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COMITE DE REDACTION :

ivan verheyden, rédacteur en chef


jean-claude berck, robert dehon,
jacques dieu, guy druart, patrick ferryn,
jacques gossart, jacques victoor
AVEC LA COLLABORATION DE :
Jacques blanchart, willy brou,
professeur marcel holmet,
pierre méreaux-tanguy,
édith pirson, nicole torchet,
albert van hoorenbeeck,alfred weysen
MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

Au sommaire
— lettre ouverte à m. erich von däniken, Ivan Verheyden . . . . . 3
— notre cahier celtie . . . . . . . . . . . . . . . . .
— — ingénieurs, philosophes ou magiciens ? les druides,
Pierre Méreaux-Tanguy . . . . . . . . . . . . 8
— barnemez, une pyramide en bretagne, Jacques Victoor . . . . 16
— l’homme américain d’atacama, Albert Van Hoorenbeeck . . . . 20
— éparpillement de sphères au costa-rica, Robert Dehon . . . . . 27
— tongatabu : irritant vestige en polynésie, Jacques Dieu . . . . . 31
A la recherche
De kadath

« Celtes: voir Gaulois »... « Gaulois: voir Celtes ». Ce jeu de cache-cache, il est loisible de le
pratiquer dans les dictionnaires, les livres d’histoire ou les encyclopédies. Il date de Jules César :
avant lui, il n’y avait, en nos régions, que « nos ancêtres les Gaulois ». Si cet état de fait peut être
propice à l’éclosion des « Astérix », nous le ressentons plutôt comme une conjuration du silence.
Aussi avions-nous annoncé depuis longtemps que KADATH désirait « ressortir les Celtes de la
trappe de l’Histoire ». Et en cela, nous rejoignions d’ailleurs le vœu de nombre de nos lecteurs,
sondage à l’appui. Nous avions, timidement, ouvert une rubrique « Belgique mystérieuse ». Mais,
d’une part la parution récente d’un ouvrage intitulé de même — et qui créa pas mal d’ambiguïtés
et d’incompréhension à notre égard —, le désir par ailleurs de ne pas nous confiner à un territoire
qui ne correspondrait pas à l’entité d’origine — ces deux éléments nous ont incité à élargir la rubri-
que, en la rebaptisant « Mystérieuse Celtie » (ce mot étant de racine grecque, comme Gaule vient
du romain). Et c’est pourquoi la croix celtique figure en couverture.
Un mot aussi au sujet de notre sondage. Que ceux qui n’y ont pas encore répondu ne tardent plus,
et si certains l’ont malencontreusement égaré, qu’ils n’hésitent pas à nous en demander. Mais nous
préparons d’ores et déjà un long éditorial qui reprendra, en y répondant, les questions majeures
que nous avons rencontrées, tant au cours des débats qui accompagnèrent nos conférences, que
dans les réponses de nos lecteurs. Cette suite à notre éditorial-programme des débuts apportera
déjà certaines rectifications de tir, proposera des conclusions provisoires, et ouvrira de nouvelles
perspectives. Disons déjà que la majorité de nos lecteurs sont désireux d’avoir l’avis de KADATH,
2 tant sur les livres récents de certaines collections « spécialisées », que sur les grandes énigmes
« classiques » de l’archéologie, qui sont compilées un peu partout. Nous mettons tout en œuvre
pour répondre à ce souhait, et le résultat apparaîtra dès le prochain numéro. Mais pour cela, il faut
de la place ! Certains voudraient un KADATH plus volumineux, quitte à y mettre le prix. Malheureu-
sement, dans le contexte économique actuel, cela tiendrait de la gageure. Pourtant, la solution,
toute simple, existe, et elle ne dépend pas de nous. Si chacun de vous s’abonne et incite un autre
à le faire, — si, ayant prêté votre KADATH à un ami, vous lui suggérez de s’abonner ... — alors
nous pourrons, sans problème, augmenter le nombre de pages sans préjudice pour quiconque.
Songez-y : la réponse dépend de chacun de vous ...
Revenons enfin au numéro que vous tenez en main. On peut y retrouver une orientation mégalithi-
que involontaire. Mais cet éclairage, nous l’avons voulu le plus diversifié possible. Des Druides aux
Polynésiens, en passant par les Amérindiens, nous avons mis plus particulièrement l’accent sur
des formes de pensée différentes. Nous espérons que c’est ainsi que le lecteur comprendra notre
démarche.
KADATH.

