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Nouvelle série n° 13 (382) - 09 juillet 2010 - 0,50 euro

BULLETIN DE DISCUSSION PRÉPARATOIRE

À LA CONFÉRENCE MONDIALE OUVERTE
CONTRE LA GUERRE ET L’EXPLOITATION
ALGER NOVEMBRE 2010

Sommaire :

Pages 2 / 3 / 4 — Venezuela :
Interview d’Alberto Salcedo

Page 5/ 6 / 7 - Moldavie :
le «programme anticrise»,
une nouvelle tentative des capitalistes
pour résoudre les problèmes de leur
système sur le dos des travailleurs.

Pages 7 / 8 Togo :
Interview de Pierre Sénouvo

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Entente internationale des travailleurs et des peuples
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 VENEZUELA

INTERVIEW D’ALBERTO SALCEDO

POINTS DE REPERE:

Le Caracazo: Soulèvement populaire contre le paquet

de mesures proposé par le Fonds monétaire international,
appliqué par le président Carlos Perez en février 1989. La
répression qui a suivi a provoqué la mort de 3 000 personnes
et des dizaines de disparus. Il a marqué la rupture du mou-
vement des masses avec les partis du Pacte de Point fixe.

PDVSA: Pétroles du Venezuela SA. Entreprise pétroliè-

re d’Etat. Elle occupe le quatrième rang mondial parmi les
entreprises pétrolières.

Pacte de Point Fixe: Accord politique entre les partis

AD, COPEI et URD pour se partager le gouvernement de
l’Etat au Venezuela. Après le départ de l’URD, il est réduit au
binôme AD-COPEI. Il a existé de 1958 à 1998.

11 avril 2002 : ll’opposition avec le soutien de l’am-

bassade américaine organise un coup d’Etat avec la partici-
pation de la bureaucratie de la Confédération des tra-
vailleurs du Venezuela (CTV). Chavez est arrêté. Mais la réac-
tion des quartiers ouvriers et populaires et de la majorité des
sous-officiers de l’armée permet de rétablir Chavez au gou-
vernement.

Décembre 2002-Janvier 2003 : L’encadrement de

PDVSA, entreprise du pétrole, avec le soutien de l’opposition
organise un lock-out patronal. Qui sera défait par la réaction
de la grande majorité des travailleurs de PDVSA. Rupture
avec l’ancien syndicat officiel, la CTV ; en avril 2003, se tient
le congrès constitutif de l’UNETE qui est aujourd’hui la prin-
cipale centrale syndicale du Venezuela.

15 août 2004 : Chavez remporte le référendum révo-

catoire.

2 décembre 2007 : il échoue dans la réforme constitu-

tionnelle qui aurait permis sa réélection.

26 septembre 2010 : prochaines élections législatives

PSUV: Parti Socialiste Unifié du Venezuela. Parti qui est

né de la fusion du MVR avec des secteurs issus du PCV,
PODEMOS, PPT, MEP, LS. Il a un lien puissant avec l’appareil
d’Etat.
UNETE: Union Nationale des Travailleurs du
Venezuela. Principale centrale syndicale du Venezuela.
CTR: Collectif des travailleurs en révolution. Principal
courant syndical au sein de l’UNETE. Sa principale dirigeante
est Marcela Maspero.
Nous interviewons, Alberto Salcedo, membre de la
direction provisoire de l’UNETE. Signataire de l’appel de la
Conférence mondiale ouverte (CMO), il fera partie de la
délégation vénézuélienne. Alberto nous parle de son itiné-
raire politique, de la situation politique du pays et de la pré-
paration de la CMO au Venezuela.

CTV: Confédération des travailleurs du Venezuela.

Pendant près de cinq décennies, la principale centrale syndi-
cale du Venezuela, sous la direction du parti AD.

C-CURA: Courant de classe unitaire révolutionnaire et

autonome. Ex courant syndical de l’UNETE. Très affaibli
actuellement. Ils sont les alliés de la CTV dans le Mouvement
de solidarité du travail. Son principal dirigeant est Orlando
Chirino.

