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qu’un fort défendant une ville, comme par kens (ou Rankin) et Louis Anglart. A la suite
exemple la citadelle de Lille. Neuf des nom- d’une adjudication dont on ne connaît pas les
breuses places fortes construites par Vauban clauses exactes, ils s’occupent de la réalisation
ont été créées ex nihilo. Il s’agit de Mont-Dau- de tous les travaux prévus en embauchant des
phin, Mont-Louis, Sarrelouis (Allemagne), sous-traitants expérimentés. Le travail de ces
Huningue, Longwy, Phalsbourg et Neuf-Bri- derniers est très réglementé. Le montant de leur
sach. Montroyal (Allemagne) et Fort-Louis paiement est fixé par-devant notaire, et ils s’en-
(Bas-Rhin) ont été entièrement rasées. gagent à utiliser des matériaux de qualité et à
respecter les délais prévus. Notons que les deux
tiers de ces maîtres d’œuvre viennent du Fau-
Naissance de la place forte ciny, une région où l’émigration des maçons est
ancienne et courante. Selon André Golaz, ces
Pourquoi Vauban décide-t-il de faire de ce ouvriers ont certainement participé à d’autres
plateau inhospitalier une clé du système défensif chantiers de ce type en France. Ils représentent
de la frontière ? Dans son premier rapport au une main d’œuvre qualifiée indispensable et peu
roi, à la fin de l’année 1692, il expose plusieurs nombreuse en Haut-Dauphiné.
arguments. Le premier est évidemment lié à la
position stratégique du plateau, au confluent Le front Nord (ou front d’Eygliers) étant,
du Guil et de la Durance, et au carrefour des comme nous le savons, le plus exposé, sa réalisa-
vallées du Queyras, de Vars, de l’Embrunais tion est prioritaire. En 1700, à l’occasion d’une
et du Briançonnais, « dans lesquelles tombent deuxième et dernière visite à Mont-Dauphin,
toutes les autres, et généralement tous les che- Vauban nous décrit précisément l’avancée des
mins petits et grands »2. De plus, le plateau est travaux3. Les éléments nécessaires à la défense
entouré de falaises aux trois quarts. L’ennemi de ce front sont alors presque tous en place.
ne peut donc attaquer que par le nord, face au Plusieurs lignes se protègent mutuellement et
village d’Eygliers, ce qui représente une écono- retardent l’avancée de l’assiégeant. C’est l’éche-
mie défensive considérable. Vauban explique lonnement de la défense, un des grands princi-
aussi qu’il dispose de nombreux matériaux sur pes de Vauban. La ligne la plus proche du village
place, comme le bois et la pierre (calcaire griotte est composée d’un bastion central (Royal noté
notamment - appelé localement « marbre rose » 2) relié à deux demi-bastions (Dauphin noté
- mais aussi galets du Guil et de la Durance), 1 et Bourgogne noté 3) par des murs de cour-
ainsi que d’importants moyens de subsistance. tine. Des canons balayant les fossés sont placés
dans les flancs des bastions (A). Ainsi, chaque
Le roi, comme chacun sait particulièrement élément défend son voisin et réciproquement.
intéressé par ces questions, passe de nombreu- Deux demi-lunes forment la deuxième ligne
ses heures à se faire lire les projets que lui envoie défensive (notées 42 et 43). Contrairement aux
Vauban. Il approuve celui de Mont-Dauphin, bastions, c’est l’artillerie légère qui intervient
et les crédits sont débloqués en mars 1693. Les ici, grâce aux banquettes de tir bordant chaque
travaux peuvent alors commencer. Plusieurs in- demi-lune. Enfin, un chemin-couvert parsemé
termédiaires sont nécessaires à leur bon déroule- de traverses (B), protégeant les soldats des tirs
ment. Richerand, directeur des fortifications du de canon en enfilade, surveille le glacis, pente
Dauphiné et de la Provence, contrôle les travaux douce sans végétation. L’ennemi va avancer
et charge l’ingénieur Antoine de Robert de leur sur ce terrain, balayé par les tirs de la défense,
direction effective. Ces derniers sont en contact caché dans des tranchées d’attaque qu’il doit
direct avec Vauban et Michel Le Peletier, direc- creuser en zig-zag pour éviter là aussi les tirs
teur général des fortifications. On note aussi la en enfilade.
présence de deux « entrepreneurs généraux des
fortifications de Mont-Dauphin », Pierre Renc- Ce type de système défensif, développé et
généralisé par Vauban, est l’aboutissement de
2
Ibid. Dauphin, carton 1, pièce 161, Vauban,
3
Vincennes, Service Historique de l’Ar- Addition au projet de Mont-Dauphin, 9
mée de Terre, Section 8, article 1, Mont- septembre 1700.
