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© Wael Abbas
L
e 14 février 2005, l’attentat à la voiture piégée contre l’ancien
Premier ministre libanais Rafic Hariri remet le Liban à l’ordre
du jour politique au Moyen-Orient. À l’été 2006, du 12 juillet
au 14 août, la guerre menée par Israël contre l’aile armée du parti chiite
du Hezbollah place de nouveau le pays au centre de toutes les attentions.
Entre ces deux évènements, les Libanais doivent faire face à une série
d’attentats ciblés contre de nombreuses figures de l’opposition
antisyrienne. En effet, après les meurtres de Samir Qasir3, de Georges
Hawi4, la tentative d’assassinat contre la journaliste May Chidiac5 et
l’assassinat de Jébrane Tuéni6, le climat politique libanais est très tendu.
Mais si l’assassinat de l’ancien Premier ministre donne naissance à une
grande vague de manifestations antisyriennes et au Mouvement du 14-
Mars7, il permet également aux États-Unis et à la France d’orchestrer
le retrait des troupes syriennes du Liban, en vertu de la résolution
15598 du Conseil de sécurité de l’ONU datant du 2 septembre 2004.
La Syrie s’exécute le 26 avril 2005, soit vingt et un jours après la création
par l’ONU d’une commission d’enquête internationale sur l’assassinat
de Rafic Hariri, et retire ses troupes, après s’être assurée qu’Omar
Karamé ait quitté son poste de Premier ministre, le 28 février, au profit
de Najib Mikati, prosyrien modéré. C’est dans ce contexte que la
coalition antisyrienne remporte les élections législatives le 19 juillet
2005, portant Fouad Siniora à la tête du gouvernement, alors qu’au
même moment, la création d’un tribunal international pour enquêter
sur les responsables de la mort de Rafic Hariri fait encore (et jusqu’à
ce jour) débat9.
La question chiite revient sur le devant de la scène internationale
avec le conflit entre Israël et la résistance armée du Hezbollah qui s’est
déroulé au cours de l’été 2006. Depuis la révolution iranienne, les chiites
sont devenus, aux yeux de la communauté internationale, les représentants
d’un islam hostile à la démocratie ; et ce n’est qu’à la faveur des
événements du 11 septembre 2001 qu’ils furent remplacés, dans
l’imaginaire occidental d’un islam dangereux, par les tenants du sunnisme
sectaire, les Talibans et al-Qaïda10. Avec la victoire électorale des partis
chiites en Iraq, après la chute de Saddam Hussein, d’aucuns y voient
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là, bien que la question palestinienne fût toujours l’une des préoccupations
majeures de la confrérie, celle-ci n’avait pas fait de la situation régionale
un point central de son agenda, se concentrant davantage sur les questions
domestiques et, notamment, ces dernières années, sur la question de la
réforme constitutionnelle. Dès le début du conflit, alors que le pouvoir
égyptien condamnait les actes du Hezbollah, le mouvement s’est
clairement prononcé en faveur de la résistance libanaise dans des discours
appelant à soutenir Hassan Nasrallah, à manifester pacifiquement, à
boycotter les produits américains et israéliens, à collecter des dons pour
le peuple libanais et à prier pour la victoire de la résistance libanaise.
Mais les Frères musulmans en sont rapidement venus à fustiger l’ensemble
des régimes arabes.
En effet, le guide suprême Muhammad Mahdî ‘Âkif s’est rapidement
mis à accuser les dirigeants arabes de garder un silence suspicieux,
déclarant que leur position révélait à la fois une dépendance honteuse
vis-à-vis de l’Occident, mais aussi un déficit démocratique flagrant. Puis,
finalement, il en est venu à critiquer de façon véhémente et directe le
président égyptien. Ainsi, lors d’un entretien accordé à la chaîne de
télévision Al-Jazeera, ‘Âkif accuse le Président Moubarak de collaborer
avec l’ennemi et de travailler à la solde des « gangs sionistes » et du
« maître » américain, dans le but de garder le pouvoir et de le transmettre56.
