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ACTES SEMIOTIQUES - DOCUMENTS VI, 60. 1984 Sémiotique figurative et sémiotique plastique par A.J. Greimas Groupe de Recherches sémio-Linguistiques (W.R.L.7 de l'Institut National de 1a Langue Francaise) © Institut National de 1a Langue Francaise, 1984 Préface a une postface Crest un texte assez curieux qui est soumis aujourd'hui & I'appréciation du lecteur: il s'agit en fait de 1a postface d'un ouvrage collectif ditigé par Jean-Marie Floch, intivulé De I'abstrait au figuratif et qui, pour des raisons "techniques", "indépendantes de notre volonté™, n'a jamais vu le jour. 1 con vient, par conséquent, de le lire a la fois comme une annonce de I"ouvrage de Floch, Petites mythologies de l'oeil et de Mesprit, qui paraftra trés prochaine- ment, et comme une interprétavion bienveillante du Paul Klee de ThUtle~ mann (1), Ce texte, qui est bien daté et qui date peut-etre un peu, mérite d'etre publié ne serait-ce que parce qu'il retrace le lent mouvement de maturation de I'atelier de sémiotique visuelle, réuni d'abord par notre ami a tous Abraham Zemsz, et conduit ensuite sans interruption et avec persévérance par Jean-Marie Floch (avec, pour collaborateurs, Félix Thtirlemann, Denis Alkan, Diana Pessoa de Barros, Ada Dewes, Alain Vergniaud et autres) qui a su mener & bien un projet théorique et coordonner des analyses concrétes consistantes, alors que Iauteur de ces lignes se contentait du rOle d'observateur et de conseiller. Si ce texte - mais peut-etre aussi nos efforts communs de nagudre ~ datent un peu, c'est d'abord pour des Faisons extrinsques :s'll nous a paru important de savoir ~ sémiotiquement ~ en quoi l'art abstait était un art, le changement de point de vue, phénoméne de mode, est lisible déja dans le glissement qu'enre- Bistre Iintitulé de Louvrage avorté. Que les aémirateurs naguBre exclusifs d*un Vivaldi ou d'un Alberone, ayant passé avec armes et bagages aux opéras de Verdi, nous jettent 1a premiere plerre, (2) Jean-Marie Floch, Petites mythologies de I'ceil et de W'esprit, Paris-Amster- dam, Had®s-Benjamins, collection Actes Sémiotiques, 1985 ; Félix Thurlemann, Paul Klee. Analyse sémiotique de wols peintures, Lausanne, L’Age d'Homme, 1982. Les progrés intemes de la sémiotique générale ont joué un rOle déterminant. ‘Ainsi la réflexion collective entreprite sur les problémes de la figurativité, ame~ nant & recoanaftre plusieurs niveaux de profondeur od elle se manifestait et s*ex- plicitait, ne pouvait que provoquer, par ricochet, le séexamen des acquis provi~ soires de la sémiotique visuelle : 1a sémiotique plastique, par exemple, ne cor- respondait-elle pas au niveau profond et abstrait de la figurativité, concept de portée plus générale ? De meme, si le pictural, offrant d'habitude ses surfaces cadrées, se prétait bien aux analyses en profondeur de type paradigmarique, on peut se demander si la modélisation syntagmatique y a été suffisamment exploi- tée, De nouveaux problémes ~ ou de vieux problémes rajeunis ~ se posent enfin: quien est-il de ces systmes de connotation collectifs, de nature pathémique, mythique ou épistémique, qui, étrangers au plastique dénotatif, recouvrent, par panneaux entiers, les toiles et les époques ? Autant de questions, parmi beaucoup dtautres, que le texte que voici, écrit aujourd’tul, aurait taitées. ALG. 1988 Sémiotique figurative et sémiotique plastique I. LA FIGURATIVITE 1.1. Sémiotique visuelle Si l'une des raisons d'etre de 1a sémfotique consiste a appeler a Iexistence de nouveau domaines d'interrogation du monde et & les alder & se constituer en disciplines autonomes dans le cadre génézal d'une anthropologie, on reconnaftra que, malgré les efforts déployés lors des dernitzes décennies, elle a jusqu'a pré- sent trds mal réussi a dominer le vaste champ de significations qu'on essaie de regrouper, en considérant leur mode d'expression, sous le nom de visuel. La théo- Hie du visuel ~ et encore moins celle de I'audio-visuel, qui nest qu'une étiquette commode ~ est loin d'etre élaborée, et la sémiotique visuelle (ou la sémiologic de I"image) n'est souvent qu'un catalogue de nos perplexités ou de fausses évi~ dences. 11 est communément admis de définir d'abord 1a sémiotique visuelle par son comcitre construit, artificiel, en Iopposant ains| aux langues “naturelles” et aux moades "naturels™, ces deux macro-sémiotiques 8 l'intérieur desquelles nous in- stre, bien malgré nous, notre condition d’hommes. Définition qui, pour évidemte quelle soit, ne manque pas d"apparaftre quelque peu artificielle : comment s6- parer, par exemple, la gestualité “naturelle”, celle qui accompagne nos discours verbaux, des langages des sourds-muets ou des moines silencieux, alors que leurs formes élémentaires paraissent & I'analyse comme identiques ? De quel c0té situer cette visualité 8 la fois “naturelle” ~ parce qutelle te manifeste, "wanseodée", A Vintérieur de nos discours verbaux ~ et “artificielle" ~ parce qu'elle constitue, sous formes d°"images", une composante essentielle du langage poétique construt ? On pense pouvoir en restreindre Mobjet d*investigation en définissant la sémio- tique visuelle par son support planaire, en chargeant ainsi la surface de parler de espace tri-dimensionnel : les manifestations picturale, graphique, photographt- que se trouvent alors réunies au nom d'un mode de “présence au monde” commun. Mais une elle sémiotique planaire comprend, de plus, les différents types d'écri~ tures, Les langages de représentation graphiques, etc.,, laissant s'évanoutr, & peine entrevue, la spécificité du visuel planaire. Bien plus, Le choix du mot sémlotique pour détigner le champ d'exploration qu'on cherche 4 se constituer n'est pas innocent : il implique que les barboutlla~ ges qui recouvrent les surfaces utilisées a cette fin constituent des ensembles si- gnifiants et que des collections de ces ensembles, dont les limites restent & pré~ ciser, sont, a leur tour, des systmes signifiants, C'est 1a une hypothése forte qui justifie Vintervention de 1a théorle sémfotique et qui, dabord, ne permet pas de se satisfaire d'une définition qui ne prendrait en considération que 12 matérialité des traces et des plages imprimées sur un support. 1.2, Systemes de représentation Deux traditions culturelles ~ l'une philosophique et esthétique, Iautre logico-mathématique ~ concourent pour faire du concept de représentation le point de départ obligatoire de Ia réflexion sur la visualité. Les configurations visuelles, construites sur des surfaces planes, sont~elles des représentations ? Ces configurations, d'autre part, au moment od elles sont produites, convergent elles vers un meme but, sont-elles régies par un “code” grace auquel elles peuvent etre “ues” ? Si oui, ces ensembles sont-ils des syst@mes de communication (com- sme les signaux de 1a route, par exemple), de formulation (comme des schémas et des graphies) ou de “conception” (comme des plans d'architecte) ? &t finale~ ment : ces systtmes, s'ils sont reconnus comme tels, sont-ils des langages, autre- ment éit, peuvent-ils parler d'autre chose que d'eux-memes ? Toutes ces ques~ tlons qui semblent implicitement comporter des réponses positives toutes faites, sont pourtant loin dvewe triviales. Lorsgu'on séfléchit sur un type particulier de manifestation planaire quest écriture, peut-on dire, par exemple, que la lettre /o/ es une figure construite ut “représente™ le son *o", figure “naturelle” 7 Et quc signifié dans ce cas le mot “représente” ? La lene n'est certainement pas iene du son, il n'y a au- cune “restemblance" entre les deux figures, La représentation n'est dans ce cas due 1a correspondance