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Michel Foucault, Diss et éerits 1978 zs Sexualité et pouvoir vce» conftence& univer de oly le 20 ari 1978, pp. 3877 responsables de I'universicé de tenir avec vous cetce un séminaite au cours duquel on puise, les uns et les autres, essayer dy répondre et plus souvent, d'ailleurs, poser des questions uy répondre. Je voudrais tout spécialement remercier M. Wa nabe qui a bien voulu, depuis maintenant tant d'années, rester en & prendre cette position du maitre, cette n de distance et m’oblige aussi a vous parler d'une manitte sera un petit peu continue, méme si jessaie de Ia rendre la ‘moins dogmatique possible. De toute fagon, je ne voudrais exposer ni une théorie, ni une doctrine, nim recherche, puisque, M. Watanabe I serait de ma part indécent et mal élevé de les reprendre et de vous Jes assener comme un dogme. Je préfére vous expliquer od j'en suis ‘maintenant et quels genres de problémes me préoccupent, et vous accuellement mon travail. Bien sir, je serais erés content exposé, qui, jespére, durere environ une demi-heute, d'heure, nous pouvions discuter, et peureere a ce momenc-la atmosphere sera-telle ~ comment dite ~ plus décontcactée et il sera plus facile d’échanger des questions ex des réponses. Il est entendu, bien sir, que vous pouvez poser les questions en japonais — ce n'est pas que je les comprendrai, mais on me le traduira; vous pouvez les poser également en anglais. Je vous répondrai dans un sabit quelconque et, 1a encore, on s‘arrangera. Je vais essayer ~ 32 Michel Foucault, Dits et terits puisque vous avez la gentillese deere venus pour écouter une confé- rence en francais -, je vais essayer de parler le plus clairement je sais qu’avec les professeurs compétents que vous ave n'ai pas & me faire beaucoup de sous sur votre niveau linguistique, esse veut tout de meme que jessaie de me faire entendre, donc, s'il y a quelques problémes ou des difficuleés, si ‘vous ne comprenez pas ou méme, tout simplement, si vous avez une question qui vous vient & esp ‘posez votre question, nous som: des contacts, pour discuter et pour essayer de rompre le plus pos- sible la forme habituelle de la conférence ‘Je voudrais vous exposer aujourd'hui un état, pas méme de mon ‘cavail, mais des hypothéses de mon travail. Je m’occupe actuelle ment d'une sorte d'histoire de la sexualité, dont j'ai promis avec la plus grande imprudence qu'elle autait six volume pas arriver jusqu’au bout, mais je crois rout de ‘me paraftre qu’ autour de ce probléme de l'histoire de la sex y aun certain nombre de questions es si on les eraitait de fagon convenable. Je Jes taiterai de facon convenable, mais peut- Pourquoi entreprendre une hi ine chose m’avait frappé, cest que Freud, la psychanalyse ont prs le point historique de leur départ — leur point de dépare ~ dans un phénoméne qui, a la fin du xix" siéce, avait tune erés grande imporrance dans la psychiatrie, et méme d'une facon générale dans la sociéeé, on peat le dire, dans la culeure occi- dentale, Ce phénoméne singulier — presque marginal ~ a fascin€ les s, a fasciné d'une fagon générale, disons, les chercheurs, <éressaient d'une maniére ou d'une autre aux problemes ‘rts larges de la psychologie, Ce phénoméne, cétait I'hystérie, Lais~ sons si vous voulez de céeé le probléme proprement médical de Mhystérie; Phystére, essentiellement caractérisée par un phénoméne doubli, de méconnaissance massive de soi-méme par le sujet qui ppouvait ignorer par la hausse de son syndrome hystérique tout un fragment de son passé ou toute une partie de son corps. Cette méconnaissance du sujet par lui-méme, Freud a montré que cela a écé a Le poine d'anceage de la psychanalyse, que était, en fait, une méconnaissance par le sujet, non pas généralement de lui-méme, mais de son désir, ou de sa sexualité, pour employer un mot qui n'est peut-écre pas tis bon. Méconnaissance, donc, de son désit paz le sujet, au début. Voila le poine de dépare de la psychanalyse, et, & 333 Michel Foucault, Dits et derits 1978 d'analyse théorique et d'investigation pratique de ces maladies, Quen estil de la méconnaissance de ses propres désirs? Crest la question que Freud n'a pas cessé de poser. Or, quelle que soit la fécondité de ce probléme, et la tichesse des résultats auxquels on aboutissait, il me semble qu'il y a tout de méme un autre phéno- méne qui est presque l'inverse de celui-ci, phénoméne qui m’a frappé, qu'on pourrait appeler ~ alors Ja, je demande aux profes- seurs de francais de bien vouloir fermer leurs orcilles, car ils me Danniraient de leur cénace, ils me demanderaient de ne plus jamais, rementre les pieds ici, je vais employer un mor qui nexiste pas — un veux dire de savoir en quelque sorce sorte de développement, d’hyper-dé sexualité, de la théorie sur Ja sexuali Peut-étre pourrait-on dire qu'il y avait dans les sociétés occiden- tales, & la fin du xn¢'siécle, un double phénoméne trés imporeant ui était, d'une part, un phénoméne général mais repérable seule ment au niveau des individus, qui était la méconnaissance par le sujet de son propre désir — et cela se manifestait spécialement dans hystérie ~ et en méme temps, au contra, un phénoméne deux phénomenes de méconnaissance de la sexualité par le sujet Iui- méme et de sur-savoir de la sexualité dans Ia sociéeé, ces deux phé- omnes ne sont pas contradictoires. Ils coexistent effectivement dans I'Occident, et I'un des problémes est sans doute de savoir com- ‘ment, dans une sociéré