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282 PHILOSOPHIE ET PHENOMENOLOGIE DU CORPS CONCLUSION 283 absolu et non pas contingent ptopre a une telle connaissance, Vinter- prétation ontologique de létre-en-situation du corps, interprétation qui fait apparaitte celui-ci comme un centre absolu et comme le fondement de la catégorie de situation, en tant qu’elle sapplique A des éléments transcendants, le rejet de toutes les theses qui teposent sur Ja ptésupposition implicite de la transcendance de Yétte originaire de notte corps, et, corrélativement, Iintroduction dune nouvelle philosophie de la vie comprise comme une vie absolue, et non comme une détermination susceptible d’étre nige ou trans- cendée, celle d’une nouvelle philosophie de action correctement interprétée, non pas comme une objectivation et un passage dans Je milieu de la différence, mais comme une essence subjective portant en elle son propre savoir, tous ces éléments qui appartiennent & Yanalyse ontologique du corps ou qui en sésultent immédia- tement, aboutissent également A la aégation du lien qu’on trouve si souvent établi entre le phénoméne de Vincarnation et, d’autce part, la finitude, la contingence, voire Vabsurdité, comme caractétes inhérents & la réalité humaine, en tant qu’elle est soumise & un tel phénoméne. La reconnaissance d’un lien entre notre corporéité et notre finitade avest pas le privilege de la réflexion contemporaine, elle commande plutét Fidée générale de Vhomme et de la nature humaine qu’exprime une tradition qui domine au moins la pensée occidentale. Cette idée est que Phomme doit étre considéré comme un étre double, comme une synthése de deux termes opposés : le corps et Pesprit. Le rapport que soutiennent entre eux ces deux éléments hétérogenes ne peut étre qu'un rapport paradoxal. Au regard de esprit pus, Pincarnation se manifeste comme un phénoméne contingent qui matque la réalité humaine d’un caractére de finitude insurmontable. Par réaction contre certaines formes de pensée religieuse, des tendances huma- nistes ou méme naturalistes peuvent s’efforcer de zéhabiliter le corps, a leurs yeux, pourtant, celui-ci demeure ce qu’il semble étre pour les croyances auxquelles elles s‘opposent : Pélément inférieur qu’on ne peut vouloir réhabiliter que parce qu’on n’a pas cessé, en réalité, de le considérer comme tel, Celui qui dit mens sana in corpore sano continue en tout cas de penser ces deux éléments a la lumitre de Vidée d’une hétérogénéité radicale; Pappréciation d’ordre axiologique quil formule peut s’écarter de Pappréciation teligieuse cortélative, elle repose en fait sur le méme fondement. Celui-ci n'est rien autre que Vidée de la dualité de la nature humaine, idée qui ne domine pas seulement toute la tradition philosophique occidentale, mais qui imprégne aussi les conceptions populaires et peut, & cet égard, étre considérée comme un des lieux communs du monde culturel auquel nous appartenons. Quant aux conceptions religieuses qui se font jour dans ce monde culturel & ’élaboration duquel elles contribuent d’ailleurs puissamment, elles semblent donner 4 l’idée de la dualité une signi- fication presque infinie. La conception d’un rapport entre la finitude humaine et le phénomene de Pincarnation qui en est & premiere vue le fondement, ne s’exprime-telle pas dune manitre générale dans le christianisme par Vidée que le péché est essentiellement le péché de la chair ? A bien des égards, le combat spirituel parait s'épuiser, aux yeux de la tradition chrétienne, dans une lutte entre la chair et esprit. Le corps est pensé comme « appesantissant Pame », cest un poids dont celle-ci doit se défaire si elle veut s'arracher & la finitude et au péché, afin de participer & la vie divine qui est une vie de esprit. L’idée de finitude est si profondément lige & celle du corps que nombre d’exercices spirituels visent & maitriser celui-ci, soit d'une maniére directe, comme dans Pascétisme et les multiples pratiques qui s’en inspirent (jeGne, abstinence, etc,), soit d'une manitre indirecte, par une attitude de défiance & P'égard de la vie et du monde sensibles en général. Lrunité du monde culturel de POccident se manifeste ici dans le parallélisme souvent rigoureux de ces conceptions religieuses et de certains thtmes qui appartiennent 284 PHILOSOPHIE ET PHENOMENOLOGIE