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Mardi 10 novembre 2009

Conférence n°4 : Les formes juridiques du couple


Le mariage
Les autres formes d’organisation de la famille
Les devoirs familiaux

I . LE MARIAGE

Introduction

1. Les conditions nécessaires pour qu'un mariage civil puisse être célébré validement n'ont
pratiquement pas été modifiées pendant deux siècles. Seules quelques retouches ont été
apportées à tel ou tel article1. Depuis le début du XXIe siècle, les modifications substantielles
se sont multipliées, touchant l'âge du mariage, les conditions dans lesquelles le consentement
des époux est reçu, le mariage avec un étranger ou d'un français à l'étranger, les droits du
ministère public.
2. Cependant les fondements du mariage n'ont pas été remis en cause. La France n’a pas
consacré, comme l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et sur des pays
hors Europe comme le Canada et certains États des États-Unis, la possibilité d’un mariage
entre des personnes de même sexe. En revanche, la France a mis en place le pacte civil de
solidarité, conclu entre deux personnes de même sexe ou de sexes différents pour organiser
leur vie commune2. Ce pacte civil de solidarité connaît de plus en plus de succès et devient,
statistiquement, un concurrent sérieux pour le mariage civil et ceci d'autant plus que la loi n°
2006-728 du 23 juin 2006 a accentué les similitudes entre les effets du PACS et ceux du
mariage civil (sur le PACS, voir le chapitre suivant).
Cependant, aujourd'hui encore, le mariage conserve sa physionomie propre ; il se distingue à
la fois du pacte civil de solidarité et du concubinage.

3. Le mariage reste dans l'esprit des français le mode privilégié d'union entre homme et
femme, même si le concubinage, dont la définition figure désormais dans l'article 515-8 du
Code civil, est aussi un mode d'union très pratiqué3. Pourtant entre le mariage et le
concubinage il y a cette différence fondamentale qui repose sur la dimension sociale du
mariage signifié dans l'accomplissement du rite. Le mariage n'existe que si le rite civil, admis
par la société dans ses lois, a été accompli. Le concubinage, lui, est une union conclue sans
rite reconnu par la société. Le concubinage repose sur une parole purement privée, le mariage
sur une parole ritualisée.
Le rite d'entrée en mariage est divers selon les sociétés, ce qui est important, ce n'est pas la
manière dont le rite est accompli, c'est l'existence et la signification de ce rite car son
accomplissement transforme la simple conjonction sexuelle en un mariage qui est alliance
entre les deux époux et aussi les deux familles. Selon les anthropologues, les structures de
parenté sont la marque de la spécificité humaine : c'est dire l'importance des règles sociales

1
c'est ainsi qu'ont été précisés les éléments d'appréciation de l'erreur par une loi n° 75-617 du 11 juillet 1975
2
C. civ., art. 515-1
3
il y aurait aujourd'hui en France environ deux millions et demi de couples concubins et douze millions et demi
de couples mariés
qui régissent l'union de l'homme et de la femme4. L'accomplissement de ce rite constitue
chaque couple en unité socialement reconnue et fonde la parenté légitime5.
Le Code civil, dans les articles 72 et suivants, décrit ce rite civil du mariage. Pour pouvoir
accéder à ce rite, il convient que les personnes qui prétendent se marier remplissent des
conditions qui, elles, sont définies dans les articles 144 et suivants du même code6.

4. Le pacte civil de solidarité est défini dans l'article 515-1 du Code civil comme "un contrat
conclu entre deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour
organiser leur vie commune". Le pacte civil de solidarité demeure fondamentalement un
contrat qui est enregistré devant le greffe du tribunal d'instance mais c'est un contrat aux
aspects institutionnels indéniables tant dans son formalisme que dans ses effets . Ces aspects
institutionnels ne permettent pas de dire, à proprement parler, qu'il y a création d'un véritable
rite nouveau, mais son formalisme rend nécessaire l'enregistrement et ce contrat est
mentionné en marge de l'acte de naissance des intéressés7. De plus, si les partenaires sont
libres de déterminer les effets de leurs contrats, c'est à l'exception de ceux qui sont imposés
par la loi8.

5. Le mariage a fait l'objet de nombreuses définitions9. La définition suivante du mariage peut


être proposée : c'est l'union librement et solennellement consentie d'un homme et d'une femme
qui acceptent d'exercer les droits et de respecter les obligations que la loi attache à la qualité
d'époux.
Le mariage civil fonde une communauté de vie puisque ce devoir entre époux est
explicitement mentionné dans l'article 215 du Code civil.
6. Le mariage civil est l'union d'un homme et d'une femme. Selon le Littré, "le mariage est
l'union d'un homme et d'une femme consacrée soit par l'autorité ecclésiastique, soit par
l'autorité civile, soit par l'une et l'autre". Le mariage repose sur la différence des sexes, l'un
des fondements anthropologiques de toute société humaine. Le "mariage homosexuel" est
peut-être une union de deux personnes mais il ne peut être un mariage sauf à changer le sens
des mots. Le mariage est monogame, un homme, une femme et la polygamie est contraire à
l'ordre public français. L'article 212 annonce que les époux se doivent mutuellement fidélité.
Le mariage civil n'est pas nécessairement une union en vue de procréer, même si Portalis et
Pothier incluent dans leur définition une référence à la perpétuation de l'espèce. Si le mariage
4
V. C. Lévy-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté
5
G. Raymond, Ombres et lumières sur la famille : éd. Bayard Centurion, 1999
6
Sur la distinction du mariage et du concubinage, V. J. Carbonnier, Terre et ciel dans le droit du mariage, in Le
droit privé français au milieu du XXe siècle : Études Ripert, Paris 1950. - Peyrard, Les couples non mariés in
Mariage et famille en question : CNRS 1986. - Nast, chron. : DH 1938, p. 37. - Granier, Épouse, concubine ou
compagne : JCP G 1958, I, 1299. - Josserand, L'avènement du concubinage : DH 1932, chron. p. 45. - Savatier,
Le droit, l'amour et la liberté, note ss CA Paris, 30 avr. 1926 : DP 1927, 2, I, p. 104. - P. Hébraud, Rôle respectif
de la volonté et des éléments objectifs dans les actes juridiques : Mélanges Maury, Dalloz-Sirey 1960
7
C. civ., art. 515-3-1
8
C. civ., art. 515-4
9
V. Marcadé, Explication théorique et pratique du Code civil, t. I, n° 516. - Toullier, Le droit civil français, t. I,
n° 488. - Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. II, par Batiffol, n° 204. - Duranton,
Cours de droits français, t. II, n° 7. - Baudry-Lacantinerie, Traité théorique et pratique de droit civil par
Houques-Fourcade, t. III. - Aubry et Rau, Droit civil français, t. VII, § 450, 5. - Planiol et Ripert, Traité pratique
de droit civil français par Boulanger, t. VII, n° 730. - Josserand, Cours de droit civil positif français, t. I, n° 691
et suivants. - Colin et Capitant, Traité de droit civil français par Julliot de la Morandière, t. I, n° 140, p. 514. -
Bénabent, Droit civil de la famille : Litec n° 56. - Weill et Terré, Droit civil : Précis Dalloz, n° 185. - Cornu,
Droit civil, t. II, La famille : Montchrestien, 7e éd. 2001, n° 155. - A. Sériaux, Une définition civile du mariage
(prière d'insérer) : D. 2005, p. 1966
est orienté vers la procréation, celle-ci n'est pas le but unique du mariage. À la différence du
droit canonique, le droit civil français ne considère pas que l'exclusion de toute idée de
procréation (exclusio prolis) soit une cause de nullité10. Il ne faudrait pas en déduire que la
sexualité n'a pas d'importance au regard du droit français, les décisions jurisprudentielles en
matière d'erreur sur les qualités essentielles de la personne le montreront.

7. Le mariage : contrat ou institution ? - Au cours du XIXe siècle et au début du XXe


siècle, une controverse s'est instaurée sur la nature juridique du mariage, en liaison d'ailleurs
avec la question de l'indissolubilité du mariage. Les uns voyaient là une institution d'ordre
public, un ensemble de règles construit par la loi et imposé à quiconque veut profiter des
prérogatives qui lui sont rattachées, de sorte que la volonté individuelle n'intervient que pour
adhérer à cette institution11 ; d'autres n'y voyaient qu'un contrat simplement sanctionné par la
loi, doté par elle de règles spéciales et d'effets particuliers, et régi par un statut permanent
parce qu'il est destiné à produire des effets successifs, comme la société ou le louage12.
D'autres, enfin, lui reconnaissent ce double caractère : institution, parce qu'il intéresse au plus
haut point l'ordre social et qu'il a fallu en soustraire l'économie aux caprices de l'initiative
privée ; contrat, puisque le lien qu'il établit entre deux personnes est le résultat de leur
consentement réciproque13. D'autres enfin dénient à la loi le pouvoir de s'immiscer dans ces
rapports personnels et privés que constitue le mariage14.
8. L'introduction dans notre droit du divorce par consentement mutuel paraît renforcer le
caractère contractuel du mariage : ce que la volonté des époux a fait, elle peut le défaire
pourvu qu'il y ait, au moment de la formation et au moment de la dissolution, l'intervention de
l'autorité publique15.

