monétaire ou la concentration excessive du pouvoir au sein des banques centrales ne sont pas
des arguments plausibles. L’importance de l’aléa de moralité dont la banque centrale fait
l’objet est souvent surévaluée parce qu’il y a toujours des instruments par l’intermédiaire
desquels les actionnaires d’un établissement insolvable peuvent être sanctionnés. Quant à la
concentration du pouvoir au sein des banques centrales, on ne peut que souligner le fait que
cet argument est aussi valable lorsqu’une AUS est constituée, parce que cette institution
détiendra le monopole en termes de régulation et de surveillance du système financier.
141
seulement pour rôle de coordonner les actions, ne disposant pas de moyens d’intervention
nécessaires. Ces agences ont créé un Forum Commun pour la surveillance des conglomérats
financiers, forum qui a recommandé la constitution du Groupe Technique Mixte (GTM) dont
les représentants de tous les secteurs concernés font partie.
Gulde et Wolf (2004) décrivent brièvement la structure de la surveillance qui
existe au niveau européen. A l’intérieur de l’UE, la régulation et la surveillance se déroulent
sur trois niveaux : le Conseil ECOFIN se situe au premier niveau, au deuxième niveau les
comités des régulation votent les propositions de la Commission Européenne (CE) qui sont
liées aux mesures techniques d’implémentation, tandis qu’au troisième niveau, les comités
donnent des conseils à la CE concernant les mesures du niveau 2 et encouragent
l’implémentation des Directives de l’UE, ainsi que la convergence des pratiques de
surveillance (Tableau 8).
Un autre sujet qui a suscité des débats intenses dans la littérature, est le rôle de la
BCE dans la régulation et la surveillance du système financier. La BCE n’a pas de
responsabilités statutaires liées à cet aspect et les agences de surveillance ont une spécificité
nationale. La BCE est une institution supranationale responsable pour l’implémentation de la
politique monétaire, fait qui a de nombreuses implications au niveau de l’indépendance, de la
transparence et des responsabilités prises. La perte de la réputation de la BCE a des
conséquences plus graves que la perte de la réputation d’une banque centrale nationale.
On se pose alors la question de savoir si la BCE doit s’impliquer dans les actions
de surveillance. Nous considérons que la gestion du système de paiements TARGET ne suffit
pas pour garantir la stabilité du système financier européen et nous sommes conscients du fait
que la BCE ne peut pas jouer le rôle de prêteur en dernier ressort au niveau centralisé. La
relation entre la BCE et le groupe technique mixte devrait être plus étroite et, par conséquent,
142
l’implication de la BCE dans l’activité de surveillance plus intense. La BCE doit représenter
la liaison entre l’activité de surveillance et de régulation menée par le GTM au niveau
européen et les Banques Centrales Nationales (BCN) – les seules capables d’assurer la
fonction de prêteur en dernier ressort.
La Figure 35 présente un cadre possible de surveillance et de coopération au
niveau de l’Union Européenne qui montre la compatibilité de la surveillance sectorielle
nationale avec la structure de régulation et de surveillance au niveau central. La différence
entre la structure centralisée et celle nationale est l’inclusion du comité mixte de surveillance
au sein de la banque centrale au niveau national. Le contrôle de la banque centrale sur les
actions du comité, ainsi que son intervention rapide, en qualité de prêteur en dernier ressort,
sont nécessaires. Au niveau central, la relation entre le GTM et la BCE est informative parce
que les instruments d’intervention sont disponibles seulement au niveau national.
BCN
Comité Bancaire
Européen (CBE) BCE Comité national Surveillance du
et CSBE mixte de secteur bancaire
surveillance
Comité européen
des assurances et
des pensions GTM Surveillance du
(CEAP) et CESAP secteur assurances
Où: Représente les rapports du niveau national vers les structures européennes et qui contribuent
à une meilleure régulation et à la détermination des risques spécifiques pour chaque secteur ;
Représente les informations transmises au Comité de surveillance mixte qui a pour but
l’identification des risques au niveau de l’ensemble du système, en particulier de ceux impliqués par les
conglomérats ;
Représente l’échange d’informations qui permet l’harmonisation de la régulation entre
différents secteurs financiers et la mise en évidence des risques susceptibles d’affecter la stabilité du
système financier européen ;
Des informations liées au risque systémique au niveau national (double contrôle);
Représente l’information de la BCE et des BCN sur l’existence des risques systémiques au
niveau national et européen respectivement;
Représente la coordination au niveau de l’Eurosystème.
Source : l’auteur
143
Selon nous, s’il y a une AUS au niveau national, organisme qui exerce son activité
en dehors de la BCN, en assumant les responsabilités du comité mixte de surveillance en ce
qui concerne la surveillance des conglomérats, la structure de régulation et de surveillance
engendre un ralentissement dans la prise de décisions en cas d’instabilité financière au niveau
national et le rôle de SEBC dans la correction des déséquilibres se réduirait de façon
significative. Pour bénéficier d’une bonne coopération et coordination, le cadre de
surveillance européen et national doit avoir une structure similaire.
La littérature a aussi abordé le problème de la constitution d’une Autorité
Européenne des Services Financiers (AESF), idée qui est revenue au premier plan après le
déclenchement de la crise financière récente. Eijffinger (2001) considère que cette
préoccupation est fondée sur la tendance à l’intégration du marché bancaire et du capital et
qu’une telle institution pourrait augmenter la transparence de la surveillance bancaire en
Europe, mais elle supposera en même temps une modification du Traité.
La mise en place d’une telle structure peut être considérée pertinente, compte tenu
des tendances observées au niveau national. De plus, on constate que les autorités nationales
n’ont pas la force nécessaire pour entreprendre des interventions massives en vue de stabiliser
les marchés (voir la crise internationale des marchés financiers).
Mais, une structure de surveillance centralisée est-elle opportune ? Sans réaliser
une analyse coût-bénéfice, nous pouvons déduire qu’une coopération entre les autorités de
surveillance européennes et nationales se développe dans un cadre adéquat lorsque le même
type d’institutions est présent aux deux niveaux. Cela signifierait qu’une AUS est nécessaire
dans tous les états membres, mais nous avons déjà vu qu’un tel choix n’est pas toujours
pertinent.
Par conséquent, nous considérons qu’une structure sectorielle où la banque
centrale se comporte comme un « chapeau » (les comités mixtes agissant comme des
départements distincts au sein des banques centrales ou comme des Directions de Stabilité
Financière), est plus adéquate dans les pays où le secteur bancaire prédomine et où la banque
centrale a une expérience considérable en matière de surveillance. De plus, l’élimination des
banques centrales du système de surveillance peut conduire, d’un côté, à une rupture entre la
coordination des politiques monétaires et de stabilité au niveau national et, de l’autre côté, à
une rupture entre la coordination des politiques de régulation européennes et nationales.
La relation entre la BCE et la BCN n’est pas seulement une relation formelle
d’échange d’informations comme la relation entre l’AESF et les AUS nationales, mais il
s’agit dans ce cas d’une relation de coordination et d’action, la SEBC disposant des
144
instruments réels d’intervention pour assurer la stabilité financière. Même ceux qui militent
pour la centralisation des fonctions de surveillance, pensent parfois que ce n’est pas la
structure institutionnelle qui doit être changée mais les pratiques appliquées, et auparavant ils
proposent l’adoption de la théorie gradualiste, en particulier lorsqu’il s’agit de la surveillance
des groupes financiers.
44
La Bulgarie a récemment modifié son cadre de surveillance financière, en unifiant les agences de surveillance
pour le marché du capital et le secteur des assurances (Securities Commission, State Insurance Supervision
Agency, Insurance Supervision Agency). La Financial Supervision Commission a ainsi été créée, avec comme
objectifs la protection des intérêts des investisseurs et l’amélioration de la transparence sur les marchés
financiers.
145
réorganisation de l’activité de surveillance n’a pas été nécessaire dans ce cas, car ces pays
nouveaux ont misé dès le début sur une surveillance unifiée.
Cependant, la situation a été différente en Angleterre. La FSA a été créée en 1997
surtout à cause de l’inefficience des neuf agences de surveillance qui exerçaient leur activité
dans ce domaine. Un accord tripartite de coopération entre la Banque d’Angleterre, la FSA et
la Trésorerie a été signé, ce modèle étant copié aussi par l’Irlande. Néanmoins, ce cadre de
surveillance n’a pas fait preuve de son efficacité en 2007 lorsque, à la suite de la crise des
subprimes aux Etats-Unis, la banque Northern Rock du Royaume-Uni a été affectée. La FSA
a échoué dans sa surveillance prudentielle et la banque centrale a été obligée à intervenir en
qualité de prêteur en dernier ressort (Buiter, 2007).
La HFSA de l’Hongrie a été constituée en 2000. Les raisons principales avancées
pour réformer le cadre de surveillance ont été représentées par l’interconnexion des activités
du domaine bancaire, des assurances et des investissements financiers. On a parlé aussi de
l’idée d’une meilleure surveillance à base consolidée. Une autre raison a été pourtant
l’existence de l’arbitrage causé par les ambiguïtés législatives.
En 2002, la BaFin a vu le jour en Allemagne, une autorité unique de surveillance
subordonnée au ministère des finances, dont l’activité est financée par les contributions des
établissements surveillés. La Bundesbank a seulement conservé une implication formelle.
Toujours en 2002, une AUS a été instituée en Malte (Malta Financial Services
Authority – MFSA). Cette fois-ci, l’autorité de surveillance est tout à fait autonome et fait des
rapports annuels pour le Parlement. La décision de constituer une telle agence a été prise, tout
comme en Hongrie, à la suite d’un processus de réforme de la législation liée au système
financier.
En Belgique, en 2004, la Commission bancaire, financière et des assurances
(CBFA) dont l’objectif est la protection des déposants et des assurés, a été à son tour
constituée. De même, la CBFA est responsable du contrôle prudentiel.
Le cadre de surveillance unifié le plus récent est cependant apparu en Pologne, le 1
janvier 2008, par la constitution de Polish Financial Supervision Authority (PFSA). Dans
cette situation aussi, l’argument avancé a été la présence des conglomérats financiers et leur
importance. Avant la création de la PFSA, la surveillance bancaire a été exercée par la
Commission de Surveillance Bancaire. Finalement, on a constaté que l’unification de la
surveillance a été une décision politique, n’étant pas la meilleure solution, et la banque
centrale est restée de facto responsable pour la surveillance du secteur bancaire de Pologne.
146
Nous observons donc que la surveillance unifiée est en vogue en Europe. Pourtant,
certaines AUS ne remplissent pas les conditions d’indépendance, de crédibilité ou de
définition claire des objectifs. En Allemagne, l’activité de la BaFin est financée par les
contributions des institutions surveillées, ce qui peut conduire, comme nous l’avons vu, à des
pressions de ces établissements sur l’AUS. En Hongrie, le cadre législatif laissait la place aux
interprétations et au phénomène d’arbitrage, situation qui a rendu nécessaire la modification
du système de surveillance. En Pologne, l’activité de surveillance de la commission bancaire
était insuffisante.
De nombreuses études se sont concentrées sur l’identification économétrique des
facteurs qui mènent à la modification du cadre institutionnel de surveillance du système
financier. Leurs résultats montrent que l’unification de la surveillance s’est produite surtout
dans les états où le marché du capital occupe une place importante, où la capitalisation du
marché est élevée, où la présence des conglomérats est significative et où il y a des pratiques
de bonne gouvernance, caractérisées par une haute qualité des services et par la gestion des
interférences politiques dans le choix des gouverneurs (Masciandaro, 2004; Feyler, 2008). De
même, un facteur important influençant la constitution d’une AUS est la faible expérience et
implication des banques centrales dans l’activité de surveillance. L’indépendance, l’autorité et
la crédibilité sont tout aussi importantes. Si la faible implication des banques centrales
représente un statu quo, les autorités ne désirent pas voir cette implication augmenter pour
éviter le hasard moral et les effets bureaucratiques (Masciandaro, 2007). On appelle cela
« l’effet de fragmentation de la banque centrale » (central bank fragmentation effect).
Selon Abrams et Taylor (2000), l’unification de la surveillance doit tenir compte
de quelques facteurs clé : les exigences préalables nécessaires pour la surveillance
(indépendance, crédibilité, responsabilisation, objectifs) ; l’efficacité du cadre de régulation
(présence des conglomérats, risque d’arbitrage, problèmes de coordination) et la structure du
système financier (prépondérance du système bancaire, banques universelles).
La situation de la Roumanie n’appelle pas à la nécessité de mettre en place une
AUS. Le système financier roumain est caractérisé par un faible niveau d’intermédiation et la
présence des sociétés d’assurances et d’investissements financiers est réduite. Le secteur
dominant est le secteur bancaire et la BNR jouit de l’indépendance et de la crédibilité
nécessaire pour en exercer la surveillance. Les objectifs de la surveillance sont clairs et le
problème de l’arbitrage en matière de surveillance n’existe pas. Le cadre législatif ne laisse
pas place aux interprétations, chaque autorité ayant des objectifs précis à accomplir. Dans le
147
même temps, le cadre de surveillance est compatible avec celui qui existe au niveau central et
peut ainsi assurer un flux approprié d’informations.
Le problème des conglomérats semble être le seul aspect pressant, mais il peut être
géré par un comité mixte de surveillance. Les conglomérats présents en Roumanie sont
principalement de nature bancaire. Parmi ceux-ci nous pouvons énumérer: Allianz, ING
Group, Société Générale, Unicredito, San Paolo, Raiffeisen, la Banque Nationale de Grèce ou
Alpha Bank. La plupart de ces conglomérats sont des actionnaires des banques ou des sociétés
d’assurances de personnes juridiques roumaines. Leur surveillance est donc faite par les
autorités nationales de régulation et elle est devenue un sujet de grande importance. La
législation nationale (en conformité avec la Directive 2002/87/CE sur la surveillance
supplémentaire des conglomérats financiers) institue la possibilité selon laquelle la
surveillance supplémentaire soit exercée au niveau de chaque groupe qui remplit les
caractéristiques d’un conglomérat financier.
La BNR a pris d’autres mesures pour contrer le risque systémique lié à la présence
des conglomérats financiers. Par l’harmonisation de la législation avec l’acquis
communautaire, la BNR a la possibilité de faire un échange d’informations avec les autorités
de surveillance des pays partenaires. Ainsi, la BNR a signé quelques MoU avec les autorités
de régulation et de surveillance des pays tels que Chypre, la Grèce, l’Italie, l’Allemagne,
l’Hollande, la France, l’Hongrie (pays d’origine de principaux conglomérats présents en
Roumanie).