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Mont-Dauphin (Hautes-Alpes) De la place forte royale au monument historique
1 : Bastion Dauphin
2 : Bastion Royal
3 : Bastion Bourgogne
42 : Demi-lune de Berry
43 : Demi-lune d’Anjou
nombreuses réflexions d’ingénieurs italiens, arsenal pour les armes (détruit en 1940 par un
hollandais, allemands et français depuis le mi- bombardement italien), et une poudrière (voir
lieu du XVe siècle. L’apparition du boulet mé- plan général en fin d’article). L’arsenal était un
tallique marque alors une évolution majeure de bâtiment massif de plan rectangulaire à deux
l’armement et remet en cause les principes de la niveaux. Logiquement, on entrepose l’artillerie
défense médiévale. Les murs des châteaux forts lourde au rez-de-chaussée et les armes plus légè-
ne peuvent résister à la puissance des canons. res (fusils, munitions...) à l’étage. La poudrière
est également composée de deux niveaux, per-
Plusieurs solutions apparaissent au fil du mettant une capacité de stockage plus impor-
temps. Nous n’évoquerons ici que les évolutions
tante. Elle est à demi enterrée et entourée de
principales4. Tout d’abord, la terre devient un
fossés. Ce dispositif devait limiter la puissance
élément essentiel car elle permet d’amortir l’im-
d’une éventuelle explosion. Grâce au fossé, le
pact des boulets. On façonne donc d’énormes
souffle serait alors plus vertical qu’horizontal,
talus derrière les maçonneries. Ces dernières
et donc moins destructeur. Pour éviter le moin-
ne font que soutenir la terre. De même, la hau-
dre incident, le fer, métal conducteur qui peut
teur de l’ensemble est abaissée : on enterre les
provoquer une étincelle, est banni. Toutes les
éléments pour mieux les protéger. L’échelon-
parties métalliques sont en bronze et les soldats
nement de la défense est également, on l’a vu,
doivent quitter leurs souliers ferrés à l’entrée
capital. Il faut épuiser l’ennemi, retarder l’heure
pour chausser des sabots de bois. L’aération est
où ses canons feront face à la dernière ligne de
aussi très importante, car l’humidité peut ren-
défense qui seule ne résistera que peu de temps
dre la poudre inutilisable. Des ouvertures sont
à l’attaque. On remarque enfin l’apparition de
donc aménagées pour la circulation de l’air et
nouveaux éléments, tels que les bastions. Le
au niveau inférieur elles sont montées en chica-
principe est simple : « la distance entre chaque
ne pour éviter l’entrée d’un projectile. Ultime
ouvrage est calculée en fonction de la portée
protection, l’édifice est relié à une citerne dont
des canons, afin de permettre des tirs croisés ne
l’eau doit inonder la salle basse en cas d’atta-
laissant subsister aucun angle mort en avant des
que, empêchant ainsi l’ennemi de récupérer les
ouvrages »5.
réserves de poudre.
En 1700 toujours, les principaux bâtiments Pour le logement de la troupe, deux caser-
militaires sont construits, ou commencés. Au
nes (aujourd’hui nommées Campana et Binot)
nord-ouest sont installés parallèlement au
sont construites proches du rempart, et donc
rempart deux lieux de stockage essentiels : un
4
Pour plus de détails, voir : FAUCHER- 5
FAUCHERRE Nicolas, Places fortes
RE Nicolas, Places fortes bastion du pouvoir, bastion du pouvoir, REMPART/Desclée
REMPART/Desclée de Brower, Paris, de Brower, Paris, 1991 réed., p. 19.
1991 réed.
