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wrla de Ms t par elle Nolin Département de langue et littérature frangaises Université McGill, Montréal ‘Mémoire soumis a I"Université McGill en vue de l’obtention du grade de M.A. en langue et littérature frangaises mars 2005 © Isabelle Nolin, 2005 Library and Archives Canada Published Heritage Branch 395 Wellington Street Ottawa ON K1A ONG Canada Canada NOTICE: The author has granted a non- exclusive license allowing Library and Archives Canada to reproduce, publish, archive, preserve, conserve, communicate to the public by telecommunication or on the Internet, loan, distribute and sell theses worldwide, for commercial or non- commercial purposes, in microform, paper, electronic and/or any other formats. The author retains copyright ownership and moral rights in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts from it may be printed or otherwise reproduced without the author's permission. Direction du Patrimoine de Iédition Bibliothéque et Archives Canada 395, rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 Your fle Votre référence ISBN: 0-494-12752.X Ourfle Notre référence ISBN: 0-494-12752X AVIS: Liauteur a accordé une licence non exclusive permettant a la Bibliothéque et Archives Canada de reproduire, publier, archiver, sauvegarder, conserver, transmettre au public par télécommunication ou par l'internet, préter, distribuer et vendre des théses partout dans le monde, a des fins commerciales ou autres, sur support microforme, papier, électronique et/ou autres formats Lauteur conserve la propriété du droit d'auteur et des droits moraux qui protege cette these. Nila thése ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent étre imprimés ou autrement reproduits sans son autorisation. In compliance with the Canadian Privacy Act some supporting forms may have been removed from this thesis. 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Par I’étude des différences entre le manuscrit du Horla (1887) et des contes qui se présentent comme les éléments de la genése du texte, nous effectuerons la remontée génétique de la célébre nouvelle afin d’affiner notre connaissance de I’évolution thématique et stylistique de Maupassant ainsi que de mettre en lumiére la poétique de son fantastique. ABSTRACT The result of formal and thematic research undertaken by the author in thel880s, Maupassant's Le Horla (1887), owing to its originality, became a fantastic literature classic. Constituted from the recycling of several passages of independent texts among which La Lettre d'un fou (1885) and Le Horla published in 1886, the tale, built by recoveries and variations, offers a completely relevant exploratory way for genetic research. By studying the differences between the Horla manuscript (1887) and short stories which present themselves as genesis elements of the text, we will perform the genetic rise of the famous text in order to refine our knowledge of Maupassant’s thematic and stylistic evolution as ‘well as clarifying the poetics of his fantastic. REMERCIEMENTS Je tiens & remercier les professeurs de l'Université McGill qui, par leurs compétences et leur dynamisme, contribuent & dispenser une formation de qualité. Proches des étudiants et soucieux de leur réussite, ils ont su me transmettre leur passion pour les lettres a travers eur enseignement qui a constamment nourri mes réflexions. Un merci plus particulier & ma directrice, Madame Chantal Bouchard qui, grace & son enthousiasme, a stimulé mon intérét pour la critique génétique. Sans ses conseils judicieux, ce projet n'aurait pu étre mené a terme. Finalement, un gros merci d tous ceux de mon entourage qui m’ont offert leur soutien moral. Patrick, Julia, Chantal, Lorraine et Pierre, vos encouragement ont été fort appréciés. TABLE DES MATIERES RESUME REMERCIEMENTS ‘TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ‘Maupassant et la critique génétique Etats des recherches sur Maupassant Description du projet de mémoire CHAPITRE 1 Le remaniement du premier Horla : vers une nouvelle poétique du fantastique La supériorité du Horla II Un journal intime truqué Les journaues intimes virtuels avant Le Horla Les écrits théoriques de Maupassant sur le fantastique CHAPITRE 2 Etudes des modifications opérées dans les passages recyclés de la premiere version : vers une redéfinition du personnage-narrateur et du phénomene-Horla, La recherche de perfection formelle Les modifications apportées au narrateur Les modifications apportées au phénomene-Hlorla CHAPITRE 3 Les passages ajoutés : symbolisme des lieux dans Vunivers maupassien see fe 5D La Normandie de Maupassant veeeeee 57 La description des paysages normands Le Mont-Saint-Michel Le Paris de Maupassant Les descriptions de Paris Le Paris du Horla Mise en parallele des deux épisodes CONCLUSION Pour un fantastique intériorisé : folie et sclences occultes Pour un nouveau fantastique : attrait pour la psychologie moderne Diun Horla é l'autre : vers une nowelle poétique du fantastique Le manuscrit: la volonté réaliste ANNEXE, BIBLIOGRAPHIE 82 85 Introduction Les manuscrits, les plans et les brouillons des grands auteurs exercent sur nous une fascination incroyable, puisque nous avons l’impression d’accéder & travers eux au secret de la fabrication des chefs-d’ceuvre de la littérature. Leur pouvoir attraction est d’autant plus grand qu’ils donnent l’impression d’entrer en fusion avec auteur et de pénétrer dans l’espace interdit du laboratoire mental d’oii le texte est né. Or, aussi séduisante qu’elle puisse étre, l'étude des manuscrits nécessite également le dépouillement d’une masse de matériaux qu’il faut patiemment déchiffrer et classer pour arriver & interpréter le processus de création. Effectivement, la critique génétique, qui renouvelle la connaissance des textes a la lumiére de leurs, manuscrits, « cherche & reconstifuer la formation du texte a l'état naissant avec Vobjectif d’élucider son processus de conception et de rédaction’ .» Envisageant Veeuvre littéraire comme le résultat d’un travail composé de différentes étapes, depuis la recherche d’informations et I’élaboration de plans jusqu’a la phase de rédaction en passant par diverses campagnes de corrections, la génétique analyse les traces matérielles des transformations qui ont conduit au texte final dans le but ’obtenir une meilleure connaissance de ce dernier. Développée dans les années 1970, cette approche est hérititre du structuralisme dans la mesure ott elle lui emprunte ses méthodes d’analyse tout en s"y opposant, puisqu’elle refuse de voir I’ceuvre tel un objet clos et fixe”. Au contraire, la littérature est pergue comme un processus et l’ceuvre, dans sa perfection finale, reste le produit de multiples métamorphoses. En réaction contre l'image de I’écrivain inspiré par ses muses ou doté d’un talent divin, la génétique souligne que activité d’écriture, sans étre mécanique, met er place différents rouages et nécessite un calcul, une organisation successive de différents éléments textuels en vue de produire un effet sur le lecteur. * Piesre-Mare de Bias, La ghnigue des txts, Pasis, Nathan, 2000, p. 9. 2 Selon Pierre-Mare de Biasi en revendiquant la théoristion dune dimension historique 4 Pintésieur de Yécsit, la cxtique génétique s'est immédiatement posée, dans le courant des années soixante-dix, comme prolongement inattendu des recherches structurales qui se donnaient pour espace de défintion ce qui avait fait le plus cruellement défaut aux analyses formelles: Ie devenir-exte comme structure a Térat naissant et Pétendue d'un nouvel objet, concret et spécifique, structuré par le temps, le manuscxit. Avec cette quatiéme dimension de D'écxiture, la recherche post-stracturaliste se dotait de ce qui manquait & analyse etructurale la notion de processus, Peme-Mare de Bias, op. cit, p. 27 Maupassant et la critique génétique Conscients des mystéres que révéle le dévoilement des esquisses qui ont donné naissance aux textes définitifs, les auteurs ne sont pas tous prompts a Iéguer & la postérité les témoins matériels de leur processus de conception et de rédaction. Alors que certains souhaitent dissimuler la maniére dont ils élaborent leurs oeuvres en Gliminant toutes traces matérielles qui lnisseraient deviner un blocage, un retour en arriére ou un lapsus, d’autres nous font aisément entrer dans l’espace intime de leur création en rendant accessibles leurs brouillons et leurs documents préparatoires. Extrémement discret sur la fagon dont il congoit ses textes comme en font foi les rarissimes références a ses écrits dans sa correspondance pourtant volumineuse, Maupassant semble vouloir masquer les étapes de la genése de ses récits, Etudier son ceuvre par le biais de ’approche génétique demeure done une entreprise a la fois incertaine étant donné sa résistance A vouloir dévoiler son jardin secret, et paradoxale, parce que I’on ne connait pas de notes, pas de plans ni de scénarios de sa main. En absence de tels documents, presque tous ses manuscrits apparaissent comme des mises au net d’une production littéraire méditée, de sorte qu’un veritable mythe de I’écrivain qui compose son ceuvre mentalement s'est édifié & son sujet. Maupassant lui-méme se plait a raconter qu’il pense ses nouvelles en marchant, en travaillant & autre chose et lorsqu’il prend la plume, il ne lui reste plus qu’a copier le récit achevé dans sa téte. Puisqu’il est affligé de troubles oculaires causés par la syphilis qui l’obligent & se limiter 4 deux ou trois heures devant une page blanche, i se doit d’étre prét & coucher le texte sur papier le plus rapidement possible. Ainsi, de cette facon, il aurait pu rédiger en prés de dix ans, durant la décennie 1880, plus de 300 contes, et pas moins de six romans, trois récits de voyage et un recueil de vers, ce qui fait en moyenne un rythme de 37 pages par jour. Cette prolificité extraordinaire pousse a croire que l’écriture chez Maupassant demeure un acte naturel et spontané. Doit-on abandonner Vidée de faire une étude génétique des textes de Maupassant ? Non. D’ailleurs, l'étude du Horla, nouvelle publige en 1887, constitue une voie d’exploration tout a fait pertinente pour la recherche génétique, car elle permet de mettre a I’épreuve les méthodes d’investigation propres a cette démarche. Résultat d’un travail dans le temps, ce récit est le point vers lequel culminent les recherches formelles et thématiques de I’écrivain. Sans constituer proprement parler des états antérieurs de textes, La lettre d’un fou (1885) et Le Horla de 1886 attestent du fait que I’auteur a da passer par différentes étapes pour aboutir un texte jugé satisfaisant étant donné que des phrases entidres du texte de 1885 se retrouvent dans les deux versions successives du Horla alors que des passages entiers du récit de 1886 sont récupérés et remaniés dans le manuscrit du demier texte publié. Si plusieurs spécialistes se sont penchés sur les différences entre les deux versions du Horla, aucun ne s'est servi de approche génétique pour mesurer I’évolution du récit, Pourtant, que l’auteur ait franchi mentalement toutes les étapes préparatoires ou quill ait fait disparaitre ses notes, il reste des traces de I’élaboration de la célébre nouvelle : les écarts entre le manuscrit, les écrits préliminaires et le texte publié reldvent bel et bien de la critique génétique. Bien que certains critiques attribuent la, reproduction de passages 4 un trait que l'auteur aurait conservé de son métier de journaliste’, cette explication s’accorde mal avec le caractére de I’écrivain : réputé pour son perfectionnisme, Maupassant, qui a retenu la legon de Flaubert, est & la recherche d’une langue originale dont la maitrise s’acquiert au prix d’une discipline rigoureuse. Peu enclin a bacler son travail, il s'applique A se forger un style dans lequel son tempérament se révéle, ce qui ne s’obtient que par un travail long et achamé. Cherchant constamment a peaufiner ses récits, I’écrivain s’inspire bien souvent de ses propres textes qu’il enrichit, modifie et corrige pour produire une ceuvre nouvelle, plus riche sur le plan formel, Etats des recherches sur Maupassant Jugés comme des ceuvres mineures écrites dans un but purement commercial pour un public a la recherche d’un divertissement facile, les contes et les nouvelles de Maupassant ont longtemps été boudés par la critique universitaire. Il faut attendre qu'une véritable recherche sur la nature et le fondement de la littérature fantastique +A Yemploi de tos journaux diftézents, Le Gaul, Le Gil Blas et Le Figaro, Maupassant vt depuis les sanées 1880 de sa plume. Devant renconter q'énocmes obligations famines, il assume la charge fnanciére de ses wis enfants quil ne reconnaitza cependant jamais, en plus d'astucer la subsistance de sa aire et de la famille de ton pére. Il fquente les salons arstocratiques, gite ses malresses et voit 4 Teatretien de sa vila & Ewer et de son volliet Le Bel Ami, ce qui le force i produire énommément de textes pour comble les exigences de ce train de vie huxueux. Lihabitude de reproduire certains passages sans les modifier ou presque lui permettait daccdére le spthme de «8 production. Dallurs, pour le lecteur de feuilletons, la eprse de cours passages importe peu ;orsqul n'a pls le jouraal sous les yeux, iL a dé oublé ce quil a lu ploseurs mois auparavant. Frangoise Rachmuhl, Le Hor « anes cones Jamtaiaes, Pai, Hier, 1992, p. 8. se constitue pour que s*érige, dans son sillage, un corpus de textes critiques sur les récits de Pauteur du Horla. Abordant un domaine encore marginal, Pierre-Georges Castex publie en 1951 une thése intitulée Le conte fantastique en France de Nodier & Maupassant qui servira de base aux chercheurs de la décennie suivante, période durant laquelle les travaux sur le fantastique fleuriront. Gréce a son approche historiciste*, Castex étudie l’évolution du genre en s’appuyant sur ses principaux représentants en France, ce qui lui permet d’affirmer que Maupassant a su renouveler le fantastique en lui donnant une orientation plus psychologique et intérieure. A son avis, Voriginalité de cet auteur est d’avoir inserit le fantastique dans homme, ultime territoire inconnu que la science commence a peine a explorer. A la suite de Castex, plusieurs théoriciens se sont penchés sur le fantastique’ et, parmi les plus connus, Roger Caillois insiste sur un aspect un peu négligé par Castex:: sur le plan de la fiction pure, le fantastique est un jeu avec la peur. Ainsi, il observe que les récits de Maupassant ne cherchent pas & faire croire au sumaturel (comme c’était le cas chez ceux qui ont précédé) mais 4 communiquer le sentiment de peur. Selon lui, le célébre auteur d’Une vie est celui qui a le mieux réussi a traduire cette émotion en la liant a V'idée d’impuissance ressentie par I’ homme devant |’incompréhensible*. Bien que les travaux de Castex et de Caillois sur Maupassant restent lacunaires parce qu’ils tentent d’abord et avant tout de mettre sur pied une définition opératoire du genre fantastique capable d’englober une multitude de récits et de tenir compte de la spécificité de chaque auteur’, ces deux critiques ont défriché le champ “Arend 8 Phisoire des idées, Caster semarque que Parénement du gere comrexpond, aux alensours de 1770, une action face & espeit des Lamitrs. En mime tempe que la scence progress et que la cot de connaissances taonaeles waceennie, le goit posr le myatre et Yoceuke tiomphe. La vague faomacique a ensuite défedé sor les Romantques qui ont produit une quansté prodigeuse de récis dteanges ou teiunts. Aina par un geare qui soppote at sel banal en pivigiantHimaginice et qui met Tacent sur un pettonnage unique aur piss avec une snution hors du comin, les sivas romantigies ont aesué le ayonnement de cette litranise, Pee Georges Caster, Le cont fot on Fron, Pais, José Cor, 1951 SA eee decemples, on peut mentionner Fouvtage de Marcel Schnee inti Lai dels Batre fontaine en Pane publi ex 1964 et ui pax Le stim de Prange de Louis Vax paren 1965, Roger Calls, tol dein irate feigae, Pac, Gala, 196. 1 Ee dlfaitdoa de Caster eo rrfe eee et emence enooce epese dans ls ouringes cues his contemporsins. Il affme que le fantastic se ditinguc de Taflabulaton endidonnell de cts Inythologiques ou des (bere, ese earctese au contaie pat «une intision brute da mystice dans ievcace de la sie teole ;d et be gencedemeat rox eats movbides de la conscience quy dane des phénotoénes de cxuchemat on de ddr, prjetmut devant cle des inages de eevengoses on de ex teres » Pese-Geanges Castes, Le cot fnaton Fro, Pati, Joss Cort, 195, . 