Jusques à quand la « culture po-


pulaire » et les livres d’école per-
sisteront-ils à nous distiller ce
pompiérisme pseudo-celtique ?
Lettre ouverte à
M. Erich von Däniken
Monsieur,
J’ai pu, comme des millions de téléspectateurs, suivre
à la 2e chaîne de l’ORTF, le film tiré de votre ouvrage,
et intitulé : « Erinnerungen an die Zukunft ». J’avais
déjà eu l’occasion de le voir dans une salle de cinéma
en Allemagne, et ainsi en apprécier les qualités. Pour
les spectateurs du petit écran, ce fut une révélation.
Ils pouvaient y voir les « gros morceaux» de la prim-
histoire, filmés en de remarquables couleurs.
(L’équipe de KADATH vous prie d’ailleurs de féliciter,
de sa part, le Dr. Harald Reindl, qui en signa la réali-
sation.) Le public, donc, apprenait par la même occa-
sion que c’était là le titre réel de votre livre, paru seu-
lement en 1968, et que cela signifiait « Souvenirs du
futur ». Ce terme m’a fait sourire, me rappelant étran-
gement le « ressac du futur », cher à Pauwels et Ber-
gier. Plus loin, vous évoquez d’ailleurs souvent le
« futur antérieur », — en fait une des grandes subdivi-
sions du Matin des Magicens. Vos lecteurs étaient
dès lors en droit de se demander pourquoi on avait
cru bon de traduire cela par « Présence des extrater-
restres» ? Allez savoir... En anglais, on l’avait bien
baptisé « Chariots of the gods » ! Alors...
Dans le film, les photos de la NASA étaient judicieu-
sement enchaînées avec celles de ruines jonchant les 3
cinq continents. Le conditionnement extraterrestre
était remarquablement monté, et je n’insisterai pas là-
dessus. Mais le film se terminait sur un vue grandiose
des pistes de Nazca — et sur une escroquerie de
taille. On s’imaginait à bord d’un avion perdant de
l’altitude, et qui allait, immanquablement, atterrir sur
les pistes. Et ce fut le « happy end »... Puis l’avion — Croyez bien, Monsieur, qu’il est un certain nombre de
le vrai — s’empressa de reprendre de l’altitude. Cela, choses que je n’attaque pas ici. D’abord, et avant
les spectateurs devaient l’ignorer. Et pourtant, pour tout, il ne s’agit pas d’une question de personne. J’ai
qui connaît la configuration du terrain à Nazca, si le déjà eu l’occasion de dire que KADATH est ouvert à
pilote avait fait mine d’atterrir, son appareil n’aurait pu tout quiconque a quelque chose à dire. Ensuite, à
que capoter. Il n’y a là que rocailles et cailloux, et il en travers votre cas, ce n’est pas non plus l’hypothèse
fut ainsi de tout temps. Car la forme des dessins et extraterrestre qui est visée : nos lecteurs savent très
des « pistes » n’a pu être obtenue qu’en déplaçant les bien qu’elle figure parmi les diverses solutions que
cailloux sombres de la surface, afin de dégager ainsi nous envisageons sur, le mystère des origines. Non,
le sol plus clair mais non moins chaotique. dans votre cas, c’est parce qu’il s’agit de fraude ca-
Qu’à cela ne tienne, l’escroquerie en valait la peine, me ractérisée que je me suis décidé à vous écrire, et que
direz-vous, puisque l’effet fut saisissant. Certes, et c’est je désire ne plus avoir à donner notre avis sur vous.
d’ailleurs la question que je me suis posée tout au long
de cette petite enquête : votre but, d’un ouvrage à l’au- Mais d’abord, qu’avez-vous de neuf à proposer? Pra-
tre, n’est-il pas précisément d’obtenir cet « effet saisis- tiquement rien. Tout ce qu’on lit dans vos livres est un
sant», sans pour autant essayer de convaincre raisonna- ramassis de généralités, à partir des grandes énig-
blement, mais bien plutôt en conditionnant le lecteur à mes de l’archéologie, et dont la plupart des gens ont
recevoir un message ? De tels personnages, on en entendu parler bien avant vous. N’oublions quand
connaît des masses, et ils n’ont guère place dans KA- même pas l’ordre chronologique :
DATH. Mais il se trouve que vous venez de publier un 1961. « Le matin des magiciens », de Pauwels et
troisième livre — qui se vend bien d’ailleurs —, et je Bergier.
tiens à mettre mes lecteurs en garde, au cas où nous 1963. « Histoire inconnue des hommes », de Robert
serions bientôt gratifiés d’une version française. Neuf Charroux.
millions d’exemplaires dans le monde, en trente-deux 1964. « Terre énigmatique », de Peter Kolosimo.
langues (dont le chinois, l’hébreu et le bengali), voilà une 1968. Votre « Présence des extraterrestres ».
bien belle performance ! C’est même un peu anormal. Et Lorsque parait ce livre, les autres auteurs sont déjà
c’est pourquoi « l’escroquerie von Däniken » a eu la loin devant. De ce fait, vous enfoncez des portes lar-
couverture du Spiegel. gement ouvertes. « Déjà un grand nombre de savants
de l’Est et de l’Ouest tiennent compte dans leurs rai- notions archi-connues, tels les monstres, le péché
sonnements de l’idée que j’avance », dites-vous. Voi- originel, le déluge, mais dans la plus grande confu-
là bien le procédé : vous agenouillez vos précurseurs sion mentale, et sans autre lien que celui que vous
devant la soi-disant originalité de « vos » idées, alors leur confiez dans l’arbitraire le plus absolu. Et dès
qu’elles datent de dix ans. lors, tout nous est, bien sûr, venu des extraterrestres.
Votre premier livre, on nous l’a publié en français J’admets que magie et rites peuvent être le souvenir
sans la moindre illustration. C’est dire combien vous déformé d’une quelconque technique perdue (l’idée
attachez peu d’importance au document iconogra- n’est pas de vous d’ailleurs). Mais pourquoi celle-ci
phique. Dans le second ouvrage (« Retour aux étoi- doit-elle à tout prix avoir germé d’une semence extra-
les », 1969), les seules photos valables ne sont pas terrestre? Si les Mayas arrachent le coeur de leurs
de vous. Les « photos de l’auteur » sont de qualité sacrifiés encore vivants, c’est, dites-vous, pour imiter
médiocre, voire même indéchiffrables, et disposées la technique opératoire des dieux extraterrestres.
sans le moindre à-propos. J’ai souri devant le « gros Pourquoi, bon sang ? Si, selon vous, la sphère est la
plan d’un trou » (sic) à Cajamarquilla. « il faut un forme idéale pour un engin cosmique, il vous est aisé
certain courage pour écrire un tel livre, il n’en faut d’en trouver un peu partout sur terre. Vous en énumé-
pas moins pour le lire », affirme la présentation. Et rez un bon nombre, auréolées de rayons : mais le
comment ! symbole solaire, cela n’évoque-t-il rien pour vous ?
Il faut en effet bien se tenir lorsqu’on apprend, par Même la découverte que pour tremper l’acier, il suffit
exemple, que la vie apparut sur terre il y a un million de le plonger dans le corps d’un homme, même cela
et demi d’années, que le bloc de Baalbeck pèse (bien ne peut résulter, selon vous, de l’expérience : seuls
sûr) deux mille tonnes, que la lampe d’Aladin était en des extraterrestres peuvent avoir enseigné cela à nos
fait un poste de télévision (premier livre) ou une ma- ancêtres ! ? !
chine à matérialiser (deuxième livre), et le « Sésame, Je terminerai en citant ce que vous proposez comme
ouvre-toi » d’Ali-Baba, rien d’autre qu’une cellule pho- « solution » pour résoudre ces énigmes : « Que l’ar-
to-électrique ; que l’arche d’alliance de Moïse était un chéologie ait recours aux services des laboratoires
walkie-talkie destiné à rester en contact avec le vais- modernes ; que l’archéologue examine les hauts-lieux
seau-mère ; que l’âge élevé des patriarches tient à ce des civilisations disparues en appelant à la rescousse
qu’ils étaient maintenus en hibernation artificielle. les techniques d’investigation les plus perfection-
Votre équation de la relativité einsteinienne est, soit nées ; que les champions de la vérité mettent en dou-
dit en passant, erronée. Par ailleurs, vous vous de- te les vérités reçues...» Après seconde lecture, cet
mandez « comment les auteurs de la Kabbale sa- aphorisme ne veut strictement rien dire du tout ! Par
vaient que les créatures des sept (?) autres planètes contre, avez-vous remarqué que le reproche que
avaient un aspect différent de celui des citoyens de la vous adressez à l’archéologie peut, déjà, s’appliquer
terre» ? Car nous, bien sûr, nous l’avons appris ré- à votre propre méthode ? (si méthode il y a) : « Les
4 cemment ! Et votre proposition ineffable de planter éléments disparates qui donnent lieu à la mosaïque
des pommes de terre sur les côtés d’un triangle équi- ont été disposés en fonction d’un modèle préexistant
latéral de mille kilomètres de côté, afin d’attirer l’atten- fourni précisément par ces schémas de pensée ».
tion des extra-terrestres…
Après cette présentation (qui était plutôt destinée à
Mais excusez-moi, j’ironise, et je veux bien voir avec mes lecteurs), j’en viens aux faits. Une seule solution
vous ce que vous avez à proposer. Votre problème pour vous, si vous désirez apporter quelque chose de
semble résider en une seule question : « Quand, et à neuf (ce dont vous n’êtes pas capable) : la fraude.
la suite de quoi, nos ancêtres sont-ils devenus intelli- Vous en aviez acquis l’expérience, faut-il le dire ?
gents ? » L’évolution vous paraît trop lente. Alors, tant Encore apprenti-cuisinier au Schweizerhof à Berne,
pis, les extraterrestres ! Conscience, mémoire, intelli- vous détourniez 12.000 francs suisses pour aller voir
gence, artisanat et techniques, les anthropiens l’au- l’Egypte. Seize mois de prison vous attendaient à
raient acquis par mutation provoquée. D’ailleurs (je votre retour. Après quoi, d’autres places de cuisinier
cite en m’efforçant de ne pas rire), « il existe des for- vous permettaient « d’emprunter» 74.000 FS cette
mes d’alambic à proximité de figures représentant fois, afin de retourner en Egypte et de voir l’Amérique.
l’homme primitif. Des intelligences étrangères au- Votre palmarès se termina par trois ans et demi de
raient-elles utilisé la moelle d’Adam _ comme culture prison à la maison d’arrêt de Waldheim. Motif : faux et
cellulaire pour y faire croître le germe ? Tout désignait usage de faux, recel de documents, abus de confian-
la côte, assez facilement accessible ». Eh oui ! D’ail- ce, 500.000 FS de dettes. Il ne vous restait plus qu’à
leurs, pour confirmer votre théorie, il faudrait, dites- rédiger votre message, que vous aviez déjà chuchoté
vous, pouvoir trouver des représentations d’une créa- à tous les clients des restaurants que vous hantiez.
ture féminine sur les parois des cavernes et sur les os Vos sources (et donc vos références) : Stern, Spiegel,
de l’âge de pierre. Et, effectivement, ce sont, selon Süddeutscher Zeitung. Si l’homme de la rue n’assimi-
vous, les Vénus du paléolithique supérieur. Autrement le pas toujours correctement les journaux, vous en
dit, avant cette époque, il n’existait pas de femme — avez franchement fait une indigestion.
du moins douée d’intelligence — sur cette terre, ou Ayant repris à votre compte les chromosomes-
alors les hommes se reproduisaient entre eux... Et le mémoires de Robert Charroux (devenus sous votre
péché originel, c’est « le vieil Adam », celui qui, pau- plume les « molécules-mémoires »), vous affirmez
vre crétin, continue à s’accoupler avec les simiens ! également que toute l’histoire (extra-terrestre) de
Où allons-nous ?... Mais c’est limpide : nous nous l’humanité commence à Tiahuanaco. Vous y êtes
ruons, tête baissée, dans la fumeuse théosophie de allé, c’est exact. Pour consulter les archéologues ?
Madame Blavatsky, poussée jusqu’à l’indigestion ! Que non ! Le pauvre Carlos Ponce Sangines, ar-
En n’y prenant garde, on aurait même, à la lecture, chéologue attitré de Tiahuanaco — une des statues
l’impression que tout cela tient bien debout car, au fur porte même son nom — vous a vu arriver un jour
et à mesure du raisonnement, vous introduisez des en taxi. Vous êtes resté dix minutes, le temps de lui
emprunter son mètre-ruban pour mesurer quelque
chose, puis vous êtes reparti sans plus lui adresser
la parole. Toujours est-il que cela nous a valu quel-
ques affreuses « photos de l’auteur ».
Il faut croire — si vous me permettez ce jeu de mots
involontaire — que les Andes vous hantent. Il est vrai
qu’elles recèlent pas mal d’énigmes, les précédents
numéros de KADATH en témoignent. Mais nous par-
lions de vrais mystères. Ceux-là vous n’êtes pas ca-
pable de les aborder. Alors, vous en fabriquez de
toutes pièces. Témoin la série des photos ci-contre
que nous a transmises le Professeur Marcel Homet,
lequel, comme tout un chacun, fut victime de vos
fraudes. L’on y voit une série de vues d’un temple
solaire à Samaïpata en Bolivie : la partie supérieure
dudit temple montre trois serpents de 74 anneaux
chacun, le tout mesurant 27 mètres de long. Au vu de
l’ensemble des photos, cela paraît clair. Mais, en y
regardant de plus près, on constate dans le coin su-
périeur droit qu’une photo a été arrachée. C’est celle
qui est reproduite ci-dessous. Vous l’avez publiée,
seule, comme étant l’une de vos découvertes, et en
expliquant qu’il s’agit là d’une longue route maçonnée
où pouvaient rouler des voitures ! A noter que cette
photo se trouve dans toutes les éditions internationa-
les de votre livre, sauf en français et en allemand, par
crainte que Marcel Homet ne s’en aperçoive. Malheu-
reusement pour vous, il a eu en mains l’édition italien-
ne... et nous savons — j’ai les chiffres devant moi —
que vous avez offert à son avocat une somme ronde-
lette pour que celui-ci ne conteste pas. Mais le Pro-
fesseur Homet se plaît à dire « ich bin ein Wolf », et
vous voilà avec un procès sur les bras. Un de plus. Poursuivant notre « tour des Andes », voici le chande-
lier de la baie de Pisco. « Nous poussions devant nous
des sacs de plastique renfermant nos instruments de 5
mesures et appareils photographiques. Quand nous
avons atteint les premiers rochers, nous avons enlevé
nos vêtements trempés et nous avons péniblement
traversé le désert de sable jusqu’à la paroi rocheuse.
Malheureusement, les dieux bons n’accordent aucune
force surhumaine aux idéalistes très curieux. Après
plusieurs heures d’un travail acharné, nous dûmes
convenir qu’il était au-dessus de nos forces de débar-
rasser la couche de sable durci, ne fût-ce qu’un frag-
ment d’une branche. Quoi qu’il en soit, quelques mesu-
res et quelques observations précises nous récompen-
sèrent de nos peines : chacune des branches du tri-
dent mesure jusqu’à 3,80 m de large. Elles se compo-
sent de blocs phosphorescents d’une blancheur écla-
tante, aussi durs que du granit...» On s’y croirait ! En
réalité, vous n’avez jamais rien fait de plus que de
passer au large, comme en témoigne l’unique « photo
de l’auteur » qui accompagne le texte, et sur laquelle
on ne réussit même pas à distinguer le chandelier des
Andes. Un conseil : « empruntez » les photos de Ro-
bert Charroux, car il y est allé, lui ! Et, photos à l’appui,
il nous montre que les traces de pas s’inscrivent dans
ces « blocs aussi durs que du granit », Tout cela ne
vous empêchera pas de vous extasier devant le fait
que le trident soit orienté vers le ciel, preuve évidente
— selon vous — qu’il s’agissait d’un signal pour des
engins aériens. Comment, je vous prie, un dessin en
hauteur gravé sur le flanc d’une montagne, peut-il être
orienté autrement que de bas en haut, c’est-à-dire vers
le ciel ? Qu’à cela ne tienne, vous enchaînez avec
Nazca: quatre photos, en réalité empruntées au livre
de Maria Reiche (nous avons l’ouvrage), dont vous
donnez un résumé laissant croire que, là aussi, vous
étiez présent.
Mais il vous manquait votre Garcia Beltran, cet ineffa- Däniken, mettre l’ordre du monde sens dessus-
ble fondateur de la « Religion du Soleil Inca », et qui dessous. « Les mille et une nuits de l’astronauti-
aurait hérité d’un « manuscrit secret » révélant que que »... Quatre mois après la parution du livre, vous
des êtres humains très évolués débarquèrent à Tia- vous trouviez à Innsbruck face à deux journalistes du
huanaco, « à l’ère des tapirs géants ». Robert Char- Spiegel. Vous leur avouiez n’avoir jamais mis les
roux en est convaincu. Il vous fallait quelqu’un du pieds dans ces souterrains, mais que néanmoins
même acabit pour lancer votre troisième tome, le vous demeuriez convaincu de votre description, grâce
« von Däniken d’or » (comme l’affirme la publicité) et à vos dons parapsychologiques. Poursuivant leur
qui s’intitule « Aussaat und Kosmos », la Semence et enquête, ils apprirent de Juan Moricz que les photos
le Cosmos. Tout un programme ! Et mon but est de que vous publiez sont fausses, et que ce que vous
d’ores et déjà mettre le lecteur en garde, car l’ouvrage présentez comme de l’or n’est que de la tôle. Et le
a déjà été traduit en quelques langues sous le titre même Juan Moricz vous intente un procès dans l’es-
« L’or des dieux ». poir d’obtenir des droits d’auteur sur le livre.
Il était une fois un certain Juan Moricz, « chercheur
hongrois », qui émigra en Amérique du Sud. Basant Pour conclure, et plutôt à usage de mes lecteurs, il
ses recherches sur la mythologie, il se convainquit me faut maintenant chercher une explication. Robert
bien vite de ce que les Andes sont truffées de tun- Charroux fait à peine 58.000 exemplaires en Allema-
nels sur des centaines de kilomètres, reliant Cuzco à gne et Peter Kolosimo 28.000. Or, votre dernier livre a
la Bolivie et le Pérou à l’Equateur. Ce dernier serait été tiré, dès le départ, à 100.000 exemplaires et, en
d’ailleurs le centre culturel du monde, et la langue- mars 1973, atteignait déjà les 300.000. Pourquoi?
mère de l’Amérique était le magyar... Juan Moricz a Pourquoi après une émission de la TV américaine, a-
découvert des entrées à ces souterrains, lesquels t-on vendu 350.000 exemplaires de « Chariots of the
existent effectivement, mais sont dus la plupart à Gods » en vingt-quatre heures ? Les journalistes du
l’érosion des ruisseaux. Poussant plus loin ses in- Spiegel ont cherché — en vain — une réponse. Votre
vestigations, il découvrit une salle de 80 m de haut premier ouvrage — « Présence des extraterrestres »
(dit-il), remplie d’objets sculptés et contenant une — était un manuscrit plutôt émotionnel, qu’un scéna-
gigantesque bibliothèque de plaques métalliques. riste assez connu à Munich, Wilhelm Uterman, rema-
Selon son guide, tout cela est de culture atlante. nia complètement afin de le rendre lisible. C’est pro-
Moricz a tout vu, mais malheureusement n’a rien pu bablement lui qui apporta certaines idées originales
ramener. C’eût été pour lui la mort, rançon à payer dont je ne vous crois pas capable et pour lesquelles
aux êtres supérieurs qui l’ont guidé jusque là. Avec je me permets de le féliciter ici. Ainsi, par exemple, si
eux, on est condamné à terminer ses jours dans les notre civilisation était anéantie par un conflit atomi-
souterrains... mais ils ont fait une exception pour que, les archéologues pourraient retrouver plus tard
Juan Moricz. Tant la Direction Nationale de Géologie des débris de la Statue de la Liberté à New York, et
6 que le Département d’Archéologie de l’Université de en conclure qu’il s’agissait d’une déesse du feu (à
Quito n’ont jamais rien trouvé de semblable, et le cause du flambeau) ou du soleil (à cause des rayons
musée a proposé à Moricz de lui offrir une salle en- qui entourent la tête). Bref, toujours est-il que cet
tière pour contenir ses trouvailles. Seulement, lui, ouvrage parut en mars 1968, sans beaucoup de pu-
pour sa part, exige 50.000 dollars cash, puis 1.000 blicité, eut un succès immédiat en Suisse et créa des
dollars par jour, pour guider une expédition jusque retombées en Allemagne. Les analystes du Spiegel
là. Pas si bête... s’interrogent. Crise de la bourgeoisie décadente ?
Pourquoi alors un tel succès dans les pays de l’Est et
En mars 1972, vous déjeuniez avec Juan Moricz à en Chine? Crise religieuse? Il est clair qu’il ne s’agit
l’Hôtel Atahualpa de Guayaquil. Il vous proposa une pas pour vous de démontrer, mais uniquement de
expédition. Mais elle nécessitait au moins quinze convaincre de ce qu’il faut croire. Affinité d’une com-
jours et vous n’aviez qu’une semaine devant vous. munauté paranoïde pour un paranoïaque ? On
Qu’à cela ne tienne, il vous conduisit à l’une des en- connaît le goût des Germains pour la psychanalyse.
trées latérales, complètement effondrée, non loin de Gardons-nous en. Mais convenons-en, l’engouement
Cuenca: Et là, après un séjour de six heures environ, tient certainement à vous pour 50 %. Etes-vous un
vous saviez tout sur les souterrains et la « bibliotheca pâle plagiaire de la science-fiction ? Un simple charla-
metalica ». Tout au long de douze pages, vous ra- tan ? Ou (selon le mot d’un géologue) l’humoriste le
contez à vos lecteurs abusés, votre expédition depuis plus génial que la littérature allemande ait connu de-
cette entrée mystérieuse près du fleuve Santiago, puis cent ans ?
jusqu’au versant est de la Cordillère des Andes. Par-
courant ces tunnels, « un grand sentiment de bon- Je me suis amusé à traduire l’interview que vous accor-
heur » vous envahit. Vous découvriez devant vous diez au Spiegel. Pour un homme lucide, c’est plutôt
tout un zoo d’animaux en or : sauriens, éléphants, inquiétant. Car elle relève incontestablement de la para-
chameaux, ours, singes. Dans une « salle sans noïa : persécuté jusqu’au délire par une idée fixe. Et la
nom » de 240 mètres, grande comme trois terrains de Biblioteca Metalica est bien le point de fixation de votre
football, vous vous retrouviez devant une table avec croyance, le sein maternel dans lequel vous pouvez
sept chaises et... « La Bibliothèque » : des milliers de toujours vous réfugier, les catacombes dans lesquelles
minces plaques faites en métal (vous en donnez les personne ne peut vous suivre (ce sont vos propres paro-
mesures) « afin de pouvoir encore être lues durant les). Comment « cela » vous est-il arrivé ? Là, les en-
toute l’éternité ». Là, les visiteurs venus d’autres étoi- quêteurs du Spiegel n’ont eu aucune peine à remonter la
les (bien sûr) ont laissé, il y a de nombreux millénai- filière, votre passé étant plutôt chargé. En février 1944
res, le « plan cosmique », le véritable message de la (vous aviez 18 ans), vous assistiez à l’atterrissage forcé
création à l’usage des hommes de l’âge de l’espace. d’un bombardier américain ; de l’engin sortirent huit
Là, se trouve la clé tant attendue de l’éclosion de hommes qui passèrent devant vous sans broncher,
l’intelligence. Et avec elle, vous allez, vous, Erich von « comme des êtres venus d’un autre monde ». Au prin-
temps 1954, vous eûtes, selon vous, la révélation de vos
facultés parapsychologiques : au cours d’une vision,
Un entretien édifiant… votre esprit quitta le temps et vit tout d’un coup, passé,
présent et avenir ; il put communiquer avec des gens du
passé dotés des mêmes facultés que vous, et c’est là
DER SPIEGEL: M. von Däniken, comment en que vous avez appris quand vous devriez rédiger votre
êtes-vous arrivé à vos révélations sur les astro- prochain livre et comment vous mourrez (mais pas
nautes ? quand). En janvier 1963, vous confiiez à un ami que
VON DÄNIKEN : En tout cas, la fantaisie a « lorsque vous seriez vous-même convaincu de votre
quelque chose à y voir. vision, la mission de votre vie serait de rendre cette
S. Cela a-t-il un rapport avec votre prémonition vision compréhensible aux autres ». En août 1968, on
personnelle, que vous appelez ESP ? Qu’est-ce prépare Apollo VIII : l’homme découvre les premières
en fait que l’ESP ? vues de la Terre et se sent affreusement seul. C’est
VD. Ce sigle vient de l’américain, ce sont les alors qu’est publié le message d’Erich von Däniken.
abréviations de « perception extrasensorielle». L’astronautique vous a fait tourner la tête. Le seul but de
Mais c’est pour ainsi dire accessible à mon l’humanité est de reconquérir le cosmos. Vous avez une
intimité vitale. C’est quelque chose dont je ne vue idyllique des voyages spatiaux. On voit le messianis-
puis parler. me ; déjà, dans le premier livre : « Si l’univers nous
S. Mais les facultés psi (NDLR : version françai- ouvre ses portes, l’humanité connaîtra un avenir meil-
se de ESP) appartiennent à votre fantaisie, que leur, la paix régnera sur terre et l’homme aura accès
vous estimez être un élément productif ?
aux espaces célestes ».
VD. Oui.
S. Pouvez-vous situer votre première expérien-
ce de facultés psi ? Inutile, je crois, de poursuivre. Il est malheureuse-
VD. Il y a à peu près dix-huit ans de cela. ment clair que beaucoup relève chez vous de la
S. Vous étiez alors à l’internat ? paranoïa. Il est normal, à ce moment-là que, sachant
VD. Exact. que vous reproduisez des instruments en tôle, vous
S. Et cette première expérience vous a apporté soyez convaincu que c’est de l’or. Il est normal aussi
la conviction que des astronautes venus d’au- que vous croyez avoir visité une salle souterraine, à
tres étoiles... 100 km de l’entrée, sans vous rendre compte pour
VD. ... à mon avis : d’autres galaxies ou d’au- autant que vous auriez dû faire ce même trajet en
tres systèmes solaires... sens inverse. Cette conviction profonde, qui est l’as-
S. ... ainsi cette expérience de jeunesse à Fri- sise de votre entreprise, vous blinde contre le doute
bourg fut le point de départ de cette connais- ou l’hilarité. Hilarité qui s’est emparée de certains
sance ? critiques, lesquels ont comparé vos théories au célè-
VD. Exactement. bre fromage troué de votre pays natal. A quand le 7
S. Cette expérience psi a-t-elle depuis lors créé gourou Maharaj-Däniken apportant la vérité aux
en vous la conviction que des astronautes hommes... ou le message des extra planétaires de
étrangers ont débarqué sur la terre ? Baavi ? Car, en quelques années, vous avez brûlé
VD. Au début, je n’en étais pas sûr. C’était en les étapes qui vous rapprochent du coup de bam-
effet très inhabituel, ce que je venais de vivre bou. A la manière du délire organisé de ce cher Eu-
là. Mais je vous en prie, je ne puis en parler. genio Siragusa lequel a, lui, rencontré les extrater-
S. Mais vous-même avez écrit à ce sujet… restres. Il a rendez-vous avec eux tous les mois, sur
VD. Econ Verlag, mon éditeur, a révélé des les pentes de l’Etna. Vous pourriez organiser une
extraits de mon journal, que j’ai rédigé en prison
tournée italo-germanique (cela s’est déjà vu dans le
à Vienne. Il y avait là-dedans quelque chose sur
les facultés psi, oui, et aussi le fait que je passé) afin de nous tenir au courant de ce qu’on dit
connais la façon dont je mourrai. de nous là-haut. Et si quelqu’un, dans l’assemblée,
S. Et aussi quand ? fait mine de faire une objection, agissez comme Sira-
VD. Non, pas cela. Mais ce serait également gusa : envoyez-lui une malédiction ou menacez-le
possible. Seulement, je préfère que non. D’ail- de la comète. Il en sera tout retourné !
leurs, longtemps avant la publication de mon
premier livre, je savais qu’il aurait un grand Votre prochain livre est top-secret, dites-vous :
succès. Par exemple, j’ai prédit quel tirage il « Mais je puis vous dire que cette fois-ci, je possède
atteindrait. les faits pour aborder le problème sous un angle
S. Les facultés psi sont-elles aussi une fraction entièrement différent ». Cela promet ! En tout cas,
essentielle de vos connaissances ? comme l’a fait remarquer un rédacteur de News-
VD. Une fraction qui m’a amené à la conviction week, vous avez d’ores et déjà trouvé de l’or. Com-
définitive que la terre a reçu la visite d’astronau- me cela ne m’intéresse guère, je vous prie donc de
tes extraterrestres. Je le sais. Et je sais que ne pas me tenir au courant de vos élucubrations, et
dans un avenir rapproché un fait va intervenir, je vous présente, Monsieur, etc.
qui démontrera que j’ai raison. (s) Ivan Verheyden
S. Pouvez-vous décrire vos expériences psi
avec plus de précision ?
VD. On fait un véritable voyage dans le temps.
A ce moment-là, je quitte le temps. Je me trou-
(Je renvoie le lecteur désireux de vérifier mes dires, aux
ve ainsi à moitié hors du temps, et je vois tout
hebdomadaires suivants : Der Spiegel du 19 mars 1973,
simultanément, le passé, le présent et le futur.
Newsweek du 8 octobre 1973, et TV Panorama du 22 fé-
Je converse. vrier 1972. A noter qu’il existe une étrange conjuration qui
veille à ce que le moins possible de ce que je viens d’écrire
soit diffusé en langue française).
Mysterieuse celtie

INGENIEURS, PHILOSOPHES
OU MAGICIENS ? LES DRUIDES
Pierre Méreaux - Tanguy

« Ecoute-moi, petit marcassin,


Si tu ne sais pas, toi, moi je sais.»