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 Informations internationales: Avant d’aborder
la situation du Venezuela, parle-nous brièvement de
ton parcours politique.
Alberto: Je suis né en Colombie et j’ai commen-
cé à militer dans le mouvement étudiant. En 1971,
j’étudiais à l’Ecole technique et il y a eu un mouve-
ment pour la Réforme universitaire. La répression a
fait plus de 20 morts parmi les étudiants. Le mouve-
ment s’est étendu aux lycées et au mouvement
ouvrier qui revendiquait l’augmentation des salaires.
En 1978, je suis venu au Venezuela et j’ai participé
aux combats du mouvement ouvrier de ce pays.
Informations internationales: Tu as donc partici-
pé à tout le processus révolutionnaire que vit le
Venezuela depuis le “Caracazo”?
Alberto: Oui, bien sûr! Cela a été et reste un pro-
cessus très riche, une expérience qu’il faut partager
avec les travailleurs du continent et du monde entier.
Ce processus montre la possibilité de combattre l’im-
périalisme et de vaincre. Cela dit, le chemin n’est pas
facile et souvent imprévisible. Personne ne s’atten-
dait au « Caracazo » de 1989. Le gouvernement de
Carlos Andrés Pérez applique les plans du FMI et en
février 1989 il annonce le gel des salaires, l’augmen-
tation des impôts, des prix des denrées alimentaires,
des médicaments, du transport et de bien d’autres
choses, en plus des privatisations. Assez pour que les
masses populaires fassent irruption sur la scène poli-
tique, démantèlent l’ensemble des institutions et
ouvrent le processus révolutionnaire. La défense de
la nation a été mise à l’ordre du jour !
Informations internationales: Quelle a été la
participation de Chavez dans ce processus?
Alberto: La satisfaction était générale, y com-
pris dans l’armée, d’où est issu Chavez. Il faut
noter le rôle historique de l’armée et sa composi-
tion sociale. Le combat de Bolivar et d’autres lea-
ders de l’Indépendance a laissé des traces profon-
des et un « sentiment nationaliste ». La majorité des
officiers et des sous-officiers et une grande partie des
généraux viennent de secteurs populaires. Mais, dans
la mesure où la classe ouvrière n’a pas d’organisa-
tions de classe (la CTV était un « appareil pour affai-
res ») et du fait de l’absence d’un parti représentant
les travailleurs, les secteurs nationalistes de l’armée
occupent une place particulière dans le combat cont-
re l’impérialisme. Chavez est un produit de cette
combinaison de facteurs et interprète le sentiment
populaire.
Il essaie de parvenir au pouvoir par un coup
d’Etat en 1992, échoue et est emprisonné. En 1994,
avec d’autres insurgés, il sort de prison et les secteurs
populaires le reçoivent en héros. Il propose de nou-
velles institutions et une nouvelle Constitution, il met
à l’ordre du jour le mot d’ordre d’Assemblée consti-
tuante. La bourgeoisie, les médias, personne ne pen-
sait que Chavez gagnerait les élections de 1998 !
Dans le Zulia, avec la victoire de Chavez et la
Constituante, nous avons formé le « Front consti-
tuant des travailleurs ». Les revendications de ce
front étaient : récupérer les prestations sociales,
négociées par la CTV ; démocratiser les syndicats et
3
récupérer la CTV comme Centrale syndicale ainsi que
des revendications sociales sur le travail et démocra-
tiques qui ont été inscrites dans la Constitution.
