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Arrêtons de gaver les enfants !

ENQUÊTE - Ça y est, on y est. La Polynésie a rejoint les USA et l’Asie sur le podium de l’obésité infantile

5kg à la naissance, 20 deux ans plus tard. Combien à 10 ans ? A 16 ans, il sera
insulino-dépendant ? Ce cas est loin d’être isolé. Des enfants de 6 ans qui pèsent 60 kg, on en
voit dans les cabinets médicaux. La Polynésie française est, avec l’Asie et les USA, le pays où
les enfants sont les plus gros au monde.

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> En 3 points

- 34% des enfants âgés de 5 à 14 ans sont obèses, c’est 14% de plus qu’aux Etats-Unis.
La Polynésie peut se targuer d’afficher l’un des taux d'obésité infantile parmi les plus élevés
dans le monde (4 adultes sur 10 sont obèses et l'obésité infantile a augmenté de 50% au cours
des trois dernières années).

- Le docteur Boissin tire la sonnette d’alarme, il faut agir maintenant. Taxer les gâteaux
apéritifs, les viennoiseries, créer des activités sportives en direction des jeunes, mettre en place
des menus diététiques dans les cantines…

- Les perspectives ne sont pas bonnes : en 2020, c'est près de 50% de la population de
Polynésie qui sera "malade" (diabète, cholestérol, cancers ...). C’est un enjeu de santé publique
majeur auquel peuvent répondre des politiques alimentaires et nutritionnelles impliquant de
nombreux acteurs économiques et sociaux. Sans volonté politique, c’est perdu d’avance.
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“C’est une castatrophe” clame le docteur Boissin, endocrinologue,membre de l’association des


diabétiques et obèses de Polynésie française (Adopf). Les chiffres sont terrifiants. Chez les
5-14 ans, on compte 34% d’obèses, en métropole ils ne sont que 8%, 25% en Guadeloupe,
26% enMartinique, 18% en Guyane. Cette évolution n'est pas spécifique de l'Outremer français,
et se développe surtout dans les pays à faibles revenus. L'OMS (Organisation mondiale de la
santé) parle d’épidémie en évoquant l’obésité. Dans le monde, 300 millions d'adultes sont en
surcharge pondérale et, pour la majeure partie d'entre eux, souffrent de pathologies liées à leur
poids. L’obésité morbide (voir l’infographie page 7) chez l’enfant est un fléau qui, s’il n’est pas
endigué aura des répercussions sur l’ensemble de la société polynésienne. “Si l’on ne fait rien,

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en 2020, c’est la moitié de la population de la Polynésie qui sera “malade”, prévient le docteur
Boissin. La prise en charge des frais de santé, les arrêts maladie, la mortalité prématurée… La
CPS ne pourra jamais faire face à ces dépenses. Aujourd’hui, 62% des adultes sont en
surpoids ou obèses (ils n’étaient que 39% en 2006). Le coût estimé indirect de l'obésité avec
ses conséquences métaboliques (diabète), cardiovasculaires (hypertension artérielle), rénales
(dialyse), pulmonaires (apnée du sommeil) et surtout cancérologiques sont de près d'une
dizaine de milliards de Fcfp.

{xtypo_quote_left} Si l’on ne fait rien, en 2020, c’est la moitié de la population qui sera malade.
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Les causes de cette épidémie ? La sédentarité et l'abandon progressif des régimes alimentaires
traditionnels au profit de produits alimentaires transformés et bourrés de graisses et de sucres
(plats cuisinés, surgelés, gâteaux...). La question du pouvoir d’achat est, au fenua, au coeur du
problème. Tant que les gâteaux apéritif et les biscuits serontmoins chers que les fruits et
légumes, on n’aidera pas les familles modestes à composer des menus équilibrés à leurs
enfants. Le manque d’exercice physique et donc d’activités proposées aux jeunes est un
facteur agravant. La télé fait grossir, on reste passif devant des images qui défilent et on
grignote. Pour le docteur Boissin, il y a aussi un problème de comportement des Polynésiens :
“Au fenua, on se dit que l’enfant est en bonne santé s’il a un bon coup de fourchette, alors on lui
donne des portions d’adultes !”. Il n’est pas rare aussi de voir du lait concentré sucré ou du
soda dans les biberons... A Rurutu, c’est affolant, on a des cas d’obésité morbide dans des
familles où les enfants sont gâtés, sont “gavés par les grand-mères” qui distribuent à tout heure