Le mariage est essentiellement une institution car consentir au mariage c'est entrer dans le
moule tout préparé par la loi ; Charron écrivait au XVIIIe siècle : "Le mariage n'a que l'entrée
libre"16. Mais les époux n'entrent pas dans ce moule sans qu'il y ait accord des volontés, c'est
pourquoi le mariage participe aussi du contrat. C'est l'opinion des anthropologues17 selon
lesquels le mariage présente les caractéristiques d'une institution sociale obéissant à des règles
bien définies quant aux conditions que doivent remplir les futurs époux pour pouvoir se
marier. Il n'est pas abusif de dire, compte tenu des conditions imposées par la loi pour entrer
en mariage, de la nécessité du rite civil, des relations entre époux déterminées par la loi
pendant l'union matrimoniale, des conditions imposées pour le divorce, des conséquences du
décès, que le mariage est une institution. Et ceci ne conduit pas à négliger la dimension
personnelle du mariage qui confère à la volonté de chacun des époux une importance accrue
que consacrent les articles 146 et 180 du Code civil.
Le caractère institutionnel du mariage n'évacue pas son caractère éminemment personnel.
C'est pourquoi il convient de traiter des conditions à réunir dans la personne des époux en
deux parties : d'une part les conditions liées à la dimension sociale du mariage, d'autre part les
conditions liées à sa dimension personnelle.

10
V. G. Cornu, note ss T. civ. Grenoble, 13 mars et 20 nov. 1958 : D. 1959, p. 495
11
Daguet, Études de droit public : l'État, le droit objectif, t. 1, 1203. - Hauriou, Principes de droit public, p. 203.
- A. Coste-Floret, La nature juridique du mariage, thèse Montpellier l935
12
Josserand, op. cit., t. I, n° 692
13
Planiol et Ripert, op. cit., t. II, 2e éd., par Rouast, n° 69. - Colin et Capitant, op. cit., t. I, n° 140
14
Acollas, Droit civil, t. III, p. 1. - L. Blum, Du mariage, 1907
15
V. G. Cornu, Consentement au mariage et consentement au divorce en trompe l'oeil, in Liber amicorum M.
Th. Meulders-Klein : éd. Bruylant, 1998
16
De la Sagesse, L. I, chap. XLII, 1782
17
en particulier Cl. Lévy-Strauss in Les structures élémentaires de la parenté ou Le regard éloigné : éd. Plon
I. - Conditions liées à la dimension sociale du mariage

9. La société définit les conditions dans lesquelles le mariage civil peut être célébré : si les
époux ne remplissent pas ces conditions, ils ne pourront entrer dans l'institution du mariage.
Au regard de la société, les conditions imposées n'ont pas toutes la même valeur : certaines
seront sanctionnées de la nullité absolue parce que la société considère qu'il s'agit là de
conditions fondamentales auxquelles il n'est pas possible de renoncer, ce sont les
empêchements dirimants ainsi que le rite civil du mariage ; d'autres ont un caractère plus
accessoire et, si elles ne sont pas respectées, la nullité du mariage n'en résultera pas, la
sanction sera moins sévère : ce sont les empêchements prohibitifs.

Mais, dans tous les cas, il appartient à l'officier de l'état civil, éventuellement sous le contrôle
du Procureur de la République, de s'assurer que sont respectées les conditions de forme et de
fond imposées pour le mariage. L'officier de l'état civil doit notamment procéder à la
vérification de la véracité et de la légalité des éléments du dossier du mariage, destinés à
établir l'état civil, l'identité ainsi que le domicile ou la résidence des futurs époux

10. Les empêchements prohibitifs étaient au nombre de six : non-transcription de


l'annulation ou de la dissolution d'un mariage antérieur, défaut d'autorisation administrative,
absence de certificat prénuptial, existence d'une opposition, non-respect du délai de viduité,
défaut de publication.
La production d'un certificat médical prénuptial dans le dossier préalable déposé en mairie
était exigée par l'article 63, alinéa 2, 1° du Code civil. Les examens imposés pour délivrer le
certificat étaient souvent réalisés bien avant le projet de mariage et les vaccinations,
notamment contre la rubéole, rendaient cet examen superfétatoire. De plus, la cohabitation
prénuptiale étant très fréquente, et les naissances hors mariage représentant près de la moitié
des naissances, il a été considéré comme inutile. Supprimé par la loi n° 2007-1787 du 20
décembre 2007 en son article 8-118, il n'est donc plus nécessaire pour les époux de déposer ce
certificat parmi les pièces du dossier préalable au mariage.
Le délai de viduité était un délai de trois cents jours imposé à la femme veuve ou divorcée
avant un éventuel remariage afin d'éviter les confusions de parts. Ce délai avait fait l'objet
d'assouplissement en considération des progrès scientifiques. Il a été supprimé par la loi n°
2004-439 du 26 mai 2004 en son article 23.
L'annulation ou la dissolution d'un mariage antérieur est liée à la prohibition de la
polygamie. Elle s'établit en fournissant la copie intégrale de l'acte de naissance exigée par les
articles 63 et 70 du Code civil. Les questions que peut poser la preuve seront examinées avec
l'empêchement de bigamie.

11. Empêchements prohibitifs subsistants - Certains empêchements prohibitifs ont été


maintenus. Ce sont l'existence d'une opposition à mariage, le défaut de publication.
Aux termes de l'article L. 4142-4 du Code de la défense, pendant les cinq premières années de
son service actif, le militaire qui sert à titre étranger doit obtenir l'autorisation du ministre de
la défense pour contracter mariage ou conclure un pacte civil de solidarité. Les militaires, qui
se marient sans autorisation, encourent la destitution et la perte tant pour eux-mêmes que pour
leur veuve ou enfants des droits à pension ou récompenses militaires.

18
obs. crit., V. Larribeau-Terneyre : Dr. famille 2008, comm. 3.
Le décret n° 69-222 du 6 mars 1969, en ses articles 68 à 71, tel que modifié par les décrets n°
85-375 du 27 mars 1985 et décrets n° 2004-82 du 23 janvier 2004 impose aux agents
diplomatiques ou consulaires d'informer le ministre des affaires étrangères de leur projet de
mariage au plus tard un mois avant la date prévue par les publications légales. Ils doivent
communiquer au ministre les renseignements relatifs à l'état civil et à la nationalité du futur
conjoint. Les diplomates qui se marient sans autorisation encourent des peines disciplinaires.

A. - Empêchements dirimants

12. Les empêchements dirimants sont aux yeux de la société si importants, que la loi les
sanctionne de la nullité absolue du mariage. Alors que le Code de droit canonique comporte
douze empêchements dirimants19, en droit français leur nombre a été en décroissant. Aux
empêchements dirimants du Code civil originaire s'étaient ajoutés ceux de la loi de 1884 sur
le divorce (interdiction de remariage avec le complice de l'adultère) ; mais tous ces
empêchements ont été réduits à quatre : l'identité de sexe, l'impuberté, la polygamie, l'inceste.
Nous ne retiendrons ici que les trois premiers.

1° Identité de sexe

11. - Actualité du sujet - Jusqu'au milieu du XXe siècle, les problèmes juridiques posés
par l'identité de sexe en tant qu'empêchement au mariage étaient relativement restreints ; il
s'agissait de la question de la validité du mariage de personnes dont le sexe n'était pas établi
et de celle du mariage des impuissants. Dans la deuxième moitié du XXe siècle est venue se
greffer la question de la validité du mariage des transsexuels. Ces questions demeurent
toujours aujourd'hui. Mais en fin de XXe siècle, début du XXIe est apparue, sous la
poussée du lobby homosexuel et d'un souci d'une prétendue modernité la question de
l'introduction en droit français du mariage des personnes de sexe identique. Ce sont ces
deux séries de questions qui retiendront l'attention à propos de cet empêchement dirimant.

a) Questions traditionnelles

13. Assimilation à l'identité de sexe - La jurisprudence a été presque unanime à décider


que l'absence de sexe ou l'impossibilité de reconnaître le sexe de l'un des époux doivent
être assimilées à l'identité de sexe et doivent emporter nullité du mariage20.
Preuve de l'identité sexuelle - L'ancien droit avait recours à la procédure du congrès
selon laquelle le mariage devait être consommé en présence de matrones. Cette
procédure a été abandonnée à la Révolution compte tenu des scandales auxquels elle
avait donné lieu.
Lorsqu'un doute existe sur l'identité de sexe ou sur l'état d'impuissance, il faudrait avoir
recours à l'expertise médicale.
Or, il arrive assez souvent que la personne dont on conteste le sexe refuse de se prêter à
cette expertise.

19
Code de droit canonique, art. 1083 à 1094.
20
CA Nîmes, 29 nov. 1869 : DP 1872, 1, p. 52. - CA Montpellier, 8 mai 1872 : DP 1872, 2, p. 48 ; S. 1872, 2, p.
272. - T. civ. Calais, 23 janv. 1873 : DP 1882, 3, p. 71. - T. civ. Orléans, 11 avr. 1894 : Gaz. Pal. 1894, 1, p. 556.
- CA Douai, 1er mai 1901 : S. 1901, 2, p. 303. - Contra, CA Caen, 16 mars 1882 : S. 1882, 2, p. 108 ; DP 1882,
2, p. 155
Quelles peuvent être les conséquences de son refus ? On a soutenu qu'elle n'est pas en
droit de s'opposer à une constatation qui intéresse l'ordre public, et qu'elle pourrait donc
être, soit directement soit par voie d'astreinte, obligée de se soumettre à l'expertise
ordonnée. Les tribunaux semblent n'être pas de cet avis ; il a été jugé plusieurs fois que
ce refus est légitime et trouve sa justification dans le principe de la liberté individuelle
comme de la considération de la dignité humaine21.

