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Anthropologie et conception du mal Les sources de exegese gnostique Ugo Bianchi Vigiliae Christianae, Vol. 25, No. 3 (Sep., 1971), 197-204, Stable URL hitp:/flinks.jstor-org/sicisici=0042-6032% 28197 109% 2925%3A3%3C197%3A AECDML%3E2.0,CO%3B2-L Vigiliae Christianae is currently published by Brill Academie Publishers, Your use of the ISTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at hup:/www,jstororglabout/terms.hml. ISTOR’s Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www jstor.org/journals/bap. html ch copy of any part of'a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the sereen or printed page of such transmission, ISTOR is an independent not-for-profit organization dedicated to creating and preserving a digital archive of scholarly journals. For more information regarding JSTOR, please contact support @ jstor.org. hupulwww jstor.org/ ‘Sun Dec 11 09:26:51 2005 Vigiliae Christanae 25 (1971) 197-204; © NorthHolland Publishing Company ANTHROPOLOGIE ET CONCEPTION DU MAL LES SOURCES DE L’EXEGESE GNOSTIQUE PAR UGO BIANCHI Il est bien connu que les théories concernant les rapports entre le christianisme et les doctrines gnostiques se partagent entre la théorie hérésiologique et la théorie religionsgeschichtlich. Cette opposition, q concoit bien si 'on considére histoire des études, et que nous considé- rons ici en faisant abstraction des questions générales de phénoménologie et d'histoire chrétienne relatives au concept d'hérésic, ne cesse d'autre part d’étre un peu paradoxale, si on réfléchit au fait que les écrts des premiers hérésiologues, qui sont parmi les premiers Peres de I’Eglise, ont donné justement une interprétation religionsgeschichtlich des doctrines ‘nostiques. Non pas bien entendu dans le sens de Bousset et de Reitzen- stein: mais en tout cas, pour ce qui concerne la philosophie grecque, les éres n’ont cessé d’en souligner influence sur les penseurs du gnosticisme. Je dis la philosophie grecque, depuis les présocratiques, et non pas seule- ‘ment la philosophie platonicienne, C’était ailleurs un peu dans le méme sens que Harnack parlait du gnosticisme comme d'une hellénisation aigué du christianisme. Jai débuté par ces remarques pour nous introduire & la critique dune thése que le regretté Hermann Langerbeck a avancé, dans un livre pos- thume, & propos des origines du gnosticisme et de son rapport avec le christianisme.t Langerbeck se rattache pour cela a la position qui avait 446 prise de son temps par Eugéne de Faye.* Les grands docteurs du gnosticisme, Valentin, Basiide, seraient les véritables fondateurs de la pensée gnostique; ils seraient fondamentalement des platonisants, aussi bien que des chrétiens, et le gnosticisme dualiste (pensons & V’ophitisme et aux autres systémes gnostiques mythologiques) ne serait que I'aboutisse- ment populaire, grossier, radicalisé, somme toute illégitime, de la + Hermann Langerbeck. Aufsiize zur Gnosis, Abhandl.d. Akad. d. Wissensch, in Gottingen, Philol-hist. Klasse, 3. Folge, Nr. 69 (Gottingen 1967). Les gnostigues ete gnostcisme (2e 6d, Pais 1925) 198 co mana Philosophie des docteurs? En méme temps, Valentin et Basilde seraient & concevoir comme étant dans une ligne paulinienne de pausé, pour ce qui cconcerne la conception de la foi, de la gnose, du mal qui est dans homme. ‘Voila done une tentative chez de Faye, comme chez Langerbeck, pour dé-systématiser et pour dé-mythologiser les gnostiques, et pour les interpréter dans la ligne d'un platonisme chrétien ou d'un chrstianisme platonisant. Avec la grande différence, par rapport aux Péres, et méme par rapport & Harnack, que, tandis que chez ceux-ci le christianisme et le platonisme étaient deux éléments hétérogenes, chez Langerbeck le christianisme, voire le paulinisme, et le platonisme révéleraient une consonnance profonde.