Si l’on en croit le dictionnaire, les Druides se- Enfin, en Irlande même, de nombreux textes
raient « d’anciens prêtres gaulois et bretons... nous parlent des Druides et des Bardes et rela-
qui attachaient, entre autres, de mystérieuses tent une tradition antérieure à l’arrivée des Cel-
vertus au gui, cueilli chaque année en cérémo- tes, textes réunis dans une compilation du XI e
nie avec une faucille d’or. » Image d’Epinal lar- siècle, le « Leabhar na Gabhala » ou « Livre
8 gement popularisée par nos manuels d’histoire des Conquêtes ». Ce livre, qui nous retrace le
et diffusée encore de nos jours par les albums mythe des origines irlandaises, rapporte le récit
d’Astérix, les Druides semblent faire partie d’un de cinq invasions de peuples étrangers d’essen-
folklore un peu ridicule, mais nimbé d’une cer- ce divine. Les épisodes de ces invasions se
taine apparence de mystère et de magie. Ils situent à des dates bien déterminées, qui sont
nous sont surtout connus par certains auteurs devenues celles des quatre grandes fêtes de
grecs et latins, tels que César, Strabon, Diodo- l’année irlandaise, et dont certaines, par-delà
re, Posidonius, Marcellin et Timagène, mais les l’occupation celtique et romaine et en dépit de
récits et descriptions de ceux-ci sont souvent toute christianisation, persistent jusqu’à notre
peu objectifs et empreints de la supériorité mé- époque dans toute l’Europe :
diterranéenne sur les peuples dits barbares. ― le 1er novembre - fête de Samhain (« repos de
l’été »), consacrée à la mémoire des héros et
La plupart des historiens conventionnels s’accor- des défunts et pendant laquelle certains vi-
dent à reconnaître que les Druides ont été impor- vants privilégiés avaient le droit de pénétrer
tés en Europe occidentale par les Celtes, lors de dans le royaume des morts.
leurs invasions, tout en faisant remarquer le silen- ― le 1er février - fête d’Oimelc (« lait de bre-
ce des textes au sujet de leur présence au Pays bis »), époque où le lait vient aux brebis,
de Galles (dont les druides actuels ne sont qu’une appelée encore fête d’lmbolg (« fête lustra-
reconstitution archéologique), en Espagne, en le ») destinée à se purifier des souillures de
Italie, en Aquitaine, dans la Narbonnaise, la vallée l’hiver. Lors de la christianisation, ce jour fut
du Danube et certaines régions voisines du Rhin, dédié à sainte Brigide (et non Brigitte), sain-
contrées ayant pourtant toutes été occupées par te nationale d’Irlande.
lesdits Celtes. César nous affirme, d’autre part, ― le 1er mai - fête de Beltain (« feu de Bel ou
que le druidisme était originaire de Grande- Belen »), jour des grandes solennités de prin-
Bretagne et que les Druides de Gaule et d’Irlande temps.
allaient y compléter leur instruction. De plus, tou- ― le 1er août - fête de Lugnasad (« mariage du
tes les traditions et légendes populaires, irlandai- dieu Lug »).
ses ou bretonnes, sans exception, ont toujours Dans la mythologie irlandaise, Brigide, déesse de
rattaché ceux-ci aux monuments mégalithiques, la poésie, de la métallurgie et de la médecine,
lesquels, comme on le sait, ont été construits bien était fille de Dagda, le « Dieu bon », dont les
avant l’arrivée des Celtes. symboles étaient la harpe et le chaudron d’abon-
dance que nous retrouvons tels quels chez les sagesse humaniste du druidisme et je me borne-
Druides. rai à en résumer les principaux éléments. A vrai
dire, les Druides sont les adeptes d’une philoso-
Les auteurs celtisants, d’Arbois de Jubainville, phie de la nature originelle, des pierres, des grot-
Hubert, Squire, Czarnowski, etc., admettent tous tes, des monts, des arbres et des sources, doc-
que les Celtes doivent beaucoup à leurs prédé- trine admirable en elle-même et qui ne s’encom-
cesseurs, mais reconnaissent ignorer ce qu’ils leur bre d’aucun décorum artificiel et frelaté. Ils
ont réellement emprunté. D’autres savants, com- croyaient, non à la métempsychose, mais bien à
me John Rhys et Pokorny, par contre, affirment la réincarnation, c’est-à-dire à la migration des
que le druidisme n’était pas celtique et le ratta- âmes à travers des corps successifs, même ani-
chent aux populations que les Celtes ont trouvé maux ou végétaux, pour arriver, en dernier sta-
établies à l’ouest de l’Europe, à celles qui ont de, à la purification absolue. Chaque individu doit
construit les monuments mégalithiques. Que peut- donc vivre au moins trois existences consécuti-
on conclure de tout cela ? Si les Druides eux- ves, avoir trois commencements et trois fins,
mêmes sont peut-être d’origine celtique, il semble avant d’accéder à la félicité définitive. On retrou-
actuellement peu discutable que toute leur science ve ce symbole dans un dicton populaire :
soit issue de sources bien plus lointaines et in- « Chaque Breton revient trois fois sur la terre,
contestablement liée à celle des constructeurs une fois brun, une fois blond et une fois roux. »
mégalithiques, dont ils sont les successeurs. En
un mot, le nom de « Druide» est celtique, mais le L’homme est composé de trois éléments :
druidisme, en tant que philosophie, est certaine- — le Korf ou corps physique
ment beaucoup plus ancien. — le Ene ou corps animique (âme)
— le Spered ou corps spirituel (esprit)
En irlandais, druide se dit « drui, druad ». Les La mort entraîne la dissociation de ces trois élé-
Anciens ont rapproché ce nom de celui du chê- ments ; le premier retourne à la matière terrestre,
ne (« drus », en indo-européen). Pour eux, les le second se dissout dans le cosmos et le troisiè-
Druides étaient des Dryades, des prêtres du me se réincarne. Après un séjour plus ou moins
chêne (en grec, « druas » = nymphe des bois). long dans l’Abred, qui est le cycle nécessaire aux
D’après des recherches plus récentes, le nom différentes réincarnations successives, l’esprit
serait issu de deux racines indo-européennes :
« dru » (fort) et « uid » (savoir) avec le sens de
purifié, ayant racheté ses erreurs et ses fautes, 9
pénètre enfin définitivement dans le Gwened,
« très sage ou « très savant », qu’on peut rap- monde blanc de félicité et de repos.
procher du celtique « tro-hid », penseur ou ma-
ge. Dans l’actuel Pays de Galles, le nom récent
Les Druides enseignaient aussi que le monde
des Druides, « derwydd », a été formé à partir
aurait une fin et que celle-ci se produirait dans une
de celui du chêne « derw », et n’a donc aucune
immense catastrophe, au cours de laquelle l’hom-
valeur d’ancienneté étymologique.
me cesserait d’être maître de l’eau et du feu, qui
se retourneraient contre lui. Certains indices per-
Philosophie et métaphysique. mettent de supposer qu’ils croyaient à la pluralité
Avant toute chose, une mise au point immédiate des mondes et qu’ils savaient que la terre était
et formelle : le druidisme ne fut jamais une reli- sphérique. Polyhistor disait d’eux qu’ils étaient
gion, mais une philosophie, et les Druides n’ont « les plus éclairés des hommes ». Toutes les doc-
jamais été des prêtres, mais bien des maîtres à trines et les disciplines druidiques étaient conte-
penser. Les religions celtiques étaient polythéis- nues dans « Les Triades », que les néophytes
tes, avec un panthéon d’une bonne douzaine de devaient apprendre à réciter scrupuleusement par
dieux divers, et leurs prêtres, diseurs de prières cœur, sans en changer un seul mot, à l’endroit
tout au plus, portaient le nom de gutuatres. Par comme à l’envers.
contre, le druidisme est monothéiste et, en
grands initiés d’une doctrine ésotérique, les Les Triades.
Druides enseignaient à leurs disciples l’existen- La philosophie druidique nous serait sans doute
ce d’un seul dieu inconnaissable, laissant le demeurée totalement inconnue sans « Les Tria-
peuple à l’adoration de ses dieux multiples, les- des », vestiges de l’enseignement oral que les
quels n’étaient peut-être après tout que les as- Druides dispensaient à leurs disciples, les
pects différents d’un dieu unique. L’Eglise chré- « marcassins ». Ces Triades, recopiées tout au
tienne n’a pas fait autre chose, en tolérant, à début du moyen âge d’après des textes gallois et
côté d’un seul dieu trinitaire, le culte de toute irlandais, eux-mêmes vraisemblablement issus
une galerie de saints représentant, en fait, un d’une tradition verbale ininterrompue, comprennent
véritable polythéisme inavoué. environ vingt mille vers monorimes, groupés par
trois dans neuf fois neuf, soit 81 chapitres. Trois
Il faudrait un volume entier pour détailler la principes sont évoqués dans chacun de ces chapi-
tres et chaque Triade commence par le mot Les Bardes, poètes-compositeurs et conteurs du
« trois ». Elles sont actuellement scindées en deux druidisme, s’accompagnaient à la petite harpe et
groupes : les Triades philosophiques et les Triades sont les auteurs des poèmes figurant dans les
historiques. Il est plus que probable qu’il existait un anciens manuscrits gallois et irlandais. Les noms
troisième groupe de Triades scientifiques, desti- de certains d’entre eux nous sont parvenus : Tal-
nées à l’enseignement des sciences appliquées, liesin, Aneurin, Llywarch Hen et surtout Marzin
dont toute trace a été détruite, sans doute à des- (Myrddin, en gallois) mieux connu en français
sein. Mais nous pouvons en retrouver certains élé- sous le nom de l’enchanteur Merlin. Ces Bardes
ments de géométrie, d’astronomie, d’agriculture, de rédigèrent également des textes d’enseignement
métallurgie et peut-être même d’électromagnétisme historique, philosophique et ésotérique et partici-
dans certaines survivances ainsi que dans la dispo- pèrent à la rédaction de toute cette littérature ro-
sition, l’implantation et les dessins gravés des mo- manesque, poétique et épique, qui retrace l’épo-
numents mégalithiques britanniques et bretons. pée celtique, où le fantastique est toujours présent
derrière la porte et qui suggère le mystère avec
Voici la traduction de la première Triade philoso- une rare présence d’évocation. Ils se distinguaient
phique, suivie de deux autres, qui pourraient servir des Ovates par le port de la robe bleue et leur
d’exemples à beaucoup d’entre nous : arbre était le bouleau.
● Trois unités sont primordiales
Et il ne saurait y avoir qu’une de chacune : Enfin, venaient les Druides proprement dits, en
Un Dieu, une Vérité, un Point de Liberté. robe blanche, sages des sages, philosophes et
● Trois choses qui vont en croissant : devins, juges et arbitres, conservateurs des tradi-
● La Lumière, l’Intelligence, la Vie tions et corps professoral de la jeunesse. Il fallait,
● Elles prendront le pas sur toute chose. semble-t-il, vingt et une années d’études pour
● Trois caractères primordiaux de l’état d’hom- parvenir à ce grade élevé. Ils détenaient des
me : connaissances ésotériques approfondies et
Amasser la science, l’amour et la force, avant étaient les gardiens d’une immense érudition s’é-
de mourir tendant de la littérature à l’histoire et de la philoso-
Car ces trois choses sont les trois Victoires. phie à la science. Certains les ont dit héritiers du
savoir secret des Atlantes. Peut-être... Ils étaient
aussi voyants, dit-on dans les traditions populai-
Comme on le voit, le nombre trois jouissait d’un
10 symbolisme particulier aux yeux des auteurs, sym-
res, et puisaient leur pouvoir divinatoire dans l’in-
gestion de glands. Cicéron, dans son « De divina-
bolisme que l’on retrouve d’ailleurs dans tout l’en-
tione », évoque à ce sujet la figure du célèbre Divi-
seignement druidique, basé sur la « Loi du Ternai-
tiacos. Mais les talents auguraux des Druides de-
re sacré » :
vaient certainement beaucoup plus à leur parfaite
Tri-rann er bed man e vez (en breton moderne), connaissance de la nature, des sciences et de la
ou La tri-partition en ce monde-ci est (traduction psychologie humaine qu’à une quelconque drogue
littérale), c’est-à-dire : le ternaire est la règle en ce hallucinogène.
monde-ci.
En dehors de son sens littéral, chaque Triade pos-
Les textes irlandais nous décrivent Mog Ruith (1),
sède une signification ésotérique, connue des
« le premier des Druides en Irlande », établissant
seuls initiés : deux éléments en franche opposition
ses oracles à l’aide d’une roue divinatoire compor-
(par exemple statique et dynamique), harmonisés
tant douze rayons. Ce curieux instrument se ren-
par un troisième élément modérateur, et assurant
contre encore actuellement en Bretagne, où on en
ainsi un parfait équilibre.
trouve cinq exemplaires suspendus verticalement
dans les églises et chapelles de Laniscat, Saint-
Ordres d’initiation. Nicolas-du-Pelem, Kerien, Berhet (Côtes-du-
Le grand public emploie généralement le terme Nord), ainsi qu’à Meilars (Finistère-Sud). Chacune
« druide » de façon impropre car, dans le druidis- de ces cinq roues comporte douze rayons, garnis
me, la classe des Sages était, en réalité, compo- de douze ou vingt-quatre clochettes. Une cordelet-
sée de trois ordres d’initiés distincts : les Ovates, te attachée à la manivelle centrale de la roue per-
les Bardes et les Druides proprement dits. Ces met de faire tourner celle-ci. On les appelle « roue
trois grades se différenciaient par les disciplines à carillon » ou « roue de fortune ». Certains sup-
dont ils relevaient, tout en possédant une philoso- posent qu’il s’agit d’un objet sacré, rattaché à un
phie commune. Les Ovates étaient des praticiens, antique culte solaire.
des initiés opératifs en quelque sorte, se consa-
crant aux sciences naturelles et appliquées, com-
me l’agriculture, la géométrie, l’astronomie, la phy-
sique, la médecine, etc. Nous en reparlerons plus (1) De l’indo-européen « reth », idée de rouler ;
loin. Ils portaient la robe verte et leur arbre symbo- dans les textes latins, il est appelé « Magus
lique était l’if. Rotarum »
C’est fort possible, mais cela fait furieusement démontre, si cela était encore nécessaire, que le
penser aux douze signes du Zodiaque et à un système pythagoricien de « la mystique des Nom-
disque presque identique employé encore de nos bres » est presque exclusivement issu du savoir
jours par maint astrologue. druidique, lui-même basé sur les conceptions as-
tronomiques et géométriques précises enfermées
Le druide Mog Ruith aurait eu le pouvoir de trans- dans les cromlechs et alignements de menhirs
former ses ennemis en rochers, par son « souffle bretons et anglais. Rappelons que certains de
druidique ». On peut rapprocher cela de la légen- ceux-ci sont beaucoup plus anciens que les pyra-
de du pape Saint-Cornély, à Carnac, qui pétrifia mides. Ajoutons enfin que, tout comme les Drui-
les soldats romains lancés à sa poursuite et les des, les adeptes de Pythagore croyaient à la
métamorphosa en blocs de pierre. Ce serait là, transmigration de l’âme d’un corps à l’autre.
selon le même récit, l’origine des alignements de
menhirs de Carnac. Nous reviendrons un jour ou
l’autre à cette légende, qui comporte certains dé- Voici, brièvement résumés, quelques éléments de
tails très curieux et qui est, de toute façon, large- la symbolique pythagoricienne :
ment antérieure audit Saint-Cornély, qui ne fut ― le nombre cinq est le nombre nuptial, signe
d’ailleurs ni pape, ni saint. d’union, d’harmonie et d’équilibre car il est,
d’une part, la somme du premier nombre pair
et du premier nombre impair (2 + 3) et, d’autre
part, le « milieu » des neuf premiers nombres.
Il est encore le symbole de l’homme qui s’ins-
crit, bras et jambes écartés, dans un pentago-
ne. Il représente aussi les cinq sens. Le penta-
gone était le signe de reconnaissance des
initiés pythagoriciens.
― le Nombre d’Or, ayant pour valeur 1,618 et aux
propriétés mathématiques très curieuses ba-
sées sur la racine carrée de cinq, était le nom-
bre de la divine proportion. Il se retrouve dans
le pentagone et le triangle rectangle de côtés
0,5, 1 et 1,118. 11
― le carré, avec ses quatre côtés et ses quatre
angles droits, considéré par Platon comme
étant « absolument beau en soi », représente
la perfection divine. Ses quatre angles symbo-
lisent les quatre éléments : la terre, le ciel,
l’eau et le feu.
― le triangle rectangle, de côtés 3-4-5, dit
« pontaux-ânes » et bien connu de nos éco-
liers, est la synthèse du symbolisme pythagori-
cien des nombres 4 et 5, auxquels il faut ajou-
ter le nombre 3, celui du « Ternaire sacré »
des Druides.
― l’ascia, nom latin de l’herminette ou aissette,
est un outil de charpentier, de tonnelier ou de
couvreur, ayant la forme d’un marteau-hache,
avec une tète d’un côté et un large tranchant
de l’autre, légèrement recourbé vers le man-
La science druidique. che. Les pythagoriciens la portaient à la ceintu-
Clément d’Alexandrie (150-214), prêtre et docteur re en signe de leur croyance et de leur enga-
chrétien, auteur de nombreux ouvrages de théolo- gement ; ils y voyaient l’instrument symbolique
gie, de philosophie et d’apologétique, nous dit, de la purification salutaire. Sur les vieux tom-
dans ses « Stromates », que Pythagore a emprun- beaux chrétiens du début de notre ère, il en
té sa doctrine aux Druides. Selon d’autres auteurs existe environ mille gravures connues, dont
grecs et romains, celui-ci aurait séjourné deux fois plus de sept cents en Europe occidentale, par-
en Gaule, pour y suivre un enseignement ésotéri- mi lesquelles la moitié dans l’ancienne Celti-
que. Dans l’état actuel de nos recherches à ce que. Bel exemple de survivance traditionnelle
sujet, le parallèle entre la métaphysique mathéma- ininterrompue. Signalons qu’en écriture hiéro-
tique de Pythagore et les monuments mégalithi- glyphique égyptienne, le ciseau de charpentier
ques devient déjà relativement aisé à établir et servait à traduire l’idée de la perfection.
STONEHENGE (Wiltshire, Grande-Bretagne).
― son emplacement est situé exactement à l’en-
droit où la lune et le soleil font un angle droit,
au maximum de leur déclinaison, lors de leurs
lever et coucher. Le seul autre lieu au monde
où ce phénomène peut être observé se trouve
quelque part au voisinage de la Nouvelle-
Zélande, dans l’océan Pacifique, c’est-à-dire
exactement aux antipodes de Stonehenge.
― le demi-carré parfait, l’angle droit, le triangle
rectangle 3-4-5, le Nombre d’Or, le pentagone
et le triangle isocèle ayant un angle au sommet
de 45° se retrouvent aisément dans le tracé de
ce site. Et je ne suis pas loin de penser que le
nombre lui-même des cinq grands trilithes a
également un rapport étroit avec le reste. (2)
― une ascia est gravée sur un montant de l’un
des trilithes.

En dehors de Stonehenge, il existe, en Grande-


Bretagne, plus de deux cents cromlechs en forme
d’ove, parfaitement géométriques et dont la
conception est basée sur deux triangles de Pytha-
gore accolés, soit par les hypothénuses soit par
deux autres côtés. Toutes ces constructions, sans
exception, sont orientées astronomiquement. Ceci
a été démontré à suffisance par le Professeur
Alexander Thom, spécialiste des mégalithes bri-
tanniques.