entre l'ensemble des lettres (et des graphies) et I'ensem= ble des sons ou, plutde, 1a correspondance entre deux systtmes ~ graphique et phonique ~ telle que les unités-figures produites par un des systemes peuvent tre globalement homologuées avec les unités-Figures d'un autce syst@me, sans qu‘aucun Hien “naturel” s'érablisse terme & terme entre tes deux sortes de figures. En fait de ressemblance, on ne peut parler que é'anslogie entre les deux syst mes, ce qut est tout autre chose. then va tout autrement lors de 1a construction ~ ou de Iutilisation ~ des systmes de représentation logiques que sont, par exemple, les langages formels. Bien que ces langages emploient parfois le méme “alphabet” que I"écriture ~ c'est 18 une des raisons de 1a convocation de cet exemple ~ organisation inteme des figures visuelles les laisse indifférents : alors que I'écriture en tant que syst®me repose sur les oppositions des traits graphiques ("batonnets", “ronds", “crochets", etc.) , les langages formels considérent les lettres qu‘ils utilisent comme discri- minatoizes. Si, prise comme signifiant (= plan de I'expression) , I'écriture se présente comme un systtme graphique, le langage formel nest, lui, qu'un cata- logue de symboles diserets, Ce qui, cependant, confére A ce catalogue son statut de langage, c'est I'articulation de son signifié, qui, sous-jacent au graphisme, se trouve organisé en un systéme conceptuel cohérent. Abandonnant le rapprochement entee les syst#mes graphique et phonique = dont nous ntavions besoin que pour faire ressortir leur spéefficité articulatoire ~ fon voit qu’a Ioccasion de nos deux exemples extremes, on peut parler de deux "systemes de représentation" dans deux sens opposés ; I'écriture se présente com- me un dispositif visvel articulé, pret a représenter n*importe quoi (I"univers sé~ mantique dans sa totalité) ; le langage formel apparaft, au contraire, comme un “corps de concepts”, susceptible d'etre représenté n'importe comment (a I'ai- de de divers symbolismes) , Tl nous a surtout paru intéressant de montrer qu'un meme alphabet pouvait etre utilisé dans deux buts différents, qu'un “meme” signifiant pouvait tre articulé de deux manitres différentes et participer 8 1a constitution de deux langages différents. 1,3, Représentations iconiques ‘A Vopposé de 1a conception de la représentation que nous venons de dégager, et qui peut etre formulée comme une relation arbitraire entre le représentant et le représenté (peu Importe que la correspondance s*établisse de systéme a syste ou de terme & terme), se situe une interprétation tout autre de la représentation, que nous pourrions appeler esthétique si nous n’avions pas perdu I'usage de ce mot. Lihéritage cultutel dans ce domaine est particuligrement lourd, et tout se passe comme si, malgré le camouflage de certains termes et 1a modernisation de ce:~ tains autres, nous n‘avions réussi ni A déplacer le lieu de nos interrogations ni & cen changer la problématique. Il en est ainsi de Iicéne, signe "naturellement motive” représentant le "référent”, et de l'iconicité, concept situé au cceur des débats de la sémiologie de I"image, et qui renvoient tout aussi naturellement & Tancfenne "Imttation de 1a nature”. Les aystémes de représentation iconiques, dit-on, sont différents des autres du fait que la relation reconnaissable entre les deux modes de “réalité” n'y est pas arbitraire, mais motive, qu'elle présuppose une certaine identité, totale ou partielle, entre les traits et les figures du représemté et du représentant. Dans ces conditions - et malgré les raffinements que des sidcles de réflexion ont apporté aux concepts d"{mitation” et de “nature” ~ Iactivité du peintre, par exemple, doit Eire comprise comme un ensemble de proc®dures recouvertes par le terme d*imitation et visant & reproduire l'essentiel des traits de 1a "nature". On voi quiune telle activité présuppose, de la part du peintre-"imitateur”, une analyse implicite tres poussée de la “nature” et 1a reconnaissance des articulations fonda~ mentales du monde naturel qu'il est censé reproduire. En considérant le monde naturel comme le monde du sens commun, on doit reconnafre que l'opération “imitation” consiste dans une is forte céduction des qualités de ce monde ; car d'une part, seuls les traits exclusivement visuels du monde naturel sont & a ri {gueur “imitables", alors que le monde nous est présent par tous nos sens et, G'autre part, seules Les propriétés planaires de ce monde sont & la limite "wrans~ posables” et reprétentables sur des surfaces artificielies, alors que !'étendue nous fest donnée dans sa profondeur entitrement remplie de volumes. Les "waits" du monde ~ les traces et les plages ~ ainsi sélectionnés et transposés sur une toile sont vraiment peu de chose par rapport & la richesse du monde naturel ; ils sont peut-etre identifiables en tant que figures, mais non comme objets du monde. Se placer du point de vue du peintre qui re-produit 1a “nature” ne facilite peut-8tte pas 1a compréhension du phénomene qui nous préoccupe. Au concept d'imitarion, qui, dans la structure de 12 communication, releve de Iinstance de I’énonciateur, correspond celui de reconnaissance propre & I’énonciataire : “imiter™, dans des conditions précaires que nous venons de signaler, n'a de sens que si les figures visuelles ainsi tracées sont offertes & I'6ventuel spectateur pour ‘qu'il les reconnatsse comme des configurations du monde naturel. Mais ce n'est pas “faire de la peinture”. a ‘Ainsi posé, le concept de reconnaissance reléve du probleme plus général de la lisibilité du monde dit naturel. Qu'est-ce qui est “naturellement™ donné, qu’est-ce qui est immédiatement lisible pour nous dans le spectacle du monde ? A supposer que ce soit des figures (que les traits provenant de différents sens con- tribuent a constituer), ces figures ne peuvent etre reconnues comme des objets, A moins que le trait sémantique “objet™ (tel qu'il est opposable, par exemple, & proces") ~ qui est intéroceprif et non extéroceptif et n'est pas inscrit “naturel lement” dans l'image premibre du monde ~ ne vienne s‘adjoindre & 1a figure pour la transformer en objet : A supposer que nous reconnalssions ensuite telle planté ou tel animal particuliers, les significations "regne végétal” ou “regne animal” font partie de la lecture humaine du monde, et non du monde lui-meme. Crest cette grille de lecture qui nous rend le monde signifiant en permettant atidentifier les figures comme des objets, de les claster, de les relier entre eux, d*incerpréter les mouvements comme des procts, attribuables ou non a des sujets, etc. : de nature sEmantique ~ et non visuelle, auditive ou olfactive par exem- ple ~ elle sert de “code” de reconnaissance qui rend le monde intelligible et ‘mantable. On comprend alors que c'est la projection de cette grille de lecture = sorte de “signifié du monde ~ sur une tofle peinte qui permet de ceconnaftre le spectacle qu'elle est censée représenter. 