2) Mariage des transsexuels

18. - Position du problème - La validité du mariage des transsexuels est l'une des
questions nouvelles apparues dans la seconde moitié du XXe siècle. Ce mariage doit-il
être autorisé ; est-il valide au regard du droit français ? La jurisprudence française avait
dans un premier temps totalement refusé de prendre en compte la réalité transsexuelle en
refusant d'autoriser une modification de l'acte de naissance de l'intéressé22, puis après
évolution, elle avait admis cette modification lorsque le changement de sexe ne provenait
pas d'une intervention volontaire. Elle avait considéré que ce refus ne portait pas atteinte
au droit de se marier tel qu'il est affirmé par l'article 12 de la Convention Européenne des
Droits de l'Homme23. Mais sur recours d'une transsexuelle qui avait vu rejeter sa
demande en rectification d'acte de l'état civil, la Cour européenne des droits de l'homme
a condamné l'État français24. Dans l'arrêt Cossey du 27 septembre 1990, cité par J.-P.
Marguenaud, la Cour européenne avait considéré que le droit de se marier résultant de
l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'Homme s'entendait "du mariage
traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent". L'arrêt du 25 mars 1992
n'entre pas dans ces considérations. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans
deux arrêts du 11 décembre 199225, s'est inclinée devant la condamnation de la Cour
européenne. Désormais donc, l'acte de naissance pourra comporter la mention du sexe
apparent de l'individu, sexe apparent ne correspondant pas à son sexe biologique, sous
réserve que les conditions posées par la Cour suprême soient réunies.

14. « Quid du mariage des transsexuels ? - A priori, le mariage des transsexuels


devient possible. En effet, l'officier de l'état civil doit s'assurer que les actes de naissance
des époux marquent la différence des sexes. Une fois la rectification de l'acte de
naissance réalisé, rien ne permettra à un officier de l'état civil de déceler qu'il y a eu
transsexualisme et le mariage des transsexuels devient possible.

b) Questions nouvelles : le mariage de personnes homosexuelles

21
T. civ. Alès, 23 janv. 1873 : DP 1882, 2, p. 71. - T. civ. Châteauroux, 8 févr. 1876 : Gaz. trib. 23 févr. 1876. -
CA Riom, 3 août 1876 : S. 1877, 2, p. 153 ; DP 1877, 2, p. 32
22
J.-P. Branlard, Le sexe et l'état des personnes, aspects historique, sociologique et juridique : LGDJ 1993. - L.
Mauger-Vielpeau, Le transsexualisme et le Code civil : Dr. famille 2005, étude 18
23
Cass. 1re civ., 10 mai 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 189
24
CEDH, 25 mars 1992 : JCP G 1992, II, 21955, note T. Garé ; D. 1993, p. 101, note J.-P. Marguenaud. -
CEDH, 11 juill. 2002 : JCP G 2003, I, 101, obs. Y. Favier ; JCP G 2003, I, 107, § 4, obs. Marmisse ; JCP G
2003, I, 109, § 16, obs. Sudre ; D. 2003, p. 525, obs. Birsan ; D. 2003, p. 1935, obs. Lemouland ; RTD civ. 2002,
p. 782, obs. J. Hauser ; RTD civ. 2002, p. 862, obs. Marguébaud ; D. 2003, p. 2032, note A. S. Chavent-Leclère.
- CEDH, 7 janv 2004, aff. C-117/01 K-B c/ National Health Service pensions Agency, concl. av. gén. Ruiz-
Jarabo-Colomer : D. 2004, p. 675 et p. 979, note Icard ; RTD civ. 2004, p. 266, obs. J. Hauser, p. 373, obs. J. R
25
Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, n° 91-12.373 et n° 91-11.900 : JurisData n° 1992-002867et n° 1992-002595 ;
JCP G 1993, II, 21991, note G. Mémeteau, concl. Jéol ; Bull. civ. 1993, ass. plén., n° 13
15. Présentation de la question - Ce n'est que récemment que la question de la validité
du mariage entre deux personnes de même sexe s'est posée, même si elle était sous-jacente
depuis la dernière décennie du XXe siècle. Le pacte civil de solidarité avait en effet été
considéré par certains comme une étape avant de franchir l'étape ultime de la permission
par la loi du mariage entre deux personnes homosexuelles.
Les exemples étrangers ont aussi servi de modèle pour certains, de repoussoirs pour les
autres. En tout cas, la question n'a pas laissé la doctrine indifférente et les publications se
sont multipliées26.

16. Jurisprudence - La question de la validité du mariage homosexuel a été relancée, en


forme de provocation par un officier de l'état civil qui, le 5 juin 2004, malgré l'opposition
du procureur de la République, qui lui avait été signifiée le 27 mai de la même année,
avait procédé au mariage de deux hommes, à grand renfort de reportages médiatiques. Les
différentes instances judiciaires ont été amenées à se prononcer.
L'officier de l'état civil, à titre de sanction, était suspendu de ses fonctions pendant un
mois par le ministre de l'intérieur, aux motifs que, notamment, "en célébrant un mariage
entre des personnes de même sexe malgré l'opposition qui lui avait été signifiée par le
procureur de la République, (il) avait volontairement manqué aux obligations prévues par
l'article 68 du Code civil". Le tribunal administratif de Bordeaux rejetait la requête de
l'officier de l'état civil en annulation de cette sanction27.
Le procureur de la République engageait une action en nullité du mariage devant la
juridiction judiciaire qui prononçait l'annulation de cette union28. Les partenaires
utilisaient toutes les voies de recours devant la cour d'appel et la Cour de cassation qui
confirmaient la nullité du mariage29. L'affaire semble avoir été portée devant la Cour
européenne des droits de l'homme sans que celle-ci se soit prononcée à ce jour.

17. Principe posé par la Cour de cassation - De l'arrêt de la Cour de cassation (Cass.
1re civ., 13 mars 2007, préc.) on ne peut que constater la position de principe prise par la
Cour suprême qui a prononcé "des affirmations péremptoires" . Elle pose les principes :

26
F. Brûlé-Gadioux et E Lamothe, Le mariage homosexuel en Europe, in Trav. 101e Congrès des notaires de
France : Defrénois 2005, p. 647. - E. Fongaro, L'absence d'effets successoraux en France du mariage homosexuel
d'un français aux Pays-Bas : Dr. famille 2008, étude 16. - H. Fulchiron, Le droit français et les mariages
homosexuels étrangers : D. 2006, p. 1253 ; Un homme, une femme : la Cour de cassation rejette le mariage
homosexuel : D. 2007, p. 1375 ; Le mariage à l'heure espagnole (réflexion sur les mariages homosexuels en
Europe) : Dr. famille 2005, Focus ; Couples, mariage et différence des sexes, in Des concubinages, Études
offertes à J. Rubellin-Devichi : Litec 2002, p. 29. - F. Jault, De la reconnaissance des mariages homosexuels :
LPA 3 avr. 2006, n° 66, p. 6. - X. Lacroix, Mariage homosexuel, une double violence : La Croix 17 juin 2004, p.
27. - M. Lamarche, Deux femmes, un homme et une femme, deux hommes : quel(s) mariage(s) pour le troisième
millénaire : Rev. Lamy dr. civ. oct. 2004, p. 33. - M. Schmidt, L'incidence en France des lois belge et
néerlandaise introduisant le mariage homosexuel : JCP N 2004, 1006. - M. Schmidt, Traité de Lisbonne - Vers
une nouvelle approche du mariage homosexuel dans l'ordre international : JCP N 2008, 1312. - Étude de droit
comparé du Sénat : JCP A 14 juin 2004, act. 285)
27
TA Bordeaux, 26 juill. 2004 : JurisData n° 2004-246467 ; Dr. famille 2004, comm. 166, obs. V. Larribeau-
Terneyre
28
TGI Bordeaux, 27 juill. 2004 : JurisData n° 2004-246467 ; JCP G 2004, II, 10169, note G. Kessler ; D. 2004,
p. 2392, note E. Agostini ; D. 2005, p. 2965, obs. J.-J. Lemouland ; Dr. famille 2004, comm. 166, obs. M.
Azavant ; D. 2004, p. 2965, obs. J.-J. Lemouland ; AJF 2004, p. 407, obs. Attuel-Mendès ; RTD civ. 2004, p.
715, obs. J. Hauser ; Gaz. Pal. 2004, p. 3250, note de Geouffre de la Pradelle
29
CA Bordeaux, 19 avr. 2005 : D. 2005, p. 1687, note E. Agostini ; D. 2006, p. 1414, obs. J.-J. Lemouland et V.
Vigneau ; Dr. famille 2005, comm. 124, obs. M. Azavant ; RTD civ. 2005, p. 574, obs. J. Hauser. - Cass. 1re
civ., 13 mars 2007 : Bull. civ. 2007, I, n° 113 ; D. 2007, p. 935, obs. I. Gallmeister ; D. 2007, p. 1389, note G.
Pluyette ; D. 2007, p. 1395, note A. Agostini ; Dr. famille 2007, comm. 76, obs. M. Aznavant
"Selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ; que ce
principe n'est contredit par aucune des dispositions de la CEDH et de la charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire ; que le
moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches". En revanche les juges du fond
avaient analysé l'ensemble des arguments invoqués par les partenaires homosexuels et
répondu à ces arguments.

18. - Absence de texte - Le premier argument est un classique qui avait donné lieu à la
théorie de l'inexistence du mariage. Aujourd'hui, on parle plus volontiers, dans les médias,
mais pas chez les juristes, de l'existence d'un vide juridique. Aucun texte de droit français
ne mentionne la différence de sexe comme condition du mariage. Tant le tribunal de
grande instance de Bordeaux que la cour d'appel de la même ville font justice de cet
argument en évoquant d'une part la définition de Portalis dans le discours préliminaire :
"le mariage est la société d'un homme et d'une femme", d'autre part les références
implicites contenues dans le Code civil (C. civ., art. 144, 108, 264, 300). J. Hauser est
sévère à l'égard d'un tel argument30.