DU CORPS a tradition philosophique et qui prescrivent 4 la conscience, comme condition nécessaire de son progrés, une sorte d’ascése & Pégard ‘du monde sensible et du monde imaginaire, ces deux mondes étant précisément pensés & la lumiére de V'idée de leur connexion ontolo- pique rigoureuse avec le phénoméne de Pincarnation. Ainsi en esti, par exemple, chez les cartésiens, D'une maniére générale, Vidée de Ja « nature » humaine, telle qu’elle découle de la conception dualiste, forme, avec tous les problémes qui y sont liés, un des thémes domi- nants de Ia tradition hellénico-chrétienne et Yun des éléments permanents de sa Weltanschauang. Cette question doit alors étre posée : la théorie ontologique du corps implique-telle, dans son libre développement, le rej de tout ce que la tradition nous enseigne au sujet du phénoméne de Vincar- nation de la réalité humaine ? Prétend-clle enlever tout fondement ontologique réel a notre expérienve de la finitude ? Cette dernire nest-elle pas, précisément, une expérience, expérience irrécusable & partir de laguelle seulement la condition humaine peut étre inter- prétée Pune fagon correcte et recevoir un statut qui soit vraiment le kien ? Tout ce qui fait de cette condition ce qu’elle est, Vangoisse devant la finitude, le vertige devant la chair, Vinsatisfaction fonda- mentale qui habite toutes aos expériences et, plus particulitrement, celles qui ont trait & notre vie corporelle et sensible, tout cela peut-il atre nié purement et simplement ? Ou bien Pontologie ne peut-elle recevoir la qualification d’étre une science positive, qualification que nous n’avons cessé de Ini donner, qu’aussi longtemps qu'elle assume la tache d’élaborer le fondement de nos expériences réclles, ct non pas celui dexpériences imaginaires sans rapport avec notre condition véritable ? Rechercher le fondement qui rend possibles ces cexpériences qui sont véritablement les nOtres (d'une maniére actuelle ou potentielle), c'est bien Ia le but de Yontologie, Parce que 'onto- logie est une science positive, cette recherche, toutefois, est une recherche sigoureuse. Ce qu'elle montre, c'est que si la finitude CONCLUSION 285 est pour la réalité humaine une expérience irrécusable, une telle expérience ne peut précisément pas recevoir le fondement qu’on lui assigne trop souvent et qui consiste dans une interprétation philosophiquement naive du phénoméne de Vincatnation. ‘A viai dite, ds qu'il s’agit de finitude ou de contingence, on se trouve en présence de certains schémes de pensée qui n’ont le plus souvent aucun fondement philosophique réel. Ainsi Paffirmation de la finitude de Vaction humaine prend-clle place chez Hegel & Tintérieur d'un horizon dont la destruction ontologique a fait apparaitre les présuppositions impropres. De méme Ia connexion en vertu de laquelle Pélucidation du phénoméne de Pincarnation fait si souvent se lever Vidée de contingence, repose en fait sur le caracttre inadéquat d'une telle élucidation, en tant qu’elle prend pour fil conducteur le seul statut du corps objectif, abstraction faite des résultats auxquels aboutirait inévitablement une analyse onto- logique exhaustive ne portant pas seulement sur un corps trans- cendant mais aussi, et essenticllement, sur Pétre originaire du corps absolu. En d’autres termes, Pontologie ne repousse a priori que les interprétations naives des idées de finitude ou de contingence. Pour de telles idées et pour les expériences qu’elles traduisent, elle recherche, an contraire, un fondement positif. Cest par une telle recherche que Vontologie exerce précisément sa juridiction a Yégard du patrimoine culturel — philosophique, religieux ou moral — dont dispose ’humanité, et qu’elle se manifeste & nous comme la seule science réellement positive susceptible de donner éventuellement un sens a la tradition. Cette tache qui, en tant qu’elle doit étre appelée tune élucidation ontologique, est la plus haute 4 laquelle puisse pré- tendre la philosophie, s’impose d’autant plus impérieusement qu’est plus fonciére Pobscurité dans laquelle baignent les questions qui Soffrent & Panalyse. Lorsque ces questions se tapportent au corps et 4 la finitude, il n’est pas exagéré de dire que cette obscurité est & peu pits totale. 