1.4, La sémiotique figurative L'examen superficiel des probl@mes posés par I'imitation et 1a reconnaissan- ce montre bien que le concept de représentation, appliqué au domaine que nous ccherchons & cemer, ne peut pas €tre interprété comme une relation iconique, comme un rapport de “ressemblance™ simple entre les figures visuelles planaires et les configuracions du monde naturel : si la ressemblance était & situer au nl- veau du signifiant, les langues naturelles, du fait de leur plan de l'expression phonique, mais aussi le langage musical devratent étre dits iconiques et ressem~ Dlants par rapport & 1a dimension non plus visuelle, mais auditive du monde na~ turel. Sf ressemblance il y a, elle se situe au niveau du signifié, c'est-a-dire de 1a grille de lecture commune au monde et aux artefacts planaires, Mais alors parler d"iconicité n'a plus beaucoup de sens. ‘u contraire, le concept de grille de lecture, & peine posé, donne lieu 2 une problématique nouvelle, C'est & peine s'il faut préciser qu‘étant de nature tociale, cette grille est soumise au relativisme culturel, qu’elle est largement ~ mais non Infiniment ~ varlable dans le temps et espace. Des lors, chaque culture étant dotée d'une “vision du monde” qui lui est propre, elle pose aussi des conditions variables & la reconnaissance des objets et, du méme coup, 2 identification des figures visuelles comme "représentant” les objets du monde, se satisfaisant souvent de vagues schématismes, mais exigeant parfois une repro- duction minutieuse des détails “véridiques", Lessentiel est cependant 1a : 1a question de la figurativité des objets planat- res ("Image”, “tableau”, etc.) ne se pose que si une grille de lecture iconisante est postulée et appliquée a I'interprétation de tels objets, ce qui nest pas la con- dition nécessaire de leur aperception et n"exclut pas l'existence d'autres modes de lecture tout aussi Iégitimes. La lecture d'un texte écrit en francais ne pose pas 10 pas la question de la ressemblance de ses caracttres avec les figures du monde naturel Une relle lecture iconisante est cependant une sémiosis, c'est-A-dire une opération qui, conjoingnant un signifiant et un signifié, a pour effet de produlre des signes, La grille de lecture, de nature sémantique, sollicite done le signi- fiant planaize et, prenant en charge des paquets de teaits visuels, de densité va- Hable, qu'elle constitue en formants figuratifs, les dote de signifiés, en transfor~ ‘mant ainsi les figures visuelles en signes-objets. L'examen plus attentif de I'acte de sémlosis montreratt bien que l"opération principale qui le constitue est la sé~ lection d'un certain nombre de traits visuels et leur globalisation, 1a saisie simul tanée qui transforme Ie paquet de traits hétérogenes en un formant, c*est-&-dire cen une unité du signifiant, reconnaissable, lorsqu'elle est encadrée dans la grille du signifi, comme la représentation partielle d'un objet du monde naturel. La théorle des formants, qui, malgré le voeu de Hjelmslev, ne s'est pas en- core constituée en linguistique, devrait trouver ici sa place. On voit bien que 1a constitution des formants, lors de la sémiosfs, n'est autre chose qu'une articula~ tion du sigoifiant planaire, son découpage en unltés discrétes listbles : d&coupage fait en vue d'une certaine lecture de l'objet visuel, mais qui n"exclut nullement ~ nous I'avons vu a propos de la double fonction de l'alphabet ~ d'autres segmen- tations possibles du meme signifiant. Les unités discr&tes ainsi constituées 2 par- tr des assemblages des traits nous sont déja bien connues : ce sont des *formes’ au sens de la Gestalttheorie, des “figures du monde” au sens que leur donne Ba~ chelard, des “figures du plan de I"expression™ selon Hjelmslev. C'est cette con- vergence de vues entre des préoccupations apparemment fort éloignées qui nous permet de parler en cette occasionde lecture figurative des objets visuels, Ltassemblage de traits hétérogtnes qui constitue la figure servant de formant lors d'une telle lecture pose le probleme de la densité des traits et de leur organi- sation, Le concept de pertinence pourrait tre convoqué pour I'éclairer quelque peu : on pourrait dire qu'une figure posséde une densité "norrale” ou, autremment dit, qu'un formant figuratif est pertinent si le nombre de traits qu'il réunit est minimal, c'est-a-dire nécessalre et sufflsant pour permettre son interprétation ‘comme eeprésentant un objet du monde naturel, Ainsi les figures tracéer per Klee dans son Blumen-mythos et listbles comme "sapins™, “collines™, “astres", etc. seraient caractéristiques de La figurativité “normale”, “moyenne”, telle qu'on la trouve dans bon nombre de cultures non européennes, mais aussi dans les dessins Genfants, dans les icOnes utilisés par divers codes de représentation artificiels, uu 1 est évident cependant que Ia figurativité comprise comme un certain mode de lecture ~ et de production ~ des “surfaces construites” n'est pas nécessalrement lige a une normalité quelconaue, qu'elle peut donner lieu & des exces et & des insufffsances : Ie desir de faire-semblant ~ de fraice-croire ~ manifesté par el pelntre, telle école ou telle époque condult & 1'iconisation excessive ; au contrat- re, le dépouillement des figures visant & rendre plus difficile la procéduce de re~ connaissance - ne laissanttransparaftre, comme dans l"improvisation de Kandins- ly, que des “objets viewels” ~ donne lieu I'abstraction. L'feonisation et I'abs- traction ne sont donc que des degrés et des niveaux variables de la figurativié. Ce mode de lecture ayant pour effet de produize 1a sémiosis ~ critére qui permet de statuer sur la nature sémiotique de Mobjet interrogé ~, nous nous trou- vons en présence d'une sém{otique qu'on peut peut-etre désigner comme sémiotl~ que figurative ; & condition de préciser qu'une telle sémiotique n'épuise pas la totalité des articulations signifiantes des objets planaires et qu'elle ne représente qu'un point de yue déterminé consistant & les doter dune interprétation "naturel- le", les analyses de La figurativité sont justifiées et constituent un champ d'exer- Inversement, si l'approche figurative des objets visuels n'est qu'un moyen partiel ~ et partial ~ de leur comprehension, la figurativité elle-meme, et les interrogations qui I'accompagnent, semblent dépaster les limites que le support planaire, lieu de leur manifestation, veut luf assigner : en tenant compte du fait que les qualivés du monde naturel, sélectionnées, servent & la construction du gnifiant des objets planaices, mais qu'elles apparalssent en m@me temps comme des traits du signifié des langues naturelles, on volt que les discours verbaux por- tent en eux-mémes leur propre dimension figurative, a ceci prés que les figures qui 1a constituent sont des figures du contenu et non des figures de I'expression. On comprend ds lors que les problémes que pose I'analyse des “textes visuels” solent comparables & ceux des textes verbaux, littéraires ou non : 1a question que souleve lorganisation interne des figures visuelles appelées & etre lues comme. des objets du monde rappelle immédiatement celle du fonctionnement des ima- ges et autres métaphores et métonymies dans les discours verbaux : en présentant Miconisation comme la procédure de persuasion véridictolre, nous ne sommes pas tellement éloigné de 1a “shétorique de l'image", suggérée naguere par R, Barthes Ia problématique des “motifs”, bien que mal posée dans les deux cas, est com- mune a I’histoire de l'art et 8 l'ethno-littérature, et il en est de meme de la pré- sence des "mises en scene” et des structures narratives, reconnaissables ici et Ia. Les recherches figuratives constituent par conséquent une composante autonome de 1a sémfotique générale, elles ne semblent pourtant pas pouvoir spécifier le domaine particulier que IYon cherche & cerner. 