Ce positionnement par rapport au pouvoir égyptien, marqué par la
rhétorique de la traîtrise, de l’illégitimité et de l’infériorité morale, constitue
une véritable rupture anéantissant les longs efforts déployés par le
mouvement pour ne pas être marginalisé sur la scène politique égyptienne.
Par ailleurs, s’ils avaient dans un premier temps appelé à des manifestations
pacifiques, les Frères prônent rapidement le jihâd57, déclarant qu’ils sont
prêts à envoyer 10 000 volontaires58 attendant de défendre les Libanais
et l’honneur de la umma59. Ces chiffres paraissent d’autant plus étonnants
que les Frères ont très peu investi la rue égyptienne pendant la guerre.
Sans compter qu’au vu de la ligne adoptée par le gouvernement, ces
annonces sont inutiles et, dans une certaine mesure, se sont retournées
contre le mouvement, puisqu’elles ont pu alimenter et relancer les
rumeurs suggérant que ce dernier dispose d’une aile armée.
On peut, en outre, souligner un changement de rhétorique vis-à-vis
de l’État d’Israël et des États-Unis. Si, lors de l’opération « Iraqi Freedom »,
les Frères musulmans ont critiqué les États-Unis avec retenue, ils ont
commencé à être particulièrement virulents après la victoire du Hamas
en Palestine et l’isolement de ce dernier par l’administration américaine.
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échoué à faire qualifier les actions menées par l’armée israélienne contre
les civils libanais de « crimes de guerre » et, d’autre part, à faire porter
le coût de la réparation des infrastructures libanaises à Israël72. Au terme
d’un arbitrage entre les gains extérieurs73 rapportés par leur allégeance
aux États-Unis et les coûts internes découlant de cette relation, les
dirigeants égyptiens ont choisi de se maintenir dans une configuration
politique clientélaire, creusant finalement davantage le fossé qui les
sépare de leurs espaces sociaux internes.
Notes
1 La guerre menée par Israël contre le Hezbollah libanais et qui s’est déroulée
2005. Gravement blessée par l’explosion, elle est amputée d’un bras et d’une
jambe.
6 Jébrane Tuéni, député antisyrien et PDG du quotidien Al-Nahâr, est
en 2005-2006, cf. Mermier (Franck) & Picard (Elizabeth) (dirs), Liban, une guerre
de 33 jours, Paris, La Découverte, 2007.
10 Et dans une moindre mesure les Frères musulmans.
11 Tels que les Frères musulmans en Égypte, le Front d’action islamique en
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http://www.asharqalawsat.com/leader.asp?section=3&article=373599&issue=10094
13 Il faut, à ce titre, souligner le foisonnement des publications sur le « danger
de l’occupation. Mais cette résistance doit prendre en compte les gains et les
pertes », déclare-t-il dans un entretien publié mardi 8 août 2006 par le journal
Al-Watanî al-yawm. Il ajoute que « l’escalade israélienne au Liban entraîne toute
la région vers une pente dangereuse ».
16 Voir notamment Sawt al-umma, 14 août 2006, n°297, ainsi qu’Al-Fajr du
Muhammad Dahabî, chef des services secrets jordaniens, a déclaré qu’il fallait
faire à Nasrallah ce qu’il avait fait à Zarqâwî en juin 2006. (Dahabî a, en effet,
affirmé avoir fourni aux dirigeants américains des informations permettant de
localiser ce dernier.)
18 Hirschman (Albert), Exit, Voice and Loyalty. Responses to Decline in Firms,
Organizations and States, Harvard University Press, 1970, p. 162. L’auteur distingue
trois types de comportements : le comportement loyal (loyalty), la prise de parole
ou contestation (voice), et la défection (exit).
19 Sawt al-umma, 21 août 2006, n°298.
20 http://www.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/specialsession/
A.HRC.S-2.2_en.pdf
21 On notera que, parmi les onze États votant contre cette résolution, se
(Ya safîr al-khanazîr, ukhruj bara ard al-nîl !) publié dans le journal Al-Karâma, en date
du 8 août 2006, ainsi que « Les politiques et les intellectuels exigent le renvoi de
l’ambassadeur israélien », publié dans Al-Ghad, le 19 juillet 2006.
