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Travail présenté à
HST-17789
(Section A)
Université Laval
Automne 2007
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INTRODUCTION
Cette lettre nous projette dans le royaume de France du XVI e siècle ou, plus
précisément, en 1572. La troisième guerre civile (1568-1570 1) a cessé, grâce à l’édit de
Saint-Germain, toutefois la haine réciproque entre les catholiques et les huguenots, des
calvinistes français (protestants), n’arrête pas de grandir2. L’édit de Saint-Germain, signé
le 8 août 1570, est l’une des dispositions prise par l’autorité royale (Charles IX (1550-
1574) et son Conseil) afin d’apaiser le conflit entre les huguenots et les catholiques. Dans
cet édit de pacification, les huguenots « obtiennent donc, pour la première fois, quatre
places de sureté pour deux ans : La Rochelle, Cognac, La Charité-sur-Loire et
Montauban »3. « Le culte réformé est autorisé dans les maisons des seigneurs hauts-
justiciers, dans les lieux où il était célébré jusqu’au 1er août 1570, et dans les faubourgs de
deux villes par gouvernement4 ». Cette législation est mieux conçue que les autres
signées précédemment, mais il reste qu’elle est caractérisée comme étant « boiteuse et
mal assise »5. Aussi, le roi de France, Charles IX, accuse ses sujets huguenots de vouloir
diminuer son autorité et, de l’autre côté, ceux-ci suspectent les conseillers du souverain
de souhaiter installer en France une tyrannie étrangère aux traditions de liberté du
royaume6. Ainsi, on peut percevoir des soupçons dans les deux camps où les tensions ne
cesseront pas de monter.
La paix de Saint-Germain ne va durer que deux ans. La colère des catholiques
n’arrête pas d’augmenter dans le royaume de France. La tension s’élève d'un cran le 18
août 1572, durant le mariage entre Marguerite de Valois (catholique), sœur du roi, et
Henri de Navarre (roi de Navarre protestant). Beaucoup de chefs huguenots se sont
1
VRAY Nicole. La Guerre des Religions dans la France de l’Ouest Poitou-Aunis-Saintonge 1534-1610.
Geste Éditions, La Crèche, 1997, p. 87.
2
JOUTARD Philippe et al. La Saint-Barthélemy Ou les résonnances d’un massacre. Collection Zethos,
Suisse, 1976, p. 24.
3
JOUANNA Arlette. La France du XVIe siècle 1483-1598. Quadrige/PUF, Paris, 2006, p.457.
4
Ibid.
5
Ibid.
6
Ibid.
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7
DAUPHIN Louis et al. Charles IX Récit d’histoire. ADOSA, France, 1993, p.233.
8
Ibid.
9
JOUANNA Arlette. op. cit., p.468.
10
Ibid. p. 469.
11
Ibid. p. 456.
12
VRAY Nicole. op. cit., p. 136.
13
JOUANNA Arlette. op. cit., p.469.
14
DAUPHIN Louis et al. op. cit., p.237.
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roi ne veut pas qu’on lui reproche le meurtre des huguenots. Le Conseil conclut un
massacre universel dans tout le royaume de France. Toutefois, le roi de Navarre et le
prince Henri de Condé devaient être épargnés 15. C’est ainsi que le massacre de la Saint-
Barthélemy commence. En effet, la première partie de la tuerie s’effectue au Louvre et
dans les hôtels des princes protestants16. Coligny, assassiné par les hommes du duc de
Guise, est l’un des premiers protestants à être tué 17. Par la suite, le peuple catholique
réagit avec une fureur incroyable et il est impossible de le contrôler. « De nombreux
témoignages ont rapporté l'acharnement particulier sur les corps des victimes dénudés,
traînés dans la boue par des enfants, décapités, émasculés 18 ». Par ailleurs, dès le 25 et le
26 août 1572, le roi prend la parole devant le Parlement de Paris et il affirme qu’« il
revendiquait ouvertement la responsabilité des meurtres et disait qu’il avait été obligé de
sévir pour empêcher une conspiration huguenote imminente 19 ». Les massacres de Paris
ne cessèrent pas avant le 29 août 157220 . Au total, dans la capitale, entre 2 000 et 4 000
personnes ont péri. Par la suite, les tueries se sont poursuivies dans tout le royaume de
France entre la fin août et la mi-septembre 21. En effet, que ce soit à Orléans, Meaux,
Troyes, Rouen et Lyon, plusieurs villes françaises sont touchées. « En tout, en France, les
« Saint-Barthélemy » ont fait peut-être jusqu’à 10 000 victimes22 ». La France replongera
alors dans une quatrième guerre de religion (1572-1573) qui va durer plus de deux
décennies.
