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té sur la croissance France

Dossier Euro

_
L’euro,
dissolution ou sortie
_
Partie 1: L’euro, une relique barbare: ses effets sur
l’économie française

1
Dossier Euro

Sommaire
L’euro nous condamne-t-il à l’austérité ? p. 3

Quels ont été les effets des politiques d’austérité ? p. 5

Les origines de la crise de la zone euro : la faute aux p. 6


dépenses publiques ?

L’euro tue-t-il notre économie et nos exportations ? p. 8

L’euro fait-il baisser les salaires et grimper les prix ou


bien mène-t-il à la déflation ? p. 13

Fédéralisme budgétaire et baisse de l’euro : Pourquoi les


solutions à la crise de l’euro n’en sont pas ? p. 15

Sources et bibliographie p. 19

2
Dossier Euro

L’euro nous condamne-il à l’austérité ?

L’euro n’est pas simplement incarné par des billets et des pièces en circu-
lation. C’est aussi un mode de gouvernance particulier mis en place par les diri-
geants européens au fil des années. Ainsi, un cadre réglementaire précis, spécifique
et supra-national (qui s’impose donc aux normes françaises) existe dans le but de «
sauver » la monnaie unique. Or, l’essentiel de ce cadre s’articule autour d’un noyau
austéritaire composé de deux grands corpus : le Six-pack et le Two-pack [1]

Le premier est composé de 4 règlements européens (textes auto-exécutoires six-pack


produisant ses effets sans nécessiter de transposition en droit français) et de 2 di-
rectives.

Il prévoit notamment une procédure de déficit excessif (c’est-à-dire supérieur à 3%


du PIB), si un pays ne respecte pas les « recommandations du conseil » (en réalité de
la Commission européenne) . En ce cas, la Commission pourra in fine imposer des
sanctions financières aux Etats, sauf si le Conseil de l’UE (les différents ministres
concernés des Etats membres de l’UE) s’y oppose (à la majorité qualifiée inversée).
Les sanctions peuvent se monter à 0,2% du PIB du pays.

A ce titre, pour 2013, on trouve pêle-mêle dans les recommandations

1. La nécessité du retour à l’équilibre budgétaire, c’est-à-dire, consacrer toutes les recettes impré-
vues à la réduction des déficits…
2. Retraites : la désindexation des pensions, l’augmentation l’âge légal de départ à la retraite, la
durée de cotisation, suppression des régimes spéciaux. Tout en « évitant une augmentation des
cotisations sociales patronales »
3. La réduction du «coût du travail» (réduction des cotisations sociales patronales, révision du
SMIC
4. La simplification de l’autorisation des ouvertures de commerces, fin des tarifs réglementés du
gaz et de l’électricité pour les clients autres que les ménages
5. La diminution des taux d’impôt sur le revenu et sur les sociétés, le rapprochement des taux
réduits de TVA du taux normal, TVA sociale…
6. La flexibilisation du marché du travail…

On retrouve étrangement ici des thèmes repris par le gouvernement Ayrault puis
Dossier Euro

Valls.

Pour 2014, la Commission nous conseille pusillanimement de revoir le


niveau de notre SMIC pour les actifs les moins qualifiés (les jeunes notamment…),
de poursuivre l’effort de baisse des « charges » et toute une panoplie de libéralisa-
tions…

Le second corpus, le Two-pack, comprend deux règlements. Il organise le


two-pack
«Semestre Européen » où les gouvernements doivent remettre, avec les programmes
de réforme, un plan budgétaire à moyen terme (avant le 30 avril). Ce dernier, défini
dans le cadre du Six-Pack, vise à ce que les Etats atteignent un déficit structurel
inférieur à 1% du PIB. La France s’est cependant engagée à atteindre 0%. Il impose
en outre de communiquer à la Commission leur projet de loi de finances avant le 15
octobre. La Commission adopte un avis avant la fin novembre. Si la Commission
estime que ce plan présente un « manquement particulièrement grave », elle pourra
(après avoir consulté l’Etat concerné) en demander la révision.