L’échange interne d’informations entre les autorités de surveillance est très
important. Le processus de collaboration entre la BNR et les autres autorités de surveillance
n’est pas assez transparent même si un protocole de coopération a été signé, protocole qui
stipule la délimitation claire des responsabilités, la transparence et le professionnalisme, la
coopération dans l’élaboration des initiatives législatives et des régulations spécifiques,
l’efficience, l’échange continu d’informations et la confidentialité.
Les rencontres dans le cadre du Protocole signé le 10 mars 2006 entre la BNR, la
CNVM et la CSA, et auquel la CSSPP a aussi adhéré ultérieurement, sont organisées à
fréquence trimestrielle, au niveau du management supérieur des quatre autorités, avec la
participation du gouverneur de la BNR, du président de la CNVM et des présidents de la CSA
et de la CSSPP ou des personnes désignées à les remplacer. Cinq comités mixtes ont été
constitués après la signature de ce protocole : le Comité de Stabilité Financière ; le Comité de
Surveillance et Contrôle ; le Comité de Régulation ; le Comité Systèmes de Paiements ; le
Comité Statistiques Financières.
148
Comme nous l’observons, le processus de collaboration a une structure
fonctionnelle. L’échange d’information peut être ralenti lors des périodes d’instabilité
financière du fait de l’absence d’une image unitaire sur le risque systémique. Cependant, ces
comités ne fonctionnent pas au sein de la BNR et la fréquence trimestrielle des rencontres est
réduite. De plus, il n’y a pas de stipulations sur la possibilité d’organiser des séances
extraordinaires ou sur les conditions qui pourraient y conduire. Nous soutenons l’idée que la
BNR devrait remplir la fonction d’institution coordonnatrice à l’intérieur du Protocole, car
elle reste l’institution qui dispose des moyens pouvant être utilisés pour prévenir les crises.
En suivant les recommandations du Conseil ECOFIN, un accord supplémentaire a
été signé en 2007, entre le Ministère de l’Economie et des Finances, la BNR, la CNVM, la
CSA et la CSSPP pour une coopération dans le domaine de la stabilité financière et de la
gestion des crises financières et pour faciliter l’échange d’informations entre les autorités
nationales qui ont des attributions pour préserver la stabilité financière. Cet accord a été le
fondement pour la constitution du Comité National pour la Stabilité Financière.
Une surveillance supplémentaire demandée par la présence des conglomérats
financiers ne suppose pas la renonciation à la surveillance de chaque secteur financier. En
Roumanie, les cinq comités mixtes fonctionnels doivent transmettre une image d’ensemble
sur la stabilité du système. C’est pourquoi une réorganisation de ces comités mixtes au sein
d’un seul Comité Mixte de Surveillance (sur l’égide de la BNR) pourrait être réalisée pour
rendre le processus de collaboration entre les autorités de surveillance plus opérationnel.
149
Conclusion du Chapitre
Le contrôle du secteur financier est en général plus rigoureux et plus intensif que
celui d’autres secteurs et représente un pilier de la stabilité financière. Traditionnellement, les
responsables du contrôle bancaire sont chargés de l’analyse individuelle des performances
bancaires, ainsi que des inspections approfondies, et doivent intensifier la surveillance, ou
parfois doivent intervenir, lorsqu’une banque ne respecte pas les normes minimales destinées
à assurer la solidité financière. La surveillance et la régulation se sont orientées ces dernières
années vers un cadre macro-prudentiel, notamment du fait des plus grandes interdépendances
entre les acteurs financiers.
Aussi, une question essentielle est de savoir si les banques centrales, institutions
chargées de la surveillance du secteur bancaire, doivent intervenir aussi sur d’autres segments
du secteur financier, comme par exemple sur le marché du capital. L’évolution des prix des
actifs boursiers peut mettre en danger la stabilité du système entier, d’autant plus que les
liaisons entre le marché du capital et le marché bancaire se sont intensifiées. Une alternative
serait pourtant la constitution d’une AUS chargée de la surveillance de tout le système
financier.
Les arguments pour et contre le maintien de la fonction de régulation et de
surveillance du secteur bancaire à l’intérieur des banques centrales s’équilibrent, aucune des
deux thèses n’éliminant pas l’autre. Néanmoins, dans le cas des économies en développement,
y compris les anciennes économies planifiées et aujourd’hui en transition, plusieurs facteurs
font pencher la balance pour l’intégration de cette fonction au sein des banques centrales.
Beaucoup de banques centrales de ces pays ont été réformées et jouissent des garanties solides
en ce qui concerne leur indépendance (parfois garantie par la constitution). La position de leur
gouverneur est souvent bien assurée, et les banques centrales jouissent de sources propres de
financement.
Il faut mentionner le fait que la modification de la structure de régulation ne peut
pas garantir une surveillance efficace et la tendance récente au niveau européen de constituer
une AUS ne représente pas toujours la meilleure solution. Buiter (2007) considère qu’après
l’échec dans la prévention des turbulences financières de la fin 2007, la structure de
surveillance du Royaume-Uni, la FSA, a fait preuve de sa faiblesse et incapacité. Les banques
centrales doivent rester impliquées dans ce processus parce qu’elles sont les institutions qui
disposent des instruments nécessaires pour corriger des déséquilibres.
150
Par leur participation à l’Eurosystème et par les informations qu’elles détiennent,
les BCN peuvent accumuler un avantage en termes de contrôle prudentiel et de gestion du
risque systémique. Les BCN sont une composante à la fois de la structure de l’UE et des
institutions nationales, et cela peut présenter un avantage pour trouver des solutions aux
questions internationales ou aux questions liées au bon fonctionnement de l’Eurosystème. A
la différence des BCN, les agences nationales de surveillance distinctes des banques centrales,
ont un mandat exclusivement national et ont seulement des liaisons formelles ou parfois
informelles avec le Ministère des Finances de leur pays. Ces agences montrent un intérêt très
limité pour les aspects systémiques.
Le choix d’un certain régime de surveillance a pourtant une nature endogène,
dépendant de la structure de l’économie et des institutions, du contexte mais aussi de la
définition assignée aux safety nets de la stabilité financière. En même temps, il faut prendre
en considération un horizon de moyen ou long de terme.
Le cadre de régulation et de surveillance de Roumanie suppose une activité de
surveillance sectorielle. Début 2001, le Gouvernement de Roumanie proposait la constitution
d’une agence intégrée de surveillance financière, initiative qui n’a pas été poursuivie car
considérée comme prématurée. L’idée d’une surveillance consolidée du système financier
prenait en considération les tendances manifestées au niveau mondial et à l’intérieur de l’UE.
Nous avons montré qu’une structure unifiée de surveillance n’est pas opportune
pour instant. Le cadre existent reflète la structure du système financier où le secteur bancaire a
un poids significatif. La constitution des comités mixtes de surveillance assure la
compatibilité avec le cadre de surveillance en construction au niveau de l’Union et augmente
en même temps l’efficacité dans la prise de décisions. Néanmoins, la structure fonctionnelle
de ces comités mixtes devrait être réexaminée et réorganisée pour avoir une image systémique
adéquate. De plus, le comité mixte devrait fonctionner sur la tutelle de la BNR qui est la seule
institution disposant des instruments pour remédier aux déséquilibres.
Nous n’excluons pas la possibilité de repenser à l’avenir la surveillance financière
en Roumanie. L’un des plus importants éléments sera la modification du cadre de surveillance
au niveau européen, par la constitution d’une AESF (solution fortement rejetée par les
autorités roumaines lors du sommet européen organisé en octobre 2008). Une autre raison
serait l’échec de la coopération dans la surveillance des conglomérats. Cependant, l’exclusion
de la BNR de l’activité de surveillance n’entraînerait, dans les conditions actuelles, aucune
amélioration du cadre de surveillance financière.
151
III. Banques centrales et stabilité financière
45
Les conditions préalables pour assurer un système financier solide et stable sont (Schinasi, 2004) : la stabilité
macroéconomique et un cadre politique pour la maintenir ; une stratégie adéquate pour la régulation financière et
pour la surveillance (y compris l’infrastructure concernée : des codes bien établis, des standards et une partique
d’affaires) et, au sens plus large, des structures pour inciter le secteur privé et un système légal qui permet des
contrats financiers privés productifs.
152
ressort, soit par le FMI qui a le rôle de veiller au fonctionnement approprié du système
financier international. Ces interventions ont généré l’aléa de moralité, les institutions privées
n’étant pas assez impliquées dans la résorption des déséquilibres (Begg, 2005 ; Marini, 2003).
On a constaté que l’amélioration de la discipline de marché, de la coopération et de la
transparence entre les participants du marché seraient une meilleure solution pour corriger les
déséquilibres. Des efforts joints du secteur privé et des autorités sont nécessaires parfois pour
surmonter des périodes difficiles.
Les institutions qui jouent le rôle le plus important pour assurer la stabilité
financière restent cependant les banques centrales. Les objectifs les plus importants de ces
institutions sont la stabilité des prix et la stabilité financière. Pour accomplir l’objectif de
stabilité financière, elles peuvent utiliser une large gamme d’instruments tels que la
promotion d’une transparence élevée du système, l’identification des risques, le renforcement
de l’infrastructure financière et la conscientisation des participants des marchés financiers par
rapport aux vulnérabilités du système, la coopération avec d’autres institutions qui surveillent
les marchés financiers46 et l’assurance de la liquidité du système, en qualité de prêteur en
dernier ressort. Les banques centrales peuvent atteindre leur but seulement si elles analysent
de façon régulière les risques qui menacent le système financier, en réalisant un audit
permanent du système. De même, les banques centrales doivent entreprendre des mesures
préventives pour rendre le système moins vulnérable aux crises et pour renforcer sa résistance
face aux chocs.
Ce chapitre est structuré de la façon suivante : la première section analyse les
objectifs de stabilité des banques centrales. La deuxième met l’accent sur les fonctions
traditionnelles de stabilité tandis que la dernière présente les principales démarches
entreprises par la BNR en vue d’assurer la stabilité financière.
Le rôle des banques centrales dans la stabilité a une longue tradition et tend à
revenir au premier plan. Les objectifs directs, à moyen et long terme, de la politique
monétaire (la stabilité des prix par exemple) sont compatibles avec l’objectif de stabilité
46
En conformité avec la terminologie anglo-saxonne, nous considérons les marchés du capital comme les places
boursières des actions, des obligations et d’autres titres financiers. Les marchés financiers comprennent le
marché du capital mais aussi le marché monétaire, le marché du crédit et le marché des devises.
153
financière du système. Les deux objectifs doivent constituer un support pour une croissance
économique solide et, encore plus, pour un développement durable. Bårdsen et al. (2006)
parlent même d’un rôle des banques centrales dans le ciblage de la stabilité financière, qui
suppose une analyse des menaces potentielles pour la stabilité, une évaluation des prévisions
et la mise en œuvre des actions liées à la gestion des risques.
Les institutions qu’on connaît aujourd’hui comme des banques centrales, ont été
constituées au début comme des banques commerciales ou gouvernementales. Leur
transformation en banques centrales, telles qu’on les connaît aujourd’hui, résulte de leur
pouvoir de monopole dans l’émission de billets et aussi de leur rôle dans la gestion de la
stabilité du secteur bancaire.
Depuis longtemps, on a eu besoin d’un garant pour le fonctionnement du système
bancaire. La nécessité d’un tel garant naît de la nature même du système bancaire et de son
importance dans le système économique. Pour éviter les paniques bancaires, on doit pouvoir
de transformer à tout moment les actifs bancaires en liquidité sur le marché mais cela est
impossible sans une autorité publique qui peut faciliter cette action. La banque centrale
fournit les moyens de règlements qui sont essentiels pour maintenir la stabilité financière.
La stabilité des prix n’était pas l’objectif principal de ces institutions à leur
création. Selon Paul Volcker, le FED a d’abord été le système qui assurait la stabilité
financière, puis le gérant de la stabilité monétaire (Schinasi, 2003).
Trichet (1994) avance une opinion plus nuancée qui accepte le rôle de la banque
centrale dans la stabilité financière mais qui considère la stabilité des prix comme le principal
objectif historique de ces institutions. Il considère que, parmi les trois fonctions historiques
des banques centrales –la stabilisation macroéconomique, la banque des banques et la banque
du Gouvernement– la première est la plus importante. Selon lui, la fonction de « banque des
banques » fait partie d’un concept beaucoup plus large, d’assurance de la stabilité du secteur
financier, tandis que la stabilisation macroéconomique porte sur la stabilité des prix. Goodhart
(2000), pour qui les banques centrales ont été constituées pour accomplir trois grands
objectifs –la stabilité monétaire, la stabilité financière et le soutien financier accordé à leur
propre Gouvernement (en situation de guerre) – s’inscrit dans la même direction.
154
Après la crise du Système Financier International des années 1972-1973, les
pressions inflationnistes se sont intensifiées et l’inflation a atteint des niveaux inquiétants
(Figure 36). Par conséquent, les efforts des banques centrales se sont dirigés vers la réduction
de l’inflation, action qui est devenue l’objectif principal de ces institutions.
18
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2004
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19
155
peut contribuer à des meilleures performances économiques47. Deuxièmement, on remarque
les transformations du secteur financier à la suite de la libéralisation, les innovations
financières et la croissance de la mobilité des capitaux. Confronté à ces évolutions, le central
banking a évolué sur quelques points. La stabilité du taux de change a été de plus en plus
problématique et l’ancrage tel les agrégats monétaires, s’est érodé. Tous ces éléments ont
déterminé, vers la fin du siècle dernier, une réorientation de la stratégie de politique monétaire
vers le ciblage direct de l’inflation.
L’objectif de stabilité des prix est important pour un bon fonctionnement de
l’économie qui exige la confiance des investisseurs et permet un essor économique soutenu.
Cependant, on a constaté dernièrement que les déséquilibres financiers se manifestent aussi
dans les économies à inflation réduite et les conséquences graves des crises affectent aussi
bien la confiance des investisseurs que la croissance économique. Compte tenu de tous ces
aspects et du développement des marchés du capital dans les économies modernes et de leur
intégration au niveau international, les autorités monétaires ont concentré leur attention sur la
stabilité financière qui est devenue le deuxième objectif principal, à côté de la stabilité des
prix48.
Le débat ne fait pas l’unanimité sur le fait que les banques centrales doivent
s’impliquer dans l’assurance de la stabilité du système financier. En conformité avec la
théorie free-banking (l’idée selon laquelle le système financier peut fonctionner sans la
présence des banques centrales), la stabilité du système est assurée par les règles du marché.
