Littoral, environnement
et sociétés
L ’institut du littoral et de l’environne-
ment, qui occupe un des bâtiments
les plus récents de l’Université de La
utilisant l’apport des autres chercheurs. Un
géographe peut ainsi mettre ses méthodes
au service de recherches en biologie.»
concerne le littoral et son environnement au
sens large, des bassins versants jusqu’aux
fonds marins. «Dans différents projets
Rochelle, témoigne de la biodiversité chez Ainsi une recherche sur la pêche à pied fait avec nos partenaires, nous suivons l’eau
les chercheurs. Il héberge le laboratoire intervenir des biologistes pour déterminer depuis sa source, en étudiant ses modifi-
interdisciplinaire littoral environnement et les espèces pêchées, des géographes pour cations chimiques le long de son parcours,
sociétés (Lienss), le plus important centre les pratiques de pêche, la typologie des jusqu’à son impact sur les organismes
de recherche rochelais, avec ses soixante pêcheurs, touristes ou professionnels, et marins en bout de chaîne, en passant par
chercheurs et autant de doctorants, et un les conflits d’usages, alors que les juristes ses usages et les conséquences de l’activité
budget annuel de 2 millions d’euros. Le s’attacheront à la réglementation. L’Institut humaine, y compris les pollutions, sur les
Lienss est issu du regroupement de quatre du littoral est voué à l’étude de tout ce qui écosystèmes.»
unités de recherche en géographie, en bio- «La biodiversté, ajoute Pierre Richard, le
logie marine, en géophysique et en chimie- numéro deux du labo, biologiste et direc-
biochimie, et est rattaché à l’INEE, l’Institut teur de recherches au CNRS, est une des
écologie et environnement du CNRS. thématiques du labo, mais encore faut-il
«Réunir des chercheurs venus de discipli- comprendre de quoi on parle. En terme de
nes différentes, les sciences humaines, les nombre d’espèces, est-il important d’avoir
sciences de l’environnement et les sciences deux espèces qui ont la même niche écolo-
pour l’ingénieur, permet de dépasser la gique ? Et quel est l’effet de la biodiversité
vision étroite que chacun peut avoir de son sur la stabilité du système ? Le système
Thierry Guyot
domaine, explique le directeur du Lienss, doit-il être stable ? Les systèmes évoluent
Bigorneau, Sylvain Lamare. L’intérêt est d’arriver à une naturellement, et les espèces ne s’adaptent
Littrina littorea. vision plus globale des problématiques en pas forcément.» Jean Roquecave
Sébastien Tortajada
Comprendre le marais
«
J e suis l’extraterrestre du labo, je
travaille à la fois sur l’eau douce
et l’eau salée.» Doctorant en écologie,
Maritime. «L’Unima (Union des marais
de la Charente-Maritime, syndicat mixte
qui assure l’entretien et la gestion des
européennes sur l’eau, un état des lieux de
l’eau des marais. L’objectif est de mettre
sur pied, d’ici 2015, une grille de qualité
Vasière de l’île Sébastien Tortajada consacre sa thèse à marais et des cours d’eau du département) des eaux de marais, avec leurs caractéris-
d’Oléron. l’étude des eaux de marais en Charente- a demandé, dans le cadre des directives tiques physico-chimiques et hydrauliques,
comme il en existe pour l’eau des rivières.
Or c’est un domaine où il y a très peu de
références.» Sébastien Tortajada, qui tra-
vaille en collaboration avec l’Université de
Poitiers, dépouille les données recueillies
sur plusieurs années par les stations de
prélèvement de l’Unima sur l’ensemble du
bassin versant. «Je cherche à comprendre
comment fonctionne le réseau trophique
dans la colonne d’eau, en étudiant notam-
ment la matière en suspension : quels sont
ses composants, d’où vient-elle, et dans
quelles proportions ?»