Un État placé sur surveillance renforcée devra adopter, en concertation avec la


Commission et la BCE, des mesures visant à remédier aux causes de ses difficultés,
et remettre un rapport trimestriel. (UMP, PS, Modem ont voté pour au parlement
européen [2]). En cas d’irrespect, la Commission pourra prendre des sanctions fi-
nancières contre l’Etat récalcitrant.

Bref, tout cet arsenal concourt à penser que l’austérité est juridiquement organisée,
ce qui laisse peu de place aux « relances » revendiquées par certains égarés du PS,
qui approuvent et votent le contraire de ce qu’ils clament, se passant ainsi des me-
nottes en plastiques.

4
Dossier Euro

Quels ont été les effets des politiques d’austérité ?

Les consolidations budgétaires organisées par Bruxelles avec la complicité


des Etats membres coûtent cher.

L’OFCE a tenté de calculer l’impact de l’austérité sur la croissance en France. En


Impact selon
effet, la politique budgétaire n’est pas neutre (au grand désarroi de ceux ayant une l’OFCE
approche comptable des choses). Ainsi, il est désormais communément admis que
lorsqu’on diminue la dépense publique de 1%, l’impact négatif sur le PIB est
supérieur à 1% (probablement autour de 1,3). C’est le fameux multiplicateur des
dépenses publiques. (S’agissant des impôts, il est plutôt autour de 0,8%[3]).

Selon la
Au total, depuis 2010, la France a perdu 7 points de PIB en raison de l’austérité Commission
selon l’OFCE[4], et 4,8 (pour la période 2011/2013) selon la direction « EcFi » de
la Commission européenne [5].

France : Impact de l’austérité sur la croissance (en point de PIB). OFCE


2010 2011 2012 2013 2014 Total
-0,7 -1,5 -2 -2,2 -1,3 -7,7

Impact de l’austérité selon pour la période


2011/2013
France A llemagne I talie Espagne Grèce
-4,8 -3,9 -4,8 -5,4 -8

L’austérité organisée par Bruxelles, faite de gel des salaires, des pensions de re-
traites, des dépenses de santé, de privatisations massives, n’est peut-être pas la voie
à privilégier en temps de crise.
Dossier Euro

Les origines
  de la crise de la zone euro: la
faute aux dépenses publiques ?

La crise de la zone euro est une crise de l’endettement privé et non public,
Une crise
d’endettement permis par des taux d’intérêt réels faibles, comme le reconnait Vitor Constancio,
privé...
vice-président de la BCE[6].

-2007) en
  120 points de PIB
  100

80

60

40

20

0
Grèce Irlande Italie Portugal Espagne
-20

-40

En effet, l’euro a conféré des taux d’intérêt allemands aux pays périphériques, alors
que leur inflation (du fait que leur économie était en rattrapage, ce qui induit de
la croissance mais aussi de l’inflation) était supérieure à celle de l’Allemagne. Les
taux réels (qui sont les taux nominaux (ceux inscrits sur le contrat)  moins l’infla-
tion) étaient donc négatifs.
 
En clair, emprunter rapportait de l’argent ! Les investisseurs ont donc été conduits à
s’endetter (vu que l’argent n’était pas cher). Le problème était alors que ces inves-
tissements ne nourrissaient pas des secteurs productifs et à forts gains de produc-
tivité, mais des secteurs à la forte rentabilité à court terme comme la construction
par exemple en Espagne, débouchant sur des bulles spéculatives. Le crédit coulant
à flot, la consommation des ménages augmenta, la demande intérieure également,
ce qui accrut les importations dans ces pays. Le déficit extérieur courant s’est alors
6
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élargi, amplifiant la dette extérieure.


