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Le satanisme
Attirés par le gothisme et la musique black metal, de plus en plus de jeunes et
d’adolescents dérivent vers le satanisme et des sectes dangereuses. Pourquoi les jeunes
sont-ils devenus les cibles privilégiées de ces groupes ?
1
Cette perception subsiste aujourd’hui dans de nombreux livres, films, jeux de rôles, etc, et se lie en filigrane
de certaines mouvances politiques instigatrices des appellations « Forces du Bien » et « Forces du Mal »
2
Chartier Claire, « Au nom du Diable », L’Express, 20 avril 2006.
3
Minois Georges, Le diable, « Que sais-je ? », n° 3423, PUF, Paris, 1998
Les théoriciens de la pensée sataniste contemporaine
Citons notamment « le darwinisme social5 » pour qui les différences entre les individus, les
peuples ou les sociétés seraient fondées sur des divergences biologiques et qui justifie ainsi
l’existence de « races supérieures » dominant les plus faibles, et « la philosophie
nietzschéenne » inspiratrice du nihilisme, bâtie autour du concept de « volonté de puissance »,
et pour qui seuls les surhommes, les individus les plus parfaits sont appelés « à siéger au
sommet de l’espèce humaine et de la société afin d’assurer la domination du seigneur sur le
troupeau d’esclaves ».6
Aleister Crowley (1875-1947), développe à travers ses multiples ouvrages des théories et des
pratiques qui fournissent la colonne vertébrale à la doctrine sataniste. Dans le Livre de la loi,
il définit deux principes aujourd’hui credo du satanisme : « fais ce que tu veux sera toute la
loi » et « vis pleinement ce que tu ressens en toi ». Dieu n’existe pas. Il serait une invention
judéo-chrétienne destinée à transformer les hommes en moutons et à les parquer dans des
espaces grillagés par les interdits sociaux. « La Loi des plus forts : c’est notre loi et la joie du
monde. Tout homme et toute femme est une étoile. Il n’y a pas d’autre Dieu que l’homme.
L’homme a le droit de vivre selon sa propre Loi. De vivre comme il veut, de travailler comme
il veut, de jouer comme il veut, de se reposer comme il veut, de mourir quand et comme il
veut. [...] L’homme a le droit de tuer ceux qui pourraient frustrer ces droits. L’amour est la
Loi. Aime avec désir.7»
Anton Szandor LaVey (1930-1997), surnommé « le pape noir », est le second père
intellectuel du satanisme. Proche de Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie, il est
l’instigateur de l’Église de Satan (Church of Satan) le jour de la Walpurgisnacht (fête
germanique supposée magique). Il rédige La bible satanique, cœur d’un système
philosophique élitiste, hédoniste, antireligieux et darwiniste. Derrière un formalisme antithèse
du christianisme, il expose une « philosophie religieuse dont Satan est le symbole de la liberté
et de l’individualisme8». Satan n’est donc plus une personnification réelle du Mal, mais un
symbole. Le culte de Satan aurait pour fonction de conférer à ses adeptes la force de pouvoirs
occultes sommeillant en eux dans le but de réaliser leurs désirs tant matériels que sexuels :
LaVey, reprenant Nietzsche, encourage ainsi au dépassement de soi pour se transformer et
devenir un surhomme capable de réaliser ses propres envies.
Pour les chrétiens, il n’est pas concevable que Dieu, infiniment bon, aie pu créer le Mal.
Ainsi, le catéchisme de l’Eglise catholique précise : « Derrière le choix de nos premiers
parents, il y a une voix séductrice, opposée à Dieu, qui, par envie, les fait tomber dans la
mort. L’Écriture et la tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou
diable. L’Église enseigne qu’il a été d’abord un ange bon, fait par Dieu. “Le diable et les
4
Francq Isabelle, in « Le Mal adolescent », Le Monde des Religions, mars-avril 2005.
5
Théorisé par Herbert Spencer, Ernst Haeckel ou John Fiske
6
Aries Paul, Satanisme et vampyrisme. Le livre noir, Éditions Golias, Villeurbanne, 2004, p. 162.