19. Arguments de droit européen - La Cour de cassation est lapidaire : "ce principe
n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de
l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en
France de force obligatoire".
Les partenaires homosexuels fondaient leur demande de nullité sur la contradiction qu'ils
prétendaient trouver entre l'impossibilité du mariage homosexuel en France et les textes de
droit communautaire ou européen. Ils invoquaient pour ce faire :

- l'article 12 de la CEDH qui proclame le droit de se marier et de fonder une


famille. En interdisant le mariage homosexuel, la France serait en
contravention avec ce texte. Le tribunal de grande instance de Bordeaux se
réfère à deux arrêts de la Cour de Strasbourg : l'arrêt Rees c/ Royaume Uni du
17 octobre 1986 (JDI 1987, p. 796, note P. Rolland), selon lequel l'article 12
vise le mariage traditionnel entre personnes de sexes opposés ; la Cour de
Luxembourg a statué dans le même sens dans l'arrêt D et Royaume de Suède
c/ Conseil de l'Europe (D. 2001, p. 3380, note Nourissat et Devers ; RTD civ.
2002, p. 76, obs. J. Hauser, p. 76) ; l'arrêt Goodwin/Royaume-Uni du 11
juillet 2002 (JCP G 2003, I, 101, obs. Favier ; JCP G 2003, I, 107, § 4, obs.
Marmisse ; JCP G 2003, I, 109, § 16, obs. Sudre ; D. 2003, p. 525, obs.
Birsan ; D. 2003, p. 1935, obs. Lemouland ; D. 2003, p. 2032, note A. S.
Chavent-Leclère ; RTD civ. 2002, p. 782, obs. J. Hauser ; RTD civ. 2002, p.
862, obs. Marguénaud) a considéré que l'impossibilité de concevoir un enfant
n'était pas une raison pour empêcher le mariage d'un transsexuel. Mais le
tribunal conclut justement de cet arrêt que loin de valider le mariage entre
personnes de même sexe, "la cour réaffirmait implicitement le principe
d'hétérosexualité du mariage puisqu'elle indiquait qu'on ne pouvait ignorer le
changement de sexe de la personne sur le plan biologique" ;

30
J. Hauser, Les mariés de l'an 2004 : RTD civ. 2004, p. 719) : "La recherche d'une interdiction formelle de ce
type de mariage dans le code dont la plus grosse partie date de 1804 confinait à la mauvaise foi. Quand une
institution fait l'objet d'une définition établie, il n'y a pas lieu de rechercher si un texte exprès interdit ou non une
opération contraire à sa définition. On s'amusera à penser que puisqu'aucun texte ne définit le père ou la mère on
pourrait soutenir qu'une personne morale peut être père ou mère, ce que rien n'interdit expressément...".
- l'article 8 qui garantit le respect de la vie privée de toute personne. Personne
ne conteste, selon le tribunal de grande instance de Bordeaux, que l'identité
sexuelle fasse partie de la vie privée des personnes mais cela n'impose pas de
reconnaître l'existence d'un droit au mariage pour les personnes
homosexuelles et ceci d'autant moins que les articles 515-8 et suivants du
Code civil reconnaissent pour le partenariat homosexuel d'autres types
d'union comme le pacte civil de solidarité et le concubinage ;
- l'article 14 qui prohibe les discriminations fondées sur le sexe, la race ou la
religion. Selon le tribunal de grande instance de Bordeaux, l'impossibilité
pour deux personnes de se marier implique à l'évidence, une différence de
traitement entre les personnes hétérosexuelles et les personnes
homosexuelles. Mais, « Cette différence de traitement est toutefois possible,
selon la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'il existe une
justification objective et raisonnable, qui poursuit un but légitime dans une
société démocratique et qui respecte un rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Cette justification se trouve en l'espèce dans la fonction traditionnelle du mariage,
communément considéré comme constituant la fondation d'une famille... Il existe en l'état
actuel une justification sociale à la condition posée par la législation française d'une
différence de sexe pour contracter mariage ».

20. "De lege ferenda" - Les opinions sont relativement peu partagées. Les auteurs qui
ont publié dans les grandes revues juridiques n'envisagent pas l'introduction du mariage
homosexuel dans notre droit et tous conviennent que cela ne pourrait se faire que par
l'intervention du législateur.
On peut s'étonner que le terme de mariage ait été choisi pour désigner les unions
homosexuelles qui ne correspondent pas au sens même de ce mot. Selon le Littré, "le
mariage est l'union d'un homme et d'une femme consacrée soit par l'autorité
ecclésiastique, soit par l'autorité civile, soit par l'une et l'autre". Le mariage repose sur la
différence des sexes, l'un des fondements anthropologiques de toute société humaine. Le
"mariage homosexuel" est peut-être une union de deux personnes mais il ne peut être un
mariage sauf à changer le sens des mots. Même si, dans le mariage civil, la procréation
n'est pas, comme en droit canonique, l'une des fins du mariage, il n'en reste pas moins que
"établir la parité entre union hétérosexuelle et union homosexuelle c'est priver les
membres de la société, et notamment les enfants des repères fondamentaux qui
construisent la personnalité ; c'est nier l'altérité fondamentale, si nécessaire pour que
l'enfant puisse forger son avenir"31.

2° Âge

21. Éléments d'histoire - Pour pouvoir contracter mariage, l'homme doit avoir dix-huit
ans, et la femme quinze ans révolus, disposait l'ancien article 144 du Code civil. La puberté
physiologique de la femme, fixée dans le Code civil à 15 ans, s'avérait suffisante, alors que,
pour l'homme, il fallait attendre une certaine maturité psychologique qui n'allait pas de pair
avec la puberté physiologique. Il était en effet d'une extrême importance sociale que le
mariage n'unisse que des personnes parvenues à un développement physique et

31
G. Raymond, Ombres et lumières sur la famille : Bayard Centurion 1999. - V. aussi M. Maugüé, concl. ss CE,
1re et 4e ss-sect. réunies, 9 oct. 1996 : JCP G 1997, II, 22766).
psychologique suffisant pour assurer à la fois aux enfants à venir une constitution normale
et aux intérêts familiaux une gestion raisonnable.

22. - Droit positif - Il est apparu que l'article 144, dans sa rédaction antérieure, constituait
une atteinte au principe de l'égalité entre l'homme et la femme. La loi n° 2006-399 du 4
avril 2006 a modifié la rédaction de l'article 144 qui est devenu "L'homme et la femme ne
peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus". Ainsi, il n'y a plus de différence
entre l'homme et la femme et le mariage de deux mineurs n'est pas valide en France. Le
fondement de cette exigence de majorité repose beaucoup plus, semble-t-il, sur la liberté du
mariage et sur la maturité des personnes que sur la puberté comme cela l'était sous l'empire
du droit antérieur.
Il peut cependant se faire que des nécessités, personnelles aux époux, rendent souhaitable le
mariage avant l'âge de la majorité. La loi de 2006 n'a donc pas modifié l'article 145 qui est
demeuré dans sa rédaction ancienne.

23. - Dispense d'âge - Le législateur a cependant estimé que, en certaines circonstances, il


y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à maintenir cette condition d'âge avec trop de
rigidité et le code avait, avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l'article 145 du Code
civil, attribué au chef de l'État le pouvoir d'accorder des dispenses d'âge en lui laissant la
libre appréciation de leur opportunité.
Le motif presque toujours invoqué et admis est la grossesse de la future épouse.
Jusqu'à la loi du 23 décembre 1970, il appartenait au chef de l'État d'accorder ces dispenses
par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était remis au procureur de
la République qui instruisait l'affaire. La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 modifie
l'article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 (L. n° 70-1266, 23 déc. 1970, art.
2) et transfère au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le
pouvoir d'accorder les dispenses d'âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le
Président de la République.
En confiant au procureur de la République la responsabilité de l'octroi de la dispense, la loi
n'innove pas, puisque ce magistrat délivrait déjà, dans certains cas, des dispenses et que, par
ailleurs, dans le cas qui nous intéresse, il avait déjà la responsabilité de l'instruction de
l'affaire. Ainsi, compte tenu du rôle déjà tenu actuellement, en droit ou en fait, par le
procureur de la République, la loi n'apporte pas de véritable bouleversement aux conditions
d'octroi de la dispense. Elle aura surtout pour effet de raccourcir le cheminement des
dossiers.
Les futurs époux devront présenter une demande motivée au procureur de la République.
La dispense accordée par le procureur de la République ne fait pas disparaître la nécessité
du consentement familial exigé pour les mineurs (V. JCl. Civil Code, Art. 180 à 193 ou
Notarial Répertoire, V° Mariage, fasc. 100).