comme la n6tee, il peut se faire qu'il y ait & {a fois cette production théorique, cette production spéculative, ceree production analytique sur la sexualité sur le plan culturel général et, en méme temps, une méconnaissance de sa sexualité par le sujet. Vous sevez qu’a cette question la psychanalyse n’a pas répondu. directement. Je ne crois pas qu’on puisse dire légitimement qu'elle 1's pas abordé exactement ce probléme, mais elle ne I'a pas aon plus tout a fait ignoré et Ia tendance de la psychanalyse serait de dite, au fond, que cette production, cette surproduction ehéorique, discursive quant a la sexualité dans les sociéeés occidentales a’ en fait, que le produit, le résultar d’une méconnaissance de la s 354 Michel Foucault, Dits ot éerite lité qui se produisaic au niveau des individus et dans le sujet lui- iéme. Mieux, je pense que la psychanalyse dirait: c'est méme pour que les su de leur désir qu nntinuent a ignorer ce qu'il en est de leur sexualieé et a toute une production sociale de discours sur la ient aussi des discours etronés, des discours irra- , les psychanalystes ne l'ont guére abordé que par deux voies: soit en prenant comme point de dépare, comme exemple, comme matrice en quelque sorte de savoir sur la sexualité les fameuses théories que les enfants se font quant a leur naissan quant au fait qu’ils ont ou non un sexe masculin, quanc a la ec fille. Freud a essayé de penser le savoi sexualité @ partir de cette production fantasmatique qu’on trouve chez les enfants, ou encore il a essayé daborder le savoir de la sexua~ licé en psychanalyste & partir des grands mythes de la religion occi~ dentale, mais je crois que jamais les psychanalystes none pris td sérieux le probléme de la production de théories sur la sexualieé dans a société occidentale ion massive qui remone es haut ec trés I ‘Augustin, depuis les premiers siécles che est un phénomene A prendre au sérieux et que l'on ne peut p plement réduire a ces modeles que peuvent érre une mythologie ou tun mythe, ou bien encore une théorie fantasmatique. Si bien que ‘mon projet, en faisant "histoire de la sexualité, est de renverser la perspective, non pas du tout pour dire que la psychanalyse se ‘rompe, non pas du tout pour dire qui n'y a pas dans nos sociéeés de méconnaissance par le sujet de son propre désir, mais pour dire ue, d'une part, il faut essayer d’écudier en elle-méme, dans ses ori- ines ec ses formes propres, cette surproduction de savoir socio~ culeurel sur la sexualité et, d’autre part, essayer de voir dans quelle mesure 1a psychanalyse elle-méme, qui se donne justement comme Ja fondation rationnelle d’un savoir du désic, comment la psychana~ lyse elle-méme fait partie, sans doute, de cette grande économie de Ja surproduction du savoir critique quane a la sexualité. Voila TFenjeu du travail que je veux faire, qui n'est pas du tout un travail antipsychanalytique, mais qui essaie de reprendre le probleme de la seualité ou plutét du savoir de la sexualité, & partir non pas de la méconnaissance par le sujet de son propre désit, mais de Ia surproduction de savoic social et culturel, le savoir collecif sur la ‘veut érudier cette surproduction de savoir théorique sur la il me semble que la premiére chose que l'on rencontre, le 335, 1978 i frappe dans les discours que la culture occidentale a tenus sur la sexualité, est que ce discours a erés vite et urs tor pris tune forme qu'on peut dire scientifique. Je ne veux pas die par la urs @ toujours éeé rationnel, je ne veux pas dire par La rs obéi aux crittres de ce que nous appelons mainte- ientifique, Bien avant la psychanalyse, dans la psy- ie du xa sidcle, mais également dans ce qu’on peut a la concupiscence, tout un discours ui s'est prétendu comme un discours rationnel et un discours scien- tifique, et c'est 1a, il me semble, que l'on peut percevoir entre les sociérés occidentales, et au moins un certain nombre de sociéeés orientales, une différence capitale. ‘Je me réfete ici a une analyse que j'ai esquissée dans un premice volume de cette Histoire de la sexualité, que M. Watanabe a bien voulu traduire et commenter, je cris, dans une revue. C'est l'oppo- sition entre des sociéeés qui essaient de tenir sur la sexualité un dis- cours scientifique, comme nous faisons en Occident, et des sociéeés dans lesquelles le discours sur la sexualité est également un discours discours us proliférant, un discours qui s'est beau- coup muleiplié, mais qui ne cherche pas & fonder une science, qui ccherche, au contraire, d définic un art— un are qui serait l'art de pro- duire, par le rappore sexuel ou avec , sur la recherche en tout cas des méthodes par lesquelles on va intensifier le plaisir sexuel. Le discours que I'on trouve en Occident, au moins depuis le Moyen Age, est oue a fait différent de celui-la En Occident, nous n'avons pas d'art érotique. Autrement dit, on R'apprend pas a faire lamour, on n’apprend pas a se donner du plaisir, on n’apprend pas a produire du plaisir chez les aueres, on svapprend pas & maximaliser, & intensifier plus son propre plaisie par le plaisic des autres, Tout cela ne s'apprend pas en Occident, et : liscours ni initiation autre que clandestine et pure~ ‘ment interindividuelle a cee art érotique. Ea revanche, on @, ou on essaie avoir, une science sexuelle ~ scienria exualis~ sur la sexua- lixé des gens et non pas sur leur plaisir, quelque chose qui ne sera 336 pas comment faire pour que le plaisir soit le plus intense possible, mais quelle est