286 PHILOSOPHIE ET PHENOMENOLOGIE DU CORPS Tlest certain que la tradition établit un rapport entre la corportité et la finitude de la nature humaine, Ce rapport s’approfondit dans la pensée plus spécifiquement chrétienne jusqu’a ce point extréme oii le corps regoit la signification d’étre le péché. Que faut-il entendre, toutefois, par un tel corps, pourva d'une telle signification? Ce corps, qu’on appelle encore la chair, se présente au croyant comme le symbole méme de sa perdition possible, il n’est peut-étre pour lui rien d’autre, A vrai dire, que Pangoisse devant la possibilité de sa perdition, Le corps est ainsi senti et pensé comme Vobstacle qu'il faut vainere et auquel il faut s’arracher pour parvenir au contraire au salut, Ce dernier, envisagé dans son opposition tadicale a la vie du corps, est appelé la vraie vie, qui est une vie nouvelle, une vie de I’ « esprit». En tant qu’il se rapporte & la possibilité de la perdition et de Ia chute, Je corps ne designe rien dautre qu'un mode ditermink de Pexistence humaine, Ce mode est assurément compris comme lié essentiellement & la finitude, Cest-i-dire au péché, il n’en demeure pas moins un mode de notre vie, un mode sud generis auquel s’oppose un autre mode concevable et parfois réel dans lequel consiste alors le salut. Par « corps » il ne convient donc nullement dentendre ct corps objectif qui est chose, ce qui est ici signifié, est une modalité nettement définie de la vie de la subjectivité absolue. Pour cette méme raison, le « corps » dont il s'agit dans Vanthropologie chrétienne et qui est assimilé au péché, ne peut pas davantage étre confondu avee notre corps organique. Ce dernier, semblable en cela au corps objectif, n’est jamais, en effet, qu’un existant, il n’a done rien & voir avec un mode de Pexistence. Dira-t-on que le corps qui appartient la vision chrétienne du monde, et tel qu’il est compris dans cette vision, doit alors étre assimilé au corps absolu, c’est-a-dire A ce corps originaire dont nous avons bien montré qu'il appartient, quant a lui, & la sphére de existence subjective ? Ce serait commettre une grave confusion, oublier la différence qui doit toujours étre maintenue entre deux CONCLUSION 287 points de vue absolument différents, le point de vue existentiel et Je point de vue ontologique, Le « corps » am sens cbritien désigne un mode particulier de Vexistence, il se référe & une intentionnalité spécifique qui s’offre A nous comme une détermination possible parmi une infinité d’autres déterminations existentielles correspondant Ades types différents. Le corps, envisagl maintenant dan point de one ontologique comme corps absolu, ne renvoie & aucune intentionnalité particuliére de notre vie corporelle, il ne désigne rien d’autre que Pétre commun de toutes ces intentionnalités, c’est-A-dire le milien ontologique originaire auquel elles appartiennent toutes, De telles intentionnalités sont compossibles 4 Vintérieur de étre originaire de notre corps absoln, les décrire selon leurs articulations existentielles propres n’est pas la téche de Pontologie qui accomplit seulement Ie travail préparatoire & cette description. Ti convient donc de distinguer soignensement le « corps » en tant que mode défini de notre existence historique, mode dans lequel cette existence se manifeste 4 la conscience religieuse comme une existence pécheresse, et, d’autre past, le milieu ontologique du corps absolu dans lequel se déploient toutes les intentionnalités de la vie corporelle et toutes les formes d’existence dont cette existence déter~ minée que le christianisme appelle aussi, il est vrai, le corps ou encore Ia chair, n’est précisément qu’une forme particuliére et contingente. Contingente, Pexistence qui se livre au péché Pest au plus haut point, en ce sens que, parmi toutes les formes possibles d’existence qui soffrent a elle, la forme déterminée qu’elle revét n’est nullement prescrite a priori par la structure ontologique du corps absolu, et cette absence de toute prescription d’ordre éidétique qui ferait du péché quelque chose de nécessaire, la théologie chrétienne Pexprime en disant de ce péché qu’il est un accident historique et que le lien qui Punit a la « nature » humaine ne peut nullement étre interprété 4 la lumige une nécessité comparable & celle qui appartient & Pordre des essences. En d'autres termes, est sme signification purement —al CONCLUSION 289 288 PHILOSOPHIE