12 Il, LE SIGNIFIANT PLASTIQUE 1.1, Une langue autre Lorsque, assidudes cercies parislens, Diderot se met A fréquenter les atelters des peintres, il y découvre, tout &tonné, un aucre langage, une manitre diffé- rente de parler de 1a peinture : ayant a foumnir des descriptions des Salons, i se écide alors a diviser ses présentations de chaque tableau en deux parties, une partie “idéale” traditionnelle et une partie “technique” dans laquelle fl exalte le “faire” de artiste et le sanctionne a I'side d'une axiologie picturale fort complexe. Tout en pratiquant, comme ses corespondants exigent de lul, une approche figurative, il réserve une place non moins importante & I"approche plas tique des mémes objets : aprés avoir d€coupé le tableau en objets "nommables aprés les avoir réunis en groupes et en scénes, en un mot, aprés avolr interprété ce que le peintre a youlu nous "dire", Il passe a autre chose et, en examinant attentivement les traces que le pinceau avait laissées sur la toile, il cherche a comprendre ce qu'il a voulu “faire”, sans jamais réussir ~ ni méme viser ~ 8 rapprocher les deux points de vue. Le lecteur des Salons se trouve, 2 son tour, dérouré, ne sachant plus trés bien s'il a affaire & deux sujets-descripteurs d'un ‘meme tableau ou si un seul descripteur tente de rendre compte de deux objets distinets : tant il est vrai qu'un objet sémiotique, au lieu ¢’@xre un donné, n'est que le résultat d'une lecture qui le construit. Cette possibiité de parler un Langage autre se transforme en nécessité lors~ «won choisit comme "corpus" & analyser un certain nombre de "surfaces", cons truites aprés ~ ou au moment de ~ la "rupture épistémologique™, alors que la lecture figurative se trouve cemite en question ou méme déniée : tel ext Le cas de Kandinsky, qui cherche, par “improvisations” suecessives, 8 dépouiller son objet de toute trace figurative, mais aust de Klee, qut se joue du figuratif en TTutilisant non pour constituer ine image du monde, mais pour le déconstruire et en faire Ia scéne d'un “monde” a lui; i en ext de méme de 1g photographie de Boubat (1), qui, dépassant ies contraintes techniques qui en fSnt le comble de Viconieité, cherche 8 la faire parler avirement ; ou encore de ce plan de Mies vran der Rohe (2) qui 4 trouve détourné de sa fonction reprétentative et comm- nicative pour donner lieu, en tant que “surface”, & une Lecture “esthevique”. Persuadé que ces objets posstdent en propre un Langage commun qu'ilsutlisent pour nous “parler”, mais aussi ~ et surtout ~ qu'll ext possible de construire un (Q) Ch. J.-M, Floch, Petites mythologies. (2) Analysé par A.-F. Vergniaud. op. cits 13 langage nous permettant de “parler” d'eux, le sémioticien cherche a instaurer un lieu é"interrogation sur le comment et le pourquoi de leur présence. 11.2. Les préalables Comment, en effet, prendre possession d'un tel lieu et justifier une telle interrogation autrement qu’en faisant table rase de tout discours doxologique an- Xérieur, qu’en érigeant la natveré du regard en postulat scientifique, qu'en ne Iaissant subsister pour tout donné que, dune part, 1a "matérialité” de la surface remplie de traces et de plages et, de l'autre, I'"intuition” du spectateur, récep~ tacle des “effets de sens" qu'il recueille devant ce spectacle construit ? Ce sont 12 les conditions nécessaires mais non suffisantes d'une lecture qui se veut frafche et ingénue, et cect pour 1a simple raison que le regard n'est jamafs naff ni 1"in- tuicion jamais pure. Aussi, tout en conservant la disponibilité nécessaire, vaut-i mieux expliciter son “eéférent culturel” et poser lucidement, afin de s'en servie en connaissance de cause, le minimum épistémologique qui est censé guider les premieres démarches exploratoires et permettre ensuite, comme c'est notre cas, des mises au point provisoires. Il se sésume en peu de chose, a) Dire qu'un objet planaire construit produit des “effets de sens", clest déja postuler qu'il est lul-méme un objet signifiant et qu'il reléve, comme tel, d'un systeme sémiotique dont {1 est une des manifestations possibles, Affirmer l'exis~ tence d'un systéme sémiotique n'empéche pas de reconnafue en meme temps que cce systme ~ tant dans ses modes d'organisation que dans les contenus qu'il est susceptible d'articuler ~ nous est inconnu, Un tel systéme, déclaré comme exis tant, mais inconnu, ne peut avoir quelque chance d'etre saisi et explicité que par I'examen des proces sémlotiques - des "textes visuels” ~ par lesquels il se ralise : c'est dire que la connaissance des objets planaires particulier peut seule mener & celle du syst#me qui les sous-tend et que sf les proces sont d'abord saisis comme réalisés, ils présupposent le systéme comme virtuel et, de ce fait, ne pouvant @tre représenté que sous 1a forme d'un langage construit ad hoc, b) Dire qu'un objet planaire est un procés, un texte réalisant une des vireua~ lités du systeme, c'est déja stengager implicitement & consldérer la surface qul nous est donnée dans sa matérialité comme la manifestation d'un signifiant et, du meme coup, s'interroger sur son articulation interne en cant que “possibiicé de signifier", Tout comme, en examinant plus haut les deux fagons d'utiliser Valphabet, nous avons vu qu'une grille conceptuelle posée a priori permertait a'interpréter tes lettres-figures comme des objets compacts et qu’au contraire, lun texte éerit considéré en soi comme signifiant pouvait donner lieu A une sous~ articulation des lettres en leur traits constitutifs et révéler ainsi une organisation 14 graphémetique sout-jacente, on peut se demander de meme, si, 2 cbté du dé- coupage de la surface peinte effectué grace a la grille de lecture figurative, i nly pas moyen d'opérer une autre segmentation du signifiant, permettant de reconnaftre I'existence "unités proprement plastiques, porteuses, éventuelle~ ment, de significations qui nous sofent inconnues, ¢) Des lors, en présence dun texte visuel que l'on considére comme un signifiant segmentable, il ne reste plus qu'a énoncer le demier postulat, celui A*opérativité, qui consiste & dire que cout objet n'est saisissable que par son lyse, crest-a-dite, natvement, par sa décomposition en parties plus petites et par a réintégration des parties dans les rotalités qu’elles constituent. La sémiotique ‘générale met & la disposition du sémioticien préoccupé des problémes de 1a vi- sualité un outillage coneeptuel et procédurier nombreux et diversifié, sans pour autant lui fournie des recettes toutes faites, sans le forcer, surtout, & transposer des procédures linguistiques reconnues, mais probablement mal adaptées & des domaines dont les articulations signifiantes apparaissent intuitivement fort diffé~ rentes de celles des langues naturelles. Peu importe ds lors que telle analyse débute par la reconnaissance des traits minimaux dont 1a combinatotre produit les figures et les formants plastiques ou qu'elle cherche & saisir d'abord des "blocs de signification” ou des “dispositifs", unités de dimensions plus vastes, décomposables. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de démarches de segmentation qui reposent, pour une bonne part, sur des saisies intuitives dont iL faut, en premier lieu, expliciter les procédures et formuler les régles d"usage généralisé. Ce qui compte, & ce stade de la recherche, c'est la comparabilité des résultats partiels obtenus et la reconnaissance des principaux champs d'exer ice ot se regroupent et se coordonnent les problémes qui surgissent en cours de route. 