8 de la recherche sur ’auteur du Horla, D’ailleurs, de fagon presque systématique, les chercheurs actuels citent leurs définitions ou leurs travaux (soit pour appuyer les hypotheses avancées ou le contraire), ce qui témoigne de leur importance et du fait quills servent toujours de fondements aux théories élaborées plus récemment. En réaction a leur approche historique oi aventure fantastique apparait tel un itinéraire interme lié A Vexistence d’un écrivain, différentes tendances critiques s’inscriront dans son prolongement ou tenteront de s’en détacher. Les tenants de l’approche psychanalytique, par exemple, ont tt fait de s'emparer des récits de Maupassant, car ils y ont vu une matiére riche pouvant nourrir leurs réflexions. Inaugurée en 1973 par Otto Rank’, I’un des premiers a voir dans l'auvre de Maupassant le pronostic de sa future aliénation mentale, la critique psychanalytique s'est ensuite détachée de la question de la folie de auteur pour tenter d’établir un lien entre la structure psychotique de sa personnalité et la matiére de ses textes. Alors que les adeptes de la psychanalyse considérent que le Horla constitue une marque de inachévement de Vévolution psycho-sexuelle de l’écrivain’, les spécialistes de la sociocritique A son tour, Roger Caillois donne une définition génétique du fantastique en opposition au merveillear, ce aqui le conduie Ia formulation suivante : «Le féerique est ua univers merveilleux qui s'ajoute au réel sans lui porter atteinte ni en détuire la cohérence. Le fantastique, au contrire, manifeste un scandale, une déchirure, une iruption insolte, presque insuppostable dans le monde réel. » Roger Caillois, Autbuogie de 1a itrature fancastigue, Pais, Gallimard, 1966, p. 8 * Dans Don Juan et son double, Rank affirme que Maupassant décrit la folie sous la dictée de ses propres déréglements. Pour appuyer ses propos, il soutient que ses premiers contes appartiennent plus au domaine du réve qu’a celui du cauchemar puis, plus il éprouve de fagon progressive la dissolution de son étre, plus ses écrits portent les marques d'une angoisse existentielle. I! dénombre un certain nombre de textes qui sont le produit d'une conscience malade. Le narrateur de Sur l'eau, per exemple, est un étre schizophrénigue, tiraillé entre son « moi » brave et son « moi » poltron, alors que celui de Lui ?, pénéiré d'une tristesse sans cause, oscille entre la volonté de se dominer et la crainte d'un Gtemel retour des épisodes de troubles psychotiques. Quant au Horla, il s'agit de Poruvre dans lequelle auteur exprime la montée de ses sympiSmes. Le terrifiant personnage qui s"immisce dans ame du narrateur fictif représente l'ennemi intime avec qui auteur Iui-méme lutte. Maupassant, assimilé au narrateur de cette nouvelle & caractére autobiographique, transpose sa souffrance ainsi que ses propres hallucinations a travers son écriture et sil parvient a étre aussi convaincant, c'est parce qu'il vit la matigre de son texte. Otto Rank, Don Juan et son double, Paris, Payot, 1973. ° Depuis Rank, les études psychanalytiques remettent toutes en question I'idée que le nouvelliste écrit ses récits sous T’emprise de la folie, Pour Antonia Fonyi, auteure de maints articles sur Maupassant pparus notamment dans La Revue d'histoire littéraire de France, \a confusion des principes féminin et rasculin se remarque d'abord par le titre énigmatique : le déterminant est masculin alors que la terminaison en « a» du nom évoque une identitéféminine. Eprouvé par I'absence de son pére, il aurait inconseiemment fait commencer le journal le 8 mai, date & laquelle son pére spirtuel, Flaubert, est mort en plus d’aborder son ceuvre par une description de sa maison située prés de la Seine, description qui s'apparente au monde utérn oi a chaleur et humidité sont sources de réconfort. Puis, le schéma narrati? du conte montre que image de la mére est si puissante que cette demiére exercera un contréle absolu sur le narrateur, de telle sorte qu’ll verra son identités'annihiler, comme en fait foi la seéne de la perte du reflet. Pour tenter de reprendre son autonome, il se sentira dans I’obligation de détruire sa maison en la brilant. Cependant, dans I'impossibilité de se dégager des liens matemels, il sera contraint de se tuer lui-méme. Antonia Fonyi, «La limite : garantie précaire de I'identité », Venvisagent comme le reflet de la société parisienne fin-de-siécle". En proie a de vives angoisses existentielles et constatant la faiblesse de "homme, le narrateur du Horla se présente comme l’embléme de la génération décadente qui a perdu tout espoir de voir "humanité progresser. Porte-parole de la population désenchantée, le héros de la nouvelle, suicidaire et désillusionné, jette un regard sombre sur le monde 4 travers le prisme déformant de’son pessimisme et transmet sa détresse a la suite d'une prise de conscience de la vanité de son existence. RHLF, n° 75, septembre-octobre 1974, p. 757-764. Poursuivant la réflexion entamée par Fonyi, Sylvie Debosire, chercheure a I'Université de Lille II et spécialiste du XIX* siécle ayant participé a la publication d’articles dans Romantisme et dans Les Cahiers naturalistes, voit dans V'écriture de ‘Maupassant un travestissement inconscient de la féminisation de Iécriture. A instar de sa collégue, elle observe que la parfaite communion entre le narrateur et la nature au début du récit traduit l'état de symbiose avec la mére. Or, l'arrivée du Horla, en tant que corps féminin, pive le narrateur de toute possiblité de reconnaissance. En 'absence de figure patemelle, ce demier est dépossédé de repéres pour fonder son identté sexuelle et sera condamné a étre envahi par Ia Mére-Horla. Séduisante au départ comme le suggére son attirance pour les objets odoriférants comme le frases et les roses, elle se transformera en vampire en se nourtissant de son souffle et en le privant d’eau, son liquide vital. Crest d’ailleurs sa propre identification avec la mére (et les angoisses qui en découlent) que ‘Maupassant décrit dans Le Horla, comme I'indiquent les sonorités comprises dans le titre méme de la nouvelle évoquent le nom de sa mére (Laure). Comme elle, Maupassant a durement subi le départ de son pére mais, surtout, l'auteur peut s'identfier physiquement a la mére qui éprouve des problémes de santé héréditaires. Craignant d’étre sujet comme elle a des crises nerveuses, il redoute cette image ‘matemelle, mais il ne peut s’empécher de vivre & travers elle. Sylvie Deboskre, « La Mére-Horla », Les cahlers naturalistes, 1° T3, 1999, p.255-262. " Selon Marie-Claire Bancquart,chercheure qui a participé aux récents numéros spéciaux de revues consaerés & auteur (dont Europe et RHLF), Maupassant a choisi le parti d’instaurer une communication aves son public fondée sur un effet de miroir, puisqu’il ui renvoie sa propre image. INé dans une période trouble caractérisée par un pessimisme générale & la suite dela défaite de 1870 oi le repli sur soi demeure une solution provisoire pour lutter contre le sentiment dun crépuscule de la culture, I’écrivain fonde son fantastique sur cette impression diffuse de médioerité, Dieu sadique et cruel, Maupassant erée des personnages marqués par I'absence de relations gratifiantes, ce qui donne naissance a un fantastique intérieur. Le Horla, plus que tout autre récit, porte la marque de cette déficience du « moi ». Poussée lextréme, la mélancolie du narrateur débouchera sur une psychose intolérable qui s’achévera sur une promesse de suicide. Marie-Claire Bancquart, « Un auteur fin-de- sitcle %», Magazine littéraire, n° 310, mai 1993, p. 47-50. Grande spécialiste de oeuvre de ‘Maupassant ct maitre de conférences a la Sorbonne, Mariane Bury, qui a contribué & diverses revues consacrées au XIX" siécle dont Romantisme et Europe, affirme, tout comme Bancquert, que Voriginalité des textes de Maupassant tient au fait qu’ils intégrent le ides reques de lee positivist Elle met par contre T'accent sur un aspect précis de la seconde moitié du siécle: la diffusion des seiences occultes a travers une littérature pseudo-scientifique. A T’affit des nouvelles pratiques ‘médicales de son temps, Maupassant, qui a fréquenté tout comme Freud les cours du Dr Charcot et qui a suivi de prés les expériences paramédicales telles que les séances ¢’hypnose, de magnétisme et de spiritisme, s'est inspiré de ces sciences occultes pour mettre au point un fantastique combinaat le rationnel et Virationnel. Mariane Bury, « Maupassant pessimiste? », Romantisme, n° 61, 1988, p. 75- 83, Prenant le contre-pied des approches psychanalytique et sociocritique, la critique structuraliste, par son parti pris d’anhistoricité, engage les recherches sur le Horla dans une tout autre voie. Joél Malrieu, dans une excellente étude de 1992 intitulée Le Fantastique, renoue avec le formalisme en tentant de trouver un principe de structure universel au genre. Il congoit le récit fantastique tel un schéma selon Jequel un phénoméne se charge de faire évoluer un personnage. Le phénoméne, qu’il soit omniprésent, supérieur ou étranger au personnage, invite ce demier a la confrontation, ce qui débouche inévitablement sur un rapport de force conflictuel, souvent compris dans un double rapport d’attirance et de répulsion. Pour Malrieu, Le Horla de Maupassant est un modéle parfait de récit fantastique, étant donné que la nouvelle réduit son schéma au minimum ; auteur a, a son avis, pouss¢ a la limite extréme la logique du genre en imaginant « un personage vide face 4 un phénoméne qui lui-méme n’existe pas'’.» Solitaire, sans occupation et dépourvu de traits moraux distinctifs, le personnage semble se créer de toutes piéces un étre occulte dont ’existence objective demeure difficilement admissible, d’oi ’originalité de la nouvelle. Finalement, un sidcle aprés la mort de I’écrivain, une nouvelle forme @investigation du texte permet d’envisager Le Horla sous un ceil nouveau et d’en peaufiner ’interprétation, En 1993, Yvan Leclere publie le manuserit du Horla auquel il adjoint une préface dans laquelle il procéde a I’analyse de la graphie de Vauteur, du support matériel qu’il utilise et de sa gestion de I’espace scriptural, ce qui lui permet de sonner définitivement le glas du vieux mythe de Pauvre rédigée par un fou génial. Le document nous rassure en effet sur I’état de santé de son auteur : constitué de trente-cing feuillets écrits uniquement au recto et marqués dun pli visible réglé au tiers de sa largeur en prévision des corrections et des additions, le manuscrit se présente comme I’un des plus soignés et témoigne de I’extréme luc 6 de I’écrivain, L’étude de la composition du document l'améne a poser des hypotheses quant au processus d’élaboration du récit, qui, & son avis, s'est édifié & partir de multiples reprises et variations du Horla de 1886. "Joel Malicu, Le Hlonla de Maypassant, Pasi, Gallimard, 1996, p. 125. Description du projet de mémoire Notre projet, qui s*inscrit dans la lignée des recherches entreprises par Yvan Leclere, visera une meilleure compréhension de I’évolution de la conception de activité littéraire de I’écrivain. Ainsi, des textes qui forment la genése du Horla au récit définitif, il est possible d’observer un chevauchement des mémes themes (la faiblesse des sens humains, la dépossession de soi par un Autre maléfique, la folie) qui s*épanouissent, se précisent et mirissent au fil des réécritures. Bien que récurrents, ces themes n’en demeurent pas moins perméables aux changements : les motifs et le matériel linguistique a travers lesquels ils se déploient varient, ce qui confére aux nouvelles une signification nouvelle. De plus, les changements apportés par Maupassant d’une version a l'autre correspondent nécessairement & des enjeux ordre littéraire : on peut supposer qu’en reprenant trois fois la méme histoire, Maupassant cherche davantage & perfectionner son art de conteur qu’a étonner son lecteur. En effet, il est possible d’ observer que I’écrivain explore différentes formes : alors que la Lettre d’un fou se présente sous la forme d’une lettre écrite par un épistolier espérant que son médecin trouve un reméde capable de soigner son ame malade, le premier Horla prend la forme d’un discours prononeé par un pensionnaire d'asile et le second revét la forme d’un journal intime. L’analyse des effets entrainés par ces métamorphoses nous permettra de découvrir la fagon dont Maupassant tente de traduire avec une plus grande acuité Vambiguité inhérente au fantastique. Caractérisé par « I'intrusion brutale du mystére dans le cadre de la vie réelle’ », le fantastique lance un défi a la raison dans la mesure ot Pinadmissible rompt ordre reconnu du quotidien, ce qui provoque, chez le lecteur, un conflit entre la possibilité d’admettre le sumaturel et I’intelligence rationnelle qui le refuse. Pour parvenir & faire osciller le lecteur entre l’explication logique et Vacceptation de Vinsolite, le conteur doit constamment, par divers moyens, renouveler les conditions de cette incertitude. L’étude de la progression des ajustements faits par Maupassant d’un texte 4 l'autre nous permettra d’attribuer une valeur significative aux modifications opérées et enrichira notre connaissance de son évolution stylistique. En somme, l'étude des transformations opérées dans ce que Cotte définition du fantastique formulée par Pietre-Georges Castes, spécialste du genre, est celle qui est Je plus communément admise. Pierre-Georges Castex, Aniblagie di cont fantatigue franca, Pasis, Cort, 1963. Von pourrait qualifier de versions antérieures nous aidera 4 mesurer le trajet parcoura par le nouvelliste pour arriver au texte jugé satisfaisant. Les mouvements de condensation, d’amplification et de diversification des éléments initiaux sont autant de traces de modifications des contenus précédents qui soulignent la volonté de Pécrivain de les adapter & de nouvelles perspectives d’écriture que nous nous devons de mettre en lumiére. ‘Nous commencerons par établir la filiation thématique existant entre La Lettre d’un fou, Le Horla de 1886 et celui de 1887 pour ensuite nous pencher sur les variations formelles effectuées par Maupassant, ce qui nous permettra d’apprécier sa motivation 4 employer la forme du journal intime. Pour ce faire, nous jugeons important d’examiner la place qu’occupe la production de manuscrits 4 I'intérieur méme de ses fictions en raison du fait que la nouvelle définitive, a la différence de la premiére version, redouble la représentation de I’acte d’écriture. Afin de dégager le sens du motif de activité de rédaction, nous étudierons le rdle que joue Vinsertion @’écrits virtuels dans la trame narrative des contes antérieurs au Horla pour en dégager les constantes qui serviront de bases une étude comparative des effets dramatiques qu’ils produisent. Dans le but de comprendre dans quelle mesure le second Horla demeure plus conforme & sa vision fluctuante de I’écriture fantastique, nous consulterons les articles parus dans Le Gaulois qui se présentent comme des réflexions personnelles sur cette littérature marginale, Nous serons ainsi en mesure @'établir la concordance ou I’écart existant entre les présupposés théoriques de Maupassant sur le fantastique et sa pratique du genre. L’examen des changements formels faits par I’écrivain conduira & la mise en lumiére de la poétique de son fantastique. Ensuite, nous passerons a une analyse plus fine des opérations de suppression, d’ajouts et de ratures effectuées par Maupassant. Puisque Le Horla de 1887 est constitué d’une reprise d’un certain nombre de passages de la version parue un an plus t6t, nous pourrons émettre des hypothéses sur les chemins parcourus par Vécrivain avant d’aboutir au texte définitif. Afin d’interpréter la signification des 10 choix qui ont donné forme au récit final, nous procéderons a l’examen minutieux des différences entre Le Horla de 1886, celui de 1887 et le manuscrit en nous appuyant sur les quatte épisodes repris presque intégralement : la page du livre qui toume toute seule, I’élévation de la rose, la carafe vide et la scéne du miroir. Cette étude des transformations débouchera sur un travail plus subjectif d’interprétation de I’écriture. ‘Nous dégagerons les modifications apportées au phénoméne fantastique et au personnage-narrateur pour mettre en tumiére la structure des nouveaux liens qui les conférent a unissent, ce qui nous permettra d’apprécier le changement de sens qu’ ensemble de la nouvelle. Finalement, nous nous intéresserons l’ajout par Maupassant de trois passages qui correspondent 4 trois sorties plus ou moins longues du narrateur a Vextérieur de sa demeure. Ces trois déplacements posent probléme : d’abord, pour ce qui a trait au voyage au Mont St-Michel, on note que l’auteur emploie une tonalité mystico-religieuse qui rompt avec celle du récit, et, a prime abord, les voyages & Paris et 4 Rouen brisent la cohérence des événements rapportés. Afin de reconstituer Ja remontée génétique de ces passages, de comprendre leur réle dans l’ceuvre et de formuler des hypothéses sur la portée symbolique de chacun d’eux, nous aurons recours aux récits antérieurs au Horla dont l’action se déroule 4 ces mémes endroits de méme qu’a sa correspondance et sa biographie. Bien que nous soyons consciente du fait que nous ne sommes jamais assurée de détenir Pexhaustivité des indices de genase, nous croyons qu’en interrogeant d’autres sources que le manuscrit, nous parviendrons a mettre au jour les processus de rédaction et de création du Horla u CHAPITRE 1 Le remaniement du premier Horla : vers une nouvelle poétique du fantastique. Maupassant étonne ses lecteurs lorsqu'il fait paraitre en 1887 chez Ollendorff. un recueil de textes intitulé Le Horla comprenant en place inaugurale une version remaniée d'une nouvelle du méme nom parue en 1886 dans le Gil Blas. Publiés & quelques mois d’intervalle, les deux Horla reprennent de plus le sujet de individu convaincu d’étre possédé par un étre invisible supérieur & la race humaine, sujet abordé dans une nouvelle de 1885, La Lettre d’un fou (voir le dossier génétique complet en annexe, p. 82). De ce récit & la version définitive du Horla, Maupassant développe les mémes thémes, notamment celui de imperfection des sens de Vhomme, en s‘inspirant d’écrits littéraires et philosophiques parus sur le sujet. On retrouve en effet dans ces textes maintes références aux théses de Pascal qui affirmait, deux siécles plus t6t, qu’en occupant une place intermédiaire entre Pinfiniment grand et V'infiniment petit, les hommes possédent des sens limités incapables de percevoir les extrémes. De la méme maniére, les idées du philosophe allemand Schopenhauer, qui considére que la connaissance trés partielle du monde par I’homme résulte de ses organes imparfaits et de son intelligence limitée, forment a matiére premiére des intrigues des nouvelles : [..] parce que nos sens étant au nombre de cing, le champ de leurs investigations et la nature de leurs révélations se trouvent fort restreints. Je m’explique. — L’ceil nous indique les dimensions, les formes et les couleurs. Il nous trompe sur ces trois points [...] parce que sa faiblesse ne lui permet pas de connaitre ce qui et trop vaste ou trop menu pour lui'®, ~ La Lettre d'un fou (1885) Mais notre ceil, messieurs, est un organe tellement élémentaire qui peut distinguer A peine ce qui est indispensable & notre existence. Ce qui est trop petit lui échappe. Il ignore les milliards de petites bétes qui vivent dans une goutte d’eau. Il ignore les habitants, les plantes et le sol des étoiles voisines ; il ne voit méme pas le transparent". — Le Horla (1886) Et je songeais encore: mon ceil est si faible, si imparfait, qu'il ne distingue méme point les corps durs, s'ils sont transparents comme le verre ! glace sans tain barre mon chemin, il me jette dessus comme l’oiseau entré dans une chambre se casse la téte aux vitres, Mille choses en outre le trompent et L'égarent ?'