Il est à remarquer que jusqu’au coup de 2002,
Chavez avait un gouvernement appelé par lui-même de
« troisième voie », qui cherchait la « coexistence » avec
les multinationales, à négocier avec l’impérialisme.
Après le coup d’Etat, cette « coexistence » s’est avé-
rée difficile. Les masses se radicalisent et Chavez, qui
n’avait pas touché à PDVSA (société nationale du
pétrole), en prend le contrôle car elle était source de
grandes « affaires » pour les multinationales et l’im-
périalisme. C’est pourquoi la Fédécamaras (organisa-
tion patronale), les directeurs et les gérants du
PDVSA organisent la « grève du pétrole » qui est à
nouveau défaite par les masses populaires, en parti-
culier par le mouvement ouvrier et syndical.
Informations internationales: Que s’est-il passé
au sein du mouvement syndical après le soutien de la
CTV à la “grève”?
Alberto: En 2001, avant la “grève”, la CTV appel-
le à des élections. Nous essayons de « récupérer » la
Centrale, mais nous n’avons pas pu nous mettre d’ac-
cord contre la direction de la CTV. Après la « grève »
il n’y avait plus rien à sauver. La CTV s’est disqualifiée
par son alliance avec la Fédécamaras. En 2003, se
tient la 1ère Assemblée de la nouvelle centrale syndi-
cale, UNETE. En 2006, au IIème Congrès, un courant,
C-Cura, cherche par des méthodes anti-démocra-
tiques à diviser l’UNETE. Son but : opposer les tra-
vailleurs à Chavez, sous prétexte que c’est un gouver-
nement capitaliste de plus. Sous cette « couverture »
gauchiste, ils sont aujourd’hui avec la CTV… Nous
avons commis l’erreur de leur laisser l’usage du nom
d’UNETE pendant trois longues années, en des
moments extrêmement importants pour le mouve-
ment syndical. Les combats syndicaux gagnent en
force, de nombreux syndicats s’organisent hors de la
CTV, les travailleurs confrontés à leurs patrons et aux
multinationales exigent la nationalisation des entre-
prises, et la lutte de Sidor, en 2008, occupe une place
particulière. Tout ceci sans une organisation centrali-
satrice du combat de la classe. C’est pourquoi en
2009, depuis l’Etat de Zulia et à partir du CTR
(Collectif des travailleurs en révolution, courant syn-
dical dont je fais partie), nous avons engagé une lutte
nationale pour relancer l’UNETE. Nous avons obtenu
la réalisation d’un Congrès extraordinaire en deux
parties, l’une en décembre 2009 et l’autre en avril de
cette année. Nous avons adopté la plateforme de
lutte, les statuts de l’UNETE et nous avons élu une
direction provisoire. Le défi maintenant, ce sont les
élections de la centrale encore sans date fixe.
Informations internationales: Quelle est la rela-
tion du mouvement syndical et de l’UNETE avec le
gouvernement Chavez?
Alberto: Nous n’avons pas de problèmes pour
soutenir des mesures positives du gouvernement.
Nous nous occupons des nationalisations dans la ville
et la campagne, mais nous défendons le mouvement
ouvrier et nous avons même organisé des grèves
pour que le gouvernement réponde aux revendica-
tions du travail.
 Nous vivons un moment très difficile, du fait de Informations internationales: Que penses-tu du
la crise mondiale et des difficultés à unifier le mouve- PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela) ?
ment syndical. Les patrons assassinent des dirigeants Alberto: Récemment le PSUV a tenu son Congrès
