Killian Le Bourvellec
Mémoire de césure 2007-2008
Déposé le 31/08/2008
Directeur de mémoire :
Frédéric FREON
2
Remerciements
3
Je certifie que le présent mémoire est uniquement et totalement le résultat d’un travail
personnel de recherche et que toutes les sources auxquelles j’ai pu me référer sont clairement
indiquées dans le corps du texte et figurent dans la liste bibliographique en annexe.
4
Sommaire
Remerciements.....................................................................................................................3
Résumé ................................................................................................................................6
Abstract................................................................................................................................7
Introduction........................................................................................................................8
L’évolution de l’activité.....................................................................................................15
L’activité de placement......................................................................................................25
La jurisprudence communautaire.......................................................................................26
Conclusion générale.........................................................................................................51
Références bibliographiques...........................................................................................63
5
RESUME
L’activité des entreprises temporaires en France fait l’objet d’une législation très
stricte depuis 1972. Le cadre légal a été établi dans un contexte économique loin
de celui qui existe désormais : en effet, l’activité est aujourd’hui soumise à des
tensions économiques et démographiques à nulle autre pareille.
6
ABSTRACT
Besides the European Union case law and the close foreign examples, the
legislator wanted to release the market of placement of the constraints which it
underwent: this market is henceforth opened to the temporary recruitment
companies.
7
INTRODUCTION
Le travail temporaire en France naît dans sa forme moderne au cours des années
1950. La législation très stricte qui l’encadre à partir de 1972 ne connaîtra aucune
modification avant la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2002.
Cette loi entend combattre des inégalités qui sont, depuis longtemps, manifestes
dans la société française contemporaine. Une de ses principales dispositions est
surtout la libéralisation du marché du placement. L’application de cette
disposition va profondément changer les stratégies des entreprises de travail
temporaire, en même temps que le contexte économique va rendre nécessaire pour
ces entreprises le fait de se tourner vers l’activité de placement, qui était encore
plus strictement encadrée jusqu’alors.
9
Chapitre Ier : l’activité des entreprises de travail temporaire
S’il est indéniable que, aujourd’hui, le travail temporaire est largement développé
dans notre économie et dans les réflexes d’emploi et de recrutement, il convient
de rappeler qu’il a émergé il y a à peine plus d’un demi-siècle dans un contexte
économique tout à fait particulier.
i. Chômage et emploi
1
Le taux d’emploi est la proportion d’individus ayant un emploi par rapport à l’ensemble de la
population en âge de travailler (par convention internationale, entre 15 et 64 ans). Il est
généralement considéré comme un indicateur plus pertinent de la situation du marché du travail
d’une économie, à l’inverse du taux de chômage, dont le mode de calcul peut être modifié par les
pouvoirs publics, et être faussé par des particularismes locaux et culturels (l’absence de femmes
sur le marché du travail, par exemple).
2
Le taux de chômage représente le rapport entre la population active occupée et la population
active totale.
3
Le vice-président du Conseil National du Patronat Français de 1968 à 1972, François
CEYRAC (BALBASTRE, 2001), rapporte ces propos de Georges POMPIDOU: « Ce qui serait
intolérable, ce serait 500.000 chômeurs. Nous aurions la révolution à 500.000 chômeurs ».
10
En réponse à ce phénomène nouveau, d’une ampleur sans nulle pareille, l’Etat
décide d’intervenir pour assister les personnes qui se trouveraient temporairement
en situation de chômage : la solidarité et le placement deviennent les deux piliers
de la politique d’aide aux chômeurs.
C’est en 1958, sous la présidence de René COTY, qu’est créée l’Union nationale
pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce (UNEDIC), à l’issue d’un accord
entre les partenaires sociaux. Le régime d’indemnisation des chômeurs se fera
alors selon le principe d’assurance, par la proportionnalité des cotisations en
fonction du salaire, puisque le taux de cotisation sera identique pour tous les
secteurs d’activité (DANIEL & TUCHSZIRER, 1999). C’est donc un régime
d’assistance aux chômeurs, peu nombreux, mais en nombre suffisamment
important pour que le problème soit pris en compte, qui s’institutionnalise et
contribue à ce que ceux-ci puissent bénéficier d’un revenu proche de leur revenu
précédant leur période de chômage.
Le placement des travailleurs, en France, trouve son origine dans les bureaux
d’adresse de RENAUDOT (MAZAURIC, S., et RENAUDOT, T., 2004), ouverts
avec don d’un privilège royal, qui centralisaient les offres et les demandes
d’emploi. Une ordonnance royale obligeait tous les sans-emplois à s’y inscrire. Ils
permettaient de remédier à la pauvreté, au vagabondage et à l’enfermement, sans le
concours de l’Eglise. Ils délivraient également, à titre gracieux, du savoir, par le biais des
premières formations qualifiantes pour le retour vers l’emploi.
11
Plus récemment, le placement des travailleurs est devenu une réponse aux exigences
du programme du Conseil National de la Résistance, qui fait du droit au travail
son cheval de bataille au sortir de la guerre (COLLECTIF, 2003). Il s’agit alors
d’un monopole public, national et gratuit du placement, créé par l’ordonnance du
24 mai 1945 (MULLER, 1991) : « tout placement des travailleurs devra
obligatoirement se faire par l’intermédiaire des services de main d’œuvre (…).
Cette organisation du placement entraîne nécessairement la suppression de tout
office ou bureau de placement payant ». Ce monopole est, d’ailleurs, conforté par
l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) qui, en 1949, prévoit la
suppression progressive du placement par des organismes privés : c’est tout le
sens de la convention C.96 de l’O.I.T.