la vérité de cette chose qu’est, dans l'individu, son sexe ou sa sexualité: vérité du sexe et non pas intensité du plaisir. Je crois qu'on a deux types danalyse, deux types de recherches, deux types de discours tout & fait différents et qu'on va trouver dans ités également trés différentes. Je fais & nouveau est évidernment quelque chose dont j'aime- rais beaucoup discuter avec des personnes done le background cultu- rel et historique est différent du mien er 'aimerais en p il y a tds peu de chose la-dessus en Occident, savoir en quoi a consiseé dans les socigeés comme la vétre, comme la société chinoise, are érotique, commen: développé, a partis de quel savoir. Je i sant en tout cas d'entreprendre une dans les sociéeés orientales et la ment histoire de certe science sexuel rnon pas pour dire exactement quels ont été ses différents concepts, ses différentes théories ou ses différences affirmations ~ ca serait une ‘veritable encyclopédie qu'on pourrait faire, Mais ce sur quoi je miinterroge, c'est pourquoi les sociétés occidentales, les sociérés isons européennes ont eu si fore besoin d'une science sexuelle ou, fen tout cas, pour quelle raison pendant tant de sidcles et jusqu’a ‘maintenant on essaie de constituer une science de la sexualité; autre- ‘ment dit, pourquoi est-ce que nous voulons, nous autres, et nous avons voulu, nous autres Européens, depuis des millénaires, savoir la vétité de notre sexe plutét que d’atteindse l'ineensité du plaisir? Pout résoudre cece question, schéma qui est un schéma habi directement a lesprit et qui consiste & dite ces bien sir maintenant grice a Freud — dé depuis toute une série de mouvements divers, on commence un petit peu a libérer la sexualité du carcan dans leque! el ‘on commence a Ini permectre de parler, alors que pendant tant de siédl sommes en train & le cette scientia sexwalis, que, dans les siécles précédent morale bourgeoise e, d’autre part, d'une morale chrétienne, la pre- mitre prenant en quelque sorte la reléve et la continuité de la seconde, nous avait empéchés, avait empéché l'Occident de s'inter- pesanteur, d'une part, d'une 337 Michel Poucault, Dits et éerits 1978 roger réellement sur Ia sexualité. Autrement dit, le schéma histo- "Antiquité grecque et romaine, ola sexualité était libre, s‘exprimaie sans difficuleés et effectivernent se développait, se donnait en tout cas un discours en forme d'art éro- tique. Puis le christianisme serait i aurait, pour la premiere fois dans I'hi ‘grand interdi sur la sexualité, qui aurait dit non au plaisir et par la méme au sexe. Ce non, cet interdit aurait conduit a un silence sur la interdits moraux. Mais Ia bourgeoisie, & partir du xvt siécle, se trouvant dans une d'hégémonie, de domination écono- mique et d'hégémonie culeurelle, aurait repris en quelque sorce & son compte, pour l'appliquer plus sévérement encore et avec des ‘moyen plus rigourewx, cet ascétisme chrétien, ce refus chrétien de la é wrait prolongé jusqu’au sux" siéce, 08, enfin, dans les toutes derniéces années, on aurait commencé & schéma historique que d‘ordinaire on utilise quand on faie une histoire de la sexualité en Occident, c'est-i-dire qu'on fait cette histoice, premigrement en étudiane essenciellement les méca- nismes de la répression, de l'interdiction, de ce qui rejette, exclut, refuse, et puis en faisant porter la responsabilité de ce grand refus occidental de la sexualité sut ¢. Ce serait le christia- nisme qui aurait dit non a Je erois que ce schéma historique traditionnellement admis, schéma n'est pas exact et ne peut pas étre tenu pour un tas de sons. Dans le livre dont M. Watanabe a bien voulu traduire tn cha Pitre, je me suis surcout interrogé sur des problémes de méthode et sur ce privilége de Interdit et de la négation que l'on accorde quand on fait histoire de la sexualicé. J'ai essayé de montrer que ce serait sans doute plus intéressant et plus riche de faire histoire de la sexualité a partir de ce qui I’a motivée et incitée plutée qu’a partir de ce qui l'a interdite. Enfin, laissons cela. Je erois qu'on peut faire, au schéma traditionnel dont je viens de parler, une seconde objec sion, et c'est de celle-la plutdt que je voudrais vous parler: objec- tion, non pas de méthode, mais de fai. Cette objection de fait, ce nest pas moi qui la formule, ce sont les historiens, plutét cest un hiistorien de ité romaine qui travaille actuellement en France, qui s'appelle Paul Veyne et qui est en train de faire une série d'écudes sur la sexualité dans le monde romain avant le christia- 338 Michel Foucault, Diss os ferits 1978 nisme; il a découvere un nombre de choses importantes dont il faut tenir compte. ‘Vous saver quien gata, quand on veut caractsiser Ia morale chrétienne quant a la sexualité et quand on veut l'opposer a la morale patenne, ala morale grecque ou romaine, on avance les traits suivants : premigrement, Cest le christianisme qui aurait imposé aux sociéeés antiques Ja régle de la monogamie; deuxidmement, Cest le christianisme qui aurait donné pour fonction, non seulement is pour fonction exclusive, pour seule et reproduction, ne faire l'amour que isiémement, 'aurais pu commencer jon générale du plaisir sexuel. Le sie sexuel ese un mal — un mal qu'il faut éviter et auquel il faut, ppar conséquent, accorder la plus petite part possible. N’accorder au. plaisir sexuel que la plus petite pare possible, n'utliser ce plaisir en quelque sorte en dépit de lui-méme que pout faire des enfants et ne faire ces