* — Le Horla (1887) "2 Guy de Maupassant, «La Lettre d'un fou» dans Le Hanae aus rit fantastiues, Pais, LG. Edition tablie et annotée pat Masiane Bury, 2000, p. 197. 1 Guy de Maupassant, « Le Horla (1886) » dans Le Elec ants its fantasigues op sip. 247 * Guy de Maupassant, « Le Hoda (1887) » dans Le Hori ates ts fantasies, o. it, p. 288. 12 Fonciérement pessimiste'’, Maupassant trouve chez ces auteurs la confirmation de Vabsurdité de existence : l'homme est une machine mal réglée qui ne cesse de souffrir moralement et physiquement. Solitaire et incompris, il évolue dans une société inique ot 'amour et Dieu sont des leurres. A l'image de Des Esseintes, le personnage décadent du célébre roman 4 rebours de Huysmans, le désenchantement de I’écrivain, né d’une extréme lucidité face & la nature humaine, nourrit son désespoir. Son ceuvre, miroir de son monde intérieur pavé incertitudes et de mélancolie, présente une vision tragique de I’humanité et refléte son époque décadente rongée par l’esprit fin-de-siécle. Emblématique de cette ére pessimiste, le theme de "apparition d’une forme de vie supérieure & la notre et susceptible de nous supplanter accapare les esprits et confirme le malaise éprouvé par I’homme devant sa propre condition. Chére & Maupassant, la théorie quasi-apocalyptique de la fin de la domination de I'humanité sur Terre et de son éventuelle servitude a des @tres pourvus de caractéristiques physiques avantageuses constitue une autre filiation thématique dans les récits de La Lettre d'un fou et des deux Horla : Alors, plus que personne, je les sentais, moi, ces passants surnaturels. Etres ou mystéres ? Le sais-je ? Je ne pourrais dire ce qu’ils sont, mais je pourrais toujours signaler leur présence. Et j'ai vu - j’ai vu un étre invisible- autant qu’on puisse les voir ces étres'®. - La Lettre d’un fou (1885) Done, messieurs, un Etre, un Etre nouveau, qui sans doute se multipliera bientét comme nous nous sommes multipliés, vient d’apparaitre sur la terre, Ah ! vous souriez! Pourquoi ? parce que cet Etre demeure invisible”. - Le Horla (1886) 'S Mariane Bury et Marie-Claite Banequart ont étudié précisément le pessimiame dans les textes du eélabre auteur. Bury, qui reteace Forigine de ce concept depuis les out premiers exégétes de Peeuvre, affirme que le traumatisme de la séparation de ses patents, celui de Ia mort de Flaubert, de méme que son expérience de la guerre et sa formation intellectulle, ont ruiné toute veléité d’oprimisme chez auteur. Depuis ses premiers poimes de jeunesse jusqu’aux demiess romans, Maupassant laisse les traces de son ésenchantement face & la vie dans son ceuvre. Mariane Bury, « Maupassant pessimiste ?», Ramandome, n° 61, 1988, p. 75-85. Bancquart se penche, quant 4 elle, sur le fair que le statut de journaliste de Maupassant le rend ts au fait des scandales du monde politico-Snancier, ce qui lui donne une vision lucide de la société, mais confirme la perfidie et la cruauté de la nature humaine, d’od sa conception désenchantée de Prexistence. Marie-Claire Bancquart, «Un auteur "fin de siécle" >», Magazine lian, a®double, dossier Guy de Maupassant, pp. 16-97, n° 310, mai 1993, pp. 47-50. 6 Guy de Maupassant, « La Jette d'un fou dans Le Hor ef autres ris famastgne, op ct, p. 201 Gay de Maupassant, « Le Hora (1886) » dans Le Borla of autres rs fantastques, op it, p. 287. 13 Un étre nouveau ! pourquoi pas ? Il devait venir assurément! Pourquoi serions- nous les deniers ? Nous ne le distinguons point, ainsi que tous les autres eréés avant nous?!" — Le Horla (1887) L'idée que I’univers puisse étre habité par des étres pensants différents de nous n'est ‘pas nouvelle et n’a rien d’étonnant aux yeux du public qui dispose d'un large éventail d’ouvrages exposant I’hypothése d’une forme de vie intelligente sur d’autres plandtes. Parmi ceux-ci, on retrouve Pluralité des mondes habités (1862) et Les Terres du ciel (1877) de Camille Flammarion dans lesquels il pose l’existence d’étres sur Mars et Satume, ouvrages certainement lus par Maupassant qui rappelle maints détails de leurs propos dans L'homme de Mars (1887-88)'°. Abordant les préoccupations majeures de ses contemporains en ce qui a trait au réle que joue Vhomme dans le cosmos, Maupassant se fait le porte-parole d'une génération désillusionnée qui a perdu tout espoir de salut. Bien que I’écrivain ait recours aux mémes thémes d’un récit a I’autre, il se livre toutefois 4 une exploration formelle intense, cherchant & traduire le plus adéquatement possible I’expérience fantastique vécue par son personage. Considérée comme le premier crayon du Hora, La Lettre d’un fou raconte la terreur d'un homme en proie a de si terribles hallucinations qu’il songe a se réfugier dans une maison de santé, Il écrit une lettre & son médecin dans laquelle il lui fait part de ses angoisses: convaincu que la Terre est entourée «d’Inconnu inexploré » étant donné que les sens et les organes humains sont trop faibles pour détecter ensemble des composantes du monde, il craint d’étre envahi par une forme de vie supérieure : Or, esprit craintif qui croit & des étres incorporels n’a done par tort. Qui sont- ils ? Combien d’hommes les pressentent, fiémissent a leur approche, tremblent a leur inappréciable contact. On les sent auprés de soi, autour de soi, mais on ne peut les distinguer, car nous n’avons pas I’ceil qui les verrait...”° 8 Guy de Maupassant, « Le Hols (1887) » dans Le Horde o aires réit fantstignes, op. it, p. 288. ' Clairement inspirée des observations faites par Camille Flammasion, la nouvelle L Homme de Mars présente certaines données sur la planéte souge directement puisées des Terres du del: « Mars présente & ‘nos yeux a pea prés laspect que la Terte doit présenter aux observateuts martiaux [| Elle a des saisons semblables aux néues, des neiges aux péles que Pon voit croitre et diminuer suivant les époques. Son année est trée longue, six cent quatze-vingt-eept jours terrestres, soit six cent soixante-huit marta, décomposés comme suit: cent quatre-vingt-onze pour le printemps, cent quatze-vingtaun pour l'éé, cent quarante-neuf pour Iautomne et cent quarsate-sept pour Vhiver.» Guy de Maupassant, dans Le Horie ef axis rics fantstgus, op. i, p- 316. ® Guy de Maupassant, dans Le Hora f autres ris fanastiqus, op. cit, p. 201. 14 11 affirme également qu’il se croyait fou jusqu’au jour ot son image est disparue de la glace dans laquelle il se regardait, dissimulée par un étre invisible qui se tenait entre lui et le miroir. Depuis cet instant, l’épistolier ne cesse d’étre terrassé par des visions cauchemardesques. Dans ce récit, Maupassant jette les bases de son fantastique, tel qu’il le congoit 4 ce moment, en mettant en scéne un personage raisonnable et intelligent confronté 4 un événement en apparence inexplicable qui changera a tout jamais le cours de son existence : « Mais moi je sens que je [Petre invisible] attendrai toujours jusqu’a la mort, que je Vattendrai sans repos, devant cette glace, comme un chasseur a l’affiit. ”»» Bien que le lecteur puisse éprouver une certaine pitié pour ce triste individu dont le passé tragique a laissé des traces indélébiles, la nouvelle, présentée sous la forme d’une missive, parvient difficilement ébranler, puisque le moment fantastique tarde @ venir. En effet, ce n’est qu’au terme d'une longue réflexion a caractére philosophique sur l'impotence des organes dont ’homme dispose que I’épistolier avoue finalement étre hanté par une nouvelle race d’étres supéricurs. En raison du caractére trés théorique de sa méditation et parce que l’expérience surnaturelle se limite A une seule occurrence, celle de son reflet dérobé dans la glace, le lecteur n’a pas le temps d’éprouver les angoisses de celui qui se sent menacé par des étres nouveaux ni méme de craindre leurs manifestations. Insatisfait de cette version, Maupassant reprend le théme de individu persuadé d’étre Je jouet de forces occultes, mais procéde & d’importantes modifications. Le Horla de 1886, né du remaniement de La lettre d’un fou mais souvent vu comme une ébauche de la seconde version, met en scéne un éminent psychiatre, le docteur Marrande, qui rassemble des confréres afin de leur présenter un cas particuliérement extraordinaire. Le patient parait devant l'assemblée de scientifiques pour leur exposer son étrange histoire. I] raconte qu'il vivait paisiblement dans une vaste demeure blanche bordant la Seine jusqu'au jour oi il fut pris, sans raison apparente, d'une inquigtude nerveuse qui rendait ses humeurs changeantes, troublait son sommeil et l'amaigrissait. Témoin dune série de phénoménes inexplicables, il redoute qu'un étre invisible - qu'il nomme Horla - réde autour de lui pour le rendre fou. Une nuit, en se retournant vers un grand miroir, il remarque que son reflet a 11 Guy de Maupassant, «Le Hotla (1886) » dans Le Horde et autres rite fatastignes, oct, p. 247 15 disparu, intercepté par une brume opaque. Ce phénoméne traumatisant le persuade de la réalité du Horla et pour en étre protégé, il se fait volontairement interner dans une maison de santé oi il élabore une théorie : une puissance invisible originaire du Brésil est sur le point d'envahir la Terre et d'assujettir la race humaine. Des preuves en faveur de cette hypothése s'accumulent : alors que le malade se rappelle avoir vu un trois-mats brésilien voguer sur la Seine peu avant l'apparition de ses sympt6mes, un article de journal confirme qu'une épidémie de folie sévit dans la province de Séo Paulo, De plus, des voisins souffrent de malaises identiques a ceux de 'interné et constatent qu'on boit leur eau et leur lait .. Pour cette version, Maupassant dynamise son récit en substituant la forme de la lettre celle du discours prononcé par un pensionnaire d’asile qui retrace & rebours les étapes de sa hantise pour un auditoire recevant en méme temps que le lecteur les dires de V'interné. A la vivacité des paroles rapportées s’ajoute une montée de I’intensité dramatique dans le rapport des manifestations du surnaturel : d’abord discret, le Horla se contente de vider l'eau de Ja carafe du narrateur pour insinuer le doute dans son esprit, avant de fui dérober une rose de son parterre et de feuilleter un de ses livres, ce qui engendrera une crise qui atteindra son paroxysme lors de la scéne du reflet disparu du miroir. L’écrivain a de plus choisi de peaufiner le cadre de l'intrigue en employant la technique du récit enchassé englobé dans un récit-cadre dans lequel le médecin, destinataire absent de La lettre d'un fou, occupe une fonction déterminante en cautionnant les paroles du narrateur, Puisque le Dr Marrande, personage sensé et respectable, estime que son patient posséde toutes ses facultés mentales lorsqu’il affirme voir des étres invisibles, Ja erédibilité de orateur s’en trouve mieux assurée. De La Lettre d’un fou au premier Horla, Maupassant s’emploie a varier les éléments textuels susceptibles a la fois de gagner I'adhésion de ses lecteurs au sumaturel et de les bouleverser. Pour ce faire, il a donc décuplé les pouvoirs du phénoméne occulte tout en veillant a bien €tablir la confiance dans le personnage qui rapporte les faits étranges, de sorte que indispensable effet d'oscillation entre a volonté de croire a l’impensable et 1a logique qui I’en empéche devient plus manifeste. En achevant son histoire sur le questionnement du Dr Marrande qui ne sait si le successeur de Thomme est véritablement arrivé, I’éerivain contribue d’autant plus a laisser une forte impression ddans I’esprit du lecteur, qui doit a son tour prendre position sur la question. 16 Malgré que cette version soit beaucoup plus convaincante pour nous faire croire 4 l’inadmissible (existence d’une forme de vie autre), Maupassant juge bon de reprendre une seconde fois son histoire, cette fois-ci en la présentant sous la forme dun journal intime dans lequel sont transcrits les mésaventures et les états d’éme d'un narrateur anonyme. Lorsqu'il réécrit le Horla, le nouvelliste, qui s‘adresse cette fois-ci a un public plus littéraire et restreint que celui des joumaux, enrichit considérablement son récit en plus de procéder a une mise au point de sa structure. En effet, des changements notables peuvent étre observés entre les deux Horla : bien quil reprenne les mémes éléments distribués dans un ordre identique, les événements étranges racontés de maniére plus détaillée ont lieu trés précisément entre le 8 mai et le 10 septembre. Outre le fait que toute allusion a des voisins atteints de malaises a été supprimée et que trois épisodes racontant des voyages effectués au Mont St-Michel, & Paris et a Rouen ont été ajoutés, la fin de la nouvelle est modifiée. Au lieu d'avoir recours a la protection d'un aliéniste pour se mettre a l'abri du Horla, Je narrateur met le feu 4 sa propriété, De crainte que Venvahisseur n'ait survécu, il termine son joumal sur une promesse de suicide. Dans cette demiére version, Maupassant fait passer son héros de témoin rétrospectif a celui de chroniqueur incapable de prendre du recul par rapport aux événements saisissants qui fe troublent presque quotidiennement, ce qui change considérablement la donnée fantastique et invite 4 expérimenter une nouvelle forme de littérature étrange. La supériorité du Horla IT Liefficacité du récit fantastique qui repose, entre autres, sur l'identification centre le lecteur et le personnage confronté au sumaturel, se trouve mieux assurée dans la demiére version. Effectivement, puisque nous avons désormais affaire & une actualisation des angoisses du narrateur débouchant sur une réaction spontanée qui n'a pas encore eu le temps de décanter, la tension dramatique du récit est considérablement resserrée. Ignorant son destin, le diariste ne conneit ni la suite ni les conséquences de chacune de ses mésaventures, ce qui permet davantage au lecteur de partager son expérience horrifiante. Alors que nous n'avons pas la possibilité de craindre l'apparition du Horla dans la premiére version puisque les faits survenus un an plus t6t sont racontés de maniére précipitée et disséminés dans un passé imprécis, nous sommes plus directement touchés par la panique du diariste en raison de la tres légére rétrospection entre instant oti les événements sont vécus et le 7 moment oi ils sont transcrits, Nous réussissons 4 éprouver sa souffrance, car elle appartient a un passé si récent que les effets restent intenses quand le diariste prend la plume pour coucher sur papier ses émotions. A ce propos la critique maupassienne demeure unanime quant a la supériorité du Horla de 1887. André Targe, qui s’est penché sur les différences entre les deux versions de la nouvelle, considére que Maupassant a voulu renforcer la erédibilité de son narrateur en mettant en scéne un diariste écrivant pour lui-méme, étant donné que celle du patient de Vasile du premier récit demeurait trop faible : Comment croire aux aventures d'un malade mental dont la confession, limitée par deux univers dévalorisants (celui de Vasile et de obsession) s'insére dans le cadre d'un récit objectif ? [..] Les explications envisagées par le malade (psychose collective, contagion des voisins) loin de le servir, prendront des valeurs de justification et entraveront notre crédulité. Son éloignement, qui le méne du présent de Vasile au passé de la peur, va méme le desservir et trouvera un écho inévitable dans la distance du lecteur, peu convaincu par cette narration suspecte™. lest vrai que Porateur se doit d’user d’une rhétorique de persuasion artificielle pour rassurer son auditoire quant a sa santé mentale. Son discours rigoureusement construit agence avec soin des preuves de tout genre - expériences personnelles, témoignages d'un expert, coupures de journaux, - en plus d'étre prononeé dans une langue parfaitement claire. Ce plaidoyer manque visiblement de naturel contrairement au discours du diariste qui, lui, porte toutes les marques d’énonciation subjective propres a 'écriture personnelle : la prédominance de la premiére personne et la fréquence des phrases nominales créent Illusion d'une expression immédiate et sans apprét, ce qui nous permet d'octroyer cet auteur fictif la volonté de fournir des informations vraies auxquelles lui-méme croit, Todorov, qui soutient aussi que la seconde version demeure plus efficace, part du principe que la prise de parole par les personnages demeure suspecte, alors que les affirmations du narrateur restent erédibles dans la mesure ot celui-ci sert a authentifier ou démentir les propos des protagonistes. Il affirme que mettre en avant- plan un personnage-narrateur rend parfaitement l’effet d’hésitation tant souhaité par les auteurs fantastiques car, grace ce type de personage 4 la fois sujet et objet du % Andeé Targe, «Trois apparitions du Hotla», Postigns, Seu, 1975, p. 447. 