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Neurologie

B 229

Hémorragie méningée
non traumatique
Étiologie, diagnostic, évolution
Pr Michel DJINDJIAN
Service de neurochirurgie, CHU Henri-Mondor, 51, av. du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex

Points Forts à comprendre 2. Autres causes


– Dans 20 % des cas, aucune cause vasculaire décelable ne
peut être retrouvée. Dans l’ensemble, ces hémorragies idio-
• Les hémorragies méningées non traumatiques pathiques sont moins sévères, comportent moins de com-
sont dues, à 80 %, à la rupture d’un anévrisme plications, sont d’un meilleur pronostic et ne récidivent pas.
intracrânien, soit environ 3 000 cas par an, en – Des anévrismes d’autres origines (mycotique, dissé-
France. Ils représentent 6 à 8 % des accidents quants, autres…).
vasculaires cérébraux. – Des hémorragies méningées non anévrismales (tumo-
• Elles répondent à l’irruption de sang dans rales, au cours des diathèses hémorragiques…).
les espaces sous-arachnoïdiens. – Quant aux malformations artério-veineuses, elles sai-
• Pathologie grave, le diagnostic est évoqué gnent exceptionnellement dans les espaces sous-arachnoï-
cliniquement puis confirmé par scanner. diens et se manifestent en règle générale par un hématome
• Le transfert en neurochirurgie s’impose sans intracrânien qui peut se rompre secondairement dans les
tarder pour pratiquer une artériographie afin espaces sous-arachnoïdiens (hémorragie cérébro-ménin-
de visualiser l’anévrisme, instituer le traitement gée).
médical, et prévenir la récidive hémorragique
en excluant l’anévrisme de la circulation artérielle.
Diagnostic

1. Forme typique
Étiologie • Le début est brutal, marqué par une céphalée intense,
continue, diffuse, inhabituelle, accompagnée de vomisse-
1. Anévrisme artériel intracrânien ments, le tout parfois à l’occasion d’un effort.
Dans 80 % des cas, l’hémorragie méningée non trauma- • L’examen clinique retrouve chez un patient obnubilé et
tique est due à la rupture d’un anévrisme. agité, un syndrome méningé, des signes d’irritation pyra-
• Description : l’anévrisme est une dilatation le plus sou- midale, un fébricule, une élévation de la pression artérielle
vent sacciforme de l’artère, fait d’un sac et d’un collet, et systémique.
siège au niveau des bifurcations intracrâniennes des gros • L’examen tomodensitométrique (SPC) confirme le dia-
vaisseaux de la base du crâne. L’anévrisme s’accompagne gnostic clinique et a supplanté la ponction lombaire tradi-
toujours d’une modification de la structure histologique de tionnelle. Si l’examen tomodensitométrique n’a pu être fait,
la paroi artérielle, avec une altération de la média et une celle-ci est indiquée ; elle ramène un liquide uniformément
disparition de la couche élastique (d’où la fragilité du fond rosé ou rouge dans les 3 tubes, éliminant une piqûre vas-
du sac et la croissance régulière des anévrismes). culaire. L’examen tomodensitométrique détecte la présence
• Siège : dans 90 % des cas, les anévrismes siègent sur la de sang en intracrânien et son importance ; il localise la
partie antérieure du polygone de Willis (région de l’artère rupture anévrismale dans un cas sur deux ; exceptionnel-
communicante antérieure surtout, de l’artère sylvienne, de lement il peut visualiser un anévrisme géant.
l’artère communicante postérieure, de la terminaison caro- Il apprécie enfin la taille du système ventriculaire pour
tidienne) ; dans moins de 10 % des cas, on les retrouve sur dépister une éventuelle hydrocéphalie.
le système artériel vertébro-basilaire ; enfin dans 20 % des • Artériographie : le diagnostic confirmé (par ponction
cas, ils sont multiples. lombaire ou examen tomodensitométrique) impose le trans-
• Terrain : c’est une pathologie de l’adulte ; rare avant 15 fert, en urgence, en milieu neurochirurgical pour la pra-
ans, l’incidence augmente avec l’âge, favorisée en partie tique d’une artériographie.
par l’hypertension artérielle. Réalisée idéalement dans les 24 heures qui suivent l’hé-

