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Gynécologie - Obstétrique

B 165

Grossesse et diabète
(y compris le diabète gestationnel)
Diagnostic, complications, principes du traitement
Pr Catherine TCHOBROUTSKY
Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 92141 Clamart cedex

Points Forts à comprendre mentent, soit progressivement, soit par paliers ; ils dimi-
nuent brutalement (environ de moitié) dès l’accouchement.
À distance, la grossesse n’aura pas modifié le diabète. Au
Dans le diabète insulino-dépendant, les besoins en cours de la grossesse et du fait de l’abaissement fréquent
insuline diminuent souvent au 1er trimestre de la du seuil rénal du glucose, la glycosurie n’est pas un reflet
grossesse, puis augmentent de plus en plus (à cause fiable de la glycémie et ne doit pas être recherchée. Seule
de la sécrétion d’hormones antagonistes la glycémie doit être effectuée (et la cétonurie en cas d’hy-
de l’insuline, notamment l’hormone placentaire perglycémie).
lactogène) pour s’effondrer après la délivrance
du placenta. La rétinopathie peut s’aggraver. 2. Devenir des complications dégénératives
Pratiquement toutes les complications fœtales du diabète
et néonatales des diabètes antérieurs à la grossesse
(insulino- et non insulino-dépendants) sont • La rétinopathie : une flambée peut survenir, surtout lors-
corrélées à l’hyperglycémie maternelle : qu’il existe déjà des lésions en début de grossesse. Dans
malformations congénitales, macrosomie, mort certains cas, une régression partielle peut s’observer dans
fœtale in utero, troubles métaboliques néonatals. le post-partum.
Le diabète gestationnel (en fait le plus souvent • La néphropathie est beaucoup plus rare, mais des com-
simple intolérance aux hydrates de carbone), plications sont à prévoir au cours de la grossesse. Les com-
entité mal définie et hétérogène, survient plications fœtales sont fréquentes [retard de croissance
généralement après 24-26 semaines d’aménorrhée intra-utérin, souffrance fœtale, mort fœtale in utero
et ne s’accompagne pas d’une augmentation (MFIU)] ou prématurité induite pour éviter la mort du fœtus
du risque de malformations fœtales. in utero. L’évolution maternelle peut sembler sérieuse : la
protéinurie augmente dans la seconde moitié de la gros-
sesse et une hypertension artérielle (HTA) apparaît presque
La fécondité des femmes diabétiques est normale. Une à toujours, ou s’aggrave si elle était présente avant la gros-
deux femmes enceintes pour mille ont un diabète perma- sesse. L’insuffisance rénale, même si elle existait, ne s’ag-
nent, antérieur à la grossesse. La majorité d’entre elles sont grave que rarement. À distance et dans la majorité des cas,
des diabétiques insulinoprives : diabètes insulino-dépen- l’état rénal reviendra à l’état antérieur.
dants de type I (DID) ; 25 % des diabètes non insulino-
3. Complications de la grossesse
dépendants de type II (DNID) qui sont certes plus fréquents
dans la population générale, mais moins fréquents à l’âge Certaines complications sont plus fréquentes au cours de
de la reproduction. De plus, une intolérance aux hydrates la grossesse diabétique.
de carbone ou un diabète sont découverts chez 3 à 6 % des • Infections urinaires : lorsqu’elles sont patentes, elles pré-
femmes enceintes : c’est le diabète gestationnel. L’amé- disposent à la cétose et à l’acidocétose diabétique, qui sont
lioration spectaculaire du pronostic des grossesses diabé- graves pour la mère et peuvent entraîner la mort du fœtus
tiques est un des meilleurs exemples de l’effet d’une col- in utero. Les bactériuries asymptomatiques doivent donc
laboration pluridisciplinaire. être recherchées tous les mois systématiquement et trai-
tées.
Diabète insulino-dépendant • Hydramnios et excès de liquide amniotique constituent
une complication fréquente et classique de la grossesse dia-
Complications bétique. Elle s’observe surtout en cas de macrosomie
fœtale. Sa physiopathologie est obscure (la diurèse fœtale
1. Devenir du diabète au cours de la grossesse est normale).
Les hypoglycémies sont fréquentes dans le 1er trimestre ; • HTA : il peut s’agir d’HTA chroniques, antérieures à la
puis à partir de 17-20 semaines, les besoins en insuline aug- grossesse, ou induites par la grossesse, compliquées par-