enfants, ne pr mnséquent les rapports sexuels et n'y erouver du plaisir qu’ jcur du matiage, du mariage légi- time ec monogamique. Ces trois caractéres définiraient le christia- nisme. Or les travaux de Paul Veyne montrent que ces trois grands principes de morale sexuelle existaient dans le monde romain avant apparition du christianisme et que c'est toute une morale, en grande partie d'origine stoicienne, appuye par des structures sociales, idéologiques de I'Empire romain qui avait commencé, bien avant le ir des enfants. Enfin, cette époque-la, se marier et garder sa ferme, faire l'amour avec elle pour avoir des enfants, s'affranchir avant l'appasition du chtistianis responsable de toute cette série ponsable, La polygamie, le plaisir hors mariage, la valorisation du plai ifférence aux enfants avaient déja dispara du monde romain pour l'essentiel, avant le christianisme, et il n'y avait plus qu'une toute petite élite, une toute petite couche, pe de privilégiés, de gens riches, riches donc dét quaient pas ces principes, mais pour T'essen éraient déja acquis. “Alors faut-il dire que le christianisme n'a joué aucun sble dans cetce histoire de la sexualité? Je crois qu’en fai le christianisme a 359 bien joué un r6le, mais son role n'a pas été tellement di duction d'idées morales nouvelles. Ca n'a pas été dans tion, l'appore, Vinjonction de nouveaux interdits. Il me semble que ce que le sexuelle, ce sont de nouvelles techniques. De nouvelles techniques our imposer cette morale ou, a dire vrai, un nouveau ou un ensemble de nouveaux mécanismes de pouvoir pour inculquer ces nouveaux impératifs moraux, ou plut6e ces impératifs moraux qui avaienc déja cessé d’étre nouveaux au moment od le christinisme a pe spire romain ét est devenu, trés rapidement, la religion de I'frat. C'est donc du cété des mécanismes de pouvoir, beaucoup plus que du cOxé des idées morales et des interdits échiques, cest du c6ré des mécanismes de pouvoir qu'il faudeait faire l'histoire de la sexualité dans le monde occidental depuis le christianisme. Question, alors : quels sont donc ces mécanismes de pouvoir ‘nouveaux que le christianisme ineroduit dans le monde romain, fa sant valoie ces interdits qui y éraient déja reconnus et acceptés? Ce pouvoir, cese ce que j'appeller est ce qu'on appelle le pastorat, Cest-A-dire l'exiscence, a Vineérieur de la société, d'une tuelle ou morale, mais des individus q jouene le rdle de pasteur, de berger, par sappore aux autres individus qui sont comme leurs brebis ou comme leur troupeau. L'introduc- clon de ce type de pouvoir, de ce type de dépendance, de ce type de domination a Vineérieur de la société romaine, de la société antique est, je crois, un phénoméne erés import En effet, la premiére chose qu'il faut remarquer a ce sujet, C'est que jamais, dans I'Antiquité grecque et romaine, on avait eu Tidée ‘que certains individus pouvaient jouer par rapport aux autres le rdle de berger, les guidant rout au long de leur vie, depuis la naissance jusqu’a leur more. Les hommes politiques n'éraient jamais, dans la littérature grecque et romaine, définis comme des pasteurs, comme des bergers. Quand Platon se demande ique, ce quiest un roi, ce quest un pat pas d'un berger, mais d’un tisserand agence les différents individus de la sociéeé comme des fils qu'il nnoue pour former un beau tissu. L’Eeas, la Ciee, c'est um tissu, les cicoyens sont les fils du tissu. Il n'y a ni idée de troupeau ni idée de berger. En revanche, on trouve iée que le chef est a l'égard de ceux Michel Foucault, Dits et éerits quill commande comme un berger a I'égard de son troupeau, non pas dans le monde romain, mais dans le monde de la Méditerranée orientale. On la trouve en Egypte, on la trouvait aussi en Mésopota~ On Ja trouve surtout dans la sociéeé hébratque od le théme de troupeau et du berger est un théme absolument fonda- mental, théme religieux, théme politique, thtme moral et théme social. Dieu, cese le berger de son peuple. Le peuple de Jéhova, est un troupeau, David, le premier roi d'Istatl, regoit des mains de Dieu la téche de devenir le berger d'un peuple qui sera pour lui le troupeau, et le salut du peuple juif sera acquis, sea assuté le jour o& Je troupeau sera enfin rentré au bercail et ramené dans le sein de Dieu. Importance, par conséquent, trés grande du théme pastoral dans toute une série de sociéeés de la Méditerranée orientale, alors qu'il n’existe pas chez les Grecs ni chez les Romans. Ce pouvoir pastoral qu'on trouve si développé en Egypte, en chez.les Hébreux, en quoi consiste-til et comment se défi- ‘On peut le caractériser rapidement en disant que le pouvoir pastoral s‘oppose & un pouvoir politique traditionnel habituel, en ceci qu'il ne porte pas essentiellemene sur un territoire: le berger ne régne pas sur un eertto ne sur une multiplicieé d’individus. I régne sur des moutons, il régne sur des beewfs, sur des animaux. Ul regne sur un troupeat et sur un troupeau en déplacement. Régner sur une multiplicié en déplacement e qui caractérise le pas- teur. Cest ce pouvoir qui ser pastoral caractéristique. Sa fonction principale n'est pas tellement dassurer la victoire, puisqu'l ne porte pas sur un terrioire, Sa manifestation essentielle n’est pas la conguéte, ou encore la quantité de tichesses ou d'esclaves qu'on peut ramener de Ja guerre. Autrement dit, le pouvoi g Pas pout fonction principale de faire du mal aux fonction principale de fare du bien & ceux sur q bien au sens le plus macériel du