18 récit et en absence d’autres pour cautionner les faits rapportés, le lecteur est déchiré entre sa volonté de croire a I’étrange expérience décrite et 1a certitude qu’il existe une explication logique : Mais dans ses meilleures nouvelles fantastiques - Lui ?, La Nuit, Le Horla, Qui Sait ? - Maupassant fait du narrateur le héros méme de histoire, L’accent est alors mis sur le fait qu’il s’agit du discours d’un personnage plus que du discours de auteur: la parole est sujette a caution, et nous pouvons bien supposer que tous ces personages sont des fous ; toutefois, du fait qu’ils ne sont pas introduits par un discours distinct du narrateur, nous leur prétons une paradoxale confiance. On ne nous dit pas que le narrateur ment et la possibilité qu'il mente, en quelque sorte structuralement nous choque ; mais cette possibilité existe, et ’hésitation peut naitre chez le lecteur™. De la méme maniére, Claudine Giacchetti, qui a étudié 1a structure narrative des nouvelles de Maupassant, précise que les récits doubles comme la version premiére du Horla, c’est-a-dire ceux qui comportent un récit englobant narté a la troisiéme personne et un second, le récit englobé, raconté a la premiére personne par un personage, parviennent difficilement accrocher le lecteur. Elle affirme d’une part que le récit englobant, sorte de récit anti-narratif car rien ne s’y passe, présente une situation figée ; il ne s’agit que d’un simple tableau immobile pouvant étre répété & Vinfini : réunion de vieux copains, diner de magistrats, causerie de salon, etc. D’autre part, le récit englobé, autonome et dynamique, bien qu’il soit responsable de évolution et du changement de signification de la nouvelle en entier, ne réussit pas A convainere : Le personnage chez Maupassant ne peut jamais vivre le présent de son discours. Il ne peut élaborer une instance discursive qu’en se déplagant dans un passé qui se limite une accumulation invraisemblable de détails, qui est inexistant pour les interlocuteurs, et qui frise toujours le fantastique™*, En effet, parce que dans le récit enchassé nous avons affaire & un auditoire qui wintervient pas dans le moment fantastique, nous avons l’impression que le personnage s*écoute parler avec une complaisance narcissique. Nous lui accordons ou non une crédibilité sur sa vision d’un passé révolu, mais son histoire est achevée et ne vient en rien modifier le présent. A lopposé, dans le deuxitme Horla qui se présente comme une nouvelle a récit unique, le lecteur se trouve pris dans la situation 2 Tavetan Todorov, Intodustion aa littraturefantstqu, Pats, Sevil, 1970, p. 91 % Claudine Giaechett, « La structure narrative des aouvelles de Maupassant », Nuphiolegu, n° 65, janvier 1981, p. 18, 19 intolérable du personnage, ce qui lui permet de partager son aberration, voire son affolement. I semble done que la forme du journal intime convient mieux pour traduire extraordinaire aventure du narrateur du Horla aux prises avec un phénoméne des plus irrationnels. L”illusion d’entrer dans l’espace privé des pensées intimes de cet homme est si bien eréée qu'elle réussit communiquer le frisson de peur ressenti alors qu’il demeure impuissant, démuni devant cette chose qui I’habite. Un journal intime trugué Si les spécialistes n/ont cessé de juger Le Horla de 1887 supérieur au premier raison de 1a forme du journal intime qui confére plus de naturel, de dynamisme et de cohérence au discours, il semble que certaines incongruités introduites dans l'oeuvre a la suite des corrections apportées leur aient échappé. D'abord, la durée du récit pose probléme : histoire qui s’étend du 8 mai au 10 septembre correspond a une période durant laquelle le narrateur passe dun état parfaitement sain & un état psychotique grave. Si certains critiques considérent que la description de la maladie mentale et son évolution sont traduits avec rigueur”, nous sommes davis que les maux dont le personnage souffre progressent avec une rapidité exagérée, En ce sens, nous nous accordons avec Joél Malrieu, qui met en doute la possibilité qu’un étre humain puisse développer en un si court laps de temps autant de symptémes de démence : La rapidité d°évolution de cette supposée maladie n’est pas moins problématique que son apparition soudaine. L’action s’étendait sur plusieurs mois dans la premiére version, alors méme que Maupassant laissait entendre que le narrateur était sain d’esprit ; elle se réduit désormais a quatre mois qui suffisent a faire passer un homme parfaitement sensé a un état de délire paranofaque qui aboutit 4 une folie meurtriére et s’achéve probablement sur un suicide. Pour cet auteur qualifié de réaliste, spectateur assidu des legons de % Anne-Marie Baron aborde la question de la fliation ene les discours scientifiques et la création limérsire de Maupassant et elle est d'avis que Le Horla présente une description convaincante des symptémes cliniques de la démence. En observant la trame narrative du récit, elle constate que lévolution du mal se fait progressivement: Pappazence 'équilibre (attachement 4 la terre natal) laste place a dee sigoes de trouble (hyperseasibilité, févre, tristesse, angoisse devant dee mystires inexplicables) qui Saggraveront par paliers succestfs et qui aboutiroat 4 la paranoia finale. Elle justiie la zapidité de YYérolution de la maladie par le fait que le sujet a roujouss porté en Ini les germes de la démence ; il appazait normal au début parce que sa solitude I'a préservé de rencontres taumatisantes pouvaat provoquer des crises sérieuses. Or, il ne suffit que d'une frustration pour le faire basculer dans un état de paychose interrompu par des périodes d'accalmie oit le personnage devient wn « cas-limite » ou dorderie Puisque les personnes arteintes de paranoia vivent souvent des périodes de crises intermittentes, Le Horla épouse Pérat dune personne psychotique. Anne-Marie Baron, « La descxiption clinique et Vanalyse des Gtatslimites chez Maupassant », RLF, n° 75, septemabre-octobre 1994, pp. 765-773, 20 Charcot, voici une bien étrange entorse aux régles élémentaires de la vraisemblance, ou la représentation d’une psychose foudroyante qui constituerait un cas unique dans les annales de la psychiatrie”®, De plus, la premiére entrée du journal datée du 8 mai plonge le lecteur in media res au sein d'une journée en apparence tout & fait ordinaire, mais qui aura une incidence déterminante sur le reste de sa vie. Rédigée le jour méme comme en fait foi Vexpression « comme il faisait bon ce matin », la note exprime l’attachement du diariste & sa terre natale, en plus de souligner le fait banal qu'il a passé la matinge a regarder passer les bateaux sur la Seine, dont un trois-mats brésilien : Vers onze heures, un long convoi de navires, trainé par un remorqueur, gros comme une mouche, et qui ralait de peine en vomissant une fumée épaisse, défila devant ma grille. Aprés deux goélettes, dont le pavillon rouge ondoyait sur le ciel, venait un superbe trois-mats brésilien tout blanc, admirablement propre et Iuisant. Je le saluai, je ne sais pas pourquoi, tant ce navire me fit plaisir 4 voir’. Cette premiére donnée du journal constitue une vaste mise en scene préparant le développement d'une explication logique au sujet du phénoméne-Horla venu du Brésil. A supposer que lapparition du navire sud-américain et la découverte ultérieure de I'épidémie de folie ravageant la méme région ne soient que pure colncidence, comment justifier le fait que dés la seconde entrée en date du 12 mai, le narrateur soit brutalement frappé de malaise ? Il demeure peu probable que Tidée de réaliser un journal soit venue a |'esprit du narrateur purement par hasard, sans raisons ni motifs valables, et que sa vie prenne soudainement un tout autre tournant quelques jours plus tard, Maupassant va a l'encontre de la vraisemblance de I'écriture intimiste en inaugurant son récit par la présentation d'un personnage parfaitement équilibré, Jouissant d'un bonheur tranquille et aucunement enclin A se poser des questions dordre métaphysique. En effet, comme le souligne Frangoise Simonet-Tenant, auteure d’un ouvrage consacré a [’étude des journaux intimes, différentes circonstances favorisent ou précipitent le déclenchement de Ventreprise d°écriture : 2 Jodl Male, Le Horla de Guy de Maxpascont, Pats, Galimard, 1996, pp. 92-93. 2 Guy de Maupassant, Contes ef noxrles I, Edition de Louis Fozestier, Pais, Gallimard, « Bibliotheque de la Pléiade», 1974, pp. 913-914, 24 .» l'écriture du journal survient le plus souvent lorsque l'identité du sujet se voit mise en danger ou, tout au moins, se trouve dans une situation de vulnérabilité Aussi, 'écriture journaligre est-elle fréquemment lige a des expériences physiques de détresse (souffrance de la vieillesse et du déclin de soi, maladie), de transformation (troubles de 'adolescence, grossesse), & des situations denfermement (journaux de prison, de captivité), a des crises affectives (amour, deuil, séparation, douleur de la solitude), spirituelles et intellectuelles ou A des périodes de profonds bouleversements et violences historiques, crises collectives qui ont des retentissements sur le plan individuel (fréquence des journaux de guerre). De telles expériences ou crises apparaissent comme un facteur favorable au déclenchement de I'écriture journaliére qui est amenée parfois a se poursuivre au-dela des circonstances qui l'ont entraine™*. L’ouverture du journal sonne faux: le geste d’éeriture inaugural demeure inacceptable dans la mesure oit auteur parait connaitre la suite des événements avant méme quis ne se soient produits. Pour étre crédible et garantir un souci d'exactitude, I'écriture jouraliére, reconnaissable par son caractére improvisé puisqu’elle exclut toute forme d'élaboration possible (autre que le brouillon mental), se doit d'étre le plus immédiat possible”. Le passé évoqué par le diariste est nécessairement proche et consigné dans un présent ignorant lavenir. Au risque d'exagérer importance de détails anodins ou de négliger I'essentiel, I'écriture au ras du quotidien ne tombe pas dans le piége de la reconstruction altérée du passé comme le font les mémoires par exemple. Ainsi, le commencement de la seconde version du Horla s'apparente davantage a un récit rétrospectif porté par un plan d'ensemble : en attendant Vapparition des premiers symptémes, le narrateur se présente tel un homme parfaitement normal et jouissant d’une tranquillité dlesprit. Bien que 'assurance de sa lucidité et que son existence paisible soient des conditions essentielles a V'établissement de 'effet fantastique™’, ces éléments rapportés en début de texte nuisent a leffet d'authenticité du document écrit. 2 Fragoite Simoaet-Tenant, Ls journal nin, Pais, Nathan, 2001, p 69 ® Aa sujet des carctéstiques cientelles da jountal intime, nous nous somines appuyée principalemeat sur les recherches de Frangoise SimonetTenant qui donne une défniton du geare& la fois préise et snuaneée. Au premier chapive de son ourrage elle donne un apergu de evolution de Facception du teme «, affirme-t-il dans un élan de misanthropie. Loin d’étre gratuit, ce commentaire péjoratif sur la société explique pourquoi il s’est retiré de Ia vie mondaine. A son image, le Horla est un phénoméne solitaire, marginal et autosuffisant qui de sureroit ne se manifeste que sur la propriété du bord de la Seine, exception faite du moment oi il ordonne au narrateur de rentrer a la maison alors qu'il se trouve a Rouen. Ainsi, le phénoméne tant redouté ne semble pas modifier les hhabitudes de vie du narrateur, puisqu’il ne lui impose rien qui le rebute véritablement. Bien au contraire, méme s'il affirme avoir été gouverné par un Autre en demandant & son cocher de rentrer la maison, on devine qu’il demeure content @avoir gagné sa propris Au fil du récit, le Horla en viendra méme & s’approprier des traits de caractéres typiquement humains qui coincident pourtant trés mal avec sa propriété etre une force occulte surpuissante, comme en font foi les changements effectués par Maupassant lors de son remaniement de la scéne de la page flottante bid, p. 913. ® Ibid, p. 921. 52 Au bout de quatre minutes environ, je vis, je vis, oui, je vis, messieurs, de mes yeux, une autre page se soulever et se rabattre sur la précédente comme si un doigt l’edt feuilletée, Mon fauteuil semblait vide, mais je compris qu’il était 1, lui ! Je traversai ma chambre d’un bond pour le prendre, pour le toucher, pour le saisir comme si cela se pouvait... Mais mon siége, avant que je l’eusse atteint, se renversa comme si on efit fui devant moi ; ma lampe aussi tomba et s*éteignit, le verre brisé, et ma fenétre brusquement poussée comme si un malfaiteur I’edt saisie en se sauvant alla frapper sur son arrét... Ah !.. Je me jetai sur la sonnette et j’appelai™ Au bout de quatre minutes environ, je vis, je vis, oui, je vis, messieurs, de mes yeux, une autre page se soulever et se rabattre sur la précédente comme si un doigt Pett feuilletée. Mon fauteuil était vide, semblait vide, mais je compris qu'il était a, lui, assis & ma place et qu’ il lisait ! D’un bond furieux, d’un bond le béte révoltée, qui va éventrer son dompteur, je traversai ma chambre pour le saisir, pour I’étreindre, pour le tuer |... comme si cela se pouvait... Mais mon siege, avant que je Peusse atteint, se renversa comme si on eft fui devant moi ; ‘ma table oscilla ma lampe aussi tomba et s°éteignit, le verre brisé, et ma fenétre brusquement poussée comme si un malfaiteur surpris se fit élancé dans la nuit en prenant pleines mains les battants. Done, il s’était sauvé ; il avait eu peur, peur de moi, lui !*" Dans la version modifiée, il est possible d’observer que [auteur insiste sur la permutation des identités par l'ajout des propositions « il était assis a ma place et quill lisait ». En occupant physiquement I'espace du narrateur en plus de s’adomner Pune de ses activité favorite, le Horla s’accapare son identité jusqu’a éprouver son sentiment d’impuissance, Tout comme lui au moment oi il se sentait traqué, le Horla est contraint de fuir, seule solution envisagée pour éviter l’anéantissement total. Le personage, quant & lui, occupe la position du bourreau sans conscience qui cherche a affirmer sa supériorité sur le faible. Ce renversement révéle que le personnage est, moins vulnérable qu’il le prétend de méme que le phénoméne n'est pas aussi fort qu'il le croyait. Une lutte violente s’engage alors entre les deux, comme le suggére la métaphore de animal qui se révolte contre son maitre, Se disputant la méme enveloppe chamelle, le personnage et le phénoméne qui le redouble s'engagent dans une lutte implacable qui ne peut que conduire a la mort de I’un ou Pautre. On. comprend alors pourquoi le personnage de la version définitive met le feu A sa propriété dans l’espoir de détruire ce qui Vassaille, Puisque le Horla n’est qu’un redoublement, un reflet du personnage, ce demier subira la torture destinée celui qu'il croyait Autre. La promesse de suicide, en tant que chétiment final, rend compte Ibid, p. 827 Ibid, p. 932. 53 alors de la volonté d’autodestruction du personage dont le Horla n’était que Pinstrument. En somme, tout dans cette nouvelle version invite a penser que le Horla n’est pas un Autre, mais une forme d’incamation des fantasmes et des obsessions du narrateur: préoceupé par la faiblesse de ses sens, il dote le Horla d’organes perfectionnés ; fasciné par la force du vent et de Veau, il imagine revétant Vapparence de ces éléments naturels ; puis, intrigué par les phénoménes pseudo- scientifiques d’hypnotisme et de suggestion durant son voyage 4 Paris, il confére au phénoméne le pouvoir d’entrainer l'aboulie. L’apparente incohérence du phénoméne devient logique si l'on considére qu’il varie selon les intéréts de celui qui l’imagine. L’identité du narrateur est corrompue A un point tel que le journal est bien davantage celui du Horla que le sien. A la maniére de la scéne du reflet dérobé dans laquelle une brume opaque remplace image du corps du narrateur, le journal n’est plus le miroir de I'ame du diariste, mais de celle du Horla, C’est d’ailleurs ce demier qui déclenche le début de l’entreprise d’écriture et qui provoque sa suite, Alors que dans la premiére version, le narrateur donne un nom au phénoméne de maniére purement spontanée : « Je I’ai baptisé le Horla. Pourquoi ? Je ne sais point. », dans le deuxiéme récit, c’est le Horla qui dicte son nom : «Il est venu, le... le .. comment se nomme-t- il. il me semble qu’il me crie son nom, et je ne l’entends pas...e...oui..il le crie [...] le...Horla... » En occupant désormais le réle de scripteur a la place du diariste, la notion d’auteur devient complétement pervertie. Plus Mécriture avance, plus le Horla est convoqué, défini, sollicité, de sorte que Pidentité de ce dernier supplante entigrement celle de l'auteur qui est condamné & disparaitre, Plus que toute autre forme de récit, le journal intime, en raison de son caractére fragmenté, révéle que Ventreprise de transcription fidéle et globale du moi reste trés périlleuse, ce qui explique le choix de lauteur d’employer cette forme. Tel un miroir brisé réfléchissant une image émiettée du moi, Ie journal du narrateur du Horla, par les bribes d’expériences incohérentes qu’il rapporte, laisse constamment subsister un moi clivé. Les contours de son moi demeurent flous, imprécis, constamment dilués dans ceux de I’ Autre qui exerce sur lui son emprise fatidique. L’acte d’écriture censé © bid, p. 933. 