Toutefois, si le placement par des bureaux privés est désormais autorisé sous
réserve que ces bureaux aient passé des conventions avec l’A.N.PE., certains
pensent qu’une autre activité peut se développer, qui permettrait non pas de placer
des chômeurs, mais de leur trouver une mission, c’est-à-dire un emploi à durée
temporaire, mais en conservant le lien hiérarchique, là où l’entreprise cliente
paiera une prestation de service, et non un salaire. Cette activité, sous sa forme
moderne4, serait apparue en 1924 en France (BELKACEM, et al., op. cit.), mais
4
Pour un développement plus complet de l'origine des entreprises de travail temporaire, voir
MAZAURIC, S. ; RENAUDOT, T. (2004) De la petite fille velue et autres conférences du Bureau
12
était limitée en termes de qualification (seules les personnes spécialisées étaient
recherchées pour un placement) mais également localement. Le choc viendra avec
une entreprise comme Manpower, qui installe des bureaux en 1958 à Paris,
multiplie l'établissement de filiales, lance le franchisage et multiplie les
campagnes publicitaires nationales, tout en faisant du lobbying en faveur d’une
législation encadrant le travail temporaire, avec Adia, qui s'implantera plus tard.
C’est ainsi que la première loi à ce sujet est promulguée le 3 janvier 19725. Elle
définit l’entrepreneur de travail temporaire comme « toute personne morale ou
physique dont l’activité exclusive est de mettre à la disposition d’utilisateurs des
salariés qu’en fonction d’une qualification convenue elle embauche et rémunère à
cet effet ». Cette mise à disposition doit faire l’objet d’un contrat de service,
obligatoirement écrit, pour des tâches non durables, ainsi que l’a rappelé la Cour
de Cassation6. Enfin, sont réputées non écrites toutes clauses interdisant
l’embauchage du salarié intérimaire en fin de mission par l’entreprise utilisatrice.
1. Cas de recours
La loi de 1972 dispose qu’il peut être recouru au travail temporaire dans des cas
très restreints. La liste contenue dans la loi se veut limitative, puisque, si le retour
à l’emploi est encouragé, le travail temporaire doit rester une forme particulière
13
d’emploi, la norme étant le contrat à durée indéterminée (C.D.I.) et à temps plein
(BELKACEM, et al., op. cit.). Ainsi, un contrat de mise à disposition peut être
conclu en cas d’absence temporaire d’un salarié permanent; de suspension d’un
contrat de travail (or conflit collectif du travail); d’accroissement temporaire
d’activité; de création d’activités nouvelles; de travaux urgents, liés à des
impératifs de sécurité ; et de vacance d’un poste, en attendant l’entrée en service
du travailleur permanent.
Le contrat de travail peut comporter une durée précise. Le contrat initial peut être
renouvelé une fois uniquement (c'est-à-dire avec le même motif de recours au
travail temporaire et la même justification) pour une durée inférieure, égale ou
supérieure au contrat initial, dans la limite de 18 mois, sauf dans quelques cas,
renouvellement compris.
Le contrat peut ne pas contenir de terme précis, mais une durée minimale. On
distingue alors plusieurs cas.
Dans le cas du remplacement d'un salarié, cette durée sera celle de son retour.
b. Aménagement du terme
14
Le terme du contrat peut être avancé ou reporté à raison de 1 jour pour 5 jours de
travail, avec un minimum de 2 jours pour les missions inférieures à 10 jours. Cet
aménagement est limité à 10 jours quel que soit le nombre de jours travaillés,
dans la limite également de durée légale de contrat, comme vu précédemment. La
période dite de souplesse est la période pendant laquelle il peut être mis un terme
au contrat, en fonction des modalités qui précèdent.
Par ailleurs, dans le cas où l'aménagement de terme est utilisé à l'issue du contrat
initial, il ne pourra être possible de renouveler le contrat. Cet aménagement est
néanmoins possible à l'issue du renouvellement, là encore dans les limites de
durée légale du contrat de travail temporaire.
C. L’évolution
15
P.I.B, et le travail temporaire se rétracte, pour revenir à son niveau de 1975 en
1982 et passer sous la barre des 100.000 E.T.P. en 1984.
Entre 1997 et 2000, P.I.B et emploi intérimaire progressent sans véritable coup
d’arrêt.
Celui-ci poindra dès 2001, et jusqu’en 2003. Au cours de cette période, le salariat
intérimaire diminue de 3% en moyenne chaque année.
16
millions d'intérimaires, et par l’embauche de 35.000 salariés intérimaires
supplémentaires. On notera que le chiffre d'affaire sur l'activité du travail
temporaire s'est apprécié, lui, de 6,5% à 21,7 milliards d’euros entre l'année 2005
et l'année 2006.
1. Baisse du chômage
Si le taux de chômage dépassait le seuil des 10% entre 1992 et 1999, depuis 2004
s’amorce une forte baisse, entrainée par une hausse de la croissance du P.I.B.
Ainsi, entre 2004 et 2006, le chômage touchait en moyenne 8,8% de la population
active (voir Annexe 4. , et INSEE, 2008b). Au deuxième trimestre de l’année
2007, il s’agissait de 8,4% de ce même ensemble, contre 7,5% de la population
active au premier trimestre de 2008. Cette faiblesse du chômage touche certaines
catégories en particulier : ainsi, en ce qui concerne les fonctions de cadres, le taux
de chômage atteint 3,8% (FAUCONNIER, 2008), et reste traditionnellement
faible dans les secteurs du bâtiment, de l'hôtellerie, de la vente et de
l'informatique.
17
remontait à -3.192 millions d'euros. Il est redevenu « légèrement » positif en 2006,
à 344 millions d'euros, pour remonter à une valeur jamais connue en plus de 25
ans: 3.519 millions d'euros. Le nombre de chômeurs diminuant, il devient donc
logique que les dépenses d’indemnisation des périodes de chômage diminuent, en
même temps que les recettes au titre de cotisations chômage augmentent, grâce à
l’augmentation du nombre de personnes en situation d’emploi.