terme, cest- uune subsistance, donner la péture, con Ass lun pouvoir, par conséquent, qui assure en méme temps Ia subsis~ tance des individus et la subsistance du groupe, a la différence du pouvoir traditionnel qui se manifeste essentiellement par le triomphe sur ses assujettis. Ce n'est pas un pouvoir triomphane, est un pouvoir bienfaisant. oisidme caractére du pouvoir pastoral qu'on retrouve dans les ivilisations done je patlais: ayant pour fonction principale d'assurer Ja subsistance du troupeau, il est au fond une charge; il a pour caractére moral d’étre essentiellement dévoug, de se sacrifier, au 361 1978 Crest ce que I'on trouve dans plusieurs is par les commentateurs : le qui accepte de sactfier sa vie Dans le pouvoir traditionnel, ce mécanisme se fetourne : ce qui fait un bon cicoyen, cest de pouvoic se sactifier pour lui sur I'ordre du magistrat ou daccepeer de mourir pour son roi. La, c'est le contraire : Cest le roi, le pasteur qui accepte de mou- tie pour se sactfier. Enfin, et peut-étre ese pastoral est un pouvoi ire que, alors que le 10i ou le magistrat ont pour fonction essentielle de sauver la cotalité de I'Beat, le terrtoite berger, le bon pasteur est capable quant a lui de veiller sur les indi- vvidus en particulier, sur les individus pris un par un. Ce a’est pas un pouvoir global. Bien sdr, le berger doie assurer le salut du troupeau, ‘ais il doit assurer le salut de tous les individus. On trouve facile ‘ment cette thématique du berger dans les textes hébreux et dans un cercain nombre de textes égyptiens ou assytiens. Pouvoir, donc, qui porte sur une multiplicité - sur une muleiplicité d'individus en déplaceme int dun autre ~, pouvoir oblacf,sacrifi- besoin, pour ses. brebis res de la Bible souve ianisme, & partir du moment o il est spite romain, une force d’organisation sociale a fait entrer ce type de pouvoir dans ce monde qui T'ignorait encore totalement. Je passe sur choses se sont passées coneréeement, comment développé comme une Eglise, comment, a ieur d'une Eglise, les prézres ont pris une situation, un statue particuliers, comment ils sion d'assurer un certain nombre de charges, com- ment, effecrivement, ils sont devenus les pasteurs de la communauté chrétienne. Je crois que, a travers 'orgenisation du pastorat dans la sociéeé chrétienne, & partir du tv" sidcle aprés Jésus-Chiist, et méme du nf siécle, s'est développé un mécanisme de pouvoir quia é ees important pour toute I'histoire de 'Occident chrétien et, d'une facon particulitre, de la sexuaité Diune fagon générale, pour I'homme occidental, qu'est-ce que signifie vivre dans une société ou il existe un pouvoir de type pasto- ral? y ait un pasteur implique que, pour tout tion de faire son salut. Autremenc dit, le salut std la fois, dans I'Occidene chrétien, une affaire individuelle — on faie tous son salut ~, mais ce n'est pas une affaire de choix. La 362 Michel Foucault, Dits ot eerits société chrétienne, les sociérés chrétiennes n'ont pas laissé les indivi- dus libres de dire : « Eh bien, moi, je ne veux pas faire mon salut. > Tout individu a éxé requis de faire son salut : < Tu seras sauvé, ou plut6t, il faudra que tu fasses tout ce qu'il faut pour éere sauvé et ‘nous te punirons dés ce monde-ci dans le cas od tu ne ferais pas ce ‘ui faut pour étre sauvé, > Le pouvoir du pasteur consiste précisé- ‘ment en ceci qu’il a autorité pour obliger les gens A faite tout ce u'll faue pour leur salut: salue obligatoire Deuxiémement, ce salut obligatoire, on ne le fait pas du cout seul. On le fait pour soi, bien sit, mais on ne p ire que si on accepre I'aurorité d'un ausre. Accepter I'autorité d'un autre, ca veut dire que chacune des actions que l'on pourra commettre devra étre ‘onnue ou, en tout cas, pourra éere connue du pasteur, qui a autorité ieurs individus, qui par conséquent, pourra chose est bien faite comme ga, nous sa qu'elle ne doit pas étre faite autrement. C'est-i-dire qu’aux vieilles structures juridiques que routes les sociéeés, depuis trés longee connaissaient ~ a savoir qu’il y a un certain nombre de lois communes dont les infractions sont punies — vient s‘ajouter tne auere forme d'analyse du comportement, une autre forme de culpa bilisation, un autre type de condamnation, beaucoup plus fin, beau- coup plus serté, beaucoup plus tenu : celui qui est assuré par le pas~ teur. Le pasteur qui peut obliger les gens a faire tout ce qu'il faut pout leur salut et qui est en position de surveller, ’exercer en tout lance et un contréle continus rétienne, le pasteur est celui «qui peut demander aux autres une obéissance absolue, phénoméne la encore trés important, ts nouveau aussi. Les sociéeés gallo-romaines, bien sGr, connaissaient la loi et les magistrats. Elles connaissaient un Pouvoir impérial qui était un pouvoir absolument aueocratique. Mais au fond, jamais dans l'Antiquité grecque et romaine, on Avaurait eu Vidée de demander & absolue et inconditionnée a I'égard de quelqu’un autre. Or cest sme, on n‘obéit pas pour artiver a un certain résultar, on nobéit pas, par exemple, pour simplement acquérit une habitude, une aptitude ou méme tun mérite. Dans le htistianisme, le mérite absolu ese précisément d'éere obéissant, Vobéissance doit conduire & I'éae d’obéissance. Rester obéissant, 363 1978 est la condition fondamentale de toutes les autres vertus, fre obfissant a l'égard de qui? Etre obéissane a I'égard du pasteur. On «st dans un syse’me de Vobeissance généralisée et la fameuse humi- lice chrétienne