syndicaux de l’UNETE. Les inspections du travail ne et il s’affermit comme parti avec un programme
défendent pas les travailleurs ; des organismes d’Etat nationaliste, anti-impérialiste. Mais c’est un parti où
licencient des dirigeants syndicaux ; des contrats col- la classe ouvrière n’a pas d’expression garantie. Le
lectifs venus à terme ne sont pas discutés, en particu- programme adopté ne contient pas une seule ligne
lier pour le secteur public. Il y a des bourgeois dans le pour la défense des organisations des travailleurs et
gouvernement, attachés au maintien de la précarité de l’UNETE. Il parle de contrôle ouvrier, mais com-
du travail. De sorte qu’ils font obstacle à la Réforme ment cela est-il possible sans les organisations des
du travail. travailleurs ? Les résultats du congrès du PSUV ont
C’est pour- souligné enco-
quoi, malgré les re davantage
nombreuses l ’i m p o r t a n c e
avancées, il faut de l’UNETE.
encore approfon- Même ainsi,
dir, nous avons nous appelons
besoin d’organi- à voter pour
sations indépen- ses candidats
dantes des tra- aux élections
vailleurs. Si nous du 26 septem-
n’avançons pas bre. Chavez, le
dans cette voie, le PSUV, sont un
processus révolu- obstacle pour
tionnaire sera en l’impérialisme.
danger. La victoire de
l’opposition
Informations pro-impérialis-
internationales: te ne convient
Pourquoi? pas aux tra-
vailleurs. Nous
Alberto: ne voulons pas
Ecoute, vois l’i- reculer, nous
nefficacité de voulons avan-
l’administration cer dans la
publique qui lais- révolution.
se pourrir 70 mille
tonnes d’ali-
ments. C’est ce Informations
qui fait que des internationa-
travailleurs met- les: Pour finir,
tent en question le Venezuela
la capacité du aura-t-il une
gouvernement délégation à la
dans ces affaires. Conférence
En même temps, mondiale
les conflits dans ouverte?
les entreprises Alberto: Bien
nationalisées font entendu. Je
que d’autres se pensé partici-
demandent s’il ne vaut pas mieux travailler dans le per à la délégation et nous sommes en train d’orga-
secteur privé. Ceci sape le soutien au gouvernement niser la campagne pour collecter les fonds pour y par-
parmi les travailleurs et leurs organisations. La bour- venir. Je veux partager avec des camarades du monde
geoisie n’est pas sotte et lance une campagne qui entier l’expérience et les problèmes auxquels nous
associe la défense de la propriété privée – donc cont- sommes confrontés au Venezuela. Je veux connaître
re la nationalisation – à la défense de l’emploi. Avec les problèmes des travailleurs aux USA et en Europe.
l’inestimable aide de dirigeants de la CTV et d’autres Œuvrer pour l’unité du mouvement ouvrier contre
! Pour avancer, il faut résoudre ces problèmes et l’impérialisme et l’UE et les empêcher d’en finir avec
prendre d’autres mesures. Le Venezuela doit déve- les conquêtes sociales. C’est fondamental pour la pro-
lopper la campagne car près de 60% des produits ali- gression de notre combat contre l’impérialisme dans
mentaires sont importés. Concernant le contrôle des le monde, en défense des organisations indépendan-
changes, malgré plusieurs tentatives, il n’a pas été tes des travailleurs.
mis en oeuvre. Y parvenir exige des mesures conjoin-
tes, comme le contrôle du commerce extérieur et de
la Banque.

