LE MALIN PETIT CANARD
LE BULLETIN ÉLECTRONIQUE DE LA COMMUNAUTÉ FRANCO-FINLANDAISE
INTERVIEW
OLIVIER PHILIPPE
EMISSION S.O.D.A (TV5)
Pourriez-vous nous expliquer com-
ment est né l'émission SODA?
Soda est née de l'idée de faire une émis-
sion culturelle divertissante qui mettrait en
avant le côté moderne et "glamour" de
Paris. L'idée était venue de mees années
de grands reportages à l'étranger où je
me rendais compte de l'incroyable impact
de Paris à travers le monde et à la fois
d'une image un peu fausse qui résumerait
la ville à la tour Eiffel, la place du Tertre à
Montmartre et les danseuses du Moulin
Rouge. Le pari était de faire un magazine
plus "branché" qui fasse rêver depuis
l'étranger tout en captant aussi l'intérêt
des français, voir des parisiens eux-
mêmes.
On avait l'habitude de vous voir pré-
senter le journal télévisé avant, le
changement de genre n'a pas été trop
difficile?
Pour être honnête, je suis plus à l'aise en
me baladant dans les rues de Paris à
rencontrer des artistes que dans un studio
avec un prompteur. Non pas que je ne
maîtrise pas l'exercice du journal (je l'ai
fais presque dix ans en alternance ou sur
des périodes plus continues), mais être
sur le terrain, inventer une émission, en
assurer la production, superviser ses re-
portages, gérer une équipe d'enquêteurs,
de reporter, inventer sa réalisation, veillez
à sa finition est un exercice beaucoup
plus complexe et demandant beaucoup
plus d'imagination, donc plus motivant
pour une personnalité comme la mienne.
Regrettez-vous les années que vous
avez passées comme grand reporter?
Je regrette un peu les voyages et les
aventures toujours très variées que repré-
sentent les reportages à l'étranger. J'ai
été très chanceux de pouvoir connaître
une grande partie du monde et de m'enri-
chir aussi jeune. J'avais 23 ans lors de
mon premier voyage (en Algérie). Mes
derniers voyages remontent à il y a quatre
ans à New-York pour les premières com-
INTERVIEW RÉALISÉE PAR VINCENT LEFRANÇOIS - 2006
mémorations des attentas
du WTC, mais j'avais déjà
bien ralenti le rythme du
fait que je présentais les
journaux du matin. C'est
un style de vie passion-
nant mais parfois difficile
sur le plan personnel. Mon
nouveau rythme est plus
dur, car je travaille énor-
mément, mais je suis
moins éloigné de chez
moi.
Quels souvenirs en gar-
dez-vous?
Des rencontres, la
connaissance de nouvel-
les cultures, l'ouverture
sur d'autres façons de
penser, d'autres climats,
d'autres contraintes. Cela
peut paraître évident,
mais tous les journalistes
amenés à évoquer la mar-
che du monde devraient
avoir voyagé avant. Je me souviendrai
toujours de mon premier voyage en Israël Cette formule est plutôt une boutade pour
et dans les territoires Palestiniens. Le jouer sur les mots. Pour faire référence
conflit au Proche Orient est l'un des aux boissons ou aux produits alimentaires
grands sujets de politique internationale qui se ventent d'avoir encore deux-trois
que l'on est amené à commenter tout de produits naturels à l'intérieur, et aussi
suite lorsqu'on traite d'information. De voir pour évoquer le fait qu'on ne se prend pas
sur place la réalité des situations, des trop au sérieux. La culture en France a
gens, de la géographie évoquée etc.. a toujours été une fierté un peu hautaine.
totalement changé ma façon d'appréhen- Le mot peut faire peur et il recouvre aussi
der les dépêches qui arrivaient de cette une forme de sérieux qui peut rebuter.
partie du monde, par la suite, lorsque je C'était donc une manière d'annoncer que
présentait le journal... Tout le monde n'a dans ce magazine on pouvait évoquer
pas la chance de faire du reportage à des choses légères ou plus sérieuses,
l'étranger et c'est pourtant indispensa- mais sans se prendre la tête, avec le sou-
ble... rire, en se divertissant.
Quand on peut lire au sujet de SODA L'idée de traiter l'actualité culturelle en
"magazine pétillant avec de véritables passant par des portraits vous semble-
morceaux de culture dedans", fait-on t-elle être une bonne approche?
référence au fait que la culture est de J'aurais du mal à affirmer que c'est la
moins en moins présente dans le petit meilleure approche, parce que ce n'est
écran en France? pas à moi d'en juger. C'est une proposi-
tion. Elle répond à une envie assez large-

ment partagée de mieux connaître l'autre,
sa personnalité, ses envies, son parcours.
En ce qui concerne les artistes et les
créateurs, ce sont toujours des personna-
ges passionnés, habités, en marge, au
parcours souvent atypique donc intéres-
sant. Les télespectateurs de TV5 allant du
parisien qui aime sortir au béninois qui ne
connait Paris qu'à travers la télévision, il
est nécessaire de présenter un minimum
les personnes dont on parle. De ce fait
l'actualité culturelle à laquelle ils partici-
pent n'est parfois qu'un prétexte à mieux
les connaître. On ne s'y attarde pas forcé-
ment.
Les gens que vous interviewés en de-
hors des studios sont-ils, à votre avis,
plus naturels et plus authentiques?
Oui, la plupart du temps (même si on peut
tomber sur des coriaces, mais c'est rare).