L’auteur de cette dépêche est le cardinal Galli et de son vrai nom : Ptolémée
Gallio. Ce cardinal avait un grand pouvoir sous le pontificat de Grégoire XIII. En effet,
Sa Sainteté lui avait confié « le soin de toutes les affaires de l’État 23 ». Aussi, il a été « un
des plus riches cardinaux de son temps ». « Sous Grégoire XIII, Ptolémée Gallio, cardinal
de Côme, » recevait et répondait aux correspondances des nonces 24. « Il est mort à Rome
le 3 février 1607, à l’âge de 82 ans25 ». Le destinataire est bien sûr l’évêque Antonio
Maria Salviati, qui était le nonce apostolique en France et servait d’ambassadeur
permanent du pape auprès du roi, Charles IX. Salviati fait partie de la même famille que
la reine mère, Catherine de Médicis26. Cependant, dans la lettre, on peut comprendre que
Grégoire XIII n’est pas très content du travail de Salviati auprès du roi et le cardinal
Orsini sera envoyé comme légat afin de remédier à la situation27.
Le document est incomplet, l’original est en italien et il est répertorié dans les
Archives de l’Occident, t. III, Les Temps modernes 1559-1700, aux pages 50 à 52. On
peut faire ressortir de ce document trois grandes sections. Il est question du doute que Sa
Sainteté avait au sujet des massacres qui se sont passés en France (l. 1 à 6). Le message
informe également au sujet des célébrations fêtées par le pape et les cardinaux à Rome
23
MIGNE L’Abbé. Dictionnaire des cardinaux. Éditeur de la bibliothèque universelle du clergé, Paris,
1857, p.952.
24
JOUANNA Arlette et al. Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Robert Laffont, France, 1998,
p.1160.
25
MIGNE L’Abbé. op. cit., p.952.
26
CHAMPION Pierre. Charles IX La France et le contrôle de l’Espagne Après la Saint-Barthélemy.
Éditions Bernard Grasset, Paris, 1939, p. 143.
27
KARTTUNEN Liisi. Grégoire XIII comme politicien et souverain. Société de littérature finnoise,
Helsinki, 1911, p. 4.
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DÉVELOPPEMENT
28
ROMIER Lucien. Société des études rabelaisiennes - Revue du seizième siècle. Gallica, Paris, 1913, p.
529.
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d’arrêter tous les huguenots dans les provinces de France29. Toutefois, Salviati était le
nonce apostolique (représentant du pape auprès des Églises particulières et du
gouvernement d’un ou plusieurs États30) en France et il fallait attendre la confirmation
officielle de celui-ci avant que le Saint-Siège puisse célébrer 31. En effet, la certification de
l’évêque Salviati est arrivée à Rome le 5 septembre 1572, durant la nuit 32. Grâce à cette
dépêche, le pape ne doutait plus des évènements arrivés et pouvait enfin célébrer cette
grâce accordée par Dieu. Cependant, selon la revue du seizième siècle, le pape a voulu
« ordonner incontinent des feux de joie » lorsqu’il a reçu sa première lettre de Lyon 33. Un
certain « Ferrals s’ [est objecté] qu’avant de solenniser la nouvelle, il fallait attendre que
le roi et le nonce [aient envoyé une confirmation officielle] 34». Ainsi, on peut créer
comme hypothèse que si le pape Grégoire XIII voulait célébrer si hâtivement cette
nouvelle (sans attendre la confirmation du nonce et du roi), c’est qu’il était sûrement
complice, qu’il savait ce qui se passerait à Paris dans le mois d’août 1572 et qu’il voulait
au plus vite savoir si son plan avait fonctionné.
À la ligne 7, il est écrit dans le document que le cardinal Orsini a été nommé
comme légat (un envoyé du Saint-Siège pour une mission particulière35) par le consistoire
(assemblée de cardinaux). Effectivement, « le légat Orsini devait recevoir la croix et
l’institution dans le consistoire du 5 septembre (une erreur qui est dans l’ouvrage, car ce
fait est mentionné dans le document qui est daté du 8 septembre), partir aussitôt et
voyager très vite36 ». « Un des motifs de la création du légat Orsini était précisément que
29
Ibid., p. 530.
30
LE TOURNEAU Dominique. op. cit., p.428.
31
ROMIER Lucien. op. cit., p.530.
32
Ibid., p.531.
33
Ibid., p.530.
34
Ibid.
35
JOUANNA Arlette et al. op. cit., p.1026.
36
ROMIER Lucien. op. cit., p.531.