Certains prétendent que cette baisse du chômage tient en partie au fait qu’il est
procédé à un nombre élevé de radiation de personnes sur les listes de demandeurs
d’emploi, quand ce fait est à l’initiative de l’A.N.P.E., et un nombre lui aussi
élevé d'exclusion du revenu de remplacement, pour ce qui est à l’initiative de la
Direction départementale du Travail, de la Formation et de l’Emploi ; dans ces
deux cas, les conséquences sont sensiblement les mêmes : radiation des listes de
demandeurs d’emploi, pendant au moins deux mois, pendant lesquels les
organismes publics ne reconnaissent plus au chômeur la qualité de chômeur, d’où
une baisse du taux de chômage (toutes choses égales par ailleurs), et suspension
des indemnités de chômage, ce qui tendrait à expliquer l’amélioration du résultat
de fin d’année du régime d’assurance chômage.
Chaque mois, ce ne sont pas moins de 40.000 demandeurs d’emploi qui sont
radiés (AFP, 2008), et dans 95%, cette radiation est consécutive à une non-
présentation à convocation. Pour Christian CHARPY, directeur général de
l’A.N.P.E, 1.500 de ces radiations concernent, pour refus d’emploi, des secteurs
pénuriques, c’est-à-dire des secteurs pour lesquels il est notoire qu’ils connaissent
une pénurie de main d’œuvre. D’où les récentes réflexions sur la loi relative aux
droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, et, plus particulièrement, la
définition d’une « offre raisonnable d’emploi », afin d’éviter les fraudes, même si
la proportion de chômeurs fraudeurs est « infime », toujours selon Christian
CHARPY7. A terme, l’objectif de cette loi est de réformer le marché du travail
7
Le Monde, 27 juin 2008. Interview de Christian CHARPY, « La proportion de chômeurs qui
fraude est infime ». Propos recueillis par Rémi BARROUX.
18
pour atteindre le plein emploi, du moins un taux de chômage de 5% et un taux
d’emploi de 70% en 20128.
2. Croissance en panne
8
Lire, à ce sujet, l’exposé des motifs, à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/pjl07-390.html
19
Cependant, les derniers chiffres publiés par l’Institut national de la statistique
montrent que la croissance ralentit. Cette tendance semble même durable, si l’on
prend en considération le fait que la croissance trimestrielle du P.I.B. faiblit
depuis 4 trimestres. Pour le 2ème trimestre de l’année 2008, elle est même
négative, à -0,3%, soit une croissance de 1% par rapport au même semestre de
l’année précédente (INSEE, 2008c).
20
3. Raréfaction de compétences
La raréfaction des compétences est un autre danger qui guette les entrepreneurs de
travail temporaire. En effet, toute l'économie de ce secteur d'activité repose sur la
capacité à répondre aux demandes de mise à disposition de la part des entreprises
utilisatrices. Alors même que ces demandes n'ont jamais été aussi fortes au cours
de la dernière décennie, comme en témoigne le nombre d'intérimaires en mission,
comme en témoigne également les projets d’embauche, autant dans le secteur de
l’industrie des biens d’équipement que dans le secteur des transports, qui se
chiffrent, tous secteurs confondus, à 1.298.100 en 2008, soit 6,8% de plus que
2007 (UNEDIC, 2008c), et dont plus de la moitié (51,1%, voir Annexe 8.)
poseront des difficultés, les entreprises de travail temporaire font toutes état de
demandes de clients qui n'ont pu être satisfaites faute de compétences à recruter.
Dans sa réflexion, Françoise GRI apporte des réponses qu'elle demande aux
agences du Groupe de développer. Contrairement au marché de l'emploi
intérimaire auparavant, la ressource recherchée maintenant n'existe pas en France
en tant que telle: elle doit être créée, ce qui revient à modifier intégralement la
gestion des ressources humaines des entreprises. Ce qui motive les candidats sont
tout autant la rémunération et les valeurs de l'entreprise que le parcours
professionnel qu'elle peut proposer. Ils sont, par les tensions sur le marché du
travail, en position de négocier leurs conditions d'emploi: ce qu'ils attendent en
particulier est une organisation différente du travail, ils attendent de pouvoir
organiser plus librement leur travail (« Le travail doit être « fun » », selon les
21
propres termes de Françoise Gri, « les deux choses ne sont pas antinomiques »), et
l'entreprise doit apporter quelque chose aux talents, dans une relation gagnant-
gagnant.
22
***
Ainsi, l’activité des entreprises de travail temporaire est sous tension, une tension
qui est d’autant plus accrue que l’activité du secteur est bien plus importante qu’il
y a 20 ans, par exemple, et qui rend nécessaire une adaptation aux données du
problème: la baisse du chômage ne permet pas aux entreprises de travail
temporaire de répondre aux demandes des entreprises utilisatrices, faute de main
d’œuvre disponible ; la progression de l’activité risque d’être freinée par la
fragilité de la croissance ; et la pénurie de compétences risque d’avoir des effets
néfastes pour les entreprises de travail temporaire, mais tout autant pour les
entreprises utilisatrices, pour lesquelles ces compétences sont critiques pour
répondre à leurs besoins.
De plus, si le chômage baisse aujourd’hui, son niveau est néanmoins resté élevé
pendant plus de quinze ans. Devant le flux important de demandeurs d’emploi,
l’A.N.P.E. n’a pas permis de répondre aux attentes de chacun : la gestion du
problème humain qu’est le chômage par un organisme dont la mission première
est une mission d’enregistrement d’individus sur des listes de chômeurs avant
toute chose ne semble pas avoir bénéficié à la récente décrue du chômage.