11.3, Le dispositif topologique L'exploration du signifiant plastique commence ~ génératiyement et non _génétiquement ~ par la constitution ’un champ problématique portant sur les conditions topologiques de la production aussi bien que de 1a lecture de l'objet planaire. Cet objet reste insuffisamment défint, méme s'il ne s'agit que de sa manifestation matérielle, tant qu'il n'est pas cemé, délimité, séparé de ce qu'il n'est pas : c'est le probleme bien connu du cadre-format ou, en termes de émio- tique, de la cloture de l'objet. Acte délibéré du producteur, qui, se situant tut- meme dans I'espace de I’énonciation “hors-cadre™, instaure, par une sorve de débrayage, un espace énoneé oi il seta seul maftre & bord, capable de créer un “univers utopique™ séparé de cet acte : garantissant & l'objet ainsi circonserit le 15 stdtut d'un “tout de signification”, il est aussi le Iieu & partir duquel pourront commencer les opérations de déchiffrement de la surface encadrée. Alors que la lecture du texte écrit est linéaire et unidimenstonnelle (de gau- che & droite, ou inversement) ex permet d'intexpréter Ia parole spatialisée com- rme une syntagmatique aplatie, 1a surface peinte ou desinée ne révele, par aucun anufice ostensible, le proc’s sémiotique qui est censé y etre inserit, Le cadre apparaft comme le seul point de départ soe, permettant de concevoir une grille topologique virtuellement sous-tendue & la surface offerte & Ta lecture : es égorles topologiques, les unes “rectilignies” ~ telles que haut/bas ou éroite/ga- che ~ les autees “curvilignes” ~ périphérique /central ou cernant/cemé ~ , ainsi que leur dérivés et composés, grillagent, a partir de ce qu'elle n'est pas, toute 1a surface cadrée en y tragant les axes e:/ou en y délimitant les plages, en accomplissant ainst une double fonction, celle de segmentation de l'ensemble en parties diserdtes, celle aussi de lorientation d’éventuels parcours sur lesquels les différents éléments de lecture se trouvent étalés, Ce dispositif topologique, méme s'il est reconnaissable d'abord dans 1a ma- térialité du cadre et dans le choix de son format, méme s'il est fondé sur une convention et soumis au relativisme culturel, n‘en posséde pas moins une exis- tence virtuelle, garantie par un contrat logiquement présupposé, établi entre "énonciateur-producteur et I'énonciataire-lecteur. Projetées sur 1a surface dont, autrement, la richesse et 1a polysémie la rendraient indéchiffrable, les carégories topologiques optrent, aprés I'élimination du “bruit”, sa réduction 4 un nombre ralsonnable d’éléments pertinents, nécessaires & sa lecture. Crest a peine faut ajouter que le disposttif, cel qu'il est esquissé, est susceptible de se dédoubler : présent en s'actualisant lors de Iacte de I’énoncia~ tion ob il inaugure une premfére organisation spatiale de l'objet sémiotique, il peut etre projeré, entidrement ou partiellement, & I'intérieur meme de La surfa~ ce énoncée et y constituer une nouvelle grille, semi-autonome, de lecture. 11.4, La forme plastique Si application du dispositif topologique permet d'entreprentre l'analyse de 1a surface cadtée et rend possible une premitre segmentation de I’objet en sous ensembles discrets, il est évident que sa description en tant que signifiant visuel ne sera jugée satisfaisante que quand son articulation pourra etre formulée en termes de catégories plastiques, dégageant ainsi les unités "minimales” du signi- fianc dont les combinaisons plus ou moins complexes retrouveront, par une dé~ marche ascendante, les sous-ensembles reconnus grace au découpage topologique : 16 1a phonologie - ayant réussi & proposer 1a réduction de L'inventaire des articu~ lations fondamentales des langues naturelles ~ offre, dans ce domaine, un mo- dele fascinant qu'll ext difficile de ne pas suivre. En partant de 1a constatation conventionnelle que, sur une surface peinte, on peut trouver des “couleurs” et des “formes”, la distinction des catégories chro~ imatiques et des catégories éidériques peut apparaftre comme un simple traves- tssement terminologique. Une interrogation qui chercherait & reconnaftre un niveau suffisamment profond et abstrait od se situerait une telle distinction de- ‘rait prendre son point de départ dans la surface manifestée a l'état brut, recou- verte de “plages” indifférenciées, pour postuler ensuite que seul le regard du lecteur (ou, ce qui revient au meme, Mintention implicite du producteur) est capable de saisir certaines plages dans leur fonction isolante et discriminatoire (en tant que "lignes" ec “contours"), et d'autres plages, dans leur fonctfon indi~ viduante et intégrante (en tant que "surfaces pleines"). Une telle distinction re- poserait alors sur deux postulats épistémologiques relevant de 1a sémlorique gé- nérale : premigrement, que la distinction entre I'éidétique et le chromatique ne réside pas dans la matérialité du signifiant (son miveau phonétique), mais dans sa saisie relationnelle (son niveau phonologique) , dans 1a fonction que le lecteur attribue & tel ou tel terme par rapport A d'autres ; deuxiémement, que la saisie d'un terme en tant qu'unlté présuppose une double appréhension de celle-ci, comme unité du fait de sa discrétion, en tant que distincte de ce qui I"entoure, ‘comme unité du fait de son intégralité, individuée en tant que telle. A condi ion de considérer Je noir et le blanc comme des “couleurs” (méme en les bapti- sant "non-cowleur"), on pourrait alors désigner du nom de catégories éidétiques celles qui sont chargées d’étabir la discrétion des différentes unités du signifiant, cet du nom de catégories chromatiques celles qui sont fondées sur des saisies indi- viduantes des termes. Quoi qu'il en solt de ces réflexions qui, & cause de leur technicité ou de leur tophistication, pourront paraftre futiles & certains, il ne faudraiy pas qu’elles occultent limportance de la démarche elle-m€me qui consiste dans la décom- position en unités dites "minimales", sous-jacentes & 12 manifestation, de ces ‘compactités que sont les “couleurs” et les “formes” matériellement inscrites sur 1a surface, ainsl que dans leur formulation en catégories, entités d'un métalan- ‘gage univoque dont I'un des mérites, et non le moindre, réside dans la compa~ rabilité ultérieure des analyses particulléres. Le caractére “minimal” de ces uunités est d'ailleurs fort relatif : au leu de viser I'idéal phonologique, I'analyse du signifiant plastique est obligée de se contenter de l'exemple de la sémantique, qui, devant "impossibilité d'établir un inventaire restreint des catégories sémiquet " cet qui recouvelrait pourtant l'univers culturel tout entier, se satisfait de 1a prise ‘en considération des seules catégories pertinentes pour l'analyse de tel ou tel micro-univers donné. Les différences qu'on observe d'une analyse A une autre dans I"inventaire des catégories chromatiques, par exemple, n'ont pas d'autre origine et seule la pratique analy tique plus étendue permettra peut-etre de dis~ uinguer progressivement les catégories dites “primitives de celles qui ne sont “significatives™ que pour un seul objet ou un seul corpus, Ltabsence de consentus terminologique sttict, ou meme les divergences théo- riques (la couleur se décompose-t-elle entitrement en catégories chromatiques, ‘ou reste-t-il un résidu "radical qui rend compte de I'opposition bleu/vert, par exemple 2) importent moins pour la bonne marche de I'analyse que la détermi- nation nette et sans Equivoque de I'instance de saisie des phénoménes plastiques : tout comme 1a sonorité peut @we saisie au moment de la gestualité articulatoire qui la produit mais aussl au moment de 1a transmission acoustique ou de 1a ré- ception auditive, sans que I"homologation entre ces différentes Instances soft ai- sée ni méme assurée, la visualité et son articulation en catégories dépendent de 1a saisfe homogene que l'on s*impose, Sans parler des malentendus qui provien- rent de I'application des articulations du spectre chromatique ~ de caractére sclentifique et comparable & I'étude acoustique de la sonorité - a Iinterpréta~ tion de la peinture, il serait intéressant, et méme nécessaire, d'examiner sépa~ rément et de mettre éventuellement en paralléle les phénoménes chromatiques fet €ldétiques tels qu'lls sont saisis non seulement & I'instance de 1a lecture, mais aussi A I'instance de la production od la “gestualité articulatoire” se présente comme une "maniere de faire" a peintre. 