Les garanties apportées au système par la banque centrale peuvent générer l’aléa moral et
peuvent mener à la prise des risques supplémentaires.
Goodhart et Schoenmaker (1993) argumentent que le secteur privé peut gérer le
système de paiements sans l’intervention de la banque centrale, seulement à condition qu’il
47
Les banques centrales disposent d’une variété d’instruments pour accomplir l’objectif de stabilité des prix,
dont le plus important est de loin le contrôle du niveau nominal du taux d’intérêt à court terme (Capie et al.,
1994).
48
Il y a même des auteurs qui soutiennent que la stabilité financière doit rester le seul objectif des banques
centrales. Tymoigne (2006) fait une comparaison entre le cadre « post–keynésien » et le « nouveau consensus »,
en leur adressant une série des critiques. Selon lui, le cadre post-keynésien et le nouveau consensus établissent
pour les banques centrales des tâches erronées (inflation, courbes spéculatives) et un instrument d’intervention
erroné, le taux d’intérêt. Il soutient que la banque centrale doit concentrer son attention sur le maintien de la
stabilité financière, laissant d’autres institutions publiques s’occuper des autres problèmes. L’instrument de
travail des banques centrales devrait être l’analyse de la fragilité du système financier et de différents secteurs
économiques. Premièrement, les banques centrales doivent être toujours prêtes à intervenir en qualité de PDR et
à agir comme le garant de la liquidité. Deuxièmement, pendant les périodes de tranquillité, les banques centrales
peuvent promouvoir la stabilité financière en assurant la stabilité des taux d’intérêt, mais le taux d’intérêt ne
représente pas un instrument effectif d’intervention. Troisièmement, le taux d’intérêt devrait être fixé à un niveau
qui favorise l’emploi.
156
puisse obtenir des informations suffisantes et une surveillance en temps réel de toutes les
institutions financières. Pourtant, cela n’arrive pas en pratique.
La théorie du free-banking représente une théorie extrême du libéralisme financier,
dont le nombre d’adeptes continue à diminuer parce que la nécessité de la régulation des
marchés financiers a été démontrée, surtout après le déclenchement des crises financières
récentes. Cette théorie reste selon Capie et al. (1994) « seulement une pratique académique ».
Il est vrai cependant qu’il faut repenser l’activité des banques centrales si on
considère la stabilité financière comme leur deuxième objectif. Les opinions des économistes
qui portent sur le besoin de réformer l’activité des banques centrales, sont influencées par la
nature de leur activité. (Capie, 2005). Le principal courant d’économistes fait référence par
exemple au compromis entre inflation et chômage. Les économistes mathématiciens essaient
de construire un indicateur d’indépendance. Les économistes journalistes considèrent le Traité
de Maastricht comme un modèle à suivre. Les économistes à affinités politiques parlent de la
nécessité de l’existence d’une banque centrale dans une démocratie où le système opère
effectivement. Enfin, les économistes qui s’intéressent à l’histoire économique (historical
bent), pensent tout de suite aux facteurs et aux circonstances qui ont guidé le fonctionnement
effectif et efficace des banques centrales.
Néanmoins, traditionnellement on considère que la banque centrale contribue à
l’assurance de la stabilité financière en garantissant un système de paiements efficient
(Jacobson et al., 2001). Selon ces auteurs, il faut en même temps surveiller de manière
attentive le système bancaire. La surveillance du système bancaire, celle des systèmes de
paiements et celle des actions de prêteur en dernier ressort sont rangées parmi les fonctions
microéconomiques des banques centrales tandis que la fonction macroéconomique de ces
institutions porte sur la stabilité des prix (Capie et al., 1994 ; Fry et al.,1996).
Le rôle de la banque centrale en matière de stabilité doit être étendu au-delà de ses
fonctions traditionnelles. Nous considérons que la banque centrale n’est pas responsable
seulement de la stabilité du secteur bancaire, mais aussi de la stabilité du système financier
dans son ensemble. La confiance dans la valeur de la monnaie est une condition nécessaire
pour accomplir l’objectif de stabilité financière et, inversement, un système financier stable
contribue à l’achèvement de l’objectif de stabilité des prix. « L’assurance de la stabilité du
système financier devient un attribut essentiel de la banque centrale, soutenant son objectif
fondamental qui est l’assurance de la stabilité des prix » (Georgescu, 2006).
Les banques centrales recherchent traditionnellement la stabilité financière par la
politique d’open-market, la participation au système d’assurance-dépôts, la fonction de
157
prêteur en dernier ressort, la garantie du fonctionnement des systèmes de paiements et la
surveillance du secteur bancaire. La dimension macro-prudentielle de la stabilité financière
rend pourtant nécessaire la surveillance de la stabilité de tout le système financier et les
banques centrales disposent pour cela de deux modalités, l’évaluation des risques potentiels
qui peuvent affecter la stabilité du système et l’évaluation de la solidité du système financier
et sa capacité de résister aux chocs. Dans ces conditions, l’objectif de la politique monétaire et
de la politique de stabilité convergent.
158
Isărescu (2006) réalise une classification de la littérature qui porte sur la relation
entre stabilité des prix et stabilité financière. Ainsi, il distingue une approche conventionnelle
(selon laquelle les deux types de stabilité se soutiennent et s’alimentent de façon réciproque à
long terme) et une approche new environment (selon laquelle une stabilisation des prix à des
niveaux réduits crée un environnement économique nouveau où la stabilité financière n’est
plus garantie). La théorie new environment est décrite par Bieri (2004) et Caruana (2005)
comme une nouvelle école de pensée qui suggère qu’une inflation réduite et stable peut rendre
le système financier encore plus vulnérable devant les menaces d’un boom des prix des actifs.
Cette théorie est liée au phénomène « great moderation » décrit dans la section qui porte sur
les crises financières récentes. Cependant, aucune des théories ne parlent du compromis entre
stabilité financière et stabilité des prix.
Le compromis entre les deux objectifs, compris comme la renonciation à l’un des
objectifs en faveur de l’autre, est généralement présenté sous la forme d’un compromis de
court terme (Feldman et Watson, 2002 ; Goodhart, 2000 ; Goodhart et al., 2004b et Allen et
Wood, 2006). Ces auterus considèrent que les objectifs de stabilité des prix ne sont pas
toujours identiques à ceux de stabilité financière. De cette façon, quelques objectifs liés à la
stabilité des prix peuvent engendrer l’instabilité du système financier.
Dans un environnement économique où les contraintes de capital influencent
l’activité, représentant des conditions économiques adverses, une politique monétaire
expansionniste peut aggraver la fragilité financière parce que les liquidités supplémentaires
injectées par la banque centrale peuvent être utilisées de manière erronée par certaines
banques, détériorant leur position de capital et par conséquent mettant en danger la stabilité
financière de tout le secteur.
Un autre exemple pour un compromis possible est la situation où l’économie
traverse une période inflationniste et où les banques sont vulnérables. Pour contrer les
pressions inflationnistes, les banques centrales procèdent normalement à une augmentation
des taux d’intérêt. Compte tenu le fait que la banque centrale obtient des informations sur la
fragilité du système par l’intermédiaire de la surveillance des établissements de crédit et
qu’une augmentation des taux d’intérêt sur le marché pourrait amplifier cette vulnérabilité, la
banque centrale y renonce, échouant ainsi dans l’accomplissant de l’objectif d’inflation.
De l’autre côté, des arguments selon lesquels stabilité des prix et stabilité
financière sont compatibles, peuvent être avancés. Mishkin (1997) montre qu’une croissance
soutenue du niveau général des prix, ainsi qu’une baisse de ce niveau en deçà des attentes des
agents économiques, présentent de potentielles sources d’instabilité. Dans une économie
159
caractérisée par un taux d’inflation modéré ou faible, les crédits sont attribués à long terme,
généralement à taux d’intérêt fixe. Un processus désinflationniste rapide peut conduire à des
taux d’intérêt élevés, à une baisse des cash-flows et à une augmentation de l’instabilité
financière. C’est pourquoi les autorités doivent prêter beaucoup d’attention à la solidité du
système financier et à l’activité de régulation lorsqu’elles souhaitent réduire brusquement
l’inflation.
Jacobson et al. (2001) pensent aussi que les objectifs de stabilité des prix et de
stabilité financière ne sont pas toujours assimilables, mais quelques éléments laissent penser
que le « compromis » entre stabilité des prix et stabilité financière ne pose pas de problèmes
majeurs. Un argument historique est le fait que les crises bancaires ont souvent trouvé leur
origine dans la situation macroéconomique, dans les variables macroéconomiques
fondamentales et dans les politiques macroéconomiques inappropriées. En même temps, une
politique monétaire dont le but est la stabilité des prix, réduit ces risques. Un autre argument
est lié au fait que les banques centrales disposent réellement de certains instruments qui leur
permettent d’agir pour atteint l’objectif de stabilité des prix et pour assurer la stabilité du
secteur financier.
L’inexistence du compromis est prouvée aussi par le fait que le système bancaire
est le canal de transmission par l’intermédiaire duquel la politique monétaire produit des
effets sur l’économie réelle (Oosterloo et De Haan, 2004 ; Schinasi, 2003 et Mercs, 2004). Si
on suppose que le système bancaire connaît des déséquilibres, il serait beaucoup plus difficile
pour la banque centrale d’évaluer la liquidité nécessaire pour atteindre les objectifs
monétaires. L’efficacité de la politique monétaire dépend en général du développement et de
la stabilité du système financier. Dans le même temps, l’accès de la banque centrale aux
informations macro-prudentielles est une condition d’efficacité dans la gestion des crises qui
affecte la stabilité monétaire.
Selon nous, le « conflit » entre stabilité des prix et stabilité financière ne peut
exister qu’à court terme et seulement si l’on sacrifie l’objectif d’inflation pour maintenir la
stabilité financière. Ces objectifs convergent à moyen et long terme. Par exemple, lors la crise
récente des marchés financiers internationaux, de nombreuses banques centrales ont injecté
des liquidités sur le marché, sacrifiant à court terme l’objectif d’inflation en faveur de la
stabilité financière.
Concernant l’argument selon lequel la politique monétaire expansionniste peut
aggraver la fragilité financière, il est clair qu’une politique expansionniste a en premier lieu
un impact négatif sur la stabilité des prix. Quant au fait que les banques centrales renoncent à
160
la décision d’augmenter les taux d’intérêt si elles considèrent que cette décision affecte
négativement la solidité du secteur bancaire, cette décision peut être justifiée parce qu’une
éventuelle crise bancaire n’engendre pas seulement des pressions inflationnistes, mais aussi
des coûts économiques et sociaux importants.
L’objectif de stabilité financière devrait être considéré comme un objectif
prioritaire des banques centrales. Nous considérons qu’à présent la plupart des banques
centrales ont gagné la lutte contre l’inflation. Ce sont les périodes de grave instabilité
financière qui mettent en danger la réalisation de leurs objectifs et les actions des banques
centrales devraient donc se concentrer davantage sur ces aspects. On a besoin d’un policy mix
entre politique monétaire et politique de régulation et de surveillance de sorte que les deux
objectifs soient atteints.
La stabilité financière est une condition fondamentale pour une croissance
soutenable, au moins aussi importante que la stabilité des prix. Selon Schinasi (2004), un
système financier stable accroît les performances économiques sur plusieurs plans, tandis
qu’un système instable réduit la performance économique.
Lorsque la stabilité financière est absente, la stabilité des prix et la croissance sont
affectées. « L’assurance de la stabilité financière représente une fonction de premier rang
pour les banques centrales modernes, tout aussi importante que les opérations de marché et
l’implémentation de la politique monétaire » (Sinclair, 2000).
161
investisseurs internationaux. A l’intérieur de l’Union Economique et Monétaire, le rôle des
banques centrales dans la prévention des déséquilibres à l’aide des mécanismes de politique
monétaire, est sensiblement réduit. Par conséquent, le problème qui apparaît est de savoir si la
BCE ne devrait pas participer directement à l’élimination de tels déséquilibres qui peuvent
déstabiliser les systèmes financiers.
La BCE n’a pas d’objectifs statutaires dans le domaine de la stabilité, à l’exception
de la surveillance des systèmes de paiements. Si la stabilité des prix est plusieurs fois
mentionnée dans le Traité de Maastricht en tant qu’objectif premier de l’Eurosystème, il n’y a
pas de responsabilité directe de la BCE concernant la stabilité financière.
En Roumanie, la Loi no. 312/2004 sur le statut de la Banque Nationale de
Roumanie prévoit à l’Art.2 (1) que « l’objectif fondamental de la Banque Nationale de
Roumanie est l’assurance et le maintien de la stabilité des prix ». En conformité avec cette
loi, les attributions principales de la BNR dans la stabilité financière sont la régulation et la
surveillance prudentielle des établissements de crédit et la promotion et la surveillance du bon
fonctionnement des systèmes de paiements.
Dans le premier rapport de stabilité élaboré par la BNR en 2006, on retrouve l’idée
que la stabilité des prix est, traditionnellement, la principale responsabilité des banques
centrales. Le même rapport indique que la BNR a un rôle bien précisé dans l’assurance de la
stabilité financière, celle-ci étant considérée comme le deuxième objectif principal de la BNR.
Nous analysons maintenant les fonctions traditionnelles des banques centrales en
termes de stabilité financière, fonctions généralement appelées les « safety nets » de la
stabilité, et nous mettons en évidence les actions récentes menées par la BNR pour assurer la
stabilité financière.
162
traditionnelles de la majorité des banques centrales relevant des fonctions de stabilité
financière.
Crockett (2000) affirme qu’une source potentielle de distorsion qui affecte la
participation des acteurs sur le marché est la faible présence des safety nets, définis ici comme
aspects englobant « les mécanismes supposés pouvoir combattre les conséquences
défavorables des déséquilibres financiers, et rétablissant en même temps la confiance dans le
système financier ».
Dans cette section, nous analysons chaque fonction de stabilité, en présentant
d’abord la littérature qui porte sur le sujet concerné, pour essayer ensuite de voir qu’elles sont
les caractéristiques de ces fonctions au niveau de l’Union Européenne et au niveau du secteur
financier roumain. Une telle approche nous permet d’adopter une attitude propre sur
l’importance de chaque fonction pour assurer la stabilité financière mais aussi pour comparer
les cadres européen et national dans la perspective de l’accession de la Roumanie à l’Union
Economique et Monétaire.
