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Union Nacional Sinarquista

Union Nacional Sinarquista

Pays: Mexique
Date de création: 23 mai 1937 à Leon (Etat du Guanajuato)
Statut: mouvement politique, déclaré illégal en 1948
Secteur d’intervention: politique et social
Lieux d ’implantation: Principalement les Etats du centre du Méxique
Principaux dirigeants: José Antonio Urquiza, Jose Trueba Olivares, Salvador
Abascal Infante

Aperçu historique:

L'UNS trouve son origine dans une organisation secrète connu sous le nom des « Légions » ou de «la
Base ». Par manque de sources, les historiens connaissent peu sur cette organisation secrète. Nous
savons qu'elle a été créée en 1934 par Manuel Romo de Alba, instituteur à Guadalajara, dans le but de
reprendre la lutte religieuse des Cristeros. Or, très vite la direction de la Base s'oriente vers une option
pacifique, sur la base d'un projet mystique et social d'encadrement des masses. La politique anti-
clérical du gouvernement de l'époque constitue un terreau favorable pour le développement de
l'organisation, qui s'étend très vite vers la ville de México et les États du Queretaro, Michoacan, San
Luis Potosi, Guanajuato, Aguas Calientes, Coahuila, Guajaca et Colima.

L'accroissement rapide de la Base a conduit le Conseil Secret a diviser l'organisation en douze sections
(Patronale, Ouvrière, Paysane), dans le but de correspondre à tous les secteurs de la société. La section
numéro 11 a reçu le nom de civico-sociale ou Sinarquiste.

La Conseil national de la base réuni en mai 1937 a demandé à José Antonio Urquiza, un cadre influent
du groupe de Leon de former une nouvelle organisation. Celle-ci reprend la section 11 et adopte de
nom d'UNS, Union Nacional Sinarquista. La direction est donné à Manuel Trueba Olivares. Le 12 juin
1937 Trueba et Urquiza rédigent la manifeste sinarquiste, qui marque la naissance officielle du
mouvement. La devise officielle est alors adoptée : Patria, Justicia y Libertad.

Le mouvement s'accroît très vite, avec l'apport de membres des Légions mais aussi avec un
recrutement autonome. Garcia de Leon estime le nombre de militants en 1938 à 30 000, et à 360 000
deux ans plus tard. Les communistes lancent immédiatement un cri d'alarme, soupçonnant l'UNS de
vouloir implanter un gouvernement de tendance fasciste. Le gouvernement, comme le prouvent les
archives de l'époque, se rend très vite compte de la dangerosité de l'UNS.

Juin 2008 - Document élaboré par :Jacobo GRAJALES LOPEZ – jacobo.grajaleslopez@sciences-po.org


Union Nacional Sinarquista

Les élections présidentielles de 1940 constituent une épreuve importante pour le mouvement. En effet,
si des nombreux militants se montrent fortement favorables à Almazan, la direction du mouvement
craint les incidences d'un engagement politique. Or, l'appui à celui-ci présentait le risque de pousser le
mouvement dans la lutte violente, car il était probable que le général Avila Camacho refuse d'accepter
la victoire de son rival. Ce dilemme conduit Zermeño à adopter une position de neutralité, contre l'avis
de la plupart de ses troupes, tout en déclarant que les élections étaient inutiles car corrompues. La
victoire d'Avila Camacho lui donne raison et l'UNS survit là où d'autres groupes nationalistes et
catholiques se sont déchirés.