Ils sont dans leur élément. On leur de-
mande d'aller sur des lieux qu'ils aiment
ou qui correspondent à une partie de leur
travail, de leur personnalité, de leur his-
toire. C'est forcément un support plus fort
qu'enfermé dans un studio. On les voit
vivre, réagir. Je me souviens par exemple
d'une interview de Gérard Jugnot dans
une cave (il est passionné de vin), je ne le
tenais plus. Il avait oublié les caméras,
s'emballait pour tout ce qu'il voyait, faisait
des comparaisons très intéressantes en-
tre son approche du métier de cinéaste et
celui de vigneron etc... C'est plus intéres-
sant sur ce point de vue. Mon approche
d'interview "décontractée" sans fiches,
sans notes, comme une conversation, et
le fait de placer les caméras le plus loin
possible de l'invité, visent à faire oublier
que c'est un exercice de télévision...
Vous avez eu la possibilité de faire de
nombreux voyages et de voir les télévi-
sions d'autres pays. Quel regard por-
tez-vous sur la télévision française?
INTERVIEW RÉALISÉE PAR VINCENT LEFRANÇOIS - 2006
Malgré la téléréalité et ses avatars, elle
reste une télé d'assez bonne qualité,
comparée à la plupart des chaînes occi-
dentales ou asiatiques. Au niveau cultu-
rel, aucun pays au monde n'affiche autant
de magazines sur ce thème (notamment
en littérature). Le ton et le traitement de
l'information reste très libre par rapport à
bien des pays où les médias sont sous
contrôle. En revanche il y a moins de re-
tenu et de vérification de l'information qu'il
y a quelques années. Et la télévision fran-
çaise se montre moins inventive et plus
convenue. On remarque d'ailleurs que de
nombreuses émissions sont des concepts
achetés aux télés étrangères. Il n'y a plus
beaucoup d'originalité. Mais ces observa-
tions datent de quelques années mainte-
nant.
Faire cette émission pour Tv5 vous
donne plus de libertés ou plus de
contraintes (télespectateurs de diffé-
rentes cultures)?
Je serai tenté de répondre par l'affirmative
dans les deux cas. La liberté est assez
large dans la mesure où il n'y a pas de la
part de la chaîne d'impératif d'audience
qui pourrait exiger de ne programmer que
des personnalités extrêmement connues
par exemple. Nous pouvons donc conti-
nuer à mélanger des "people" avec des
artistes moins exposés et du coup faire
découvrir de nouveaux talents venus de
tous les horizons. La distance entre le
lieux de l'émission et les zones de récep-
tion ne nous obligent pas non-plus à col-
ler au plus près à l'actualité. Parler d'une
pièce de théâtre alors qu'elle a débuté
depuis quelques semaines n'a pas beau-
coup d'importance, vu de Los Angeles ou
de Tokyo. Si nos télespectateurs étaient
uniquement français, il faudrait program-
mer ce type de sujet plus tôt, hors l'équili-
bre entre les divers domaines de création,
la notoriété des invités, est assez délicate
à trouver. La contrainte majeure est de
toujours repréciser qui sont les artistes, ce
qu'ils représentent. Par exemple faire un
sujet sur le spectacle d'Arthur, animateur
star de TF1 demande de remettre Arthur
dans son contexte alors qu'en France il
n'a plus besoin d'être présenté. Le fait
que l'émission fasse beaucoup d'au-
dience, mais essentiellement à l'étranger,
donc n'ait pas de retour direct et massif
sur le marché français nous handicape
parfois pour tourner certains sujets ou
invités prestigieux. Les chaînes nationales
ont alors la préférence. Il faut jouer sur le
qualitatif et "l'image" que représente
l'émission. Mais il y a des exceptions:
Monica Bellucci fera Soda plutôt qu'une
chaîne nationale parce qu'en Italie ou en
Floride, lorsqu'elle regarde la TV c'est
TV5 et donc elle connait très bien le pro-
gramme alors qu'elle ne connait pas ceux
de TF1 ou M6...
Quels sont vos projets pour les années
à venir?
Une 5eme saison de Soda se profile. Mon
souhait serait de faire un magazine ciné-
ma pour TV5 afin de mettre en valeur la
production francophone très riche, et de
poursuivre encore mes recherches sur
une réalisation qui se démarque de la télé
classique. A ce sujet je vous conseille de
regarder la spéciale cinéma qui sera réali-
sée au moment du festival de Cannes le
20 mai. Sinon imaginer des concepts
d'émission m'intéresse. Un talk-show à
produire et animer serait également un
challenge intéressant. Mais pour le mo-
ment ces projets ne sont pas réalisables à
TV5.
Avez-vous déjà envisagé de vous ex-
patrier?
Oui, pour avoir vécu à quelques reprises
quelques mois à New-York, j'ai trouvé
l'expérience très enrichissante. Etre cor-
respondant par exemple est un poste qui
me plairait. Bon, mais cela dépend aussi
des pays. Le problème quand on a eu la
chance de naître en France et de vivre à
Paris, c'est que l'on a du mal à se déta-
cher de cette ville...
Quelle région ou quel pays pourriez-
vous choisir et pour quelle durée?
Les Etats Unis, l'Espagne, l'Italie, Le Ma-
roc... Pour leur intérêt culturels et leur art
de vivre... Mais peut-être pas plus d'un an
ou deux.
Quel message souhaiteriez-vous faire
passer à la Communauté francophone
de Finlande?
De me préparer un petit parcours gastro-
nomico-culturel pour le jour où je visiterai
ce beau pays. Mes nombreux voyages
professionnels comme personnels ne
m'ont jamais conduit vers les pays nordi-
ques et je suis sûr qu'il y a plein de do-
maines pétillants à découvrir là-bas aus-
si...