23 Akhbâr al-yawm, 27 juillet 2006. Par ailleurs, les deux premières semaines
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Gaza mais que les « événements » ont anéanti ses efforts. Il s’agit ici à la fois
de souligner le rôle médiateur de la diplomatie égyptienne et l’importance de
ne pas rompre avec les interlocuteurs israéliens.
24 Autre argument en ce sens, s’il en est : afin de convaincre de la « justesse »
The Scientific Study of Foreign Policy, New York, Nichols Publishing, 1980.
29 En déployant une stratégie « d’activisme », comme démontré
précédemment.
30 Le fait de qualifier la politique étrangère égyptienne de fixiste n’est pas
mois auparavant, lors de l’attentat contre le mausolée des imams ‘Alî al-Hâdî
et Hasan al-‘Askarî de Samâra, en Iraq, ils avaient également appelé à l’unité
des musulmans. Voir le discours du guide suprême : « Les événements de
Samara », en date du 23 février 2006.
33 Axe que le président égyptien nie, le 19 juillet 2006, après que le journal
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Khaldun pour les études de développement en Égypte, qui révèle que, pour
les Égyptiens, Hassan Nasrallah est la figure politique la plus populaire (suivi
de près par le leader politique du Hamas Khâlid Micha‘al et le président iranien
Mahmûd Ahmadinejad).
38 Al-Wafd, 19 juillet 2006.
39 « Al-châri‘a al-misrî ma‘a al-muqâwama hatâ al-nasr », Al-Wafd du 19 juillet
2006, p. 5. Un jeu de mots est ici de rigueur entre « victoire » (nasr) et le nom
du secrétaire général du Hezbollah. Autre jeu de mot courant : « Nasrallah qarîb »
(la victoire de Dieu est proche).
40 Les photos de vingt d’entre eux sont juxtaposées à leurs propos. Il s’agit
16 juillet 2006.
47 Jordan Times, édition en ligne du 16 juillet 2006.
48 Al-Ghad (jordanien), édition en ligne du 16 juillet 2006.
49 Al-Quds al-‘arabî, édition en ligne du 17 juillet 2006.
50 Cf. les chiffres cités par Enrique Klaus dans ce volume.
51 http://misrdigital.blogspirit.com (Al-Wa‘î al-Misrî), posté le 13 juillet
2006.
52 À ce titre, voir l’article publié le 22 août 2005 dans le journal Al-Karâma :
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p. 300.
56 « Live avec Mahdî ‘Âkif », sur Al-Jazeera, interview diffusée le 31 juillet
2006. Notons ici le lien fait entre l’allégeance aux États-Unis et la transmission
du pouvoir en Égypte.
57 Pour Amr Hamzawy, ce revirement de position serait lié aux pressions
26 juillet 2006.
61 Conférence à al-Azhar : « Aide à la résistance », 20 juillet 2007,
www.ikhwanonline.com.
62 Discours « Le crime de Qânâ, les leçons de la résistance et la victoire »,
d’une interview avec le journal libanais Al-Safîr, le 21 juillet 2006, ainsi que
dans son discours du 24 juillet 2006, « L’agression militaire du Liban ».
67 Se référer aux articles de Tewfik Aclimandos et d’Hélène Legeay dans ce
volume.
68 À ce sujet, lire l’interview de Yûsif al-Qardawî dans Al-Misrî al-yawm, du
18 août 2006.
69 S/RES/1701 (2006). Notons que cette résolution ne fait référence qu’à
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dollars de dégâts matériels directs, dont 1,2 milliard de dollars pour les
infrastructures et les établissements industriels et 2,4 milliards pour les habitations
et les commerces ». Chiffres cités par Verceil (Éric), « Le bilan des destructions »,
in Mermier (Franck) et Picard (Élizabeth) (dirs), op. cit., p. 23.
73 Allocations financières et allocations de légitimité.
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