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Vox populi : ÉCOLE ALGÉRIENNE

Une alchimie d’expériences décidées derrière un bureau

Moi-même étant «travailleur » dans le fameux ministère de wizarat attarbya wa attahdid, avec
comme illustre ministre, depuis des lustres, Benbouzid, ayant lu votre article sur les raisons de
l'échec de l'école actuelle, car c'est comme ça que je la conçois, — l'école algérienne étant plus
noble que les réformes bâclées —, je viens apporter une petite pierre à l'édifice. L’école algérienne
étant une alchimie d'expériences décidées derrière un bureau pour amuser la galerie, voire plutôt le
grand pape algérien, ne s'en remettra jamais de son naufrage collectif décidé en haut lieu.

Les raisons sont simples :


1) Il faut dispenser un savoir qui permet de développer la réflexion personnelle et la critique
intelligente, la compréhension des potentialités, or notre ministre va à l'encontre de ce choix.
2) Refuser toute discrimination, toute sélection sociale ou régionale. Sans toutefois oublier le niveau
et la qualité de l’instruction.
3) L’argent investi dans l’école et l’université doit profiter aux seuls apprenants et non être détourné
de sa vocation principale.
4) L’école doit être un espace de réflexion ouvert entre apprenants et enseignants, son but n’est pas
de faire admirer aux élèves une éducation civique toute faite, mais de les rendre capables de
l’apprécier et de la corriger. Il s’agit d’éclairer les générations. «On prépare la démocratie de demain
à l’école… par l’exemple et l’action, la vraie démocratie» Celestin Freinet.
5) Refuser fermement la «marchandisation idéologique. L’élève ne peut devenir un client de groupes
de pression. Il est citoyen de demain.
6) L’école doit assurer les droits aux élèves et aux professeurs : droits d’organisation à l’élaboration
des programmes scolaires.
7) Le financement doit être attribué en fonction des besoins et non selon des enveloppes arbitraires.
Une bonne gestion doit être de mise.
8) L’école doit entretenir un dialogue étroit avec les parents, doit être un espace, un lieu de vie
d’expérimentation, d’expression pour les jeunes, où les apprentissages sont liés à la pratique sociale,
à l’acte technique et à la production.

Or, à y voir plus clair, on s'aperçoit que la mort de l'école algérienne est plutôt bien entamée ou bien
programmée, aucun critère cité ci-dessus ne ressort dans les dédales de l'école benbouzidienne.
L’histoire retiendra qu'il a mis à sac l'école algérienne comme les Mongoles ont fait à Constantinople.
A quoi tient la puissance d’une nation ? Les réponses peuvent être multiples, mais certainement, il y
aura une qui fera toujours l’unanimité. Il s’agit de la santé de son enseignement et de sa capacité à
promouvoir le progrès et à être en phase avec les besoins du pays, notamment la sphère
économique. Dans cet ordre d’idées, il est impératif de pénétrer le monde «clos» de l’école et
d’essayer de savoir si les activités d’acquisition du savoir sont en adéquation avec l’émergence de
nouveaux concepts «didactiques » liés probablement à l’ère de la globalisation. Je veux dans ce
contexte précis citer la notion de compétences et ensuite celle de l’approche par compétences,
comme citée par Freinet, Vigotsky ou encore Dewey et qui nous offre un panel de compromis
synonymiques allant d’un enseignement orienté vers les compétences… à l’approche par
compétences. Cependant, le flou persiste et le monde de l’éducation est un peu perdu quant à
l’approche de ce concept tout à fait nouveau pour l’enseignant que je suis. Cela signifie un projet
pédagogique où viennent s’incruster des entraves tant pédagogiques qu’organisationnelles et
l’impossibilité d’appliquer cette nouvelle approche dans notre système éducatif tous paliers
confondus, car aucune préparation n’a été conduite au préalable pour expliquer, clarifier et recycler
le personnel enseignant, l’initiant aux nouvelles approches pédagogiques. Les compétences sont
d'abord, je cite : «En somme, c’est un comportement efficace répondant à un objectif ou à un
problème donné.» Depuis la mise en œuvre des réformes scolaires en Algérie et l’installation du
principe de compétences comme approche nouvelle dans la didactique scolaire, une idée ne cesse
de me tarauder l’esprit : pourquoi les autorités du pays insistent-elles sur ce concept «pratique»,
alors que notre école dispense des cours à vocation plus théorique que pratique ? Le constat est là :
nos élèves ne cessent de grossir les rangs déjà importants des recalés de la classe dans la rue. Bref,
une déperdition scolaire de plus en plus importante chaque année. La conception purement
économique de cette approche fait de l’école un instrument docile au service de la rentabilité et du
profit, de la compétition économique dans le monde de l’entreprise. Les concepts de «familles de
tâches» et de «référentiels de compétences» sont nés dans l’entreprise confrontée à un rythme
d’innovation croissant, effectuant de plus en plus d’analyses précises des tâches et à identifier à
partir de là, les compétences requises chez les travailleurs. Alors, où sont ces sociétés rentables, ou
sont les fleurons de notre économie basée sur l'importation. Que fait «sir» Benbouzid ? Il déploie sa
compétence pour asphyxier les enseignants, et mater toute forme de contestation de l’orientation
actuelle et de revendications sociales.

Par : Bruno Lancelot

Source : Le Soir d’Algérie, édition du 31/03/2010

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