12 CARNAC (Morbihan, France).


L’ensemble mégalithique de Carnac et de la ré-
gion du golfe du Morbihan est placé à cheval sur
le parallèle de 47° Nord. Tout comme à Stonehen-
ge, cet emplacement est remarquable car, à cette
latitude, l’angle formé par le soleil à son lever aux
solstices d’été (54° Est) et d’hiver (126° Est) com-
prend exactement 72°, ce qui est précisément la
valeur de l’angle au centre du pentagone. Or, ceci
― et enfin, disons un mot des dodécaèdres en n’est vérifiable que sur les deux parallèles de 47°
bronze, ajourés et bouletés, dont on a retrouvé Nord ou Sud. Et, en suivant leur tracé sur la map-
une douzaine d’exemplaires dans l’ancien pemonde, on constate immédiatement que c’est
monde celtique, d’un poids variant de 35 à uniquement dans la région de Carnac que l’on y
1100 grammes. Ce solide géométrique, com- trouve des mégalithes.
posé de douze faces pentagonales et aux
sommets protégés par de petites boules, pro- Le pentagone est une figure géométrique remar-
bablement utilisé par les Druides dans leur quable à plus d’un titre : 1°) en divisant la lon-
enseignement, était d’après Pline l’Ancien gueur de la droite unissant les sommets deux à
« très renommé dans les Gaules ». Ce dodé- deux par la longueur du côté, on obtient comme
caèdre, dérivé stylisé de l’oursin que les An- résultat 1,618, le Nombre d’Or, déjà cité plus
ciens appelaient « oeuf de serpent », symboli- haut ; 2°) en traçant toutes les droites intérieures
se le développement de l’univers et constitue (celles joignant les sommets deux à deux ainsi
peut-être l’exemple le plus remarquable de la que les perpendiculaires élevées au milieu des
coïncidence des conceptions druidiques et côtés), on obtient la série d’angles suivante : 18",
pythagoriciennes. 36°, 54°, 72°, 90°, 108°, 126°. Le « milieu » de
cette série est occupé par l’angle au centre du
Toute cette symbolique mathématique est inscrite
dans les monuments mégalithiques dont certains,
répétons-le encore, datent de deux mille à six mil- (2) Voir aussi le numéro spécial de KADATH
le ans avant notre ère : consacré à Stonehenge (n° 4, sept.-oct. 1973).
pentagone (72°) et nous y retrouvons également moissonneuse-faucheuse, sans oublier le tamis à
les angles de 54° et 126°, correspondant aux mailles et la « terebra gallica », tarière à mèche en
directions solaires des deux solstices. Ces angles spirale. Leur réputation de métallurgistes n’était
sont multiples de ,trois et de neuf, lui-même carré plus à faire et ils exportaient des lingots de fer brut
de trois. Ils apparaissent dans les orientations de jusqu’en Germanie. Il semble également qu’ils aient
nombreuses constructions de la région. découvert la trempe de l’acier par nitruration super-
ficielle, en se servant de fumier de luzerne, plante
Citons, entre autres, l’allée couverte des Pierres très riche en azote. Les mythologies préceltiques
Plates (Locmariaquer), les alignements du Grand- foisonnent d’ailleurs de dieux industrieux, comme
Ménec (Carnac), du Petit-Ménec (La Trinité), de Manawyddan et Pryderi, orfèvres et forgerons, utili-
Kerzerho (Erdéven), de l’hémicycle de Kergonan sant de nombreux procédés techniques pour la
(Ile-aux-Moines), etc. Or, tous ces angles matéria- décoration du métal, dorure, argenture, émaillage,
lisés dans ces monuments ne sont pas nécessai- gravure au burin et à l’eau forte.
rement des directions astronomiques, et je crois
évident que nous avons à faire ici à toute une On a trouvé, en Bretagne, de nombreuses
symbolique basée sur le nombre trois et extraite haches en cuivre arsénié, antérieures à l’âge du
du pentagone, dont l’angle remarquable de 72° bronze. Ce cuivre arsénié (contenant une certai-
me semble la raison d’être du vaste ensemble ne proportion d’arsenic) est beaucoup plus dur
mégalithique du golfe du Morbihan, où subsistent que le cuivre pur et peut néanmoins se marteler
encore actuellement plus de cinq mille pierres à chaud. Découverte étonnante, car il faut sa-
levées sur une surface d’à peine mille kilomètres voir que le bronze, alliage de cuivre et d’étain
carrés. Signalons encore les cromlechs ouest et utilisé beaucoup plus tard comme métal dur, ne
est du Grand-Ménec et l’e rectangle de Crucuno, peut se travailler que par moulage et nécessite
basés sur le triangle rectangle 3-4-5, ainsi que les donc plusieurs fusions, au lieu d’un simple mar-
nombreuses ascias gravées sur maints dolmens telage. Cette combinaison cuivre-arsenic est
et menhirs. On trouve des mégalithes partout dans d’autant plus surprenante que le cuivre fond à
l’Ancien Monde, mais la région de Carnac a ceci 1.090°C et que l’arsenic se transforme en gaz
de particulier qu’elle est un véritable « condensé déjà vers 450°C. Dans la métallurgie moderne,
mégalithique ». Non seulement on y trouve la den- la fabrication d’alliage cuivre-arsenic nécessite
sité de monuments la plus forte au monde, mais des opérations compliquées et assez délicates
14 on y rencontre aussi un échantillonnage complet à conduire. Il est difficile de croire que cette
de chaque type différent de cromlech, menhir et découverte ait été fortuite, car l’arsenic est très
dolmen. Et, tout comme le Professeur Thom déjà rare à l’état natif et ne se présente dans la natu-
cité, je crois que ce secteur du pays breton, à cau- re que sous forme de sulfure, d’oxyde ou en
se de son importance, est presque certainement le combinaison avec le fer, le nickel et le cobalt ; il
berceau originel du mégalithisme. est donc inutilisable sous cette forme pour s’al-
lier directement au cuivre. Nous rejoignons d’ail-
Les sciences appliquées. leurs ici l’énigme de l’invention ultérieure du
Comme nous le disions plus haut, les Ovates bronze, car l’étain, à l’inverse du cuivre, est lui
étaient maîtres en sciences pratiques, et tout ce aussi inexistant à l’état natif et son principal
qui nous est parvenu de leur savoir dénote un minerai, la cassitérite, est une roche noire ou
niveau technologique très élevé, dans des domai- brune à éclat résineux, très différente d’appa-
nes bien différents. En chimie, par exemple, cha- rence du métal qu’elle contient. Je crois que
cun sait que le savon nous a été donné par les nous pouvons exclure la thèse de la « trouvaille
Celtes et le mot lui-même est emprunté à la lan- purement accidentelle », car la métallurgie des
gue gauloise (saponos). Ils connaissaient les vête- alliages est une science bien trop complexe
ments de lin et une certaine méthode d’imprégna- pour que l’hypothèse d’un « heureux hasard » y
tion, aujourd’hui perdue, rendant ceux-ci incom- soit pour quelque chose.
bustibles. La tradition veut aussi que les tissus
ainsi traités aient été très résistants aux coups Le 1er novembre, pendant la fête de la Samhain,
portés par les armes. Peut-être s’agit-il d’un traite- certains vivants avaient le droit de pénétrer dans
ment aux silicates ? l’Empire des morts et d’y demeurer une journée.
Lors de leur retour sur terre, nous dit la tradition
irlandaise, ils constataient avec stupéfaction et
Alors que les Grecs et les Romains en étaient en- terreur que plusieurs dizaines d’années s’étaient
core à la fragile amphore de terre cuite pour trans- écoulées en notre monde, alors qu’eux-mêmes
porter les liquides, les Celtes utilisaient déjà depuis n’avaient vieilli que d’un seul jour. Tout cela est
fort longtemps les tonneaux de bois, dont le nom évidemment symbolique et je ne tire aucune
est également d’origine celtique. D’après Pline, ils conclusion délirante de ce très vieux mythe, qui
ont aussi inventé la grande faux, la herse, la char- heurte le rationalisme scientifique en ouvrant un
rue à deux roues et à traction animale et même une passage entre le naturel et le surnaturel, mais cela
rappelle singulièrement le principe de relativité Et pour terminer, on peut se demander si les mo-
d’Einstein et la formule de Lorentz sur la contrac- numents mégalithiques, principalement bretons et
tion du temps, avec toutes leurs conséquences anglais, vieux de sept ou huit millénaires, n’ont
philosophiques. pas un rapport étroit avec tout cela. On nous parle
toujours du secret, de l’énigme ou du mystère des
La Nwyvre. mégalithes, mais je crois qu’il n’y a là ni secret, ni
Chez les Anciens, le monde était composé de énigme, ni mystère, et si la signification de leur
quatre éléments : l’eau, le feu, la terre et l’air. Les message nous reste obscure, c’est que nous ne
Druides y ajoutaient un cinquième : la Nwyvre, sommes sans doute pas encore arrivés à un stade
contenue dans tous les autres, appelée aussi assez élevé pour le saisir.
« Bleud an Aer » (farine de l’air) et en laquelle ils
voyaient une image de la composante universelle
de la matière. La nature exacte de cette Nwyvre
nous reste inconnue, pour l’instant, mais il semble, (3) Un des buts de KADATH étant d’établir des
parallèles, nous renvoyons le lecteur à l’étude
d’après nos recherches, qu’elle ait un rapport sur le serpent-dragon des Mayas et des Chi-
étroit avec une certaine forme de vibrations et de nois, parue dans le n° 6 (« Wotan était-il le dieu
circulation d’ondes et qu’elle soit proche parente blanc précolombien ? ») (NDLR).
du magnétisme terrestre et des courants telluri-
ques liés aux eaux souterraines. Le nom lui-même
est déjà fort curieux, car il est issu d’une racine
indo-européenne « wed » qui signifie eau et qui a
aussi donné naissance au grec
« hudros » (serpent d’eau), devenu « hydre » en
français et père de tous nos mots composés en
hydr ou hydro. En vieux français, « guivre » ou
« vivre » signifiait serpent jusqu’au XVe siècle et
est encore utilisé actuellement, dans ce même
sens, en héraldique. Et, sous l’influence du germa-
nique, cette même racine « wed » est devenue en Bibliographie succincte
gaulois « vobero » ou « vabero », eau souterraine. H. d’Arbois de Jubainville - Le cycle mythologique
irlandais et la mythologie celtique. Paris - 1884. 15
En toponymie, ces mots persistent dans une foule H. d’Arbois de Jubainville - Cours de littérature
celtique (12 vol.). Paris - 1884 à 1902.
de noms de lieux actuels : Paul Bouchet - Science et philosophie des Druides.
en France : Vouivre, Woevre, Guivre, Gavre, Va- Paris - 1968.
bre, etc. St. Czarnowski - Saint-Patrick et le culte des héros
en Belgique : Gaver, Gavere, Wavre, etc. en Irlande. Paris - 1919.
en Allemagne : Wabern, etc. J. De Vries - La religion des Celtes. Paris - 1962.
G. Dottin - La religion des Celtes. Paris - 1904.
en Grande-Bretagne : Woefre, Waver... Lady G. Guest - The Mabinogion Llandovery
Pour subsister ainsi, cette Nwyvre devait être (3 vol.). Londres - 1849.
quelque chose de très important ou de très im- Ed. Gwynn - The metrical Dindsenchas (5 vol.).
pressionnant aux yeux de nos ancêtres. Ajoutons Dublin - 1903.
qu’en vieil allemand et en anglais, « wabern » et Henri Hubert - Les Celtes (2 vol.). Paris - 1950
« waver » se traduisent par « osciller » et qu’une (éd. Albin Michel).
Kaledvoulch - Sous le Chêne des Druides. Paris -
autre racine préceltique « gwiw », très proche de
1931.
Nwyvre, implique une idée de vie. Si ce qui précè- Françoise Le Roux - Les Druides. Paris - 1961.
de peut aisément se vérifier dans les ouvrages J. Loth - Les Mabinogion (2 vol.). Paris - 1913.
d’étymologie, de sémantique et de toponymie, Macalister et Mac Neill - Leabhar na Gabhala -
aucun des auteurs, à ma connaissance, n’a fait le The Book of Invasions. Londres - 1938.
rapprochement évident entre la Nwyvre, les oscil- J. Markale - Les Celtes et la civilisation celtique.
lations telluriques et les eaux serpentant sous Paris - 1973 (éd. Payot).
terre. Toutes les légendes populaires fourmillent J.A. Mauduit - L’Epopée des Celtes. Paris - 1973
(éd. Robert Laffont).
pourtant de dragons et de serpents souterrains,
J. Pokorny - The origin of druidism. Londres - 1911.
gardiens de trésors cachés, maîtres de puissan- John Rhys - The Mabinogion. Londres - 1897.
ces inconnues, crachant la foudre et dans lesquels Ch. Squire - The Mythology of the British Isles.
il faut peut-être voir une survivance symbolique Londres - 1905.
résiduelle de cette énigmatique Nwyvre. (3) E. Windisch - Irische Texte. Leipzig - 1880.
Barnemez : une pyramide
en Bretagne
Pour l’amateur avide de primhistoire, la Bretagne est un inépuisable champ d’investigations. Elle four-
mille littéralement de mégalithes et — le lecteur fidèle de KADATH en conviendra —, le problème de
ces constructions est loin d’être résolu. Le site qui, cette fois encore, nous tiendra en haleine, est le
cairn — ou tumulus — de Barnenez, appelé aussi, dans un langage moins conventionnel compte tenu
de l’endroit, mais plus descriptif en tout cas, pyramide de Plouézoc’h. Nous verrons pourquoi ce monu-
ment, assez exceptionnel par sa morphologie, mérite en effet l’appellation de pyramide.

16
Petit guide pour touriste fouisseur. frapper à la porte de la caravane blanche garée à
Si vous traversez le Finistère en direction de côté du monument : c’est le logement de la dame
Brest, ne manquez pas de prospecter le terrain en qui surveille le site. Elle se fera un plaisir de vous
largeur. Aux environs de Morlaix, empruntez la guider quand même, car à Barnenez les touristes
nationale 786, puis la départementale 46 et enfin sont rares et bienvenus.
la départementale 76. Vous vous trouverez alors à
10 km au nord de Morlaix et à 8 km à l’ouest de Un sauvetage « in extremis ».
Lanmeur, soit au bourg de Plouézoc’h. Au nord- Pour les rats de bibliothèques, je signale qu’un
est de celui-ci, coincée entre deux estuaires, la certain Monsieur de Kersauson mentionnait
presqu’île de Kernelehen s’avance dans la baie de déjà, dans le « Bulletin de l’Association Breton-
Morlaix. A l’extrémité de ladite presqu’île, en face ne », année 1851, p. 67, l’existence à Barnenez
de l’île Noire, se situe le hameau de Barnenez ar de deux tumuli, un grand et un petit. Peine per-
Sent, ce qui signifie « le sommet de l’île des due : en 1954, un entrepreneur du Finistère,
saints ». Attention, vous y êtes : quelque part sur peu soucieux sans doute du patrimoine culturel
votre gauche, un chemin creux s’ouvre sur la rou- breton, eut besoin de cailloux pour tracer une
te. Dans le chemin creux, une plaque discrète, route. Gaiement, il lança ses bulldozers sur le
quasi invisible de la route, renseigne le tumulus de plus petit des deux tumuli (recouverts de végé-
Barnenez. Sachez que les habitants du coin ne tation à l’époque) et le rasa complètement. Tout
vous l’indiqueront que du bout des lèvres : l’acqui- heureux de l’aubaine, il agressa également le
sition du cairn par l’Etat français a transformé les plus grand (en l’occurrence, « notre » cairn), et
terrains environnants en vulgaires champs d’arti- l’abîma avec désinvolture. Mais un connaisseur
chauts ! Il est désormais interdit d’y bâtir sa villa de passage, effaré, alerta de toute urgence le
en bordure de mer, au grand dam des propriétai- préfet de Morlaix. Celui-ci ferma le chantier et fit
res du lieu… condamner l’entrepreneur à une forte amende
et aux frais de restauration. Avec 103 ans de
Au bout du chemin creux, le cairn s’offre à la vue, retard sur M. de Kersauson, l’Etat français prit
magnifiquement restauré, entouré de grillages. conscience de l’existence à Barnenez d’un mo-
Visite chaque jour, excepté le mardi. Si toutefois nument préhistorique des plus insolites, et se
vous passez justement un mardi, n’hésitez pas à hâta, enfin, de le sauver.
Tumulus, cairn ou pyramide ? mesure 33 mètres de longueur. Elle doit sa tein-
Sans conteste, avant 1954, les deux monuments te sombre au fait que les constructeurs utilisè-
de Barnenez étaient bien des tumuli : recouverts rent presque exclusivement de la dolérite verdâ-
de terre, d’herbe et même de petits chênes, rien tre. La partie mégalithique, cependant, est en
ne les distinguait d’innombrables formations simi- granit. Cette portion, dénommée « cairn primai-
laires que l’on trouve un peu partout dans le re », forme la moitié est de la pyramide. Les
monde. Un exemple classique est le tumulus de terrasses de parement, au nombre de trois, sont
Silbury Bill dans la région de Stonehenge. relativement hautes et larges. La portion la plus
Après les travaux de restauration, le mot récente est claire, et mesure 39 mètres de lon-
« cairn » convint lui aussi, puisqu’aussi bien l’on gueur. Ici le granit clair domine largement : c’est
nomme ainsi un monument constitué exclusive- le « cairn secondaire », formant la partie ouest
ment de pierres sèches, comme c’est le cas à de l’ensemble. Les six terrasses de parement
Barnenez. Cependant, je pense que le terme sont plus étroites et plus basses. Il est à noter
« pyramide » est, en l’occurrence, le mieux que le cairn primaire occupe la crête de la colli-
approprié. En effet, on se trouve, à Barnenez, ne, tandis que le cairn secondaire se trouve
en présence d’un ensemble mégalithique (car il déjà sur la dénivellation. A cet endroit, le terrain
contient de nombreuses et lourdes dalles) ren- a donc été nivelé. La dénivelée totale d’un bout
fermant onze couloirs terminés par des cham- à l’autre de la pyramide est d’environ 4 m 30.
bres dolméniques, ensemble dont les pare-
ments extérieurs sont en terrasses à degrés. Au
premier coup d’oeil, on établit irrésistiblement la ... et un nouvel exemple d’exploit sportif ?
comparaison — en moins beau certes, et en Le gisement le plus proche où l’on trouve le granit
moins grandiose — avec la pyramide de Saqqa- clair utilisé à Barnenez se trouve à environ deux
rah en Egypte, ou de Monte-Alban au Mexique, kilomètres, dans l’île Stérec, ce qui implique enco-
pour ne citer que ces deux exemples. Et cela re une fois une sérieuse difficulté de transport,
change tout, car le monument acquiert aussitôt puisque non seulement les petites pierres, mais
ses lettres de noblesse et prend place parmi les aussi les dalles du squelette mégalithique du mo-
grandes réalisations des civilisations primhisto- nument ont dû être amenées de l’île. Bien sûr, on
riques. Il me suffira d’ajouter que les couvertu- peut se demander si, à l’époque de la construc-
res des chambres internes sont des voûtes en tion, l’île Stérec n’était pas reliée au continent. 17
encorbellement pour éloigner définitivement de Dans l’affirmative, le transport des pierres demeu-
votre esprit l’image du « tas de pierres » re un exploit. Dans la négative, on imagine aisé-
qu’évoque le mot « cairn ». ment l’ampleur de la tâche... Le matériau foncé,
lui, se trouve sur place : c’est la dolérite métamor-
phique de Barnenez. Il n’empêche que le rassem-
Une architecture complexe... blement de toute cette pierraille n’a pas pu se faire
La petite pyramide, qui fut rasée en 1954 par no- sans mal si l’on prend en considération l’énorme
tre entrepreneur trop entreprenant, mesurait 35 m cubage mis en œuvre : les deux pyramides repré-
de long, 20 m de large et 3 m de haut. Elle conte- sentent environ 47.000 mètres cubes (granit et
nait un dolmen à couloir dont la table de couvertu- dolérite considérés ensemble).
re se situait à environ 2 mètres de hauteur. La
grande pyramide de Barnenez, située une centai-
ne de mètres plus au sud, mesurait, avant la res- Les couloirs et les chambres.
tauration (c’est-à-dire à l’état de tumulus plus ou Les bulldozers avaient atteint à revers quatre
moins éboulé), 90 m de long et 40 m de large. chambres dolméniques, en détruisant une partie
Après reconstitution, les dimensions réelles purent du monument. Il en fut découvert onze en tout,
être fixées à : 72 m pour la longueur, de 18 à 27 m recensées ABCDEFGG’HIJ. Les quatre endom-
(côté est plus étroit) pour la largeur. La hauteur magées furent laissées telles quelles (sauf conso-
maximale, évaluée d’après certaines parties lidation), pour servir de témoins de la structure
mieux conservées, semble être d’environ 6 mè- interne de la pyramide, à l’intention des visiteurs
tres, mais les archéologues s’accordent à dire peu enclins à s’introduire dans le monument. Cha-
qu’à l’origine, la construction était sans doute sen- que chambre est reliée à l’extérieur par un couloir.
siblement plus haute. Comme je l’ai dit plus haut, la structure externe
est à plusieurs murets de pierres sèches, concen-
triques et étagés.
La pyramide fut construite en deux fois, et la
différence de couleur des deux parties saute
aux yeux, pour peu qu’on recule de quelques Les couloirs intérieurs menant aux chambres dol-
pas. La portion la plus ancienne est foncée, et méniques ont une longueur variable : de sept à
douze mètres. Certaines entrées (H, F) compor- pyramide demeure un point d’interrogation. Aussi
tent de petites stèles devant le seuil. Le toit des longtemps qu’une pyramide similaire n’aura pas
couloirs est constitué de dalles de granit qui ne été découverte en Europe, dans un meilleur état
sont pas toujours jointives : des pierres plus peti- de conservation, personne ne pourra sans doute
tes les complètent parfois. Ces tables s’appuient émettre à ce sujet un avis formel.
sur des murailles latérales en pierre sèche, sou-
vent consolidées de dalles latérales qui, pourtant, Pétroglyphes et mobilier.
ne sont pas de véritables supports. Certains cou- On trouve à Barnenez des traces de graphisme
loirs (G, G’) se rétrécissent et s’abaissent à mi- similaires à ce qui figure généralement sur les
distance. D’autres furent obstrués et scellés par constructions mégalithiques européennes : figure
bourrage de pierres accumulées. Les chambres en écusson, dite « en marmite» (comme à la
18 proprement dites sont toutes sur ou au-delà de Table des Marchands de Locmariaquer), figures
l’axe longitudinal est-ouest de la pyramide. en U, dites « jugiformes », arc, triangles isocèles,
lignes ondulées. Deux détails, cependant, sont à
En général subcirculaires, les chambres présen- noter : la porte de la chambre A est perforée d’un
tent cependant de notables irrégularités : G et G’ trou de 12 cm de diamètre et, d’autre part, le petit
sont basses, F est haute et élancée, C forme une support septal occidental délimitant chambre et
belle coupole de section ogivale culminant à qua- antichambre dans le dolmen H porte, entre au-
tre mètres du sol. B, A et H contiennent des piliers tres choses, un signe cruciforme signifiant une
fonctionnels formés de mégalithes verticaux. H est herminette emmanchée, ou ascia. « Signature »
double : antichambre couverte par une voûte en que l’on retrouve à Stonehenge et sur les mégali-
encorbellement de pierres sèches, arrière- thes hollandais : nous sommes ici en présence
chambre dont le toit est une énorme table de gra- d’un trait d’union possible entre Stonehenge, la
nit (le plan rappelle le dolmen du Mané-Rutual à Hollande, Barnenez et Pythagore !
Locmariaquer). Souvent, les chambres étaient
pavées de petites pierres. En guise de mobilier, l’on a retrouvé quelques
rares objets à Barnenez. Des charbons de bois,
Il faut rendre hommage au Professeur Giot et à de la poterie néolithique ancienne — à fond
son équipe pour le magnifique travail de sauveta- rond — en très petite quantité ; de la poterie
ge qu’ils ont accompli pendant treize années. Le néolithique récente — à fond plat —; des silex,
résultat est surprenant. Certaines voûtes encor- lames et pointes de flèches, de la poterie chal-
belfées, effondrées, furent reconstruites avec colithique (âge du cuivre) — campaniforme —;
scrupule dans le style original (E, H, I, J) certaines un petit poignard en cuivre arsénié, chalcolithi-
tables, fendues, furent remplacées après avoir que lui aussi; enfin des tessons d’une poterie
pratiqué à partir du sommet du monument une très grossière datant de l’âge du bronze moyen,
véritable « laparotomie » (dixit le Pr. Giot), c’est-à- et des haches polies en dolérite. A propos du
dire, en termes de chirurgie, une ouverture mini- poignard en cuivre arsénié, vous aurez lu dans
me, mais ici avec un bistouri géant. Après quoi, ce même numéro que, sous des dehors ba-
pour consolider la plaie, on coulait du béton de naux, cet objet pose en réalité une énigme sup-
manière à ce que ce fût invisible une fois l’ensem- plémentaire : le cuivre arsénié est une décou-
ble refermé. Toutefois, la hauteur primitive de la verte métallurgique extrêmement importante.
On ne trouve point de squelette dans la pyramide, préceltiques en général. Ici aussi, le Beaker People
sauf de rares débris d’os humains préservés par est passé. Ici comme ailleurs, pour des raisons
de la pierraille heureusement disposée. Si le site exposées à propos de Stonehenge, le Beaker Peo-
eut réellement une utilisation funéraire, il semble ple n’a pas construit la pyramide, l’ayant sans dou-
que les eaux pluviales aient tout dissout. Il faut te trouvée telle quelle, témoin d’un âge révolu.
cependant ajouter que si la pyramide avait conte-
nu de nombreux squelettes, ceux-ci auraient dû se Faut-il dès lors, au risque de subir l’opprobre des
préserver les uns les autres par effet tampon. Les bien-pensants, se pencher résolument, pour dé-
objets trouvés à Barnenez permettent d’affirmer couvrir une piste ténue, sur la tradition celtique
que la pyramide se place à la fin du néolithique irlandaise originelle ? Faut-il accorder crédit à
ancien et qu’elle fut fréquentée, depuis, à presque ces récits et attribuer les mégalithes en général,
toutes les périodes jusqu’au moyen âge, époque à et Barnenez en particulier, à la nation mythique
laquelle il semble que des pratiques magiques des Tuatha de Danann en qui certains voient,
furent perpétrées dans le dolmen E. Nous verrons non sans quelques raisons, de possibles Mayas,
dans un instant que les datations effectuées à d’éventuels Hyperboréens, des cousins archaï-
l’aide du carbone-14 corroborent cette opinion. ques mais prestigieux des actuels Déné Peau-
de-Lièvre, Déné Flancs-de-Chien, Déné Tchippe-
La pyramide, qui tait manifestement partie du wayans et Déné Castors du Canada ? Nous en
grand ensemble mégalithique préceltique d’Euro- reparlerons bientôt dans KADATH... Deux métho-
pe occidentale, témoigne en tout cas de perfor- des de travail sont à même de reconstituer un
mances techniques importantes et d’une organisa- jour ce puzzle : une étude comparée des langa-
tion de chantier qui fait irrésistiblement songer à ges, dialectes et noms de lieux de tous les peu-
une société puissante, réglementée et sociale- ples de la terre, à la recherche de parentés évi-
ment efficace. Une fois encore, on est loin de dentes, et l’étude critique, attentive et sans com-
l’image de marque de notre ancêtre-l’homme-des- plexes de toutes les mythologies et traditions.
cavernes-ou-de-je-ne-sais-quoi, hirsute, sale et Cela paraît utopique ? Non, pas à l’ère des cer-
inintelligent... Un peuple qui construit de tels mo- veaux électroniques...
numents, capables de braver les millénaires, méri-
te décidément une meilleure réputation. JACQUES VICTOOR.
19
Datation et identité des constructeurs. SOURCES.
La datation des charbons de bois au radiocarbone On peut se référer utilement à chaque volume, de
attribue au cairn primaire une ancienneté d’environ 1955 à 1969, du Bulletin de la Société Archéologique
du Finistère, dont les éléments sont repris dans
5.750 ans (soit à peu près 3.800 avant notre ère) ;
« Barnenez », par P.-R. Giot, Direction des Antiquités
le cairn secondaire remonterait, lui, à 3.550 avant Préhistoriques de Bretagne, Rennes 1970. Autres
J.-C. Alors ? Qui ? Le problème de l’identification références dans le Bulletin de la Société Préhistorique
des constructeurs est le même que pour Stonehen- Française (1956-57 et 1969), Gallia-Préhistoire et les
ge, le même d’ailleurs que pour les mégalithes Annales de Bretagne.