163
le marché en vue d’accomplir l’objectif de stabilité des prix, l’exercice de la fonction de
prêteur en dernier ressort – PDR (Lender of Last Resort) a comme fondement l’assurance de
la stabilité financière. L’instrument d’open market représente une pratique courante des
banques centrales tandis que l’action de prêteur en dernier ressort est discrétionnaire se
manifestant dans des conditions extrêmes. Les opérations d’open market sont utilisées aussi
bien par la BNR que par la BCE pour réguler la liquidité du système.
164
dépôts en même temps, la banque concernée est contrainte de vendre une partie de ses actifs
illiquides en subissant des pertes. Les déposants décident de retirer leurs fonds sans tenir
compte des conséquences sur la valeur de la banque (ils n’estiment pas le résultat de leur
action). Ces retraits peuvent générer une panique et déstabiliser tout le système financier
parce que soit les déposants se dirigent vers des banques solides, soit concervent leurs
liquidités en numéraire.
Ainsi, des études comme celle de Leaven (2004) soutiennent que les pays qui ont
mis en place explicitement un système d’assurance-dépôts, ont enregistré une croissance plus
lente de leur dette financière.
De l’autre côté, d’autres défendent l’idée selon laquelle un tel système n’est pas
opportun. Boot (2001) et Allen et Wood (2006), par exemple, soutiennent que l’assurance-
dépôts incite les dirigeants des banques à prendre plus de risque et agit comme un facteur qui
réduit l’incitation du secteur privé à protéger sa propre stabilité financière. L’assurance-dépôts
protège les déposants contre une faillite éventuelle de la banque, mais elle réduit leur initiative
à surveiller la solvabilité de la banque auprès de laquelle ils constituent leurs dépôts.
Un autre problème qui a suscité des débats est lié à la sphère qui doit être couverte
par ce système. Rochet (2004) fait une distinction entre deux catégories de banques : celles
qui doivent et celles qui ne doivent pas bénéficier du système d’assurance-dépôts et de la
liquidité de la banque centrale. Les banques faiblement exposées au risque peuvent bénéficier
de l’assurance-dépôts et, en cas de chocs macroéconomiques, elles recevront de l’assistance
en liquidités, fournies par la banque centrale. Elles doivent détenir un certain capital
réglementaire et doivent contribuer au fonds d’assurance-dépôts en fonction de leur degré
d’exposition. En revanche, les banques fortement exposées au risque seront contraintes de
détenir un certain capital réglementaire et de contribuer au fonds d’assurance-dépôts même si
elles n’en sont pas protégées.
Les doutes liés à l’assurance-dépôts sont apparus toujours aux Etats-Unis, où les
artisans de la FDICIA (Federal Deposit Insurance Corporation's Improvement Act) ont
considéré en 1991 que le système d’assurance, qui couvrait à 100% les dépôts, a incité les
banques à prendre plus de risque et les autorités ont décidé de fermer plusieurs institutions
avant qu’elles ne deviennent insolvables. Cette démarche a affecté la crédibilité des
surveillants et la décision de fermer certaines banques a été prise sans tenir compte des effets
de contagion (Goodhart, 2005).
Comme l’illustrent de nombreux exemples historiques, les phénomènes de
contagion parmi les déposants peuvent être déclenchés par des facteurs tout à fait irrationnels,
165
par des chocs exogènes ou par des asymétries informationnelles. Selon nous, la banque
centrale (à côté d’autres institutions publiques) doit assurer le bon fonctionnement du système
financier. En absence de ces safety nets, tel le cadre d’assurance-dépôts, un choc négatif sur
l’économie pourrait inciter les déposants à retirer leurs dépôts, même ceux constitués auprès
des banques solvables, provoquant une grave crise financière et réelle. L’implication de la
banque centrale est importante car, premièrement, la banque centrale connaît les signaux du
marché qui indiquent le déclenchement d’une possible panique bancaire et, deuxièmement,
l’intervention doit être pompte alors que les gouvernements, soumis à des contraintes
politiques, ne peuvent pas toujours prendre une décision rapide.
166
Bichi (2006)50 soutient qu’au niveau de l’UE, les garanties de stabilité ont une
orientation nationale. Il souligne aussi la diversité des modalités d’organisation du système
d’assurance-dépôts, qui est présentée dans le Tableau 9 :
50
IMF – NBR Regional Seminar on Financial Stability Issues, Sinaia, le 7-9 novembre
51
Deposit guarantee schemes.
52
L’Ordonnance no.10 de 22/01/2004, publiée dans le Moniteur Officiel, Partie I no. 84 de 30/01/2004 - sur la
procédure de réorganisation judiciaire et la faillite des institutions de crédit.
53
Le Fonds d’assurance-dépôts a été établi en Roumanie en 1996 par l’Ordonnance Gouvernementale,
no.39/1996. En 2006, le plafond d’assurance garanti pour chaque déposant était égal à l’équivalent en lei de
15.000 EUR, plafond qui a monté à 20.000 EUR à partir du 1 janvier 2007.
167
• si les ressources ne sont pas suffisantes pour respecter les obligations de
paiement, à la demande du Fonds, le Conseil d’Administration de la BNR peut demander aux
institutions de crédit de déposer des contributions spécifiques ;
• les représentants de la BNR font partie du Conseil d’Administration du Fond, à
côté des membres du Ministère de Finances, du Ministère de Justice et de l’Association des
Banques, ce qui permet une coordination efficace entre les institutions impliquées.
En 2008, dans le contexte de l’amplification de la crise financière internationale, le
besoin de remonter le plafond d’assurance au-dessus de la limite de 20.000 EUR s’est imposé
aussi en Roumanie. Cette décision a été plutôt destinée à restaurer la confiance des déposants
dans le secteur bancaire, dans une situation où le plafond de 20.000 EUR couvre environ 95%
des déposants, selon des représentants de la BNR. En octobre 2008, le plafond d’assurance a
été fixé à 50.000 EUR.
L’assurance-dépôts reste toutefois inefficace en cas de crise de liquidité lorsqu’elle
n’est pas accompagnée par d’autres actions. Ces stratégies protègent les déposants, mais elles
n’assurent pas la stabilité financière sans actions complémentaires. Pourtant, la protection des
déposants n’est pas la seule préoccupation des surveillants bancaires ; ils s’intéressent aussi
aux éléments qui peuvent conduire à l’instabilité du système dans son ensemble (le risque
systémique). Les théoriciens ont beaucoup insisté sur la cause première de l’instabilité, « la
ruée aux guichets » ou la panique provoquée par une chute brusque de la confiance des
déposants dans leurs banques. La fonction de prêteur en dernier ressort est aussi extrêmement
importante pour la prévention et la correction des situations de crise.
168
La fonction de PDR est une fonction que la banque centrale exerce dans l’ombre.
« Comme conséquence de son existence en arrière-plan, les participants au marché seront
convaincus qu’en cas de crise, soit les mécanismes d’autocorrection du marché continueront
à fonctionner, soit, dans la situation contraire, la banque centrale interviendra pour
permettre les transactions jusqu’au moment où la confiance sera restaurée etoù les
mécanismes d’autocorrection se mettront de nouveau en marche » (Cerna et al., 2008).
La fonction de PDR représente une des fonctions traditionnelles des banques
centrales en matière de stabilité financière (Capie et al., 1994). Malgré cela, elle est la
fonction la plus ambiguë de toutes les fonctions parce qu’elle n’est pas exercée avec régularité
et parce que le cadre où agit le PDR se caractérise par une faible transparence. La
vulnérabilité du système bancaire face aux crises de liquidité et au risque systémique reste à la
base du rôle de PDR des banques centrales. Un événement particulier peut se transformer
dans une crise financière et, de plus, il peut causer l’effondrement de l’économie toute entière.
La préoccupation pour l’existence d’un PDR a été analysée même dès le XIXème
siècle dans les travaux de H. Thornton (1802) et W. Bagehot (1873). L’interprétation de leurs
idées a donné naissance à plusieurs courants de pensée distincts. Pour cette fonction aussi, il
n’y a pas une opinion commune sur : (a) la nécessité de l’existence d’un prêteur en dernier
ressort (ou « d’un prêteur de dernier rang », comme l’appellent Dardac et Barbu (2005)), (b)
qui est l’institution qui peut et doit agir comme PDR, (c) la façon dont la liquidité est fournie
(au marché ou à une institution indivuduelle), (d) la situation des banques qui peuvent
bénéficier des liquidités (solvables, d’importance systémique, etc.) ou (e) la compatibilité ou
l’incompatibilité de cette fonction avec les autres fonctions des banques centrales.
Pour parler de l’opportunité de l’existence d’une telle fonction, il faut d’abord
comprendre son mécanisme de fonctionnement. Capie et al. (1994) expliquent les principes
du fonctionnement d’un PDR en prenant un exemple microéconomique. Ils font une analogie
avec la façon dont une banque commerciale continue à créditer un client qui se trouve en
difficulté pour le sauver d’une faillite qui pourrait avoir des répercussions encore plus
significatives sur la banque elle-même. Allen et Wood (2006) donnent un exemple du
domaine du football pour souligner le besoin de l’existence d’un PDR54.
Nous voyons donc que la fonction de PDR est fondamentale pour la stabilité
financière. Elle est nécessaire à cause de la vulnérabilité du système bancaire devant les
54
Une analogie pour la fonction de PDR est la présence du gardien dans une équipe de football. Il doit
représenter la dernière ligne de défense et éviter que le ballon entre dans les buts si les défenseurs ont échoué.
Théoriquement, une bonne équipe n’a pas besoin d’un gardien. Pratiquement, aucun défenseur n’est parfait et
même les équipes avec les meilleurs défenseurs cherchent le meilleur gardien.
169
risques de liquidité et de contagion, générés par une asymétrie d’information entre prêteurs et
emprunteurs. La crainte que la liquidité peut devenir insuffisante provoque de la panique
parmi les opérateurs du marché, ce qui mène justement à « l’assèchement » des liquidités.
L’injection de liquidité effectuée dans une première phase par un PDR peut coordonner les
anticipations en les dirigeant vers un équilibre du marché. Une telle intervention s’impose
surtout dans une économie libéralisée du point de vue financier, qui est temporairement
affectée par un problème de coordination – les sources les plus fréquentes du risque
systémique.
Cependant, l’existence d’une telle fonction a toujours été associée à un hasard
moral important. Pour réduire le hasard moral associé aux interventions du PDR, de
« meilleures partiques » ont été mises en place. Ces pratiques demandent que les banques
centrales interviennent en qualité de PDR dans tout le système financier et qu’elles accordent
des prêts seulement aux institutions illiquides mais solvables ; qu’elles laissent les institutions
insolvables faire faillite ; accordent de la liquidité seulement à court terme ; prévoient un taux
d’intérêt de pénalisation ; exigent des garanties solides et qu’elles agissent de manière
transparente. La liquidité accordée seulement à court terme aide à éviter les pressions
inflationnistes. Cet ensemble de pratiques a été proposé pour la première fois par Bagehot en
1873. Certaines modifications ont été proposées par la Banque Mondiale et le FMI (2005) qui
soutiennent que les principales caractéristiques d’une aide d’urgence sont55 :
• les ressources doivent être disponibles lorsque les banques sont solvables, mais
sont confrontées avec des problèmes de liquidité qui pourraient se propager vers les autres
établissements financiers ;
• il faut attribuer des crédits rapidemment et à court terme ;
• les taux d’intérêt sur ces crédits ne doivent pas être établis à des niveaux
subventionnels mais, en même temps, ils ne doivent pas atteindre un niveau de pénalisation
excessif qu’ils pourraient détériorer encore plus la situation de la banque ;
• les crédits doivent être garantis avec des actifs circulants et/ou immobilisations
agréés par la banque centrale ;
• en temps de crise, les conditions de garantie devraient être plus laxistes ou être
remplacées par des crédits ou assurances gouvernementales ;
• en période de crise, la surveillance devrait être faite par la banque centrale en
collaboration avec le Ministère de Finances.
55
Dans Financial Sector Assessment : a handbook.
170
Cependant, il y a d’autres facteurs qui peuvent compliquer la situation, comme par
exemple les implications systémiques de la faillite d’un établissement financier ou la
disponibilité de l’information pendant une crise, pour pouvoir faire la distinction entre les
institutions solvables et insolvables.
Les implications systémiques de l’effondrement d’un établissement financier
important peuvent inciter un PDR à intervenir pour sauver l’institution concernée de la
faillite. La banque centrale doit prendre de mesures même si le système financier semble être
en bonne santé lorsqu’une banque individuelle est en difficulté à cause de l’effet de contagion
et du syndrome « too big to fail » (Jacobson et al. 2001). Autrement dit, les institutions
financières ne peuvent pas bénéficier dans la même mesure de l’intervention du PDR. Les
sociétés importantes, dont la solidité influence la stabilité du système financier dans son
ensemble, doivent jouir d’une attention plus significative.
Ces idées sont reprises par Rochet (2004) qui propose quelques suggestions pour
un système efficace d’intervention :
• l’intervention des banques centrales en qualité de PDR pour assurer la liquidité
en cas de récession (pour les banques moins exposées au choc) est nécessaire ;
• la prévention de l’extension de l’assistance pour l’assurance de liquidité pour
les banques fortement exposées aux chocs, pour lesquelles, ex-post, la poursuite de l’activité
sera bénéfique, mais ex-ante, l’intervention destinée à les sauver pourrait conduire à la baisse
du bien-être général, s’impose comme nécessaire.
Cette fois aussi, l’évaluation de l’opportunité de sauver une banque par
l’intermédiaire d’une analyse coût-bénéfice peut être contestée. L’approche généralement
acceptée est que l’intervention d’un PDR pour sauver une banque ne doit être effective que
s’il s’agit d’un péril systémique et si l’institution respective est solvable (voir aussi les
principes formulés par Bagehot et présentés ci-dessus). Aglietta et De Boissieu (1999)
considèrent qu’il est difficile, et en même temps délicat, de faire une distinction entre les
banques illiquides et les banques insolvables et le « clivage illiquidité–insolvabilité » ne doit
pas empêcher la reprise du fonctionnement normal du marché. Cuadro et al. (2003)
s’inscrivent dans le même courant d’idées (appelé aussi « l’école interventionniste »), en
soulignant que la fonction de PDR doit s’intéresser à sauver aussi bien les établissements
illiquides mais solvables, que les institutions insolvables si leur faillite mettrait en danger la
171
stabilité financière56. Ils militent pour que la banque centrale puisse intervenir chaque fois que
l’injection de liquidités dans les banques est nécessaire, indépendamment de leur situation en
termes de solvabilité.