4
 MOLDAVIE

Le « Programme anticrise »,
une nouvelle tentative des capitalistes
pour résoudre les problèmes de leur système
sur le dos des travailleurs.

Dès l’été 2009, le cédente. La réduc-

gouvernement du tion des recettes du
Parti des budget est dû à la
Communistes de la baisse des rentrées
République de de la TVA sur les
Moldavie a dû recon- produits importés et
naître que la crise des taxes sur le
avait fortement commerce extérieur.
ébranlé l’économie
de notre pays, Comment la classe
contrairement à tou- dirigeante et son
tes ses déclarations gouvernement
préélectorales du s’apprêtent-ils à
début de l’année sur résoudre la tâche
« l’ilot de stabilité » de « stabilisation et
qu’aurait représenté redressement de
la Moldavie. Il a l’économie » ?
fallu que le gouver- Comme dans les
nement de coalition autres pays, par des
de tous les ex-partis Ouvriers de l’usine de raffinerie de sucre de Cupcini : économies « féro-
d’opposition qui a « Nous exigeons la renationalisation de notre usine » ces » sur les dépen-
triomphé aux élec- ses sociales. Toutes
tions législatives de juillet 2009, adopte, en décem- les mesures « anticrise » de ce programme, hormis
bre, un « Programme de stabilisation et de redresse- quelques phrases vides sur la « défense sociale » et le
ment de l’économie de la république de Moldavie pour « rétablissement de l’activité économique » se ramè-
2009-2011 ». Comme il est, à juste titre, indiqué dans nent à une augmentation des recettes et une diminution
le texte, la chute de la consommation, consécutive à la des dépenses de l’Etat. De plus une mesure essentielle
baisse de plus d’un tiers, sur les sept premiers mois de est « l’ouverture de négociations avec le Fond
l’année, des mandats envoyés de l’étranger, a été la rai- Monétaire International pour un nouveau Programme
son principale de la stagnation de l’économie, basée de politique économique et financière », c’est-à-dire,
sur un modèle de développement inviable qui reposait traduit en langue courante, la demande de nouveaux
sur la consommation et les importations et non sur les crédits pour couvrir le déficit. Sur ce plan, le gouver-
investissement et les exportations. La Moldavie a inté- nement de coalition a obtenu de francs succès, si bien
gré l’économie mondiale en tant que pourvoyeuse de que, d’après les données du ministère des Finances, du
main d’œuvre à bon marché et de débouché pour les début 2010 au 30 avril, la dette extérieure a augmenté
exportations, elle en est donc extrêmement dépendan- de 208,91 millions de dollars depuis le début 2010 et
te. la dette intérieure de 110,5 millions. Il convient de sou-
ligner que les institutions financières internationales
Sur les six premiers mois de l’année 2009, le PIB a comme le FMI, la banque Mondiale, la Banque
chuté de 7,8% en comparaison de la même période de Européenne de Reconstruction et de Développement
2008 et, dans le secteur industriel, pour la même pério- conditionnent leurs prêts à l’exigence de « réformes
de, la baisse a atteint 24,3%. D’après les données offi- structurelles », privatisation de la propriété d’Etat, des
cielles (qui ont généralement tendance à minorer les services publics, baisse du niveau des garanties socia-
statistiques « désagréables »), la somme des retards de les et coupes des dépenses correspondantes du budget.
salaires de janvier à juillet 2009 a augmenté de 1,7 fois Ainsi, de facto, l’essentiel des mesures de ce
par rapport à la même période de l’année précédente. Programme est dicté par le FMI.
Le chômage a crû dans les mêmes proportions. La
crise a pesé également sur les recettes budgétaires qui Pour arrondir son budget, le gouvernement prévoit
ont diminué de 6,9% ce qui a conduit à un déficit sans d’augmenter les taxes sur les produits de luxe (auto-
précédent de plus de 2,5 milliards de leis. Le niveau de mobiles, parfums, bijoux), un impôt routier sur les voi-
ce déficit est supérieur de 8,6% à celui de l’année pré- tures de tourisme, une taxe sur les cigarettes, les