n'est pas autre chose que Ja forme, en quelque sorce otisée, de cette obeissance, Je suis humble, a veut dite que Faccepterai les ordres de quiconque, du moment qu'il me les don- neta et que je pourrai reconnaftre dans cerce volonté de I'autre ~ moi qui suis Ie dernier — la volonté méme de Dieu, Enfin, et c'est IA, je crois, quelque chose qui va nous ramenet & notre probléme de dépary, a savoir Ihiscoire de la sexualité, le pas- torat a apporeé avec lui toute une série de techniques et de procé- dés qui concement la vérité et la i teur chrétien enseigne ~ en des maftres de sagesse ou des de vétité que pouvaient écre par exemple les philosophes antiques, les pédagogues. Il enseigne la vérité, il enseigae I'écritur, il enseigne la morale, il enseigne les commandements de Dieu et les commandements de l'fglise. En cela cest donc un maftre, mais Je pasteur chrétien est aussi un maitre de vérité en un autre se en, d'une pare, pour exercer sa charge de past bien sf, cour ce que font ses brebis, tour ce que fait le troupeau et chacun des membres du troupeau & chaque instant, mais il doit aussi connaftre de Uineérieur ce qui se passe dans I'éme, dans le coeur, au plus pro- fond des secrets de lindividu, Cette connaissance de I i des individus est absolument requise pour l'exercice di chétien. Connaftre l'ineéticur des individus, ga veut dire quoi? Cela veut dire que le pasteur disposera de moyens d'analyse, de réflexion, de détection de ce qui se passe, mais aussi que le chrétien sera obligé de dire a son pasteur tout ce qui se passe dans le secret de son me; en particulier, il sera obligé d'avoir recours a I'égard de son pasteur certe pratique si spécifique, je cois, du christianisme : Paveu exhaus- tif et permanent, Le chrétien doie avouer sans cesse tout ce qui se ppasse en lui a quelqu’un qui sera chargé de diriger sa conscience et cet aveu exhaustif va produire en quelque sorte une vérité, qui n'écait pas connue bien sir du pasteur, mais qui n’étair pas connue ‘non plus du sujee lui-méme; c'est cette vérité, obtenue par examen de conscience, la confession, cette production de vérieé qui se déve- oppe tout au long de la direction de conscience, de la dicection des mes, qui va, en quelque sorte, constituer le lien permanent du bet- get a son troupeau et a chacun des membres de son troupeau, La vérité, la production de la vérité intérieure, la production de Ja 364 ‘vérité subjective est un élément fondamental dans l'exercice du pas- teur. (On en artive précisément lite. A quoi avait afaire le ch avait déja accepté, pour l'essentiel, sa morale, certe morale de la ‘monogamie, de la sexualité, de la reproduction dont je vous patlais. Par alleus, le chiséanisme avai devane li, ou plut6e& ce de tun modéle de vie religieuse intense, qui érait le 1¢ hindou, le monachisme bouddhiste, et les moines les pratiques qui avait accepté un certain idéal de Vascétisme ineégral, le jue et, d’autre part, de reprendre en main pour pouvoir la diti- set, de Tincérieur, cece société civile de I'Empite romain. Per quels moyens vail yazriver? Je eris que cest la concep- tion trés difficile, d’aileurs erés obscure, de la chair qui a servi, qui libre entce un asctisme qui refa- 3¢ sociéeé civile qui erie une sociéeé laique, Je isme a trouvé moyen d'instaurer un type de dividus par leur semualié sfagissait absolument pas — sans quoi on tombait dans l'ascérisme radical ~ de refuser tout ce qui pouvait venir du corps, comme étant pouvoir faire fonctionner ce wérieur d'une sociéré qui avait nécessits, qui avait son organisation de famille, qui sevaic ses nécessités de reproduction. Donc, une conception, au fond, relacivement modérée quant a la sexualicé qui faisaic que la chait iis &cé congue comme le mal absolu dont il fllait comme la perpétuelle source a V'ineérieut de la eur des individus d'une tentation qui risquerait dividu au-dela des limitations posées par la morale vile que le christianisme a éablie et qu’il fae foncrionner & travers 365 tout cet apparel du pastorat, mais dont les pidces ess saient sur une connaissance, a la fois extérieure et in connaissance méticuleuse et détaillée des individus par eux-mémes, par Jes autres. Autrement die, cest par la constitution d'une sub- jectivieé, d'une conscience de soi perpéruellement évellée sur ses ppropres faiblesses, sur ses propres tentations, sur sa propre chair, Cest par la constitution de cette subjectivieé que le christianisme est la technique d’éveil de soi-méme sur soi-méme, quant a ses fai- blesses, quant 2 son ‘qui est I'efet premier de lintroduction dans Pouvoit pastoral, Et c'est ainsi, me semble peut — tour cela est une série d’hypotheses, bien sir ~ comprendre quel a été le role réel du christianisme dans l'histoire de la sexualité. Non pas, dong, interdit et refus, mais mise en place d'un mécanisme de pou- ait, en méme temps, un mécanisme de ‘dus, de savoir sur les individus, mais idus sur eux-mémes er quant a eux-mémes. Tout cela constitue la marque spécifique du christianisme et cest cer a la figuee SuBBesti , citiques, ‘vous avez des questions & poser — object confirmations ~, j'en serais ravi. i Poser des questions & M, Foucaule me semble une téche peu facile, mais ce n'est pas tellement & cause de mon ignorance ni cde ma timid. La difficulté vient précisémenc de la claeté méme de son exposé. Nous sommes tous habieués a cetce clarcé grice a ses écxits, Dans tous ses livres, en effet, ‘maniére précise, quel probléme il va annonce chaque fois, d'une