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des postes de défense. En cette époque de nor- mise en place de nouvelles infrastructures. L’ap-
malisation, elles sont réalisées, comme l’arsenal provisionnement en eau est une des priorités.
et la poudrière, d’après un plan-type. Chaque Une source est captée dans la montagne voisine
bâtiment est composé de plusieurs cellules (sept dominant Eygliers et acheminée vers la place
pour Campana et cinq pour Binot) de quatre par conduites souterraines. A la citerne reliée
chambrées desservies par un escalier central6. à la poudrière s’ajoute vers 1730 une deuxième
Pour s’adapter au terrain en pente, les cellules de citerne de plus grande capacité, construite à
la caserne Binot ont été décalées verticalement. côté de la caserne Binot. Enfin, un aqueduc
Le nombre de niveaux, comme celui des cellules, enjambant le fossé du bastion Royal vient com-
est variable. Ici, on en compte deux pour Cam- pléter le dispositif vers 1760. Pour ce qui est
pana et trois pour Binot. En considérant qu’une des vivres, seuls les terrains reliant le plateau
chambrée accueille une douzaine d’hommes, à Eygliers sont fertiles. Le commerce est donc
la capacité de logement de chaque bâtiment un élément essentiel à la subsistance de la place.
est d’environ sept cents soldats7. Notons que Remarquons aussi que des moulins, dont il ne
d’après la théorie de Vauban, chaque caserne reste plus de trace aujourd’hui, fonctionnaient
est liée à la défense d’un bastion. Ce principe est au pied du roc, sur le front de la Durance.
ici respecté, puisqu’on a deux casernes pour un
bastion et deux
demi-bastions.
L’état-ma-
jor est logé à
l’entrée Nord
de la place. Un
pavillon des
Officiers et le
logement du
gouverneur, là
encore de plan-
type, sont en
cours d’achève-
ment en 1700.
La lunette d’Arçon : réduit de sûreté dans la gorge et banquettes de tirs au pourtour (décembre 2004),
Le village,
indissocia-
ble des éléments militaires, est également en
construction. Vauban note qu’« il y a 20 ou En juillet 1700, la première pierre de l’égli-
se, édifice indispensable à la garnison et aux
25 maisons de bourgeois de bâties ou qui se
civils, est bénie par l’aumônier et le cimetière
bâtissent »8. L’intérêt principal de la présence
est créé l’année suivante. L’église imaginée
de civils est simple : empêcher la désertion !
par Vauban est prévue grandiose, à la gloire
La population est essentiellement composée
de Louis XIV et de la foi catholique qui doit
de militaires et de leurs familles mais quelques
s’imposer fermement dans une région sensible
ouvriers se sont installés, au grand bonheur des
au protestantisme. Les vallées du Queyras, de
bourgeois des environs fiers de marier leur fille
Dormillouse ou Freissinière, vallées vaudoises
à un maître tailleur de pierre ou autre artisan
encore célèbres aujourd’hui, ne sont pas loin.
reconnu. Petit à petit, d’autres corps de métiers
Cependant, l’église ne sera jamais achevée et
se fixent à Mont-Dauphin, notamment des com-
après la construction de l’abside et des murs
merçants. L’arrivée de la population nécessite la
6
Cette disposition intérieure générale a 7
672 pour la caserne Campana et 720 Dauphin, carton 1, pièce 161, Vauban,
été conservée pour la caserne Campana, pour Binot. Addition au projet de Mont-Dauphin, 9
devenue centre artisanal depuis 1980. 8
Vincennes, Service Historique de l’Ar- septembre 1700.
mée de Terre, Section 8, article 1, Mont-
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ment cette partie. Par ailleurs, la réalisation d’un
second accès à la place, possible sur ce front, est
essentielle. Outre l’intérêt stratégique évident,
Vauban montre bien dans son rapport de 1700
comment une deuxième porte pourrait faciliter
le commerce, ressource essentielle comme nous
l’avons vu. La réalisation de ce front Sud est
lente et reste inachevée aujourd’hui. A partir
de 1750, une demi-lune est construite. Celle-ci
devait être reliée à la nouvelle porte, achevée
plus de vingt ans plus tard, mais le projet est
abandonné, ce qui produit un curieux effet
Voûtes en anse de panier, salle basse de l’arsenal (août 2005), aujourd’hui. En effet, la route ne traverse pas
cliché de l’auteur. Sculptures de Gérard Ducret. la demi-lune comme pour le front Nord, mais la
ont montré la nécessité de créer de nouveaux contourne. La réalisation majeure est sans dou-
équipements et de mettre la place « en état de te la construction de la caserne Rochambeau, à
défense ». Dès 1747, les ambitieux projets de partir des années 1765. L’édifice fait plus de 260
l’ingénieur Heuriance prévoient la construc- mètres de long et est intégré au rempart, ce qui
tion de nombreux bâtiments, comme un nouvel explique sa forme complexe (voir plan général).
