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B 207
Cancers du rhinopharynx
et de l’oropharynx
Épidémiologie, diagnostic, complications à long terme du traitement
Pr Danièle DEHESDIN, Dr Florence MOREAU-LENOIR
Service ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU, hôpital Charles-Nicolle, 76031 Rouen cedex
CANCERS DU RHINOPHARYNX rieur du pharynx en bas. Elle est caractérisée par la présence
de l’orifice tubaire. Il faut souligner la proximité de la caro-
tide interne qui peut n’être qu’à 2 ou 3 mm du fond de la
Points Forts à comprendre fossette de Rosenmüller lorsque celle-ci est profonde.
Le drainage lymphatique s’effectue au départ d’un riche
plexus pré-tubaire vers les ganglions spinaux et jugulo-
Le cancer du cavum s’individualise des autres digastriques directement ou par l’intermédiaire des gan-
cancers de la voie aéro-digestive supérieure : glions rétro-pharyngiens et ce, de façon bilatérale.
• sur le plan histologique, il s’agit en règle
de carcinomes ;
• sur le plan épidémiologique, le cancer
du rhinopharynx a une répartition géographique
particulière : le sud de la Chine et l’Asie du Sud-
Est sont des régions véritablement endémiques ;
• sur le plan étiologique car il existe un lien étroit
entre cancer du cavum et virus lymphotrope
d’Epstein-Barr.
Rappel anatomique
Le nasopharynx s’ouvre en avant sur les fosses nasales,
surplombe l’oropharynx par l’intermédiaire du voile du
palais, entre en rapport avec l’oreille moyenne par les
trompes auditives, et répond au-dessus à la base du crâne. 1
Sa paroi postéro-supérieure, osseuse, est appelée toit du Schéma de profil du rhnopharynx.
cavum et mur postérieur. Elle est tapissée par la tonsille 1 - Sphénoïde
pharyngée et dessine une arche de courbure variable. Celle- 2 - Sinus sphénoïdal
3 - Fosse nasale
ci correspond à la base de l’occiput doublé des muscles 4 - Cornets
longs de la tête, au sphénoïde creusé des sinus sphénoï- 5 - Tonsille ou amygdale pharyngée
daux, à l’arc antérieur de l’atlas qui forme la limite infé- 6 - Torus ou bourrelet tubaire
rieure arbitraire du cavum et aux apex pétreux. 7 - Orifice pharyngien de la trompe auditive
La paroi latérale est musculo-aponévrotique : muscles élé- 8 - Voile
vateurs et releveur du voile en haut, muscle constricteur supé- 9 - Oropharynx
Épidémiologie Diagnostic
Le répartition géographique et ethnique est tout à fait par- Le cancer du rhinopharynx se développe en règle dans
ticulière pour les tumeurs du rhinopharynx (voir : pour l’angle postéro-latéral du cavum, au-dessus et en arrière de
approfondir / 1). L’incidence est variable selon la popula- l’orifice tubaire, zone d’accès difficile pour l’examen cli-
tion concernée. nique standard. L’extension locale aux structures osseuses
En Europe et en France en particulier, ces tumeurs sont voisines rend compte d’une symptomatologie d’appel
rares avec une incidence de 0,1 à 0,5 pour 100 000 habi- trompeuse. La dissémination ganglionnaire est souvent au
tants où elles concernent en règle une population maghré- premier plan ; les métastases à distance sont présentes dans
bine immigrée. Elles ne représentent que 1 à 3 % des can- 10 % des cas dès le premier examen.
cers de la voie aérodigestive supérieure (VADS).
Ce cancer affecte essentiellement l’homme : la répartition Clinique
est de 2 à 3 hommes pour une femme. La répartition selon
l’âge varie en fonction de la répartition géographique. L’association des signes rhinologiques, otologiques et gan-
glionnaires est rarement complète et ne permet d’établir le
diagnostic qu’après un délai de 8 à 10 mois.
Étiopathogénie Les adénopathies cervicales, dont la situation haute et pos-
Les études actuelles ne permettent pas de conclure sur térieure spinale est très évocatrice, sont volontiers bilaté-
l’existence d’un facteur génétique à l’heure actuelle. rales et représentent dans un tiers des cas le motif initial de
Aucun facteur environnemental ne peut être formellement consultation.
retenu. L’hypoacousie progressive de transmission unilatérale,
Tabac et alcool sont exclus. Les nitrosamines issues des associée à une autophonie, à une sensation de plénitude de
poissons séchés, les euphorbiacées tirées de la pharmaco- l’oreille et à des acouphènes, doit alerter avant d’envisager
pée chinoise (huile de ricin) sont deux facteurs plus parti- la pose d’un aérateur transtympanique.
culièrement incriminés, mais leur mode d’action n’est pas L’obstruction nasale uni- ou bilatérale avec rhinorrhée,
prouvé : action directe ou par réactivation d’une infection voire épistaxis, n’est guère caractéristique.
latente par le virus Epstein-Barr (EBV). L’extension de contiguïté exo- ou endocrânienne peut
Les facteurs immuno-virologiques sont encore incomplè- conduire à l’atteinte des nerfs crâniens ; une diplopie par
tement élucidés ; toutefois, il existe un lien étroit entre car- atteint du VI, des névralgies faciales atypiques dans le ter-
cinome naso-pharyngé de type indifférencié (UNCT) et ritoire du V ou du IX, un trismus par atteinte du V ou exten-
EBV sans influence de l’origine géographique des patients. sion aux muscles ptérygoïdiens.