24. - Absence d'âge maximum pour se marier - La loi ne fixe pas pour le mariage de
limite d'âge maximum. La vieillesse n'est jamais un empêchement au mariage. Le mariage
contracté aux approches de la mort, in extremis, est pleinement valable, contrairement à la
législation de l'ancien régime (déclaration de 1639 et édit de mars 1697), qui refusait à une
telle union la vertu de produire des effets civils, estimant que c'est encourager les relations
illicites que laisser à ceux qui les pratiquent la possibilité d'en effacer le vice au moment de
la mort (Gendrel, Les mariages in extremis). Encore faut-il que le mourant soit encore
capable de donner un consentement valide (V. infra n° 62).
3° Polygamie

25. - Interdiction de la polygamie simultanée - La monogamie "est une clef de voûte de


la civilisation juridique européenne"32. Le droit français, dans l'article 147 du Code civil,
interdit la polygamie simultanée, mais non la polygamie successive. C'est ainsi que tout
mariage célébré en France, même entre des étrangers, est entaché de nullité absolue dès lors
que l'un au moins des conjoints est, au moment du mariage, engagé dans les liens d'un
précédent mariage non dissous33. Il importe peu que le mariage antérieur entaché de
bigamie ait été dissous par divorce postérieurement à la célébration du second mariage ; il
n'y a pas de régularisation a posteriori34. Il importe peu également que le second mariage
soit célébré entre les deux mêmes personnes, déjà mariées une première fois.
26. Cependant, le mariage polygamique, qui est prohibé en France, peut produire certains
effets lorsque, célébré entre étrangers, à l'étranger, il est autorisé par la loi nationale des
époux35, mais la polygamie est si contraire à l'ordre public français qu'elle mettra obstacle à
l'acquisition de la nationalité français.
Afin de prévenir la célébration en France de mariages polygamiques, la loi française a
exigé un certain nombre de formalités antérieures au mariage.
L'article 76, in fine du Code civil, décide que la célébration de tout mariage doit être
mentionnée en marge de l'acte de naissance des époux ; en outre, l'officier de l'état civil,
avant de procéder à un mariage, doit se faire remettre par chacun des futurs époux une
expédition de son acte de naissance dont la délivrance ne doit pas remonter à plus de trois
mois s'il a été délivré en France, et à plus de six mois s'il a été délivré dans un territoire
d'outre-mer ou dans un consulat. En effet, l'officier de l'état civil ne peut célébrer un
mariage si, sur l'acte de naissance qui lui est présenté, est mentionné un mariage non
dissous.

B. - Rite civil du mariage

27. Vécu de la célébration du mariage - Les années passées ont connu une désaffection de
la cérémonie civile du mariage. Celle-ci, trop souvent célébrée à la va-vite par des officiers de
l'état civil surchargés par leurs tâches administratives, n'était vécue que comme une formalité
nécessaire mais sans intérêt.

1° Description du rite

32
Carbonnier, Droit civil, t. II : coll. Thémis, PUF 1979, n° 18). "La profondeur de notre civilisation c'est le
mariage monogamique. L'Islam avec sa polygamie fut-elle théorique, est plus étranger à notre âme que
n'importe quel autre système de droit. De Moscou à New York, la répulsion pour le mariage polygamique trace
la véritable ligne d'unité de civilisation" (Carbonnier, Terre et ciel dans le droit du mariage, op. cit., p. 341. -
Du même auteur, Droit et passion du droit sous la Ve République : Flammarion, 1996, p. 268. - Endréo,
Bigamie et double mariage : RTD civ. 1991, p. 263
33
CA Rouen, 29 nov. 2007, n° 06/02107 : JurisData n° 2007-350794. - CA Versailles, 1re ch., sect. 1, 20 déc.
1988 : JurisData n° 1988-048417. - CA Montpellier, 2 avr. 1990, n° 86-45.635 : JurisData n° 1990-000194. - CA
Paris, 14 janv. 1997 : JurisData n° 1997-020023. - CA Dijon, 25 mai 1995 : JurisData n° 1995-046149. - CA
Metz, 5 déc. 2006, n° 01/02939 : JurisData n° 2006-323039. - CA Montpellier, 21 oct. 2008 : JurisData n° 2008-
371508. - CA Metz, 5 déc. 2006 : JurisData n° 2006-323039. - Rép. min. n° 79214 : JOAN Q, 2 mai 2006, p.
4731
34
CA Paris, 12 févr. 2009, n° 07/21694 : JurisData n° 2009-000851. - CA Grenoble, 23 janv. 2001 : Dr. famille
2002, comm. 54 ;
35
CE, 24 janv. 1994 et 11 févr. 1994 : D. 1995, p. 108, note Guiho
28. Le rite se déroule en trois étapes. Antérieurement au mariage il faut procéder à la
publication des bans dans le but d'annoncer le projet de mariage et de permettre à ceux qui
connaîtraient quelque empêchement de les signaler à l'officier de l'état civil. Puis il y a la
cérémonie civile du mariage célébrée par un officier de l'état civil, en présence de deux
témoins au moins et de quatre au plus. C'est au cours de cette célébration qu'après avoir
interrogé les époux sur leur volonté de se marier, l'officier de l'état civil prononcera la
formule d'union. Puis il y a la signature de l'acte de mariage et la remise aux époux du livret
de famille.
Le consentement au mariage doit être exprimé par chacun des époux au cours de la
célébration du mariage.
Enfin, il y a, après l'échange des consentements et le prononcé de la formule d'union,
l'établissement de l'acte de mariage et sa signature ainsi que la remise du livret de famille.

2° Sens du rite

29. Le rite : expression publique d'une volonté interne - Le mariage est liberté et
engagement, mais le concubinage est aussi engagement. Pourtant, l'engagement n'a pas la
même dimension : purement privé dans le second type d'union, il prend toute sa dimension
sociale dans le mariage. Cette volonté d'engagement devant la société va se traduire par le
"oui" que chacun des époux prononce devant l'officier de l'état civil et par la formule
d'union que celui-ci prononce publiquement.

30. Sens du "oui" - En son n° 401, l'Instruction générale relative à l'état civil précitée,
donne la formulation des questions que l'officier de l'état civil doit poser d'abord à l'épouse
puis ensuite à l'époux. Le texte indique que chacun des époux doit répondre "oui", sinon
l'officier de l'état civil ne pourrait pas prononcer la formule d'union.
En droit, on ne peut dire que ce "oui" est expression de sentiment, l'équivalent d'un "je
t'aime" car le droit ne peut que rester indifférent aux motifs qui poussent les époux à s'unir
dans le mariage. Que les motifs du mariage soient l'amour, la raison, le désir, la liberté, la
cupidité, la résignation, l'expression de la volonté se traduira toujours par ce "oui". Ce "oui"
est porteur d'un sens, pas toujours perçu par les conjoints eux-mêmes. D'une part, il signifie
que chacun des futurs époux considère l'autre comme une personne égale à lui-même, il
veut donc traduire ce respect mutuel que les articles 212 et suivants du Code civil
considèrent comme inhérents aux devoirs du mariage. Il est donc renoncement à toute
domination, toute violence pour la mise en oeuvre d'une véritable relation entre deux
partenaires.
D'autre part, ce "oui" est significatif de l'engagement que chacun des époux prend vis-à-vis
de l'autre de vivre dans l'institution du mariage selon les dispositions prévues dans le Code
civil.

31. Sens de la présence de l'officier de l'état civil - La présence de l'officier de l'état


civil, la célébration dans la maison commune, publiquement, donnent à l'union
matrimoniale sa dimension citoyenne.
Le mariage est le seul acte de l'état civil qui requiert la présence d'un élu et pas seulement
celle d'un fonctionnaire territorial du service de l'état civil. C'est pour signifier que l'officier
de l'état civil est le représentant de l'ensemble de la population vivant sur le territoire
communal. Se marier devant l'officier de l'état civil, c'est symboliquement se marier devant
l'ensemble des habitants de la commune. C'est pour cela que le mariage devant un notaire,
comme cela a pu être envisagé, n'aurait pas la même signification et ferait perdre au
mariage civil sa dimension citoyenne. C'est toute la différence avec le pacte civil de
solidarité qui est un contrat enregistré au greffe du tribunal d'instance. Le mariage est un
acte qui s'inscrit dans la vie de la communauté communale, le pacte civil de solidarité reste
un acte privé enregistré, sans aucune dimension citoyenne.
Les époux ne se marient pas seuls, même si le mariage est célébré dans la plus stricte
intimité. Le mariage est, selon la loi un engagement devant la société (in facie societatis
disait-on dans l'ancien droit) et c'est cela que signifie la formule d'union prononcée par
l'officier de l'état civil.

II. - Conditions résultant de la dimension personnelle du mariage : le consentement des


époux

32. De la nécessité du consentement - "Consensus facit matrimonium" c'était le principe


établi en droit canonique avant le Concile de Trente. Ce concile et l'ordonnance de Blois ont
ajouté, pour la validité du mariage, une expression solennelle de ce consentement au mariage
devant le curé de la paroisse, afin d'assurer une plus grande liberté des époux, expression
solennelle aujourd'hui donnée au cours de l'accomplissement du rite civil du mariage.
C'est cette nécessité du consentement que traduit l'article 146 du Code civil qui dispose : "il
n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement".
Cette exigence du consentement concerne tous les époux y compris ceux qui sont incapables
au regard du droit : les mineurs et les incapables majeurs. Un mineur aussi bien qu'un
incapable majeur doit consentir personnellement à son mariage, il ne peut être représenté par
son représentant légal.

33. À la recherche de l'intention conjugale - Le droit français ne définit pas le consentement


au mariage. Il n'y a pas dans le Code civil français une disposition analogue au canon 1096 du
Code de droit canonique : "Pour qu'il puisse y avoir consentement matrimonial, il faut que les
contractants n'ignorent pas, pour le moins, que le mariage est une communauté permanente
de l'homme et de la femme, ordonnée à la procréation des enfants par une certaine
coopération sexuelle".
Ce que l'on peut dire cependant, c'est que le consentement au mariage ne résulte pas d'une
attitude, même si cette attitude est la communauté de vie : aussi longtemps que dure un
concubinage, il ne peut se transformer en mariage que par une expression solennelle de la
volonté de chacun des époux d'entrer en mariage.
Cette volonté d'entrer en mariage c'est l'intention conjugale de chacun des époux qui
s'exprime dans le "oui" donné en réponse à la question posée par l'officier de l'état civil.
L'expression ne figure pas dans le Code civil qui ne vise que le consentement. Elle est une
création de la jurisprudence qui a voulu expliciter le contenu de la notion de consentement
utilisée dans l'article 146 du Code civil. Mais, si la notion est ancienne, l'expression elle-
même est relativement récente (G. Raymond, Le consentement des époux au mariage : LGDJ
1965, p. 83).
L'intention conjugale a été créée à partir de la simulation du mariage, expression qui a prévalu
pendant plus d'un siècle et demi tant en jurisprudence qu'en doctrine. Une lecture littérale de
l'article 146 aurait conduit à se contenter de rechercher si les époux avaient exprimé leur
volonté de se marier devant l'officier de l'état civil sans se préoccuper de rechercher
l'existence et le contenu de leur volonté interne. En effet, ce défaut de volonté interne peut
tenir à l'absence d'une santé mentale suffisante pour permettre l'élaboration de cette intention,
mais aussi à l'existence d'une contrainte ou d'une erreur qui sont susceptibles de vicier le
consentement donné ou enfin à une simulation du mariage qui est alors utilisé pour poursuivre
un but autre que celui qui est assigné par la loi à l'institution du mariage.