A contrario s’est développé un chômage de longue durée bien plus important que
précédemment. Des publics en difficulté financière, personnelle,… paraissent eux
aussi prisonniers de leur situation de chômeurs, enfermés dans le piège du
chômage et de la précarité, qui mènent à l’exclusion. En ce sens, on pourrait tout
aussi dire, pour faire écho à notre propos en introduction de ce chapitre, que le
chômage est un « fait social »9. En 2006, ce ne sont pas moins de 1.020.000
personnes qui subissaient une situation de chômage de longue durée, et, parmi
ceux-ci, 512.000 étaient des chômeurs de très longue durée (DURIER, S. ;
GONZALEZ, L. ; MACARIO-RAT, I; THELOT, H., 2007), qui subissent donc
un chômage de deux ans ou plus. Depuis 2004, l’embellie de la conjoncture a,
9
A posteriori, nous découvrons que c’est d’ailleurs la thèse soutenue par Raymond LEDRUT, dans
Sociologie du Travail (1966), réédité en 1997 (Paris : PUF)
23
certes, permis de réduire la massivité du chômage, mais elle profite aux chômeurs
de moins d’un an ; la conséquence directe est que la proportion de chômeurs de
longue durée dans l’ensemble des chômeurs s’est accrue, passant de 40,8% en
2004 contre 42,3% en 2006.
24
Chapitre II : la libéralisation du marché du placement
A. L’activité de placement
. i. Le placement public
25
Enfin, il existe de la même façon des coopérations avec les collectivités
territoriales pour le placement des bénéficiaires de minima sociaux : pour
reprendre les exemples français et allemand, les Conseils généraux et les Länder
participent ainsi à de telles coopérations.
ii. Le recrutement
Il s’agit pour une entreprise d’aider des entreprises clientes pour leur besoin de
recrutement. Dans ce cas précis, il ne s’agira plus de contrats de travail temporaire
mais bien de contrats liant la personne qui sera recrutée à l’entreprise cliente,
demandeuse de main d’œuvre, et qui « achète » une prestation de recrutement à
une agence dédiée, sans plus passer par une relation de travail triangulaire10
intermédiaire, comme le représente une entreprise de travail temporaire.
B. La jurisprudence communautaire
10
Plus de détails à ce sujet sont donnés plus loin dans le texte (cf. infra au chapitre III, a. La
triangulation des relations de travail)
26
fonction de directeur du service des ventes. La cour rejette leur demande aux
motifs que : l’activité de mise en relation des offreurs et demandeurs de travail fait
l’objet d’un monopole légal par la BA ; de plus, l’activité de placement est
également un droit exclusif de la BA ; en outre, si la BA tolère que certaines
entreprises placent des chômeurs, tout acte juridique qui contrevient à la
législation en vigueur est nul. Au final, les demandeurs sont déboutés. Ils décident
alors d’interjeter appel de la décision.
11
Article 86-2 : « Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à : a) imposer de façon
directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non
équitables ; b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des
consommateurs ; c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes en leur infligeant, de ce fait, un désavantage dans la concurrence ; d)
subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations
supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec
l’objet de ces contrats. »
12
Article 90-2 : « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général
ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent Traité,
notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’accomplissement de ces règles ne fait
pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.
Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la
Communauté. »
27
Chacune des parties exposent que la BA est une entreprise publique, c’est-à-dire
que le gouvernement allemand lui octroie un droit exclusif ou spécial. Elles
affirment également que la BA est une entreprise chargée de la gestion de services
d’intérêt économique général. Ainsi donc, la BA serait soumise aux règles de la
concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à la
mission particulière qui lui a été impartie.
Pour autant, la Cour précise qu’est une entreprise « toute entité exerçant une
activité économique, indépendamment [de son] statut juridique et de son mode de
fonctionnement », puisque la présence d’une activité économique implique la
présence d’un marché potentiel. En outre, l’activité de placement est une activité
économique. Et de rappeler que « les activités de placement n’ont pas toujours été
et ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques. Cette
constatation vaut, en particulier, pour les activités de placement de cadres et de
dirigeants d’entreprises ». Un organisme tel que la BA peut donc être qualifié
d’entreprise au sens de la législation communautaire.
28
Par ailleurs, il n’a pas été démontré par les parties défenderesses que les règles de
concurrence applicables ne sauraient faire échec à l’accomplissement de la
mission de la BA, d’autant plus que la BA tolère dans les faits une atteinte à son
monopole par des sociétés privées de conseil en recrutement.
La Cour continue son raisonnement en rappelant que les Etats sont tenus de
n’édicter ni maintenir toute mesure contraire aux règles du Traité CEE, dont le
monopole d’un office public pour l’emploi.
La Cour affirme13 donc que la BA, puisqu’elle exerce des activités de placement,
est soumise aux règles de concurrence et ne peut donc pas abuser de sa position
dominante. Le gouvernement allemand est, lui, en infraction puisque, par sa faute,
la BA a enfreint les dispositions communautaires de la concurrence.
Par extension à cet arrêt, c’est donc bien l’ensemble des monopoles publics qui
peut être amené à être contesté : dès lors que l’entreprise publique détentrice du
monopole n’est pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché,
l’exclusivité qui lui a été conférée pour cette activité est donc prohibée par la
législation communautaire. Ainsi en sera-t-il des services de messagerie, de la
téléphonie, et bien d’autres encore. Le droit communautaire revient donc à
13
La CJCE ne statue pas sur le fond, puisqu’elle a été saisie pour interpréter des dispositions du
Traité CE : la décision de fond appartient à la juridiction de renvoi, qui est l’Oberlandesgericht
Muenchen.
29
accepter un monopole public, pourvu qu’il soit au moins aussi efficace que la
concurrence qu’il supprime.