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des bonbons et des gâteaux, alors qu’il suffirait parfois de tendre la main pour préparer
desmangues ou des fruits de la passion pour le goûter, une salade pour le dîner. A ce
niveau-là, c’est de la maltraitance. Un enfant en pleine croissance à besoin de se dépenser, de
jouer, de rêver. “Oui, valoriser l’enfant au sein de sa famille, l’inciter à quitter sa télé, sa console
de jeux, lui donner des activités extérieures : pour bien grandir, un enfant a autant besoin
d’amour et de rêve que de nourriture”, insiste le docteur Boissin.

{xtypo_quote_right}  Pour bien grandir un enfant a autant besoin d’amour que de nourriture !
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Les Etats-Unis prennent conscience de l’ampleur du phénomène : chez eux, 20% des enfants
sont obèses. Les autorités sanitaires préconisent de taxer à la source “les fabricants d’obésité”,
les vendeurs de sodas sucrés et de hamburgers gras. (lire encadré). A Tahiti, une taxe existe
déjà. “Elle porte sur les sodas sucrés, je pense qu’il faudrait l’augmenter et l’élargir aux gâteaux
apéritifs consommés en masse”, note le docteur Boissin. “Quant à l’argent collecté par cette
taxe (environ 2 milliards de Fcfp par an) sur les boissons sucrées, il devrait être exclusivement
consacré à la lutte contre l’obésité. Aujourd’hui, géré par l’EPAP, il sert à la prévention au sens
large du terme, c’est bien aussi,mais aujourd’hui l’urgence, c’est cette obésité infantile.
L’association des diabétiques reçoit des financements pour ses actions de dépistages. Mais il
faut aller plus loin, on peut encore agir, mais, c’est maintenant qu’il faut le faire.” Les fabricants
de sodas et les fast-foods y trouveraient leur compte et amélioreraient leur image en
développant des recettes légères, pauvres en sucre et en graisse. “Le but n’est pas de priver le
consommateur d’aliments “plaisir”,mais de l’aider à mieux consommer”. L’eau doit être moins
cher que l’alcool, les sodas, les yaourts à boire.

{xtypo_quote} Il est indispensable de taxer les gâteaux apéritifs, les chips, les viennoiseries et
d’utiliser cet argent pour recruter des éducateurs sportifs dans les quartiers. {/xtypo_quote}

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Dans quelques jours, le docteur Boissin présentera au président du pays, Oscar Temaru, les
résultats de l ’ e n q u ê t e Podium réalisée l’an dernier sur 900 adultes et 300 enfants. Il y a
des solutions, des actions concrètes à engager pour inciter les jeunes à pratiquer du sport
pendant les vacances, aménager des terrains ou, au moins, poser des paniers de basket dans
les écoles, mettre des filets de volley sur les plages ! “Dès maintenant, il est indispensable de
taxer les gâteaux apéritifs, les chips, les viennoiseries et d’utiliser cet argent pour créer des
emplois, d’éducateurs sportifs, par exemple”, lance le docteur Boissin avant de conclure :
“Notre pays peut devenir une vitrine dans le Pacifique de la lutte contre l’obésité infantile, la clé
c’est la volonté politique”.