A. - Santé mentale

34. Existence d'une volonté interne - A priori, toute personne qui se présente devant un
l'officier de l'état civil pour se marier dispose de la capacité suffisante pour conclure un acte
juridique et donc doit pouvoir se marier. L'audition que l'officier de l'état civil pourra
diligenter avant la cérémonie du mariage, serait susceptible de révéler une atteinte aux
facultés mentales et l'officier de l'état civil pourrait alors saisir le procureur de la République
de ses doutes quant à une possible altération des facultés mentales du candidat au mariage.
Cependant, les officiers de l'état civil ne sont pas tous psychiatres ou psychologues et il existe
des degrés dans l'altération des facultés mentales. Bien sûr l'officier de l'état civil pourra être
alerté par l'existence éventuelle d'une mesure de protection de l'un des futurs époux qui
nécessite alors des mesures particulières prévues par la loi. En dehors de ce cas des personnes
protégées, la jurisprudence a posé deux principes en ce qui concerne le mariage des personnes
dont les facultés mentales sont altérées tout en accordant une importance particulière à la
preuve de l'absence de volonté.

35. Mariage du majeur protégé - Avant la réforme de l'ordonnance n° 2007-308 du 5 mars


2007 le régime juridique du mariage des incapables majeurs était défini par les articles 506 et
514 du Code civil. Le principe de la validité du mariage de l'incapable majeur était acquis et
ainsi disparassait une controverse qui s'était instaurée à partir de l'article 502 ancien du Code
civil. Mais des formalités particulières avaient été imposées par la loi pour le mariage de ces
personnes.
Depuis la réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, l'article 460 du Code civil traite du
mariage des majeurs protégés. Si le majeur est en curatelle, le mariage du majeur sera possible
avec l'autorisation du curateur ou à défaut avec celle du juge. Si le majeur est en tutelle, il sera
nécessaire de recueillir soit l'autorisation du juge des tutelles soit celle du conseil de famille.
Le majeur protégé aura été entendu, et le cas échéant, l'avis des parents et de l'entourage aura
été recueilli.

B. - Vices du consentement

36. - Textes - L'article 180 du Code civil, modifié par la loi du 11 juillet 1975 relative au
divorce, prévoit deux vices du consentement en matière de mariage : l'absence de liberté d'une
part, l'erreur dans la personne ou sur les qualités substantielles de la personne d'autre part. La
confusion se fait parfois entre l'absence de consentement et le vice du consentement.
Ainsi, cette décision du tribunal de grande instance de Paris mêle les deux fondements : doit
être annulé le mariage pour lequel l'épouse a donné un consentement formel sans véritable
intention conjugale. Tel est le cas lorsque la femme, qui a quitté le domicile conjugal trois
semaines après le mariage, explique que la pression des familles et l'importance des
préparatifs ne lui ont pas permis de faire volte-face au dernier moment malgré son inclination
pour un autre homme.
Il est vrai que l'époux qui dit "oui", alors qu'il n'est pas libre ou qu'il fait erreur sur une qualité
essentielle de son conjoint, peut prétendre qu'il n'a pas consenti à se marier. Pourtant, la
distinction doit être faite entre l'absence de consentement et le vice du consentement, car
même sous l'empire d'une absence de liberté ou d'une erreur, l'époux accepte de se marier. Et,
par ailleurs, la sanction ne sera pas la même : nullité absolue pour l'absence de consentement,
nullité relative pour les vices du consentement36.

1° Absence de liberté

37. Violence ou absence de liberté ? - Le mariage, qui a été contracté sans le


consentement libre des deux époux ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux
ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public.
De nombreux auteurs ont assimilé l'absence de liberté de l'article 180, à la violence de
l'article 111137, d'autres au contraire pensent que ces deux notions ne peuvent se confondre
et que l'absence de liberté constitue un vice du consentement propre au mariage. Cette
controverse paraît aujourd'hui un peu dépassée à une époque où la Cour de cassation a
admis que la contrainte économique pouvait permettre l'annulation d'un contrat sur le
fondement de l'article 1112 du Code civil38.

2° Erreur

38. - Ancien Droit - Le principe de l'erreur comme vice du consentement au mariage était
retenu dans l'ancien droit mais avec des conceptions différentes. Ainsi par exemple le
Parlement de Paris n'admettait pas l'erreur lorsqu'une jeune fille avait épousé un homme
qu'elle croyait de noble lignée alors qu'il n'en était rien ; le Parlement de Bretagne statuait
en sens contraire. Pothier admettait l'erreur sur la personne physique mais refusait
d'admettre l'erreur sur les qualités de la personne comme vice du consentement (Pothier,
Traité du contrat de mariage, n° 308 et 310). Cette opinion de Pothier est confirmée par
Denisart .
Ce sera, semble-t-il, également l'opinion des rédacteurs du Code civil qui maintiendront
dans le texte originaire de l'article 180 les termes d'erreur dans la personne, expression que
l'on retrouve toujours dans le second alinéa de l'article 180 actuel. Cependant la loi du 11
juillet 1975 ajoutera à cette erreur dans la personne, l'erreur sur les qualités essentielles de
la personne : "S'il y a erreur dans la personne ou sur les qualités essentielles de la
personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage".
Cette rédaction nouvelle du second alinéa de l'article 180 ne facilite pas l'interprétation et
on se trouve aujourd'hui en présence de deux catégories d'erreurs causes de nullité du
mariage : l'erreur dans la personne et l'erreur sur les qualités essentielles de la personne.

a) Erreur dans la personne

39. Erreur dans la personne physique - C'est la seule erreur admise par Pothier, et que
l'on retrouve chez des auteurs postérieurs au Code civil. En jurisprudence on ne trouve
que trois décisions qui se fondent sur cette erreur physique pour refuser d'autres cas

36
Cass. 1re civ., 4 juill. 1995 : Bull. civ. 1995, I, n° 291. - V. JCl. Civil Code, Art. 148 à 160 ou Notarial
Répertoire, V° Mariage, fasc. 40
37
Beudant et Lerebours-Pigeonnière, op. cit., t. I, n° 320 s. - Josserand, op. cit., t. I, n° 834. - Planiol et Ripert,
op. cit., t. VIII, par Boulanger, n° 800. - Demolombe, op. cit., t. III, n° 248. - Planiol et Ripert, op. cit., t. II, par
Rouast, n° 100. - Colin et Capitant, op. cit., t. I, n° 206
38
Cass. 1re civ., 30 mai 2000 : Bull. civ. 2000, I, n° 169 ; JCP G 2001, II, 10461, note Loiseau ; JCP E 2001,
571, note Secnazi ; Contrats, conc. consom. 2000, comm. 142, obs. L. Leveneur ; D. 2000, p. 879, note Chazal
d'erreur dans la personne (T. civ. Strasbourg, 13 juill. 1811 : S. 1811, p. 588. - T. civ.
Bourges, 17 juin 1826 : D. 1829, 2, p. 71. - CA Riom, 30 juin 1828 : D. 1828, 2, p. 219).
Autant dire que ne prendre en considération que l'erreur physique serait rendre inutile
l'existence de l'erreur dans la personne telle qu'elle existe dans l'article 180 du Code civil.

L'arrêt Berthon - L'arrêt Berthon, rendu par les Chambres réunies de la Cour de
cassation, est intervenu dans une affaire de nullité de mariage demandée par une femme
de la bonne bourgeoisie orléanaise, qui avait épousé un commerçant de cette ville sans
savoir que cet homme avait passé quelques années au bagne de Cayenne pour un crime
dont on l'avait accusé mais qu'il n'avait sans doute pas commis (Cass., ch. réunies, 24 avr.
1862 : S. 1862, 1, p. 342). Cet arrêt Berthon avait consacré la théorie dite restrictive de
l'interprétation de l'article 180 de l'époque.
Pour les tenants de la théorie restrictive, seuls deux cas d'erreur dans la personne
pouvaient être retenus : l'erreur sur la personne physique et l'erreur sur la personne civile.

40. Les suites de l'arrêt Berthon - En analysant la jurisprudence depuis 1804 jusqu'à la
réforme de 1975, on se rend compte que les différentes juridictions, y compris la Cour
suprême, ne se sont jamais senties liées par cette interprétation de 1862 et qu'en fait, ils
ont appliqué l'article 180 de manière adaptée aux circonstances, selon une théorie que l'on
a qualifiée d'extensive. En intégrant l'erreur sur les qualités essentielles de la personne, la
loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 n'a fait que consacrer la jurisprudence mais elle a ainsi
permis d'évacuer la référence à l'erreur sur la personne civile.

b) Erreur sur les qualités essentielles

41. Justification de l'extension - En doctrine, on peut dire que trois arguments servent à
justifier l'extension de l'erreur aux qualités essentielles.
Le premier, qui est surtout une critique de la théorie restrictive, repose sur les injustices
qu'entraîne la jurisprudence Berthon : "La vie commune est plus intolérable à la jeune fille
qui d'aventure a épousé un forçat, qu'à celle qui s'est trompée sur l'état civil de son mari,
et, cependant, on lui permet de rompre la chaîne dans cette dernière éventualité, alors
qu'on l'y retient dans la première" (Josserand, op. cit., t. 1, n° 838. - Colin et Capitant, op.
cit., n° 207).