 
...vers une
Ainsi, P.Artus  explique que la « La crise de la zone euro était donc initialement une crise de la
balance des
crise de balance des paiements due à l’excès de demande privée ; elle est devenue paiements
une crise des dettes publiques due à l’excès de demande publique. »1[7] 
 

Contrairement aux européistes obnubilés par leurs « illusions » supranationales[8] 


qui pariaient sur la fin des crises de la balance des paiements, les pays périphé-
riques de la zone euro ont subi de plein fouet ce que J.Pisani-Ferry pensait comme
révolu en 1990 [9]. En effet, de 1999 à 2008, l’épargne des pays du nord de la zone
finançait les déficits extérieurs des pays du Sud. Avec la crise financière de 2008, il
y eut ce qu’on appelle un « sudden stop », c’est-à-dire que les épargnants du nord
ne voulaient plus financer les déficits du Sud. Ceci conduisit à une fragmentation
des marchés financiers et à une nécessité pour les pays périphériques de procéder à
une élimination de leurs déficits extérieurs (qu’ils ne pouvaient plus financer aussi
facilement) en diminuant leur demande intérieure (donc réduire les importations). 
 
  Cependant, l’austérité apparait comme nocive. Comme le rappelle R.Krugman, « il Une austérité
nocive
est plus facile de reculer l’heure d’une heure (dévaluation), que de demander à tout
le monde de venir une heure à l’avance (accepter des baisses de salaires). [10]» En
effet, la dévaluation « interne » suppose une flexibilité remarquable du marché du
travail et de l’ajustement des « prix » (des salaires) à la baisse. Or, dans la plupart

1 Il faut rappeler que les études financées par la Commission européenne avant l’introduc-
tion de l’euro, prédisaient que la monnaie unique permettrait de mettre définitivement un terme
aux crises des balances des paiements.
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des pays européens, le marché du travail est plutôt rigide, et les salaires baissent
difficilement. 
 
(source OCDE)

4 Licenciement individuel
3
3
2
2
1
1
0

En revanche, la dévaluation a l’avantage de réaliser l’ajustement de manière qua-


si-instantanée.

L’euro tue-t-il notre industrie et nos exportations ?


 
Premièrement, attachons nous aux faits :
 
Perte L’emploi dans l’industrie manufacturière en France a chuté de 20% depuis 2001 et les
d’emplois
industriels parts de marché de la France dans le monde de 40% entre 1998 et 2010. Cette dé-
gradation est uniformément répartie puisque la perte des parts de marché se réalise
avec l’ensemble des partenaires commerciaux [11]
 
Evolution Certes, nous disposons du même taux de change que les autres membres de la zone
différente des
coûts et de euro. Cependant, il faut regarder les choses en termes « réels », c’est-à-dire en pre-
l’inflation nant en compte les différentiels d’inflation et d’évolution des coûts entre les pays.

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En effet, si dans un pays, les prix et les coûts progressent plus vite, sa compétitivité
se dégrade.
  Coût unitaire de la main d'oeuvre Coût unitaire de la main d'oeuvre en monnaie
(1999 = 100 ) 105,00 commune (France = 100)
140
Italie
135 100,00 France
130 Pays-Bas
125 95,00 Allemagne
France
120 90,00 Italie
115 Espagne
85,00
110 Espagne
105 Grèce 80,00
100
Portugal 75,00
95
90 Allemagne 70,00
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012

1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
On s’aperçoit que les coûts salariaux unitaires (rapport entre coût du travail et la
productivité) ont augmenté moins vite en Allemagne qu’ailleurs. Ainsi, cette der-
nière a gagné en compétitivité-prix (compétitivité par rapport au prix des produits
vendus) au détriment de ses « partenaires », suivant une politique non-coopérative
« d’exploitation du voisin » ( beggar-thy-neighbour ) en « mangeant » les parts de
marché et les capacités de production manufacturière[12]. 
 