54 substituer aux aléas de Ia vie, au chaos de Vexpérience, la forme de loeuvre organisée et stylisée, n’aboutit, dans ce cas, qu’a une construction vaporisée de I’étre. Plus qu’une simple variation sur un méme theme, le second Horla constitue un laboratoire dans lequel Maupassant expérimente maintes techniques littéraires propres a traduire l’intériorité de l’individu qui traverse une crise existentielle en éprouvant la perte de son identité. Situé aux confins du fantastique et du réalisme psychologique, Le Horla transgresse les limites traditionnelles du genre. CHAPITRE 3 Les passages ajoutés : symbolisme des lieux dans I’univers maupassien. Le goiit de se soustraire aux imposantes exigences du metier, le désir de satisfaire une curiosité pour les moeurs étrangéres et d’embrasser des yeux des paysages nouveaux incitent Maupassant & inventer réguligrement des prétextes pour justifier une escapade hors de sa France natale. Plus mobile que ses contemporains, il parcourt une partie de I’Europe (Italie, Suisse, Angleterre) avant de tomber sous le charme des chauds pays de l’Orient (Palestine, Syrie, Egypte, Tunisie, Liban) qui lui inspireront de nombreux contes a saveur exotique tels que Allouma, Marroca et Mohammed-Fripouille, Remédes & l’ennui et la sclérose de esprit, les séjours en terres étrangéres répondent & son besoin d’évasion en rompant le cerele étouffant de la routine : « Nous sommes les fils de la terre encore plus que les fils de nos méres, homme n’est plus le méme a vingt lieues de distance, parce que chaque parcelle de pays le fait et le veut différent. Exiler, c'est arracher I’étre de son sol, rompre les racines de ses habitudes et de sa vie. » On ne s’étonnera pas que la représentation des lieux dans univers maupassien, loin d’occuper une fonction subalteme, soit pourvue d’une symbolique originale qu’on se doit d’interpréter afin d’accéder aux couches profondes de la signification de son oeuvre. L’espace ne se contente pas de fagonner les caractéres des personnages ou de modeler leur style de vie, il les dote d'une attitude particuliére face Vexistence en les imprégnant de sensibilités propres. La thématique spatiale sert également de support organisateur a la narration du récit. A cet effet, on note que le schéma narratif du premier Horla demeure d’une simplicité déconcertante : enfermé dans univers dévalorisant et cloisonné de I’asile, le malade se contente de raconter ses expériences et la montée de ses symptomes dans un discours suivant une progression parfaitement linéaire. Jouissant initialement un bonheur paisible, i subit la présence de plus en plus irritante du Horla qui se manifeste par des signes dont le caractére imusité va en s’accroissant depuis la disparition de Peau dans sa carafe jusqu’au reflet dérobé. Dans la version remaniée, ' Citation de Maupassant tirée de L Esa reprise par Gérard Délaisement, Guy de Mapatsans,l iain, homme, ieertgue, tome 2, Orléans, CRDP de P Académie POrléans-Touss, 1984, p. 6. 56 cet ordre progressif est perturbé par ’ajout de deux épisodes correspondant 4 des sorties plus ou moins longues au Mont-Saint-Michel puis a Paris, au cours desquelles I’épistolier se croit, tort, délivré du Horla. Donnant un nouveau souffle a la nouvelle et enrichissant sa signification, ces périodes d’accalmie, qui projettent Villusion d’un retour a la normale, entraineront un effet de dramatisation du récit en rendant plus tragiques les rechutes subséquentes. La rédaction de ces périples, qui s'effectue dans un premier temps dans le manuscrit du second Horla, semble avoir été faite d’un premier jet, puisque le document sert également de brouillon a l'auteur. Les descriptions minutieuses des paysages et de la fantastique abbaye du Mont-Saint-Michel comprennent un nombre important de ratures manifestement exécutées au fil de la plume étant donné que les corrections surviennent dans un texte suivant directement les passages rayés. De la méme maniére, il est possible de constater que le séjour parisien a été inséré au moment méme de la rédaction du manuscrit. Il avait été initialement prévu que le diariste rende compte de ses aventures dans la capitale lors de son retour: « 25 juillet, Je viens de rentrer chez moi.» Or, cette demiére indication est biffée pour étre remplacée par une note rédigée depuis Paris en date du 12 juillet. Plutét que de raconter son voyage a rebours comme ce fut le cas pour la visite au monastére, auteur fictif dynamise son récit en nous conviant & suivre ses déplacements en cing temps différents par des entrées consignées les 12,14,16,17 et 21 juillet. Pourtant, si organisation de la matié re de ces deux expéditions s'est faite au moment méme de 'écriture du manuserit, il n’en demeure pas moins qu’elles ont été pensées bien avant, comme en témoigne cette affirmation du narrateur de ta premiére version du Horla qui projette de partir en voyage : «... j'allais m’en aller pour deux ou trois, mois, bien que nous fussions en pleine période de chasse, quand un petit fait trés bizarre, observé par hasard, amena pour moi une telle suite de découvertes invraisemblables, fantastiques, effrayantes, que je _restai. * » Probablement avortée en raison de la nécessité d’abréger Je discours de Vorateur qui ne permet aucun ralentissement du déroulement des énigmes, Pintégration de déplacements est autorisée dans la seconde version dans la mesure od Guy de Maupassant, Cones of nomels I, os cit, p. 824, 37 tout au long de ce récit — moins elliptique — le lecteur doit suivre le mouvement des pensées du diariste qui fait altemer les périodes de répit et les moments de tension dramatique. Le motif du voyage enrichit la signification du texte, puisque les déplacements sont a considérer telles des étapes d’une quéte conduisant le héros & renouveler ses hypothéses au sujet du mal étrange qui le traumatise. Ses pérégrinations au Mont-Saint-Michel de méme que dans la ville Lumiére lui feront bel et bien découvrir des aspects jusqu’alors inconnus de cet Autre qui le posséde. Savamment sélectionnés en fonction de leur symbolique, ces endroits occupent dans Pimaginaire maupassien des fonctions précises qu’il est possible de décoder en raison de la récurrence de leur apparition dans les contes antérieurs au Horla. La Normandie de Maupassant Commémorant ses origines, les références 4 la Normandie, abondantes tant dans ses nouvelles que dans ses romans, démontrent le profond attachement de Maupassant & la région oi se sont écoulées ses vingt premiéres années. Points dancrage de plusieurs récits, les descriptions des localités de la céte normande sont trés souvent évoquées en des termes qui rappellent le paradis perdu : faisant déferler une euphorie de sensations, elles cumulent les notations visuelles, olfactives, tactiles et auditives qui leur conférent une tonalité mythique par l'expression de grandeur magistrale qui s’en dégage. Les visions saisissantes a la fois précises et teintées de lyrisme que auteur nous offre de sa province d'origine révélent & quel point il se sent lié & cette région. Né a Fécamp, il a passé une bonne partie de son enfance & explorer les champs, a escalader les falaises et a sillonner la mer en compagnie des hhumbles paysans qu’il préfére aux camarades de rang social plus élevé. S’identifiant davantage aux fils de pécheurs, de saleurs et de cordeliers, il les suit dans leurs jeux et partage leur godt pour les escapades téméraires en haute mer ou au fond des grottes, ce qui lui permet de s’imprégner du mode de vie rural en plus d’acquérir une parfaite connaissance du patois. Nostalgique de cette enfance libre et errante, il éprouve le besoin d’évoquer 4 maintes reprises, avec un plaisir doux amer, sa terre 58 natale dans ses chroniques, dans sa correspondance et méme dans la préface dune publication posthume des lettres de Flaubert & George Sand’. Les liens affectifs qu’il entretient avec le peuple normand ne débouchent pourtant pas sur une idéalisation de sa réalité quotidienne : elle apparait la plupart du temps dans toute sa dureté. Fondés sur une vision pessimiste du monde, les contes normands traitent de a cruauté dont sont victimes les plus faibles, les exclus, les gens trop gés ou trop malades pour étre productifs au sein de la collectivité ou du noyau familial. Soumis & la loi du plus fort, l’individu ne peut espérer bénéficier du secours de la société en cas de matheur. Ceux qui demeurent incapables de s’autosuffire deviennent vite des fardeaux dont on doit se débarrasser. I! en va ainsi de Toine qui, tenu de garder le lit en raison d’une paralysie, est contraint de couver des ceufs par ordre de sa femme qui refuse de le nourrir et va méme jusqu’a le battre s'il en casse (Toine) ou de l’aveugle a qui I’on fait manger des bouchons, des feuilles, des morceaux de bois et des détritus parce qu’on est lassé de donner Vauméne a cet inutile (L’Aveugie). Dans ce milieu, V’intérét personnel et la cupidité président le plus souvent aux actes posés. Il arrive qu’on choisisse un mari pour sa fortune (Farce normande) ou que V'on espére vivement la mort de ses parents en raison des frais qu’engendre leur longue agonie (Le Views). Or, ce ne sont pas les Normands qui sont mis en cause. A travers eux s’expriment les défauts inhérents 4 I’humanité : perfidie, vénalité, indifférence face aux malheurs d’autrui, égoisme, etc, Lucide et refusant d’idéaliser un monde Apre, empreint de malheurs et de soufitances, Maupassant dénonce labsurdité de la condition humaine oii les étres sont condamnés & mener une existence misérable, ennuyante, ponctuée de douleurs morales et physiques en attendant la mort. Tl se sert done d’un cadre qu'il connait bien pour ériger ses convictions pessimistes & travers des fictions, comme c’est le cas avec Le Horla ott le héros, embléme d’une humanité alignée, est victime de sa propre conscience. Profondément attaché a ses racines normandes, il partage le pragmatisme et la lucidité des gens du peuple de cette ® Maupassant pase de ses souvenirs rouennas, entre autes dan les choaiques intiulées « Btretat» et «Vie dian paysagise» publges rexpectivement le 20 aodt 1880 dans Le Gav et le 28 septembre 1886 dans le Gi/ Bly, de méme que dans une longue lttze adressée sa andre en date da 29 jullet 1875, 09 firme souffcr du mal du pays et vennuyer des plages dEtreat cesplendisantes de sole, Guy de Maupassant, Bove dt ae aus cones nrmands préface de M.-C. Bancquare, Pais, Gazer, 1971, p. VIL 59. région, Toutefois, ces mémes qualités l’améneront constamment douter de ses facultés mentales et a remettre en question la réalité des phénomenes exceptionnels dont il est témoin, ce qui le plongera dans une méditation dévastatrice et favorisera éclosion d’angoisses profondes. Le cadre choisi par Maupassant pour élaborer son récit ne résulte done pas d’une sélection arbitraire, L’intrusion du fantastique dans ce lieu oi Ie sens du concret domine se veut brutale : si le sumnaturel parvient & pénétrer cet univers, force est d’admettre l'inconcevable. La description des paysages normands Les récits normands de Maupassant semblent au premier abord reeréer parfaitement ambiance de la province. Inspirés parfois de vraies histoires paysannes, ils renvoient & des lieux réels, présentent des passages en patois, illustrent des coutumes véridiques et des traits de caractére typiques de la province’, ce qui peut porter A croire qu’il s*agit ld d’une traduction fiddle de la réalité vécue dans son enfance. Or, si les observations qu'il rapporte dans ces contes paraissent justes, elles participent surtout a créer un effet de réalité. D’ailleurs, I’écrivain n’hésite pas & inventer certains lieux (telle la ville de Rolleport dans Aux Champs) ni a déformer les dénouements des anecdotes entendues ga et ld. Mettant en scéne des représentants typés des classes sociales particuliéres a la région, les nouvelles, qui par définition doivent étre bréves, se contentent de brosser sommairement le portrait psychologique des protagonistes. L’auteur ne cherche done pas a atteindre I'exactitude de Vethnologue, mais a suggérer de maniére succincte, vraisemblable et subjective différentes facettes de I"humanité*’. Les descriptions de lieux doivent étre envisagées sous cet angle, Bien qu’elles procédent d’une observation minutieuse, elles mettent °% Maupassaat aursit pris Phabinade de recuilis des anecdote en fréquentant les auberges. Par exemple, la Maison Telliet, une aie maison close situge dans le quarter chau de Rove, aunt effecvement ferme ses portes pour cause de premiéce communion, comme il le aconte dans sa nourelle (La Maton Teli our ce qui ext du patois normand, Maupassant seat lize & une retzanscription libre de cette langue orale caractéisée parla rapide de la syntane ct favalement des syllabes finales comme dans La bit 4 Mait Bulbonme. sinspite également de cersines habitudes du pays dont ila été témoin celles que celles de ne manger de a viande que le dimanche, de sécolter le colza, @'éce relatvemeat brutal avec les animat, Férce méfiant 4 Pegaed des rangers, etc. A ce sujet, conslter, Guy de Maupassant, pt, p-XLA XXIV. * Longremps tenu pour un naturalist, Maupassant a tout de méme jugé bon de ner toute appartenance & cette école (ou & toute auze), dans le Gi Blar du 26 aval 1882 S'la haste de Flaubert la volonté de fire ‘mi, il expligue qu'il est llutoize pour lcxivain Gatteindee une objeciité paraite, cat son regard est Singulier et se taduit par des procédés d'art originaux. En se sens, il qualife son rite «driginale Jmpersonnalité» éane donné qu'l cherche & dévoier an arpect particulier du monde, 3 travers ses propres perceptions, mais d'une maniére qui semble vraie. Repris par André Vial, Guy de Maypassant ef art du roman, Pats, Nizet, 1954, p. 66, 60 chaque fois en évidence un détail significatif qui dévoile la perception particuliére qu’en ont les différents personnages, comme en témoigne cette peinture de Rouen tinge de Bel-Ami et reprise avec quelques variations au début du second Horla : Is venaient de s’arréter aux deux tiers de la montée, a un endroit réputé pour la vue, oi I’on conduit tous les voyageurs. On dominait I’immense vallée, longue et large, que le fleuve clair parcourait d'un bout 4 l'autre, avec de grandes ondulations. On le voyait venir de li-bas, taché par des iles nombreuses et décrivant une courbe avant de traverser Rouen, Puis la ville apparaissait sur la rive droite, un peu noyée dans la brume matinale, avec des éclats de soleil sur ses toits, et ses mille clochers légers, pointus ou trapus, fiéles et travaillés comme des bijoux géants, ses tours carrées ou rondes coiffées de couronnes héraldiques, ses beffrois, ses clochetons, tout le peuple gothique des sommets @Péglises que dominait la fléche aigué de la cathédrale, surprenante aiguille de bronze, laide, étrange et démesurée, la plus haute qui soit au monde. {...] Plus nombreuses que ses fréres clochers, elles [les usines] dressaient jusque dans la campagne lointaine leurs longues colonnes de briques et soufflaient dans le ciel bleu leur haleine noire de charbon**. De mes fenétres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jardin, derriére 1a route, presque chez moi, la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent. A gauche, la-bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuple pointu des clochers gothiques. Ils sont innombrables, firéles ou larges, dominés par la fléche de fonte de la cathédrale, et pleins de cloches qui sonnent dans air bleu des belles matinées, jetant jusqu’a moi leur doux chant dairain que la brise m’apporte, tantot plus fort et tantét affaibli, suivant qu’elle s’éveille ou s'assoupit. Comme il faisait bon ce matin! Vers onze heures, un long convoi de navires, trainés par un remorqueur, gros comme une mouche, et qui ralait de peine en vomissant une fumée épaisse, défila devant ma grille, Cette description quelque peu canonique de Ia ville que l'on retrouve également dans Le Garde et Un Normand” semble reproductible d’un texte & l'autre. On note que Vorganisation des passages est A peu prés identique: Maupassant commence par choisir un point de vue (aux deux tiers de la montée pour Bel-Ami et les fenétres de la maison du narrateur pour Le Horla) & partir duquel les perceptions s’élaborent, puis il © Gay de Maupassane, Romany ion de Louis Fores, Pais, Gallimard ibiothéque del Pia » 1987, p 108 © Guy de Maupassant, Cones moms I, yp. 913. Pos Le Gandy Maupasantdécct ciacement son payaag fori de Rouen dela manitreeuraate: «Je repurais vaste ville dela Seine que le leave mavesaie qua Phosizonnree des replis de serpent Rover, gauche, dtesnit dans le cel tous se lochers ea tit, la ve Varta sr les cots loinsines covets de bois» Gay de Maupsent, Bode ean cons rrmand p43. Pout ce sui ext Un [Nomend insist sur Is besa ujestueuse des loches :« Deedee agus Rove, la ile mux oles, a2 clochersgothiques, svallls comme det bibeots divoie en face, SantSere, le Srobowg, sce manefsentes qui diese ses mile cheminées fumantes sur le grand cl veins des maille cochetons sats del ch» Jd p17, ot dégage les grandes masses constituées de la Seine et de la ville avant d°aboutir aux détails plus fins, soient les clochers d’églises et la fumée visible dans I’air. Outre les compositions d’ensemble qui se font écho, les épithétes employées pour rendre compte de la dimension du fleuve forment dans les deux récits un champ lexical de 'ampleur («immense », « longue », « large » et « grand » dans Bel-Ami et « grande », « large » et « vaste » dans Le Horla) et celles se rapportant a la taille des clochers demeurent antithétiques dans les deux versions (« trapus ou fréles » dans le premier cas et « file ou larges » dans le second). Malgré que ces resemblances nous incitent 4 penser que auteur réemploie une description préfabriquée, une analyse plus poussée révéle qu’il la modifie d’une histoire 4 l'autre pour faire apparaitre les perceptions subjectives des différents protagonistes. Ainsi, lorsque Georges DuRoy, Varriviste ambitieux et égoiste de Bel-Ami qui a gravi les échelons de la société en abusant des femmes et des hommes politiques, contemple Rouen, ce sont les idées de domination, de démesure et de laideur qui sont mises en valeur. Son ascension de la colline qui lui permet de surplomber 1a ville devenue si minuscule qu'elle parait se noyer, n’est pas sans rappeler sa propre ascension sociale au cours de laquelle il est arrivé a devenir ’égal des géants de la finance qui observent de haut le reste de I’univers. Le caractére abject de ce héros dépourvu de talent et de valeurs morales est de plus suggéré par la laideur de la cathédrale dont ’affteux clocher & la pointe acérée ternit la beauté majestueuse du ciel et par Vhaleine noire des cheminges d’usines qui crachent leurs vapeurs polluantes. Le narrateur du Horla, loin d’adopter une telle suprématie sur son environnement, regoit de la ville des impressions dont il se nourrit et qui affectent positivement ses humeurs. La vue saisissante du fleuve, lair bleu des belles matinées, la douce brise printaniére et le chant d’airain des clochers lui apportent un tel bonheur qu’il ressent le besoin de crier son bien-étre : « Comme il faisait bon ce matin !