ET PHENOMENOLOGIE DU CORPS existentelle que Panthropologie cbrétienne confire au mot « corps» lorsqw'elle ii fait désigner un ttat voisin du pécbb ou susceptible dy conduire. Le corps ainsi entenda ne désigne en aucune fagon une réalité ontologique : il est ni de corps objecif, ni le corps organique, ni le corps absolu en tant que tel. Ce qu'il traduit, est un état de Pexistence qui suppose sans doute la structure ontologique fondamentale des trois corps, au méme titre cependant que nYimporte laquelle de nos intentionnalités : sur cette structure repose aussi bien, par exemple, état déterminé et privilégié de Vexistence dans lequel consiste pour celle-ci Je salut. Nile salut, ni le péché ne peuvent par conséquent étre rapportés, en tant que tels, A des structures ontologiques. La « chair» et P « esprit » désignent ’un comme Pautre, dans le christianisme, des modes spécifiques de Vexistence, qui s'opposent sans doute dune fagon radicale quant a la valeur religieuse qui leur est conférée et quant 2 Ia signification métaphysique qu’ils regoivent, par suite, en ce qui concerne le destin de homme, mais qui n’en restent pas moins deux modes de Pexistence, cest-A-dire deux intentionnalités appartenant comme telles a la méme sphére ontologique de la subjec- tivité absolue. Aw point de sue oniologique, il ny a done aucune difference entre la « chair» et? « esprit». Crest alors Punité méme de la tradition occidentale qui est mise en question. Cette unité semble reposer, nous Pavons vu, sur une conception dualiste de la nature humaine, conception dont les origines assu- rément remontent fort loin. Cest dans Pbellénisme, tontefois, nullement dans le christianisme, qu’ convient de chercher celles-ci, s'il est vrai que le dualisme de la chair et de esprit ne revét aucune signification onto- logique dans l'anthropologie chrétienne. En Gréce, au contraire, Fidée qu’on se faisait de Phomme correspondait bien & celle que nous livre aujourd'hui la tradition humaniste qui voit dans la nature humaine une sorte de rapport entre deux termes opposés aux exigences desquels il doit étre également satisfait. L’équilibre difficile A trouver et & maintenir entre ces termes est le but dune éthique qui reste ainsi soumise a l’idée grecque de Yharmonie, Nous avons déji eu Poceasion de notes, cependant, qu’aux yeux d’un tel humanisme origine hellénique, les deux éléments qui doivent cohabiter harmo- nicusement dans Phomme sont loin d’étre placés sur le méme plan, ce sont bien deux xéalités ontologiquement hétérogénes, dont lune reste supérieure. En tant que corps, Phomme n’est qu'un animal, est Vesprit qui Péléve 4 la dignité proprement humaine. A cet esprit, on demande seulement d’avoir en quelque sorte le libéralisme de ne point mépriser le corps. Parce que ce dernier est tenu pour une réalité objective, il demeure quelque chose de contingent, de périssable, Pinférieur. ‘A ce point de vue, qui s’exprime d’une maniére générale dans la tradition gréco-humaniste, le christianisme s’oppose d’une maniére radicale. En tant qu’il considére le corps, non plus comme un mode déterminé et contingent de notre existence historiqne, mais comme une réalité ontologique constitutive de la nature humaine, il formule a son sujet une série d’affirmations surprenantes qui, A vrai dire, ne peuvent recevoir un sens philosophique qu’a V’intérieur de la doctrine du corps subjectif, Car cest seulement si notre corps est, dans son Gtre originaire, quelque chose de subjectif, que les bréves allusions faites par la dogmatique au sujet de son destin métaphysique peuvent étre autre chose que des conceptions extravagantes. Extravagantes, en effet, devaient nécessairement paraitre, aux yeux des Grecs, des affirmations comme celle qui pose au titre d’un dogme la résurrection du corps. C’est pourquoi les Corinthiens s’en allérent en ricanant lorsque saint Paul prétendit ne pas réserver & Pame le privilege de cette résurrection. I est clair, au contraire, que si Vétre originaire de notre corps est quelque chose de subjectif, il tombe, au méme titre que «ame », sous la eatégorie de ce qui est susceptible d’étre répété et Cétre jugé. Crest manifestement au contenu de la théologie chrétienne que Rimbaud a emprunté P’étrange affirmation que nous avons commentée. a HENRY 19 290 PHILOSOPHIE ET PHENOMENOLOGIE