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B 249
Hospitalisation à la demande
d’un tiers et hospitalisation
d’office, tutelle, curatelle
sauvegarde de justice
Principes d’application et principes d’utilisation
Pr Jean-Bernard GARRÉ, Dr Philippe DUVERGER
Service de psychiatrie et de psychologie médicale, CHU, 49033 Angers cedex 01
permet d’hospitaliser et de soigner une personne atteinte obtenu, l’hospitalisation à la demande d’un tiers se trans-
de troubles mentaux contre son gré : les troubles qu’elle forme et se poursuit en hospitalisation libre.
présente doivent la rendre incapable de donner valablement Toute personne hospitalisée en hospitalisation à la demande
son consentement et son état imposer des soins immédiats d’un tiers cesse également d’être retenue à l’hôpital sous
assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier ce régime dès lors que la levée de l’hospitalisation à la
spécialisé (voir : pour approfondir / 1). demande d’un tiers est requise par : le curateur éventuel du
patient, le conjoint ou le concubin, s’il n’y a pas de conjoint,
1. Réalisation d’une hospitalisation les ascendants, s’il n’y a pas d’ascendants, les descendants
sur demande d’un tiers majeurs, la personne qui a signé la demande d’admission,
toute personne autorisée à cette fin par le conseil de famille,
Elle nécessite trois documents : la commission départementale des hospitalisations psy-
• une demande d’un tiers : elle est présentée soit par un chiatriques dont la charge est d’examiner la situation des
membre de l’entourage familial, soit par une personne sus- personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au
ceptible d’agir dans l’intérêt du patient, à l’exclusion des regard du respect des libertés individuelles et de la dignité
personnels soignants de l’établissement d’accueil. Manus- des personnes, par décision judiciaire sur ordonnance du
crite et signée, elle doit comporter les nom, prénom, pro- tribunal de grande instance.
fession, âge et domicile du demandeur et du patient dont
l’hospitalisation est demandée, ainsi que l’indication de la
nature de leurs liens ; Hospitalisation d’office
• deux certificats médicaux :
– le premier certificat médical est rédigé par un docteur en Elle est indiquée lorsque les troubles du patient compro-
médecine, thésé et n’exerçant pas, même à temps partiel, mettent l’ordre public et (ou) la sûreté des personnes.
dans l’établissement d’accueil. Descriptif et circonstancié,
il constate l’état mental de la personne à soigner, ainsi que 1. Procédure courante
les particularités de ses troubles et atteste l’impossibilité La réalisation d’une hospitalisation d’office nécessite un
d’obtenir un consentement valable et la nécessité de soins certificat médical circonstancié au vu duquel le préfet de
immédiats en milieu hospitalier ; Police et les préfets dans les départements prononcent par
– le deuxième certificat médical confirmant les constata- arrêté cette hospitalisation. Le certificat médical ne peut
tions et les conclusions du premier, est rédigé par un méde- émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’ac-
cin de préférence extérieur à l’établissement d’accueil, mais cueil.
qui peut y exercer.
Ces deux certificats, qui ont une validité de 15 jours, ne 2. Procédure d’urgence
nécessitent pas de connaissances psychiatriques approfon-
dies et peuvent théoriquement (mais rarement en pratique) En cas de péril imminent pour la sûreté des personnes, le
être rédigés par deux médecins non psychiatres. Les méde- médecin atteste cet état par un avis (et non un certificat)
cins signataires ne doivent avoir aucun lien de parenté entre médical et le maire de la commune, ou à Paris les com-
eux, ni avec le patient, ni avec le tiers, ni avec le directeur missaires de police, arrêtent les mesures provisoires néces-
de l’établissement d’accueil. Établis en toute indépendance, saires, sur lesquelles le préfet statue sans délai et prononce,
ces certificats doivent aboutir aux mêmes conclusions. Bien s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office.
que constituant une dérogation légale au secret médical, ils Au cours de l’hospitalisation d’office et comme pour
ne doivent pas nécessairement comporter un diagnostic pré- l’hospitalisation à la demande d’un tiers, la production de
cis et le rédacteur doit rester discret sur les antécédents fami- certificats établis par le psychiatre de l’établissement
liaux. En cas de péril imminent pour le patient et à titre excep- d’accueil après examen du patient est obligatoire : dans les
tionnel, un seul certificat médical suffit. 24 heures, tous les 15 jours, mensuellement.