D’autres auteurs vont encore plus loin, suggérant que, lorsque la stabilité
financière est en jeu, l’apport de liquidités pourrait dépasser le cadre du système bancaire,
mais leur conclusion est pourtant que ces actions ne sont pas désirables ou au moins qu’elles
ne doivent pas se transformer en pratique courante (Mishkin, 1997). La nécessité d’utiliser la
fonction de PDR doit apparaître seulement dans des situations extrêmes.
Un autre aspect intensément discuté porte sur l’institution qui doit exercer la
fonction de PDR. Certains auteurs soutiennent que le gouvernement doit remplir cette
fonction parce que l’intervention de la banque centrale crée du hasard moral et, de plus, elles
ne disposent pas toujours des ressources financières nécessaires. « Le problème du PDR
consiste dans le fait que le risque est subi par l’institution qui fournit la liquidité » (Goodhart,
2004)57. C’est pourquoi il considère qu’en cas de crises profondes, seul le système fiscal peut
couvrir la liquidation des dépôts.
Un PDR doit agir dès qu’il a détecté une crise de liquidité sur le marché, qui, dans
un certain contexte, peut déclencher le risque systémique. Nous considérons que cela
implique toujours une analyse de la part des banques centrales. Les banques centrales sont les
plus indiquées pour exercer cette fonction, même si apparemment elle contredit, à court
terme, l’objectif de stabilité des prix. Les crises d’une moindre ou moyenne ampleur peuvent
être traitées par la banque centrale en utilisant les ressources propres ou en coordonnant les
actions de sauvetage du secteur privé. La fonction de PDR a deux dimensions : celle de
dernier fournisseur de liquidité pour le marché et pour les institutions et celle de gestion des
crises, sans accorder des crédits. Une institution qui dispose d’une autorité suffisante, peut
résoudre le manque de coordination, en encourageant les institutions financières vulnérables
au risque systémique à accorder des crédits suffisants pour un établissement financier dont la
faillite sera contagieuse.
Une banque centrale doit disposer de la richesse nécessaire pour pouvoir intervenir
dans sa qualité de PDR (Marini, 2003). Selon nous, la banque centrale doit être aidée par le
Gouvernement pour exercer cette fonction. Dans une première phase, la banque centrale doit
56
L’expression « institutions insolvables » n’est pas un terme approprié parce que l’insolvabilité ne peut être
déclarée dans une période courte. C’est pourquoi nous considérons qu’il est plus pertinent d’utiliser l’expression
« susceptibles de devenir insolvables ».
57
Au Royaume-Uni, si une banque se trouve en incapacité de paiement, le FSA est la première autorité en face
de la banque concernée, et la décision de résoudre l’entrave financière est prise par la « troika » (la FSA, la
Banque Centrale et la Trésorerie).
172
intervenir toute seule, pour prévenir l’apparition de la crise. La rapidité de son action est
importante dans cette étape. Si la crise est ouverte et se transforme en crise systémique, la
banque centrale et le gouvernement doivent décider d’utiliser les fonds publics pour corriger
des déséquilibres (autrement dit, la banque centrale doit recevoir le soutien du gouvernement).
Dans la deuxième étape, deux types d’actions peuvent étre entreprises. Une première mesure
porte sur l’apport de liquidité pour le système bancaire dans son ensemble ou pour les
banques considérées comme systémiques. Pour réduire l’aléa de moralité, la liquidité n’est
pas offerte directement, mais le gouvernement procède à l’acquisition d’obligations émises
par ces institutions et qui devront être remboursées ultérieurement. Une autre mesure,
beaucoup plus sévère et qui est mise en pratique dans des situations extrêmes, lorsque la
simple injection de liquidité ne suffit plus, fait référence à la nationalisation partielle ou totale
des établissements concernés, qui seront revendus ensuite sur le marché, après leur
redressement.
Cette logique a été aussi utilisée par les autorités dans la crise récente des marchés
financiers58. Dans une première étape, l’intervention des banques cenrales a été faite par
l’intermédiaire des opérations d’open market pour augmenter la liquidité du marché et ensuite
ces institutions ont baissé les taux d’intérêts de référence/directeurs. De plus, les banques
centrales ont facilité le transfert de propriété des banques en difficultés vers des institutions
plus solides (par exemple, la reprise de Bear Stearns des Etats-Unis par JP Morgan Chase &
Co). Dans la deuxième étape, lorsque la crise s’est aggravée et lorsqu’on a constaté que les
premières mesures étaient insuffisantes, les gouvernements sont intervenus pour sauver le
système financier de l’effondrement. Cette démarche fut mise en pratique en approvisionnant
en liquidité le système (aux Etats-Unis, un plan de 700 milliards de dollars fut proposé pour
sauver le système bancaire59 et la France a décidé de soutenir les six plus grandes banques
avec 10,5 milliards euro en achetant des obligations subordonnées émises par ces banques),
ainsi que par la nationalisation de banques en difficultés, pour réduire l’aléa moral (par
exemple, aux Etats-Unis, l’état a nationalisé Washington Mutual qui a été vendu à JP Morgan
Chase, en Angleterre, la banque Bradford & Bingley a été nationalisée, et les gouvernements
58
Aglietta et De Boissieu (1999) considéraient l’exemple de la crise asiatique comme « un terrain idéal pour
étudier la fonction de PDR ». Cependant, la crise récente des marchés financiers internationaux représente un
épisode encore plus approprié pour étudier l’activité d’un PDR.
59
La chambre des Représentants du Congrès américain a rejeté au début le projet qui prévoyait l’allocation de
700 milliards de dollars pour stabiliser le secteur financier et, suite à cette décision, les places boursières ont
connu de nouveaux kracks. La bourse de New York a immédiatement baissé après ce vote négatif, et les
indices Dow Jones et Nasdaq ont perdu 4,75% et 6,90% respectivement en une seule journée, à l’automne 2008.
173
de la Belgique, de Hollande et du Louxembourg ont proposé un plan commun pour sauver
Fortis, plan de 10 milliards d’euro, en nationalisant partiellement ce conglomérat).
Pour que les interventions de la banque centrale en qualité de PDR soient
efficaces, elle doit surveiller attentivement le secteur bancaire. Les banques centrales doivent
apprécier la situation et intervenir avant qu’une banque commerciale ne devienne insolvable.
Cependant, les détracteurs de cette stratégie soutiennent qu’un échec dans l’activité de
surveillance peut inciter les banques centrales à intervenir en qualité de PDR même si
l’établissement concerné est insolvable, du fait de l’effet de réputation.
Il y a aussi le problème de l’incompatibilité de cette fonction avec d’autres
objectifs des banques centrales. Schoenmaker (2000) analye la fonction de PDR des banques
centrales et distingue deux écoles de pensée :
• L’école décentralisée – la banque centrale représente un choix naturel pour la
fonction de PDR parce que la surveillance et la fonction de PDR sont liées lors d’une crise ;
les autorités de surveillance sont les premières à obtenir des informations et ont la possibilité
de retirer les droits d’exercice accordés aux banques ; la banque centrale, après une
consultation avec le gouvernement, a la possibilité d’aider une banque en difficulté.
• L’école centralisée – repose sur trois éléments : les opérations de PDR ont des
implications sur la politique monétaire ; les autorités nationales peuvent s’avérer inefficaces
dans la surveillance et peuvent devenir tolérantes ; le risque systémique devrait être analysé
au niveau régional. Les derniers éléments sont utilisés avec prépondérance lorsqu’on parle de
l’existence d’une fonction de PDR au niveau de l’UEM.
Le dernier aspect évoqué porte sur l’allocation des liquidités au marché ou aux
seules institutions en situation critique. De nombreux auteurs pensent que la liquidité doit être
destinée au marché pour éviter le hasard moral. Mais d’autres considèrent, d’une part, que
l’injection de liquidités sur le marché ne représente pas une solution pour les banques qui en
ont réellement besoin et, d’autre part, que cette action affecte directement la réalisation de
l’objectif de stabilité des prix.
Nous considérons que les deux modèles d’approvisionnement en liquidités pour
prévenir les crises financières sont pertinents et le choix de l’un par rapport à l’autre dépend
de la situation du système financier. Néanmoins, en tenant compte des principes qui se
trouvent à la base de la fonction de PDR des banques centrales, leur intervention ne doit pas
se faire ressentir, et l’injection massive de liquidités sur le marché peut avoir l’effet contraire,
c'est-à-dire, peut amplifier la panique.
174
Nous avons vu qu’il n’existe pas de consensus ni sur l’institution qui doit exercer
la fonction de PDR, ni sur les moyens et les conditions d’intervention. La plupart des
observateurs reconnaissent cependant que l’existence d’une telle fonction est importante pour
la stabilité financière. Un grand nombre d’entre eux partagent l’idée que cette fonction doit
être exercée par les banques centrales. La solidité de l’image de ces institutions permet de
limiter le hasard moral qui est inhérent à cette fonction. Il faut que les banques centrales
soient soutenues par le secteur privé, mais surtout par le gouvernement dans la mise en œuvre
de ces pratiques. Les aspects qui ne sont pas clarifiés, portent sur la situation des
établissements qui doivent bénéficier de ces interventions, sur le moment opportun pour
intervenir et sur la façon dont l’aléa de moralité peut être évité.
Nous considérons qu’il est difficile de calculer ex-ante l’exposition de chaque
établissement aux chocs macroéconomiques. La décision de fermer une banque en s’appuyant
sur ce critère est par conséquent difficile et peut transgresser les lois de la concurrence. Notre
avis est que la discussion à l’égard du PDR ne doit pas se concentrer sur le couple illiquidité–
insolvabilité, mais plutôt sur les moyens appropriés pour éviter la panique bancaire et la crise
financière, diminuant en même temps le hasard moral.
Nous sommes d’accord que la mise en pratique de cette fonction doit être retenue
seulement dans des situations extrêmes, mais l’apparition de ces situations est pourtant
possible. L’appréciation de l’importance systémique de telle ou telle institution reste
cependant la question la plus difficile pour les banques centrales. Le hasard moral peut être
évité parce qu’il faut pénaliser ultérieurement la banque concernée et la banque centrale doit
avoir un rôle actif dans la réorganisation de l’institution qu’elle a sauvée. De l’autre côté,
aucun établissement ne désire devenir insolvable, même lorsqu’il est sauvé de la faillite, à
cause de l’effet sur sa réputation et des coûts futurs. Les dirigeants des institutions concernées
doivent être sévèrement sanctionnés si leur manque de professionnalisme est en jeu.
Il est difficile d’estimer le degré de transparence nécessaire pour la fonction de
PDR. L’existence d’un PDR doit être très transparente et il faut en même temps qu’un accord
entre la banque centrale et le gouvernement soit signé sur ce sujet. Quant aux conditions
d’intervention du PDR, elles sont aussi difficiles à spécifier ex-ante. C’est pourquoi une
« ambiguïté constructive » est nécessaire. Il faut entreprendre des analyses solides, menées de
façon continue, pour déterminer l’opportunité d’une intervention. Lorsque l’intervention
s’avère nécessaire, elle doit être mise en pratique rapidement et de manière tacite. Une fois le
défi relevé, le plan de réorganisation de l’institution concernée doit être annoncé.
175
La fourniture de liquidités réalisée par la banque centrale pour aider les institutions
individuelles en situation d’urgence a des implications autant pour la politique monétaire que
pour la stabilité financière. Au niveau de l’UEM, le problème lié au PDR est plus délicat
parce que les décisions des banques centrales nationales doivent être prises en commun
accord au niveau du SEBC.
Si une institution de crédit déployant son activité dans plusieurs états membres est
confrontée avec de graves problèmes financiers, une perte de temps interviendra parce que les
autorités de ces états doivent se mettre d’accord sur le type d’intervention et sur le
gouvernement qui doit intervenir car aucune stipulation claire n’apparaît dans la législation de
l’Union. De plus, le rôle de la Commission Européenne, du Comité Européen de Régulation
Bancaire et de la BCE dans ce domaine n’est pas bien connu. Le problème qui apparaît porte
sur la nécessité de l’existence d’une telle fonction au niveau central, mais les banques
commerciales vont continuer à faire appel aux liquidités des BCN si la transition vers un
nouveau régime n’est pas transparente. Cela peut provoquer des retards dans la gestion des
crises bancaires.
La Banque de France (2002a), Bruni et De Boissieu (2000) et Gulde et Wolf,
(2005) considèrent que l’Eurosystème peut agir sans problème comme un PDR. En cas de
crise mineure, les instruments de politique monétaire permettent à l’Eurosystème d’éviter le
hasard moral, la liquidité étant fournie conformément à des conditions semblables à la règle
de Bagehot (à l’ensemble du marché), avec un taux de pénalisation connu d’avance et contre
des garanties saines. En cas de crise importante, l’Eurosystème peut intervenir à l’aide des
opérations d’open market, selon des procédures flexibles qui peuvent être mises rapidement
en application.
D’autres comme Eijffinger (2001) affirment que, pendant une crise, la BCE doit
prendre en considération les conseils du surveillant national. Dans ce contexte, son objectif
principal peut être compromis. Quant au rôle de la BCE en tant que PDR, le Traité de
Maastricht ne contient pas de spécifications dans ce sens.
Prati et Schinasi (2000) identifie deux stratégies possibles pour la fonction de PDR
au niveau des états de l’UE : la première est fondée sur une fonction PADR60, où ni la BCE,
60
Prêteur en avant-dernier ressort (Lender of Penultimate Resort), associé à un cadre qui inclut des stratégies
d’assurance-dépôts, l’implication des ministères de finances et la création des consortiums de liquidité.
176
ni les BCN n’utilisent les fonds de l’Eurosystème pour assurer la liquidité et la deuxième est
une approche décentralisée où la responsabilité entière du PDR revient aux BCN. Cette
analyse a trois implications :
• parce que les banques centrales sont les seules qui peuvent accomplir cette
fonction, il est difficile de concevoir des safety nets sans leur participation ;
• une fonction de prêteur en avant-dernier ressort n’est pas fiable si des
difficultés bancaires apparaissent brusquement ;
• une stratégie décentralisée implique des décisions de la BCE par rapport à la
liquidité du système.
Est-ce que les BCN peuvent fournir la liquidité sans violer le statut du SEBC ?
Lastra (2000) analyse le rôle de la BCE en tant que potentiel PDR et pense que « la gestion
des crises reste décentralisée, mais il y apparaît aussi des éléments de centralisation en
particulier pour cette fonction ». Il considère que la centralisation de la fonction de PDR au
sein de la BCE n’implique pas la centralisation des autres fonctions, mais seulement
l’harmonisation des pratiques. Quelques aspects liés à une possible centralisation des
fonctions de stabilité sont présentés Tableau 10.