°! » I] absorbe done ce paysage de telle sorte qu’il apparait en fusion avec lui. Ce passage explique d’ailleurs une apparente contradiction dans le récit : alors que le Horla laisse le narrateur tranquille lors des sorties effectuées 4 l’extérieur de sa maison, il parvient étonnamment a le rejoindre alors qu’ se trouve & Rouen : % Guy de Maupassant, Le Horla, op a, p. 913. 62 Sai senti que j*étais libre tout a coup et qu’il était loin. J’ai ordonné d’atteler bien vite et j'ai gagné Rouen. Oh ! quelle joie de pouvoir dire 4 un homme qui obéit : « Allez & Rouen ! » Je me suis fait arréter devant la bibliothéque et j’ai prié qu’on me prétat le grand traité du docteur Hermann Herestauss sur les habitants inconnus du monde antique et moderne. Puis au moment de remonter dans mon coupé, j’ai voulu dire : « A la gare ! » et j’ai crié — je n’ai pas dit, j'ai crié — d’une voix si forte que les passants se sont retournés : « A la maison », et je suis tombé, afffolé d’angoisse, sur le coussin de ma voiture. Il m’avait retrouvé et repris™. Etant donné Vextréme proximité de ce dernier avec cette ville, proximité qui s’apparente A une forme d’osmose, il demeure logique que le phénoméne puisse Vatteindre a ce moment, De ce milieu particulier, il regoit également des sensations antithétiques de force et de faiblesse provoquant un effet de miroir avec la nature du Horla. A image des clochers fréles ou larges et du son tantét fort, tant6t affaibli qu’ils tui communiquent, celui-ci est pourvu d’aspects contradictoires le rendant si difficile sajsir qu'il doit étre désigné par les oxymores « corps d’esprit » et « transparence opaque ». En plus d’annoncer la nature paradoxale du phénoméne & la fois tout- puissant et craintif, invisible mais matériel, l2 description de Rouen laisse d’autant plus présager son arrivée. La saleté que dégage le remorqueur assombrissant le bleu du ciel est révélatrice des malheurs qu’il apportera en descendant de ce convoi maléfique. Bref, 1a vue de Rouen, aussi exacte semble-t-elle selon le point de vue duquel elle est présentée, ne compte pourtant pas pour la restitution du réel qu’elle fournit, mais pour la révélation de la conscience et de la destinée du héros qu’elle propose, Le Mont-Saint-Michel Faisant également partie de la géographie intime de l'auteur, le Mont-Saint- Michel, décor familier et tres apprécié de Maupassant, occupe d’abord une place de choix dans la nouvelle intitulée La Légende du Mont-St-Michel (1882) qui raconte la lutte entre le diable et Saint-Michel, patron des Normands. Selon l’auteur, ce dernier s'était fait construire en plein océan une habitation digne d’un archange qu’il a % Guy de Maupassant, Comes o novels I, op. cit, p. 919. 63 entourée de sables, craignant d’étre dérangé par le malin, La description exaltée de Vendroit sera ensuite reprise avec des changements notables dans Le Horla de 1887 : Je le revis d’Avranches, au soleil couchant. L’immensité des sables était rouge, Phorizon était rouge, toute la baie démesurée était rouge ; seule l'abbaye escarpée poussée li-bas, loin de la terre, comme un manoir fantastique, stupéfiante comme un palais de réve, invraisemblablement étrange et belle, restait presque noire dans les pourpres du jour mourant. Jallais vers elle le lendemain, dés l’aube, a travers les sables, ’cel tendu sur ce bijou monstrueux, grand comme une montagne, ciselé comme un camée et vaporeux comme une mousseline. Plus j’approchais, plus je me sentais soulevé d’admiration, car rien au monde peut-étre n’est plus étonnant et parfait”. Quelle vision, quand on arrive, comme moi, a Avranches, vers la fin du jour ! La ville est sur une colline ; et on me conduisit dans le jardin public, au bout de la cité, Je poussai un cri d°étonnement, Une baie démesurée s’étendait devant moi, a perte de vue, entre deux cétes écartées se perdant au loin dans les brumes; et au milieu de cette immense baie jaune, sous un ciel d’or et de clarté, s*élevait sombre et pointu un mont étrange, au milieu des sables. Le soleil venait de disparaitre, et sur horizon encore flamboyant se dessinait le profil de ce fantastique rocher qui porte sur son sommet un fantastique monument. Das I’aurore, j’allai vers lui. La mer était basse comme la veille au soit, et je regardais se dresser devant moi, 4 mesure que j’approchais d’elle, la surprenante abbaye ™. Maupassant a certainement sous les yeux le récit de 1882 lorsqu’il décide d’ajouter ce passage au Horla. En plus du manusctit qui dévoile que les mots « bijou monstrueux » et « réve » employés pour désigner l'abbaye dans La Légende ont été réutilisés avant d’étre biffés, on note que l’auteur reprend le méme point de vue, depuis Avranches, au méme instant, soit au coucher du soleil. Cependant, dans son premier récit, Maupassant fait ressortir Pidée afftontement des forces du bien et du mal en mettant accent sur le contraste entre les couleurs rouge et noir qui annoncent le combat féroce que devra livrer le saint protecteur au démon. Aussi, l'auteur tient & donner une impression vaguement idéalisée du monument par les expressions « palais de réve » « ciselé comme un camé » et « vaporeux comme une mousseline » qui Ventourent de laura mystique typique des légendes. Toutefois, prétendument raconté par un Normand cauteleux, ce récit se transforme en véritable farce d’une grossiéreté inouie: Saint-Michel parviendra & dominer Satan en lui faisant ingurgiter une nourriture laxative entrainant Guy de Maupassant, Bowe de sift autres contesnormands, p. 191. ™ Guy de Maupassant, Com ef noseles I, op. i, p. 917. 64 une défécation incontrdlable qui le contraint & quitter pour toujours les liewx saints tant il en est géné. Si l'on ne retrouve pas cette dérision provoquée par un changement de tonalité dans le Horla, il est possible de découvrir un méme changement d’aiguillage dans I’épisode du Mont-Saint-Michel, cette fois-ci sur le plan thématique. Dans la description de l’endroit, la prédominance du jaune et de la clarté du paysage environnant le refuge du moine laisse d’abord entrevoir l’espoir du narrateur d’étre éclairé par la religion alors qu’il recherche vivement une source de réconfort pouvant apaiser son ame troublée par un phénoméne qui dépasse Ventendement. L’« immense baie jaune », le «ciel d’or » et «le soleil » suggérent effectivement des idées de chaleur et de lumiére pouvant conduire au mieux-étre. Etonnamment, bien qu’il s’agisse d’un batiment religieux, 1a description est ensuite fortement érotisée : les cOtes écartées qui se perdent dans les brumes de méme que le mont pointu qui s’éleve entre elles ne sont point sans rappeler la fusion des sexes féminins et masculins. Trés ironique, Maupassant nous présente done Vecelésiastique, que l'on a tendance a magnifier en raison de sa proximité avec le sacré, comme un homme ordinaire, doté des mémes désirs et de sensualité. D’ailleurs, en pronongant un discours portant principalement sur les sens humains, il se montre davantage préoccupé par la nature matérielle de I’homme que par sa spiritualité. Son adhésion aux croyances religieuses traditionnelles peut aussi étre mise en doute en raison du fait qu'il ne s’appuie pas sur histoire sainte pour illustrer ses propos, mais sur des récits dérisoires. En réduisant le représentant de Dieu sur terre A un conteur de Iégendes, Maupassant abaisse la religion au niveau des superstitions, ce qui démontre le peu de erédit qu’ ui octroie, Narrant une sorte de rencontre manquée avec le divin, la scéne au cours de laquelle le moine raconte une légende farfelue de berger conduisant une chévre a téte de femme et un boue a téte d’homme a été longuement travaillée par Maupassant, comme en témoignent les multiples ratures, ajouts marginaux et interlinéaires. L*écrivain voulait d°abord insister sur I’intimidation du narrateur face l’imposante abbaye et sur sa naiveté face aux histoires étranges de Vecelésiastique. Les expressions «j’eus envie de m’agenouiller» et «je les [les Iégendes du moine] croyais 4 mesure qu’il les disait, Je les croyais toutes.» ont été rayées dans le manuserit pour faire place 4 un équilibre plus juste entre l'adhésion a Vinsolite et la pensée logique. En fait, le sumaturel qui semble au départ tre admis par le conteur 65 de légendes finira par trouver un contrepoids rationnel dans son refus d’affirmer sa crédulité ou son scepticisme : Les gens du pays, ceux du mont, prétendent qu’on entend parler la nuit dans les sables, puis qu’on entend béler deux chévres, I'une avec une voix forte, l'autre avec une voix faible. Les incrédules affirment que ce sont les cris des oiseaux de mer, qui ressemblent tantdt a des bélements, tantot a des plaintes humaines ; mais les pécheurs attardés jurent avoir rencontré [...] un bouc figure (homme et une ferme a figure de chevre [...] Je dis au moine : « ¥ croyez-vous ? » ‘Tl murmura : « Je ne sais pas. *° » A Vindécision du moine correspond celle du narrateur qui ne parvient pas & trancher sur la pertinence de ce qu’il vient d’entendre. « Cet homme était un sage ou peut-étre un sot» lance en guise de conclusion & cette rencontre inusitée qui ne débouchera pas sur I’éclaircissement tant souhaité de sa situation, L’épisode, qui se termine en queue de poisson, rend le lecteur perplexe en raison de l'ambiguité et de Pincertitude qui enveloppent d’un brouillard épais la signification, voire ’intérét, de toute cette scéne, Il demeure possible de découvrir que si la foi religieuse n’est pas au rendez- vous au Mont-Saint-Michel, cette visite a tout de méme permis au narrateur de tromper la solitude qui avait engendré le Horla, En quittant son environnement familier, il oublie ses premiéres terreurs pour contempler Ia beauté de la nature en savourant le plaisir d’entendre des histoires distrayantes, peu importe qu’elles soient vraies ou fausses. Or, bien que ce contact avec autrui lui assure momentanément une paix d’esprit, il ne pourra pas se délecter trés longtemps de cette tranquillité, Préoccupé par des phénoménes similaires & ceux du narrateur, le moine représente, en quelque sorte, son double, En tant que Normand, il reste aussi proche de la nature que le diariste et posséde lui aussi une sensibilité extréme & la beauté magistrale de son milieu qui le rend trés réceptif aux impressions qu’il laisse : « Quand je fus sur le sommet je dis au moine qui m’accompagnait : « Mon pére, comme vous devez étre bien ici. » Il répondit : « Il y a beaucoup de vent, monsieur.” » » % Guy de Maupassant, Conte of nowelles I, opt, p. 917. Tide. 66 Solitaire, attaché A sa terre et passif comme son visiteur, le moine semble passer le plus clair de son temps a contempler la nature et & méditer sur la faiblesse des sens ‘humains. Convaincu qu'il existe sur terre des forces insaisissables qui ne peuvent étre appréhendées par les organes imparfaits, grossiers des hommes, il défend existence du sumaturel en donnant comme exemple le vent qui est invisible, mais réel et tout-puissant. Il expose sa thése de maniére si soutenue qu’elle fera naitre une crainte de domination par une race supérieure dans l’esprit du narrateur Est-ce que nous voyons la cent milliéme partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, souléve la mer en montagnes d’eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, x mugit, - Vavez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe, pourtan En verbalisant une idée que ce dernier pressentait™, il le rend encore plus vulnérable aux attaques du Horla, D’ailleurs, 4 son retour, le diariste rapportera que les manifestations de l’étre invisible deviennent si insoutenables qu’il devra effectuer un second voyage, a Paris cette fois-ci. Le Paris de Maupassant Capitale de intelligence, des arts et de la culture, Paris, au temps de Maupassant, est le lieu d’ott émergent les grands courants de pensées philosophiques, politiques et scientifiques de méme que les habitudes de vie. Centre du raffinement, du bel esprit et de la modernité, elle assure a ses habitants un grouillement incessant @idées avant-gardistes. S’y étant lui-méme installé pour parfaire ses études en 1869, il habitera la métropole en alternance avec Rouen pendant plusieurs années de sa vie. Profitant largement des avantages du milieu urbain tant pour jouir des divertissements que pour se rapprocher des milieux intellectuels et artistiques”, il aime le rythme endiablé de la vie parisienne qui lui offre une proximité avec les grands événements, D’ailleurs, les contes parisiens de Maupassant, plus que tous les autres, tirent leurs sujets de faits divers et sont inspirés de considérations sur Vactualité contemporaine, Annoncée et résumée par le titre, la matiére de ces récit Guy de Maupassant, Conese nowelts I, opcit, p. 918. « Ce quil dss a, je Favnis pensé souvent » afGrmera le narateur pour conclure cet épisode. Idem. » Avee Tourgueniev, Dauder et Zola, entre autres, paricipe aux réunions linérsires organisées tous les jeudis rue St-Georges, puis rue de Boulogne. Ensemble, is eureat lidée de publier un recueil de nouvelles sur un sujet d'actualté encore brilant, l guerre de 1870. C'est ainsi que sont nées les soisées de Médan, Martin Pasquet, Maxpasan, Pasis, Albin Michel, p. 42. or Ja plupart du temps trés modeste, emprunte au réel des drames factuels pergus par des personages qui subissent des revers de fortune. A travers les parcelles de leur existence et I’instantanéité de leur quotidien, |’auteur réussit 4 reconstituer un monde vivant, profondément humain, sur lequel il se permet de jeter un regard critique. Cet art d’engager la réflexion par le biais d’anecdotes habilement racontées prend ses origines dans les chroniques journalistiques publiges dans Le Gil Blas et Le Gaulois au début de la décennie 1880. Tour a tour libre-penseur, moraliste, pamphlétaire et reporter, Maupassant livre ses points de vue sur les grandes questions philosophiques et nationales, passe en revue les salons mondains de Paris et traite des politiques adoptées par la République parlementaire, ce qui lui fournit un réservoir de themes qui serviront a I’élaboration de ses nouvelles'™, De ce fait, la grande ville procure a l’écrivain un vaste éventail de sujets de méme qu'une cohorte de personages allant du domestique au mondain en passant par Partiste ou le bourgeois. Cette foule apparemment bigarrée se rejoint cependant dans son désir de possession : le sexe et argent sont les principaux moteurs animant cette microsocieté, Nulle part ailleurs que dans Paris, la sexualité ne s’exprime aussi librement A cause de l’anonymat qu'elle préserve, des lieux de rencontres occasionnelles qu’elle multiplie et de la promiscuité qu’elle assure pour fermenter les désirs. Ainsi, la ville permet & la petite baronne d’exercer ses talents de courtisane & insu de son mari en faisant un signe de la main aux passants depuis sa fenétre (Le Signe), tout comme elle favorise les aventures d’un soir en rendant accessibles les salons fréquentés par des demi-mondaines et des hommes mathonnétes & la recherche d'une relation éphémére (Yvette). « Une femme chasse l’autre si vite, & Paris, quand 101 on est gargon'”’ », lance le héros de Fini attiré par la jeune fille d’une ancienne maitresse devenue vieille, comme s'il tenait la ville responsable de son instabilité amoureuse qui lui commande de renouveler constamment ses amantes, réduites & n’étre que des objets interchangeables. La plupart du temps, les couples se trompent, © Les chroniques, majosituirement produites entre 1882 et 1886, abordent effectivement une multitude de sujets Spars, allant de la gueree 4 la route nouvelle fete du 14 juillet, en passant par la misére des petits cemployés parisiens condamnés 4 une vie tour juste décente et par le question du sens perdu de Vhonneut. Cet ensemble hétéroclite «écsts constitue toutefois un témoignage précieux et direct sur la société de Vépoque, cat Maupassant rend compte des maurs, de lk mode et des préoccupations de ses contemponins. T] nous dévoile par petits waits et de maniére incisive sa vision du monde (plus particuliérement du monde parisien), ce qui lui permet d'aiguiser sa plume et de jeter les bases de ses reflexions critiques. A ce sujet, consuter Mariane Busy, Maypasson, Psis, Nathan, 1991, pp. 25-27. 