Nos voisins européens ont, eux, déjà mis en application des dispositions afin de ne
pas risquer de contrevenir au droit communautaire, et, dans certains cas, avant
même l’arrêt de la CJCE. Ainsi, la collaboration entre structures publiques et
privées participent déjà pour beaucoup d’entre eux de la libéralisation du marché
du placement. Certains de ces cas sont emblématiques : ainsi en est-il de la
Belgique, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.
i. Le cas belge
1. Le placement public
14
Sauf mentions contraires, nous reprenons pour partie des informations contenues dans le
document du Service des Etudes Juridiques du Sénat, document mentionné en bibliographie,
15
Créé par décret le 17 janvier 2000 ; auparavant, le placement des germanophones dépendait du
FOREM.
30
2. Les organismes privés
Les agences de placement privées offrent leur service à titre gracieux à toute
personne en recherche d’emploi. Néanmoins, l’ouverture de bureaux de placement
payants a été autorisée par la région wallonne « en ce qui concerne les catégories
de personnes pour lesquelles le service public de l'emploi [n'était] manifestement
pas en état de satisfaire de façon adéquate à la demande d'emploi ». L’activité de
l’ensemble des agences est néanmoins soumise à agrément, sous condition de
pouvoir fournir des « garanties financières et professionnelles », pour une durée
initiale de deux ans, puis sans limitation de durée.
Le placement des travailleurs a également été ouvert aux opérateurs privés dans la
région flamande ainsi que dans la région de Bruxelles-capitale : c’est le 13 avril
1999 pour la première et le 26 juin 2003 que les mesures favorisant l’accès de ces
opérateurs au marché du placement ont été adoptées.
1. Le placement public
Pour ces dernières, elles peuvent bénéficier, dans certains cas des programmes
nationaux de reclassement professionnel. Ainsi en est-il du programme New Deal,
qui permet aux personnes qui sont indemnisées de bénéficier d’aide et de soutien
dans leur recherche, ce qui inclut également des formations. Ce programme vise,
en particulier, les jeunes, les personnes de plus de 25 ans, de plus de 50 ans, les
parents seuls, les handicapés, les musiciens, les personnes travaillant moins de 24
heures hebdomadaires et dont le conjoint est lui-même en situation de chômage.
Enfin, si, comme en France, les chômeurs ont obligation d’être inscrits sur les
listes de chômage de Jobcentre Plus, même s’ils ne demandent pas d’aide, les
16
Jobcentre Plus (2008). Annual Reports & Accounts 2007-2008. En ligne
[http://www.jobcentreplus.gov.uk/JCP/stellent/groups/jcp/documents/websitecontent/dev_015683.
pdf]
32
employeurs ne sont néanmoins pas tenus de signaler les vacances de postes de
leur entreprise.
Cette condition a été supprimée en 1994, même si ces organismes peuvent être
inspectés et lourdement sanctionnés en cas d’infraction aux principes de la loi de
1973. Parmi ces principes, on retrouve principalement la gratuité du service de
placement pour les demandeurs d’emploi17. La loi de 1973 néanmoins laisse au
ministre chargé du Travail le soin de déterminer le cadre légal de l’activité de
placement.
1. Le placement public
17
D’autres prestations peuvent, néanmoins, être payantes ; ainsi en est-il des bilans de
compétences
33
« recherche active » est accompagnée par la fourniture par le chômeur d’un
maximum de renseignements à la BA, aussi bien d’ordre personnel que
professionnel, de façon à ce qu’elle puisse ensuite établir un « profil ». C’est sur
la base de ce profil qu’un accord sera signé entre le chômeur d’une part et la BA
d’autre part, rappelant cette obligation de « recherche active » de la part du
premier, et l’obligation de la seconde de trouver ou un emploi ou une formation
au demandeur d’emploi.
En 2002, une réforme était engagée qui mettait l’accent sur le fait que le
placement devait devenir la priorité de la BA. Ainsi, la BA devait se doter d’un
service d’audit, chargé de mesurer l’efficacité de l’organisme. Un organisme
extérieur avait, de la même façon, pour charge certaines missions de contrôle. Par
ailleurs, elle incitait la BA à changer le mode de rémunération de ses salariés, afin
qu’ils furent incités à porter leurs efforts sur leur efficacité et la mission de
placement de la BA.
34
considèrent, en effet, que la BA n’est pas en concurrence avec les organismes de
placement privés, mais bel et bien en partenariat, partenariat qui profite à chacun.
La réforme engagée en mars 2002, avec la Gesetz zur Vereinfachung der Wahl
der Arbeitnehmervertreter in den Aufsichtsrat (Loi de simplification de l’élection
des représentants des salariés au conseil de surveillance), a modifié les modalités
de collaboration entre ces structures : la BA a désormais l’obligation de trouver un
emploi aux demandeurs d’emploi dans un délai de trois mois, au-delà duquel ils
peuvent s’adresser à une agence privée de placement. A partir du moment où cette
agence fournit un emploi au demandeur d’emploi, elle doit être rémunérée par la
BA, avec des honoraires compris entre 1.000 et 2.500 EUR, en fonction de la
durée de l’emploi fourni.
Par ailleurs, la loi Job AKTIV I fait obligation aux bureaux locaux de la BA de
disposer d’une Personal Service Agentur (PSA – agence de travail temporaire),
qui mettent les chômeurs de longue durée à disposition des entreprises. Entre deux
missions, les PSA sont tenues de former les bénéficiaires de ses services. Avec
des honoraires dégressifs en fonction de la durée d’embauche des demandeurs
d’emploi, le mode de rémunération des PSA est largement incitatif. Elles
perçoivent également des primes selon le nombre de placement réussi. Jusqu’alors
peu utilisé, le recours au travail temporaire est actuellement encouragé depuis les
nouvelles règles sur le travail temporaire, entrées en vigueur le 1er janvier 2004.
L’objectif devient désormais double : favoriser le retour à l’emploi des chômeurs
35
de longue durée, et que les contrats de travail temporaires soient progressivement
transformés en contrat de longue durée.