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alcools, l’essence et ses dérivés, un nouveau système « frais partagés », c’est-à-dire l’augmentation des
d’imposition sur l’immobilier. Il est également prévu dépenses des patients.
d’améliorer le système de l’administration fiscale et
des douanes (prévenir les minorations aux douanes, Dans le domaine des services sociaux il y aura une
réévaluation des bénéfices etc…). Mais le Programme « adaptation du mécanisme d’indexation des verse-
prévoit aussi la reprise de la privatisation de la pro- ments de l’assurance sociale aux conditions écono-
priété d’Etat, 214 entreprises doivent être mises en miques existantes », c’est-à-dire que le gouvernement
vente, dont 50 + 19 projets en cours de construction peut justifier le gel de ces versements et leurs bénéfi-
mis aux enchères en juillet 2010 et 9 biens culturels ciaires n’auront qu’à se débrouiller pour survivre. On
(cinémas…) proposés à un « concours d’investisse- prévoit également « l’unification de l’âge de la retrai-
ment pour la vente de biens publics ». te et du calcul de son montant pour toutes les catégo-
ries de retraités », ce qui signifie la suppression de la
Ces mesures d’augmentation du budget de l’Etat ne possibilité pour certaines catégories (par exemple
touchent qu’assez peu les travailleurs (sauf la taxe sur ceux qui travaillent dans des conditions nuisibles à la
l’essence qui va augmenter le coût des transports). Le santé) de partir plus tôt. Pour ne pas désobliger les
véritable caractère du Programme apparaît dans les capitalistes, le Programme prévoit aussi « l’augmenta-
paragraphes ou le gouvernement indique comment il tion de la responsabilité des travailleurs et des
entend « optimiser » les dépenses budgétaires de employeurs pour la minimisation des dépenses pour
l’Etat. absences au travail liées à des maladies ou à des acci-
dents de travail, par la modification des sources de
Que les dépenses de l’appareil bureaucratique soient financement et du montant des allocations », c’est-à-
rognées et les salaires de ses membres bloqués, on ne dire la diminution de ces allocations. De plus, il est
peut que s’en féliciter. La situation est si grave que la prévu «d’examiner la possibilité d’élaborer un modè-
classe dominante a dû recourir à des mesures aussi le de retraite, fondée sur deux composants, la retraite
inouïes que la suppression des avantages sociaux des de base et une retraite par capitalisation » ce qui amè-
membres des services de sécurité, la diminution des nera à la constitution de fonds de pensions privés (bien
primes mensuelles touchées par les militaires en fonc- connus à l’Ouest pour « laisser tomber » leur clients).
tion de leur bilan, l’unification des indemnités de mis-
sion des collaborateurs militaires et spéciaux et égale- Pour assurer une défense sociale des chômeurs plus
ment des juges et de procureurs. efficace ( du point de vue des capitalistes et leur gou-
vernement), il y aura « une modification du mécanis-
Pourtant c’est sur la science, la culture, la santé, les me d’octroi d’allocations de chômage, en augmentant
services sociaux que le gouvernement va faire porter l’intéressement des chômeurs à rechercher un emploi
l’essentiel des économies. et du service de l’emploi pour une utilisation plus effi-
cace des moyens existants, notamment par la diminu-
D’après le Programme, 130 écoles sur les 1519 que tion de 30% des allocation de chômage au bout de
compte la République vont être « réorganisées » trois mois et à nouveau de 15% au bout de six mois ».
(c’est-à-dire de liquidées), leurs élèves seront
transportés dans les écoles restantes qui, pour certai- Quiconque réfléchit comprendra que le « Programme
nes, prendront le statut « d’école de district », dans des de stabilisation et de redressement de l’économie de la
bus dont le financement n’est pas prévu. De plus, le nom- république de Moldavie pour 2009-2011 » a pour but
bre d’élèves par classe sera augmenté et le nombre de réel de transférer tout le poids de la crise du système
classes diminué, ainsi que le nombre de disciplines ensei- capitaliste sur les travailleurs de notre pays. Mais,
gnées et leurs horaires. Et tout cela, nous dit-on, au nom malheureusement, à la différence de la Roumanie voi-
de « l’accélération du processus d’optimisation du réseau sine où des mesures semblables ont provoqué de puis-
scolaire » et de la « libération de ressources pour amélio- santes réactions populaires, ni les travailleurs de l’en-
rer la qualité de l’enseignement » ! seignement et de la santé menacés par des licencie-
ments massifs, ni les étudiants, ni les chômeurs, ni les
En ce qui concerne l’enseignement secondaire et supé- travailleurs des entreprises promises à la privatisation
rieur, on prévoit « l’introduction du paiement de l’en- n’ont organisé la moindre action de protestation. Il est
tretien en foyer en fonction des dépenses », la diminu- possible qu’ils ne saisissent pas la gravité des mesures
tion de 20% du nombre de boursiers dans les établis- qui les menacent mais quand, cet automne, des centai-
sements d’enseignement supérieur (2° cycle) (de 70 à nes d’enseignants et de médecins se retrouveront sans
50%), « l’optimisation (c’est-à-dire la diminution) du travail et que les autres devront travailler double,
réseau d’enseignement professionnel et spécialisé, alors, peut-être, vont-ils « secouer » leurs syndicats
l’augmentation du nombre d’enseignants sur contrat amorphes, soumis aux patrons et s’engager dans la
dans l’enseignement supérieur », le « développement lutte. Cependant, dans la mesure où, à l’automne, il est
d’un base de droit normative pour assurer l’autonomie possible qu’il y ait le référendum sur la modification
financière des établissements ». de la Constitution et des élections législatives antici-
Dans le domaine de la santé on prévoit la « consolida- pées, il y a, dans cette période où les principaux grou-
tion et la restructuration » des hôpitaux, ce qui signifie pes bourgeois du pays s’affrontent dans la lutte pour le
certainement la diminution de leur nombre et le report pouvoir, une possibilité d’obtenir l’annulation des
des charges sur les établissements restants. De plus le principales mesures antisociales du Programme. La
Programme prévoit l’introduction d’un mécanisme de crise politique au sommet, après les élections du 5