7
Aries Paul, ibid., p. 235
8
Lavey Anton, op. cit., p. 14.
autres démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se sont
rendus mauvais” ».9
« La Très Sainte Trinité est la plus pure lumière de l’amour, et la création, elle aussi, le fruit
béni de son profond amour, est enveloppée de bonté et de beauté (cf. Genèse 1,31). Les
ténèbres s’installent dans le cœur de l’homme lorsqu’il se laisse séduire par les pièges de la
tentation visant à le séparer de Dieu et de ses semblables (cf. Genèse 3,1-12). »10
Dieu a créé l’homme à son image, c’est à dire LIBRE, capable de se placer en vis à vis, de
participer dans un dialogue d’amour à sa vie divine, ou de s’opposer. Le choix de dire NON
est perçu par certains (et notamment par les satanistes) comme la source de la connaissance,
de l’esprit critique et de la liberté. Alors que pour les chrétiens c’est le OUI à l’amour de Dieu
qui nous rend participant de sa liberté créatrice et qui crée et re-crée la vie dans toute sa
diversité et sa fantaisie.
« Fais ce qu’il te plait ! Et si quelque chose s’oppose à ton désir, détruit-le ! » Tel est en
substance le message véhiculé par le satanisme. Un message qui séduit facilement les
adolescents en quête de liberté et d’indépendance. Mais, n’est-il pas sous-jacent dans les
comportements de nos sociétés occidentales ou la consommation et l’hédonisme ont tous les
droits ?
Réagir et agir
Quelle attitude adopter quand un enfant, un parent ou un ami semble « aspiré » par la
mouvance satanique ? Tout d’abord, il est nécessaire de « raison garder » ; la mode gothique
et la musique « metal » ne sont pas a priori dangereuses, ni condamnables. Cependant il
9
Catéchisme de l’Église catholique (1992), §391
10
Intervention de Piero CODA, théologien, professeur à l'université du Latran pour le Troisième Rassemblement
Œcuménique Européen à Sibiu en septembre 2007
convient de rester attentif face à certains signes qui peuvent légitimement inquiéter. Il n’est
pas possible en quelques lignes d’indiquer ici ces différents signes. N’hésitez pas à consulter
le document « Le satanisme, un risque de dérive sectaire » réalisé par la MIVILUDES et
disponible gratuitement sur Internet.11
S’il vous semble vraisemblable qu’un ami ou un proche soit victime ou en danger, n’attendez
pas pour demander conseil à l’une des associations mentionnée dans l’encadré ci-joint ou le
service diocésain « Pastorale, nouvelles croyances et dérives sectaires » théoriquement
présent dans chaque diocèse.
Veiller. C'est-à-dire s’informer et se former, afin de faire preuve d’un peu plus de
discernement pour identifier ce qui peut être nuisible ou non. Mais aussi, s’intéresser aux jeux
que pratiquent les jeunes, notamment sur Internet. Une récente enquête a montré que 72% des
parents ne savent pas leurs enfants consultent sur Internet. Un rapide sondage auprès d’une
cinquantaine d’élèves en classe de première dans un lycée privé a montré qu’un tiers d’entre
eux consultaient régulièrement des sites sataniques...
Prévenir. Ce qui signifie informer et parfois interdire. Dans la plupart des familles, le
téléphone portable, Internet et la télévision sont en « libre service » et les enfants les utilisent
sans qu’il n’y ait plus aucun « filtre » ni autorisation des parents. Le dialogue sera souvent le
seul moyen de se rendre compte. Et si le dialogue est rompu...
Guérir. Dans la plupart des cas cette démarche est impossible sans une aide extérieure. Les
dérives « sataniques » ou sectaires s’inscrivent très souvent sur une faille psychologique
qu’un psychiatre ou psychologue compétent pourra aider à regarder en face. Parfois
l’intervention d’un exorciste (présent dans chaque diocèse) sera nécessaire. Et puis, trop
souvent oublié, il ne faut pas hésiter à s’adresser également à la police dès lors que des
libertés fondamentales ou l’intégrité des personnes ont été bafouées.