L'arrivée d'Avila Camacho à la tête de l'Etat mexicain et de Salvador Abascal à la présidence de l'UNS
marquent un moment d'apogée pour l'organisation suivi d'une chute rapide. Bien que le nombre de
militants se soit stabilisé à la fin de l'année 1940, l'organisation accroît fortement sa visibilité entre
1940 et 1941. Abascal reçoit la présidence le 6 août 1940 et se positionne immédiatement comme un
radical, en ferme opposition contre le gouvernement avilacamachiste. En effet, il profite de la force su
mouvement pour organiser des marches de grande ampleur, manifestant ainsi son opposition au
régime. Or, Avila Camacho déploie une stratégie de conciliation avec les catholiques et la hiérarchie
ecclésiastique, assouplissant la plupart des mesures restrictives de Cárdenas. Il abandonne également
l'essentiel de la rhétorique socialiste, au profit de l'institutionnalisation et la stabilisation du régime. Le
radicalisme d'Abascal conduit l'Eglise à l'éloigner de l'UNS, et à la Base à désavouer Abascal. Or, sa
grande popularité rend impossible toute tentative de remplacement forcé. La base trouve la solution
dans le projet de la Colonie Maria Auxiliadora, qui est confié à Abascal. Sa mission est alors d'établir
des colonies paysannes en Basse Californie, sous prétexte de protéger la région d'une invasion
américaine. Abascal part en Basse Californie et Manuel Torres Bueno reprend le leadership du
mouvement. L'échec du projet de la colonie rompt les relations entre Abascal et la Base, se premier se
retirant finalement de la vie publique.

La chute de l'UNS arrive alors très rapidement, les divisions internes consécutives au départ d'Abascal
provoquant le délitement de l'organisation. Torres Bueno rentre en conflit avec la Base car il accepte
mal la direction du mouvement par un organisme secret. Celle-ci répond en le destituant et en
nommant à sa place Carlos Athié Carrasco, personnage inconnu des militants. Suite au refus de Torres
Bueno de quitter son poste le mouvement se scinde entre les deux directions, Torres Bueno gardant
avec lui deux tiers des militants. De plus, la faction la plus radicale était restée fidèle à Abascal et
restait en franche rébellion mais sans leadership, Abascal refusant de prendre la tête des rébelles. Lors
des élections de 1946 la fraction dirigée par Torres Bueno crée un parti politique, Fuerza Popular, pour
se présenter aux élections. Or le jeu partisan étant vu comme opposé aux idéaux sinarquiste, beaucoup
de militant quittent le mouvement, déçus par la décision. Les élections sont finalement un échec total.
Le remplacement de Torres Bueno ouvre la porte à une nouvelle radicalisation du mouvement, sous la
présidence de Luis Martinez Narezo. Ce moment marque la chute définitive de l'organisation en tant
que mouvement de masse. La profanation d'une statue de Juarez à la suite du meeting de Fuerza
Popular le 19 décembre 1948 déchaîne la rage d'une partie de la population. Le gouvernement profite
alors pour interdire le parti et l'UNS, qui passe dans la clandestinité avant de perdre la plus grande
partie de ses militants.

Le Sinarquisme comme courant de la pensé politique continue à exister et à faire des apparitions
sporadiques sur la scène politique mexicaine. Or, l'organisation originelle ne se reconstitue plus,
différents mouvements revendiquant l'héritage de l'UNS. En 1951 le leader de la branche qui avait
rompu avec la Base, Juan Ignacio Padilla, renonce à l'action politique. Dans les années 70 le Parti
Démocrate Mexicain (PDM) s'identifie comme Sinarquiste; il est cependant désavoué par les fractions
les plus radicales comme « Democratero » et ses échecs électoraux lui valent la perte de son registre en
1988. Plusieurs groupes revendiquent aujourd'hui l'étiquette de Sinarquiste et même le nom de l'UNS.

Juin 2008 - Document élaboré par :Jacobo GRAJALES LOPEZ – jacobo.grajaleslopez@sciences-po.org