1 va sans dire que la reconnaissance des catégories topologiques, chromati- ques et éidétiques qui constituent le niveau fondamental de 1a forme du signiflant n’épuise pas son articulation : ce ne sont 1a que des bases taxinomiques, suscep- tubles de rendre opératoire I'analyse de ce plan du langage, Car la démarche de 1a construction de l'objet sémiotique consistera & déterminer des combinaisons de ces unités minimales ~ que l'on dénommera figures plastiques ~ pour retrouver, ensuite des configurations plus complexes encore, confirmant ains{ le postulat général selon lequel tout langage est d'abord une hiérarchie, Parmi ces formes plastiques de complexité inégale, il faut toutefois réserver une place 2 part aux formants plastiques ~ comparables mais distincts des formants figuratifs, ~ organi sations particuli@res du signifiant qui ne se définissent que par leur capacité d'etre rejoinees par des signifiés et de se constituer en signes. Mais, alors que les for~ ‘mants figuratifs ne se mettent & signifier, pour ainsi dite, qu'a 1a suite de I'ap- plication de la grille de lecture du monde naturel, les formants plastiques sont 18 appelés a servir de prétexte A des investissements de significations autres, nous autorisant & parler de langage plastique et A cemmer sa spécificité 1.5, Le texte plastique Les articulations taxinomiques dont nous venons de parler ne constituent toutefois qu'un des aspects de I'analyse des objets planaires cadrés : 1a reconnais~ sance des catégories et des figures plastiques nous renseigne sur le mode d'exis- tence de la forme plastique, telle qu'elle est sous-jacente a sa manifestation ea surface et sur des surfaces, mais ne nous dit encore rien de organisation syntag- matique de ces formes, seule capable de nous permettre de traiter ces objets en tant que procds sémiotiques, ctest-&-dire en tant que textes signifiants, L'axe paradigmatique de tout langage, qui définit les unités qui le composent par 1a relation “ou,.. ou” qu'elles entretiennent entre elles, permet d'enregistrer la présence d'un trait sur la surface examinée par rapport 2 I'absence du trait con- talre ou contradjctoire de la méme catégorie : {1 permet, par exemple, de par- ler de 1a “palette” d'un peintte par opposition a “d'autres palettes” ; mals c'est axe syntagmatique, constitué par des relations “et... et", qui nous renselgne. sur les modes de co-présence des termes et des figures plastiques sur une meme surface-texte, En parlant de la distinction & établir entre les catégories chromatiques et les catégories éidétiques, nous avons proposé de définir les dernitres par leur discré- tion, par la fonction distinctive dont elles seraient chargées : si les catégories chromatiques peuvent @tre considérées comme constituantes (Thurlemann) ~ la surface peinte n'étant d'abord qu'un territoire couvert de plages indistinctes ~ , les catégories éidétiques sont, elles, constituées, les plages, par leur contigutté, se délimitant entee elles. Pour pouvolr affirmer la co-présence d'unttés du signi- fiant, il faut que soit d'abord reconnu leur caractére discret : les réflextons sur 1a contigué, sur les bords nets et les lisitres floues (J.-M. Floch et D. Alkan) constituent 1a premitre démarche visant 1'établissement du (pxte plastique. Nous suggérfons déjA une telle démarche quand nous parlions plus haut de saisir certai- nes plages dans leur fonction isolante et discriminatoire, et d'autres dans leur fonction individuante et intégrante, La démarche suivante conceme la définition d'unltés syntagmatiques appe- ges contrastes. En linguistique, le terme de contraste sert surtout & désigner 1a relation "et... et” elle-m@me, constitutive de I’axe syntagmatique, Tout en étant de méme nature, le contraste plastique se définit comme la co-présence, sur la meme surface, de termes opposés (contraires ou contradictolres) de la meme catégorie plastique (ou d'unités plus vastes, organisées de 1a meme maniére) . 19 si la catégorte ext pesente danslevexte un peu a la manitre de I'antiphrate, par exemple pat un de ses termes (les autres en étantabsents), le contrast se carac~ térnes 21a manidve de Vanuthdse, pa la présence, sur la meme surface, @'au moins deux termes de la meme eaiégorle, contigus ou non, Une celle organsa- tion contrative du texte postde pour analyse un avantage apprécable + elle permet de reconnafve les eatégeien avec leurs termes present sur une rule sur= face, sans recoury préalable aux procédures de comparaton ene dicen objet {a distinction eae categories plastiques et conuaster plastiques reste cependant capltale et Indispensable ar Te plan opévatore, organisation textuelle de ce genre est loin d’@tre spécifique du langage plastique. Elle fonde, on le sait, pour une bonne part, le fonctionnement des discours narratife ; le "manque, signalé au début du récit, appelle a distance, constituant ainsi un "ressort dramatique™, 12 “Liquidation du manque” qui suppri- me la tension narrative, Bien plus : c'est par la projection du paradigmatique sur axe syntagmatique, on le sait, que Roman Jakobson a naguére défini I’essence du langage poétique. Le rapprochement entre le plastique et le poétique ne nous semble pas accidentel, nous y reviendrons. La récurrence des catégories plastiques qui s'accomplit par la reprise d'un terme catégorique par son contraire (ou contradictoire) est 8 distinguer d'un autre type de récurrence discursive, connue en sémfotique sous le nom d'anaphore et qui consiste dans I"itgration et la reprise d'un meme terme, mais employé dans tun contexte différent ou, ce qui revient au méme, dans une configuration diffé- rente, Ces récurrences du semblable et du différent, du meme et de l'autre cons~ tltuent une véritable trame recouvrant la surface construite ; reconnaissables sous forme de tensions et disotopies d'attente, elles prédisposent déja a une lecture globalisante. Ce qui semble pourtant encore manquer pour que toutes les conditions de 1a lecture soient réunies, c'est son orientation, concept mal défini ~ ou indéfinissa~ ble? ~, source de préoceupations épistémologiques tout aussi bien en logique quien linguistique, L*hypothese, séduisante & premi@re vue et généralement ad- mise & I"heure actuelle pour rendre compte de la lecture des surfaces construites, consiste & postuler la linéarité de la lecture, identifiable au parcours qu'emprun= te le regard lors du processus de la perception : il n'y aurait qu’a filmer les mou~ vvements des yeux qui s'effectuent pendant I"exploration d'un tableau pour que toute sa syntaxe ~ ou, du moins, sa syntagmatique ~ nous soit révélée, Quire que de telles expériences de laboratoire paraissent encore peu concluantes, on ne voit pas, sur le plan théorique, la nécessité d'admettre que la lecture linéaire continue soit le seul mode d'appréhension de la surface : on peut ués bien envisager, tout 20 en en admettant le principe, qu'elle se trouve limitée & des parcours partiels (imposés, par exemple, par des écarts de contrastes) , en prévoyant en méme temps des “sauts anaphoriques” ayant pour fonction de connecter différents par- cours entre eux ; on peut surtout, tout en réservant une place a la lecture orlen~ t€e, tenir compte de la possibilité, reconnue, de saisies simultanées des termes, des saisies de dispositifs dotés d'organisations catégoriques. Un inventaire assez large de ces axes et de ces dispositifs s'est constitué pe- ULA petit; Ml ne nous reste qu‘a en suggérer I'emplacement. En parlant du dis- positif topologique qui se déctenche & la suite de I’acte de I"énonciation plasti- que, on