Détail de la face éventrée (celle qui est figurée en grisé sur la coupe ci-contre), montrant les chambres
dolméniques D, C, B et A. Noter particulièrement l’ogive de la chambre C et le dolmen de la chambre B.
ARCHEOLOGIE PARALLELE

L’HOMME AMERICAIN D’ATACAMA


Albert Van Hoorebeeck
Pour se rendre à l’île de Pâques, il faut nécessairement faire escale au Chili, dont l’île est une dépendan-
ce. Au cours d’un de ses voyages là-bas, notre collaborateur eut l’occasion de découvrir un ensemble
préhistorique incroyable qui gît là, ignoré du monde. Il est situé dans la pré-Cordillère, sur son versant
pacifique, au nord du Chili, dans le fameux désert d’Atacama, avec ses « salars », ou salines, restes des
immenses lacs de l’époque tertiaire. Le centre en est le village de San Pedro de Atacama. Il s’agit, pour
parler plus nettement, de 310 sites de l’époque paléolithique, de 51 villages en ruines et de 5054 tombes
découvertes, fouillées et étudiées à ce jour. Lorsqu’on parle de ces découvertes aux étrangers, ils croient
à l’exagération, au bluff. Il y en eut tellement ! Venus à San Pedro, il arrive qu’ils s’en retournent, écœurés,
après quelques heures seulement.

Un cimetière sous les pieds. ment : il était interdit de monter au sommet du


L’origine des découvertes vaut d’être contée. Le volcan Lilancabur, lequel, de ses 5.996 mètres,
20 Père Gustave le Paige de Bar, S.J., après un sé- écrase la vallée de San Pedro, elle-même déjà à
2.500 mètres au-dessus du niveau de la mer. La
jour de vingt années en Afrique, avait été envoyé
au Chili, chargé de l’apostolat à la mine de Chu- croyance, enracinée dans l’esprit des villageois,
quimata, la plus grande mine de cuivre à ciel ou- voulait que toute infraction soit punie de mort.
vert du monde. Un an plus tard, à sa demande, il Seuls les initiés avaient le droit d’effectuer l’as-
fut muté dans le petit village de San Pedro de Ata- cension. Excipant de sa qualité de prêtre, donc
cama, comprenant outre ce noyau centrai, clé de d’initié, le Père le Paige gravit la montagne et en
la région, sept autres villages, dont l’un d’eux ne revint ! Depuis cette première fois, il effectua
se trouve pas à moins de 140 km de la résidence deux nouvelles visites au sommet dont une en
du missionnaire. Le Père le Paige trouva là une solitaire : il avait alors 69 ans.
communauté de chrétiens pour lesquels la mort
était une hantise constante, différente de celle que Ce tabou dont le sommet était l’objet lui avait fait
peut ressentir un chrétien occidental ou africain. Il soupçonner immédiatement l’existence d’une rai-
en est qui, en travaillant leurs champs, exhu- son bien précise. Lorsqu’il fut là-haut, il procéda à
maient malgré eux des restes humains, notam- un examen systématique, fouilla le sol, creusa, et à
ment des crânes. Certains sentiers n’étaient ja- plus de deux mètres de profondeur, découvrit une
mais utilisés le soir tombé, car des revenants y petite statue ou poupée, d’origine inca, ainsi qu’un
effrayaient les passants. Des arbres, un rocher, remarquable petit lama en argent massif. La pou-
une pierre étaient contournés par les piétons par- pée mesurait six centimètres et était revêtue de
ce qu’un être humain était mort à proximité. tous les vêtements et parures de son époque ; le
petit lama, tête dressée, ne compte que 30 mm de
Le Père le Paige avait fait des recherches et des hauteur. La première ascension avait permis au
découvertes en Afrique. Petit-neveu d’un des missionnaire de prouver à ses ouailles que la mon-
« inventeurs » du site néolithique de Spy tagne ne tuait pas. Dès lors, il s’attaqua au problè-
(Belgique) — cette véritable mine de matériel de me. De promenade en excursion, il entreprit de
la pierre taillée — archéologue par vocation au- reconnaître toute la région et effectua ses premiè-
tant qu’il est prêtre, il se rendit compte que ce res découvertes. C’est lui qui parle : « En quoi
village était construit sur un ancien cimetière. Il fit consistent-elles ? Une remarque s’impose immé-
d’abord parler ses nouveaux paroissiens. Les diatement et elle a une importance capitale : elles
traditions, quant aux défunts, s’accompagnaient bouleversent toutes les théories connues sur l’origi-
de légendes dont une l’intrigua plus particulière- ne de « l’homme américain ». La vie de l’homme
primitif n’a pas été (n’a pu être) étudiée avec suffi-
samment d’attention : l’homme du paléolithique a
été négligé puisqu’aussi bien dans cette seule ré-
gion de l’Atacama, 310 sites de cette époque ont
été recensés, puis étudiés en l’espace de vingt ans.
Un site, dans la plupart des cas, est pour l’archéo-
logue un endroit isolé, oublié, avec quelques pier-
res taillées. Certains des sites du nord chilien s’é-
tendent sur 25 km2 et une épaisseur qui atteint
parfois 50 centimètres de matériel lithique. Faire
admettre puis expliquer ceci est un des problèmes
majeurs : on refuse d’y croire avant d’avoir vu ! »

Afin de permettre la compréhension de l’ensem-


ble, quatre zones ont été délimitées. D’abord,
celle du « saler » de San Pedro de Atacama, sur
le versant de la Cordillère, avec les anciens af-
fluents du lac et les deux rivières actuelles, le rio
Villama et le rio San Pedro. Elles forment un bas-
sin fermé dont les eaux sont utilisées pour l’irriga-
tion de la région. D’autres sites se trouvent dans
la région du rio Loa moyen, entre Chiu-Chiu et
Calama, avec un matériel lithique d’une extraordi-
naire richesse. Vient ensuite la région du salitre,
du nitrate, où le matériel lithique du paléolithique
inférieur s’étend sur une superficie incroyable de
cinq kilomètres sur cinq et où sont groupés les
restes, vision invraisemblable, d’un énorme
travail de percussion effectué par l’homme. La Célèbre au Chili (on l’appelle irrévérencieusement
dernière région, enfin, peu étudiée encore, « Miss Chili »), cette momie a 20.000 ans...
s’étend au sud-ouest du haut-plateau. 21
L’homme américain.
Personne n’accepte jusqu’à présent une aussi
Une nouvelle période de froid chassa alors l’hom-
grande ancienneté de l’homme américain. On a
me vers le sud, migration de survie aussi réelle
toujours avancé qu’il était apparu il y a quelque
que celle que son cousin vécut dans le nord de
20.000 ans seulement, après la dernière déglacia-
l’Europe. Cette constatation a été faite au sud de
tion. Il est cependant certain que l’homme qui est
la ligne de démarcation de l’aire d’habitat du
entré en Amérique, est bien passé par l’isthme de néanderthalien (Spy-Belgique, par exemple).
Behring avant, précisément, cette dernière glacia- Chassé par le froid, certes, mais ne redoutant
tion, soit vers 70.000 ans. J’ai bien dit « l’isthme » pas, semble-t-il, les températures basses ren-
et non le détroit de Behring. Les continents améri- contrées sur les plateaux et les sommets élevés,
cain et asiatique étaient alors soudés. C’est à pied cet homme conquit, occupa les hauteurs de San
que le passage s’effectua, sans la moindre diffi- Pedro de Atacama il y a environ 30.000 ans. Ce
culté. Il existe des vestiges de 35.000, de 50.000, fait peut être discuté. Il n’a pas encore été décou-
voire de soixante mille ans au Canada. Des vesti- vert de matériel organique permettant d’effectuer
ges récemment datés remonteraient, selon les la liaison indiscutable entre cette quasi-certitude
travaux du Dr Leakey, à quelque 120.000 ans. et une preuve scientifique irréfutable. Les maté-
L’homme a passé alors que les eaux des océans riaux lithiques ont provoqué il n’y a guère des
étaient plus basses. Ce passage effectué sans études, assurées par des savants russes et nord-
qu’il s’en rende compte d’ailleurs, ignorant qu’il américains dans les eaux du détroit de Behring.
passait « d’un continent à l’autre », avait peut-être Des pierres, identiques à celles de San Pedro, y
toute la dimension de l’Alaska ! A la dernière épo- ont été découvertes. Ce matériel n’est certes pas
que, au moment du dégel, il ne resta finalement du « sapiens » ; on l’appellera néanderthalien,
plus qu’un couloir d’une largeur de 4 km, lequel paranthrope, quel que soit le nom qu’on voudra
disparut ensuite avec la montée des eaux, une bien lui accorder pour expliquer ou tenter d’expli-
centaine de mètres environ. Durant la période quer les différents groupes humains de l’occupa-
s’étendant de 60.000 à 20.000 ans, personne ne tion américaine. Tout peut encore être discuté ;
passa plus, mais l’homme avait franchi l’invisible on en est au stade des premières découvertes en
frontière séparant ces deux continents. Amérique latine.
Le paléolithique inférieur. les mastodontes dont, par ailleurs, les traces sont
L’homme de Gatschi a, au moins, un travail de certaines. Il faut rappeler à ce propos, que rien ne
percussion qui représente le « pré-projectile permet d’affirmer que l’épieu était connu : les atta-
point », soit cette pierre taillée qui s’adapte à la ques étaient donc effectuées, pratiquement de
paume de la main, forme corps avec ce membre front. Il fallait une arme « lourde », à la mesure
afin de pouvoir attaquer l’animal-nourriture. Cet toutefois d’hommes de taille et de configuration
homme ne connaît pas encore l’épieu. Il avait été normales. Il paraît certain que la population de
affirmé que cette « arme » n’existait pas en Améri- cette région n’était pas fort nombreuse. Le produit
que ; il s’en est trouvé suffisamment d’exemples de la chasse constituant l’essentiel de l’alimenta-
dans la région de Gatschi. Il est intéressant de tion, une population à forte densité aurait rapide-
noter qu’il s’en trouve un auprès d’un salar ment réduit le parc à gibier. Par contre, ce qui est
(ancienne lagune), mais que le matériel le plus tout aussi certain, c’est que cette population est
primitif se situe sur les hauteurs d’ailleurs les plus beaucoup plus ancienne que ce que l’on avait
éloignées du village actuel. Il est plus intéressant imaginé. Elle est même plus ancienne que les
encore de noter qu’à mesure qu’on descend (que 30.000 ans d’âge accordés jusqu’à présent à
l’homme descendait) les pentes de la pré- l’homme primitif du nord chilien.
Cordillère, le matériel est plus travaillé, ou en ter-
mes modernes, mieux élaboré, quoiqu’il ne soit La région du salitre (nitrate) est intéressante dans
pas encore permis de dire qu’il soit... sophistiqué. la mesure où l’on sait que sa présence est anté-
rieure à la formation du nitrate. Les « ateliers » sont
Cet homme occupa les rives d’un immense lac de dans leurs sites primitifs, alors que le nitrate, dans
180 km de long sur 80 km de largeur dont la pro- sa formation, a naturellement détruit toute forme de
fondeur, minimale, fut de 150 mètres. Le grand végétation. Rien, en effet, ne peut croître dans le
réservoir, centre de cette vaste région, a diminué, nitrate. Excellent fertilisant lorsqu’il est utilisé en
disparu, pour une raison bien simple. La Cordillère très faibles quantités, ce sel détruit absolument tout
connut trois soulèvements ; le troisième amenant lorsqu’il dépasse des doses déjà infimes. Les chro-
la montagne de 4000 à 6000 mètres d’altitude, niques, depuis la conquête espagnole, assurent
coupa toute cette région, définitivement, des que la pluie n’est jamais tombée en certains en-
pluies venant de la zone équatoriale cependant droits. Tous les « ateliers » sont là, sur des distan-
proche. Les nuages d’altitude moyenne, généra- ces considérables, sur des surfaces immenses.
22 teurs de pluie, ne passèrent plus la montagne, C’est la preuve irréfutable de la présence de l’hom-
repoussés par celle-ci ou vidés de leur substance me, et partant d’une végétation avant la formation
sur l’autre versant. Les pluies tombèrent alors sur du nitrate. Mais pas une seule pièce intermédiaire,
le haut plateau bolivien, passant bien, en partie, pas un indice du paleolithique moyen ou supérieur.
au travers de la roche, sourdant sur le versant La formation du nitrate a stoppé net toute végéta-
chilien, mais les rivières devinrent bien vite des tion et avec cet arrêt la mort ou la fuite des ani-
canyons, et ceux-ci laissèrent trop souvent l’eau maux comme de la population.
se perdre dans leurs innombrables crevasses
provoquées par les incessants tremblements de
terre. L’eau devint exclusivement souterraine et la De San Pedro à nos jours.
région, privée du liquide indispensable à la vie, A San Pedro même et dans ses environs immé-
devint le désert que nous connaissons aujour- diats se trouve, preuves à l’appui, toute la gamme
d’hui, parmi les plus grands, sans doute le plus des travaux, depuis le paléolithique inférieur jus-
aride. L’homme suivit cette régression. Une chro- qu’à nos jours, sans la moindre faille, sans le plus
nologie extraordinaire — et méthodique — est petit hiatus. L’on y trouve les résultats de toutes
ainsi inscrite dans le sol, sur le sol, ponctuée par les techniques de percussion : lamelles, nucleus,
les travaux de l’homme depuis le « pré-projectile couteaux, racloirs, bifaces, etc. Certaines pièces
point » jusqu’au « coup de poing », selon une laissent rêveur le chercheur qui les examine pour
classification à la fois technique et temporelle de la première fois. Telle technique a servi pour une
l’homme américain. face de l’objet, une autre a permis de façonner
l’autre face. En Europe, deux pièces de ces deux
techniques de travail constitueraient des mor-
Parmi les instruments de travail ou armes de ceaux de choix dans la vitrine d’un musée. Dans
mains, le biface amène au paléolithique inférieur. le désert d’Atacama, ces deux techniques s’har-
Dans la région du nitrate appelée ici Atamira, les monisent, réunissant en une seule, ce que nous
pierres taillées découvertes par centaines, parais- serions tentés d’appeler deux civilisations. Parmi
sent avoir été réalisées par des géants, pour des les autres curiosités relevées sur les sommets, il
géants. En fait, et l’expérience a été réalisée avec faut noter les cinquante plaques de pierre, portant
les habitants actuels ignorants du rôle qu’ils des dessins gravés. Ils paraissent être des essais,
jouaient, ces instruments devaient avoir un systè- des « brouillons » de ce que l’homme allait graver
me « d’emmanchement » permettant d’attaquer dans les abris-cavernes. C’est la première fois
23