1! Guy de Maupassant, Contre noel I, pt, p. 231 68 se torturent, se mentent et ne parviennent pas & communiquer, ce qui sonne le glas une relation fatalement vouée a l’échec. Méme lorsque amour satisfait momentanément une quéte d’idéal, ce bonheur illusoire finit par se perdre, laissant place a la déception et & une solitude encore plus grande : Elle et moi, nous n’allons plus faire qu'un, tout a I’heure, semble-t-il ? Mais ce tout a ’heure n’arrive jamais, et, aprés des semaines d’attente, despérance et de joie trompeuse, je me retrouve tout 4 coup, un jour, plus seul que je ne l'avais encore été. [...] Aptés chaque baiser, aprés chaque étreinte, |’isolement s’agrandit'””. L’amour véritable semble impossible dans la capitale ; placées sous le signe du changement ou de Villusion, les relations entre hommes et femmes, superficielles et éphéméres, ne permettent pas aux individus de s*épanouir ni d’étre sauvés de leur désespoir. Creuset du vice et des passions, Paris soumet également les citadins a de nombreuses tentations qui réclament des moyens financiers importants. L’envie @accroitte son confort, d’aceéder a un train de vie luxueux de méme que la volonté ascension sociale demeurent des vices urbains a la mode qui entrainent dans leur flot l'alignation morale des individus, préts & n’importe quelle bassesse pour mieux paraitre aux yeux des autres. En amour comme dans les affaires, les relations sont marquées du sceau de l’hypocrisie : la ville engendre des besoins de luxe (et de Juxure) détournant les hommes des valeurs plus nobles et fabrique des parias qui se doivent de jouer la comédie pour parvenir a se tailler une place en haut de échelle sociale ou tout simplement pour échapper & une existence misérable. Les descriptions de Paris Si les descriptions des paysages normands acquiérent une certaine étrangeté pittoresque par l’impression de terre promise qu’elles laissent, celles de la ville tranchent par leur sécheresse. Ces demiéres, plus brutales et expéditives, refusent toute postisation de I’écriture, Le Paris de Maupassant n’autorise aucune envolée lyrique ni embellissement et commande une esthétique du dénuement qui va de pair avec le projet d’exposer sans furd les réalités d’une faune parisienne triviale. Puisque le cadre est inséparable de Vintrigue a laquelle il donne naissance et qu’il instaure un Jjeu de reflet avec les personnages, la brieveté et I'aridité des références spatiales renvoient au caractére froid et rigide de la grande ville o¥ animation bruyante des 6 Guy de Maupassant, Conte noe I, p. $37. 0 boulevards ne constitue qu’une rumeur de fond assourdissante masquant une profonde solitude morale. Plutét que de se servir de son art de restituer l’atmosphére un lieu par un jeu d’évocations sensorielles capable de faire naitre une constellation d’impressions, Maupassant, pour ses contes de la ville, use de courtes notations réalistes et de la fonction référentielle du langage. Les intrigues urbaines, simples et logiques, se déploient dans des lieux réels et connus des lecteurs. On ne s’étonne pas de rencontrer Jean de Servigny, ce Parisien dégourdi, irésolu et égotste, sortant du Café-Riche oii ’on paie chérement son repas pour se faire voir des clients aristocratiques (Yvette), ou d’apercevoir la comtesse de Mascaret de L’Inutile beauté traverser les Champs-Elysées vers I'Are de Triomphe en réclamant son statut de femme du monde. Or, bien que ces récits nous plongent dans un profond réalisme, le décor n’a pas pour unique fonction de donner un « effet de réel » : il a d’abord et avant tout une finalité symbolique, celle de donner des indices révélateurs des destins des personnages qui se feront duper ou tromperont les autres. Procés de la vie mondaine & Paris, Fort comme la mort raconte les tribulations d’Olivier Bertin, un peintre acclamé par un public de faux connaisseurs pour qui il a gaché son originalité en sacrifiant son talent et ses convictions au profit d’un art purement académique. Dépendant d’un lot d’hommes et de femmes attachés A I’art par snobisme, Bertin fréquente les milieux faussement éclairés oit les apparences prévalent. Cette société brillante et factice ne peut évoluer que dans un décor a son image, comme en témoigne cette description du pare Monceau (prés duquel se sont installés les nouveaux riches) qui met en valeur son aspect de simulacre naturel : Les fits de pierre dressés sur les gazons ne rappellent guére plus VAcropole que cet élégant petit parc ne rappelle les foréts sauvages C’est Pendroit artificiel et charmant oi les gens de ville vont contempler des fleurs élevées en des serres, et admirent, comme on admire au thédtre, le spectacle de la vie, cette aimable représentation que donne, en plein Paris, la belle nature’, Le pare est & Ja nature ce que la société parisienne est a ’humanité : une reproduction gracieuse mais dégradée par un excés d’attifices. Si le décor révéle parfois le ‘tempérament fourbe des étres qui l’occupent, il arrive également qu’il soit lui-méme trompeur. Ainsi, c'est par « un matin de soleil, l"ame en féte, le pied joyeux » que le Guy de Maupassant, Fert comme la mort, Patis, Garnies-Flammation, 1998, p. 219. 70 héros de La Chevelure achéte chez l'antiquaire le meuble contenant la chevelure dune femme morte qu’il ’obsédera et le plongera dans une tristesse si profonde qu'il finira par se suicider. De la méme maniére, le narrateur de L’Endormeuse comprendra I’agitation intérieure terrible qui bouleverse les désespérés désireux de mettre fin a leur existence alors que « la Seine s’étalait devant [sa] maison, sans une ride, et vernie par le soleil du matin, » Paris est done la ville piége, celle ot Villusion et la supercherie dominent : atmosphére et les gens qui ’habitent forment un univers de simulacre empéchant toute accession aux vérités profondes. Le Paris du Horla C’est dans ce méme Paris que le narrateur du Horla choisit de se rendre pour fuir une seconde fois les terribles tourments qui assaillent son esprit. I! sera de nouveau amené & son insu & réfléchir aux origines de son malaise, non plus par le biais d’une religion vague apparentée aux superstitions légendaires, mais par la voie plus rigoureuse de la science. Sera-t-il dupé par les mirages de la ville comme la plupart des protagonistes des nouvelles de Maupassant évoluant en milieu urbain ? Cortes, c’est ce qui est insinué d’entrée de jeu dans la notice du 14 juillet. Aprés s*étre imprégné de l’air nouveau et vivifiant de la ville pendant vingt-quatre heures, le diatiste, qui se croit & tort débarrassé du Horla, cherche A parachever sa guérison en allant au Théétre-Frangais. Symbole de Vartifice et de Villusion, le théatre fait triompher la supercherie : les comédiens, dissimulés derriére le masque de leurs personages, ne font qu’imiter la vie, que simuler des gestes et des émotions qui n’ont rien a voir avec P’authenticité du véeu quotidien. A l’enchantement que procure ce divertissement correspond celui de la ville qui aliéne les individus en les soumettant a des tentations irrépressibles. Par les multiples distractions qu’elle propose aux citadins, elle les prive occasionnellement de se pencher sur les miséres de la condition humaine, ce qui les préserve des angoisses existentielles. Toutefois, en les gavant de plaisirs bon marché qui chassent leurs souffrances, elle les déposséde d’une part importante de leur humanité, Incapables de réfléchir par eux- mémes et d’éprouver des sentiments profonds, les Parisiens, infirmes sur les plans affectif et intellectuel, vivent dans Villusion du bonheur. Bercé par cet esprit de désinvolture a sa sortie de la piéce et encore sous le charme du spectacle qu’on lui a offert, le narrateur deviendra aussi frivole que les Parisiens qu'il cétoie. Envotité par 1 Vambiance festive des boulevards, il se moquera de ses anciennes angoisses qui semblent s’étre dissipées : En tout cas, mon affolement touchait a la démence, et vingt-quatre heures de Paris ont suffi pour me remettre d’aplomb. [...] Je suis rentré a hotel trés gai, par les boulevards. Au coudoiement de la foule, je songeais, non sans ironie, & mes terreurs, & mes suppositions de autre semaine, car j’ai cru, oui, j’ai cru qu'un étre invisible habitait sous mon toit. Comme notre téte est faible et s’effare, et s’égare vite, dés qu’ un petit fait incompréhensible nous frappe !'°* A Vinstar de la nature qui influence les états d’dme du narrateur, la ville pénétre son esprit pour lui commander une joie de vivre insouciante qui se traduit par la volonté soudaine de tourer au ridicule ses croyances au sumaturel, Elle arrive méme a prendre le contréle de ses émotions, comme le montre le passage oi il se voit foreé de vibrer au diapason de la foule parisienne devenue soudainement gaie en raison des festivités du 14 juillet, bien qu'il trouve cet événement carrément absurde : « C’est os pourtant fort béte d’étre joyeux, a date fixe, par décret du gouvernement." » Plus lucide que le peuple frangais qu’il qualifie de « troupeau imbécile qui agit comme on Te lui demande'®® », il n’arrive toutefois pas a s’empécher de ressentir leuphorie collective imposée par les autorités dirigeantes et se joint bétement au groupe de fétards qu’il juge pourtant sévérement et a qui il reproche une trop grande docilité, Le Paris du Horla, comme celui dépeint dans l'ensemble de l’ceuvre, déposséde les tres de leur volonté propre en les contraignant a obéir a des désirs imposés de maniére factice. C'est d'ailleurs sous le double signe de la dépossession de soi et de la tromperie que se déroule I’expérience d’hypnotisme pratiquée par le docteur Parent, dont adhésion aux diverses sciences occultes ne peut étre démentie. Dénigrant la religion en reprenant une phrase célébre de Voltaire (citée par ailleurs dans La Légende du Mont-Saint-Michel) : « Dieu a fait Vhomme & son image, mais l'homme le lui a bien rendu'” », il se présente alors comme Je prophéte des temps nouveaux possédant les savoirs secrets de Ia terre, En procédant & une séance d’hypnotisme au 14 Guy de Maupassans, Cont of noel Io. oit,p. 921. 18 Bid 1s Et de spéciier Maupassant: « Le peuple ext un troupeau imbécile, tantot stupidement patent et rantbt férocement révoté. On lai dit: « Arise-toi, amuse, On lui dit: « Va te bate avec le voisn, » va se bate. On ui dit: « Vote pour lempereur, Il vote pour Fempereut. Pus on hi dit: « Vore pour la, République. » Et vote pour la République.» Ihidm 7 Guy de Maupassant, Comer nono I pst, p. 114. 72 cours de laquelle Mme Sablé est soumise & la suggestion de devoir emprunter cing mille francs & son cousin le lendemain, ce demier démontre que le cerveau humain peut obéir a des propositions sans que sa conscience n’intervienne. A la suite de cette expérience, le narrateur, d’abord incrédule puisqu’il pense qu’on tui joue une farce, finit par étre persuadé de la véracité des théses avancées par le médecin, car il les reprend a son compte en date du 19 aod : Aprés les grossiéres conceptions de I’épouvante primitive, des hommes plus perspicaces Iont pressenti plus clairement. Mesmer l'avait deviné et les médecins, depuis dix ans déja, ont découvert, d’une fagon précise, la nature de sa puissance avant qu'il eut exereée lui-méme. Ils ont joué avec cette arme du sejgneur nouveau, la domination d'un mystérieux vouloir sur I’ame humaine devenue esclave. Ils ont appelé ga magnétisme, hypnotisme, suggestion... Cette pseudo-science qu’est l’hypnotisme et pour laquelle Maupassant affichait un scepticisme certain, ne constitue certes pas la bonne voie d’entrée pour percer les secrets de univers. Ne pourrait-on pas y voir une vaste supercherie digne de Paris dod semblent provenir toutes les formes d’illusions ? L’homme est entouré d’un mystére que méme les plus éminents Parisiens ne peuvent élucider. Ils font fausse route et trompent Jes autres en leur donnant Timpression de posséder une connaissance supérieure du monde. Sous des apparences de médecin sérieux, le docteur Parent se révéle n’étre qu’un simple magnétiseur de salon dont les pouvoirs de commander & distance les actes d’autrui redoublent ceux du Horla. Cette rencontre alimentera done la croyance du narrateur dans Vidée d’étre possédé par un étre supérieur en lui donnant la preuve que le cerveau humain comporte des failles et qu'il peut facilement se dérégler. Ainsi, dés son retour en province, le diariste verra ses sympt6mes s’aggraver, ce qui le conduira vers la démence la plus totale et le précipitera dans la mort, Plutét que de constituer un véritable adjuvant dans cette quéte au Horla, le savant ne fait que donner une fausse espérance de salut au nartateur dont le mal reste incurable. xy de Maupassant, Contes ef noavels I, op. city p. 933. Les paroles du docteur Parent sapportées par le ascrateur en date du 16 juillet dans son journal allaient comme suit : « Quand cette intelligence demeurait encore 4 Wétar rudimentate, cette hantise des phénoménes invisibles a pris des formes banalement cffrayantes. De ld sont as les croyances populaires au surnaturel, les Iégendes des esprits sddeurs, des ‘ées,[..] Mais, depuis un peu plus d'ua siecle, on semble pressenti quelque chose de nouveau, Mesmer cet quelques autres nous ont mis sur une voie inattendue, et nous sommes artivés veuiment, depuis quatre fou cing ans surtout, & des résultats surpeenants,» Ibid, pp. 922-923. 73 Mise en paralléle des deux épisodes Formant tous deux des épisodes indépendants de Ia narration des états ame du narrateur, les passages relatant ses voyages se démarquent par leur construction originale. A cet égard, on note que l’excursion au Mont-Saint-Michel, racontée a rebours un mois aprés les événements, de méme que le séjour parisien, sorte de nouvelle autonome dans laquelle on nous présente plusieurs personnages qui ne réapparaitront pas, font abondamment usage du discours direct. Cet accés a des voix autres permet au narrateur de prendre du recul par rapport a sa situation, mais surtout d’observer des personnes qui lui sont étrangéres et d’entreprendre des conversations avec elles, ce qui l'aide par conséquent a prendre ses distances par rapport au Horla qui parait s’étre subitement endormi. N’étant plus seul, il voit son esprit distrait par différents protagonistes et en oublie ses ennuis. Or, sans qu’il en ait véritablement conscience, dans ces deux épisodes, on ne fait que rejouer son propre drame. Le moine, isolé au sommet du mont fantastique, qui lutte quotidiennement contre la force invisible, instable et destructrice du vent, double la condition du narrateur Iui-méme aux prises avec une puissance occulte aux attributs semblables. I] en va de méme pour Madame Sablé qui répéte la situation du narrateur en étant contrainte d’obéir aux suggestions imposées par le médecin. Tout comme son cousin gouverné par le Horla, elle perd soudainement son libre arbitre pour répondre aux commandements qui lui ont été donnés. Ainsi, méme durant sa cavale, le diariste ne peut chasser complétement le Horla de ses pensées car, indépendamment de sa volonté, il rencontre les échos de sa propre possession. Métaphores de la condition humaine sur le point d’étre mise en état de servitude, le personage de la cousine tout comme ceux peints dans la légende absurde du moine annoncent de maniére funeste I’évolution négative a laquelle Vhomme semble fatalement soumis : «Le Horla va faire de homme ce que nous avons fait du cheval et du boeuf : sa chose, son serviteur et sa nourriture, par la seule puissance de sa volonté.' » Réduite a suivre son instinct, la cousine hypnotisée, tel un animal dressé en vue de répondre aux besoins de son maitre, obéit servilement & des ordres sans pouvoir juger de la pertinence de ceux-ci. Devant le refus de son cousin de lui préter la somme demandée, elle perd sa faculté de communiquer, se © Thid, p. 933. 74 contente de bégayer, de pleurer et de pousser des cris de souffrance comme une béte anticipant une correction de son maitre. On rencontre cette méme association de Vhomme et de la béte dans I’épisode du Mont-Saint-Michel. L’histoire du religieux ‘met en scéne un berger conduisant un bouc a téte d’homme et une chévre a téte de femme qui lancent des cris ressemblant « tantét a des bélements, et tantét 4 des plaintes humaines.'