a éX6 amené a lui conférer, a cOxé de sa fonction de segmentation, un rOle d'orientation de la lecture : en effet, les différents axes qu'il projette sur la surface peuvent éxre constdérés comme autant d'invitations & réunir les figures dul y sont situées en ensembles significatifs, Des marques d'orientation, dautre. part, peuvent éxre reconnues dans différentes figures plastiques, cout en restant des éléments inhérents @ leur organisation : ceci est valable tout autant pour les figures €idétiques (ou la catégorie pointu/arrondi peut orienter Ia lecture) que pour les figures chromatiques (La catégorte non-saturé/saturé, de caractere gra~ dué, comportant une intensité “orientée"), Les catégories et les formants figura ifs peuvent etre, de leur cté, pris en charge et exploités comme indicateurs @'orientation du texte plastique. Tl en est ainsi des catégories dont la fonction principale semble etre celle d'iconisation du figuratif, telle la catégorie clair/ ‘obscur ou les différents dispositifs chargés de produire des effets de “profondeur”. A cect, il faut ajouter Iexploitation directe de la grille de lecture du monde na- turel : ainsi, 1a reconnaissance de la figure "plante” implique la connaissance que la plante pousse verticalement. Malgré un semblant dordre qu'on erott y re connaftre, il serait dangereux dy voir des procédures applicables quasi mécani- quement, et non un catalogue ouvert a I'attention de I'analyste. IIL, POUR UNE SEMIOTIQUE PLASTIQUE . IMl.1, Sémiotique semi-symbolique Lihypothése qui préside a l'ensemble de nos analyses - conforme aussi A la constatation intuitive généralement admise ~ consiste & considérer les objets plastiques comme des objets signifiants. Le probleme n'est done pat de proclamer que le signifiant plastique, dont on vient de reconnaftre quelques principes d'or~ Banisation, “signifie", mais de chercher a comprendre comment il signifie et ce qu'il signifie, a " Le parti pris fort sage du sémioticien a consisté avouer, au départ, son ignorance concemant les modes de signification de ces objets — en ne reconnais- sant tout au plus que les “effets de sens" qui sten dégagent et qu'on est en mesure de saisir intuitivement, d"interpréter ~ et & chercher 2 en formuler let régularités. Une telle démarche est cependant loin d'etre innocente ; postuler le pouvoir d'in~ terpréter, c'est déJa adopter une certaine attitude selon laquelle le signifiant plastique constitue & lui seul une sémiotique monoplane, mais interprétable, tout ‘comme sont interprétables les langages formels, les jeux déchees et autres syst®- mes de symboles. D'un autre cBté, I'interprétation, tout intuitive qu'elle soit, consiste non seulement a formuler les "effets de sens" en termes d'un métalangage particulier, mais en méme temps a les comparer et & les opposer les uns aux autres en élabo~ rant, a 1a limite, un systtme des signifiés parallale et coextensif au aystéme des symboles qu'on cherche 4 décrire. Ainsi, par exemple, la description du dispost- Uf plastique produfsant I'effet de sens “pesanceur™ ambnera tout naturellement & stinterroger sur le dispositif donnant lieu & I'effer “légereté". La question sera de savolr si la figure représentant "légbrev6* est comparable a celle reprétentant “pesanteur”. Les symboles a et b d'un langage formel, s'ils représentent I'un et Vautre, par exemple, des classes logiques, sont, sur le plan du signifiant, indé- pendants l'un de l'autre. 11 en serait autrement si les figures du signifiant sa et sb avaient pour signifiés "pesanteur™ et "I6gdreté" ou, mieux encore, si deux termes tune meme catégorle, sl et $2, pouvaient etre homologués avee Iopposition pesanteur/légtreté : 1a sémlotique qu'ils caractériseraient pourrait alors @1xe dite ron plus symbolique, mais semi-symbolique du fait de ces corrélations partielles entre les deux plans du signifiant et du signifié, se présentant comme un ensem- ble de micro-codes, comparables par exemple au micro-code gestuel du oui/non. Si l'on accepte de réserver le nom de sémiotiques semi-symboliques & ce type organisations de signification ~ définies par 1a conformité des deux plans du lan- age reconnue non entre les éléments isolés, comme c'est le cas des sémiotiques symboliques, mais entre leurs catégories -, on s'apercevra que ces organisations se retrouvent non seulement dans le langage gestuel (oi l'on rencontre, par exem- ple, 12 disjonction/conjonction homologuse avec le mouvement des mains, sut axe de la latéralité, s'effectuant en sens opposés, ou itattraction/répulsion ex- primées par les mouvements du tronc et des bras sur I"axe prospectif, etc.) mais aussi dans les langues naturelles et, plus particuli@rement, dans leur élaboration secondaire qu'est le langage poétique (avec les catégories prosodiques telles que Vintonation phrastique, la rime et le rythme) . 22 1 n'est pas étonnant dés lors de trouver que les catégories plastiques faisant partie du dispotitif topologique sont comparables a ces catégories gestuelles et prosodiques et qu'elles sont, elles aussi, homologables avec les articulations ca t€goriques des contenus. Ainsi, on n‘nésitera pas a homologuer haut/bas avec euphorie/dysphorie, & y reconnaftre, avec I'adjonction du trait “orientation”, un mlero-code élévation/chute ou A voir dans les diagonales des interprétations pos- sibles d'ascension/descente, Peu importe de savoir si de telles homologations re~ posent sur des conventions culturelles ou si elles sont de nature universelle : c'est le principe meme de ce type de modus significandi qui compte, et non la nature des contenus investis. DBs lors, i n'est pas impossible de franchir le pas ~ les sémioticiens dont je parle le font en s"appuyant sur le résultat de leur analyses ~ er d'affirmer, dans tun effort de généralisation, que certaines oppositions des traits plastiques sont liées A certaines oppositions des unités du signifié et qu'elles se trouvent, de ce fait, homologables comme, par exemple : pointy ; arrondi :: terrestre : o6leste (Klee) modelé : aplat :: nu + paré (Boubat) . Une telle constatation, qut tend a définir 1a sémiosique plastique comme un cas particulier de la sémiotique semi-symbolique, pousse tout naturellement 3 ‘interroger sur le starut sémlotique des éléments du signifié qui sont ainsi homo- logués aux catégories du signifiant plastique. Le nombre encore limité d'analyses ‘concrétes ne permet pas d'en tirer des constatations assurées. On peut dire toute~ fots que ce sont 18 des carégories relevant de 1a forme ~ et non de 1a substance ~ du contenu et qui, tout en paraissant provenir de la lecture figurative des objets plastiques, possddent néanmoins une grande généralité et se présentent comme des categories abstraites du slgolfié: alnsl, opposition terrestre/céleste renvole aux universaux figuratifsterre/air; 'eppesition nu/paré constitug I'axe princfpal de la dimension vestimentaire de 1a culture ; celle d’animé/infnimé, que Y'on trouve chez Klee homologuée avec l'oppotition lignes/surfaces, est admise parmt les peimitifs linguistiques, 11.2, Langage poétique Tout se passe donc comme si 1a lecture du texte plastique consistait dans un double éétournement : certains signifiés postulés lors de 1a lecture figurative se trouvent détachés de leurs formants figuratife pour servir de signifiés aux formants plastiques en voie de constitution ; certains traits du signifiant plastique se déta- 23 cchent du méme coup des formants figuratifs od ils se trouvent etre intégrés et, obéissant aux principes dorganisation autonomes du signifiant, se constituent en formants plastiques. Bien plus qu‘a une “subversion” du figuratif, nous assistons un processus