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PS. Martine à l'école...

de la triche

PS. Martine à l'école... de la


triche
Rédigé par Renaud Dély le Samedi 19 Septembre 2009

Au PS, la triche est un secret de famille, l'un de ces inavouables sous-entendus que l'on se
transmet de génération en génération sans que nul n'ose l'évoquer ouvertement. De peur de
briser l'ultime tabou qui unit encore des gens qui n'ont plus grand-chose à faire ensemble. Si
Martine Aubry est bien une "fille de", ce n'est pas seulement de Jacques Delors : elle est
surtout l'héritière d'un système qu'elle n'a pas inventé, mais qui l'a portée là où elle est
aujourd'hui, celui de la triche qui, de Lille à la rue de Solferino, gangrène le huis clos socialiste
depuis si longtemps.

Pendant plus de trois décennies, de vote en vote, de congrès en congrès, les éléphants roses se
sont discrètement arrangés avec cette démocratie interne dont ils prétendaient détenir le
monopole. Sur scène, les chefs péroraient, donnaient des leçons au bon peuple ébahi et à leurs
adversaires politiques penauds ; en coulisse, les barons truquaient et troquaient. Ils
s'échangeaient menus coups de main et gros paquets de voix. L'équilibre de la terreur
préservait l'essentiel : les apparences. Pas de bris de vaisselle, la famille était en ordre. "Je te
tiens, tu me tiens par la barbichette..." "Un vrai système féodal", sourit Jean-Pierre
Chevènement, cofondateur du PS d'Epinay, qui souligne notamment le poids décisif de
l'addition des fédérations du Nord et du Pas-de-Calais - "On l'appelait la Prusse du Parti
socialiste", glisse-t-il -, des fiefs qui votaient comme un seul homme, en l'occurrence comme
leur patron, et décidaient à eux seuls de l'issue des congrès. Elle est longue, l'histoire des
miracles arithmétiques purement fictifs qui égayent la chronique socialiste. Au rayon farces et
attrapes électorales, on trouve par exemple ce congrès de Rennes de 1990, où les as de la règle
à calcul réussirent à placer les frères ennemis du mitterrandisme à égalité (28,95 % pour
Jospin ; 28,84 % pour Fabius !), histoire de faire croire à la tribu que la réconciliation était
encore possible.

En 1997, au congrès de Brest, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon, les deux seuls
candidats au poste de premier secrétaire, se mirent d'accord dans le bureau du premier. "Ce
sera 85 % pour moi et 15 % pour toi, propose François. - Tope là !", répond Jean-Luc.
Hollande voit ainsi son autorité naissante confortée, Mélenchon sauve l'honneur. Trois
semaines plus tard, patatras, Hollande empoche un triomphe castriste (92 %) et Mélenchon,
ramené à 8 %, encaisse une blessure d'amour-propre, une de plus. En 2005, au congrès du
Mans, deux jours de négociation permettent, à l'inverse, de faire remonter la motion de Fabius
au-dessus de la barre des 20 % : Hollande évite ainsi une humiliation à l'ancien Premier
ministre et s'attache ses bonnes grâces en vue de la synthèse dont accouchera le congrès
quelques jours plus tard. Dans la "novlangue" de ces tripatouilleurs de tout poil, on ne parle
plus de militants, pas même d'adhérents, mais tout bonnement de "cartes", vraies ou fausses,
réelles ou imaginaires. Des cartes concentrées dans ces fameuses "zones de non-droit" qui font
aujourd'hui s'étrangler Ségolène Royal, des "paradis électoraux" affranchis de toutes règles
comme le sont les paradis fiscaux. Le microclimat démocratique y est pittoresque, comme à la
section de Liévin (Pas-de-Calais), dont les 1 400 "cartes" sont à la botte du cacique du cru,
Jean-Pierre Kucheida, ou à celle de Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône) dont les
1 300 "cartes" (pour 11 300 habitants) furent si longtemps dévouées au regretté Henri
D'Attilio.

Briser le tabou

Et puis vint Ségolène Royal, celle qui osa briser le tabou. Sans doute parce qu'elle n'est pas
vraiment de la famille et que ses vrais-faux camarades ne se privent pas de le lui faire sentir, la
présidente de la région Poitou-Charentes a hurlé, tempêté, tambouriné. Le huis clos a viré au
grand déballage. Et la fraude, ce mauvais film de série B, est devenu Festen ! Ce chef-d'oeuvre
du cinéma danois raconte une réunion de famille qui tourne au drame lorsque, en plein repas
d'anniversaire, l'un des fils accuse le patriarche d'avoir abusé de plusieurs de ses enfants. Rue
de Solferino, c'est Ségolène Royal qui est en bout de table et balance tout ! Elle fustige "la loi
du silence", réclame "la vérité et des sanctions" et pousse le mimétisme avec Festen jusqu'à
vider son sac dans des vidéos tremblantes qu'elle poste sur son site Internet. On jurerait qu'elle
s'inspire du Dogma, ce procédé de tournage, caméra vidéo à l'épaule, lumières naturelles, qui
participa au triomphe du film danois.

http://www.marianne2.fr/PS-Martine-a-l-ecole-de-la-triche_a186421.html[24/03/2010 01:31:47]
PS. Martine à l'école... de la triche