177
Certains avancent l’idée de créer un PDR au niveau international, mais ils se
rendent compte qu’il est difficile de mettre cette idée en œuvre61. Compte tenu du phénomène
de la globalisation, la création d’une Banque Centrale Supranationale qui remplirait la
fonction de PDR, a été proposée. Cette institution exercerait les mêmes fonctions que
l’autorité monétaire nationale. La création d’une telle institution implique une monnaie
internationale. Parce qu’il y a des pays qui ne sont pas convaincus du fait que les banques
centrales devraient assurer plutôt la stabilité financière que la stabilité des prix, cette
proposition n’a été jamais sérieusement étudiée, craignant aussi une brusque croissance de
l’inflation au niveau mondial.
Il est difficile de parler de l’existence d’un PDR au niveau central si les moyens
juridiques et matériels ne sont pas disponibles. Nous avons établi qu’un PDR doit être aidé
par l’autorité fiscale, mais une telle autorité au niveau européen n’existe pas. Par conséquent,
le rôle de la BCE se résume pour instant à la coordination des actions de sauvetage, même s’il
y a des arguments supplémentaires en faveur de la centralisation de cette fonction, comme par
exemple : la croissance des effets de contagion associés au développement des conglomérats
financiers ou le fait que les BCN prennent des risques dans l’application de cette fonction au
niveau national, ces actions pouvant compromettre la politique monétaire de la BCE. Selon
nous, une fonction de PDR au niveau européen implique aussi une fonction de surveillance
centralisée pour éviter ainsi l’apparition de l’aléa moral.
En conclusion, on ne peut pas parler d’un PDR européen s’il n’y a pas un fonds
d’assurance-dépôts européen, si la surveillance des systèmes financiers est réalisée au niveau
national et si les ressources financières des institutions de l’UE ne sont pas augmentées de
manière significative.
61
Nous avons vu dans le premier chapitre que le FMI s’est comporté en PDR lors des crises financières du
Mexique, de l’Asie et de l’Argentine. Cette fonction ne représente pas une des attributions du FMI et il a été
difficile à croire que le Fonds interviendrait de nouveau dans l’avenir, mais le soutien récent accordé aux pays
tels que la Hongrie et l’Ukraine ne font que confirmer encore une fois le rôle du FMI dans la gestion des crises.
62
La Loi no. 312/2004 sur le statut de la BNR, prévoit aussi à l’Art. 26, que « pour accomplir son attribution
liée à la stabilité financière, la BNR peut, exceptionnellement et en fonction de chaque situation particulière,
178
formulation présente plus qu’une « ambiguïté constructive » parce que le sauvetage d’une
institution en difficulté n’est pas précisé et les conditions qui lui sont imposées, ne sont pas
mentionnées. Le rapport de la BNR pour 2005 mentionne seulement que la BNR « représente
le prêteur en dernier ressort des institutions de crédits de la Roumanie ».
Cependant, la banque centrale peut accorder des liquidités à court terme au secteur
bancaire, mais on considère que ces liquidités ne tiennent pas à sa fonction de PDR. De cette
façon, conformément au Règlement no. 1/2000 sur les opérations de la Banque Nationale de
Roumanie sur le marché monétaire, cette institution peut accorder aux banques des crédits
lombards pour lesquelles la BNR doit demander des garanties qui couvrent 100 % de la
valeur des crédits.
En conclusion, la fonction de PDR doit être mise en pratique par la banque
centrale mais cela seulement dans des situations extrêmes. Il faut faire appel à cette
intervention exclusivement lorsqu’on constate la possibilité d’une crise systémique. La
littérature distingue deux types de crises : le premier porte sur l’échec du marché, par
exemple, l’apparition d’un problème technique qui peut affecter la liquidité de plusieurs
institutions financières et le deuxième se caractérise par un comportement inapproprié de
certains participants au marché. Ces deux types de crises sont connus comme crise de
liquidité et crise de solvabilité respectivement. La plupart des observateurs soutiennent que la
fonction de PDR doit seulement répondre au premier type de crise. Nous considérons qu’il
faut intervenir en tant que PDR dans des situations extrêmes, même si on parle d’une
institution bancaire insolvable, les crises de liquidité pouvant être résolues à l’aide de moyens
beaucoup plus communs et plus transparents.
Mis à part le fait que la banque centrale doit disposer d’un capital bilanciel
suffisant, il est nécessaire qu’elle jouisse aussi d’une bonne réputation. La solidité de l’image
d’une banque centrale lui permet de limiter le risque de crédit inhérent à la fonction de prêteur
en dernier ressort. La banque centrale doit être soutenue par le gouvernement lorsque la crise
n’a pas pu être prévenue.
La mise en pratique de la fonction de prêteur en dernier ressort génère du hasard
moral et ainsi risque d’affecter les responsabilités des acteurs du marché. Par conséquent, la
banque centrale doit définir les conditions qu’elle imposera pour agir dans telle ou telle
situation.
accorder aussi d’autres crédits aux institutions de crédits, liquidités qui doivent être garanties ou non avec
d’autres actifs que ceux utilisés couramment ».
179
3.2.4. La gestion des systèmes de paiements et de règlements
3.2.4.1. Les risques afférents aux systèmes de paiements et le rôle des banques
centrales
63
Un système de paiements peut être défini comme « un ensemble d’instruments, de procédures bancaires et
généralement de systèmes interbancaires de transferts des fonds, qui permet la circulation de la monnaie ».
180
De façon traditionnelle, le risque systémique est associé à la probabilité que les
difficultés d’une institution individuelle se propagent et causent des déséquilibres pour
d’autres institutions bancaires, en particulier si ces banques représentent le noyau central du
système national de paiements. Dans cette optique les problèmes d’une banque se
transmettent en cascade par l’intermédiaire du système de paiements et il est probable qu’ils
conduisent à un blocage du système et à l’accentuation de l’effet de domino (Schinasi, 2003).
Allen et Wood (2006) soutiennent qu’une crise financière est alimentée par la peur que les
moyens de paiements ne deviennent indisponibles à tout prix.
Les systèmes de règlements et de surveillance des paiements constituent à présent
un des axes majeurs pour la stabilité financière, à côté du contexte macroéconomique et de la
stabilité des institutions financières et des marchés (Patat, 2000 ; Cuadro et al., 2003).
L’extension des opérations financières et les liaisons de plus en plus étroites entre les
établissements financiers et les marchés ont mené à un développement considérable des
paiements, des règlements et des échanges collatéraux qui représentent souvent une
contrepartie pour ces règlements. Dans ce contexte, les systèmes de paiements et leur
environnement de sécurité constituent un vecteur majeur de la stabilité financière.
L’augmentation massive des transactions et les transferts des fonds beaucoup plus
rapides à cause des technologies avancées ont conféré aux systèmes de paiements le rôle de
pivot du système financier. Les attributions que les banques centrales peuvent avoir en
matière de systèmes de paiements sont :
a) la surveillance générale du système ;
b) la fonction d’information ;
c) l’opération directe du système de paiements ;
d) la couverture du risque de crédit et de liquidité par le passage du crédit intraday
vers le crédit overnight ;
e) la garantie du fonctionnement du système de règlements.
Cependant, les interventions de la banque centrale sur les systèmes de paiements
peuvent générer le hasard moral, comme d’ailleurs presque toutes les actions qui visent la
stabilité financière. C’est pourquoi certains considèrent que l’implication de la banque
centrale pour garantir un système de paiements solide peut mener en effet à une distorsion de
la concurrence, même si le système concerné n’est pas toujours le plus efficient aussi
(Khiaonarong, 2003).
Un autre problème peut être la « subvention » du système au moment où la banque
centrale supporte une partie ou tous les coûts générés par le fonctionnement des systèmes de
181
paiements pour encourager leur usage. Cumulés, les bénéfices potentiels des interventions de
la banque centrale dans les systèmes doivent être donc mis en balance avec les coûts générés
par l’aléa moral induit. Le développement du système financier, aidé par l’implication
significative des banques centrales dans le système de paiements, dépend de la manière dont
elles réalisent les paiements en comparaison avec les institutions privées.
Deux types de règlements sont utilisés dans les systèmes modernes de paiements, à
savoir :
• Le système de règlement net (NTS – Net Settlement System).
• Le système de règlement brut (RTGS – Real Time Gross Settlement);
Le système de règlement net est le système où chaque participant effectue ou
reçoit un seul paiement, en fonction de la position qu’il détient : débiteur net (le total des
sommes à payer dépasse le total des sommes à recevoir) ou créditeur net (le total des sommes
à payer est inférieur au total des sommes à recevoir).
Les systèmes à règlements nets peuvent être organisés de deux façons : (a) à base
bilatérale et (b) à base multilatérale. En cas de règlement multilatéral, une banque échange des
informations sur les paiements individuels orientés vers d’autres banques par l’intermédiaire
d’une chambre de compensation (clearing house). Les banques qui participent à la chambre
de compensation se mettent d’accord pour ne pas exécuter immédiatement les paiements
individuels par des transferts interbancaires de fonds, pour laisser les obligations et les
créances s’accumuler tout au long d’une certaine période nommée cycle de compensation et à
équilibrer les paiements faits et reçus. Les banques transfèrent ainsi vers la chambre de
compensation seulement la valeur des obligations nettes, à un moment établi pour l’exécution
ou à la fin de la journée (la fin du cycle de compensation). En cas de règlement bilatéral, le
traitement des obligations nettes se réalise par l’intermédiaire des comptes du correspondant
« nostro-vostro », que les banques commerciales ouvrent les unes avec les autres.
Deux types de risques caractérisent les systèmes à règlement net : le risque de
« premier payeur » (first payer risk) et le risque « receveur » (receiver risk) (Robin, 1999). La
première forme de risque traduit le fait qu’il est possible qu’un des participants, celui qui
effectue le premier paiement, ne reçoive plus de la part des autres partenaires la somme
équivalente. Le deuxième type de risque se manifeste lorqu’un participant qui doit recevoir
certaines sommes, respecte ses obligations pendant la journée, sans avoir effectivement reçu
182
les sommes concernées. Dans certaines conditions, le risque receveur se transforme en risque
du premier payeur.
L’amélioration de la technologie a permis le remplacement des systèmes à
règlement nets par les systèmes à règlement brut en temps réel. Ce système rend possible tout
paiement interbancaire en temps réel, à l’aide d’un transfert des comptes des banques
commerciales vers de la banque centrale, l’institution qui assure les crédits intraday. Avec ce
système, le règlement se fait individuellement pour chaque instruction de paiement et donc les
messages liés au paiement sont échangés entre chaque pair d’institutions bancaires engagées
dans une relation de règlement. De cette manière, le RTGS élimine le risque qu’une banque
devienne insolvable sur une seule journée.
Les systèmes à règlement brut permettent une meilleure utilisation de la discipline
de marché. Schinasi (2005) considère les RTGS comme une caractéristique importante pour
les infrastructures solides. Selon lui, « L’utilisation de ces systèmes permet de laisser les
institutions financières, même les plus grandes, tomber en faillite et permet leur liquidation,
sans menacer obligatoirement la stabilité, ou détériorer l’efficacité des systèmes nationaux de
paiements ».
Une des conditions sine qua non du fonctionnement de ces systèmes est
l’obligation de constituer les garanties nécessaires pour alimenter un « compte central de
règlement », avant d’obtenir la contrepartie en monnaie centrale. Ce besoin de liquidité ne
représente pas seulement une conséquence du début de la journée, mais aussi une nécessité
continue pendant toute la durée du fonctionnement du système. Autrement dit, la participation
à ce système demande une liquidité accrue de la part des banques.
Dans un système de règlement brut, si une banque n’a pas de disponibilités
suffisantes à la banque centrale (i.e. ne présente pas de garanties suffisantes), le risque de
liquidité et le risque de crédit peuvent être évités de la manière suivante (Şeulean, 2001) :
• les ordres de transfert ne s’opèrent pas et ils sont renvoyés à l’initiateur pour
être réintroduits après une certaine période, lorqu’il existe des disponibilités dans le compte ;
• les ordres de transfert sont gardés par la banque expéditrice dans une
cartothèque (« file d’attente ») d’où ils sont envoyés pour le règlement au fur et à mesure que
les disponibilités nécessaires sont créées ;
• la délivrance des ordres de paiement de la « file d’attente » et leur transmission
en vue du règlement se réalisent conformément aux règles prédéfinies de commun accord
entre le système et les banques participantes (queuing) ;
183
• une ligne de crédit intraday est ouverte selon plusieurs variantes : crédit à
valeur fixe, crédit à découverte, crédit « repo » (contrat de vente et de rachat).
Cependant, certains considèrent que les systèmes à règlement brut peuvent
représenter un facteur qui augmente le risque systémique dans d’autres organisations. Un
manque de liquidité des partenaires d’une banque qui attend que les flux monétaires entrent
dans son système de règlement brut, peut l’obliger à accumuler des ouvertures de compte
intraday dans d’autres réseaux. La banque ne pourra pas respecter ses engagements liés aux
autres systèmes de paiement si les règlements sont bloqués dans le premier système.
L’éventuel blocage du règlement initial se propage vers les contreparties du débiteur en
difficulté, surtout si les paiements sont révocables. De cette manière, les contraintes afférentes
à un système à règlement brut peuvent générer une crise systémique à l’intérieur d’autres
systèmes de paiements.
Néanmoins, si la particularité des systèmes à règlement brut est le fait qu’ils
fonctionnent en temps réel, il faut mieux expliquer les conditions et les contraintes de leur
utilisation. Pour amorcer une journée de paiements, les banques doivent détenir des provisions
nécessaires pour le premier paiement, ainsi que pour les suivants, provisions sans lesquelles le
système ne peut pas fonctionner. Ces contraintes de liquidité ne représentent pas seulement la
condition requise pour l’ouverture du système, mais aussi une condition permanente pendant
toute la période d’apparition des cut-off64. Plusieurs variantes peuvent être développées dans
cette direction. L’agence de règlements, généralement la banque centrale, peut ou non
accorder des liquidités intraday contre des garanties. Actuellement, les garanties sont
composées de titres d’état et d’autres titres. Les banques ne sont donc pas contraintes de
constituer des garanties en numéraire. Le coût de cette liquidité intraday est nul ou presque.
Pourtant, si le degré de liquidité du marché diminue, le coût des garanties demandées par les
systèmes à règlement brut augmente tout de suite.