d°auto-détermination, 2 1a naissance d'un langage second. Ce phénoméne de détournement est ilustré de manitre péremptoire par 'analyse du plan d’architecte de Mies van der Rohe proposée par A. Vergniaud, {qui montre comment un objet fonctionnel de communication sociale peut se trans- former en objet “esthétique” exaltant les vertus dorthogonalité. C'est également le cas de I’écriture qui, déja partiellement détournée de sa fonctionnalité par les ‘connotations qui se veulent plalsantes des caractéres d'imprimerie, étudiés nagubre par R, Lindekens, est susceptible de produire des objets calligraphiques vivant leur propre vie, Mais c'est encore le fonctionnement du langage poétique & I'in- térieur de la sémlotique lite6raire qui peut le mieux éclairer la nature seconde du langage plastique. Alors que le texte littéraire, Indifférent a son signifiant mais soucieux de la représentation-transmutation figurative du monde naturel et hu- ‘main, est capable d'en parler dans tous les sens, Iorganisation poétique seconde ui se superpose & ce texte prend en charge le signiffant jusque 1a relégué dans sa fonetionnalité premitre et l'articule de man{tre & reproduire les m€mes formes fondamentales qui caractérisent le sigaifié a son niveau de lecture profonde, don- nant ainsi Meu A une lecture poétique fondée sur I'homologation de nouveaux for~ ‘ants poétiques avec des signifiés renouvelés, Stil en est ainsi, c'est la sémio que pogtigue en tant que telle, forte de son organisation structurelle et son mode de signification propres, qui devrait @tre considérée comme un langage autonome cet sp6cifique, abolissant Les frontitres conventionnellement établies entre diffé- rents domaines de manifestation : la substance du signifiant n'entrant que secon- dajrement en ligne de compte, ce n'est qu'ensulte, apres la reconnaissance de la poéticité de tel ou tel texte, qu'on pourrait noter les distinctions entre le poéti- que visuel, Unéraire ou musical, La suggestion de F. Thurlemann selon laquelle “la prose du monde est transformée par Klee en possie™, cessant d'etre une méta~ phore, montre, au contraire, le véritable enjeu de la sémiotique, désireuse d'ap- porter sa contribution & la problématique déja ancienne de 1a “correspondance des arts", IIL.9, Structures mythiques autres “correspondances” - qu'on ne reconnaft qu'une fois l'analyse ache~ vvée - sont tour aussi frappantes. Lorsque Cl, Lévi-Strauss entreprend le premier examen d'un texte mythique ~ le mythe d*CEdipe ~, il se trouve dans la situa~ ion comparable & celle du sémioticien devant un texte plastique : le texte, lu sa surface, se présente comme se prétant 8 une lecture “figurative” évidente et en meme temps dépourvue de sens, tant est grande la distance entre 1a pérennité des mythes et I"insigniffance de leur sens apparent. Le sémioticien se reconnaft aussi dans 1a démarche qu‘tl adopte : fondée sur 1a conviction intuitive de I'exis- tence d'une signification autre, plus profonde, la lecture “verticale” a laquelle il procéde lui permet de reconnaftre des sécurrences “anaphoriques" de certaines grandeurs du récit et, en meme temps, des oppositions de “contrastes” entre les termes retenus, 18 narration n*apparaissant, dans toute sa figurativité débordante, que comme te “bruit” qu'il faut surmonter pour pouvoir dégager les principales articulations de Iobjet, pour postuler ensuite une saisie mythique atemporelle de cette structure de base qui rend compte de la signification globale du texte, Cette structure mythique de base consiste, on le sait, dans la mise en corré- lation de deux catégories sémantiques reconnues grfce & leur présence syntagma~ tique, 2 1a manigre des contrastes plastiques, dans le texte et manifestées par des formants mythiques regroupés, détachés de leur contexte figuratif, Rien d°éton- nant done ~ mais seulement aprés coup ~ que la similitude des démarches abou- UUsse & des résultats comparables, que la signification fondamentale du Nu de Boubat (Floch) ou du Blumenmythos de Klee (ThUrlemann) repose sur une struc ture de base identique : bfen au contraire, 1a saisie achronique de 1a signification A partir d'un dispositif catégorique paraft méme plus “naturelle” lorsqu'il s'agit, dobjets plastiques - condamnés, en apparence du moins, du falt de leur signt- fiant, & un statisme que le regard du spectateur cherche a vainere ~ que dans te ccas des textes mythiques verbaux dont la lecture linéaire accentue 1a temporalité. La surface plastique clOturée apparaft comme prédispoxée aux manifestations my- thiques, Par dela ces contraintes du signifiant, I'identité structurelle des deux modes de signification n'en n'apparaft que miewx, Alors qu'il semble “naturel” que la saisie simultanée du sens profond de MYobjet mythique pulsse @tre déstabilisée et donne Ifeu aux développements narratifs qui le figurativisent, lgmeéme phénome- ne de narrativisation s'observe dans les objets plastiques, autorisant les récits de 1a femme qui se déshabille et “se naturalise” ou s*habille en "se culturalisant™ (Boubat) , faisant apparaftre I'oiseau et 1a fleur convoitée, transformant la toile entire en un torse de femme (Klee) . Ces récits dédoublés et opposés, ayant épuisé leur finalité, convergent alors pour aboutir 2 1a consttuetion de ces grandes figures ambivalentes de médiation ~ caractéristiques de 1a pensée mythique selon Lévi-Strauss ~ que sont la ferme demi-nue de Boubat subsumant et médiatisant 4a culture et 1a nature, ou 1a femme-fleur de Klee permettant de concitier I"hom- me avec le cosmos. A.J. Greimas 1978 oe 2 Actes Sémiotiques - bulletin VOLUMES et II: épuisés VOLUME IT (1980) VOLUME V (1982) 18, Métalangage, terminologie et jargons. 21. La sanction. 14, Les universaux du langage, I. 22. Bibliographle sémiotique, 1 15, La dimension cognitive du discours. 23, Figures de la manipulation, 16. Problématique des motifs. 24. Aspects de la conversion. VOLUME IV (1981) VOLUME VE (1983) 11, Le carré sémfotique. 25, Explorations stratégiques. 18, Parcours et espace. 26. La figurativisé, 1, 19, Les universaux du langage, U1. 27. Sémlotiques syncrétiques. 20. La figurativité, 1. 28, Sémiotique musicale. VOLUME VII (1984) 29, Bibliographie sémiotique, 30, Polémique et conversation B1. Le discouss de 1"éthique. 82, Sémiotique et prospectivité. ‘Actes Sémiociques - Documents ‘VOLUME 1 (1979) 1, Jacques GENINASCA, Du bon usage de 1a poéle et du tamis. 2. Claude ZILBERBERG, Taches critiques. 3, Jean-Claide COQUET, Le sujet énongant. 4. James SACRE, Pour une définition sémiotique du maniérisme et du baroque. 5. A.J. GREIMAS, La soupe au pistou. 6. Jean-Marie FLOCH, Des couleurs du monde au discours poétique, T. Frangoise BASTIDE, Approche sémiotique dun texte de sclences expérimentales. 8. Ivan DARRAULT, Pour une approche sémiorique de la thézaple psychomottice. 8. Joseph COURTES, La “lettre” dans le conte populaite mezveilieux (1 partie) 10. Joseph COURTES, La “lettre” dans le conte populaire merveilieux (2° partie) . VOLUME 11 (1980) LL, Félix THURLEMANN, L'admiration dans esthétique du XVII° siécle. 12, Eric LANDOWSKL, L'Opinton publique et ses porte-parole. 13, A.J. GREIMAS, Description et narrativité, suivi de : A propos du jeu. 14, Joseph COURTES, La “lettre” dans le conte populaire merveilleux (3© partie) . 15, Paul RICCEUR, La grammaice narrative de Greimas. 16. Jacques FONTANILLE, Le désespoit. 11, Georges MAURAND, "Le Corbeau et le Renard” 18. Madeleine ARNOLD, Ordinateur, sémfotique et "Machine mole”. 19, Ignacio ASSIS DA SILVA, Une lecture de Velasquez. 20. Thomas G. PAVEL, Modéles génératifs en linguistique et en sémiotique.

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