La « Piedra », pierre unique au monde : elle gisait, en pièces détachées, abandonnée voici 30.000 ans
dans l’atelier paléolithique. Le Père le Paige n’eut qu’à se baisser et ramasser les morceaux épars, afin de
pouvoir ensuite la décomposer à nouveau pour la photo. Aucun musée au monde ne peut se vanter de
posséder pareil document.
que ce type de « glyphes » se rencontre dans le Les couleurs, rouge, orange et jaune ont permis
monde. Il est impossible d’imaginer seulement que de représenter la capture de l’okenito (lama primi-
ces pièces seraient relativement récentes puis- tif), la vigogne, l’alpaca, le lama. La capture du
qu’elles ont été découvertes sous une épaisse lama signifie qu’un tournant est pris. Le chasseur
couche de bifaces et de déchets de la taille de ces ne tue plus nécessairement pour manger aussitôt,
pierres. il capture l’animal vivant dans le but évident de le
garder, de le domestiquer.
La vie reprit, ou plutôt continua et l’homme tailla
des têtes de lances (ou de javelots), des pointes Dans cette même région, au paléolithique supé-
de flèches, plus élaborées, et en arriva enfin à rieur, l’homme a récolté des végétaux, fruits et
travailler la « tétragonale » classique, fer à quatre racines, et a su concevoir que certains pouvaient
pointes, trois pointes plus un pédoncule. Tout de être conservés, après les avoir laissé sécher. Il
suite après cette période, encore qu’en nombre s’est trouvé aussi dans l’obligation d’écraser cer-
très réduit, apparaît le propulseur ; il n’existe, en taines matières, de les piler et par conséquent
effet, que deux pétroglyphes représentant ce qu’il d’inventer le mortier. Ce dernier « outil » ou usten-
est permis d’appeler une courroie permettant de sile ménager si l’on préfère, fut totalement inconnu
propulser un objet, en l’occurrence, une arme. au paléolithique inférieur. Il est absolument inutile
Leur classement, leur datation constituent une de le rechercher. Ce n’est qu’au « supérieur » que
grande difficulté eu égard aux deux seuls exem- devenu agriculteur (avec les réserves que ce ter-
ples qu’ils constituent. Il est difficile de les relier au me impose), l’homme d’Atacama dut imaginer des
paléolithique ou au néolithique ou même aux pein- techniques nouvelles pour assurer sa subsistance.
tures rencontrées dans certaines grottes et abris Le mortier est constitué de deux pièces : le mortier
sous roche de la rivière Salado. lui-même soit le contenant d’une part et le pilon,
une pierre plate, qu’un travail patient autant qu’un que 500 ans d’âge. La première céramique est
usage quotidien poliront à un point qu’il est difficile d’une réelle simplicité ; elle est faite de terre grise,
d’imaginer, avec le recul de quelques milliers d’an- même noirâtre, contenant une grande quantité de
nées qu’est celui avec lequel nous regardons cet petits grains de quartz. Elle est suivie d’une autre
objet ! C’est encore l’époque à laquelle furent céramique, rouge, lisse, avec un détail d’évolu-
construits les premiers « abris » permanents tion : l’apparition de l’image de l’homme : gravée,
(maisons), dont l’existence est prouvée par les taillée, voire en relief sur le col du vase, puis, un
restes des foyers. Dans la région de Tulan, les moment donné, les oreilles vont compléter cette
cendres de ces foyers contenaient des objets d’où physionomie. Il n’en reste que deux exemples.
l’on a pu déduire, tout naturellement, que si l’hom- Ces oreilles seront bientôt remplacées par deux
me possédait des armes taillées, sa femme utili- petites anses, nouvelle forme d’évolution dans un
sait des instruments ménagers conçus et réalisés art encore strictement utilitaire. Elle se conserva
selon les mêmes techniques. Un fait est certain : telle jusqu’au premier siècle de notre ère. Elle ne
la différenciation nette entre l’instrument de cuisi- sera plus seule : vers la fin de son temps, elle sera
ne et l’outil extérieur ou arme. Apparaissent alors en parallèle avec la merveilleuse, fameuse céra-
les sites sédentaires. De semi-nomade, l’homme mique noire, polie, des Atacamènes, propre, clas-
se sentit solidaire de la terre et s’installa. Il va aus- sique, d’une rare richesse. Elle est tout simple-
si construire sa maison : des blocs posés les uns ment extraordinaire : elle contient notamment du
sur les autres ; le premier village naquit, tout natu- manganèse, pilé, moulu, rendu impalpable, mélan-
rellement. gé à l’argile et au sable. Le métal a donné la tein-
te ; le polissage patient a donné un lustre unique à
cette céramique de toute beauté. C’est l’étude au
La vie à San Pedro. microscope qui a pu en révéler toute la richesse
Les Atacamènes n’évoluèrent pas comme la plu- fondamentale.
part de leurs voisins. Ils eurent à lutter sans cesse
contre l’érosion, la dégradation du sol, contre le
désert dont l’emprise fatale s’étendait au fil des La variété des formes est limitée ; une douzaine
années. Il n’eut donc pas l’occasion ni le loisir seulement, mais il est impossible de s’en lasser.
(c’est-à-dire le temps), de se créer une culture, de L’exubérance des formes et du décor péruviens
s’élever au-dessus des besoins quotidiens et d’un sont, dans une certaine mesure, une exagération
24 avenir immédiat. Cette pauvreté intellectuelle fut que l’on ne retrouve pas dans l’Atacama. Cette
parallèle à une authentique pauvreté matérielle. céramique, faite à la main, jamais au tour du po-
Cette dernière eut un effet paradoxal, finalement tier, est le résultat d’un art tranquille. Il est inté-
bénéfique : il n’y eut jamais de vrais riches, et cet- ressant de noter qu’à cette époque, les potiers
te population de l’Atacama connut une remarqua- fabriquèrent des carafes dont le goulot était orné
ble démocratie. La fouille des 5054 tombes n’a de deux visages stylisés, opposés. On en voit les
pas permis de retrouver le mobilier que l’on aurait yeux, le nez, puis des lignes verticales dont on
accordé à un grand chef, à un notable plus élevé déduirait volontiers que c’est la bouche. C’est
en grade qu’un autre. Pas une seule tombe ne faux, malheureusement, déclare le Père le Paige,
contient un défunt auquel l’on aurait sacrifié des c’est la barbe. Or, l’« Indien » des Andes, de la
esclaves afin de l’accompagner sur la grand-route Cordillère, était imberbe. Ces deux visages oppo-
de l’au-delà. Mieux, il semble bien certain que la sés, affirme l’archéologue avec une conviction
tradition actuelle soit la survivance de cette réelle profonde et communicative, me font penser et
démocratie. A notre époque encore, aucune char- j’en suis convaincu, au dieu Janus des Romains.
ge ne se conserve durant plus d’une année. Celui C’est lui qui est ici représenté ! Il a ensuite conti-
qui a été investi s’en décharge spontanément, nué à être transformé, s’est modifié, s’est stylisé
j’allais dire automatiquement et cède la place à au point de ne plus être représenté que par cinq
son successeur. Celui-ci peut être le plus pauvre, lignes. J’avance cette affirmation, insiste le Père
le plus humble des villageois. Il ne retirera aucun le Paige, car j’ai découvert dans une tombe ata-
bénéfice de son mandat public. camène, une broche, un « topo », une épingle
destinée à attacher le poncho et qui est une sirè-
ne, une authentique sirène : cheveux longs, mi-
A la suite de modifications intervenues dans les roir et peigne dans la main ! Cette région dut
fondements même de l’habitant en raison de la avoir des contacts plus nombreux et plus étendus
très haute antiquité des sites et des populations que tout ce que nous pouvons imaginer. C’est
qui les occupèrent, comme en raison même du encore le cas de cette grande cloche en bois
caractère des Atacamènes (des chasseurs), la d’une tombe de l’année 1050 sur laquelle se trou-
céramique ne pouvait être présente ici dès les ve gravée une croix grecque à quatre branches
temps les plus reculés. Elle n’apparut que bien et n’est pas un motif décoratif quelconque parmi
plus tard, vraisemblablement vers 2000 avant d’autres, mais le seul ornement de cette cloche
J.-C., encore que de nombreuses pièces n’aient de 40 cm. Ceci prouve à tout le moins que cette
Un des rares exemples de défunt enseveli dans une jarre mortuaire.
N’est-ce pas le moment de songer à la Phénicie ?
25
e
région eut des contacts répétés avec l’Europe, XII siècle, nouvelle période. La datation est préci-
bien avant la conquête espagnole ! se, propre à la région, avec une céramique toute
différente, couleur lie de vin, dont la seconde partie,
La céramique noire fut suivie ou accompagnée plus tard, connaîtra une influence inca. L’archéolo-
d’une céramique rouge, d’un autre groupe, avec gie rappelle à ce propos que les Incas n’occupèrent
des dessins extraordinaires dans leur stylisation et cette région que durant une bonne cinquantaine
d’une rare finesse d’exécution. L’objet, l’animal d’années seulement, et que les soldats espagnols
représenté, est généralement sinon exclusivement furent accueillis en libérateurs.
le lama. Le second groupe de céramique est uni-
que : il ne paraît pas, il n’existe pas de preuve, La civilisation de l’Atacama a permis à ce peu-
qu’une autre, semblable, ait existé dans d’autres ple d’inventer la trempe du cuivre. A San Pedro,
régions. La céramique noire se retrouve parfois, il existe des instruments en cuivre trempé, les-
mais comme une intruse, dans l’Argentine voisine. quels attestent l’authenticité de cette technique.
La céramique rouge est exclusivement atacamène. Les Espagnols mirent tous les peuples de la
Cette céramique couvre quelque sept à huit siè- Cordillère à la recherche de l’or, tellement
cles, puis a connu une période de décadence. Les convoité. La technique de la trempe disparut en
empreintes des doigts du potier se rencontrent deux ou trois générations et est définitivement
fréquemment, les formes sont réduites, cinq ou six ; perdue aujourd’hui. L’examen systématique des
elles sont plus simples. La céramique reste noire, tombes a permis enfin au Père le Paige d’étu-
quoique ne contenant plus de manganèse. La gra- dier plus de 5000 crânes et de vérifier l’évolu-
vure est différente, le lama disparaît. Enfin, la cuis- tion du peuple. La trace des petits vaisseaux
son est moins bien assurée. C’est une conséquen- sanguins est demeurée dans les os de la tête et
ce d’un changement de climat. Jusqu’à cette épo- les quelque 150 momies rassemblées dans son
que, en effet, de nombreuses tombes contenaient Musée, ont permis d’effectuer des études très
des graines de kinoa, plante que l’on cultive encore complètes. En fait, les défunts ramenés y sont
sur les hauts-plateaux boliviens. Elle exige non exposés, sans aucune protection, étant donné
seulement une eau d’irrigation, mais encore de la l’extrême sécheresse de l’atmosphère, ne sont
pluie. A partir du VIIe ou du VIIIe siècle, cette pluie pas momifiés. Ce sont des corps desséchés,
disparut, et le kinoa disparut également. A partir du déshydratés. Le sang y était séché également
et il a été possible de déterminer le groupe san-
guin, « 0 » mongol. Le peuplement de l’Améri-
que par le Pacifique ne fut donc jamais une
réalité. Il n’y eut que des contacts. Par ailleurs,
l’Amérique du Sud, notamment, attendait un
dieu blanc. Lorsque Cortez se présenta plus au
nord, il fut accueilli comme un dieu. Lorsque les
peuples se rendirent compte de leur erreur, il
était trop tard. Ici, le Père le Paige insiste sur la
présence du dieu Janus sur les céramiques
anciennes pour expliquer l’attente de ce dieu
blanc.

Le cas de la vie dans le désert d’Atacama pose


des questions, et la première : comment peut-on
y vivre ? Le désert ne fut jamais ce qu’il est au-
jourd’hui. Rappelant Teilhard de Chardin, le Père BIBLIOGRAPHIE.
le Paige déclare : « Je connais suffisamment le
passé pour savoir si nous sommes capables de
Antiguas culturas atacameñas en la Cordillera
diriger le futur ». Le rôle de l’archéologue dans la
atacamena (epoca paleolitica). « Revista Uni-
vallée de San Pedro n’est pas seulement de
versitaria », Universidad Catolica de Chile. Vol.
découvrir le passé afin de garnir les tablettes et
XLIII (1958), vol. XLIV-XLV (1960). Santiago.
les armoires d’un musée. Son devoir est de ten-
Ghatchi y su zona. Ibid. Vol. XLVIII (1963).
ter, sans modifier, sans forcer l’âme d’un peuple,
ses qualités, ses activités de faire vivre le désert La antiguedad de una tumba comprobada por C-14
d’Atacama et avec lui, ce peuple. Il est possible, y el ambiente que la rodea. Ibidem.
conclut le Père, de reconquérir ce pays. L’étude Antiguas culturas atacameñas en la Cordillera
des Atacamènes peut se poursuivre dans ses atacameña (epoca neolitica). « Anales de la
coutumes, son folklore, ses chants, ses danses Universidad Catolica de Valparaiso ». Vol. 4-5.
dites païennes mais en réalité autant d’actes de Santiago, 1958.
26 dévotion. Paraphrasant Teilhard de Chardin qu’il Cultura de Tiahuanaco en San Pedro de Atacama.
connaît si bien et apprécie, il dévoila sa pensée « Anales de la Universidad del Norte ». Vol. 1,
intime, bien personnelle, le jour où il déclara : Antofagasta 1961.
« Ne te contente pas de ce que tu as, va plus
loin ». N’est-ce pas ce qu’il a fait, ce qu’il fait Estudio craneometrico de la coleccion del Museo
encore chaque jour dans « son » désert d’Ata- de San Pedro de Atacama. Ibidem.
cama, là, loin au Chili, dans sa vallée accro- Continuidad o discontinuidad de la cultura ataca-
chée à 2500 mètres d’altitude, aux flancs de la meña. Congreso internacional de arqueologia
Cordillère coiffée de la « montagne qui parle » ? de San Pedro de Atacama. Ibid. Vol. 2, 1963.
El preceramico en la Cordillera atacameña y los
cemeterios de la epoca agroalfarera de San
Pedro de Atacama. Ibid. Vol. 3, 1964.
San Pedro de Atacama y su zona : 14 temas.
Ibid. Vol. 4, 1965.
Craneos atacameños : evolucion, ritos. Ibid. Vol. 5,
1966.
Subarea atacameña. Congreso internacional de
americanistas. Vol. XXXVII, Buenos Aires 1968.
Bolitas esferoidales en San Pedro de Atacama y
el paleolitico inferior en la Pampa Salitrera.
« Rehue » del Instituto de Antropologia de la
Universidad de Concepcion. Vol. 2, 1969.
Industrias liticas de San Pedro de Atacama (tecnicas
y tipologias). Editorial « Orbe » y Univer-
sidad del Norte. Santiago y Buenos Aires, 1971
(480 pages).
Le Père Le Paige montre comment, d’un tesson
fiché dans le sol, il détermine la circonférence Secuencias liticas de San Pedro de San Pedro de
d’un vase en céramique. Aucune fouille n’a enco- Atacama y zonas limitrofes (texto mas album
re été opérée ici de 150 laminas). Ibid. en impressa.
Pieces a convictions