Union Nacional Sinarquista

Analyse
Le projet de laïcisation du pays est, dès très tôt, inscrit à l'agenda de la Révolution Méxicaine. Ainsi, la
Constitution de 1917 octroie à l'État le pouvoir d'intervenir dans le fonctionnement de l'Église. La perte de
l'indépendance de l'Église est ainsi l'une des raisons directes de l'explosion des la révolte des Cristeros entre 1926
et 1929. La même matrice de mobilisation de la guerre Cristera est à l'origine du mouvement sinarquiste, qui
mélange des revendications spirituelles aux frustrations des paysans les plus pauvres qui ne profitent que très peu
de la réforme agraire. La dépendance vis-à-vis d'une organisation clandestine et l'importance de ce facteur pour
comprendre l'histoire du mouvement ont déjà été soulignés; il convient cependant de noter l'importance de
l'autorité du chef unique dans le mouvement, qui valorise dans ses discours l'obéissance muette et le principe de
non discussion : rien n'est voté, tout doit être suivi. Les structures d'autorité, qui doivent être mises en rapport avec
le caractère agrariste et paysan du mouvement, favorise une homogénéité du discours. Celui-ci est axé, dans les
premières années du mouvement, autour de l'opposition ferrée à la politique cardeniste; l'éducation socialiste et la
limitation du nombre de prêtres autorisés concentrent toutes les attaques. Les mobilisations sinarquistes consistent
le plus souvent en marches, comme celle de Tabasco en 1938 où plusieurs membres du mouvement sont tués par
des soldats fédéraux et des membres des réserves agricoles. La répression dont fait objet le mouvement, surtout
pendant les années Cárdenas, conduit les dirigeants à privilégier les concentrations très rapides, où les manifestants
se rassemblent par surprise et se séparent rapidement en petits groupes. La pratique de la prise d'églises, où les
manifestants se barricadent à l'intérieur d'un temple, de préférence une cathédrale, est utilisée aux débuts mais
abandonnée progressivement à la suite des événements sanglants de Tabasco et Guanajuato, en 1938 et 1939
respectivement.
Les liens de l'UNS avec l'Église catholique sont México en 1960
problématiques depuis les débuts. Les leaders du
mouvement se vivent comme les légitimes défenseurs des
intérêts de l'Église, bien que celle-ci hésite longuement En 1941 l'organisation publie une brochure
avant de s'engager dans l'action politique, par peur intitulée México en 1960, décrivant les
notamment de reproduire la catastrophe de la Cristiada. Si caractéristiques du futur État sinarquiste qui
une partie de la hiérarchie catholique soutient le devrait se substituer à l'État Mexicain. Elle est
mouvement, notamment les prêtres les plus anti- une bonne illustration du projet politique de
révolutionnaires qui se sont exilés aux Etats-Unis, les l'UNS. Peu est dit sur la transition, sinon
figures importantes du catholicisme mexicain gardent des qu'elle s'est réalisée grâce à la vaillance des
relations ambiguës avec l'UNS. Cette ambiguïté devient soldats sinarquistes, à l'astuce des chefs et aux
encore plus problématique après l'arrivée d'Avila Camacho,
« flots de sang versés dans une lutte épique ».
qui commence une politique de distension. Si l'UNS
La description du pouvoir politique parle d'un
demeure sur ces positions radicales, l'Église catholique
préfère négocier avec un gouvernement qui a abandonné chef suprême de la nation, assisté par des
dans les faits l'anticléricalisme combattant de la révolution. chambres qui n'auraient qu'un rôle consultatif
Cette divergence entre Église et l'UNS est d'ailleurs et qui seraient formées par des représentants
partiellement à l'origine du départ d'Abascal et du conflit des corporations. La seule institution élue est
avec la Base qui provoque le délitement du mouvement. le municipe; aux élections municipales
La relation avec la politique des partis n'est pas moins participent les chefs de famille dont le
problématique. Au vu du rapide accroissement du nombre nombre de voix équivaut à la taille du foyer.
de militants pendant les premières années, certains Décrit comme un « ordre social chrétien, le
sinarquistes aspirent très tôt à la création d'un parti régime reposerait sur trois piliers : l'Église,
politique. La direction n'arrête cependant pas de souligner responsable de l'éducation et gardienne de la
son opposition totale à une telle option. Ces débats sont moral publique; l'armée, organe indépendant
d'ailleurs présents au moment de l'élection du successeur de et gardien de l'intégrité nationale et le peuple,
Cardenas. Comme nous l'avons souligné l'UNS réussit à conçu comme Un et indivisé. Un seul
garder l'unité dans ce moment mouvementé, répétant syndicat représenterait tous les travailleurs,
l'opposition essentielle du mouvement au principe des dans le but d'atteindre l'harmonie entre travail
élections. La contradiction entre mobilisation et compétition et capital. Une économie formée par des
électorale reste d'ailleurs centrale jusqu'à la division du petites et moyennes entreprises et protégée à
mouvement, comme le montre l'incapacité de ses dirigeants l'abri de barrières douanières éviterait de voir
à convertir le succès de l'organisation en victoires apparaître des intérêts économiques liés au
électorales.
capitalisme international.
Juin 2008 - Document élaboré par :Jacobo GRAJALES LOPEZ – jacobo.grajaleslopez@sciences-po.org
Union Nacional Sinarquista