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HÉMORRAGIE MÉNINGÉE NON TRAUMATIQUE

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Examen tomodensitométrique : Anévrisme artériel dit de l’artère com- Même cas. Traitement endovasculaire
hémorragie méningée diffuse de la base municante antérieure. L’anévrisme appa- par « coils », clichés de 3/4.
du crâne (vallées sylviennes, scissure raît entre les deux artères cérébrales anté-
inter-hémisphérique) et hydrocéphalie rieures.
par stase liquidienne (au niveau des ven-
tricules latéraux).

morragie, celle-ci explorera la totalité de l’encéphale (arté- liquide xantho-


riographie dite des 4 axes), même si la localisation tomo- chromique).
densitométrique de l’anévrisme a pu être suspectée (en rai-
son des anévrismes multiples). Elle permet de confirmer
le diagnostic, d’apprécier l’aspect de l'anévrisme, l’état de Diagnostic
l’artère porteuse, pour décider de la tactique thérapeutique différentiel
à adopter et sa date.
• Autres examens complémentaires : ils évaluent les consé- Le problème est
quences systémiques de l’hémorragie en même temps essentiellement
qu’ils précisent l’état préthérapeutique du patient. posé par les
• La numération des globules blancs : l’élévation est pro- formes frustres et
portionnelle à la sévérité de l’hémorragie et est aspécifique ; les hémorragies 4
Anévrisme sylvien gauche (->) avec
ils peuvent atteindre 10 à 12 000 ou plus. méningées trau-
spasme important au niveau de l’artère
• L’électrocardiogramme : les modifications du rythme matiques dans les sylvienne porteuse mais aussi à distance
cardiaque sont également fréquentes et aspécifiques ; cer- cas avec perte de (artères carotide interne et cérébrale anté-
taines peuvent même simuler une ischémie myocardique. connaissance ou rieure (––>), clichés de 3/4.
• Une exploration de la coagulation et un bilan biologique. comitialité.
• Le doppler transcrânien, enfin, qui étudie la vitesse cir- On sera parfois
culatoire moyenne et permet de dépister un éventuel vasos- amené après examen tomodensitométrique et ponction
pasme. Il est surtout utilisé en période postopératoire ou lombaire à aller jusqu’à pratiquer une artériographie.
chez les patients transférés avec retard.

2. Formes cliniques Évolution


– Forme comateuse d’emblée, évoquant une hémorragie
méningée importante avec hydrocéphalie ou une hémorra- 1. Complications liées à l’anévrisme
gie cérébrale associée. Le resaignement est la cause majeure de mortalité et de
– Forme fruste. morbidité des hémorragies méningées. Il est imprévisible,
– Forme trompeuse, à début comitial. et peut se produire dès le premier jour. À 30 jours le risque
– Forme avec atteinte oculomotrice du nerf moteur ocu- est de 35 % avec une mortalité de 50 % ; à 6 mois, il est de
laire commun (IIIe paire) qui évoque d’emblée un ané- 50 % avec une mortalité de 70 %.
vrisme de l’artère communicante postérieure. Ces chiffres montrent bien la nécessité d’une prise en
– Forme spinale, débutant par une violente douleur rachi- charge thérapeutique la plus rapide possible.
dienne évoquant une malformation vasculaire spinale, rare.
– Formes diagnostiquées tardivement (20 % des cas), ou à 2. Complications liées à l’hémorragie méningée
l’occasion d’une complication ischémique, hydrocépha- • L’hydrocéphalie : elle témoigne d’un blocage des citernes
lique, ou d’une récidive hémorragique (l’examen tomo- de la base du crâne par l’hémorragie avec le reflux du
densitométrique peut être moins probant, le sang com- liquide céphalo-rachidien hémorragique, dans le système
mençant à se lyser, mais la ponction lombaire révélera un ventriculaire, mais aussi de l’obstruction des granulations