L’important c’est d’aimer : aimer avec fermeté et miséricorde, avec la dureté de l’acier pour
affronter les assauts du monde et une tendresse infinie envers ceux qui nous entourent.
Jean-Marie DESSAIVRE
Cominfo31@gmail.com
avec l’aide du service
« Pastorale, nouvelles croyances et dérives sectaires » du diocèse de Toulouse
11
Edité par « La Documentation Française » en 2006, Réf. : 9782110062086, ISBN : 2-11-006208-8, 7,01 € et
disponible sur http://www.miviludes.gouv.fr/IMG/pdf/guide_satanisme_derive_sectaire.pdf
Trois questions à Jacky Cordonnier
Nous avons interrogé Jacky Cordonnier12, Membre du Conseil
d’Orientation de la MIVILUDES (Mission Interministérielle de
Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires) et expert du
satanisme.
Le gothisme, la musique metal, et certains sites web et jeux vidéo extrêmement violents
sont ils des portes d’entrée du satanisme ?
Attention à ne pas faire d’amalgame trop rapide ; le mouvement gothique tout comme la
musique metal ne sont pas systématiquement satanistes mais ils sont souvent des exutoires du
mal-être de certains adolescents. Le satanisme récupère le malaise des jeunes pour mieux les
manipuler ; il abonde dans leur besoin de provocation, tente de renforcer leur opposition
systématique naturelle, leur propension à repousser les limites, à développer
l'anticonformisme qui les fascine, à les séduire par une apologie facile du mal absolu. Il
développe chez eux refus et révolte contre l'ordre social et leur insuffle le sentiment d'être
forts, invulnérables et de ne pouvoir être arrêtés par rien. En cela ils peuvent être des portes
d’entrée vers le satanisme car ils ont des points communs, comme les goûts morbides ou
mortifères. On instrumentalise alors ces fragilisations, ces souffrances d’ados d’où la dérive
sectaire. Internet est de loin la porte d’entrée la plus importante.
A fréquenter des groupes satanistes plus ou mois informels, quel sont réellement les
dangers encourus ?
De couper l’ado du monde réel et de le faire entrer dans des conduites déviantes délictuelles
ou criminelles (profanations, etc), suicidaires ou des actes d’auto mutilation. Le satanisme va
amener l’individu à faire sauter tous les tabous, dans un sentiment de puissance comme chez
Nietzsche, lui faisant perdre toute notion de valeur du bien ou du mal. Dans une société où
toutes libertés ont comme limite la Loi, comment intégrer une idéologie qui proclame « Fais
ce qu’il te plaît ! Ne laisse rien être un obstacle à ton désir, sinon détruis-le… »
Qu’ils soient structurés ou non, que veulent véritablement les groupes satanistes ?
Selon les groupes, les objectifs sont divers. Pour les lucifériens, une haine farouche des
religions monothéistes ; pour les satanistes, redonner la place de maître du Monde à Satan et
détruire le christianisme. Pour les néo nazis satanistes, une race d’Homme Dieu où Hitler
devient l’Antéchrist, le Satan moderne. On trouve aussi un satanisme néo païen où est
recherché l’idéal des croyances celtiques. Le point commun est de placer l’Homme à la place
de Dieu, sans tabou, sans limite, sans peur dans une volonté à terme de déstructuration de la
Société et l’émergence d’un autre monde où les faibles n’ont plus leur place ; une nouvelle
race d’Hommes Forts, d’Hommes Dieu.
12
Historien des religions, conférencier et écrivain, Jacky Cordonnier est également Vice-président du GEMPPI,
(Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée pour la Prévention de l’Individu). Il est notamment l’auteur du livre
Dérives religieuses : astrologie, occultisme, spiritisme, nouvel âge, Halloween, sorcellerie, satanisme, Edition :
Chronique Sociale ISBN: 2850085049, 15 €
A lire
CASSIE, DU SATANISME AU CHOIX DE DIEU