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fois de protéinurie (prééclampsie) qui aggravent considé- • Mortalité in utero : elle était de l’ordre de 40 % jusque
rablement le pronostic maternel et fœtal et peuvent obliger dans les années 1940-1950, elle a diminué progressivement
à l’interruption prématurée de la grossesse. pour être de nos jours de l’ordre de 1 à 2 % dans les centres
spécialisés. Elle survenait le plus souvent chez des femmes
4. Complications fœtales dont le diabète était mal contrôlé, le fœtus gros, l’œuf
• Avortements spontanés : des études récentes ont montré hydramniotique, et de préférence dans les dernières semaines
qu’ils étaient plus fréquents lorsque le diabète est mal de la grossesse. Son étiologie n’a jamais pu être précisée
contrôlé. mais sa relation avec le contrôle du diabète a permis de
• Malformations fœtales : la fréquence des malformations prendre des mesures préventives. Les autres causes
graves et létales, quelles qu’elles soient, est 2 à 3 fois plus (actuelles) de mort du fœtus in utero chez la patiente diabé-
élevée que dans la population générale. Elles ne sont pas tique sont liées aux malformations et aux HTA maternelles.
dues à un facteur génétique, car les pères diabétiques n’ont
pas plus d’enfants malformés que la moyenne. Leur sur- 5. Complications néonatales
venue est plus fréquente lorsque le diabète est mal contrôlé
Mises à part les malformations congénitales et la macro-
dans les premières semaines de la vie embryonnaire. A somie avec ses complications possibles, qui ont été traitées
contrario, leur fréquence est diminuée chez les femmes qui
plus haut, les complications néonatales sont les suivantes.
ont un contrôle correct du diabète, secondaire à une prise
• Détresses respiratoires : l’hyperinsulinisme fœtal est res-
en charge préconceptionnelle. En début de grossesse, leponsable d’un retard de maturation du surfactant pulmo-
dosage de l’hémoglobine glycosylée permet de juger du naire qui, en cas d’accouchement prématuré, est à l’origine
contrôle du diabète dans les semaines précédentes, et de
d’un risque accru de maladie des membranes hyalines
prévoir un risque accru de malformations si elle est très
(MMH). L’accouchement prématuré provoqué avait été
élevée. autrefois proposé pour éviter les morts du fœtus in utero et
• La macrosomie fœtale se caractérise par un poids supé-
les difficultés obstétricales liées à la macrosomie : il a
rieur au 90e percentile des courbes de croissance intra-uté-
abouti à de nombreuses morts néonatales par maladie des
membranes hyalines. L’accouchement à terme permet
rine, une hypertrophie du pannicule adipeux, une splanch-
d’éviter cette complication. Plus fréquentes actuellement
nomégalie du foie, du cœur et des surrénales, alors que le
sont les détresses respiratoires transitoires (24-48 h) par
développement cérébral est de poids normal. Le bon contrôle
retard de résorption du liquide intrapulmonaire.
du diabète diminue la monstruosité de l’apparence de ces
nouveau-nés mais ne supprime pas la macrosomie qui per-• Myocardiopathie hypertrophique transitoire : elle
débute in utero, reconnue par l’échographie. Elle est le plus
siste chez 20 à 30 % des nouveau-nés de mère diabètique.
souvent asymptomatique à la naissance. Parfois, elle est à
Elle est à l’origine de difficultés obstétricales dont la plus
l’origine d’une tachypnée avec cyanose et d’une cardio-
grave est la dystocie des épaules : cette difficulté d’extrac-
mégalie radiologique. Très rarement, elle peut entraîner
tion des épaules (alors que la tête est déjà sortie) peut entraî-
une insuffisance cardiaque. Dans tous les cas, les signes
ner une paralysie du plexus brachial, transitoire ou défini-
tive, et aussi une asphyxie, à l’origine d’état de mal convulsif
régressent en quelques semaines, les signes échocardio-
néonatal, de mort ou de séquelles neurologiques. graphiques en quelques mois.
• Troubles métaboliques :
– l’hypoglycémie est très fréquente mais
Relation entre l’hémoglobine glycosylée transitoire (quelques jours). Elle nécessite
en début de grossesse et le taux de malformations une surveillance pluriquotidienne et des
dans le diabète permanent apports glucidiques systématiques ;
– l’hypocalcémie est fréquente et doit être
Pourcentage de cas dépistée et traitée avant l’apparition de
signes cliniques ;
90
■ Normal – la polyglobulie est due vraisemblable-
80 ■ Malformations majeures ment à une hypoxie chronique modérée.
70 Elle entraîne une hyperviscosité, qui peut
être à l’origine d’une détresse respiratoire
60 voire (exceptionnellement) de thrombose
50 rénale ;
– l’ictère : la production de bilirubine est
40
augmentée du fait de la polyglobulie et
30 d’une érythropoïèse accrue.
20
• La mortalité néonatale est actuellement
basse et est due essentiellement, soit aux
10 malformations congénitales, soit à la
0 grande prématurité, parfois induite dans
o 9,3 % 9,4-11 % 11,1-12,7 % 12,8-14,4 % > 14,4 % HbA1 les néphropathies diabétiques.