DU CORPS Lranalyse ontologique nous permet seule d’apporter quelque clarté dans un domaine qui ne pourrait étre autrement que celui des confusions ou méme des contradictions. Car on n’a pas assez remarqué, semble-t-il, que la tradition chrétienne nous propose au sujet du corps deux théses radicalement opposées, dans la mesure of elle affirme, dune part, que le corps est le péché et, de l'autre, quill est appelé a In résurrection, Faut-il donc comprendre que le péché est promis a la gloite divine ? La dissociation entre les signifi- cations existentielle et ontologique du mot « corps » écarte seule pareille absurdité, Et pourtant, une telle dissociation doit étre pensée 4 la lumidre d'une unité plus fondamentale. Cette unité, Cest pré- cisément la théorie du corps subjectif qui nous Ja fournit. Car, en fait, le comps n’est susceptible d’étre le péché que parce qu'il est aussi ce qui est susceptible de ressusciter. Le péché ou la résurrection, Ja fnitude ou le salut, ne ce event qu’a Pintérieur de la catégorie de Ja subjectivité. Singulitrement hatif apparait, a cet égard, le reproche adressé par Nietzsche aux chrétiens, celui d’étre des « contempteurs » du corps. Pareille assertion appartient incontestablement 4 la catégorie de ces affirmations gratuites qui me peuvent servit la culture que dans la mesure oi elles nous invitent & prendre une claire conscience de Vindigence de leur fondement. Et, tout d’abord, en formulant une telle critique, Nietesche est dupe d’une confusion grave dont sa philosophie n'est certes pas Porigine, mais qu’elle a grandement contribué a renforcer. Cette confusion consiste & attribuer au christia~ nisme des thémes qui lui sont tout a fait étrangers et relevent ‘au contraire de la tradition gréco-humaniste. C’est ainsi que Nietzsche s'imagine que le chtistianisme s’en prend au corps en tant que tel, en tant que réalité ontologique appartenant en propre et d'une manitre essentielle a la xéalité humaine, alors que par « corps » Panthropologie chrétienne n’entend rien d’autre qu'un mode contin- gent, spécifique, et nettement défini de notre existence. Quant CONCLUSION 291 Petre réel de notre corps, en tant qu’essence ontologique fonda- mentale, Nietzsche ne voit pas que le christianisme s’en fait une idée beaucoup plus haute que lui, beaucoup plus philosophique aussi, puisqu’il s’éleve A Vidée du corps subjectif ou, du moins, implique celle-ci comme une présupposition nécessaire, Pour Nietzsche, au contraire, le corps demeure ce qu'il est dans le dua- lisme traditionnel d’origine hellénique, une réalité hétérogéne & la conscience et a Vexistence subjective. Pen importe, alors, qu’on congoive une telle réalité la lumiére des exigences du vitalisme ‘tomantique quand le mécanisme cartésien n'est plus qu’une platitude passée de mode, peu importe aussi qu’on Vexalte au lien de la dévaloriser, Ia révolution qu’on croit opérer ne va pas au-deld de la simple promotion de préférences subjectives, loin de mettre en cause le cadre traditionnel de la réflexion philosophique, elle Vimplique bien plutdt et en reste dupe dans son apparente nouveauté. ‘Létre originaire de notre corps, en tant que réalité ontologique fondamentale, ayant regu son statut propre, on pourrait penser que Je moment est venu de déterminer d’une fagon précise le sens de cette intentionnalité particuliére que la dogmatique chrétienne désigne également sous le nom de « corps », celui-ci recevant alors une signi- fication strictement existentielle et non plus ontologique. De cette intentionnalité particulitze, envisagée comme une détermination de notre existence historique, le christianisme dit qu’elle est le péché. Par WA, il faut entendre que la conscience qui fait sienne ‘une telle intentionnalité assume du méme coup, et d'une maniére essentielle, un mode fini existence qui I'écarte radicalement de Dieu, ce mode fini d’existence ne pouvant plus signifier pour elle que le désespoir et la perdition. En quel sens toutefois une intentionnalité déterminée, Cest-a-dire un mode de la vie absolue de la subjectivité, peutelle étre dite finie, de telle maniére qu’on puisse lui appliquer les catégories du péché et de la chute? La tiche de répondre a une telle question ne se recouvre pas exactement avec celle de décrire

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