La sortie est prononcée après arrêté préfectoral.
2. Au cours du séjour hospitalier
Chaque malade hospitalisé à la demande d’un tiers doit Cas particuliers
faire l’objet d’un certificat médical circonstancié, justifiant
En dehors des cas prévus par la loi du 27 juin 1990, une hospitalisa-
ou non la poursuite de ce mode d’hospitalisation par un tion sous contrainte n’est possible que dans de très rares cas :
certificat immédiat, dit des 24 heures, rédigé par un psy- • en alcoologie, la loi du 15 avril 1954, organisant l’hospitalisation
chiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, puis par un des alcooliques dangereux pour autrui, n’est en pratique jamais appli-
certificat de quinzaine, puis tous les mois. quée ;
• en infectiologie, l’article 17 du Code de la Santé publique prévoit
La procédure la plus courante de levée d’une hospitalisa- l’hospitalisation sur ordonnance préfectorale et en cas d’urgence épi-
tion à la demande d’un tiers s’effectue par la rédaction d’un démique de patients atteints de maladie grave et infectieuse ;
certificat médical par le psychiatre de l’établissement attes- • dans le domaine des toxicomanies, l’autorité judiciaire peut
tant que les conditions qui ont présidé à l’hospitalisation à astreindre par ordonnance un toxicomane à subir une cure de désin-
la demande d’un tiers ne sont plus réunies. Cette levée ne toxication, le patient se trouvant alors placé sous le régime de l’in-
jonction thérapeutique tel qu’il est prévu par la loi du 31 décembre
signifie pas que le patient sorte nécessairement de l’hôpi- 1970.
tal : dans nombre de cas, son consentement ayant pu être
2. Mise sous curatelle demande par toute personne habilitée, accompagnée d’un
certificat d’un médecin spécialiste expert.
Elle se fait par requête auprès du juge des tutelles, pou- La mainlevée est soit complète, soit partielle. Le juge des
vant émaner : de la personne elle-même, à protéger ; du tutelles peut aussi ordonner l’ouverture d’une tutelle.
conjoint (sauf si cessation de vie commune) ; de la
famille : ascendants, descendants, frères, sœurs ; du minis-
tère public. Le juge des tutelles peut lui-même se saisir Tutelle
d’office.
À cette demande de mise sous curatelle, doit être joint un Il s’agit du régime de protection le plus complet concer-
certificat médical établi par un médecin spécialiste expert, nant les sujets dont l’altération des facultés, physiques ou
inscrit sur une liste spéciale établie par le procureur de la psychiques, est suffisamment grave et habituelle. Le malade
République. doit être représenté de manière permanente et continue dans
Les autres parents, alliés, amis, le médecin traitant, le direc- les actes de la vie civile.
teur de l’établissement de soins ne peuvent requérir mais
peuvent donner un avis au juge des tutelles (qui, éventuel- 1. Indications
lement, peut se saisir d’office lui-même). La tutelle concerne les sujets ayant une incapacité civile
L’instruction est faite par le juge des tutelles. Le jugement presque totale. Elle protège ainsi les patients psychotiques
est notifié au requérant et à l’intéressé (sauf contre-indi- graves, les déments ou bien encore les tétraplégiques, les
cation médicale). Une mention est portée en marge de l’acte sujets aphasiques ou en coma prolongé.
de naissance du patient (ce qui s’oppose à la réalisation de
tout acte juridique important). 2. Mise sous tutelle
Un seul curateur est nommé et contrôlé par le juge des La procédure est identique à celle de la curatelle. Un tuteur
tutelles. Il s’agit le plus souvent du conjoint, d’un membre (conjoint, membre de la famille, association…) est nommé
de la famille, d’une personne morale appartenant à une par le juge.
association bénévole ou d’une association départementale
(sous contrôle du juge). 3. Effets de la tutelle
Le tuteur représente la personne dans tous les actes de la
3. Effets de la curatelle vie civile : actes conservatoires (perception de revenus…)
et actes de disposition (vente du patrimoine…).