120 140

115 Sud 135


130
110
125
105 120
100
  115
110
95
Nord
105
90
100
85 95
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013

Dans une moindre mesure, les écarts d’inflation ont aussi joué un rôle suivant le
même mécanisme (une inflation plus élevée diminue la compétitivité-prix)[13].
Dossier Euro

L’importance Cependant, une taux de change unique interdit de répliquer par une dépréciation
de conserver du change (ce que le « Prix Nobel » d’économie James Meade préconisait[14]), et
un taux de
change l’unique solution est alors la course à la « dévaluation fiscale » (baisse des charges
flottant
pour les entreprises, augmentation des impôts pour les ménages, par exemple), ou à
une politique déflationniste (baisse des salaires).
 
Deuxièmement, et contrairement à ce qu’on entend y compris dans la bouche d’éco-
L’euro affecte nomistes, le taux de change de l’euro affecte le commerce intra-zone euro par un
les parts de
marché intra mécanisme simple.  Prenons l’exemple d’une automobile : si l’euro s’apprécie, il
zone-euro
devient plus avantageux pour un allemand d’acheter une voiture coréenne que fran-
çaise (de même niveau de gamme)2

Il y a donc un lien évident entre l’euro et la perte des parts de marché déjà révélé en
2008 dans une étude de l’INSEE[15].

)
(source: INSEE)
105
Part de marché
100 TCER (courbe
inversée)
95

  90
 
85
 
80
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Forte sensibi- Ceci s’explique par la forte sensibilité au prix des exportations françaises (qui se
lité des
exportations mesure par « l’élasticités-prix ») : la demande étrangère est très sensible au prix des
au taux de produits français et au taux de change. Si le taux de change de l’euro augmente de
change
1%, les quantités de biens exportés français diminuent de 0,6 à 0,9% contre 0,2%

2 C’est ce qu’explique le professeur Werrebrouck. (« Pour autant, cet environnement est


négativement affecté par la hausse du taux de change : des exportateurs originaires de l’extérieur
de la zone euro viennent concurrencer en Italie les exportations françaises. (…) Chaque Pays voit
ses exportations affectées dans la zone par la présence de marchandises substituables importées
depuis l’extérieur de la zone »[17])
10
Dossier Euro

en Allemagne ! [16]

En d’autres termes, l’Allemagne est quasi-insensible à l’augmentation du taux de


change de l’euro, quand la France en est largement affectée. Ceci est attesté par le
propre modèle économique du ministère des Finances (pour toute appréciation de
l’euro de 10%, l’impact sur le PIB est de -1,2 point au bout de 2 ans) [18].
 
La forte sensibilité des produits exportés français au taux de change s’explique par
l’absence de « montée en gamme » de l’industrie française. 

Selon P.Artus, dans la période 1970-1980, la dévaluation permettait de sou-


tenir la compétitivité et la profitabilité malgré le faible niveau de gamme.
Dans les années 1990, la perte de compétitive de l’Allemagne (due à la réunifi-
cation) a protégé l’industrie français (d’où un excédent commercial durant cette
période).
Mais, dès la fin des années 1990 et au début des années 2000, la concurrence des pays
émergents à faibles coûts salariaux, la politique de cavalier solitaire de l’Allemagne
(expliquée plus haut) et l’impossibilité de dévaluer pour la France, ont conduit à
l’apparition puis l’accroissement du déficit extérieur[19].
 
Par ailleurs, conformément à l’effet Eichengreen-Krugman[20], les pays du nord
ont siphonné les capacités de production des pays du Sud. Les pays périphériques
doivent alors se contenter d’emplois dans les services, moins rémunérateurs, et aux
faibles gains de productivité.
  
L’euro est condamné à être inadapté et à faire des mécontents  
Il existe deux mouvements asymétriques : 

L’industrie manufacturière française est très sensible au taux de change de l’euro


tandis que le reste de la zone euro (l’Allemagne) peut se satisfaire d’une mon-
naie surévaluée[21]. Le taux de change est le seul élément « d’asymétrie » entre
Dossier Euro

la France et la Zone euro (ou plutôt l’Allemagne). En effet, lorsqu’on regarde le


coût des matières premières ou des services aux entreprises, ceux-ci ont un impact
similaire sur le prix de vente final des produits industriels français et allemands (la
corrélation est équivalente dans les deux cas)[22].
 