1) Critères objectifs

42. Fondements - Le seul qualificatif de ces conditions dominantes pourrait laisser


penser que la jurisprudence d'aujourd'hui se montre particulièrement sévère dans
l'appréciation des cas d'erreur. En fait, la jurisprudence a été amenée à définir des cas
d'erreur parce que le législateur lui en a laissé la mission. Pour être prise en
considération, la qualité de la personne doit être essentielle en vue du mariage : il s'agit
d'apprécier la qualité de la personne eu égard à l'institution du mariage.
Comment déterminer ce caractère essentiel ? Il le sera par les tribunaux qui auront à
connaître des litiges entre époux, et, en dernier ressort, par la Cour de cassation qui
indiquera quelles ont été les qualités accessoires et les qualités essentielles. Il
appartiendra au demandeur en nullité d'apporter la preuve de l'existence de l'erreur au
moment du mariage (CA Paris, 15 juin 2006 : Dr. famille 2007, comm. 102, obs. V.
Larribeau-Terneyre) et du caractère essentiel de la qualité sur laquelle porte l'erreur.
À travers la jurisprudence, qu'elle soit antérieure ou postérieure à la loi du 11 juillet
1975, il est possible de déterminer un certain nombre de ces qualités essentielles ou
accessoires. On ressentira aussi l'influence des théories extensive et psychosociologique
dans l'interprétation des "qualités essentielles de la personne" car les qualités objectives
de la personne, telles qu'elles apparaissent à travers l'analyse des décisions, ce sont des
qualités qui sont ressenties comme essentielles dans la société d'aujourd'hui.

43. - Santé physique - La santé physique doit être considérée comme ne qualité
essentielle, non pas en ce sens que tous les époux devraient être en bonne santé au
moment du mariage et le rester pendant toute la vie conjugale, mais en ce sens que
l'époux qui se sait malade doit le révéler à son conjoint. Ce dernier acceptera ou non les
risques de se marier en connaissance de cause. Si l'un des époux ne révèle pas à l'autre sa
maladie, il y a erreur sur une qualité essentielle. C'est ainsi que doit être annulé, pour
erreur sur les qualités essentielles, le mariage conclu avec une femme qui était infectée
par le VIH dès lors qu'il est établi que le mari ignorait cet état et que la contamination
était antérieure au mariage (TGI Dinan, 4 oct. 2006 : JurisData n° 2006-331368).

44. - Aptitude aux rapports sexuels - De la santé physique se rapproche la possibilité


de chacun des époux d'avoir des relations sexuelles avec son conjoint.
Des décisions anciennes ont refusé de prononcer la nullité du mariage lorsque l'un des
conjoints avait été trompé sur l'état d'impuissance de l'autre. Les quatre arrêts, prenant
toujours la même base, à savoir l'erreur dans la personne civile, considèrent que
l'impuissance étant une qualité physique qui n'est pas essentielle à la personne, ne peut
entraîner la nullité du mariage.
Bien avant la réforme de 1975, cette jurisprudence n'était déjà plus admise par les
tribunaux inférieurs. Dans plusieurs décisions, les juges du fond ont été amenés à
considérer que l'erreur sur l'état d'impuissance du conjoint constitue une erreur dans la
personne pouvant entraîner la nullité du mariage.
Il semble que ce n'est plus seulement l'état d'impuissance comme cause de non-fécondité
qui soit aujourd'hui pris en considération mais aussi le fait de ne pas être en mesure
d'avoir des rapports sexuels. La décision du tribunal de grande instance de Lille ci-
dessous reproduite en est un exemple, mais ce n'est pas le seul.

D’autres erreurs ont été invoquées : erreur sur la religion, erreur sur la virginité etc. Dans
tous les cas, il faut démonter que l’erreur a été déterminante du consentement.

C. - Simulation du mariage

45. - Définition de la simulation du mariage - L'étude de la jurisprudence montre que des


personnes se présentent devant un officier de l'état civil après avoir rempli toutes les
formalités précédant le mariage, répondent positivement à sa question alors qu'elles n'ont
aucunement l'intention d'entrer dans l'institution du mariage au sens du droit français. Elles
cherchent à produire un effet du mariage mais ne sont animées d'aucune intention conjugale.
Les motivations qui apparaissent sont diverses et, plus particulièrement, ces dernières années
le mariage a été utilisé pour permettre à un étranger d'obtenir une carte de séjour, voire la
nationalité française. Il convient donc de traiter successivement de la simulation du mariage
en général et de la simulation du mariage avec un étranger.
1° De la simulation de mariage en général

46. - La simulation du mariage ne date pas d'aujourd'hui - Dès la promulgation du


Code civil, des affaires de mariage simulé furent portées devant les tribunaux. La première
réaction de la Cour de cassation fut de donner priorité absolue à l'acte dressé par l'officier
de l'état civil. Elle refuse en effet d'annuler le mariage d'un médecin avec sa malade au
motif qu'un mariage, célébré dans les formes légales, ne saurait être attaqué comme n'étant
que simulé, quelles que soient les circonstances de fait (Cass. civ., 30 oct. 1808 : S. 1808, 1,
p. 482). En cela la Cour de cassation posait une jurisprudence qui ne sera pas suivie par les
juges du fond mais qu'une partie de la doctrine reprendra dans la deuxième moitié du XXe
siècle.
La jurisprudence des juges du fond permettrait d'établir une longue liste de mariages
simulés, annulés pour absence de consentement au mariage sur le fondement de l'article
146 du Code civil. Quelques exemples historiques suffiront.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 4 mars 1813 : S. 1813, 2, p. 267)
annule le mariage d'une femme avec un mendiant, conclu par la femme dans le seul but de
percevoir une dot. La cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 10 avr. 1866 : DP 1867, 2, p. 54)
annule un mariage conclu en vue d'éviter la conscription.

Arrêt Appietto - Plus d'un siècle et demi après sa première décision en matière de mariage
simulé, la Cour de cassation rendait l'arrêt Appietto39.
Cass. 1re civ., 20 nov. 1963.

Attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'Appietto a demandé la nullité du mariage qu'il a contracté
à Ajaccio avec demoiselle Liliane Feibelman, exposant qu'il n'avait consenti à cette union que dans le but de conférer
la légitimité à l'enfant dont il était le père, mais qu'il n'avait aucune intention de fonder un foyer et qu'il fut convenu
entre les futurs époux que le divorce serait demandé dès la célébration du mariage ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (CA Bastia, 9 avr. 1962) d'avoir débouté l'appelant de sa
demande, au motif que le mariage n'était ni entaché du vice d'erreur ni du vice de violence, alors que les époux
n'avaient pas l'intention véritable et sérieuse de fonder une famille ;
Mais attendu que si le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en
vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru
pouvoir limiter ses effets légaux, et notamment n'ont donné leur consentement que dans le but de conférer à l'enfant
commun la situation d'enfant légitime ;
Attendu que tant par ses motifs propres que par ceux des premiers juges qu'il adopte, l'arrêt relève exactement que "le
désir et le souci d'assurer à un enfant une naissance légitime au sein d'un foyer légalement fondé constituent l'une des
raisons majeures... de l'institution du mariage" et que le mariage est "une institution d'ordre public à laquelle les parties
contractantes ne peuvent apporter les modifications que leur intérêt ou les circonstances exigeraient" ; qu'ainsi l'arrêt
attaqué qui est motivé, n'a pas violé les textes visés au moyen et que le grief doit être écarté ;
Par ces motifs, rejette...

47. Sens généralement retenu - Dans sa grande majorité la doctrine considère que l'arrêt
Appietto admet qu'il doit y avoir concordance entre la volonté déclarée et la volonté interne
et que le mariage simulé, connu encore sous le nom de mariage sans intention conjugale ou
mariage blanc, doit être annulé.
La formulation de la Cour de cassation porte à discussion, car que faut-il entendre par
"résultat étranger à l'union matrimoniale" ou "limiter ses effets légaux" ?
La cour d'appel de Paris (CA Paris, 11 juin 1974 : Gaz. Pal. 1974, 2, somm. p. 293) a
donné une définition plus précise du mariage sans intention conjugale.

39
Cass. 1re civ., 20 nov. 1963 : D. 1963, p. 465, note Raymond ; JCP G 1964, II, 13498, note J. Mazeaud ; RTD
civ. 1964, p. 287, obs. Desbois
CA Paris, 11 juin 1974, préc.