L’incapacité du majeur sous curatelle est donc partielle : il
Tous les actes passés postérieurement au jugement de mise
reste autonome pour les actes de la vie courante, pour les
sous tutelle par la personne protégée sont nuls. Tout acte
actes conservatoires et d’administration de son patrimoine,
antérieur au jugement peut être annulé dans un délai de 5
mais tous ses actes peuvent être revus et réduits ou annu-
ans, si la cause qui a déterminé l’ouverture de la tutelle
lés ; il est dépendant de son curateur pour les actes de dis-
existait à l’époque. Toute nullité n’est prononcée que dans
position et pour l’emploi de capitaux importants ; il perd
l’intérêt du malade.
partiellement ses droits civiques et politiques : il ne peut
être juré, ni être éligible, ni être désigné comme tuteur ou L’incapacité du majeur sous tutelle est quasi totale : il ne
membre d’un conseil de famille. Il conserve son droit de peut être juré, voter, être éligible ou être désigné tuteur ; il
vote ; les mariages et donations ne peuvent être faits qu’avec perd le droit de vote, l’usage du chéquier ; il ne peut se
le consentement du curateur. marier sans la consultation des parents ou du conseil de
famille ; de même pour le divorce ; son testament est nul,
Le juge des tutelles peut modifier certaines incapacités au
quand il est postérieur au jugement.
cas par cas, sur avis du médecin traitant (curatelle renfor-
Enfin, toute donation ne se fera qu’avec l’accord du conseil
cée, dite curatelle 512).
de famille, ou du juge des tutelles.
Le juge des tutelles peut moduler la tutelle en fonction de
4. Recours l’état clinique du patient, de sa situation familiale, de ses
Un recours suspensif est possible dans les 15 jours suivant ressources. Ainsi, la tutelle est adaptée au cas par cas,
le jugement par toute personne ayant le droit de déposer la depuis la tutelle dite « complète » à d’autres formes assou-
requête ou de donner l’avis justifiant l’ouverture de la cura- plies (administration légale, tutelle 501, gérance de tutelle,
telle. tutelle d’état, tutelle aux prestations sociales…).
5. Durée 4. Recours
Il est identique à celui de la curatelle.
La durée de la curatelle est aussi longue que les causes qui
l’ont déterminée. 5. Durée
La durée de la tutelle est aussi longue que les causes qui
6. Cessation de la curatelle l’ont déterminée.
Elle survient par le décès du patient.
Elle peut aussi se faire par un jugement de mainlevée 6. Cessation de la tutelle
obtenu selon les mêmes formalités que pour l’ouverture : Procédure identique à celle de la curatelle. ■
Points Forts à retenir sédatif. Le risque est en effet alors de mettre en difficulté l’équipe du
centre hospitalier d’accueil qui, en cas de demande de sortie, n’a pas les
moyens de retenir physiquement le patient et qui doit de plus requérir
l’intervention d’un médecin extérieur à l’établissement pour signer un
• Le recours à une hospitalisation sans certificat.
le consentement du patient, qui constitue le cadre Un traitement sédatif trop important donné lors du premier examen peut
légal de la pratique, peut représenter une option rendre par ailleurs délicate la concordance symptomatique des deux cer-
thérapeutique essentielle. tificats médicaux. Si le patient doit être transféré des urgences d’un hôpi-
tal général vers un établissement spécialisé en hospitalisation à la demande
En tout état de cause son indication doit être d’un tiers, il est donc important d’avoir réuni au préalable les deux certi-
soigneusement posée. ficats médicaux.