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Neurologie

de Pacchioni qui empêchent la résorption correcte du Les indications du traitement endovasculaire sont actuel-
liquide céphalo-rachidien dans le sinus longitudinal supé- lement limitées à certaines formes d’anévrismes et à des
rieur. Elle peut survenir aussi bien dans les premières heures localisations précises ; en outre, le recul est encore insuf-
que dans les premiers jours ; à l’inverse elle peut se consti- fisant pour valider cette technique définitivement.
tuer tardivement et se comporter comme une hydrocépha-
lie chronique active. L’examen tomodensitométrique 2. Traitement des complications
montre une augmentation de la taille des ventricules. • L’hydrocéphalie aiguë nécessite la pose immédiate d’une
• L’ischémie cérébrale par vasospasme : elle apparaît dérivation ventriculaire externe, dès son diagnostic établi
d’une manière retardée (après le 5e jour), généralement au scanner, avant même toute artériographie.
associée à une hémorragie méningée importante. Elle se • Le vasospasme doit être prévenu pour éviter la chute du
manifeste par un déficit neurologique focalisé, des troubles débit sanguin cérébral, prélude à une ischémie cérébrale
de la conscience, une température oscillante. retardée. Le traitement repose sur la correction de l’hypo-
L’examen tomodensitométrique permet d’éliminer une volémie par des inhibiteurs calciques associés à un soluté
autre cause (un resaignement en particulier) et de décou- de remplissage.
vrir (quelques jours plus tard) une hypodensité dans le ter-
ritoire de l’artère porteuse de l’anévrisme, mais aussi quel- 3. Problèmes médicaux essentiels associés
quefois dans des territoires plus distants (ischémie focale • L’hypertension artérielle, fréquemment existante avant
ou diffuse). l’hémorragie ou associée, peut favoriser une re-rupture. Sa
Le doppler transcrânien révèle une accélération importante correction doit néanmoins être prudente et progressive pour
de la vitesse circulatoire dans le territoire suspecté. ne pas précipiter une ischémie cérébrale.
• L’épilepsie précoce peut être traitée par des médicaments
anti-comitiaux à action rapide qui seront interrompues à la
Pronostic fin de l’hospitalisation ou à court terme. ■

L’hémorragie méningée par rupture d’anévrisme intracrâ-


nien est une pathologie grave, car seulement deux tiers des
patients reviendront à un état proche de la normale.
Le pronostic dépend :
– de l’âge et de l’état clinique du patient lors de son hos- Points Forts à retenir
pitalisation ;
– de l’importance de l’hémorragie diagnostiquée à l’exa- • Les hémorragies méningées non traumatiques
men tomodensitométrique ; sont évoquées cliniquement du fait de leur tableau
– de la présence d’une complication évolutive (tomoden- caractéristique et confirmées par un examen
sitométrie, doppler) ; tomodensitométrique.
– de la présence d’un anévrisme et alors, de sa topographie • Elles doivent être transférées, immédiatement, en
et de sa taille (artériographie). milieu neurochirurgical pour y subir une
artériographie.
• L’anévrisme intracrânien, cause essentielle de ces
Principes du traitement hémorragies, doit être traité rapidement par
chirurgie ou par voie endovasculaire.
La prise en charge de l’hémorragie méningée doit être pré- • L’évolution spontanée se faisant, sinon, vers la
coce pour éviter le resaignement et prévenir les complica- récidive hémorragique et (ou) se compliquant
tions ischémique et hydraulique de la maladie. d’ischémie par vasospasme ou d’hydrocéphalie.
• Le pronostic est fonction de la gravité du tableau
1. Prévention de la récidive hémorragique
clinique initial, et de l’âge du patient ; seulement
C’est exclure l’anévrisme de la circulation artérielle par 2 deux tiers de ceux-ci reviendront à un état proche
techniques possibles actuellement : de la normale après traitement.
• La chirurgie classique, qui aborde sous microscope,
l’anévrisme par voie extracérébrale et qui l’exclut de façon
définitive, en posant un clip sur son collet.
• Depuis quelques années, une alternative est réalisée par POUR EN SAVOIR PLUS
voie endovasculaire, au cours de l’artériographie, par la Hémorragies méningées et anévrismes intracrâniens.
mise en place, à l’aide d’une sonde montée, de petits res-
Castel JP, Loiseau H. Collection Scientifique Bayer Pharma.
sorts (« coils ») qui remplissent la lumière de l’anévrisme.

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