Ceci est par ailleurs confirmé par la direction générale du Trésor de février 2014[23] :
 
«  La détérioration de la contribution des produits « prix » au solde commercial
français peut donc être ramenée à la progression peu favorable de leurs exporta-
tions, qui s’expliquerait au moins pour partie par la dégradation de la compétiti-
vité-prix française entre 2000 et 2011 sous l’effet notamment de l’appréciation de
l’euro. (…) La bonne tenue de l’excédent « qualité » confirme pour sa part la per-
formance honorable de la France en termes de compétitivité hors-prix ».
 
Lorsque l’euro monte, la balance commerciale concernant les produits sensibles au
L’euro
surévalué prix diminue largement, alors que les biens dits de « qualité » ne bougent pas.
pour la France
Or l’euro est largement surévalué pour la France (de 13% en 2011) et sous-évalué
pour l’Allemagne (de 23,1% en 2011) comme le montre une étude de J.Mazier[24]

Désajustements de change en termes effectifs réels

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Dossier Euro

L’euro fait-il baisser les salaires et grimper les


prix ou bien mène-t-il à la déflation ?
 
L’euro est souvent évoqué comme ayant fait monter les prix et diminuer les salaires.
Qu’en est-il vraiment ?
 
Tout d’abord, concernant les revenus, le revenu disponible réel depuis 2010  Baisse du
a, en moyenne, baissé de 1% chaque année en zone euro. Ceci se ressent dans les revenu
disponible
chiffres de la demande intérieure (hors Allemagne) qui a baissé de 10% depuis
2008.
 
S’agissant de l’inflation, et spécifiquement pour la France, on peut s’interro- Les mauvais
ger sur le mode de calcul de celle-ci par l’INSEE. Tout d’abord, l’institut ne prend calculs de
l’INSEE
pas compte la durée de vie des biens (il est évident qu’un bien d’équipement qui
durera 10 ans n’aura pas le même impact pour la consommation du ménage qu’un
bien qui en durera 2 ans).
 
Ensuite, l’évaluation de l’inflation reste subjective. La part des loyers dans le panier
moyen des ménages est largement sous-estimée (à 6% de la consommation, alors
qu’en réalité, la part est plutôt proche de 20% à 34%).
L’inflation est également beaucoup plus forte pour les ménages à faibles revenus
(quasiment le double !).
 
Enfin, certaines dépenses ne sont pas prises en compte (l’immobilier est considéré
comme de l’investissement des ménages)… [25].
  
Cependant, il serait faux d’en attribuer tous les torts à l’euro. En effet, la zone La déflation
euro traverse plutôt une période de désinflation (baisse de l’inflation), qui vire à la
Dossier Euro

déflation (équilibre où l’inflation négative est généralisée).


 
La déflation  est clairement la conséquence de la baisse des salaires et de l’euro
cher, puisque le premier phénomène casse la demande intérieure, et que le second
amène de la « déflation importée », car les produits importés en dollar sont relative-
ment moins chers. Les prix stagnent, ou diminuent.
Cette déflation importée est ensuite transmise à l’ensemble de l’économie, conduit
à un mouvement d’épargne et de baisse des investissements (étant donné que les
agents anticipent une baisse des prix, ils repoussent leurs achats).

La déflation: Par ailleurs, la déflation peut être difficilement résoluble. En effet, lorsque l’infla-
problème
difficilement tion diminue trop, la banque centrale a tendance à réduire ses taux directeurs en
résoluble espérant une relance du crédit aux ménages et aux entreprises (étant donné que les
taux d’intérêt payés les agents pour investir ou consommer baissent par l’action de
la BCE) et éviter les mouvements d’épargne.
 