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6. Devenir à long terme des enfants de mère


diabétique insulino-dépendante Glycémie fœtale
Le risque de développer un diabète dans les 30 premières La glycémie fœtale est le reflet exact (à un taux plus faible) de la gly-
années de la vie est de l’ordre de 1 % (risque multiplié par cémie maternelle. L’insuline maternelle – endogène ou exogène – ne
5 à 10 par rapport à un enfant de mère non diabétique). traverse pas le placenta. Le pancréas fœtal sécrète de l’insuline à par-
tir de la 12e semaine. Une hyperglycémie au long cours entraîne une
Si le père et la mère ont un DID, le risque pour l’enfant est hyperplasie des îlots de Langerhans fœtaux et un hyperinsulinisme.
de 25 %. Ces modifications rendent compte de la plupart des complications
fœtales et néonatales.
Principes du traitement
Mais les statistiques montrent que la moitié de ces femmes
1. Traitement médical ont une césarienne.
• La prise en charge préconceptionnelle est formellement • Dans le post-partum :
recommandée pour : – l’enfant doit être surveillé de très près, le plus souvent
– diminuer le risque de malformations congénitales en dans un service de néonatologie ;
contrôlant le diabète le mieux possible avant même la – les doses d’insuline maternelles doivent être diminuées
conception ; de moitié ;
– faire un bilan maternel : fond d’œil. La découverte d’une – l’allaitement est encouragé ;
rétinopathie proliférante doit faire instituer un traitement – la contraception peut être assurée par une micropilule
par laser, et faire surseoir transitoirement à la grossesse. progestative en continu, donnée à partir du 10e jour post-
Une hypertension artérielle doit être traitée. La présence partum.
d’une protéinurie doit faire craindre l’existence d’une • Les grossesses diabétiques compliquées doivent faire
néphropathie diabétique, qui aggrave considérablement le prendre des mesures spécifiques :
pronostic fœtal. La découverte d’une coronaropathie – l’existence ou la survenue d’une HTA ou d’une protéinu-
contre-indique une grossesse. rie doivent faire renforcer la surveillance : les dopplers uté-
• La base du traitement est le contrôle du diabète. L’ob- rins et ombilicaux prennent ici de l’importance. Les rythmes
jectif que l’on tend à atteindre (ce n’est pas toujours pos- cardiaques fœtaux doivent parfois être commencés à
sible) est d’obtenir des glycémies à 0,80 g/L avant le repas 26 semaines. On peut être amené à interrompre prématuré-
et 1,20 g/L après les repas. Ce contrôle doit être aussi bon ment la grossesse pour des raisons maternelles ou fœtales ;
que possible dès avant la grossesse et doit être continué tout une corticothérapie à visée de maturation pulmonaire fœtale
au long de la grossesse et tout au long des nycthémères, pour doit être effectuée si cette interruption doit être fait avant
éviter la mort fœtale in utero et limiter la macrosomie. 34 semaines, avec ajustement des doses d’insuline ;
– l’hydramnios ne nécessite pas en général de mesures thé-
2. Prise en charge obstétricale rapeutiques spéciales ;
Elle consiste en une série de précautions. – la menace d’accouchement prématuré ne doit pas être
• Détermination précise du début de la grossesse par la traitée par β-stimulant, qui peuvent entraîner un coma aci-
mesure de la longueur cranio-caudale de l’embryon à docétosique en quelques heures, sauf perfusion d’insuline
l’échographie entre 8 et 12 semaines d’aménorrhée. concomitante à hautes doses. Les antagonistes calciques
• Dépistage des anomalies pendant la grossesse : seront préférés.
– malformations fœtales, par l’échographie : une première
vers 20 semaines ; une deuxième pour préciser la mor- Diabète non insulino-dépendant
phologie cardiaque et rénale entre 26 et 30 semaines ;
– complications obstétricales : hydramnios, HTA, protei- • Il s’agit souvent de femmes plus âgées, multipares, sou-
nurie, etc. ; vent obèses. Mises à part les complications dégénératives
– souffrance fœtale ; à partir de 32 semaines, elle se fait qui sont rares, les autres complications maternelles et
par le compte subjectif des mouvements actifs par la mère, fœtales sont identiques à celles du DID.
et par les enregistrements répétés du rythme cardiaque • Les principes de traitement sont calqués sur ceux du
fœtal ; le doppler ombilical est normal dans les grossesses DID. La prise en charge préconceptionnelle est ici encore
diabétiques non compliquées d’HTA et donc inutile ; très importante, puisqu’il faudra arrêter les antidiabétiques
– macrosomie, dont le diagnostic serait important pour oraux. Le régime seul ne permet le plus souvent pas de
choisir la voie d’accouchement : mais l’estimation du poids contrôler le diabète. Dans l’intérêt fœtal l’insulinothérapie
in utero est sujet à de grandes erreurs, que ce soit par la cli- sera instituée même en cas d’obésité. Elle pourra être arrê-
nique ou par l’échographie ; la mesure échographique du tée immédiatement après l’accouchement.
diamètre (de la surface ou du périmètre) abdominal est
l’élément le moins mauvais. Diabète gestationnel
• L’accouchement doit se faire à terme, c’est-à-dire après
38 semaines. Le mode d’accouchement est choisi en fonc- On appelle ainsi tout diabète ou toute intolérance aux
tion de critères obstétricaux. Un déclenchement programmé hydrates de carbone diagnostiquée au cours de la grossesse.
est possible si les conditions obstétricales sont favorables. C’est une entité hétérogène. Il peut s’agir :