iver et par quel moyen il va 366 Michel Foucault, Diss es terits analyser, en essayane de définir dans quelles conditions et dans quelles circonstances son travail devient nécessaire, et ce que nous venons d’entendee confirme cette clareé et cette précision. Une fois de plus, il a pris cetce précaution de répondre d’avance a toutes les questions et d’annuler méme presque toutes les objections qu’on pourrait formuler. Je n'ai donc pratiquement rien mais afin de raviver les discussions qui vont sui demander seulement ceci Dans la lecon inaugurale du Collége de France, e crois me souve- nit que vous avez traité de la sexualité sous l'angle de 1a répression ou de I'exclusion : le it vous traitez le dis- ‘ours de la sexualicé non plus comme objet de répression, mais plu tt comme quelque chose qui prolifére dans la zone scientifique. A propos, on parle souvent du changement de Michel Foucault, et guelques-uns éprouvent une certaine joie a ce changement... M, Foucault: . et il y en a d'autres qui sont erés mécontents. 5. Hasuni : Je ne pense personnellement pas que les choses se ppassent ainsi. Vous n’avez pas changé, vous n'avez pas abandonné Vhypothése de répression, mais vous l'avez remise en question pour formuler différemment le probléme du pouvoir... ‘M, Foucault : Je vous remercie de cetce question qui, en effet, est importante et mnériait d'étre posée. Vous V'avez posée, je crois, dans les meilleurs cermes possible. Crest vrai que, dans des textes encore récents, je me suis surtout référé & une conception du pouvoir et des mécanismes du pouvoir qui était une conception, en quelque sorte, juridique. Les analyses que jessaie de faire, ec je ne suis pas le seul, loin de li, a essayer de les faire, il est bien entendu que ce sont des analyses partielles, des. analyses fragmentaires. Il ne s'agie pas du tout de fonder une théorie da pouvoir, une théorie générale du pouvoir, ni de dire oe qu’ese le pouvoir, ni de dire d’od il vient. Depuis des sidcles, er méme des rillénsires en Occident, on a posé cette question, et il n'est pas sr que les réponses données aient écé satisfaisentes. En tout cas, ce que iTessaie de faire, ces, & un niveau empirique, prendre les choses, en quelque soree, par le milieu. Non pas : < D’od vient le pou >, mais: « Par od passe-t-il et comment cela se passe- uelles sont routes les relations de pouvoir, comment est-ce qu’ peut décrice certaines des principales relations de pouvoir qui Srexercent dans notre société? > Je n’entends donc pas le pouvoir au sens du gouvernement, au sens de I'Erat. Je dis: entre différentes personnes, dans une famille, ser 1978 dans une université, dans une caserne, dans un hépital, dans une y 4 des relations de pouvoir qui passent. énent-elles, comment lient-elles les individus, pourquoi sont-lles supporeées, pourquoi, dans d’aucres ne le sont-elles pas. Fai 2, cette analyse par le miliea et une analyse empirique. Crest la premigre chose. Deuxitme chose, je ne suis pas le premier, loin de li, & avoir cessayé, Les psychanalystes, Freud, et beaucoup de ses successeurs, en particulier toute une série de gens comme Marcuse, Reich, ec., ont, au fond, essayé, sglobales, mais de voir comment ca se passait dans le psychisme de individu, ou dans linconsciene de l'individu, ou dans l'économie de son désir, comment cela se passait avec les relations de pouvoir. Quest-ce que le pete, par exemple, vient faire dans le dési de V'individu. Qu’ese-ce que T'interdiction, par exemple, de la masturbation vient faire, ou comment encore les fap ports pére-mére, la distribution des réles, eec., viennent s'insctie dans le psychisme des enfants. Donc eux aussi, bien sir, faisaient de analyse des mécanismes du pouvoir, des relations de pouvoir par le milieu et empiriquement. ‘Mais ce qui m’a frappé est que ces analyses consid que le pouvoie avait pour fonction et réle de dite non, dempécher, de tracer une é avait pour effee princi psychanalystes vous diront que je vais trop vite, mais ent partir d'une relation de pouvoir. Cette conception ou certe idée que Jes mécanismes de pouvoir sont toujours des mécanismes d’inter- incerdits et puis ca y est, le pouvoir aura disparu, jour o8 nous aucons levé les incerdies. » Crest peut- éxre la une chose qui faie aller un peu trop vi En tout cas, j'ai bien changé sur ce point. J'ai bien changé, a par tir d'une érude précise que j'ai essayé de faire, que j'ai essayé de rendre la plus précise possible, sur la prison et les systémes de sur- veillance et de punition dans les sociétés occidentales aux xvi et ax’ sidcles, fin du xvii" surtout. Im'a semblé qu'on voyait se développer, dans les sociéeés occidentales, en méme cemps que le 368 ‘apitalisme d’ailleurs, route une série de procédés, toute une série de techniques pour prendre en charge, surveiller, contrdler le compor- tement des individus, leurs gesces, leur maniére de faire, leur emplacement terdisaient et panissai de ces formes de pouvoir — dicé — était de permettre, d’obliger les individus a multiplier leur rs fo Cest ce qu'on a essayé de faire rmée, @ partic du xvi siécle, quand on a imposé les grandes disciplines, ce qui nétait pas connu autrefois. Les armées occiden- lings, on a ap soldats a faire l'exercice, & matcher en rang, a titer avec des f manipuler le fusil de telle et telle maniére, de fagon que l'armée soit usilisable au mieux. De la méme maniée, vous avez eu tout ua dressage de la classe ouvritre, ou plutée de ce qui n’était pas encore la classe