EPARPILLEMENT DE SPHERES
AU COSTA-RICA

27

La République du Costa-Rica propose, sur ses vérité et la duperie : que voulez-vous, attirer le
49.000 km2, un sol fertile et très peu d’or, quand public à coups de sensationnel est plus simple que
bien même Christophe Colomb, la croyant émi- d’inventorier sérieusement.
nemment aurifère, l’appela « côte riche ». Une
jungle côtière, des collines boisées et un plateau Si l’on suit le Rio Grande de Terraba vers la fron-
central volcanique suffisent à dresser le portrait- tière panaméenne, on traverse la région de Palma
robot de ce pays d’Amérique centrale. Bordé à Sur, un véritable pactole archéologique. En effet,
l’est par l’Atlantique, plus particulièrement la mer de grosses sphères monolithiques de pierre y
des Caraïbes, à l’ouest par l’océan Pacifique, le furent découvertes et soixante-dix de celles-ci
climat y dessine une courbe isothermique allé- sont cataloguées à ce jour, quoique leur assimila-
chante. Si l’intérêt économique se marque par tion à une quelconque culture amérindienne reste
l’élevage de bestiaux, les plantations de bananiers un point d’interrogation. En 1938, la United Fruit
et de caféiers, nous nous arrêterons plutôt à un Corporation déboisait la région en vue d’y planter
phénomène relativement rare en archéologie : il des bananiers, et ce sont les ouvriers de la socié-
s’agit de sphères monolithiques en pierre. Déjà, té qui firent l’étrange découverte. Ce qui est enco-
Robert Charroux et Erich von Däniken ont noirci re plus étrange, c’est les vingt-cinq ans qu’il fallut
des pages de littérature à ce sujet. Comme à avant qu’un archéologue ne s’y intéresse, mais
l’habitude, nous y trouvons le meilleur et le pire, la ceci aussi est une vieille histoire.
Seuls certains aventuriers, assoiffés d’or, en dyna- sphères n’est toujours pas effectué à ce jour.
mitèrent quelques-unes en croyant y trouver le Nous y reviendrons.
métal précieux et, après l’abandon de la culture de De retour à Washington DC, le Dr. Stirling fut en-
la banane, figurez-vous que ce sont des bestiaux core plus troublé lorsqu’un certain Ernest Gordon,
qui achevèrent de mettre les sphères à jour. En- ingénieur des mines, lui téléphona à la suite de
suite, il fallut attendre un article de Robert De l’article de De Roos, pour rendre compte d’une
Roos dans le National Geographic de juillet 1965, nouvelle découverte de sphères de pierre, mais
pour que l’énigme resurgisse. M. De Roos ren- au Mexique cette fois. « Ce sont cinq pierres
contra le Dr. Matthew W. Stirling du Smithsonian géantes de 1,80 à 2,40 m, si parfaitement rondes
Institution et également membre du Comité de qu’elles semblent avoir été travaillées par la main
Recherche et d’Exploration de la National Geogra- de l’homme, et elles ressemblent à celles que
phic Society. Le Dr. Stirling, ayant été sur place, vous avez étudiées au Costa-Rica », déclara-t-il.
avait été impressionné par la quasi-perfection de Les nouvelles sphères se situaient dans l’Etat de
la rotondité des monolithes. Il en rencontra de Jalisco, à l’ouest du centre du pays, et les autoch-
toutes tailles, de la grosseur d’un ballon de foot- tones appelaient la région, à juste titre, « Piedra
ball à la boule d’une hauteur d’homme. Ce n’était Bola » ou Boule de Pierre. Gordon œuvrait aupa-
pas vraiment une nouveauté pour Stirling car, dès ravant à Guadalajara pour une société minière, et
1945, travaillant sur un site olmèque vieux de c’était en retournant dans la région qu’il fit cette
3000 ans, au Mexique (Etat de Vera-Cruz), il avait découverte fortuite.
noté quelques sphères de basalte de 90 cm de
diamètre. (1) Pourtant, en Costa-Rica, « des En décembre 1967, Gordon et Stirling, accompa-
exemplaires de 2,10 à 2,40 m de diamètre s’écar- gnés de leurs épouses et du Dr. Doris Stone, Pré-
tent de moins de cinq millimètres de la sphère sident du Conseil des Directeurs au Musée Natio-
parfaite. C’est une des plus remarquables trouvail- nal de Costa-Rica, lancèrent une expédition dans
les archéologiques du monde ». la contrée. Ils mirent ainsi à jour trois pierres à
demi-enfouies et six autres dans les environs im-
Le poids d’une des plus massives avoisinait les médiats. Par la suite, vingt-deux monolithes se
16 tonnes, soit le poids total d’autant de voitures retrouvèrent à l’air libre, leurs dimensions variant
de tourisme. Cependant, Stirling était incapable de 1,35 à 1,95 m de diamètre. Une fondation rec-
de déterminer la période à laquelle celles-ci tangulaire fut aussi repérée, sans doute pour quel-
28 furent taillées, bien que des poteries datant d’un que cérémonie rituelle, — mais par qui ? —, et
siècle avant Colomb furent décelées en associa- aucune trouvaille de poterie ou autre ustensile ne
tion avec les sphères. Il ajoutait encore que l’on put les aider à situer historiquement cette décou-
ne signalait pas un seul mot les concernant dans verte incongrue. Un des aides de l’expédition, M.
les chroniques des conquistadores. La seule indi- Jesus Lopez, indiqua par ailleurs qu’à Agua Blan-
cation valable portait sur le matériau utilisé : ca, de l’autre côté de la colline, il y avait bien d’au-
il s’agit de basalte dur, c’est une donnée impor- tres « boules » de ce genre. Et, effectivement, la
tante, car les figurines de pierre trouvées dans la petite troupe marqua sa stupéfaction de se voir au
région sont sculptées dans un conglomérat vol- beau milieu d’un « bowling pour géants ». Les
canique tendre qui ne durcit que sous l’effet de sphères reposaient, tout entières exposées au
l’exposition prolongée à l’atmosphère. En outre, regard, les diamètres accusaient de 60 cm à une
les monolithes semblent être groupés sinon ali- masse de 3,30 m, la moyenne étant estimée entre
gnés, mais malheureusement le relevé in situ des 1,65 et 1,80 m. La vue était spectaculaire, mais
leur profusion même dénotait une formation natu-
relle. Encore était-il à prouver qu’un tel échantil-
lonnage était géologiquement concevable !

Nouveau retour à Washington. Stirling consulta deux


experts : le Dr. William Nelson du Smithsonian Insti-
tution et le Dr. Robert L. Smith du US Geological
Survey. Et en mars 1968, une nouvelle expédition fut
montée sous l’égide de la National Geographic So-
ciety, du Smithsonian Institution et, enfin, du US
Geological Survey, rien que du beau monde en fait.

(1) Basalte : roche éruptive dont la pâte compacte et


noire est formée de microlithes avec de grands
cristaux de feldspath, d’olivines, etc. Le tuf, par
contre, est une roche de porosité élevée et de
faible densité.
L’examen du terrain et les analyses minéralogiques
permirent de déterminer exactement l’origine des
sphères. « Celles-ci furent formées pendant l’ère
tertiaire par cristallisation à haute température dans
une matrice de tuf en fusion (1). Une avalanche de
lave submergea l’endroit. Par analogie avec d’autres
coulées de ce type, nous savons qu’à Jalisco, près
des quatre cinquièmes du matériau étaient des parti-
cules de verre en fusion dont la porosité de l’ensem-
ble composait, somme toute, la moitié de la masse
totale. Aux températures présumées, oscillant entre
525°C et 750°C, et avec un refroidissement lent, la
cendre volcanique vitreuse se cristallise. Le proces-
sus débute par un noyau d’une simple particule de
verre, les gaz s’échappent dans toutes les directions
et provoquent la cristallisation d’autres particules
adjacentes pour former finalement les sphères ».

Pour simple, le mécanisme en est malgré tout


rarissime : seul au Nouveau-Mexique (USA), près
de Los Alamos, existe un autre exemple de sphè-
res naturelles de ce type. Robert Charroux (« Le
livre des mondes oubliés ») ajoute que dans la
campagne du Limousin, à Cieux, on rencontre les
mêmes sphéroïdes de pierre et qu’ils sont aussi
d’origine volcanique. Dans un grand élan de fer-
veur, il porte à la connaissance du lecteur que les
monolithes sphériques du Guatémala — sic, il
s’agit du Costa-Rica — sont « incontestablement
d’origine naturelle » et soumet une photographie
dite de propre source — en réalité, identique aux 29
nôtres —, accompagnée de la légende suivante :
« Les pierres rondes du Guatémala et du Mexi-
que : des bombes volcaniques en tuf ». Autant
d’erreurs et on passe à côté de la montre en or.

von Däniken (« Retour aux étoiles ») s’étend plus


longuement sur le sujet, ce qui fait saliver les
amateurs d’extraterrestres de tout crin en nylon :
« Au milieu de la jungle, sur de hautes monta-
gnes, dans les deltas et sur les collines, sont
dispersées des centaines si ce n’est des milliers
de balles de pierres artificielles». C’est le même
grand explorateur, la machette en bandoulière,
qui propose l’hypothèse d’une dispersion intelli-
gente des sphères ; d’en relever topographique-
ment les sites est réellement une idée intéressan-
te, mais bien sûr, il ne fallait pas s’attendre de sa
part à une étude très sérieuse en ce sens, von
Däniken se bornant à des révélations fumeuses
dont il a le secret : « Certaines étaient toujours
placées au centre de l’axe de la colline... grou-
pées selon un ordre étrange et incompréhensible,
auquel on pouvait cependant reconnaître une
certaine intention ». Du diable si vous compre-
nez, c’est à en perdre la sphère…

Il rapporte encore le mystère épais du mutisme


des populations indigènes vis-à-vis de toute révé-
lation au sujet des sphères et leur refus constant
d’explication. Toutefois, le Dr. Stirling rappelait Comment dès lors progresser dans le cas qui
que les ouvriers autochtones qui l’accompagnaient nous occupe ? Le projet en lui-même est simple :
lui apprirent de bon gré que, selon le folklore, les grâce à la photographie aérienne, on peut prendre
Indiens possédaient un liquide qui, versé sur le une série de photographies couleurs infra-rouges
roc, le ramollissait, permettant ainsi un façonnage ou stéréoscopiques, sur film Kodak Aerochrome
aisé. Légende qui ne nous est pas inconnue en Infrared Film type 2443, doublées par des prises
Amérique du Sud. Cette question demeure d’ail- de vues obliques afin de donner une idée plus
leurs un problème de taille, et le Dr. Doris Stone précise de la nature du terrain. Le basalte répon-
se demande encore toujours comment des peu- dant à une caractéristique couleur infra-rouge, il
plades sans outils de métal s’en tirèrent. Elle croit, est permis d’espérer un repérage précis des sphè-
quant à elle, que les sphères ont été d’abord dé- res. Un report orthophotographique suppose dès
grossies pour ensuite être passées aux abrasifs à lors un calcul des proportions des sphères aussi
base de sable. Telle est sans doute la solution, car bien que de leurs positions respectives. Ainsi, une
des traces de polissage sont perceptibles sur tou- vérification sans erreur est à même d’apporter une
te la surface des exemplaires du Costa-Rica, ce piste sérieuse. J’ajouterai encore que si vous ne
qui démontre bien leur caractère artificiel. Si l’on pouvez disposer d’un Beech-craft, on peut tou-
peut se faire une idée de la méthode de taille, on jours risquer le coup et demander au Pentagone la
bute malgré tout sur le problème corollaire de la location (« time-sharing ») d’un quelconque satelli-
masse. Comment déplacer le monolithe, comment te-espion Samos, dont l’équipement répond au
arriver à une erreur négligeable d’un quart de pou- matériel précité, ainsi que de télescopes Questar
ce au diamètre ? Où le ou les lieux d’extraction du d’une longueur focale de plus de 6000 mm.
matériau se situent-ils ? Pour une sphère de 2,10 Soixante secondes suffiraient et le canal de Pana-
m de diamètre, il nécessite une masse minimum ma est observé de cette façon à chaque tour d’or-
de 9,26 m3, pesant plus ou moins 27.000 kilos. bite. Qui dit mieux et qui se chargera du boulot,
Autant de questions sans réponse, du moins pour qui ajoutera les sphères du Costa-Rica au
le moment. « sanatorium des coïncidences exagérées » cher
à Charles Fort ?
ROBERT DEHON.
Il y a aussi l’hypothèse d’une maquette stellaire à (Sources photographiques : National Géographique)
échelle « x », pourquoi pas ? Il est prouvé que les
30 Amérindiens observaient le ciel avec haute préci-
sion : j’en prends pour seul exemple la découverte
récente de l’archéologue Michanowsky au sujet
d’une pierre plate portant des inscriptions incom-
préhensibles. Cela se passait en Bolivie en 1956
et la dalle fut oubliée jusqu’au moment où les as-
tronomes acquirent la certitude que le pulsar de la
nébuleuse de Gum était le résidu de l’explosion
d’une supernova dans la constellation de Vela.
Cette explosion se serait produite il y a moins de
30.000 ans et les astronomes de la NASA émirent
l’hypothèse que des hommes avaient pu observer
l’explosion, compte tenu toujours du temps pour
que l’image parvienne jusqu’à nous. M. Micha-
nowsky fit le rapprochement avec sa pierre boli-
vienne : les inscriptions indiquaient effectivement
cette partie du ciel, à l’aide de cercles de différen-
tes grandeurs, gardant la proportion stellaire, donc
à échelle « x ». De plus, c’était une représentation
graphique d’avant l’explosion — toujours en tenant
compte de la vitesse de la lumière — et plus
étrange encore : lorsque Michanowsky retourne
sur le site de la dalle, il s’aperçoit qu’il était impos- Sources.
sible d’observer la nébuleuse de Gum de cet en- National Geographic, vol. 128, n° 1, juillet 1965.
droit précis. Les Amérindiens possédaient-ils des « Costa-Rica, free of the volcano’s veil », Robert
observatoires disséminés tout le long de la Cordil- De Roos.
lère des Andes, celle-ci se prolongeant jusqu’au National Geographic, vol. 136, n° 2, août 1969.
nord du Canada par les Rocheuses ? Seul un « Solving the mystery of Mexico’s great stones-
travail de synthèse inter-sciences sur ordinateur spheres », M. W. Stirling.
peut proposer des solutions. La méthode a fait ses Time, 27 mars 1972 et 22 octobre 1973.
preuves à Stonehenge. Sciences et Avenir, n° 322, décembre 1973.
Anciens rois de la mer