6
avril 2009 (les émeutes du 7 avril 2009, le boycott par banlieue de Kichinev) ont fait grève. Et il ne s’agir là
les députés de l’opposition de l’élection du président, que des manifestations dont nous avons appris l’exis-
l’échec du PCRM (Parti des Communistes de la tence.
République de
Moldavie) aux élections « Socialisme ou
anticipées du 29 juillet barbarie », ces
2009, le boycott par les mots de Rosa
députés du PCRM, en Luxembourg sont
décembre 2009, de l’é- plus actuels que
lection du Président) ren- jamais. Pour la
dent la classe dirigeante survie du systè-
plus vulnérable. me pourri de la
propriété privée
Malheureusement, le capitaliste, on
mouvement ouvrier est nous prive de la
encore trop faible et ne possibilité d’étu-
met pas à profit ces cir- dier normale-
constances favorables à ment, de nous
la lutte. En même temps, soigner, de béné-
depuis le début de la ficier de la sécu-
crise, on observe une rité sociale, du
montée des manifesta- travail, d’un
tions ouvrières et leur logement digne.
radicalisation. C’est ainsi Ceux qui ont
qu’en 2009, les tra- amassé leur capi-
vailleurs des raffineries tal en exploitant
de sucre de Glodeni et notre travail exi-
Cupcini, ainsi que les tra- gent que nous
vailleurs de Moldcarton soyons « respon-
ont organisé des mee- sables » et accep-
tings contre les infrac- tions « le parte-
tions au droit du travail nariat social ».
qui les frappaient. En Mais nous disons
plus de leur autres reven- : « bas les pattes
dications, ils ont avancé devants nos
l’exigence de la renatio- droits, nous ne
nalisation (le retour à la paierons pas votre
propriété sociale/proprié- crise ! Non au
té d’Etat) de leurs entre- partenariat social
prises. En 2010, comme l’essentiel de leurs revendica- avec les exploiteurs ! » Dans le monde entier la classe
tions n’avaient pas été satisfaites, ils ont repris leurs ouvrière lève le drapeau de la lutte pour en finir avec
manifestations et, les 8 et 20 avril, les ouvriers de la ce système failli !
raffinerie sucrière de Cupcini et les habitants ont occu-
pé la voie de chemin de fer Odessa-Brest. En juin les La délégation de Moldavie (ex-URSS)
ouvriers de la carrière de pierre de Ferouechty (dans la à la conférence d’Alger