!” » Par leur nature hybride, ces personages de légende préfigurent l'avenir du genre humain destiné & régresser au stade de l’animal, Durant ses excursions, les personnes rencontrées par le diariste ou celles dont il entend parler ne font qu’illustrer ce qui se trame dans sa propre conscience ; sa crainte de devenir I’esclave d'une forme de vie supérieure s*incame en eux. En sortant de l’espace clos de sa demeure, le narrateur a l’impression de vivre des moments de répit, mais leur bénéfice sera de courte durée, puisque c'est précisément durant ses voyages qu’il regoit la confirmation de ce qu’il redoute le plus : la faiblesse de l'homme le rend vulnérable & la domination de forces occultes qui restent indétectables par les organes dont il dispose. Cette idée née de Vagencement des discours du moine sur l'imperfectibilité des sens et des affirmations du docteur sur la possibilité de dominer autrui lui fait perdre tout contact avec Ia réalité en lui faisant imaginer des visions terrifiantes. Les épisodes au cours desquels il se sent frélé par le Horla comme un vent aspirant ses énergies vitales de méme que ceux oii il se croit foreé de manger des fraises ou de retourner dans sa maison en raison d’une volonté imposée par cet Autre capable de contrdler son esprit a distance sont d’ailleurs des fantasmes évidents engendrés par I'appropriation des propos des deux personages. La tragédie du narrateur est done d’avoir cru que ces forces existent et d’y avoir cru avec tellement de conviction qu’elles ont aliéné sa vie entiére. Seul et sans espoir de salut, il n’aura d’autre solution que de se tuer. 0 bid, p. 918, 5 CONCLUSION Devenu un classique de la littérature fantastique, Le Horla de Maupassant occupe une place privilégiée au sein de sa production de courts récits de telle sorte que la critique le considére comme Iaboutissement de ses recherches formelles et thématiques. En effet, les premiers contes apparentés 4 ce genre particulier se présentent comme un laboratoire dans lequel auteur analyse les mécanismes @Gcriture propres a créer l'ambiguité inhérente a ce type de littérature et a déstabiliser le lecteur. A travers les centaines d’anecdotes angoissantes qui ont frayé la voie au Horla, I'écrivain sest forgé un style d’écriture personnel alliant, entre autres, une syntaxe souple épousant parfaitement les émotions des personages et usage de métaphores frappantes illustrant l'univers trouble dans lequel ils évoluent. Mais surtout, il a su trouver son originalité propre en donnant un tour d’écrou inédit au fantastique dont on peut observer les effets dans Le Horla, oeuvre dans laquelle Vauteur a le mieux exprimé son génie créateur. La nouvelle, fruit d’un long processus de maturation, n'est certes pas née subitement dans un éclair d’inspiration. Bien que nous ne puissions reconstruire de maniére exhaustive univers historico- discursif dans lequel le récit a vu le jour, les indices de la germination du projet, disséminés dans sa correspondance, dans l'ensemble de son ceuvre et dans ses écrits théoriques, nous renseignent tout de méme avec suffisamment de précisions pour effectuer 1a remontée génétique du projet Pour un fantastique intériorisé : folie et sciences occultes A V’époque oi Maupassant commence a rédiger ses contes, le fantastique s'essouffle; l'arsenal des prodiges du sumnaturel : apparitions de revenants, objets prenant soudainement vie, possessions diaboliques, ne produit plus I’enchantement voulu chez les lecteurs. Trés conscient du fait que le fantastique, au bord de l’abime, presque tombé en désuétude, doit se renouveler s'il veut survivre, I’écrivain cherche regagner la faveur du public pour ce genre particulier, $’étant d’abord soumis aux 76 principes du fantastique traditionnel en composant des récits étranges dans lesquels des objets disposent de pouvoirs mystérieux (La Main d’écorché, La Chevelure) ou des fantomes de disparus viennent hanter les vivants (Apparition, Lui ?), Maupassant finit par se détourner des histoires surnaturelles pour se concentrer sur I’évocation de la peur ressentie devant T'inexplicable. Plutét que d’insister sur l’aspect extraordinaire de faits insolites, il cherche a rendre compte du profond bouleversement qu’engendre cette émotion saisissante capable a elle seule de défigurer le réel, En passant d’un fantastique extérieur oi des phénoménes incroyables ébranlent le scepticisme des personnages & un fantastique intérieur qui met en scéne les craintes existentielles éprouvées par des étres sensibles devant les ystéres de la vie et de la mort, Maupassant infuse au genre un sang nouveau Pour mettre au point ce fantastique intéri :, Maupassant, fasciné par toutes Jes formes de déviations mentales, visite réguligrement les asiles en plus de se mettre au parfum des plus récentes recherches effectuées dans le domaine de la para~ médecine. Comptant avec Freud parmi les oélébres auditeurs des cours du docteur Charcot la Salpétriére, il s'intéresse également aux travaux de I’Ecole de Nancy portant sur I’hypnose et le magnétisme. Ces incursions dans le monde des pseudo- sciences laisseront des traces dans I’cruvre de Maupassant : du personage de Donato qui souhaite révéler les mystéres de Vinconscient a un public incrédule par Pintermédiaire d’une expérience de magnétisme (Magnétisme, 1882) & Madame de Sablé qu'on endort pour procéder & une séance d’hypnotisme (Le Horla, 1887) en passant par Jacques Parent qui s’étonne de ses pouvoirs de magnétiseur (Un fou 2,184), l’écrivain exploite depuis ses tous premiers débuts ces phénomenes encore mal compris, situés A mi-chemin entre les sciences occultes et la psychopathologie, sans jamais confirmer leur efficacité, Entretenant Iui-méme de sérieux doutes a ’égard de ces « tours » inaptes a apporter un réel soulagement des souffrances, il ne sait s'il doit les considérer telles des supercheries de prestidigitateur ou des pereées scientifiques novatrices. Pour un nouveau fantastique : attrait pour la psychologie moderne D’un texte a autre, l'auteur reprend et peaufine les themes découlant des nouvelles conquétes de la psychologie contemporaine qui, malheureusement, n’apportent jamais une véritable amélioration a la condition humaine. Parmi ces 7 demiers, celui du dédoublement de la personnalité, abordé dés 1881 dans le conte Sur eau et traité sommairement dans le premier Horla, devient le point focal autour duquel s’organise le récit de la nouvelle définitive. Comme le mentionne Mariane Bury, Maupassant s'est véritablement inspiré des principes exposés par Taine dans De l'intelligence (1870) selon lesquels deux pensées, deux actions et deux volontés coexistent au méme moment dans la méme personne : les étres n’ont conscience que d'une seule, l'autre étant attribuée 4 des étres invisibles''! . Du premier au second Horla, les stratégies déployées par Maupassant pour rendre compte de |’épreuve endurée par un individu éprouvant une scission de sa personne s’affinent, ce qui engagera le fantastique sur une voie nouvelle en V’orientant sur le terrain des déviations psychologiques. Intéressé par les différentes manifestations de 1a folie, il montre qu’un petit événement, en apparence banal, peut faire naitre des psychoses graves chez certains individus. Aux prises avec divers déréglements pathologiques latents, ces demniers voient leurs craintes les plus profondes et leurs secrets inavouables refaire surface par la simple perception d'une odeur, d’un son ou d’un objet qui vient déterrer ce qui était enfoui au fond de leur ame, Leur réalité familiére se transforme en un cauchemar, puisque leurs obsessions, leurs fantasmes, voire leurs perversions, les aménent A imaginer un monde terrifiant peuplé de créatures improbables et de spectres invisibles & image de leur conscience perturbée. Rongés par le doute qu’ils entretiennent sur leur existence et vidés de leurs forces, ils nous transmettent leurs poignantes sensations nées de la perte de contact avec le réel. D'un Horla a autre : vers une nouvelle poétique du fantastique Voyager d’un Horla & Vautre permet véritablement d’apprécier I’évolution du fantastique maupassien qui délaisse les principes traditionnels mis en ceuvre par ses prédécesseurs pour se doter de moyens originaux capables d’entrainer le lecteur dans un univers insolite et inquiétant, En ce sens, la génétique constitue une voie d’accés privilégiée pour mettre au jour les opérations de transformations par lesquelles le texte initial a d0 passer avant de devenir le chef-d’ceuvre aujourd'hui reconnu par 1s Bury monere dans son article les liens qui unissent Le Horda de Maupassant et les théories exposées par Taine dans son taité iatinlé De ITuiellgense. Ce dernies, qui considére Vintelligence a partis des déréglemenss vus non pas comme des défallances, mais telles des manifestations de Vinteligence, pose ue le moi n'est qu'une juxtaposition d'images et de sensations qui peuvent éee mulipliges. Comme nous ne percevons pas Pentitxeté des images qui composent le monde, une grande parte de notre moi nous Echappe, parce que dautre chose existe, sans étre visible. Dans ce sens, le Horla est cette autre chose. Mariane Busy, Maypassant, Le Honla et autres coms fantasiqus, Pasis, LGF, 2000, pp. 355-361, 8 institution littéraire, L’observation des différences entre le texte initial, le manuscrit et la version finale débouche sur la reconstruction du trajet parcouru par l’auteur pour arriver & ceuvre dans son état de perfection, tout en dévoilant la marche progressive de la composition faite de réussites, d’impasses et de régressions qui laissent deviner Porigine du projet de I’écrivain et mettent en lumidre les spécificités esthétiques participant @ son émergence. Bien que Maupassant ne soit pas un écrivain a programme, puisqu’il semble préférer se lancer dans la rédaction sans se sentir contraint par un plan ou un scénario, nous pouvons retracer la trajectoire de la composition en comparant Le Horla de 1886, qui se présente comme la version préliminaire en servant 4 l’organisation de la matiére du texte, et l'ceuvre définitive, publige un an plus tard. Les modifications opérées d’une version 4 autre révélent que I’écrivain cherche non plus @ insinuer la présence du sumaturel, mais 4 montrer que le quotidien méme banal peut soudainement devenir étrange. L’ensemble des composantes du monde, appréhendées par les sens, peut prendre une allure inquiétante lorsque ces demiers renvoient une image inusitée de la réalité la rendant tout 4 coup inexplicable. C’est précisément dans le but de rendre compte de cette distorsion du réel génératrice d’angoisses que Maupassant ajuste son premier récit. Il peaufine sa stratégie pour persuader son lecteur qu’il assiste & une réetle confession en modifiant la situation du personage narrant son étrange histoire. En substituant le patient d’asile contraint de rassurer son auditoire quant sa santé mentale au diariste anonyme qui écrit pour Iui-méme le récit de ses aventures bizarres en tentant de mettre de Vordre dans ses pensées, les événements acquirent une plus grande cerédibilité, Bien que les dires du malade de la premiére version soient cautionnés par le docteur Marrande, une autorité compétente qui améne le lecteur A remettre en cause ses certitudes, rien n’empéche que ce demier soit floué par son patient. Au contraire, dans le texte final, la communication n’a en apparence d’autre fonction que @étre l'exutoire de souvenirs récents chargés d’émotions. N’ayant rien a prouver 4 qui que ce soit, son discours n’est pas perverti par des formules rhétoriques cherchant 4 gagner l'appui d’autres et parait traduire sa véritable perception de sa réalité. En absence de témoins pouvant ratifier ou dénoncer ses propos, le lecteur devient le prisonnier de la conscience du narrateur se chargeant @ elle seule de transmettre une vision de la réalité. En supprimant les interventions d’autres protagonistes, I’écrivain 79 limite son récit A la crise existentielle d’un unique personnage terrorisé par impression d’étre gouverné par un Autre, ce qui ne permet pas au lecteur de savoir s'il est en présence d’un aliéné mental ou d’un individu hypersensible qui subit le premier les lois d’un étre sur le point de dominer I"humanité. L’insolite, qui surgit done de la conscience méme du personage, offre au lecteur un contact direct avec Pétrangeté d’un moi qui se dissout peu a peu, puisqu’il subit une immersion totale dans cet esprit malade, Le manuscrit : la volonté réaliste Si les grandes articulations chronologiques et narratives du récit ont été mises en place dans le Horla de 1886, la textualisation des éléments sous forme de journal intime progresse dans le manuscrit. L’unique manuserit dont nous disposons, qui laisse croire que Posuvre a été rédigée d’un seul jet, dévoile que l’invention du texte (puisqu’il n’est nullement question d’un recopiage) passe largement par le processus d’écriture qui permet aux mots de s’accrocher les uns aux autres. Composant sans plan initial, Maupassant procéde a la mise en phrases de maniére continue et cumulative en ajustant son récit antérieur par des mouvements d’amplifications servant a traduire avec plus de justesse les actions et les pensées de son personnage. Ainsi, le cours de ’écriture, aussi spontané paraisse-t-il, ne progresse qu’avec le souci d’adapter le contenu de son texte aux nouvelles perspectives d’écriture qu’il souhaite mettre en place. Les campagnes de corrections apportées par I’écrivain trahissent sa volonté de conférer plus de réalisme au récit tout en offrant une éeriture esthétique et raffinée pour le plaisir du lecteur. Ainsi, Maupassant retouche serupuleusement son vocabulaire pour éviter les répétitions de termes & termes trop proches qui géneraient la lecture tout en prenant soin d’en conserver pour donner illusion de la spontanéité avec laquelle Je diariste est censé coucher ses pensées et pour reproduire la rhétorique de l’incertitude du narrateur contraint d’invalider et de renouveler constamment ses hypothéses au sujet de I'dutre qui le gouverne. Les retouches effectuées par ’écrivain révélent également sa volonté de mettre au point un langage capable de traduire la montée du désarroi du personage ; plus la présence de Pinconnu se fait obsédante, plus le diariste aura du mal a formuler de fagon claire ses pensées. Cette dissolution du langage, marquée par les parataxes, la ponctuation folle et les bris syntaxiques, évoque l’impossibilité de ’étre humain de se comprendre. Les efforts qu’il déploie pour saisir le monde demeurent vains, 80 puisqu’il ne peut le percevoir que par des instruments imparfaits. Condamné & vivre emprisonné dans Iui-méme, homme n’a pas accés la connaissance du monde : sa pensée reste captive, enfermée dans la machine disfonctionnelle de son corps. La promesse de suicide sur laquelle se clot le dernier Horla s’apparente alors & un aveu impuissance ; malgré ses efforts, le narrateur, engagé dans une lutte inégale avec «F'inconnu invisible », restera a jamais dans ignorance. Véritable supplicié victime de son hyperacuité sensorielle qui le rend différent des autres par sa capacité a sentir Virréel, ill ne pourra jamais s’accomoder de ses prédispositions. Fatalement, sa lucidité et son intelligence ne te conduiront que dans labime du doute et des incertitudes. Le second Horla se présente ainsi comme une métaphore pessimiste de Palignation de ’homme qui, bereé par illusion de réalité que lui fournissent ses sens, n’arrivera jamais a saisir entigrement le monde dans lequel il vit. L’ajout des deux sorties du diariste, d’abord au Mont-Saint-Michel, puis 4 Paris confirme cette nouvelle donnée thématique. D’une part, la visite au monastére vient appuyer Pidée de Vincapacité de la religion a founir des réponses sur la réalité ultime de existence. S’inspirant de ses nouvelles antérieures telles La Légende du Mont-Saint- Michel, Maupassant tourne subtilement en dérision les pouvoirs des représentants de Dieu sur Terre, puisque ces derniers n’ont pas plus accés aux connaissances que les hommes ordinaires. Variation sur la célébre boutade de Voltaire « Dieu a fait Vhomme a son image et il le lui a bien rendu », le passage de l’abbaye dévoile que pour I’écrivain, les croyances religieuses ne sont que des vues de l’esprit erronées destinges A satisfaire arbitrairement la quéte de savoir des hommes. D’autre part, le séjour parisien traduit les visions de auteur face & la science. Cette demiére avance, progresse sans pourtant jamais apporter de véritables réponses au mystére de la création. Souvent éphéméres, les découvertes scientifiques se renouvellent en détruisant celles qui les ont précédées, ce qui les rend tres fragiles. L’expérience d’hypnose exécutée par le docteur Parent sur la cousine du narrateur ne sera d’aucun secours pour le narrateur, puisqu’elle ne fait que confirmer I’existence de puissances inexplicables, ce qui précipitera la chute du narrateur. 81 Le deuxiéme Horla illustre donc le regard pessimiste de Maupassant et dévoile les bases de sa conception désenchantée de l’existence. Précurseur d’un nouveau fantastique duquel le surnaturel est évacué, il annonce effectivement le toumant majeur que prendra le genre au début du XX° sigele, engagé par Franz Katka, L'auteur du Procés, aussi désillusionné par rapport 4 Vexistence que son prédécesseur frangais, achévera de dépouiller le fantastique de toute forme €’épouvante et de toute allusion & I’insolite. Ses personnages, plongés dés que s’ouvre le récit dans l’univers absurde du quotidien, ne chercheront plus a trouver une explication logique a leur situation, mais seront contraints de s'adapter & la réalité inexplicable de notre monde et devront assumer leur condition, Partageant une vision dramatique de la condition humaine, les deux auteurs ont opéré une rupture avec la tradition fantastique en préférant exprimer le malaise de homme face 4 sa propre existence, plutét que de montrer I’inquiémde face a des événements extraordinaires. Victimes de leur hypersensibilité de eréateur, ces artistes, condamnés & poser un regard lucide sur la vie, demeurent des écorchés vifs qui ne peuvent exprimer leur malaise que par la plume. Aveux de leur impuissance & changer le monde, leurs ceuvres, reflets d’eux-mémes et des autres, agissent pourtant avec vvigueur sur la sensil ra (euapraaifipou samba 204 J DOH np syaday) ‘uonoy op NaLdoud B] BaNOIrY (S Gnofy) wonoy sod uedgp sind noi (p Gnofy) seg anod yedgp sind ‘nowy (€ Qnofy) pyPH-IS-14OW 2 snod edaqy (Z uuonoy ap sade ‘ur9g ef 2p piog o} sns ‘pressor varpudaud : assyyous aposidgy (c (suonsoprpom sonbyanb saae 7 jo up sudoy) ‘pwvssaig y goudold (1 quespeaua aposidgy (1 uttoauy ___ 2rd OO SaLOWSTY auquindas Q] ne rout g np ‘Stow f uOMAU] ‘apuue 207) ‘aneuosuy ap ang “aijoasty aidoxd @s xi0a AL a 9p ayuooes juaHed ¥] : ISEHIUS PY ‘aumeziq seo un sania[joo sas y ayuaszud sump jeumnog SpuELIe 11 9°] : FHEIPEITS TOI id aqyaanon. amog 12881) ¢ 90H Up aanGnd uors19 A, ~ (ses) SHxXBy Op 709 SUIQLIFEM (9881) 1 9H0H| nof un.p 2407 a (£88) Z POH Hp yOsnuEM IT aT Op DyXOT Op Fer SUQISIOTL, Sropep rey oun) Tey TOT DOF Up anbyguys Asso J oxouny 8 sana | ‘eanyeauo epoH{ 2] 1s no noy ws9 wowed Uo Jopfoins 9s somo sue 10 gHpIAdosd ws W nay 9] UE ISEMP 97]| Is sYOARS sed ou SUUNETE OPUEATEN CLT juawanourg (suoneay:pour sonbjanb 90ae 7 DOF mp siaday) eLIOH] Np HoNEIsapUENH auI~EAIENe) (g (suopeayzpou sanbyanb s9ae 7 2077 np sudo) epory np aansofgo aousrstx9,f 9p mosey Uo sani (L (suoneoyrpou sonbjanb 20ae 7 DoH7 np suudey) vO} Np UOHEsasIUEMH aMRISIONL (0 Gnofy) vanoy ap anbarnonaig vf e wamaordaa (¢ Gnofy) e071 np sansafqo (suoneoyypour sonbjanb 7x9,] 9p AMOAKI UO SVAN ( 29a 7 pYOF np suday) L0H Np uoREddE apUods (F mare] ‘nof un,p (nofy) sug nod umdgq. 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