Cependant, la BCE est arrivée à des taux directeurs quasiment
nuls et ne peut descendre en dessous de  ce que l’on appelle la
« Zero lower Bound » (la borne inférieure zéro) : elle ne peut
abaisser ses taux en dessous de 0 ! (cf graphique plus bas)

A cause de cette contrainte de positivité, elle ne peut plus lutter


efficacement contre la déflation.
Mais  danger  : si les taux nominaux (le taux inscrit sur les
contrats) ne bougent pas, et que l’inflation diminue, alors le taux
réel (c’est-à-dire le taux nominal – inflation) augmente, décou-
rageant ainsi les entreprises d’investir. En effet, le taux d’intérêt
est à la fois un coût pour l’investisseur et une rémunération pour
le prêteur. Si le taux d’intérêt réel (qui représente donc le coût
réel de l’emprunt) est supérieur au rendement attendu d’un in-
vestissement, l’investisseur ne prendra pas le risque d’investir.
14
Dossier Euro

Par ailleurs, comme cela est une rémunération pour le préteur ou le déposant, un
taux d’intérêt réel en hausse incite à l’épargne.
 
L’épargne est donc encouragée (ce qui comprime la demande intérieure puisque
qu’on ne consomme plus, favorise les exportations, d’où l’énorme excédent exté-
rieur de la zone euro) au détriment de l’investissement, déprimant l’activité écono-
mique à long terme[26]
 
Non, la crise n’est pas finie !

 
 

Fédéralisme budgétaire et baisse de l’euro:


Pourquoi les solutions à la crise n’en sontpas?
 

Il est assez généralement admis que la zone euro n’est pas une « zone monétaire
optimale », c’est-à-dire qu’elle ne répond pas aux conditions énoncées notamment
Dossier Euro

par R.Mundell [27]. Ce dernier, pourtant partisan de l’Union Economique Mo-


nétaire, montre qu’une ZMO (zone monétaire optimale) nécessite que les chocs
asymétriques (un pays en crise …) soient compensés notamment par des transferts
budgétaires, une fluidité du marché du travail (mobilité des facteurs de production)
permettant une circulation des travailleurs...
 
La solution du fédéralisme européen

L’une des solutions souvent évoquée est le recours à des transferts budgétaires, par
un fédéralisme budgétaire[28].
En clair, les Etats en bonne santé financeraient les Etats en mauvaise situation.
 
Cependant, ce fédéralisme (en dehors de son irréalisme politique) a un coût.   P.
Artus le chiffre à 12,7% et J.Sapir  à 8% du PIB [29], l’essentiel étant assuré par
l’Allemagne (en clair, il faudrait augmenter la pression fiscale en Allemagne de 8 à
12 points pour subventionner les pays du Sud !).
 
Ceci est souvent avancé comme une solution par les économistes ayant des œillères
idéologiques et qui ne s’aperçoivent pas de l’inexistence de peuple européen, de
l’absence de vivre ensemble et d’affectio societatis. Ceci fut d’ailleurs rappelé par
le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe dans un arrêt du 30 juin 2009 : « Il n’existe
pas de « peuple européen » souverain, par conséquent la souveraineté primordiale
demeure aux mains des peuples »[30].

rapport au PIB (source


Plan Marshall / PIB américain 5%
15%
76%
 
Qui peut sérieusement penser que Merkel (ou son jumeau du SPD) accepterait un
tel sacrifice, que l’Allemagne a déjà réalisé pour l’Allemagne de l’Est ?

16
Dossier Euro

La baisse de l’euro

Une autre solution proposée serait de faire baisser l’euro. Outre le fait qu’elle ne
rétablirait que peu la santé économique et la balance extérieure de certains pays, il
faudrait[31] :

-          Inverser les flux de capitaux entrants et sortants dans la zone euro :
en clair, que les investisseurs non-résidents en zone euro vendent les actifs qu’ils
détiennent en euro pour les investir hors zone euro. Or, c’est l’inverse qui se passe.
Ce serait en outre contradictoire avec la volonté de diminuer les taux d’intérêt
payés par l’Espagne, l’Italie, la Grèce (etc…) sur leur dette publique. En effet, si le
flux s’inverse, c’est-à-dire s’il y a plus de sorties que d’entrées, les taux d’intérêt
sur la dette publique augmenteront.