• Le but de la loi du 3 janvier 1968 est de protéger Parallèlement au certificat légal, il semble judicieux que le médecin réa-
des sujets dont la fragilité ne les rend pas aptes lisateur d’une hospitalisation à la demande d’un tiers rédige une lettre
détaillée destinée au psychiatre de l’établissement d’accueil, comportant
à gérer la vie quotidienne. Il existe trois régimes davantage de renseignements et mentionnant les traitements psychotropes
de protection des individus majeurs qui, du plus éventuellement administrés.
simple et léger au plus lourd et complet, sont :
la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle.
La mise en place d’un régime de protection 2 / Responsabilité du médecin
a plusieurs fonctions : sociale, juridique, et régime de protection
psychologique et thérapeutique. Le rôle Dans la mise en place d’un régime de protection, la loi prévoit un rôle
du médecin est au premier plan dans prépondérant au médecin traitant et au médecin spécialiste.
l’appréciation des troubles justifiant une mesure La responsabilité médicale est engagée. Ainsi, l’omission d’une demande
de protection. de sauvegarde de justice peut, si elle entraîne un préjudice pour le malade,
engager la responsabilité civile du médecin. Dans la mise en place d’une
curatelle ou d’une tutelle, l’avis du médecin traitant est requis et l’avis
du médecin spécialiste, expert nommé, est systématiquement retenu. Il
en est de même pour les mainlevées.
Quoi qu’il en soit, la décision finale reste toujours du ressort du juge des
tutelles.Dans la mise en place d’un régime de protection, la loi prévoit un
POUR APPROFONDIR rôle prépondérant au médecin traitant et au médecin spécialiste.
La responsabilité médicale est engagée. Ainsi, l’omission d’une demande
de sauvegarde de justice peut, si elle entraîne un préjudice pour le malade,
1 / Indications et modalités courantes engager la responsabilité civile du médecin. Dans la mise en place d’une
d’une hospitalisation à la demande curatelle ou d’une tutelle, l’avis du médecin traitant est requis et l’avis
d’un tiers du médecin spécialiste, expert nommé, est systématiquement retenu. Il
en est de même pour les mainlevées.
Ce sont d’une façon générale toutes les grandes urgences psychiatriques : Quoi qu’il en soit, la décision finale reste toujours du ressort du juge des
état maniaque, mélancolie sous toutes ses formes, épisode dépressif grave, tutelles.
tentatives de suicide graves ou itératives, bouffée délirante aiguë, moment
fécond d’une psychose chronique, état d’agitation névrotique ou psy-
chopathique, certaines ivresses pathologiques. POUR EN SAVOIR PLUS
En présence d’un de ces tableaux cliniques et une fois l’indication d’une
hospitalisation psychiatrique retenue, si un consentement peut être obtenu,
Albernhe T, Tyrode Y. Législation en santé mentale. In : Pratique
l’hospitalisation libre en milieu spécialisé est préférable. Médico-Sociale. Éd. Sedip Medical, tome 1, 1993 ; 4 : 157-96.
Cependant il faut prendre garde aux hospitalisations libres qui ne sont
obtenues qu’après une longue négociation avec le patient ou moyennant Jonas C. Mesures de protection. In : Thérapeutique psychiatrique.
des engagements préalables concernant les conditions du séjour hospita- Éd. Hermann, 1995 ; 8: 1147-52.
lier qui ne pourraient être tenus ultérieurement. Dans tous les cas de patho- Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protec-
logie aiguë se manifestant par une instabilité, il est hasardeux d’envoyer tion des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux
en hospitalisation libre en milieu psychiatrique un patient dont le consen- et à leurs conditions d’hospitalisation. Journal officiel du 30 juin
tement ne paraît pas suffisamment stable, a fortiori si ce dernier n’a pu 1990 : 7664-8.
être obtenu qu’avec beaucoup de réticence et après administration d’un