Au final, on voit que chacun des pays étudiés à lancer des réformes dont l’objectif
premier est la recherche d’une meilleure efficacité du système de placement. Cela
passe par une modernisation des structures publiques de placement. Ces structures
sont désormais gérées comme de vraies entreprises en Allemagne et au Royaume-
Uni, pratiquent une gestion par objectifs, et ont mis en œuvre une politique
salariale motivante. L’agence britannique est exemplaire : elle considère que ses
clients sont aussi bien les entreprises à la recherche de personnel que les
demandeurs d’emploi à la recherche d’un emploi.
Lees prestataires privés ne sont pas mis de côté : leur rôle est même croissant. Ils
collaborent ainsi avec les structures publiques de placement, que cette coopération
soit institutionnalisée (cas de la Belgique et de l’Allemagne) ou informelle
(Grande-Bretagne). Cette orientation générale est conforme à la Convention
C.181 de l’O.I.T, qui reconnait explicitement le « rôle que les agences d'emploi
privées peuvent jouer dans le bon fonctionnement du marché du travail », quand
la recommandation R.188 propose un cadre de coopération avec le service public
de l’emploi.
36
Les exemples européens que nous venons de voir ainsi que la jurisprudence
communautaire, avec l’arrêt que nous avons étudié auparavant, ont exercé une
réelle influence sur la réforme que la France vit depuis 2002. Cette influence
transparaitra principalement dans les objectifs et moyens du Plan de Cohésion
Sociale (Plan « Borloo »), qui préfigure la loi de programmation de cohésion
sociale (dite « Loi Borloo »).Nous ne pourrons faire l’économie d’un détour par
les réactions des partenaires sociaux dans les débats qui ont précédé l’adoption de
la loi de programmation de cohésion sociale et après son adoption..
Le Plan « Borloo » est un « plan d’action », qui a donc pour but de répondre à une
urgence18. Il repose sur trois piliers : l’emploi, le logement, l’égalité des chances.
Partant du fait que 30% de richesses créées serves à financer la protection sociale,
le ministre constate néanmoins l’échec latent des politiques menées jusqu’alors :
le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion s’envole, les ménages
sont de plus en plus endettés, des faits de racisme se développent malgré leur
répression, les logements indécents sont de plus en plus présents alors que le
chômage des jeunes en zones urbaines sensibles explosent alors que le chômage
structurel s’accompagne d’exclusion ; la situation s’est même dégradée pendant
les périodes de croissance soutenue.
18
D’où l’adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale selon la procédure
d’urgence
37
Pour le problème qui nous concerne, il n’existe étonnamment qu’un unique
programme, important et modestement annoncé, de lutte contre le chômage. Il
s’agit de « fédérer les acteurs pour un nouveau contrat avec les demandeurs
d’emploi ». La mesure-phare, outre le contrat de première embauche, qui, pour les
raisons que nous connaissons, a été abandonné, est la création des maisons de
l’emploi, qui ont vocation à réunir, dans un même lieu, toutes les agences
concourant au service public de l’emploi, c’est-à-dire l’Etat, l’UNEDIC et
l’A.N.P.E., et de multiples partenaires, comme les collectivités territoriales, les
missions locales, les organismes consulaires, l’association de formation pour
adultes (AFPA), « pour mieux anticiper et répondre aux besoins de recrutement ».
Par ailleurs, « l’ensemble du dispositif de placement des demandeurs d’emploi
sera réformé au service d’un nouvel équilibre des droits et devoirs : l’ouverture du
marché du placement (…) recevra un support juridique ».
Ces deux articles ont des conséquences importantes sur l’organisation du marché
du travail :
38
- Ils mettent fin au monopole de placement de l’A.N.P.E. en ce qui concerne les
demandeurs d’emploi, mais lui accordent un « monopole de prescription », en ce
que les demandeurs restent obligés de s’y inscrire, donc un rôle de conseil, dans le
recours aux dispositifs de reclassement, de formation et d’accompagnement des
demandeurs d’emploi.
Par ailleurs, l’A.N.P.E. peut désormais créer des filiales et facturer ses services de
placement aux employeurs19.
Enfin, deux nouveaux cas de recours sont créés, et dont l’usage semble peu
fréquent. Ainsi, il devient possible de recourir au travail temporaire lorsque la
mission vise à faciliter l’embauche de personnes sans emploi rencontrant des
difficultés sociales et professionnelles particulières (dont les chômeurs de longue
durée), ou lorsqu’elle est destinée à assurer un complément de formation
professionnelle au salarié, auquel cas la durée du contrat ne peut être inférieure à
10 fois la durée de la formation, avec un minimum de 1 mois.
19
Article L311-7 :« Pour l'exercice de ses missions, l'Agence nationale pour l'emploi peut, en tant
que de besoin, prendre des participations et créer des filiales. Ces filiales peuvent fournir des
services payants sauf pour les demandeurs d'emploi. Un décret en Conseil d'Etat fixe la nature des
activités pouvant être exercées par ces filiales, apporte les garanties de nature à prévenir toute
distorsion de concurrence avec les opérateurs privés et précise les conditions dans lesquelles ces
filiales sont créées, ainsi que les modalités dans lesquelles s'exerce le contrôle de l'Etat. »
39
ii. Les réactions des partenaires sociaux
Ainsi, à titre d’exemple, du côté des salariés, la CGT considère que le plan est un
plan en plus pour accompagner la précarité ; CGT-FO s’inquiète que le Code du
Travail puisse ne pas être simplifié à droit constant ; la CFTC salue une approche
qui rompt avec l’approche « pro-patronale » des gouvernements qui ont précédé.
Du côté du patronat, le MEDEF estime que le plan de cohésion sociale va dans le
bon sens, puisqu’il favorise l’insertion professionnelle des personnes les plus en
difficulté, pendant que l’UPA parle d’un plan « positif mais lacunaire », rappelant
que les propositions qu’il contient pour les titulaires du revenu minimum
d’insertion (R.M.I.) ne combattront pas le chômage à la source.