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• d’un diabète déclenché ou « extériorisé » par la gros-


sesse. La grossesse est une situation diabétogène (surtout Bon contrôle du diabète
après 24-26 semaines) au même titre que l’obésité ou la Les méthodes qui permettent d’approcher le bon contrôle du diabète
prise d’œstroprogestatifs de synthèse, chez quelqu’un qui sont la multiplication des injections d’insuline dans le nycthémère
est génétiquement prédisposé. Seule l’évolution postgra- (3 à 4 par jour) ou la pompe à insuline ; une alimentation équilibrée
vidique dira si ce diabète est transitoire (mais sujet à une à 30 kcal/j/kg répartie pour les hydrates de carbone en 3 repas et
3 collations, une autosurveillance des glycémies 6 fois par jour (3 fois
réapparition ultérieure) ou permanent ; préprandiales, 3 fois postprandiales). Deux éléments sont fondamen-
– d’un diabète méconnu préexistant à la grossesse ; un dia- taux pour la bonne application de ces méthodes : un enseignement de
bète découvert au cours du 1er trimestre a toute chance d’être haute qualité dispensé par diabétologues, infirmières, diététiciennes,
un diabète non insulino-dépendant antérieur à celle-ci ; de préférence dans un centre habitué à la grossesse diabétique ; la
motivation de la patiente.
– d’un diabète insulino-dépendant, exceptionnel. Les modalités pratiques consistent en :
– une préparation de la grossesse planifiée (donc une bonne contra-
Complications ception). Cette prise en charge préconceptionnelle, outre la mise en
route du bon contrôle, permet de dépister les rétinopathies et éven-
1. Maternelles tuellement de les traiter avant la grossesse, les néphropathies et les
• Immédiates : HTA ;
– une surveillance de la grossesse au moins tous les 15 jours par un
– l’HTA est plus fréquente que dans la population géné- diabétologue entraîné, qui redressera les erreurs éventuelles de la
rale ; patiente ;
– une césarienne est plus souvent pratiquée. – une surveillance du fond d’œil au moins trois fois au cours de la gros-
• À distance : 50 % des femmes deviendront diabétiques sesse : une angiographie et un traitement par le laser sont autorisés ;
– la surveillance régulière de la pression artérielle, le dépistage d’une
dans les 10 ans. Vraisemblablement beaucoup plus à long protéinurie et d’une bactériurie, et le traitement de cette dernière.
terme.
2. Fœtales et chez l’enfant à long terme Data Group (NDDG), adoptée par la majorité des Améri-
• Fœtales et néo-natales. La macrosomie est présente dans cains, la modification de Carpenter et Coustan, recom-
20 % des cas. Il est difficile de juger si la mortalité in utero mandée par le Collège national des gynécologues et obs-