Attendu que le défaut total de consentement prévu par l'article 146 du Code civil, qui désormais est seul invoqué par
l'appelant, est une cause de nullité absolue du mariage célébré ; que la demande sur ce nouveau fondement échappe,
par conséquent, à la forclusion établie par l'article 181 du Code civil, comme à la prescription de l'article 1304 du
même code ; qu'étant insusceptible d'une renonciation à s'en prévaloir, cette nullité n'a pu être couverte par une
demande en divorce, même faite en connaissance de l'absence prétendue de consentement, qu'elle peut être sollicitée
en vertu d'un simple intérêt moral ;
Attendu que l'appelant prétend seulement qu'elle a simulé un consentement pour éviter des désagréments dont la
menaçait la dame Suzanne de Montenach, sa grand-mère paternelle, qui l'élevait depuis son plus jeune âge ;
Attendu qu'un mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue
d'un effet secondaire du mariage, étranger aux buts de l'institution, avec la volonté délibérée de se soustraire à toutes
ses autres conséquences légales ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est nullement établi que dame de Montenach en donnant le 11 octobre 1952, devant
l'officier de l'état civil, un consentement qu'elle devait d'ailleurs renouveler le 18 octobre 1952 devant le ministre du
culte catholique, entendait se dérober aux obligations découlant pour elle de son union officiellement proclamée avec
de Piochard de la Bruslerie ; qu'il suffit de constater que les époux ont cohabité pendant de longues années et que deux
enfants sont issus de cette union ;
Attendu que si à la lecture de la sentence très motivée rendue le 19 mai 1969 par l'Officialité de Fribourg et qui a
annulé le mariage religieux, non pas d'ailleurs pour motif de crainte révérencielle propter defectum debitae deberat
copis, on peut admettre que la dame de Montenach s'est laissée entraîner au mariage malgré sa répugnance alors
qu'elle se trouvait dans un état dépressif sous l'influence d'une grand-mère autoritaire, il ne résulte en aucune façon de
cette décision ecclésiastique dont se prévaut l'appelant, que l'intimée était résolue à se soustraire aux conséquences
d'un consentement dont elle était consciente, alors même qu'elle était le résultat d'une certaine contrainte morale
exercée sur un caractère faible ; que l'article 146 du Code civil ne peut donc trouver son application en l'espèce ; que si
le consentement de dame de Montenach a été vicié, il n'appartenait qu'à elle de s'en prévaloir, lorsqu'elle était encore
dans le délai utile pour le faire, conformément aux articles 180 et 181 du Code civil.

48. Principe de la nullité du mariage simulé - La simulation du mariage consiste dans la


volonté non d'entrer dans l'institution du mariage mais de rechercher un effet secondaire de
celui-ci. Ces effets secondaires se caractérisent de deux manières : d'une part, ils ne sont
pas spécifiques de l'union matrimoniale et peuvent être obtenus par d'autres procédés,
d'autre part, ils ne sont pas nécessairement la conséquence du mariage : les époux peuvent
renoncer à ces effets secondaires. Les effets essentiels apparaissent alors comme ceux qui
sont inéluctablement les conséquences du mariage, ceux dont les époux ne peuvent se
dispenser, par exemple la fondation d'une famille légitime.
Il importe peu, selon la jurisprudence, que les pseudo-époux aient été complices de la
simulation, le défaut d'intention conjugale de l'un des deux est suffisant et l'autre pourra
demander la nullité du mariage lorsqu'il aura pris conscience de la réalité.

2° De la simulation du mariage liée à l'immigration

49. - Durcissement de la loi - Le mariage naturalisant est de tout temps. Ainsi en 1916,
un citoyen américain propose-t-il à une française résidant en Turquie de l'épouser pour lui
conférer la nationalité américaine et lui éviter ainsi le mauvais sort réserver par les Turcs
aux citoyens français, la France venant de déclarer la guerre à la Turquie. Il avait été
convenu que ce mariage ne serait qu'une union fictive destinée à parer aux nécessités du
moment40. Ce sera le cas aussi de ce prisonnier français qui épouse une polonaise qui ne
peut franchir la ligne de démarcation russo-américaine à cause de sa nationalité ; son
mariage, fictif, lui permet alors de franchir la ligne, les "époux" se séparent et ne se
revoient plus, mais, quand l'ancien prisonnier veut convoler en justes noces avec une
française quelques mois plus tard, il se voit opposer l'existence du mariage précédent41.

40
T. civ. Grenoble, 11 juill. 1923 : Journal de Grenoble, 30 nov. 1924, p. 121
41
T. civ. Seine, 7 janv. 1948 : JCP G 1948, II, 4430, note Mazeaud ; RTD civ. 1948, p. 461, obs. Lagarde. - T.
civ. Melun, 20 janv. 1954 : Gaz. Pal. 1954, 2, p. 272. - CA Paris, 16 oct. 1958 : JCP G 1958, II, 10897
50. L'utilisation du mariage aux fins d'obtenir la nationalité française ou une carte de séjour
a largement prospéré au cours de ces vingt dernières années, certaines unions se négociant
entre un homme ou une femme français et un ressortissant étranger autour de sommes non
négligeables42. Cette recrudescence de mariages blancs explique mais ne justifie pas
nécessairement, les mesures qui ont pu être adoptées au cours de ces dernières années.

51. - Prévention de la simulation - L'audition des futurs époux introduite dans notre droit
par la loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 est directement destinée à permettre à l'officier
de l'état civil de s'assurer que les époux ont une véritable intention conjugale. Si l'officier de
l'état civil a un doute, il saisira le ministère public qui pourra alors former opposition au
mariage sur le fondement de l'article 175-2 du Code civil43. Le procureur de la République
doit se prononcer dans le mois qui suit sa saisine. S'il décide de faire opposition au mariage,
ce sera au tribunal de grande instance de se prononcer sur cette opposition. Le ministère
public devra alors rapporter la preuve de l'absence d'intention matrimoniale. Si cette preuve
n'est pas rapportée, le tribunal prononcera la mainlevée de l'opposition44.
L'article L. 623-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile érige en
délit punissable de 5 années d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros "le fait de
contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir un titre de séjour, ou
aux seules fins d'acquérir ou de faire acquérir, la nationalité française".
L'article 146-1 du Code civil impose la présence du Français qui veut se marier devant
l'officier de l'état civil, même si ce mariage est célébré à l'étranger.

52. - Prudence dans la saisine du procureur de la République - Cette suspicion portée


sur l'ensemble des mariages avec des étrangers ne peut qu'être critiquable ; le tribunal de
grande instance de La Rochelle (TGI La Rochelle, 2 mai 1991 : JurisData n° 1991-
050661), avant même le vote de ces lois, a été obligé de rappeler que le fait pour une
étrangère de vouloir épouser un détenu français ne suffit pas à lui seul à démontrer la
volonté de fraude, dès lors que ce mariage produira certains effets comme l'aide ou
l'assistance entre époux, même si le mari ne peut accomplir immédiatement ses devoirs
d'époux. C'est pourquoi, l'Instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999, précitée
(IGEC n° 385, a rappelé que cette procédure ne doit être mise en œuvre que si l'officier de
l'état civil constate "des éléments objectifs constituant des indices sérieux de nature à faire
présumer une absence d'intention conjugale". En particulier, l'irrégularité du séjour du
ressortissant étranger ou son refus de produire son titre de séjour ne sont pas de nature à
constituer un empêchement légal à la célébration du mariage45. Le Conseil constitutionnel
n'avait-il pas déjà affirmé : "le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté
personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le
caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de
l'intéressé"46.

42
CA Montpellier, 27 juin 2007 : JurisData n° 2007-342054. - CA Bordeaux, 20 déc. 2006 : JurisData n° 2006-
323042. - E. Ralser, La maladie du mariage blanc ; à propos de la loi sur l'immigration du 26 novembre 2003 :
Dr. famille 2004, chron. 4. - F. Dieu, La loi du 14 novembre 2006 et le renforcement du contrôle des mariages :
Rev. Lamy dr. civ. 2007, n° 36, p. 75. - Rép. min. n° 30681 : JCP G 1996, V, p. 129. - Rép. min. n° 112730 :
JOAN Q, 20 mars 2007, p. 2980
43
V. N. Guimezanes, l'arrêt de l'immigration en France ? ... : JCP G 1994, I, 3728. - F. Laroche-Gisserot, Le
crépuscule des mariages naturalisants : lois du 22 juillet, 24 août et 30 décembre 1998 : Gaz. Pal. 1994, 1, doctr.
13 mai
44
CA Nîmes, 9 avr. 2008 : JurisData n° 2008-364958 ; JCP G 2008, IV, 22540
45
CA Paris, 23 avr. 2003 : D. 2003, p. 2716, note J.-J. Lemouland
46
Cons. const. déc. 20 nov. 2003. - V. aussi Cons. const. déc. 9 nov. 2006
Dans une réponse ministérielle47, la garde des Sceaux rappelle que l'officier de l'état civil
"qui refuse ou diffère la célébration d'un mariage en opposant sa propre conviction à celle
du procureur de la République commet un détournement de procédure et abus de droit
constitutif de voie de fait. Il a récemment été jugé que la faute commise ne constitue pas
une faute personnelle détachable de ses fonctions. En conséquence, l'action en
responsabilité engagée par les futurs époux doit être dirigée contre l'État" (CA Paris, 14
déc. 2007 sur renvoi après cassation).

53. Abondance des décisions en jurisprudence - Ces mesures de prévention n'ont pas
empêché les procédures de se multiplier ; certaines décisions sont favorables à la liberté du
mariage, même contre l'avis du ministère public ou la volonté de l'un des époux, d'autres au
contraire constatent l'inexistence d'une véritable intention conjugale.

54. De toutes ces décisions, et en guise de conclusion, il apparaît que l'intention conjugale
est la volonté de se conformer aux droits et devoirs que définissent les articles 212 et
suivants du Code civil. Il importe que les époux (homme et femme) aient eu l'intention de
fonder une famille, de s'assister mutuellement au cours de leur vie commune. La
communauté de vie n'implique pas nécessairement les relations sexuelles dès lors que les
époux avaient accepté d'un commun accord ce type de relations avant le mariage. C'est
ainsi que se prononce la cour d'appel de Caen qui estime que l'homosexualité de l'épouse et
l'impuissance du mari ne constituaient pas un obstacle à la fondation d'un foyer, dès lors
que l'intention des deux époux était de fonder une famille afin qu'ils se prodiguent
mutuellement affection, soutien et assistance48.

47
Rép. min. n° 7794 : JO Sénat Q, 9 avr. 2009, p. 905
48
CA Caen, 11 janv. 2007 : Dr. famille 2007, comm. 101, obs. V. Larribeau-Terneyre

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