20
http://www.emploietcreation.info/article-2939847.html
41
***
21
Pour plus de détails sur la réforme du service public de l’emploi, voir le récent discours de
Christine LAGARDE en date du 6 décembre 2007 (source : http://www.minefi.gouv.fr/)
42
Parallèlement, les entreprises de travail temporaire ont, elles, dû entamer une
réflexion sur la mise en place de nouvelles organisations afin de pouvoir proposer,
à leurs clients une gamme plus complète de services, en anticipation de leurs
besoins, et de pouvoir ainsi mieux répondre à leurs besoins.
43
Chapitre III : L’adaptation au marché du placement
Ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « agences d’emploi », et non plus
« agences d’intérim », ont donc vu leurs cadres de compétences augmenter. Les
prestations de placement et suivi des demandeurs d’emploi en coopération avec le
service public d’emploi deviennent possibles. De même, les prestations de
recrutement en contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée le sont
également. Ainsi, entre 2006 et 2007, ce ne sont pas moins de 40.000 personnes
qui en ont bénéficié, un chiffre en hausse de 47% par rapport à l’année qui
précède, faisant des agences d’emploi le premier opérateur privé du recrutement
en France (PRISME, op. cit.).
44
Le modèle générique se présente sous la forme suivante :
45
l’agence sera, au final, une relation d’ingérence. Cette relation, aussi courte soit-
elle, comportera pour l’essentiel un aspect « coaching » : le candidat saura
exactement ce que l’entreprise cliente attend de la personne qui sera recrutée pour
ses besoins, quelles missions lui seront dévolues, quelle personnalité elle souhaite
recruter…
Cette concurrence accrue doit donc nous conduire à étudier les capacités de
réponses des agences d’emploi sur le marché du placement, qui sont, pour
l’essentielle, fondée sur la taille de ces entreprises.
En effet, les agences d’emploi comptent sur un réseau de plus de 6.600 agences
implantées sur toute la France, qui emploient près de 23.000 salariés permanents
(PRISME, 2008). Les trois leaders du marché du travail temporaire (Adecco,
VediorBis et Manpower) disposent chacun d’un réseau de plus de 1.000 agences,
sans même compter les agences spécialisées, lesquelles développent un vivier de
candidats spécialisés ainsi qu’une organisation et une politique commerciales
particulières à chaque spécialisation, et les cellules de négociation avec les Grands
Comptes, qui négocient avec les services « Achats » et proposent des « offres
46
globales » intégrant des services annexes. Grâce à ces implantations, les agences
jouissent d’un maillage dense qui les rapproche des clients mais aussi des
candidats, ce dont ne disposent pas les cabinets.
L’ensemble des agences d’emploi a, par ailleurs, dans sa base de données, des
informations sur plusieurs millions de candidats non cadres, dont plusieurs
millions ont déjà passé des entretiens avec les recruteurs en agence, pour des
missions de travail temporaire (on rappellera les 2,3 millions d’intérimaires
détachés pour l’année 2007), mais qui serviront néanmoins pour les recrutements
en C.D.D. et C.D.I.
On ne saurait trop rappeler que cette importance des agences leur a permis de
bénéficier de ressources financières considérables. Les bénéfices engrangés ces
dernières années sont largement mis à profit dans les campagnes de
communication à l’échelle nationale, ce que les trois leaders savent parfaitement
faire. Proportionnellement, les cabinets ont, eux, plus soufferts depuis 2001.
Parmi ces campagnes, on notera que l’existence de sites carrière (Keljob, Monster,
Apec,…) sur Internet permet à chacune des enseignes de drainer un nombre
important de visiteurs (de l’ordre de 260.000 par mois environ pour chacun des
trois leaders). Les enseignes n’hésitent pas à augmenter leur visibilité en achetant
aux sites emploi des packs illimités d’annonces.
Cependant, si les agences d’emploi bénéficient de la taille comme bel atout pour
rivaliser avec les cabinets, des changements capitaux restent à opérer, qui portent
sur les systèmes d’information, le recrutement des candidats et les mentalités des
personnels permanents.
47
En premier lieu, il faut être conscient de l’inadaptation des systèmes
d’information des agences. Si elles savent lancer des campagnes de
communication et effectuer du sourcing sur Internet, en revanche les outils dont
elles disposent se révèlent inefficaces pour traiter de manière fine les candidatures
qu’elles peuvent recevoir : peu nombreuses sont celles capables de gérer
efficacement des CV au format Word ou les candidatures en ligne. Le fait de trier
efficacement et de pouvoir présenter une candidature de façon professionnelle
prend alors beaucoup de temps.
De plus, les candidats sont plutôt jeunes (plus de 35% ont moins de 25 ans), et
débutants. La population ouvrière, qualifiée et non qualifiée, représente plus de
80% des effectifs détachés en 2007, et les cadres ne comptent que pour 2% du
total. De même, les profils commerciaux sont pratiquement absents de ces bases
de données.
Enfin, les mentalités sont à changer. L’évolution du cadre légal a été relayée par
les médias mais finalement peu présentée aux personnels permanents. Ceux-ci ne
semblent pas percevoir les enjeux de la libéralisation du marché du placement, qui
doit permettre aux agences de diversifier leur portefeuille d’activité et donc de ne
plus être tributaire de la seule évolution de l’activité du travail temporaire. Les
permanents restent finalement encrés dans une logique d’immobilisme, alors
même que le marché est en perpétuel mouvement, et qu’il ne faut pas rester
focaliser sur le nombre d’intérimaires au « planning », les parts de marché
contrats,… mais bel et bien sur ce qui est l’objectif de toute entreprise : le résultat
d’activité. L’activité de travail temporaire permet de pouvoir dégager
approximativement 4 à 6% en marge brute. Dans le cas du recrutement, le taux de
marge est bien plus proche des 80%...