arsenal, un hôpital ou de nouveaux logements Pour mieux résister à l’attaque, chaque cham-
pour officiers et soldats. L’arsenal est le premier brée est voûtée. Le bâtiment ainsi consolidé de-
réalisé. De 1751 à 1757, on construit perpendi- vient « à l’épreuve ». Dans les années 1820, un
culairement à l’ancien arsenal un nouveau bâ- étage de combles est créé et remplace les terras-
timent, aux proportions légèrement inférieures ses couvrant à l’origine la caserne. Le capitaine
mais d’organisation générale identique. Notons Massillon opte pour l’emploi d’une charpente
toutefois que le plancher séparant les deux ni- démontable dite « à la Philibert de l’Orme » qui
veaux est ici remplacé par d’imposantes voûtes a plusieurs avantages. Avant tout, elle permet
en anse de panier. de libérer l’espace et multiplie les fonctions pos-
sibles des lieux qui ont pu être écuries, champ
La construction d’un hôpital paraît égale- de manœuvres couvert ou simple entrepôt. Par
ment urgente. En 1747, c’est à la caserne Binot ailleurs, les pièces de bois de faible longueur
que l’on soigne les blessés. Les équipements utilisées ici sont faciles à transporter et moins
sont alors très rudimentaires. Cependant, ce coûteuses que les matériaux habituels.
n’est que dans les années 1780
qu’un hôpital est construit, au
bas de la rue principale.
Les projets de casernes
d’Heuriance ne sont pas suivis
d’effets mais l’idée d’accroître
la capacité de logement de la
troupe n’est pas pour autant
abandonnée. Elle est intégrée
à une autre préoccupation ma-
jeure du XVIIIe siècle : le per-
fectionnement du front Sud,
ou front d’Embrun.
En effet, les falaises sont
moins escarpées de ce côté-ci
et dès 1700 on comprend la né- La caserne Rochambeau. Charpente à la Philibert de l’Orme (octobre 2005), cliché
Xavier de Jauréguiberry.
cessité de fortifier plus solide-
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La rayure hélicoïdale du canon imprime une village et du rocher au titre des sites. Le dossier
rotation rapide au projectile et stabilise sa tra- est relancé en 1958 par la Société d’Etudes des
jectoire. La portée et la précision des tirs en Hautes-Alpes, sans grand succès avant la pu-
sont fortement améliorées. A Mont-Dauphin, blication d’un « cri d’alarme » dans le Dauphiné
l’ennemi peut maintenant attaquer la place des Libéré du 28 juillet 1963. L’Armée accepte alors
hauteurs voisines, ce qui était impensable jus- le déclassement militaire de la place - ce qu’elle
que-là. Plusieurs solutions sont apportées par avait refusé en 1958 -, officiel le 3 décembre
les ingénieurs. Tout d’abord, la place s’équipe 1965. Parallèlement, la procédure de classe-
en artillerie rayée. Plusieurs batteries de canon ment aboutit à un arrêté ministériel daté du 18
sont réalisées, ainsi que les fameuses soutes à octobre 1966.
munitions construites avec les pierres de l’église
démontée. En 1882, on recouvre la poudrière Dès le déclassement militaire, de nombreux
projets de réutilisation voient le jour, le premier
de plusieurs mètres de terre pour mieux la pro-
étant celui de l’installation d’un campus uni-
téger, lui donnant son aspect actuel.
versitaire sur l’ensemble du site. Cependant,
Malgré ces tentatives d’adaptation, la place l’Armée contrôle ces projets et en refuse la plu-
forte devient obsolète. Pourtant, le départ des part, comme celui de l’implantation d’une usine
troupes est progressif. En 1938, une caserne des d’additifs antipolluants pour hydrocarbures.