Claire Chunlaud

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Ensemble, prévenons l’obésité des enfants


“Les églises doivent nous aider”

Pour lutter efficacement contre cette épidémie, il faut mener une vraie éducation alimentaire et
cibler les enfants. Localement, le docteur Boissin, via l’association Adopf, organise des
dépistages dans les écoles, des actions sont menées déjà sur le terrain : “J'ai toujours eu le
soutien des ministres de l'Education qui m'ont ouvert les portes des établissements scolaires de
primaire et du secondaire. La dernière autorisation en date a été signée ce jour pour l'année
2009-2010 par Jean-Marius Raapoto”.

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En métropole, depuis cinq ans, un dispositif appelé Epode (ensemble prévenons l’obésité des
enfants) implique des enseignants, des institutionnels et les familles à lutter ensemble contre ce
fléau. Le docteur Boissin s’est intéressé à ce programme qu’il souhaite promouvoir au fenua.
“Des initiatives existent localement dans les cantines scolaires de Papara et de Punaauia où les
menus servis aux enfants sont élaborés par des diététiciens. La commune de Pirae est
intéressée. La majorité des écoles sont conscientes du problème, les élus doivent agir. Les
églises aussi. Les adventistes et les mormons oeuvrent déjà dans ce sens, bien plus que les
catholiques et les protestants. C’est dommage, car on sait que si l’on veut toucher les parents, il
faut passer par les églises. Pour réussir, il faut que les services sociaux, les écoles, les mairies,
les églises s’appliquent à rééduquer les familles “au bien manger”.

CLC {/xtypo_rounded3}

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Les USA envisagent de taxer les sodas

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Les autorités sanitaires américaines préconisent que les boissons sucrées soient taxées afin de
lutter contre l'obésité, qui ne cesse d'augmenter aux Etats-Unis, en dissuadant les
consommateurs de les acheter. "Les Américains consomment en moyenne autour de 250
calories de plus par jour qu'il y a 20 ou 30 ans. Sur ces 250 calories, environ 120 sont ingérées
sous la forme de sodas et autres boissons ou aliments sucrés", souligne Thomas Frieden,
directeur des Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC), au cours
d'une conférence sur l'obésité organisée cette semaine à Washington. Selon un rapport rendu
public lors de cette conférence, les deux tiers des Américains sont obèses ou en surpoids et
dépassent largement les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) :
2.500 calories par jour pour un homme et 2.000 calories pour une femme. Une cannette de
soda contient 140 calories, soit l'équivalent d'une dizaine de morceaux de sucre. Consommé
quotidiennement, ce type de boisson sucrée favorise le surpoids. Or, une personne obèse
devient plus vulnérable à certaines maladies chroniques, comme le diabète, les maladies
cardio-vasculaires ou encore certains cancers.

Au total, les maladies provoquées par l'obésité coûteraient chaque année près de 150 milliards
de dollars au contribuable américain. Outre le fait d'aider les Américains à maigrir, une taxe
permettrait de financer une partie de ces dépenses, toujours plus importantes. Thomas Frieden
espère ainsi pouvoir dégager entre 100 et 200 milliards de dollars sur dix ans. Cette idée est
encouragée par les mesures déjà prises pour enrayer la consommation de tabac, qui se sont
montrées concluantes, notamment à New York, où l'augmentation du prix du paquet de
cigarettes a permis de réduire de moitié le nombre de fumeurs. Quarante des cinquante Etats
américains taxent déjà les boissons sucrées et la nourriture industrielle. Mais, selon les
autorités sanitaires, les taxes ne sont pas suffisantes pour avoir un impact significatif sur la
consommation, relève Julie Greenstein du Center for Science in the Public Interest (CSPI). Une
telle mesure rencontrerait inévitablement une forte opposition de la part de l'industrie des
sodas, un lobby extrêmement puissant aux Etats-Unis, reconnaît-elle. La semaine dernière,
dans un article du Financial Times, l'entreprise Coca cola se montrait dubitative, assurant que
"le consommateur n'était pas prêt actuellement à accepter une taxe sur un aliment de base,
comme les boissons non alcoolisées".

AFP {/xtypo_rounded2}

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