-          L’excédent extérieur de la zone euro est trop fort pour que l’euro se
déprécie franchement. Il faudrait le baisser drastiquement pour que le taux de
change varie à la baisse durablement.

-          La BCE n’a pas d’instrument suffisant pour le faire (baisser les taux
directeurs jouerait à la marge, et l’effet du quantitative easing (assouplissement
quantitatif : en clair, la banque centrale inonde le marché de liquidité et rachète des
titres) est impossible à prévoir : il peut inciter les investisseurs étrangers à acheter
davantage d’actifs et donc à faire monter l’euro, comme on l’a vu au Royaume-Uni
et aux Etats-Unis).

-          racheter une quantité énorme de dollars, ce qui est politiquement im-
pensable.
Dossier Euro

En clair : il est impossible de faire baisser durablement l’euro, au grand dam de


nos dirigeants politiques, qui, depuis 2007 pestent contre l’euro fort pour éviter de
parler des vrais sujets qui fâchent.

La baisse La récente baisse de l’euro ne résout rien. En effet, l’euro a baissé depuis mai 2014
de l’euro ne de 10% par rapport au dollar. Or, comme près de 50% de notre commerce se fait à
résout rien
l’intérieur de la zone euro, le taux de change effectif de la France (celui à l’égard de
l’ensemble de nos partenaires commerciaux) n’a baissé que de 5%.

Par ailleurs, cette dépréciation est seulement due à des positions courtes spécula-
tives des investisseurs et pourrait donc se réapprécier à court ou moyen terme [32].

Enfin, une baisse durable de l’euro n’est pas à même de satisfaire les économies
des pays périphériques à la zone. En effet, ces pays auraient le plus besoin de dé-
valuer par rapport aux pays du nord de la zone euro. Or, ils ne peuvent pas. C’est
ce qu’il ressort d’une étude économétrique menée par Alberto Bagnai, qui montre
que le gain d’une dépréciation de 20% de l’euro sur la balance commerciale est né-
gligeable, quand celui d’une dévaluation de la Lire du même niveau permettrait de
dégager un excédent de 100 milliards [33]
 
 
120 €)
100

80

60

40

20

0
-1 5
-20

18
Dossier Euro

Sources et bibliographie
[1] Sofia Fernandes, Budgets nationaux et surveillance européenne: clarifier le dé-
bat, Notre Europe, 2014.

[2] http://contrelacour.over-blog.fr/article-two-pack-le-mot-de-la-fin-decryptage-
des-textes-definitifs-votes-des-eurodeputes-accord-du-conse-116233645.html

[3] E.Heyer, Une revue récente de la littérature sur les multiplicateurs budgétaires,
OFCE, 2013. URL: http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/une-revue-recente-de-la-
litterature-sur-les-multiplicateurs-budgetaires-la-taille-compte/

[4] E.Heyer et al, France: moins d’austérité, plus de croissance, OFCE, 2013.
URL: http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/3-130.pdf

[5] Jan in ‘t Veld, Fiscal consolidations and spillovers in the Euro area periphery
and core, Economic Papers 506, 2013. URL: http://ec.europa.eu/economy_finance/
publications/economic_paper/2013/pdf/ecp506_en.pdf

[6] V. Constâncio, The European Crisis and the role of the financial system, 2013.
URL http://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2013/html/sp130523_1.en.html

[7] P.Artus, La séquence d’évènements dans la crise de la zone euro, flash natixis,
2013.
URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=72919

[8] Gérard Mareek, Euro, la fin d’une illusion, les echos, 15/6/2014. URL:http://
www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-100233-euro-la-fin-dune-illu-
sion-1012950.php

[9] Emerson, M, Pisani-Ferry J. (1990) “One market, one money”, European Eco-
nomy.