est augmentée, car dès que le diagnostic est fait, des tétriciens français (tableau II), et celle de l’OMS
mesures thérapeutiques sont prises pour contrôler le dia- (tableau III) qui précise bien qu’au cours de la grossesse,
bète. Des études anciennes avaient montré l’augmentation l’intolérance aux hydrates de carbone doit être considérée
de la mort fœtale en l’absence de traitement. Le risque de et traitée comme un diabète patent. Quel que soit le critère
malformations congénitales n’est pas significativement retenu, l’épreuve d’hyperglycémie provoquée (HPO) doit
augmenté (vraisemblablement parce que le trouble méta- être effectuée après 3 jours d’apports adéquats en hydrates
bolique apparaît le plus souvent après l’organogenèse). La de carbone (250 g/j).
morbidité néonatale est moins fréquente mais identique à
celles des autres types de diabète.
Critères du diabète gestationnel
• À distance : des travaux expérimentaux et des études cli-
niques ont montré l’importance du diabète gestationnel
dans l’apparition ultérieure d’un diabète de type II dans la Épreuve d’hyperglycémie provoquée après charge orale de
descendance. Deux mécanismes ont été invoqués pour 100 g de glucose. Deux chiffres au moins égaux ou supé-
expliquer la transmission maternelle préférentielle : l’épui- rieurs aux valeurs indiquées en g/L (ou mmol/L) définissent
le diabète gestationnel
sement pancréatique fœtal, soumis pendant la vie intra-uté-
rine à l’hyperglycémie ; la transmission de DNA mito- 0 1h 2h 3h
chondrial, forcément maternelle. Il est vraisemblable que
les deux mécanismes agissent de concert. 1,05 1,90 1,65 1,40
(5,8) (10,4) (9,1) (7,8)
Critères diagnostiques Critères de Carpenter et Coustan
Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une hyper- 0,95 1,80 1,55 1,40
glycémie. Le dosage de l’hémoglobine glycolysée ou de la (5,3) (10,1) (8,7) (7,8)
fructosamine n’est pas assez sensible. Mais le spectre des D’après O’Sullivan : NDDG
glycémies, entre le sûrement normal et le franchement
pathologique, est continu et toute définition de la norma-
lité ou de l’anomalie ne peut être qu’arbitraire. Générale- Critères diagnostiques
ment, dans la littérature, le diagnostic repose sur une hyper- du diabète gestationnel
glycémie provoquée. La modalités de l’épreuve et les
chiffres « anormaux » n’ont pas fait l’objet d’un consen- – à jeun < 1,2
sus international, d’autant qu’il s’agit d’une épreuve peu – 2 h après charge orale > 1,4/L (8,0 mmol/L)
reproductible. Trois définitions sont données comme en glucose (75 g)
exemples (en glycémies plasmatiques sur sang veineux
D’après l’OMS
total) : celle de O’Sullivan revue par le National Diabetes