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la Curie n’avait aucune confiance dans le zèle de Salviati 37 ». Ainsi, on peut croire que
l’évêque Salviati n’était pas très compétent aux yeux des cardinaux de Rome. Aussi, le
cardinal Flavio Orsini a été envoyé en France pour rappeler les devoirs au roi Charles IX
et pousser celui-ci à épauler l’Espagne catholique dans la pacification des Pays-Bas 38.
C’est durant ce même consistoire que le pape a annoncé la grande nouvelle du massacre
de la Saint-Barthélemy aux cardinaux rassemblés. Selon la correspondance, tous sont
réjouis et ils ont montré une joie très vive en entendant cette nouvelle.
37
Ibid., p.559.
38
KARTTUNEN Liisi. op. cit., p. 4.
39
CHAMPION Pierre. op. cit., p. 127.
40
Ibid.
41
Ibid. p. 316.
42
LENOIR Alexandre. op. cit., p. 19.
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Également, aux lignes 20 et 23, le cardinal Galli rappelle au nonce Salviati qu’il
aurait dû insister davantage afin de faire annuler l’édit de Saint-Germain. On peut
comprendre dans le document et supposer que, sans cet édit de pacification, le peuple
aurait été justifié dans la purification chrétienne du royaume de France et la boucherie du
24 août aurait sûrement tué encore plus de huguenots, à la grande joie de Grégoire XIII.
Aussi, Ptolémée Gallio rajoute, aux lignes 23 et 24, que les Anglais et les
Allemands n’ont pas accepté les crimes commis à Paris durant la nuit du 24 août 1572 et
ceci à « soulever quelques difficultés ». Effectivement, les Anglais disaient de Charles IX
qu’il « [était] maintenant devenu si sanglant qu’il [était] impossible d’étancher sa soif
d’un sang d’innocent45 ». Ce qui était le plus choquant pour les Anglais, c’était le fait que
le roi de France est violé sa parole royale en faisant tuer les huguenots et en ne respectant
43
CHAMPION Pierre. op. cit., p. 170.
44
Ibid.
45
Ibid. p. 108.
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pas l’édit de Saint-Germain46. « Les Anglais, comme les Allemands, parlaient des
Français comme d’une nation de barbares47 ».
Par ailleurs, Ptolémée Gallio, au nom de Sa Sainteté, est très content que ce
massacre se soit généralisé dans d’autres villes de la France, dont Lyon et Rouen. En
effet, à Lyon, entre le 31 août et le 2 septembre 1572, les principaux huguenots sont mis
en prison par le gouverneur Mandelot, mais environ 700 prisonniers sont tués et jetés
dans le Rhône48. À Rouen, entre 300 et 400 victimes sont massacrées aussi dans la prison
entre le 17 et le 20 septembre 1572 49. Cependant, la lettre est datée du 8 septembre 1572,
il est donc impossible que le Saint-Siège sache ce qui s’était passé à Rouen. Toutefois,
selon le dictionnaire des guerres de religion, environ 3 000 protestants ont réintégré
l’Église catholique dans la ville de Rouen. C’est sûrement à cette conversion que le
cardinal Galli faisait allusion.
La chronique se termine, dans les lignes 26 à 28, sur le fait que Sa Sainteté veut,
à tout prix, que l’édit de Saint-Germain soit abrogé et que le nonce Salviati persuade le
roi de l’annuler. Grégoire XIII a sûrement été heureux, puisque l’édit de Saint-Germain
« est balayé par le séisme de la Saint-Barthélemy 50 ». Effectivement, ce sont dans ces
circonstances que la France entrait dans sa quatrième guerre civile qui opposait les
catholiques aux huguenots.
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES GÉNÉRAUX
51
Ibid. p. 198.
52
Ibid.
53
Ibid. p.954.
54
BOUTRY Philippe et al. Dictionnaire historique de la papauté. Librairie Arthème Fayard, 1994, p. 761.
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BOUTRY Philippe et al. Dictionnaire historique de la papauté. Librairie Arthème Fayard, 1994,
1759 p.
JOUANNA Arlette. La France du XVIe siècle 1483-1598. Quadrige/PUF, Paris, 2006, 690 p.
JOUANNA Arlette et al. Histoire et dictionnaire des guerres de religion. Robert Laffont, France,
1998, p.1026.
II. ÉTUDES
KARTTUNEN Liisi. Grégoire XIII comme politicien et souverain. Société de littérature finnoise,
Helsinki, 1911, 103 p.
III. PÉRIODIQUE
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ROMIER Lucien. Société des études rabelaisiennes - Revue du seizième siècle. Gallica, Paris,
1913, 638 p.
MEMO – Le site de l’histoire, (page consultée le 30 octobre 2007), [en ligne], adresse URL :
http://www.memo.fr/Article.asp?ID=MOD_GRE_005.