Gardes Mobiles est même construite au bas de Elle ne se contente pas de recevoir les projets,
la rue Catinat, à l’emplacement de l’ancien hô- elle en propose aussi. Ainsi, en 1974, le ministre
pital tombant en ruine, mais la Seconde Guerre de la Défense décide de céder la caserne Ro-
mondiale remet en cause l’installation des trou- chambeau au ministère de la Culture. C’est le
pes. Après l’accueil ponctuel de militaires, no- début de longues négociations qui vont finale-
tamment de rapatriés, il n’y a plus de garnison à ment concerner l’ensemble du site. Le ministère
partir des années 1950. Bien que les soldats ne de la Culture hésite, se rétracte, puis finalement
soient plus hébergés sur place, Mont-Dauphin accepte le transfert d’une partie seulement de la
est resté un site d’entraînement militaire relati- place forte (fortifications, bâtiments militaires
vement important après cette date et ce jusque hormis les casernes Campana, Binot et des Gar-
dans les années 1990 (stand de tir, saut en para- des Mobiles conservées par le service social de
chutes, stages commandos etc.). l’Armée), le reste revenant à la commune (pla-
ces, rues, église) qui s’était quant à elle montrée
Parallèlement à cette démilitarisation, la très vite intéressée. Si le ministère de la Culture
place entre dans la sphère patrimoniale. A par-
est propriétaire des principaux édifices de la
tir des années 1865, les premiers guides tou-
place, ce sont les collectivités locales qui assu-
ristiques recommandent la visite du site pour
rent leur gestion par la signature de plusieurs
ses points de vue pittoresques ou sa plantation
conventions. La commune de Mont-Dauphin
d’ormes. Certains édifices intéressent aussi les
et le Syndicat Intercommunal à Vocation Mixte
auteurs, comme l’église, la caserne Rocham-
(SIVOM) de Guillestre prennent également en
beau et sa charpente ou la lunette d’Arçon. Ces
charge l’animation des lieux, moyennant une
bâtiments sont d’ailleurs les premiers à devenir
aide financière de la Caisse Nationale des Mo-
officiellement monuments historiques. Grâce à
numents Historiques et des Sites (convention
l’action du Syndicat d’Initiative du Queyras,
Ville d’Art et d’Histoire). De nombreux festi-
première association de ce type dans le dépar-
vals et expositions sont organisés et le premier
tement des Hautes-Alpes, l’église est classée
office de tourisme de Mont-Dauphin est créé.
en 1920. Suivent les inscriptions à l’Inventaire
Cependant, les faibles ressources financières
Supplémentaire de la caserne Rochambeau et
des collectivités locales et l’échec d’un impor-
de la lunette en 1929.
tant projet de Centre Européen d’Education à
C’est en 1943 qu’est proposé pour la pre- l’Environnement (CEEE), entraînent peu à peu
mière fois le classement de l’ensemble au titre la rupture des conventions signées. Le ministère
des monuments historiques. Mais le projet, de la Culture décide alors en 1994, en accord
trop ambitieux, n’aboutit qu’à l’inscription du avec la Direction Régionale des Affaires Cultu-
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relles, de confier la gestion et l’animation de l’on sache vraiment s’il s’agit de l’hiver 1979-
ses biens à la Caisse Nationale des Monuments 1980 ou 1980-1981. Cet hiver-là, vingt person-
Historiques et des Sites, devenue le Centre des nes habitent en permanence à Mont-Dauphin.
Monuments Nationaux en 2000. Après des La patrimonialisation de la place forte dans
débuts difficiles, la commune et le Centre des les années 1980 tourne le site vers le tourisme
Monuments Nationaux travaillent aujourd’hui culturel. Les Mont-dauphinois qui travaillent
ensemble au projet de candidature au Patri- sur place sont toujours en grande majorité des
moine mondial de l’UNESCO, et surtout à la commerçants, mais ce sont les touristes et non
préparation du tricentenaire de la mort de Vau- plus les soldats qui les font vivre. Les boulange-
ban en 2007. De nombreuses animations seront ries, boucheries, et autres commerces de village
proposées à cette occasion et le musée Vauban ont laissé place aux ateliers d’artisanat, bars et
installé dans l’arsenal entièrement réaménagé, restaurants. Une centaine de personnes habi-
où est notamment exposée la copie du plan-re- tent aujourd’hui Mont-Dauphin à l’année, sans
lief de Mont-Dauphin. compter les nombreux résidents secondaires.
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