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Signification de l'œuf Dogon – Origine : l'hymne de Sôliyô

Documentation : "Cavaliers et chevaux de guerre du Mali" – Des origines à la décadence des grands empires" – Youssouf Tata Cissé – in
Chasseurs et Guerriers ; éditions Musée Dapper, Paris 1998, p.126. et svt.

Exécuté en bronze à la cire perdue, cet objet entre dans la catégorie des réceptacles1. Il est composé de quatre
niveaux distincts :

- à la base deux chevaux disposé sur une base carrée2, portent un disque circulaire sur leurs échines ;

- trois hommes, debout sur le disque, portent à bout de bras un œuf ;

- cet œuf 3 est décoré de deux groupes de figures disposées symétriquement.


Le premier groupe est constituée de deux hommes identiques, tous deux à genoux, les bras dressés vers le haut, le
premier regarde vers l'avant, le second vers l'arrière, ils correspondent aux jumeaux nommo4.
Le second est composé d'un serpent5 entouré de deux crocodiles6.

- le sommet de cet œuf fait fonction de couvercle, il est surmonté de la figure d'un cavalier sur sa monture.

1
- «Fermés, ouverts, pleins et mêmes vides, ils nourrissent les sens et l'imaginaire. Les réceptacles cachent, dissimulent, dévoilent et offrent.
Ils retiennent l'univers, puis le rvèlent. (...) Le souci de conserver, de préserver est universel. (...) les réceptacles portent les signes d'une
vision du monde.» Christiane Falgarettes-Leveau, Réceptacles, catalogue de l'exposition éponyme – musée Dapper, Paris 1997, page 11.
2
- dans de nombreuses cosmogonies, le carré figure la terre «qui revêt une symbolique d'autant plus prégnante qu'elle abrite les forces
primordiales, celles qui interviennent aussi bien dans l'univers des vivants que dans le lieu où résident les ancêtres.» Christiane Falgarettes-
Leveau, op. cité, p. 18.
3
- ici encore, comme dans de nombreuses cosmogonies, l'œuf figure le monde qui est plus particulièrement chez les dogons lié à la
fécondité, , à la terre, à l'usage de la graine, à l'agriculture. Celle-ci fut introduite par Ogo, le premier jumeau créé par dieu qui pensait être
aussi intelligent que lui, avec l'agriculture Ogo introduisit le désordre dans le monde et Dieu le priva de la parole.
4
- Amma, le dieu unique des Dogons créa la terre qui devint son épouse. Elle lui donna un premier fils, Yurugu (le « Renard pâle ») un être
imparfait car il ne connaissait que la première parole, la langue secrète sigi so, langue des initiés, des devins. La terre lui donna ensuite un
couple d'enfants jumeaux à la fois mâle et femelle appelés Nommo. Maîtres de la parole, ils l’enseignèrent aux huit premiers ancêtres des
hommes, quatre couples de jumeaux, nés d'un couple façonné dans l'argile par Amma.
5
- le serpent (Lébé) est le symbole de la renaissance, est aussi le gardien des champs et le dignitaire du village (Hogon) en célèbre le culte.
6
- le crocodile (Aya) figure sur les masques Kanaga, utilisés lors des cérémonies liées à la mort (hommages, funérailles) par les membres de
la société Awa. Ses pattes dirigées vers le haut signalent le ciel, celles dirigées vers le bas indiquent la terre. Dans la tradition, il a toujours
aidé les hommes : à traverser le fleuve Niger, à découvrir des sources, à amarrer la première embarcation à la fois arche et pirogue ayant
amené les fondateurs de l'humanité sur Terre.

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L'ensemble de ces quatre niveaux reprend un épisode de l'histoire fondatrice des peuples du Mali7, chanté au cours
des cérémonies rituelles, durant lesquelles sont montrées des statues équestres, tandis que les griots 8 chantent
"l'hymne de SÔLIYÔ9" destiné à raconter les faits et les prouesses des héros de guerre combattant à cheval.

Dans l'hymne Sôliyô, les griots célèbrent en particulier l'épopée de Silamakamba Koïta et de ses frères Djimé et
Bougari Dògòmanni venus avec leurs cavaleries au secours de leur sœur Nyakalén Mougué Tarawélé ("œuf unique
du grand oiseau de Mougué Tarawélé"), fille unique de leur mère.

A l'occasion de son mariage avec Soma Nyakaté, roi de Lambédou, Nyakalén reçu de son père un jeu de waliso en
or dont les grains étaient en argent.
Fille d'un grand stratège, elle gagnait souvent contre son mari. Celui-ci, rendu furieux par ses défaites, fit trancher
la tête de son beau-père et l'offrit à sa femme.

Nyakalén avertit Silamakamba de ce meurtre et de cette offense. Arrivés devant Lambédou Bougari, le cadet, sortit
d'une sacoche trois objets magiques (les kòròti) qu'il pointa en direction du palais de Soma Nyakaté qui perdit alors
la vue. La cavalerie prit alors la ville et la mis à sac.

Ce réceptacle "résume " en quelque sorte cette geste fondatrice malinké.

7
- Avant la période coloniale, le Mali était une vaste région, de l'Afrique de l'ouest aussi connu sous le nom de Manden, s'étendant de
l'océan Atlantique (Guinée, Côte d'Ivoire actuels) à la boucle du Niger. Peuplé de clans Malinkés sa fondation par Soundiata Keïta remonte
au XIIIe siècle et s'appuie sur la proclamation d'une Charte du Manden (1222). Celle-ci transmise par voie orale aurait été conçue par la
confrérie des chasseurs du Mandé (au sud de Bamako). La Charte du Manden (ou Mandé, Manden est la transcription officielle du pays
mandingue), en langue malinké se présente comme conçue par la confrérie des chasseurs du Mandé (au sud de Bamako). Cette déclaration a
été transmise par voie orale et il n'en existerait pas de trace écrite. Celle-ci aurait été solennellement proclamée le jour de l'intronisation de
Soundiata Keïta comme empereur du Mali à la fin de l'année 1222. Elle s'adresse aux « douze parties du monde » et comporte sept paroles :
* « Toute vie est une vie »
* « Le tort demande réparation »
* « Pratique l'entraide »
* « Veille sur la patrie »
* « Ruine la servitude et la faim »
* « Que cessent les tourments de la guerre »
* « Chacun est libre de dire, de faire et de voir »
8
- les griots, comme les griottes, (dits aussi djéli –le sang- en pays mandingue) appartiennent à une caste qui accompagne les rois guerriers.
Leurs savoirs se transmettent de père en fils, et l'instruction de tout griot se déroule en neuf paliers de sept ans chacun, correspondant aux
étapes d'une vie. Leur fonction héréditaire est de chanter les exploits, la généalogie de leurs souverains ainsi que l'histoire du pays, en
s'accompagnant à l'aide d'une kora. Cet instrument à cordes, " découvert " au Mali par l'explorateur écossais Mungo Park à la fin du XVIIIe
siècle, est généralement composé de vingt et une cordes. Selon la tradition, elle est perçue comme un pont de lianes entre les générations
composé de sept cordes pour le passé, sept pour le présent et sept pour l'avenir.
9
- traduction : Ô chevaux !

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