48
l’élaboration de produits nouveaux, pour mieux se positionner sur le marché du
placement.
49
Marseille, Bordeaux et Nantes, en complément des 80 agences de travail
temporaire du réseau.
50
***
Au final, l’analyse interne nous a démontré, s’il en était besoin, que les agences
d’emploi ont les moyens matériels et les compétences pour occuper des parts de
marché potentiellement importantes.
Par ailleurs, l’offre de services correspond à ce que les entreprises sont en droit
d’attendre : des agences et des personnels dédiés à la seule activité du
recrutement, qui s’ajoutent à celles qui officient pour des secteurs particuliers. Les
chiffres sont là : le PRISME (le syndicat « Professionnels de l’Intérim et des
Services et Métiers de l’Emploi ») fait état de 40.000 prestations de recrutement
en C.D.D. et C.D.I. pour l’année 2007. Les recrutements ouvriers comptent pour
32%, idem pour les employés, contre 22% et 12% respectivement pour les
techniciens et les cadres. N’en déplaise à Jean-Jacques DURIZY22, le « rouleau
compresseur intérim » devient de mieux en mieux « huilé », et commence à
chasser de manière agressive sur les terres des cabinets conventionnels.
22
« Avant que le "rouleau compresseur" intérim soit parfaitement huilé, les cabinets
conventionnels ont quelques beaux jours devant eux ... et les recruteurs ont tout à gagner en faisant
jouer la concurrence au moins sur les profils non cadres et les recrutements volumiques. » Jean-
Jacques DURIZY a occupé pendant plus des 15 ans divers postes à la direction des opérations du
Groupe Adecco.
51
CONCLUSION GENERALE
52
chômeurs peut être d’une efficacité redoutable, et que celle qui entend favoriser la
libéralisation du placement l’est tout autant.
Si la réponse est négative pour les deux cas envisagés, alors les agences d’emploi
risquent d’éprouver bien des difficultés, et devront trouver une autre porte de
sortie…
53
Table des annexes
54
Annexe 1. : Taux de chômage en baisse depuis 2006
Source : INSEE
55
Annexe 2. : Evolution comparée du PIB et de l’emploi intérimaire
56
Annexe 3. : Evolution mensuelle de l’emploi temporaire en E.T.P.
57
Annexe 4. Nombre de chômeurs et taux de chômage
58
Annexe 5. : Taux d’emploi et d’activité au sens du B.I.T. des 15-64 ans
59
Annexe 6. : Variation trimestrielle et glissement annuel du P.I.B en volume
Source : INSEE, Le PIB et ses composantes - Comptes de la Nation (2e trimestre de 2008 -
premiers résultats
60
Annexe 7. : Evolution de l’emploi intérimaire en E.T.P
61
Annexe 8. : Les 15 métiers rassemblant le plus
grand nombre de projets de recrutements en 2008
62
Bibliographie
Sites Internet
Arrêt CJCE, 23 avril 1991, « Klaus Höfner et Fritz Elser c/Macroton », Rec.
CJCE. Egalement disponible en ligne [http://eur-lex.europa.eu]
Loi n° 2008-758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des
demandeurs d'emploi, Journal officiel de la République française, 2 août 2008,
pp.12371-12373
AFP (10 avril 2008) « L'ANPE amorce le "long et difficile" processus de fusion
avec les Assedic ». En ligne
[http://afp.google.com/article/ALeqM5hMDsmWyYDLe08RLWrdnhrMxohIrw]
63
BALBASTRE, G. (2001). Film documentaire « Le chômage a une histoire (1967-
1981) », La Cinquième – Point du jour - INA, Coll. Week-end Magazines. En
ligne [http://lbsjs.free.fr/Balbastre/Balbastre_chomage.htm] : 2 x 52 min.
BASTIDE, J. ; BOURDEAUX, D. ; BRIN, H. ; LAROSE, C. (2004). Avant-
projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Avis et Rapport du
Conseil Economique et Social. En ligne [http://www.conseil-economique-et-
social.fr/rapport/doclon/04083125.pdf]
BELKACEM, R. ; KORNIG, C. ; MICHON, F. (2006). « Les origines du travail
intérimaire et son développement en Europe ». En ligne
[www.workinglives.org/jist2007/02%20Precarisation/Belkacem,Kornig,Michon.d
oc]
Le Working Lives Research Institute est un centre de recherche qui a ses locaux
au sein de la London Metropolitan University. Les recherches qui y sont menées
sont focalisées sur la sociologie du travail, la justice sociale et l’équité, pour et en
collaboration avec les principales organisations syndicales au Royaume-Uni.
BUNDESANSTALT FÜR ARBEIT (2001). Eckpunktepapier zum Job-Aktiv-
Gesetz. Chronik der Arbeitsmarktpolitik. Institut für Arbeitsmarkt- und
Berufsforschung. En ligne
[http://doku.iab.de/chronik/32/2001_05_01_32_eckp.pdf]
CAIRE, G. (1973). Les nouveaux marchands d'hommes ? Étude du travail
intérimaire, Economie et Humanisme. Coll. Relations Sociales. Paris : Les
Editions Ouvrières.
DAYAN, J.-L. (1996). « 45 ans de marché du travail dans les grands pays
industrialisés », in INSEE Première, n°424 (Janvier). Paris : INSEE.
64
DURIZY, J.-J. (2005) « Placement : choisir l’intérim ? ». Publié le 4 avril. En
ligne [http://www.focusrh.com/article.php3?id_article=506]
65
MULLER, M. (1991). Le pointage ou le placement, Histoire de l’ANPE. Coll.
Logiques Sociales. Paris : L’Harmattan.
66