TONGATABU : IRRITANT VESTIGE


EN POLYNESIE
« Les futurs archéologues ont désormais un tra- de large sur 1,80 m de haut et placés les uns sur
vail immense à réaliser sur le terrain, aussi bien les autres ! Sur la même île, des forts grandioses
dans les îles du Pacifique que dans tous les azi- en pierres sèches, parfaitement construits en
muts de la planète... Mais s’ils veulent œuvrer, terrasses superposées, dominent tous les som-
fructueusement et rapidement, c’est d’abord en mets importants reliant les vallées entre elles.
Océanie qu’ils doivent se rendre. »
L.C. Vincent, 1969.
En 1956, d’importantes fouilles seront organisées
Premiers balbutiements. par l’équipe de Thor Heyerdahl, composée égale-
L’immensité du Pacifique (environ cent quatre- ment de Edwin N. Ferdon, William Mulloy et Carly-
vingt millions de kilomètres carrés) baignant quel- le S. Smith. Leurs résultats seront vulgarisés par
que dix mille îles, est faite pour enflammer notre le livre « Aku-Aku ». Pour les îles Hawaii, Henri
imagination. Et c’est pourtant la partie du monde Mager signale également des menhirs et des dol-
la plus délaissée par les archéologues. Les décou- mens faits de trois pierres érigées recouvertes 31
vreurs des îles nous ont légué, en abondance, des d’une quatrième. Dans l’île Malden, de formation
récits et surtout des descriptions de sites. De mê- madréporique, il découvre des dolmens construits
me, les artistes-peintres qui accompagnaient les en blocs de même origine.
navigateurs nous ont rapporté des dessins et des
aquarelles qui pourraient parfois aider les archéo- Afin d’étayer sa thèse d’un grand continent en-
logues dans leurs études. Hélas, il ne faut pas leur glouti, Churchward dresse également, en 1926,
accorder trop de crédit. Ces artistes, emportés par un relevé des « grands vestiges de pierre des
leur enthousiasme — et on les comprend aisé- îles du Pacifique ». Cette liste sera détaillée et
ment — ont transformé, embelli, magnifié les complétée plus tard par L.C. Vincent. Ce dernier
paysages inconnus. Et c’est souvent rentrés à a le mérite de citer en référence les écrits et do-
bord ou lors du retour en Europe, qu’ils interpré- cuments dont il parle. On y trouve mentionnés :
taient ce qu’ils avaient vu ou ce qu’ils avaient cru l’île Pitcairn, les îles Gambier, les Marquises,
voir. Il suffit d’admirer, au National Maritime Mu- l’archipel des Tuamotu, les îles Raevavae et Tu-
seum de Greenwich, l’œuvre de William Hodges, buai, les Hébrides, la Nouvelle-Calédonie, etc.
le peintre qui a accompagné le capitaine Cook lors Bref, une civilisation mégalithique dans tous les
de son deuxième voyage, en 1772-1775. Il est azimuts du Pacifique.
parfois difficile d’y retrouver une image réelle des
sites, tels qu’ils furent esquissés dans son carnet Des dolmens et des menhirs dans les Mers du
de campagne. sud ne semblent d’ailleurs pas gêner l’archéologie
officielle. Guy Rachet n’écrit-il pas : « La présence
Pour une meilleure connaissance de l’archéolo- de mégalithes en Océanie pose aussi l’un de ces
gie des îles, il faut attendre le début du XXe siècle problèmes qui semblent actuellement résolus par
et se référer à l’ouvrage du Français Henri Ma- une hypothèse fort acceptable. Les archéologues
ger, publié en 1902. Cet explorateur avait alors (N.D.L.R.: lesquels ?) s’accordent en général pour
tiré profit de la récente technique photographique les attribuer à deux phases culturelles : dans la
pour fixer quelques sites archéologiques intéres- première phase les Austronésiens (un mélange
sants et notamment des pierres levées. A l’île de d’Europoïdes et de Mongoloïdes), porteurs de la
Rapa-iti, il aperçoit des menhirs et des construc- hache quadrangulaire diffusent, à travers toute
tions cyclopéennes constituées par des blocs l’Océanie, une première série de mégalithes. Un
taillés aux dimensions impressionnantes : 2,50 m second courant trouverait son origine dans la
culture du Bronze de Dong-Son et son aire de Après la visite de Tasman, il faut attendre le pas-
diffusion serait limitée à la Mélanésie ». Heureu- sage du capitaine Cook en 1773 et 1777, de l’Es-
sement que les porteurs de la hache à section pagnol Maurelle en 1781, de Blight (sur le Bounty)
quadrangulaire représentent une culture de Néoli- en 1789 et du capitaine Edwards en 1791 pour
thique récent ! « Ils faisaient partie, poursuit G. que l’archipel soit entièrement connu. Les
Rachet, de migrations ayant eu lieu entre 1500 connaissances archéologiques relatives aux Ton-
av. J.-C. et 500 de notre ère, et ce sont des bar- ga ont été enrichies par l’expédition Bayard Domi-
ques à balancier, qui ont permis d’aussi longues nick qui se situe entre septembre 1920 et juin
navigations transocéaniques ». Mais cela n’expli- 1921. C’est également à un membre de l’expédi-
que toujours pas comment ces barques à balan- tion, l’archéologue W.C. McKern, que nous de-
cier (1), comme l’écrit cet auteur, ont pu effectuer vons d’excellents relevés et travaux. D’autres
il y a 3000 ans des traversées de plusieurs mil- fouilles furent encore effectuées en 1956 par M.J.
liers de kilomètres. Seule une étude approfondie Golson de l’Université d’Auckland en Nouvelle-
des voiliers polynésiens pourrait y répondre. Zélande. Dans le domaine des arts, peu d’objets
ont été retrouvés. Par contre, de nombreuses et
Depuis la fin de la dernière guerre, l’archéologie a extraordinaires réalisations architecturales furent
acquis des méthodes nouvelles de travail, telles étudiées. On peut les classer en plusieurs catégo-
que la datation au carbone-14 ou la stratigraphie, ries : les constructions en pierres, les tertres des
largement utilisées par de nombreuses expédi- sépultures royales, les grandes plates-formes rec-
tions. Celles-ci auront pour but principal l’étude et tangulaires servant de base aux habitations, ainsi
les fouilles du sous-sol. Dans le Pacifique, c’est que des routes longues de plusieurs kilomètres.
une innovation de grande importance. Malheureu-
sement, les résultats obtenus sont souvent mé-
connus faute de diffusion. Les seuls renseigne-
ments largement commentés concernent toujours
les mêmes îles, c’est-à-dire l’île de Pâques, Tahiti,
les Hawaii, ainsi que la Nouvelle-Zélande. Et les
autres îles ? En langue française, seul le bulletin
de la Société des Océanistes peut apporter des
informations utiles aux passionnés du Pacifique.
32
Un exemple : l’archipel des Tonga.
L’archipel des Tonga, composé de plus de cent
îles, fait partie du triangle polynésien. Il est divisé
en trois groupes, qui s’étendent sur 300 kilomètres
entre 18°01’ et 21°28’ de latitude sud et entre 173°
54’ et 175°25’ de longitude ouest. Du nord au
sud : Vavau, Haapai et Tongatabu. Le plus impor-
tant groupe est Tongatabu dont le nom a d’ailleurs
été donné à la plus grande de ces îles, qui fut tout
au long des siècles le centre de la vie politique et
culturelle. L’archipel des Tonga fut découvert le 19
janvier 1643 par le Hollandais Abel Tasman qui
baptisa deux de ces îles Amsterdam et Rotterdam,
et le groupe : « Iles des Amis ». Malgré ce nom
sympathique, l’île était alors peuplée de guerriers
extrêmement farouches et de nombreux équipa-
ges y furent attaqués et parfois massacrés. Selon
Bernard Villaret, « jamais chronique des Mers du
sud ne fut aussi remplie de meurtres, actes de
cruauté et de joyeuses tueries collectives que cel- Le Trilithon de face et de profil.
le des Tonga... »
Haamongaamaui ou fardeau du dieu
Maui.
C’est sur l’île de Tongatabu que l’on retrouve la
plus remarquable des constructions en pierre. Il
s’agit du plus ancien monument de l’architecture
(1) Le mot barque, nous dit Jean Merrien, est un
terme d’eau douce, prohibé en marine ; dire mégalithique tongane : le Trilithon ou Haamongaa-
embarcation, canot ; ou si l’on connaît le type : maui en langage polynésien. Bernard Villaret si-
chaloupe, baleinière, youyou, etc., et dans ce gnale que certains auteurs ont même été tentés
cas pirogue. d’en faire le « Stonehenge polynésien » !
33
Qu’en est-il ? Ames, le premier instituteur we- autre pierre pesant environ 25 tonnes. Comme il
sleyen de l’île, s’est particulièrement intéressé à n’y a pas de pierre sur l’île et que les pierres les
ce monument et en a établi un rapport détaillé qui, plus proches se trouvent à plus de 200 miles, on
hélas, ne fut jamais publié. McKern nous donne peut se demander quels navires les hommes de la
une description assez précise de cet édifice en se préhistoire possédaient pour transporter des poids
basant sur le rapport d’Ames et sur ses propres aussi considérables, comment ils les chargeaient
observations : « Le monument est constitué de sur les bateaux et quel était le matériel dont ils
deux énormes piliers de pierre corallienne fichés disposaient pour les dresser là où nous les voyons
dans le sol et surmontés d’un linteau tout aussi aujourd’hui.» Selon Robert Charroux, chaque
énorme reposant sur des mortaises taillées dans montant pèserait également 70 tonnes... mais le
les piliers. Ces montants, pesant chacun entre poids total du monument serait de 95 tonnes !
trente et quarante tonnes, furent fichés dans des Si l’on ne peut arriver à connaître le poids exact
cavités creusées dans le sol de roche corallienne, du monument, examinons les autres problèmes
puis étayées par des débris de pierres ». Toujours qu’il soulève : d’une part, l’origine des pierres de
d’après l’instituteur Ames, les montants de l’arche construction, leur transport et la méthode utilisée
sont orientés nord-sud, tandis que le linteau est pour leur érection ; d’autre part, son utilité ou du
orienté est-ouest. Les blocs verticaux ne seraient moins la raison pour laquelle il fut érigé, et sa date
enfoncés dans le sol que de 60 cm, et néanmoins de construction.
l’ensemble tient parfaitement.
Une légende racontée par une vieille indigène de
Cette construction est unique dans toute la Poly- haut rang ainsi que des recoupements généalogi-
nésie, aussi plusieurs auteurs modernes en par- ques permettent de situer la construction du Trili-
lent-ils dans leurs récents ouvrages en se compi- thon en l’an 1100 de notre ère, sur l’ordre du Tui-
lant mutuellement. Il semble d’ailleurs que ce soit Tonga (roi) Tuitatui. Celui-ci avait deux fils, Lafa
James Churchward qui ait donné le ton : « Il n’y a l’aîné et Talaimaapepe le plus jeune. Craignant
pas la moindre parcelle de pierre sur cette île, une mésentente entre eux après sa mort, il or-
écrit-il, rien que des coraux. Et pourtant, nous y donna la construction de l’arche. Celle-ci devait
trouvons un immense monument de pierre, en symboliser le lien inséparable unissant les deux
forme d’arche composée de deux énormes piliers frères représentés par les montants. D’après une
pesant chacun au moins 70 tonnes, reliés par une autre légende, ce fut suite à une longue guerre
entre ses fils que le roi fit construire cette arche même manière dans les mortaises creusées au
afin d’inciter les deux frères à unir leurs forces sommet des montants. Il a « simplement » suffi
pour le bien-être de l’île. Cette dernière légende de surélever le plan incliné. Après avoir aplani le
pourrait rejoindre la réalité si, comme l’affirme sol, le monument apparut tel qu’on peut encore le
Suggs, « les constructions monumentales de voir aujourd’hui. Dans les environs immédiats de
pierre et de terre des Tonga sont l’indice d’un l’arche, de petits monticules sont les témoins des
pouvoir central fort ». Le problème de la datation terres enlevées lors du nivelage.
n’est pas résolu pour autant. A quel point peut-on
accorder foi à des légendes et à des généalogies Pour pouvoir juger de l’efficacité de pareilles mé-
transmises oralement ? thodes de construction, on souhaiterait que la lé-
gende nous explique comment se plaçaient les
Et c’est pourtant encore à la légende qu’il faut bâtisseurs pour tirer des pierres de 70 tonnes le
recourir pour connaître la méthode de construc- long d’un plan incliné qui devait certainement être
tion du Trilithon. Cette explication arrange d’ail- nettement plus élevé qu’eux. Et surtout, comment
leurs très bien les archéologues traditionnels, ils arrivaient à faire basculer les montants et les
puisqu’elle est identique à celle qu’ils avancent faire retomber à l’endroit précis prévu ultérieure-
pour l’édification de tous les monuments grandio- ment. Tout cela « en tirant simplement sur de
ses de par le monde. Mais dans le cas précis qui grosses cordes » ! Bien sûr, encore une fois, il
nous préoccupe, cette méthode est-elle plausi- s’agit d’une légende ! Le seul élément qui nous
ble ? Jugez-en. Les pierres destinées à la cons- semble intéressant à retenir de cette tradition,
truction de l’arche ont été découpées dans les c’est l’origine de la pierre. McKern a pu effective-
falaises du nord de l’île et extraites de la roche ment vérifier que le « coral limestone » du Trilithon
corallienne qui en forme le fondement. Il s’agit de provient bien de l’île Tongatabu. Cette vérification
corail, appelé limestone en anglais, c’est-à-dire détruit une autre légende rapportée par James
un mélange de corail et de sable. Cette pierre Hornell selon laquelle les trois pierres avaient été
s’appelle localement okeha. Après qu’on eut dé- extraites à Uvea, la principale île volcanique des
coupé les trois pièces destinées au monument, Wallis, située à environ 950 kilomètres de Tonga-
les montants furent tirés par de grosses cordes tabu. Churchward s’est probablement basé sur
sur des rondins de bois jusqu’à l’emplacement cette dernière légende pour poser l’énigme du
prévu pour leur érection. Là, ils furent hâlés le transport maritime des pierres. Si ce problème ne
34 long d’un plan incliné érigé parallèlement à l’axe se pose pas pour le transport du Trilithon, il est
longitudinal du monument, et basculés avec pré- posé pour d’autres constructions mégalithiques
caution dans les excavations creusées ultérieure- des îles Tonga. Nous en verrons certains aspects
ment à leur intention. Le linteau fut placé de la au moment de conclure.

Une dalle de terrasse du langi Tauhala.


Langi ou tertre pour sépulture royale. A titre d’exemple, voyons les dimensions du langi
Outre la construction du Trilithon, d’autres témoi- Tauhala, type D, situé sur l’île Tongatabu. Son
gnages archéologiques sont à considérer. Il sem- périmètre fait 222 mètres et cette plate-forme est
ble que les migrations vers la Polynésie occidenta- constituée de dalles aux dimensions absolument
le (îles Samoa et Tonga) commencèrent au cours irritantes. En effet, la plus imposante mesure 7,40
de la première moitié du premier millénaire avant mètres de long sur 2,20 mètres de haut avec une
Jésus-Christ et qu’elles se poursuivirent pendant épaisseur de 40 centimètres. On ne retrouve au-
un certain temps. Selon McKern, c’est au XIe siè- cune explication concernant l’érection de ces dal-
cle de notre ère que les Tongans connurent une les... La construction des tombes en dalles taillées
forte impulsion créatrice due à un pouvoir central est considérée comme le point culminant de l’ar-
fort et à un apport extérieur probable. Ils élevèrent chitecture mégalithique tongane.
aussi d’impressionnants tertres pour leurs tom-
beaux ou encore de grandes plates-formes rectan- Les routes.
gulaires, appelées paepae, servant parfois de L’expédition Bayard Dominick, dont faisait partie
base à leurs habitations. On retrouve d’ailleurs ce McKern, a été la première et la seule, à notre
nom polynésien paepae dans tout le Pacifique. connaissance, à signaler dans l’archipel des Ton-
ga la présence de routes encaissées dont l’utilité
Les tombeaux, quant à eux, sont appelés langi. reste un mystère. Deux d’entre elles ont été exa-
On en a dénombré quarante-cinq, dont trente-sept minées par l’archéologue américain. La première,
sur l’île Tongatabu, six dans le groupe Haapai et appelée Halomate, divise l’île Ualeva, du groupe
seulement deux dans les îles Vavau. La plupart Haapa, en deux parties. Elle a la forme d’un fossé
sont imposants et, bien que de formes souvent à fond carré, dont les versants distants de 3,60
différentes, ils ont tous un point commun : ils ser- mètres sont formés par les terres prélevées. La
vaient de sépultures aux membres de la famille profondeur est de 90 centimètres, tandis que la
royale des Tui-Tonga. De forme souvent rectangu- base mesure 1,80 mètre. Une abondante végéta-
laire, ces tertres s’élèvent en gradins constitués tion d’arbustes recouvre actuellement entièrement
par les dalles de pierre grandes d’environ trois la route et en accentue la ligne droite.
mètres sur deux en moyenne, et épaisses de tren-
te centimètres. Ces dalles étaient taillées selon La seconde route part du rivage et gravit en ligne
une méthode relativement « simple » expliquée droite le versant ouest du mont Kafoa situé dans
par R.C. Suggs : « Le profil des dalles était dessi- l’île Vavau. Les dimensions relevées sont 90 centi- 35
né dans la carrière même par de profondes rainu- mètres de large et 1,80 mètre de profondeur. Les
res. On creusait ensuite ces rainures sur les qua- versants forment un angle de 45° avec la base. De
tre tranches afin d’atteindre une couche inférieure par leurs dimensions et leurs formes régulières, il
de calcaire, ce qui permettait aux carriers de sou- ne fait aucun doute qu’elles aient été construites
lever la dalle sans l’entailler par dessous. Traînées et qu’elles ne sont pas le résultat d’une érosion
jusqu’au langi et mises en place, ces dalles brutes naturelle ou d’un passage répété. Cependant, les
étaient aplanies en surface et sur les tranches, ce raisons de leur construction nous échappent.
qui leur donnait un aspect fini et permettait de les
ajuster les unes aux autres ». McKern distingue
six types de construction illustrés ici. Six types différents de terrasses
Transport maritime. habitants des Tonga à entreprendre des travaux
Envisageons maintenant le problème du transport souvent gigantesques. McKern admet également
maritime des pierres destinées aux constructions. la possibilité qu’ils aient gardé en mémoire le sou-
S’il ne pose pas de problème pour le Trilithon de venir de constructions mégalithiques existant dans
l’île Tongatabu, il se pose bien ailleurs. En effet, leur pays d’origine (l’Asie, l’Europe ?) avant les
certaines îles possèdent des carrières corallien- premières migrations, dites polynésiennes. A ce
nes, alors qu’aucun monument ne s’y trouve. propos, il est intéressant de relever la réponse
Inversement, on rencontre des constructions en donnée à Alain Gerbault, par un habitant de l’île
pierre corallienne sur des îles volcaniques ou au- Bora-Bora, à qui le navigateur solitaire montrait
tres, exemptes de toute carrière. Il devient évident une photographie de Stonehenge : « Ce sont mes
que le transport des pierres se faisait régulière- ancêtres qui ont fait cela », dit-il, et il lui donna la
ment par voie maritime. Les pirogues doubles signification de toutes les pierres : celle du roi et
(tongiaki) des Tonga (2) sont considérées comme des différents chefs, celle qui représente un enfant
étant les plus grandes de tous les types construits unique... Imagination ? Mensonge ? Ou vérité ?
en Polynésie, mais également réputées les plus Qui pourrait le dire ?
dangereuses par mauvais temps. Selon Colocott
et Havea, elles naviguaient généralement de pair
sans pour autant pouvoir se prêter assistance par JACQUES DIEU.
gros temps. Elles servaient donc bien de liaison (Sources photographiques Bernice P. Bishop Museum)
entre les îles. Certaines mesuraient 20 ou 30 mè-
tres et pouvaient transporter jusqu’à cent indigè-
nes. A la fin du XVIIIe siècle, on pouvait encore
observer un tongiaki capable de transporter deux
cent cinquante guerriers. A titre d’exemple, rappe-
lons que les drakkars des Vikings mesuraient ap-
proximativement 22 mètres avec 80 personnes à
bord ; la Santa Maria de Colomb faisait 24 mètres
de long pour un équipage de 39 hommes ; le voi- BIBLIOGRAPHIE
lier anglais Mayflower avait une longueur de 27 ● Ouvrages d’étude.
P.H. Buck : Les migrations des Polynésiens, Payot
mètres pour 149 personnes et un dernier exem-
1952.
36 ple : l’Endeavour de Cook mesurait 32 mètres
avec un équipage d’environ 85 hommes.
Edward Dodd : Polynesian Seafaring, Dodd, Mead
& Company, New York, 1972.
Thor Heyerdahl, Edwin Ferdon : E.N. Easter Island
Seule l’étude approfondie des pirogues polyné- and the East Pacific, vol. 2, 1965.
siennes nous permettrait de comprendre comment James Hornell : Canoes of Oceania, Bernice P.
le transport de pierres, pesant parfois jusqu’à 70 Bishop Museum, spec. pub. 27, 1936.
tonnes, était possible sur des distances maritimes W.C. McKern : Archaeology of Tonga, Bernice P.
aussi importantes. Ou alors devons-nous admettre Bishop Museum, bulletin 60, 1929.
Jean Merrien : Dictionnaire de la Mer, Robert Laf-
qu’à une époque très ancienne les chantiers na- font, 1958.
vals polynésiens pouvaient construire des voiliers Guy Rachet : L’univers de l’archéologie, Marabout
beaucoup plus importants que ceux rencontrés au Université n° 205, 1970.
XVIIe siècle par les premiers navigateurs euro- Andrew Sharp : Ancient Voyagers in Polynesia,
péens. Pour preuve cette légende, connue dans Univ. of California Press, 1964.
tout l’archipel des Tonga, et qui décrit une pirogue Robert C. Suggs : Les civilisations polynésiennes,
fabuleuse appelée Lomipeau, acheminant d’énor- La Table Ronde, 1962.
mes blocs de pierre d’île en île. Elle aurait été Robert C. Suggs : Lords of the blue Pacific, Cas-
construite à Uvea, îles Wallis, tout spécialement sel, 1963.
pour le transport de pierres exceptionnelles, com- ● Ouvrages auxquels on peut se référer.
me celles utilisées pour le langi tauhala, cité plus Alain Gerbault : Un paradis se meurt, SELF, 1949.
haut. Elle était énorme, car les extrémités de sa Thor Heyerdahl : Aku-Aku, Albin Michel, 1969.
Henri Mager : Le monde polynésien, Schleicher
double coque dépassaient l’île Hungatonga, tandis frères, 1902.
que le pont supérieur surplombait la cime des Bernard Villaret : Iles des Mers du Sud, Soc.
arbres. Exagération ? Bien sûr, mais les blocs de Contin. d’édition moderne iII., 1966.
30 ou 40 tonnes sont bien réels, et il a bien fallu L.C. Vincent : Le paradis perdu de Mu, tome I,
trouver un moyen pour les acheminer. Nous nous Editions de la Source, 1969.
demandons d’ailleurs quelle raison a poussé les ● Ouvrages pleins d’erreurs.
Charles Berlitz : Les mystères des mondes oubliés,
André Gérard, 1973.
Robert Charroux : Le livre des mondes oubliés,
Robert Laffont, 1971.
(2) Voir la reproduction d’un tongiaki dans le James Churchward : Le continent perdu de Mu,
n° 5 de KADATH, p. 10. J’ai lu n° A223, 1969.
ABONNEMENTS
DIRECTION - REDACTION - ADMINISTRATION
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selon tarif postal (nous consulter).
Sauf indication particulière, l’abonnement débutera au dernier numéro paru.
Compte tenu des lenteurs de l’administration (CCP, PTT…), un délai d’un
mois n’est pas exceptionnel.

Le prochain numéro de KADATH étant celui de juillet-août, nous nous


trouverons au moment des congés dans l’imprimerie et la photogravure.

Il n’est donc pas impossible que ce numéro 9 ne paraisse dans les délais
qu’in extrémis. Nous sommes persuadés que nos lecteurs comprendront
et voudront bien nous excuser ce retard indépendant de notre volonté.

Source des illustrations : Bibliothèque Nationale, p. 2 — Der Spiegel, p. 3 — © Marcel Homet, p. 5 —


© Pierre Méreaux-Tanguy, p. 11-12-13 — J. L'Helgouach, p. 16 — Le Télégramme, p. 18 — Robert
Charroux, p. 19 — © Albert Van Hoorebeeck, p. 21-23-25-26 — National Geographic, p. 27-28-30 —
© KADATH - R. Dehon, p. 29-33 — Bernice P. Bishop Museum, p. 32-34-35.

Errata. Une erreur de correction nous a fait dire (KADATH n° 5, p. 16) que le bronze est fait de cuivre
et de zinc. Cet alliage est bien sûr le laiton : c'est cuivre et étain qu'il fallait lire. Par ailleurs, un
raccourci malencontreux (KADATH n° 6, p. 26) a fait de la reine de Saba l'égérie de Salomon pour
son « Cantique des Cantiques ». Leurs amours sont célèbres dans l'Histoire, certes, mais en ce qui
concerne le recueil lui-même, on sait simplement que la tradition en attribue la paternité à Salomon,
sans autre indication plus précise.

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