* En tout cas, les grands docteurs gnostiques auraient réalisé une synthése harmonique des deux. Notre point de départ sera done le platonisme, mais pour reconnaitre dans celui-ci un courant de pensée radicalement dualiste (dans vn sens de ce terme tout proche de celui dont on fait usage en histoire des religions, et non pas dans le sens «une doctrine s'opposant au «monisme» et au «panthéisme» et afirmant la transcendance). Or lecaractére radicalement ualiste du platonisme ruine la thése d'une harmonic fonciére entre le platonisme et le christianisme. ‘Comme il est nécessaire de définir toujours les termes dont on fait usage, nous précisons ce que nous entendons par dualisme; en faisant cela nous répondons du méme coup a la ertique que Langerbeck dirige contre ceux qui définissent le gnostcisme comme dualisme anti-cosmique (HJonas). Selon Langerbeck le dualisme ne serait qu'un «pscudo- concept (comme le «pessimisme», il ajoute), qui n'explique rien véri- tablement; et il ajoute, non sans un semblant de contradiction, que le ualisme aurait été le développement grossir de la gnose des docteurs; que le dualisme, en d'autres termes, ne serait que das Merkmal des vulgiren Weltbldes et la déformation du platonisme.® Une défnition qui nous semble tout a fat adéquate du dualisme, et qui 4 suffsamment de prise sur l'histoire de la pensée grecque, comme autres religions et philosophies, est Ia suivante: sont dualistes les doctrines ou les mythes adimettant deux principes ~ quis soient coéternels ou non ~ comme é1antd la base de a constitution de ce monde.® Selon cette Aéfinition, ce n'est pas seulement le zoroastrisme qui réalise le propre du > Langerbeck, op cit, p. 61s. 4 Ops city pp. 48,82 © Op. city p. ef. p. 113 9.2. © UcBianehi (éd), Le origin dello gnosticiomo (Leiden 1967), p. XXV 5. [ANTHROPOLOGIE ET CONCEPTION DU MAL 199 dualisme, et pas seulement le gnosticisme (bien qu’avec un principe différent, celui de ’anti-cosmisme); le platonisme aussi est dualiste, et de Ja fagon la plus radical, étant donné qu'il réalis le dualisme dialectique, quand il explique la constitution imréductible et éternelle du monde par la doctrine de I'Idée et de la chra (et ananké), par la doctrine du cycle, qui s'y rattache, Empédocle s'était déja explique li-dessus. ‘On pourra discuter quelle soit la place de ce platonisme dans les origines du gnosticisme. Nous pensons qu'il y entre par beaucoup avec son antécédent partiel, la pensée orphique. Mais en tout cas il ne sera plus permis d'admettre T'influence profonde du platonisme sur les docteurs sgnostiques ~ voire de considérer ceux-ci comme des platoniciens ~ et en méme temps de nier le dualisme de ces mémes docteurs. Le fait que ceux-ci aient refusé la doctrine du eycle et admis la conclusion escha- tologique de a vicssitude du pnewma n’abolit nullement la valeur de notre remarque, car en tout cas le gnosticisme serait alors moins dualiste que le platonisme, du point de vue de la métaphysique dialectique, bien que le ‘gnosticisme ait développé -A la différence de Platon, mais non pas d’Em- pédocle — une attitude hostile au cosmos. Ce n’est done pas seulement l'anticosmisme qui commande le dualisme des docteurs gnostiques (cet anticosmisme qui, il est vrai, a pu préter & des développements ultérieurs «vulgaires»), mais bien aussi, et surtout, le dlualisme métaphysique et dialectique, qui caractérse Platon. Nous rappelons encore une fois la doctrine platonicienne de la chdra (le «lieu», le «réceptacle») et de lananké, qui est une doctrine de la matéralité en tant qu’élément constitutif irréductible et éternel de Ia cosmogonie,? et 7 Tim, ATE-48A, 48E-49A, synthétiée S2A-, A cette doctrine, fait pendant Theact. \76A: 622’ Oby dxohéoSau 1h xa Bwvarby, & Oxdbope" Gnevaveiov 769% 1 dya8@ det eivan dvran ot" Ev Beotg abra [SpCoBat, thy 8¢ Synriv @GotY Ka soybe tov tonov repunoh 2 avian. Langerbeck remarque (p. 113): «Nicht also das Leiliche, das Irdische ist die Unsache ‘des Basen, sondern vielmehr sein Bereich, in dem allen es Kraft hat. Gewiss ist also das Leben des Philosophen eine Flucht aus diesem ganzen Bereich fort. Aber worin bestet diese Flt? Nicht in einer Bekimpfung des Leiblichen ..Die Flucht besteht in dem Bemihen, gerecht und heilig zu werden ... Diese Gottihnlichkeit is niet die sichere Ausgangspostion, sondern das Ziel, de Kr8nung des menschlichen Bemihens.» ‘Tout en reconnaisant la valeur de cette dernire remarque il faut néanmoinssouligner ‘ue Tinsistance spéifque sur une quas-identité entre mal métaphysique (mécessaire) et mal moral fonde le dualisme dans le sens que nous donnons au terme. D'aute par, LLangerbeck lui-méme écrit & propos de oe texte du Thidtéte (et de Lols X 597D-E): «Die beiden angefthrten Stellen sind ohne Zwefel der historische Ausgangspunkt des ‘Dualismus im Bereich des griechischen Geistes und damit des konsequenten, syste- ‘matischen Dualismus, des Dualisms als Weltanschauung Uberhaupt.»

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