Le Sinarquisme et la Révolution

Le Sinarquisme s'est manifesté depuis ses débuts opposé au bouleversement révolutionnaire. Sa vision de
l'histoire mexicaine, guidée par la pensée de l'hispanisme, ne voit pas de solution de continuité entre la
colonie et l'Etat mexicain indépendant. La Révolution est rejetée en bloc comme une guerre impie contre
les fondements chrétiens et hispaniques de la « Mexicanidad». Cependant, c'est bien dans les
contradictions de la Révolution que le mouvement trouve son origine; l'institutionnalisation de celle-ci
marque d'ailleurs la fin du Sinarquisme comme mouvement de masse. En effet, l'UNS accroît de manière
spectaculaire le nombre de ses adhérents car il répond aux demandes des catégories qui se considèrent
comme des « orphelins de la révolution ». Les paysans sans terre, ceux qui ne trouvent pas leur place dans
le système ejidario et qui demandent la propriété individuelle, les catholiques qui tolèrent mal
l'anticléricalisme du régime, les classes moyennes urbaines – petits commerçants et entrepreneurs – toutes
catégories qui ne trouvent pas leur place dans le corporatisme cardéniste.
Cette filiation entre la révolution et le Sinarquisme permet de mieux comprendre les conditions qui
menèrent au déclin du mouvement. Au-delà des divisions internes entre les partisans de la Base, ceux
d'Abascal, et ceux de l'autonomie du mouvement, il convient d'examiner comme facteur explicatif
l'incapacité du mouvement à s'adapter au système politique mexicain de l'après Cardenas. En effet,
l'arrivée d'Avila Camacho et postérieurement d'Alemán conduisent la Révolution vers des positions plus
modérées; l'abandon des mesures les plus controversées du régime cardéniste, telles que l'éducation dite
socialiste et l'anticléricalisme contribuent à l'intégration dans le régime de la plupart de ces « orphélins ».
La création du PRM et ensuite du PRI signalent ainsi cette volonté du parti de la révolution de couvrir
avec ses réseaux l'ensemble de la population.
Or, le maintien des positions les plus anti-système de l'UNS, telles que le déni total de toute légitimité à la
révolution mexicaine, l'isole d'un régime qui s'institutionnalise. De plus, l'abandon des persécutions
religieuses enlève une cause fondamentale à la mobilisation sinarquiste. L'institutionnalisation du système
électoral, visible dans la création du Parti Action National en 1939, incline une partie du mouvement vers
l'action électorale; le long refus de la hiérarchie de s'engager dans des élections marque le caractère
uniquement protestataire du mouvement. De ce positionnement est symptomatique la stagnation du
nombre de militants à partir de 1940 et son postérieur déclin.
On peut ainsi conclure avec Garcia de Leon que l'UNS, au lieu d'avoir représenté une menace pour la
révolution, a joué un rôle pacificateur, canalisant la contestation d'une partie de la paysannerie et des
classes moyennes. L'organisation de la contestation a pu empêcher la reproduction des émeutes paysannes
des années 20 et donc favoriser le passage de la révolution à l'unité nationale.

Réferences bibliographiques

• HERNANDEZ GARCIA de LEON Héctor (2004), Historia política del


sinarquismo (1934-1944), Mexico D.F., Universidad Iberoamericana
•MEYER Jean (1977), Le synarquisme : un fascisme mexicain? 1937-1947,
Paris, Hachette
•REICH Peter Leste (1995), Mexico's hidden revolution, the catholic church in
law and politics since 1929, Notre Dame, University of Notre Dame Press

Juin 2008 - Document élaboré par :Jacobo GRAJALES LOPEZ – jacobo.grajaleslopez@sciences-po.org

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