B 188
Grippe
Épidémiologie, diagnostic, traitement, prévention
Pr Bruno POZZETTO
Laboratoire de bactériologie-virologie, CHU, hôpital Nord, 42055 Saint-Étienne cedex 02
Points Forts à comprendre (le type C est surtout responsable d’infections bénignes des
voies aériennes supérieures). Ce sont des virus à ARN, de
capside hélicoïdale et porteurs d’une enveloppe. Le génome
• La grippe est une maladie infectieuse aiguë, bien est fragmenté en 8 pièces. L’enveloppe de nature phos-
définie, associant dans sa forme commune une pholipidique rend compte de la fragilité du virus dans le
fièvre souvent élevée, une altération de l’état milieu extérieur ; elle est hérissée de 2 types de projections
général (douleurs diffuses, asthénie) et des signes glycoprotéiques indispensables à l’infectiosité du virus :
respiratoires d’intensité variable. Elle ne doit pas l’hémagglutinine et la neuraminidase (fig. 1).
être confondue avec les autres viroses Les anticorps dirigés contre ces structures sont protecteurs.
respiratoires. L’essentiel de la variabilité du virus est portée par ces deux
• Sous l’angle épidémiologique, la grippe est antigènes. On distingue des modifications mineures ou
caractérisée par sa grande contagiosité, par sa très « glissements antigéniques » et des modifications majeures
nette recrudescence hivernale et par son important ou « sauts antigéniques ». L’encadré 1 illustre les consé-
retentissement socio-économique lié à l’ampleur de quences de ces 2 types de variations antigéniques.
certaines épidémies. Les souches de virus grippal sont désignées comme indi-
• Le caractère épidémique de la grippe est lié qué sur la figure 2.
à la grande variabilité génétique des virus
responsables ; ils peuvent être l’objet de variations
antigéniques mineures (glissements) ou majeures
(sauts).
• La gravité de la maladie tient aux formes
suraiguës ou malignes et aux surinfections Neuraminidase
respiratoires bactériennes observées chez les sujets
âgés et (ou) fragiles. Protéine de matrice
• Le pouvoir protecteur du vaccin est estimé
à 70 %. Sa composition antigénique est revue Enveloppe
Génome ARN
Capside
hélicoïdale
H Nucléocapside
fragmentée
– cytolyse hépatique et insuffisance rénale fonctionnelle ; virus parainfluenzæ, le virus respiratoire syncytial, les adé-
– myosite avec rhabdomyolyse et myoglobinurie, en par- novirus, les rhinovirus, les entérovirus, etc.
ticulier chez l’enfant avec le type B ; la récupération se fait En cas de pneumopathie atypique, il faut évoquer les bacté-
habituellement sans séquelles ; ries à tropisme intracellulaire pour lesquelles il existe un trai-
– syndrome de Reye associant une encéphalopathie œdé- tement antibiotique : Mycoplasma pneumoniæ, Chlamydia
mateuse et une dégénérescence graisseuse du foie ; ce syn- pneumoniæ, Legionella pneumophila ou Coxiella burnetii.
drome, de pronostic redoutable, serait dans 10 % des cas
consécutif à une infection grippale, en général de type B ; Diagnostic étiologique
on discute le rôle d’une perturbation transitoire des Les examens virologiques sont indispensables pour poser
enzymes mitochondriales hépatiques. le diagnostic précis de grippe dans les formes graves ; ils
sont également utiles pour confirmer les premiers cas d’une
4. Formes selon le terrain épidémie, en particulier sous l’angle épidémiologique.
Chez le nourrisson, la grippe est plus rare que d’autres Les prélèvements (écouvillonnage nasal profond ou lavage
viroses ; elle peut se traduire par une rhinopharyngite banale rhinopharyngé) doivent être réalisés dans les premiers jours
ou par une forme plus sévère : laryngite ou laryngotrachéite, car le virus disparaît rapidement de l’arbre respiratoire
bronchiolite, bronchopneumopathie dyspnéisante. La supérieur. En quelques heures, les antigènes du virus grip-
fièvre peut être à l’origine de convulsions hyperthermiques. pal peuvent être décelés par immunofluorescence ou par
Chez la femme enceinte, la fréquence des grippes graves technique immunoenzymatique à l’aide d’anticorps mono-
est très augmentée. La grippe est responsable d’avorte- clonaux, permettant un diagnostic de type ou de sous-type.
ments spontanés au premier trimestre de la grossesse ; son La culture cellulaire, plus lente et délicate, est surtout utile
rôle tératogène n’est pas établi. pour l’épidémiologie et la mise à jour des vaccins. Les tech-
Les vaccinés peuvent avoir une grippe atténuée. niques d’amplification génomique (PCR) sont encore expé-
rimentales dans le diagnostic de la grippe mais s’avèrent
Diagnostic différentiel prometteuses.
Le diagnostic de grippe est souvent posé de façon abu- Le sérodiagnostic repose sur une variation significative du
sive car la clinique est insuffisante pour affirmer l’origine titre des anticorps entre 2 sérums prélevés à 2 ou 3 semaines
grippale d’un syndrome parfois peu spécifique. Il existe d’intervalle. La fixation du complément et l’inhibition de
en effet de nombreuses autres maladies infectieuses qui l’hémagglutination sont les techniques les plus utilisées. Il
peuvent simuler la grippe, au moins dans leur phase ini- faut connaître l’existence de résultats faussement négatifs
tiale : fièvre typhoïde, méningite aiguë, endocardite, lep- chez le jeune enfant.
tospirose, septicémie, paludisme, etc. En se retranchant
derrière le diagnostic de grippe, en particulier dans un
contexte épidémique, on risque de méconnaître de telles Traitement
affections qui nécessitent un traitement spécifique par-
fois urgent. Il n’existe pas de traitement curatif spécifique de la grippe,
En dehors de la grippe, il existe de nombreuses viroses pou- en dehors de la ribavirine antiviral actif sur un large spectre
vant associer des signes généraux et une atteinte respira- de virus à ARN, qui peut s’avérer utile dans les grippes
toire plus ou moins marquée ; les agents en cause sont les malignes. L’amantadine n’a pas d’effet à titre curatif.