TOGO

INTERVIEW DE PIERRE SENOUVO

Pierre Sénouvo est secrétaire général de la
Fédération des travailleurs de l’enseignement de
l’Union nationale des syndicats indépendants du
Togo (FETREN-UNSIT). A titre personnel, il
participe aux activités de l’Entente internationale
des travailleurs et des peuples. Il parle de la situa-
tion togolaise et des raisons de sa participation à
la conférence d’Alger.
7
Le 27 avril dernier, les 50 ans de l’indépendance du
Togo ont été célébrés dans l’indifférence générale
de la population. Comment expliques-tu cette
situation ?
L’indépendance (l’Ablodé) du Togo a été obtenue à
l’issue des consultations référendaires du 27 avril
1958 et proclamée le 27 avril 1960. C’est une victoire
contre la poursuite du régime de tutelle (d’abord de la
SDN, puis de l’ONU) et contre le projet de
Communauté française d’Afrique de l’impérialisme
français.
Apparus à partir de décembre 1945, les syndicats des
travailleurs ont joué un rôle déterminant dans cette
victoire. A leurs revendications sociales, ils asso- 1990, de nou-
ciaient des revendications d’ordre démocratique. En veaux syndicats
réclamant, par exemple, la liberté de réunion, les syn- sont nés. On en
dicats ont ouvert une porte à la liberté d’organisation dénombre au
sur le plan politique. A quelques mois du référendum total six recon-
de 1958, c’est leur menace de grève qui a obligé l’ad- nus actifs par le
ministration coloniale à afficher publiquement les lis- Bureau interna-
tes d’électeurs et à délivrer les ordonnances qui don- tional du tra-
naient le droit de vote à chaque « indigène », etc. Le vail. Certains,
premier président démocratiquement élu fut assassiné parmi eux,
lors du coup d’Etat militaire du 13 janvier 1963, orga- semblent avoir
nisé par le gouvernement français de l’époque. S’est été mis en place
installé jusqu’à ce jour un régime militaire, véritable par le régime.
supplétif de l’ex-colonisateur et de l’impérialisme. Il Les tentatives
a écrasé le peuple, bradé les ressources nationales. Il d’intégration
applique servilement les plans de pillage du pays dic- des syndicats
tés par l’impérialisme. s’expriment de
Espoir déçu, l’Ablodé a été vidé de son contenu... diverses maniè-
C’est ce qui explique le désintérêt vis-à-vis de ce cin- res. Le Conseil national du dialogue social (CNDS) est
quantenaire. l’un des cadres où cette tendance s’exprime. Par
ailleurs, on tente de mouiller les syndicats dans l’éla-
Quel est l’impact sur la vie de la population togo- boration du document de stratégie pour la réduction de
laise ? la pauvreté (DSRP), dans le cadre des négociations
Cette politique meurtrière se poursuit aujourd’hui. des accords de partenariat économique (APE), dans
Elle a conduit à nombre de privatisations, servi de les discussions avec les missions du FMI, on les noie
point d’appui au FMI pour s’opposer à une revalorisa- ou l’on tente de les engluer dans ladite société civile et
tion des salaires en novembre 2009. Le 19 juin 2010, autres ONG.
c’est la hausse (en moyenne 17,45 %) du prix des pro-
duits pétroliers. Peux-tu nous dire en quelques mots les raisons
L’enquête QUIBB (Questionnaire des indicateurs de pour lesquelles tes camarades et toi préparez votre
base du bien-être — NDLR) réalisée en 2006 établit à participation à la Conférence mondiale ouverte
61,7 % l’incidence de la pauvreté, 74,3 % en milieu d’Alger ?
rural. Santé ? Sinistrée. Education ? Ruinée. Politique Je viens de vous présenter sommairement la situation
de logement ? Inexistante. Accès à l’eau courante ? Un au Togo. Un cliché socialement calamiteux et hideux.
luxe. Energie électrique ? Chère et réservée aux privi- Tout est ruine, désolation et misère, qui, partout dans
légiés des villes, avec des coupures fréquentes. le pays, ont engendré de la rancœur. C’est ainsi que
Infrastructures routières ? Désuètes. Bref, le service l’impérialisme prépare le terreau des guerres vite qua-
public est pratiquement tué. Le taux de chômage et de lifiées d’ethniques. Ce cliché est, en réduit, celui de
sous-emploi, en 2006, est évalué à plus de 32,9 % de toute l’Afrique (et bientôt de l’Europe ?), contre lequel
la population active, ce qui fait 83 % de la population, les travailleurs et les peuples, et leurs organisations, se
estimée à 5 millions d’habitants. battent pour défendre leurs intérêts de classe, indisso-
ciables du maintien des services publics et de l’em-
Une telle politique est-elle possible sans que le gou- ploi, et contre les privatisations et les licenciements,
vernement ne cherche à y associer les directions pour la renationalisation des sociétés privatisées, le
syndicales ? droit légitime et souverain des peuples de disposer des
Depuis le soulèvement populaire d’octobre, le régime richesses nationales, pour l’application des normes
s’est tactiquement façonné une façade démocra- internationales du travail.
tique… La Conférence mondiale ouverte contre la guerre et
Le gouvernement précédent avait dissous dès 1972 les l’exploitation en Algérie nous offre l’occasion d’é-
syndicats pour mettre en place la Confédération natio- changer avec des camarades engagés dans des com-
nale des travailleurs du Togo (CNTT), aile marchante bats similaires dans d’autres pays et de voir ensemble
du parti unique, parti-Etat : le Rassemblement du peu- comment nous pouvons coordonner notre combat
ple togolais (RPT). Avec la « reconquête » des libertés commun à l’échelle internationale contre une offensi-
fondamentales et démocratiques à partir d’octobre ve qui paraît mondiale.

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