La comparaison entre les deux catégories de systèmes de règlement nous permet
de déterminer la contribution de RTGS à la stabilité financière. Un avantage important du
système à règlement brut est la réduction de la durée d’exposition des participants aux crédits
et à la liquidité. Certaines formes de risques financiers sont aussi éliminées par l’introduction
du règlement en temps réel.
64
Les dates buttoirs qui déterminent la transmission de l’ordre de paiement, ainsi que l’heure de fermeture, au
delà de laquelle les paiements sont ajournés pour une date ultérieure.
184
3.2.4.3. Les systèmes européens de paiements
65
Alexandre Lamfalussy fut le président de l’Institut Monétaire Européen.
66
Trans-European Real Time Gross Settlement Express Transfer System.
67
Le système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) agit comme agent de
traitement, assurant le réseau et les facilités nécessaires pour la transmission des données.
185
en balance leur efficience et leur sécurité. Les opérateurs peuvent s’adresser à des systèmes
moins chers, mais moins solides en même temps. Les garanties imposées par TARGET sont
coûteuses et les transactions par l’intermédiaire de ce système dépendent de la disponibilité
des garanties et des coûts. Les coûts de participation augmentent parce qu’il faut payer des
commissions pour obtenir un portefeuille d’actifs éligibles et parce qu’un montant important
de crédits demande, pour des raisons prudentielles, l’immobilisation d’un capital élevé. De
l’autre côté, la BCE considère les coûts correspondant à la constitution des garanties comme
minimaux parce que : les demandes liées aux réserves seront disponibles pour effectuer le
paiement pendant la journée et les banques détiendront des reserves à cause d’autres raisons,
non seulement pour constituer des garanties. Enfin, des procédures efficaces pour une
substitution facile des garanties et pour leur usage au niveau national ont été développées.
Comme on le disait, les banques peuvent faire appel à d’autres systèmes européens
de paiement pour réduire les coûts. Un de ces systèmes est EURO 1. Le système EURO 1
traite seulement des transferts de crédit, sans restriction de valeur, le système étant spécialisé
pour de grandes valeurs. Le système EURO 1 fonctionne aussi sur la base du réseau SWIFT.
Un pilier important des systèmes européens de paiements est représenté par les
systèmes règlements - livraison des titres, qui représentent désormais une contrepartie
obligatoire pour les systèmes à règlement brut en temps réel. En effet, les institutions de crédit
qui doivent assurer immédiatement le règlement des opérations initiales en monnaie centrale
se trouvent dans la plupart des cas dans la situation d’emprunter les liquidités nécessaires
contre des garanties.
Aujourd’hui, un système transfrontalier efficient de mobilisation des titres
apportés comme garanties a été mis en place au niveau européen. En 1998, le projet européen
pour un système de règlement des titres a été mis en – SSS (Securities Settlement System),
avec comme objectif l’évaluation des systèmes de règlements des titres nationaux pour
pouvoir les utiliser dans les opérations de crédit de l’Eurosystème et dans l’implémentation du
modèle CCBM (Corresponding Central Banking Model).
Le CCBM a été introduit dans la troisième phase de la création de l’UEM pour
assurer le fait que tous les actifs éligibles utilisés pour les opérations de politique monétaire
ou pour l’obtention des liquidités dans le cadre du TARGET sont disponibles pour tous les
participants au système. CCBM représente une solution à moyen terme, pour faciliter
l’utilisation des garanties internationales de sorte que les solutions de marché appropriées
deviennent disponibles au sein de la zone euro (BCE, 2005).
186
Les participants aux opérations de politique monétaire au sein de l’Eurosystème et
du TARGET, pouvaient généralement obtenir seulement des crédits accordés par les banques
centrales de leur pays d’origine. A l’aide du CCBM, les participants au système peuvent
utiliser des garanties émises dans d’autres pays. Pour en bénéficier, ils doivent s’adresser à
l’ « émetteur » (l’endroit où les titres ont été émis et déposés), et les garanties doivent être
déposées sur un compte géré par la BCN du pays où se trouve le siège de l’émetteur68. La
banque concernée agit de cette manière à l’aide d’un dépositaire (custodian).
A présent, on parle du système européen de paiements TARGET 2, destiné à
réunir tous les systèmes RTGS nationaux dans un système RTGS central. Une structure
unique de paiement sera adoptée et le nouveau système est capable de s’adapter aux
changements générés par l’extension de la zone euro. Parmi les innovations amenées par
TARGET 2, nous pouvons compter : consolidation de l’infrastructure technique par
l’intermédiaire d’une plateforme unique pour les transactions (Single Shared Platform – SSP),
support pour les paiements programmés, mesures pour assurer la continuité des opérations et
services d’information, de contrôle et de surveillance.
Nous avons analysé les progrès concernant les systèmes de paiements au niveau
européen et qui sont destinés à contribuer à la réduction du risque systémique. Nous allons
maintenant procéder à l’analyse des progrès réalisés par la Roumanie en matière des systèmes
de paiements pour examiner leur compatibilité avec les systèmes européens dans le contexte
de l’adhésion à la zone euro. Ces démarches d’harmonisation peuvent considérablement
contribuer à la stabilité du système financier roumain, surtout après l’adoption de l’euro.
68
Par exemple une banque espagnole peut demander un crédit de la Banque Nationale d’Espagne contre des
garanties détenues dans le Dépôt Central des Titres Italien, faisant appel à la procédure CCBM. De cette façon,
la Banque Nationale d’Espagne envoie un message CCBM à la Banque Nationale d’Italie.
187
réel, le risque systémique a été considéré comme fortement diminué69. L’implication de la
BNR dans la gestion des systèmes de paiements est clairement stipulée dans la législation. La
Loi no. 312/2004 – Art.22 (1) prévoit le fait que « la BNR surveille les systèmes de paiements,
y compris les instruments de paiement, pour assurer leur sécurité et leur efficacité et pour
éviter le risque systémique ». En conformité avec la Loi no. 58/1998 – Art. 89, « la Banque
Nationale de Roumanie assure la régulation, autorise et surveille les systèmes de paiements
de la Roumanie, y compris leurs administrateurs, pour assurer le fonctionnement des
systèmes en conformité avec les standards internationaux dans ce domaine ».
Le statut de la BNR (la Loi no. 312/2004) a aussi été harmonisé avec la législation
européenne en matière des systèmes de paiements. Ainsi, l’Art.3 (14) mentionne que : « pour
assurer le fonctionnement adéquat des systèmes de paiements, la Banque Nationale de
Roumanie peut transmettre des informations confidentielles aux chambres de compensation
ou à d’autres organismes similaires, créés en conformité avec les provisions légales, pour
assurer les services de compensation et de règlement pour tout marché de Roumanie ou d’un
état membre ».
La mise en place du système électronique de paiements (SEP) a favorisé la
sécurité et l’efficience des transactions et a permis un meilleur contrôle des risques. Le SEP a
été conçu comme un système modulaire à trois composantes intégrées par des interfaces
automates :
• Le système RTGS – le système à règlement brut en temps réel, destiné aux
opérations de paiement de grandes valeurs ;
• Le système ACH – chambre de compensation automate, destinée aux
paiements de valeur réduite ;
• Le système GSRS – le système du registre des opérations et des règlements des
opérations avec des titres publics.
L’architecture et les fonctionnalités du système électronique de paiements
permettent à la BNR d’accomplir son attribution statutaire de surveillance du bon
fonctionnement des systèmes de paiements pour assurer la stabilité financière. Les systèmes
69
Le système de paiement représente « un accord collectif formalisé qui inclut des règles et des procédures
standard concernant l’exécution des ordres de transfert entre les participants ainsi que l’infrastructure utilisée
pour toutes les activités, ou pour une partie des actions, de traitement, manipulation, compensation et règlement
de tous les moyens de paiements et/ou le paiement de tous les montants à l’aide des moyens de paiement,
l’accord étant conclu entre au moins trois participants qui peuvent être représentés par : les institutions de
crédit, les sociétés de services d’investissements financiers, la Trésorerie Publique ou d’autres entités
étrangères qui exercent des activités spécifiques aux établissements de crédit ou aux institutions
d’investissements financiers » (la Loi no. 58/1998 sur l’activité bancaire, Art.3).
188
électroniques de paiements ont réduit les coûts des banques, coûts assez importants, liés au
transfert et à la manipulation du numéraire.
Le système électronique de règlement interbancaire ReGIS70 est devenu
opérationnel le 8 avril 2005, et a été complété la même année par le module SENT71 et
SaFIR72. Le Rapport de la BNR pour 2005 mentionne le fait que la BNR exerce une influence
significative sur la société TRANSFOND S.A., une entité constituée en 2000 pour
l’externalisation de l’activité de la BNR concernant les opérations interbancaires entre les
banques commerciales.
Tant du point de vue de la stabilité financière, que de celui de leur importance pour
l’économie, les systèmes ReGIS, SENT et SaFIR ont été considérés, dès leur conception,
comme des éléments à importance systémique, ayant en vue le respect des standards et des
demandes établis au niveau de l’Eurosystème pour des systèmes identiques, de bonnes
pratiques appliquées au niveau mondial dans ce domaine.
L’importance des systèmes ReGIS et SaFIR pour les paiements et les règlements
et, de façon implicite, pour la stabilité financière a déterminé le maintien de la propriété de
ces systèmes au sein de la Banque Nationale de Roumanie qui s’occupe aussi de leur
administration, tandis que SENT est la propriété de la – Société de Transfert de Fonds et
Règlements – TRANSFOND S.A. qui s’occupe aussi de sa gestion. Le rôle d’administrateur
des systèmes ReGIS et SaFIR permet à la banque centrale de surveiller aussi les participants
au système, incluant les autres systèmes qui opèrent le règlement par l’intermédiaire de
ReGIS. Les services d’opération technique des deux systèmes sont réalisés par TRANSFOND
S.A., qui dispose de l’infrastructure technique nécessaire et qui opère cette infrastructure dans
les conditions établies par l’administrateur du système.
70
Le système ReGIS (acronyme de Romanian Electronic Gross Interbank Settlement) est opérationnel à partir
d’avril 2005, et est destiné au traitement et au règlement brut en temps réel des instructions de paiement de
grandes valeurs (plus de 50.000 RON), ou aux urgences initiées par les participants (institutions de crédit et la
Trésorerie Publique), des ordres de paiement afférents aux autres systèmes de paiements qui assurent la
compensation des fonds, ainsi qu’aux transferts de fonds concernant les opérations avec des titres publics dans le
système SaFIR et avec des certificats de dépôts.
71
Le système SENT (acronyme de Système Electronique à Règlement Net) administré par TRANSFOND S.A.)
est opérationnel depuis mai 2005, et est destiné à la compensation des ordres de paiement à valeur réduite
(instructions du type transfert crédit et direct débit au-dessous de 50.000 RON) entre les institutions de crédit et
entre celles-ci et la Trésorerie Publique, respectivement au calcul des positions nettes multilatérales des
participants au système et à la transmission de ces positions pour le règlement final dans le système ReGIS.
72
Le système SaFIR (acronyme de Settlement and Financial Instrument Registration) est opérationnel à partir de
d’octobre 2005 et assure aussi bien les fonctions de registre et de système de règlement des opérations avec des
titres publics, que les fonctions auxiliaires. Ce système représente un support pour le ReGIS et le SENT, en
donnant aux participants au système la possibilité de constituer des garanties en temps réel, sous la forme des
titres publics, pour le règlement des positions nettes.
189
Le système ReGIS est très important pour la stabilité financière parce qu’il
contribue au règlement des opérations de politique monétaire de la banque centrale, des
paiements correspondant aux opérations sur le marché interbancaire, des positions nettes
calculées par tous les systèmes de paiements qui assure la compensation et les transferts des
fonds afférents aux transactions avec des instruments financiers de tous les systèmes de
règlement des opérations à instruments financiers. Ce système est compatible avec le système
TARGET.
Le contrôle du risque de liquidité est assuré dans le système ReGIS, à l’aide des
instruments habituels utilisés pour le pilotage du risque de liquidité : la gestion des files
d’attente ; les facilités de liquidité pendant la journée (crédit intraday) par des achats d’actifs
financiers éligibles, achats réversibles pendant la journée (transactions repo intraday). La
BNR a été aussi désignée comme l’agent de règlements parce qu’elle peut facilement obtenir
les liquidités nécessaires. La possibilité d’obtenir, de manière beaucoup plus rapide et
beaucoup plus facile, des crédits sur le marché par l’intermédiaire des liaisons en temps réel
entre les systèmes ReGIS et SaFIR et la possibilité de gérer la liquidité de façon plus
efficiente par l’utilisation des facilités du système ReGIS (des informations en ligne sur la
situation du compte de règlement, des interfaces on-line) ont augmenté. Un mécanisme de
déblocage des paiements en attente a été ainsi adopté (gridlock resolution).
En ce qui concerne le système SENT, le besoin de liquidité est beaucoup plus
réduit que celui nécessaire pour le système ReGIS, les fonds demandés étant diminués par
l’existence de plusieurs sessions de règlement net. L’importance du système SENT pour les
paiements est donnée par son unicité, parce que son absence demanderait l’utilisation du
système ReGIS pour les paiements à petits montants, avec des coûts similaires aux paiements
urgents et avec le risque de charger excessivement le système ReGIS, dépassant les limites
maximales prévues dans la construction du système.
Quant au système SaFIR, le contrôle du risque de liquidité est assuré par la
liquidité intraday fournie par la banque centrale, ainsi que par le règlement net des fonds,
pour le marché primaire, et par le traitement des événements de paiement. Le développement
du système est en cours, avec comme objectif l’assurance des dépôts et du règlement des
certificats de dépôts émis par la banque centrale, ainsi que l’implémentation de nouvelles
fonctionnalités pour la gestion des émissions du type benchmark.
En conclusion, l’implémentation du système électronique de paiements a contribué
au renforcement de la sécurité et de l’efficience des transactions, à la réduction des coûts
190
afférents à ces opérations, ainsi qu’à un meilleur contrôle des risques y associés (surtout du
risque de crédit), pour éviter les risques de nature systémique.
191
Par conséquent, le standard de solvabilité doit acquérir une nature macro-
prudentielle pour combiner les deux approches. De cette façon, les risques pour les
établissements individuels seront calibrés en fonction de leur importance systémique.
Malheureusement, l’Accord Bâle II n’a pas réussi à implémenter parfaitement cette pratique.
Pourtant, nous considérons que les deux derniers piliers de l’Accord qui portent sur le rôle
joué par les autorités de surveillance et sur la coopération entre elles, respectivement sur
l’amélioration de la transparence et de la discipline de marché, peuvent être intégrés dans le
cadre de la dimension macro-prudentielle de la surveillance.