"Oui, Martine a triché !" répète Royal sur tous les tons, en prenant l'opinion à témoin, au
risque de passer pour une mauvaise perdante. Car, l'année dernière, déjà, elle fut au bord de
déposer plainte. Mais n'avait pas franchi le pas. Cette année, rebelote. Preuve que, dans la
colère de Royal comme dans les dénégations d'Aubry, il est davantage question de politique
que de droit. Car en recensant les fraudes imputées au clan Aubry, les auteurs du livre Hold-
uPS, arnaques et trahisons n'ont fait, pour l'essentiel, que recopier, sans le citer, le rapport
rédigé l'année dernière par l'avocat Jean-Pierre Mignard. Ce fidèle de Ségolène Royal avait
produit une "protestation électorale" de 16 pages pour nourrir une éventuelle plainte en
justice. Tout y est. Le fameux SMS du conseiller d'Aubry, Guillaume Blanc (lire le portrait, ci-
contre) qui, le 21 novembre 2008, à 16 h 40, adresse aux secrétaires de section de la ville de
Lille le message suivant : "Attention ce soir. Ne donnez bien entendu aucune copie du procès-
verbal du vote et apportez-le-nous au comité de ville dès la fin." Une centralisation qui a
gonflé le score lillois d'Aubry d'environ 250 voix. En Seine-Maritime, fief de Laurent Fabius,
elle a bénéficié d'une prime tombée du ciel à peu près équivalente. Et, à la Guadeloupe, ce sont
71 voix fictives (en particulier dans les sections de Pointe-à-Pitre et d'Anse-Bertrand) qui sont
tombées dans son escarcelle. D'un tour à l'autre, Ségolène Royal - qui avait recueilli 42 % des
voix au premier tour - a progressé partout en France de près de 10 points sauf... en Seine-
Maritime et dans le Nord. Au total, et sans tenir compte d'autres menues erreurs réparties de
façon à peu près égale entre les deux camps, Royal a été volée d'un peu moins de 500 voix, soit
largement plus que l'écart de 102 voix (sur 134 800 suffrages exprimés) officiellement constaté
en faveur de sa rivale. Et pourtant, l'ex-candidate à l'Elysée a fini par jeter l'éponge.

Coup de force

Tout s'est joué au surlendemain du vote, le lundi 24 novembre, lors de la réunion de la


commission dite de récolement des votes. Une structure prétendument impartiale, mais placée
sous la présidence de l'ancien ministre Daniel Vaillant, secondé par le jospiniste Kader Arif et
le hollandais Bruno Le Roux, trois des chevilles ouvrières de l'opération "Tout sauf Ségo". C'est
dans ce huis clos que s'est décidée la fin de ce mauvais film. Les ségolénistes Jean-Pierre
Mignard et David Assouline posent d'emblée 32 réclamations et déroulent le contenu de leur
dossier de "protestation électorale". Royal les a chargés de conduire une grande opération de
bluff. Ils menacent, tonnent, bandent leurs muscles, escomptant que Martine Aubry finisse par
craquer. A Reims, la maire de Lille n'a été candidate qu'à reculons, poussée par les troupes de
Fabius et de Strauss-Kahn. Les ségolénistes espèrent qu'elle peut encore lâcher prise. Et se
laisser convaincre de demander un nouveau vote. Il n'en sera rien.

Le mardi à midi, ne voyant rien venir, Ségolène Royal exhorte ses fidèles au baroud d'honneur.
Un dernier coup de gueule, pour voir. La séance reprend à 15 heures. Lassé, Daniel Vaillant
s'énerve et menace de retirer 1 000 voix obtenues par Royal aux Antilles. Assouline se dresse
d'un bond : "Vous voulez humilier la candidate ! On s'en va et on fait tout péter devant les
caméras !" Le strauss-kahnien Christophe Borgel s'interpose : "Calme-toi, David, on va
s'arranger..." Une heure de marchandage plus tard, la commission annule 60 bulletins Royal
en Guadeloupe et l'avance d'Aubry passe de 42 à 102 voix. Les registres d'émargement du
Nord et de Seine-Maritime arrivent enfin. Trop tard. Le conseil national du PS qui doit
entériner la fausse victoire d'Aubry doit débuter dans un quart d'heure, les journalistes se
pressent par centaines. Les partisans de Royal s'inclinent. Le coup de bluff a échoué, le coup de
force a réussi. "Un compromis pour sauver ce qui restait du PS, une décision purement
politique, mais qui n'avait rien de juridique", résume un des membres de la commission de
récolement. Un autre, soutien d'Aubry, avoue : "Devant n'importe quelle juridiction de la
République, le juge aurait cassé le scrutin et demandé un nouveau vote."

Un an plus tard, le PS envisage de se doter d'une nouvelle commission impartiale inspirée du


Conseil constitutionnel. Une preuve de plus que le contentieux Aubry-Royal ne s'est pas
déroulé en République, mais au pays de la triche. En famille.R.D.

Les tricheurs sont punis... parfois

Parfois, ça arrive, les tricheurs sont punis. A Carcassonne, c'est l'UMP qui a trinqué : Gérard
Larrat, le maire UMP dont l'élection, en 2008, avait été invalidée par le Conseil d'Etat, a été
battu le 13 septembre par son rival socialiste Jean-Claude Pérez (54 %). Larrat paie au prix
fort ses "manoeuvres électorales frauduleuses". En mars 2008, il n'avait été élu maire
qu'avec 56 voix d'avance. Après enquête du tribunal administratif de Montpellier, l'écart
avait été ramené à 40 voix. Puis ce sont ses opposants de gauche qui avaient démontré une
fraude sur les procurations. L'invalidation prononcée dans la foulée avait durablement
plombé l'édile de droite, et la venue, le 28 août, de Xavier Bertrand, n'y a rien changé. De là
à en déduire qu'il y a une morale en politique... A Perpignan, le sénateur UMP Jean-Pierre
Alduy, dont l'élection à la mairie avait également été invalidée à la suite d'une fraude dite "à
la chaussette", a lui été réélu le 28 juin.St.M.

http://www.marianne2.fr/PS-Martine-a-l-ecole-de-la-triche_a186421.html[24/03/2010 01:31:47]
PS. Martine à l'école... de la triche

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