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Dépistage 1 500 kcal/j, même chez les obèses (dans l’intérêt fœtal) avec
un apport minimal en hydrates de carbone de l’ordre de 150
L’hyperglycémie provoquée est une épreuve lourde, qu’on à 200 g/j répartis dans la journée en 3 repas et 3 collations.
ne peut faire à toutes les femmes. On a donc proposé des • Les glycémies à jeun et postprandiales doivent être sur-
tests de dépistage qui sont censés discriminer au mieux les veillées au moins tous les 8 jours jusqu’à la fin de la gros-
femmes chez lesquelles une hyperglycémie sera trouvée, sesse pour ne pas laisser passer l’heure éventuelle de l’in-
pour faire le diagnostic. sulinothérapie.
Les questions à résoudre sont : chez qui faut-il dépister le • L’insulinothérapie d’emblée ou secondairement peut
diabète au cours de la grossesse ? comment ? et quand ? être indiquée si les glycémies, malgré le régime, dépas-
• Chez qui ? sent 1,05 g/L à jeun et 1,40 g/L en postprandial. Elle doit
Il est admis par tout le monde qu’un diabète doit être recher- être arrêtée immédiatement après l’accouchement.
ché chez toutes les femmes qui ont un des facteurs de risque • La surveillance de la grossesse et le mode d’accou-
suivants : obésité, antécédent familial de diabète de type II, chement sont les mêmes que pour les autres formes de dia-
antécédent de gros enfant, glycosurie. On trouve approxi- bète. ■
mativement 10 % de diabètes gestationnels dans cette
population. D’autres facteurs de risque existent : l’origine
ethnique (fréquence accrue chez les Asiatiques, les femmes
d’Afrique du Nord et du Proche-Orient) ; l’âge (augmen- Points Forts à retenir
tation du risque avec l’âge) ; une prise de poids anormale-
ment élevée en cours de grossesse ; la survenue d’un
hydramnios sans cause ; la survenue d’une macrosomie ou La base du traitement de toutes les formes de
d’une hypertension artérielle. diabète compliquant la grossesse est le contrôle
On a récemment proposé de le faire systématiquement à aussi strict que possible de la glycémie. Dans les
toutes les femmes enceintes parce qu’autrement on passe diabètes permanents antérieurs à la grossesse
à côté de 40 % des diabètes gestationnels. C’est là un choix (diabètes insulino- et non insulino-dépendants), ce
de santé publique. contrôle doit être entrepris avant la grossesse pour
• Comment ? L’un des test les plus fréquemment employés diminuer le risque de malformations fœtales. Cette
est le test de O’Sullivan : il consiste à faire une glycémie prise en charge permettra aussi de faire un bilan
60 minutes (exactement) après l’absorption de 50 g de glu- des lésions dégénératives, et au besoin de les
cose quelle que soit l’heure de la journée ou du dernier traiter. Ces grossesses doivent être surveillées dans
repas. Si la glycémie est supérieure à 1,4 g/L, une HPO est un centre habitué à cette pathologie, avec une prise
indiquée. en charge pluridisciplinaire, comportant
• Quand ? Les instances internationales recommandent un obstétricien, diabétologue, anesthésiste, pédiatre,
dépistage après 26 semaines d’âge gestationnel, au moment diététicienne. À ce prix, le pronostic est bon. Le
où la grossesse devient diabétogène. Cela ne permet pas de diabète gestationnel comporte beaucoup moins de
diagnostiquer les troubles métaboliques du début de gros- risque.
sesse. Il semble donc raisonnable de proposer aussi à toutes
les femmes qui ont des facteurs de risque une glycémie à
jeun et une glycémie postprandiale en début de grossesse.

Principes du traitement POUR EN SAVOIR PLUS


Tchobroutsky C. Diabète et grossesse. In : Thoulon JM, Puech F,
• Les principes sont les mêmes que pour les autres formes Boog G. Obstétrique. Paris : Ellipses Aupelf/Uref, 1995 : 343-56.
de diabète et consistent à normaliser autant que possible Multicenter survey of diabetic pregnancy in France. Diabetes Care
les glycémies. 1991 ; 14, 11 : 994-1000.
Oats JN. Diabetes in pregnancy. Bailliere’s Clin Obstet Gynæcol
• Très souvent, le régime seul permet d’y arriver. Ce régime 1991 ; 5, 2 : 257-505.
consiste en 1 800 à 2 000 kcal/j, mais pas moins de

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