[10] Paul Krugman, «en 2011, l’Europe peut-elle être sauvée ?», courrier interna-
tional, 2011. http://www.courrierinternational.com/article/2011/01/27/paul-krug-
man-en-2011-l-europe-peut-elle-etre-sauvee

[11] P.Artus, Qui a mangé les parts de marché de la France ?, Natixis, 2012
URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=66648
Dossier Euro

[12] Bibow J., The Euro Debt Crisis and Germany’s Euro Trilemma, Working Paper
No. 721, Levy Economics Institute, Annandale-on-Hudson, NY, 2012

[13] Jacques Sapir et Philippe Murer, Les scenarii de dissolution de l’euro, Fonda-
tion Res Publica, 2013
[14] Alberto Bagnai, Un external compact per rilanciare l’Europa, 2014.
URL: http://www.asimmetrie.org/wp-content/uploads/2014/06/AISWP201401.pdf

[15] Franck Cachia, Les effets de l’appréciation de l’euro sur l’économie fran-
çaise, INSEE, 2008. URL: http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/
juin2008_d2.pdf

[16] Serge Rey, L’impact du taux de change sur les exportations de l’Allemagne et
de la France hors zone euro, CATT.
URL:http://web-prod2.univ-pau.fr/gtl/travaux/86F_2010_2011_9DocWcattEu-
roExportationsAllemagneFranceSRey.pdf

[17] JC Werrebrouck, Affirmations erronées sur le taux de change, 2013. URL:


http://www.lacrisedesannees2010.com/article-affirmations-erronees-sur-le-taux-
de-change-pascal-lamy-nicole-bricq-etc-122990717.html

[18] Bruno Ducoudré et Eric Heyer, Baisse de l’euro et désinflation compétitive :


quel pays en profitera le plus ?, OFCE, 2014

[19] P.Artus, La France aurait effectivement besoin d’une dévaluation du franc,


Natixis, 2013
URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=70115

[20] La monnaie unique, conduit à une spécialisation des économies de la zone


monétaire, qui accroit le risque et l’ampleur des chocs asymétriques, ainsi que les
divergences.

[21] P.Artus, Est-ce la hausse de l’euro ou la baisse de l’euro qui permet à l’in-
dustrie française ou de la zone euro d’accroître ses marges bénéficiaires ?, Flash
Natixis, 2013
URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=73783

[22] idem

[23] Quel positionnement « hors-prix » de la France parmi les économies avancées


20
Dossier Euro

?, 2013 URL: http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/395568

[24] J.Mazier, Désajustements de change, fédéralisme budgétaire et redistribution,


OFCE, 2013. URL: http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=REOF_127_0057

[25] http://www.gaullistelibre.com/2014/04/larnaque-du-mode-du-calcul-de_26.
html

[26] P.Artus, A quoi conduit un excès très important d’épargne privée ?, Natixis, 2013.
URL: flash natixis
[27] Alberto Bagnai, CEEC Vs. PIGS: A comparative panel assessment of financial
sustainability and twin déficits, Working Paper No. 88, LLEE, 2010

[28] Alberto Bagnai, Un external compact per rilanciare l’Europa, asimmetrie, 2014
URL: http://www.asimmetrie.org/wp-content/uploads/2014/06/AISWP201401.pdf

[29] J.Sapir, Le coût du fédéralisme dans la zone Euro, 2013.


URL: http://russeurope.hypotheses.org/453

[30] MF Bechtel, L’arrêt du 30 juin 2009 de la cour constitutionnelle et l’Europe


: une révolution juridique ?, 2009 URL: http://www.fondation-res-publica.org/L-
arret-du-30-juin-2009-de-la-cour-constitutionnelle-et-l-Europe-une-revolution-ju-
ridique_a431.html

[31] P.Artus, Pourquoi demander à la BCE d’intervenir pour déprécier l’euro n’a
pas de sens, Natixis, 2014. URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=76588

[32] P.Artus, Ne pas compter sur la dépréciation de l’euro pour soutenir la croissance
de la zone euro, Natixis, 2014. URL: http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=80242

[33] Alberto Bagnai, The impact of an exchange rate realignment on the trade ba-
lance: Euro vs. national currency, Asimmetrie, 2014.

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