Patrimoine écologique majeur, le marais a
été façonné par l’homme, et la qualité de
ses eaux influe directement sur les activités
du littoral, ostréiculture ou baignade. Les
conflits d’usages entre activités terrestres
et maritimes sont d’ailleurs fréquents. A
travers une meilleure compréhension du
fonctionnement des marais, l’étude du
Thierry Guyot
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recherche
Camille Parrain
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recherche
Mathieu Le Duigou
Pêche à pied :
sous les roches, la vie
Q uelque 185 000 séances de pêche en
2007, 80 000 sur les roches, 55 000
sur les vases et autant sur les sables...
Son objectif : mettre en place des outils
pertinents d’évaluation de l’état de ces
milieux. Son terrain : l’estran rocheux
Mathieu Le Duigou, doctorant en écologie d’Oléron, principalement situé au nord-
littorale, interprète à sa manière l’engoue- ouest de l’île.
Mathieu Le Duigou
ment pour les estrans, zone de balancement D’abord pour Iodde, association pionnière
des marées, de l’île d’Oléron. dans les actions de protection de ces
«Ces zones subissent une grosse pression, zones fragiles et auteur d’un diagnostic
des visites répétées et des centaines en sur la pêche à pied, puis au sein du labo-
même temps. En une heure, un pêcheur ratoire Lienss (Littoral environnement et Facelina auriculata (gastéropode nudibran-
d’étrilles retourne entre 200 et 300 roches sociétés) de l’Université de La Rochelle, che ou «limace de mer»).
et beaucoup de personnes ne replacent pas Mathieu Le Duigou mène une recherche1 Enfin une douzaine de bio-indicateurs ont
les roches après leur passage.» séquencée en trois parties. été repérés. Soit des espèces qui, par leur
Le jeune chercheur étudie les effets de la La première visait à évaluer la valeur réaction suite au retournement des roches,
pêche à pied récréative sur la biodiversité. patrimoniale des champs de blocs oléro- traduisent une perturbation du milieu. Parmi
Et, très précisément, les conséquences du nais. L’analyse de 30 rochers a confirmé les victimes témoins : les éponges, les ané-
retournement des roches sous lesquelles l’hypothèse d’une forte biodiversité, très mones et les hermelles (vers constructeurs
et dans lesquelles vivent une multitude supérieure à celle contenue par les vases. de récifs sableux) qui vivent sédentaires sous
d’organismes nécessaires à l’équilibre de Petits crustacés, petites anémones, vers la roche. Le chercheur tente aujourd’hui,
la chaîne alimentaire. (90 espèces d’annélides)... «On a identifié en utilisant les réactions des algues vertes,
270 espèces de 0,5 millimètre à quelques brunes et rouges, d’élaborer un outil de dia-
Ci-dessous, Actinothoe sphyrodeta (anémone marguerite).
centimètres ainsi qu’une faune invisible à gnostic photographique, et donc plus simple,
En bas, Chromodoris krohni (gastéropode nudibranche). l’œil nu mais qui a son rôle dans le réseau à l’usage futur des gestionnaires.
Mathieu Le Duigou dénombre des organismes marins. trophique», explique l’écologue. Ces indicateurs sont, selon lui, une première
La seconde étape avait pour but de quanti- pierre à l’édifice. Ils devraient permettre en
fier les effets du retournement des roches. cas de perturbation avérée et de menace pour
Des parpaings ont été déposés dans un la biodiversité de prendre les mesures appro-
site à faible influence humaine. Certains priées. «L’estran est un espace de liberté et
ont été laissés en place, d’autres retournés doit le rester, reconnaît Mathieu Le Duigou,
selon différentes fréquences. mais il faudra sans doute en arriver à mettre
«Sous les blocs retournés une fois et non des limites à sa fréquentation.»
replacés, on observe dans les quatre mois Astrid Deroost
qui suivent une diminution de près de 40 %
1. Notamment dans le cadre des programmes de
du nombre d’espèces animales et de 12 % recherche REVE, Reconquête et valorisation des
au bout d’un an. Il y a recolonisation et ré- estrans, et GIPREOL, Gestion intégrée de pratiques
cupération du nombre d’espèces mais elles récréatives sur les estrans : l’exemple de la pêche à
sont moins abondantes (en individus).» pied sur l’île d’Oléron.
Mathieu Le Duigou
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