Le Comité de Bâle fut institué en 1974 suite à de graves turbulences sur les
marchés des changes et dans les secteurs bancaires (la faillite de la banque Herstatt en 1974 a
contribué à cette décision). Le Comité ne représente pas une autorité supranationale. Son but a
été au début d’énoncer des recommandations applicables aux banques du G10 qui sont actives
au plan international.
Le premier accord de Bâle (Bâle I) fut conclu en 1988 et a recommandé le calcul
d’un ratio de solvabilité connu comme le ratio Cooke. Bâle I reposait sur deux principes
simples : a) chaque crédit attribué impliquait un risque pour la banque, risque qui devrait être
couvert par une fraction supplémentaire de capital ; b) toutes les banques disposaient d’un
capital réglementaire minimal, à savoir 8% du total de leurs engagements pondérés en
fonction de leur risque.
Du point de vue normatif, l’accord de Bâle a été en outre un grand succès, puisque
même si à l’origine il était applicable seulement aux établissements de grande taille, actifs au
niveau international, il a été ensuite étendu et adopté par toutes les banques au sein de l’Union
Européenne par la Directive européenne du décembre 1989, sous le nom du « ratio de
solvabilité ».
Bâle I marque un tournant important dans la régulation bancaire. D’abord, l’accord
a contribué au renforcement de la santé du système bancaire international grâce à l’exigence
d’un capital minimum réglementaire. L’accord a aussi amélioré la stabilité du système
bancaire international et a défendu l’harmonisation des pratiques bancaires de différents pays
en éliminant en même temps la concurrence déloyale (le dumping réglementaire).
L’accord Bâle I a été conçu pour couvrir tous les risques, y compris le risque
opérationnel. Cependant, en pratique, l’accord n’établissait que des rapports entre le risque de
192
crédit et les fonds propres. Cet accord sur la « convergence internationale des mesures et des
normes liées aux fonds propres » est le résultat de choix des autorités qui ont opté pour une
solution parmi plusieurs variantes et il reposait sur les éléments suivants (Pujal, 2004) :
a) La limitation du champ des risques envisagé et analysé par la norme au seul
risque de crédit.
b) Pour mesurer le risque de crédit, on pouvait calculer un rapport des risques
pondérés qui représentait une image de la couverture des risques. Pourtant, il ne fallait pas
décourager les banques à détenir certains actifs à risque et rendement réduit, comme par
exemple les titres d’état.
c) Le maintien d’un système simple de pondération du risque, système reposant
sur une échelle réduite de coefficients, applicables aux différentes catégories d’actifs.
Le ratio Cooke comprend au numérateur les fonds propres et au dénominateur les
actifs et éléments hors bilan, pondérés en fonction des risques.
Fonds propres
≥ 8%
Actifs et éléments de hors bilan pondérés en fonction du risque
Une des critiques à l’adresse du ratio Cooke porte sur le fait qu’il ne prend en
considération qu’une partie réduite des risques encourus par les banques (en effet, seulement
le risque de crédit au début73), et les catégories de risque associées aux coefficients de
pondération sont relativement réduites. De plus, conformément aux critiques, le choix du
niveau de 8 % pour ce ratio n’a pas été fait en s’appuyant sur des fondements économiques
clairement établis.
Ce ratio ne prenait en compte ni la qualité effective des emprunteurs, ni leur
solidité financière. Le fait que les banques aient été encouragées à garder dans leur
portefeuille des crédits à haut risque est, selon beaucoup, un effet pervers de l’accord.
En 1997, le Comité de Bâle a publié un ensemble de « Principes fondamentaux
pour un contrôle bancaire efficace » et, en 1999, le premier document consultatif qui
proposait de réformer Bâle I a été publié. Après plusieurs séances consultatives sur cinq
années, l’Accord Bâle II qui est un accord beaucoup plus complexe, a vu le jour. Pour
déterminer le capital minimum réglementaire, il tente de prendre en considération la qualité
effective des emprunteurs et leurs risques, tout en se concentrant en même temps sur d’autres
risques que les risques de crédit et de marché, comme le risque opérationnel.
73
Les risques de marché ont été effectivement pris en compte à partir de 1996.
193
Le nouvel accord repose sur trois piliers. Le premier pilier porte sur
l’amélioration du ratio quantitatif entre le risque et les fonds propres et propose dans la ligne
de Bâle I une gestion préventive des risques. Les deux autres piliers font référence
respectivement à l’intensification de l’activité de surveillance et à l’amélioration de la
transparence des informations destinées aux acteurs qui agissent sur le marché, informations
liées au risque et au profil de risque des emprunteurs.
Le premier pilier représente le principe du capital minimum et son objectif est de
mieux corréler le niveau de capital avec le niveau de risque et avec les engagements
bancaires. La logique du précédent ratio est donc reprise, mais en conformité avec Bâle II la
notion de risque est étendue au risque de crédit, au risque de marché et au risque opérationnel.
A) Le risque de crédit
Détaillé:
Tier 1 + Tier 2 Tier 1 + Tier 2 Tier 1 + Tier 2
≥ 6% ; ≥ 0,4% ; ≥ 1,6%
Risque de crédit Risque de marché Risque opérationnel
194
Tier 1 porte sur les capitaux propres et sur les excédents non distribués aux
actionnaires. Les banques doivent donc retenir au moins la moitié de leur capital
réglementaire.
Tier 2 porte sur les ressources supplémentaires internes et externes disponibles
(réserves, provisions générales, dette subordonnée).
B) Le risque de marché
C) Le risque opérationnel
195
Pour conclure, ce premier pilier qui se trouve à la base de l’accord s’appuie sur
une évaluation propre du risque bancaire. Ce risque doit être mesuré et Bâle II ne pénalise pas
les banques avec un système adéquat de qualité pour la gestion des risques.
Le deuxième pilier correspond à la méthodologie de surveillance appliquée par les
autorités de régulation, avec comme objectif de permettre une intervention en amont, lorsque
le niveau de capital retenu ne présente pas une couverture des risques suffisante et évidente.
Ce pilier détermine les moyens d’intervention des autorités responsables du contrôle bancaire.
Ces moyens sont définis dans une manière qui doit permettre leur harmonisation au niveau
international, de sorte que les surveillants puissent se convaincre que les banques disposent
des fonds propres adéquats pour leur profil de risque.
Le deuxième pilier est fondé sur quatre grands principes :
• Il appartient aux banques d’apprécier le montant du capital qui leur est
nécessaire. Chaque banque doit disposer d’une procédure qui lui permette d’évaluer
l’adéquation de ses fonds propres à son profil de risque. Une banque qui prend des risques
plus élevés mais qui est mieux notée peut demander une pondération plus faible de ces
risques, par rapport à une banque qui investit dans des placements plus sûrs mais qui jouit
d’un rating moins favorable.
• Le surveillant peut réviser les pratiques de chaque banque dans ce domaine.
Lorsqu’il entreprend une mission de contrôle, il doit examiner et évaluer les mécanismes mis
en place et il doit prendre les mesures appropriées s’il n’est pas satisfait.
• Le surveillant a la possibilité d’imposer à la banque à retenir des fonds propres
supérieurs au minimum réglementaire, en fonction du profil de risque.
• Les autorités de contrôle peuvent intervenir pour prévenir les risques.
La fonction de surveillance remplie par les organismes nationaux joue un rôle très
important. Leur objectif est de s’assurer que chaque banque met en œuvre un niveau de
contrôle interne suffisant pour permettre de maintenir un niveau adéquat de capital
réglementaire. De l’autre côté, la convergence des pratiques des organismes de contrôle est
indispensable pour assurer une véritable concurrence entre les acteurs. L’absence
d’harmonisation mènerait à la situation où certaines banques devraient tenir tête aux
exigences plus significatives en matière de capital.
Ce pilier encourage l’utilisation des méthodes sophistiquées et la simulation par les
banques de l’impact de certains effets économiques adverses sur leur activité. Cette
simulation suppose l’application des stress-tests. Les scénarios de ces tests sont destinés à
196
augmenter la sensitivité du capital aux changements qui affectent le marché, incluant les
changements de liquidité et de volatilité (Blommestein, 2005).
Le troisième pilier porte sur la discipline de marché et sur l’amélioration du
processus d’information publique pour réduire l’opacité de l’industrie bancaire. Il vise à
assurer une bonne transparence des établissements, en les rendant conscients de l’existence de
certains risques comme conséquence du manque des informations fiables et régulières.
Le Comité a insisté surtout sur la nécessité d’améliorer la transparence, sans
imposer de méthodes précises pour atteindre cet objectif. Les initiatives proposées pour
favoriser la discipline de marché des banques sont les suivantes:
• modifier la structure du financement des banques ;
• imposer une plus grande transparence, c’est-à-dire obliger les banques à
transmettre publiquement des informations qui peuvent ensuite être utilisées par les
investisseurs privés pour mieux évaluer la performance des dirigeants des banques ;
• utiliser l’information fournie par le marché pour améliorer l’efficacité du
contrôle.
Pop (2003) montre qu’une amélioration de la transparence représente une
condition nécessaire mais non suffisante pour que la discipline de marché s’exerce
pleinement. Il faut aussi créer une structure qui permette aux participants du marché de
bénéficier de ces informations. De plus, l’émission des titres de dette subordonnée et la prise
en considération de ce type de dette pour calculer les fonds propres réglementaires, sont
soumisses à certaines contraintes. Le fait que la discipline de marché n’est pas efficace sans
politique de la dette subordonnée, a été démontré. Les banques peuvent dénaturer la discipline
de marché en réduisant de façon significative ce type de financement pour favoriser d’autres
éléments appartenant au passif bancaire, moins sensibles aux risques, comme par exemple les
dépôts garantis. Bâle II prévoit la possibilité, mais non l’obligation, d’émettre des titres de
dette subordonnée.
Pour résumer, la structure de l’accord est schématisée Figure 37.
Une de principales contributions de l’Accord porte sur la gestion du crédit (le
pilier I). La réforme proposée par l’accord Bâle II prévoit deux approches pour le calcul du
capital minimum réglementaire : l’approche standard et l’approche fondée sur les systèmes
internes de notation, qui peut à son tour être simplifiée ou avancée.
197
Figure 37 : Les piliers de l’accord Bâle II
Bâle II
L’approche standard analyse le risque en fonction des notations fournies par les
agences de rating. Cela implique aussi une réorientation de l’activité de ces agences vers
d’autres entreprises que les grandes sociétés. Sa mise en place nécessite en même temps une
échelle unique de notation. Cette approche convient aux petites institutions financières qui
n’ont pas les moyens de développer des systèmes de gestion interne des risques.
La deuxième approche, fondée sur les systèmes internes de gestion (IRB), est
beaucoup plus complexe. Chaque actif reçoit un poids différent qui est calculé en fonction
de : l’exposition en cas de défaut, la probabilité de défaut et la perte enregistrée par la banque
en cas de défaut. L’implémentation de cette approche permettra aux banques de faire des
économies concernant les fonds réglementaires.
198
les agences devront tenir compte de leurs modèles internes et du taux de couverture des
créances, nécessaire pour calculer les pertes en cas de défaut.
Bâle II propose pour l’approche standard une nouvelle matrice de pondération des
risques qui prend aussi en considération la qualité des emprunteurs. La dégradation de la
qualité d’un débiteur se traduit généralement par une augmentation des fonds propres
réglementaires. Cette sensibilité au risque incite les banques à analyser le risque auquel elles
s’exposent avant d’accorder un crédit. De même, cette méthode conduit à une meilleure
allocation des fonds propres des banques, mais aussi à une meilleure allocation entre les
banques. Le Tableau 11 présente les pondérations proposées par le Comité de Bâle pour
chaque classe de risque.
Afin de ne pas pénaliser les petites et moyennes banques qui ne peuvent pas
développer des modèles internes de gestion ou, encore plus, qui ne peuvent pas commander
199
des évaluations externes, le Comité de Bâle a fixé à 100 % la pondération des risques pour les
entités qui ne sont pas notées. Cette situation correspond à celle rencontrée dans l’accord Bâle
I. La critique faite par les agences de notation par rapport à cette décision porte sur le fait que
le traitement des entités qui ne sont pas notées est trop généreux.
La conclusion de l’analyse de la matrice de pondération des risques est que les
banques qui choisissent l’approche standard et dont le portefeuille est avant tout composé
d’entreprises et de banques non notées, sont peu affectées par le nouvel accord.
La solidité du système bancaire est essentielle pour une allocation optimale des
ressources et pour la stabilité économique et financière. La deuxième approche de gestion du
risque de crédit proposée par le Comité de Bâle traduit une forte volonté de transférer la
responsabilité en matière de méthodes et de moyens d’action. Même si dans cette étape
l’implication des autorités de surveillance dans la réussite de la mise en œuvre de l’accord
augmente, l’étape ultime repose sur la réussite des banques à définir elles-mêmes leurs
propres systèmes pour mesurer les risques, systèmes qui seront différents d’une entité à
l’autre mais qui devront être validés par les surveillants.
L’objectif des notations internes est de traiter tour à tour les probabilités de
défaillance, la perte enregistrée par la banque en cas de défaut, mais aussi l’exposition au
risque de défaillance. La probabilité de défaut (Probability of Default – PD) représente la
probabilité qu’un débiteur ne puisse pas honorer ses obligations de paiement74. La perte en
cas de défaut (Lost Given Default – LGD) représente le pourcentage que la banque perdra du
montant qui lui est dû75. Enfin, l’exposition au risque de défaut (Exposure at Default – EAD)
est donnée par la valeur de la créance que la banque ne récupéra plus. Par conséquent, pour
calculer le capital réglementaire, il faut définir :
a) Perte attendue (%) = PD * LGD
b) Valeur de la perte attendue (EL) = Perte attendue * EAD
c) Demandes de capital = Valeur de la perte attendue * 8%
La distinction entre l’approche simplifiée et l’approche avancée (les deux options
de gestion du risque à partir des modèles internes) est le fait que pour la première option les
74
Elle est estimée à partir des données historiques sur le non remboursement d’une certaine catégorie de crédits.
75
Elle est établie par l’autorité de surveillance (dans la méthode IRB de base) ou estimée à partir des données
historiques sur le non remboursement d’une certaine catégorie de crédits (méthode IRB avancée).
200
paramètres (excluant la probabilité de défaillance) sont fournis par l’autorité nationale de
régulation (Tableau 12).
Tableau 12 : Origine des données, en fonction des méthodes d’évaluation (Bâle II)