Ce lien découvert de façon fortuite est prouvé sur l’exis- Ces atteintes neurologiques peuvent être uni- ou bilatérales
tence du génome EBV (ADN libre) dans les cellules épi- par compression ou envahissement.
théliales tumorales et sur un profil sérologique particulier Elles peuvent être isolées ou regroupées pour réaliser : un
des patients atteints du carcinome nasopharyngé. syndrome de la fente sphénoïdale avec atteinte des nerfs
L’élévation du taux d’anticorps immunoglobulines (Ig)G oculo-moteurs et du trijumeau ; le syndrome de l’apex orbi-
et IgA anti-EBV permet la distinction entre sujets sains ou taire est suspecté devant une amaurose ; un syndrome du
atteints d’un cancer de la VADS et les patients porteurs sinus caverneux entraîne une exophtalmie avec atteinte de
d’une tumeur du rhinopharynx. l’oculomotricité et du V1 ; l’atteinte des IX, X et XIe paires
Cette réactivité EBV est spécifique du cancer nasopharyngé crâniennes réalise un syndrome du trou déchiré postérieur ;
indifférencié. Elle permet en zone d’endémie un diagnos- l’envahissement sous-parotidien postérieur est révélé par
tic précoce de dépistage et pourrait contribuer de façon spé- l’atteinte des nerfs mixtes, du XII et du sympathique cer-
cifique au suivi post-thérapeutique. vical.
L’examen neurologique doit donc être complet et métho-
Anatomo-pathologie dique pour reconnaître l’extension tumorale périnerveuse
ou dépister une simple compression par une adénopathie
(voir : pour approfondir / 2) cervicale haute.
Les carcinomes malpighiens représentent 80 % des tumeurs L’examen clinique nécessite un examen soigneux du cavum
du rhinopharynx. devant tout symptôme ORL ou neurologique.
Les adénocarcinomes, cylindromes ou tumeurs muco-épi- Il comprend une rhinoscopie antérieure après rétraction de
dermoïdes sont rares et sans particularité au niveau du rhi- la muqueuse à l’aide de tampons imbibés de Xylocaïne-
nopharynx. naphazolinée. Cette rhinoscopie est actuellement au mieux
Les lymphomes développés aux dépens du tissu lymphoïde réalisée à l’aide d’optiques.
spécifique ou amygdale pharyngée représentent 10 à 15 % La rhinoscopie postérieure indirecte est effectuée à l’aide
des tumeurs du nasopharynx en Europe occidentale. Leur de miroir ; elle reste difficile et incomplète et rend la naso-
architecture est particulière, de forme diffuse, à grandes fibroscopie indispensable.
cellules. L’examen clinique doit être complété par un examen des
Chez l’enfant, le rhabdomyosarcome n’est pas exception- tympans sous microscope et insufflation. La tympanomé-
nel. trie apporte des arguments complémentaires pour une otite
Chez l’enfant, selon le volume irradié et les doses utilisées, 2 / Classification OMS (1978) des cancers
peuvent être observées des séquelles sur la croissance du du rhinopharynx
massif facial ou des séquelles endocriniennes par insuffi- Type I : carcinome malpighien spinocellulaire bien différencié avec ponts
sance somatotrope (dose supérieure à 30 Gy sur l’hypo- intercellulaires et kératinisation.
physe). Son agressivité est surtout locale ; son profil sérologique est différent : le
Sur ce terrain, il faut encore souligner la possibilité de can- taux d’anticorps anti-EBV est bas.
cers radio-induits. Type II : carcinome non kératinisant. Il est en règle assimilé aux carci-
De ce fait, on tend à l’heure actuelle chez l’enfant à limi- nomes indifférenciés de type nasopharyngé.
ter les indications d’irradiation, à réduire les volumes irra- Type III : carcinome indifférencié de type nasopharyngé, caractérisé sur
diés, à diminuer les doses d’irradiation grâce à une chi- le plan histologique par un aspect syncytial et non pavimenteux consti-
tué d’amas tumoraux irréguliers au sein d’un stroma lymphoïde. Ses carac-
miothérapie préalable. téristiques cytologiques et histologiques sont particulières à la localisa-
En dehors de certaines localisations, les cancers de l’oro- tion nasopharyngée. Son profil sérologique EBV est spécifique. Le
pharynx sont accessibles à un examen simple : l’examen lympho-épithéliome lui est rattaché.
endobuccal à l’abaisse-langue. Les techniques immuno-histochimiques et la sérologie EBV sont des élé-
Les signes d’appel sont pauvres, banals, expliquant bien ments indispensables au diagnostic de ces tumeurs non ou peu différen-
souvent le diagnostic tardif d’une tumeur déjà évoluée. ciées.