ouvriere, mais des ouvriers capables de travailler dans de ‘grands ateliers, ou simplement de petits ateliers fami ‘aux, gu’on a habitués & habiter dans telle ou sgérer leur famille. Vous avez une production production des capacités des individus, de la producti vvidus; toue cela a été acquis par des mécanismes de pouvoir dans lesquels les interdits existaient, mais existaient simplement a tice dTinstruments, Lessentiel de toute cetee disciplinatisation des indi- vidus n'éeait pas négative. Vous pouver dire et estimer que était catastrophique, vous Pouvez mettre tous les adjectifs moraux et politiques négatifs que ‘ous voudrez, mais moi je veux dire que le mécanisme n’éait pas essentiellement d'i mais de product d'inceasification, de démultiplication. A partic de mais, au fond, intensifier? Ec c'est cette hypothése que j'essaie la sexualité en me disan sexualité, apparemment, c'est bien la chose la plus interdiee qu'on uisse imaginer, on passe son temps a interdire aux enfants de se 3 adultes de faire l'amour de telle petsonne. Le monde de Ja sexualité est un monde qi d'interdits, ‘Mais il m’est appara que, dans les sociétés occidentales, ces interdits éraient accompagnés de toure une production trés i large, de discouts ~ de discours scientifiques, de dis- minels — et en’ méme temps d'un souci, d'une véri= table obsession de Ja sexualité, qui apparaft trés clairement dans a morale chrétienne du- xvi" et da xvi" sidcle, en période de Réforme et de Contre-Réforme — obsession qui n'a pas cessé jusqu’a maintenant. homme occidental ~ je ne sais pas ce quiil en est dans votre société — a toujours considéré que la chose essenti est sa sexualité. Et cela de plus en plus. Au xi pat excellence était le péché de la chair. Alors, si la sexu: ation, qu'il y ait une telle hantise de Ja sexualité? L’hypo- se dont procédent mes analyses — que je ne ménerai peut-éere pas leur terme parce qu’elle n'est peut-étre pas 1a bonne - serait qu'au fond I'Occident n'est pas réellement négareur de la sexualité ~ il ne lexclue pas ~, mais il ‘aménage, & parti d'elle, rout un dispositif complexe jstion de Ia constitution’ de I'individualies, de Ja subjectivicé, bref, de la manitre dont nous nous comporcons, dont nous ”prenons conscience de nous-mémes, Autrement dit, en Occident, les hommes, les gens s'individualisent grice & un certain nombre de je crois que Ja sexualicé, beaucoup plus qu'un élé- du qui serait rejeté hors de lui, est consticutive de oblige les gens & nouer avec leur identité sous la até Je n'aime pas obscurité parce que je considére que l'obscurieé est une forme de espotisme; il faut s'exposer & dire des erreurs; il faut s'exposer & artiver a dire des choses qui, probablement, vont étre dificiles & ‘exprimer et pour lesquelles, évidemment, on cafouille ua peu € WA, je cains de vous avoir donné I'impression de cafouilles. Si HE Michel Poucault, Diss et éerits xe La scéne de la philosophie -Teoupiku no burt > («La sce dela philoophi >; enn avec M. Watanabe, te 22 aml 1978, Ske, jllee 1978, pp. 912 332, Split de eh ee de linéawre fangie, Moriaki Watanabe, qui M. Fowctle ax formes ehéfalesjponaise, taduse alors Le Vol de tr ‘M, Watanabe: Pourquoi les themes du regatd et conj celui du théatre reviennent-ils dans vos écrits de fagon si quils semblent régir l'économie générale du discours IM, Foucault : Je crois que c'est en fait une ques tance, La philosophic occidentale n'a guére été intéressée par le théiere, depuis peut-éere la condamnation du chéftre par Platon. Il faut attendre Nietesche pour que, & nouveau, la question du rapport dération du théatre dans la philosophie occidentale et une certaine is Platon, et depuis manitre de poser la question du regard. Depui Descartes encore plus, imporeantes est de savoir en quoi consiste le fait de regarder les choses, ou pluc6e de savoir si ce qu’on voit est vrai ow illusoice; si on est da du réel ou dans le monde du mensonge. Déparca- tite et le mensonge, cest bien re est quelque chose qui cde sens de se demander le chéaere ese vrai, s'il est réel, ou s'il ese illusoire, ou sil est men~ songer; le seul fait de poser la question fait disparaftre le chéaere Accepter 1a non-différence entre le vrai et le faux, encre le réel et Villusoire est la condition du fonctionnement du chédtre. Sans éere un spécialiste du ehéétre aussi éminent que vous, sans avoir approfondi, ‘comme vous l'avez fait, les problémes propres au thé que chose, moi, qui m'intéresse et me fascine; ce que je voudrais faire, C'est essayer de déctre la maniére dont les hommes d’Occidene font vu les choses sans poser jamais la question si était vrai ou pas, essayer de décrite la maniére done ils ont monté eux-mémes, par le jeu de leur regacd, le spectacle du monde. Au fond, peu m’importe ue la psychiatrie soit vraie ou fausse, de toute facon ce n’ese pas cette uestion-Ia que je me pose. Peu m'importe que la médecine dise des erreurs ou dise des vérités, a imporee beaucoup aux malades, mais vous voulez, qu’analyste, ce n'est pas ca qui m’inté= esse, d‘autane plus que je ne suis pas compécent pour fire le partage entre le vrai et le faux. Mais je voudrais savoir comment on a mis en on 1978 scene 1a maladie, comment on a mis en scéne la folie, comment on a mis en scéne le cri cestadire comment on I'a a ensuite essayé dé vrai et le faux, mais ce n'est pas cette distinction Ia cot scéne pour cette ratio ine marque d lisme des hommes d’Occident, car leur économie, l'économie oci- dentale, est peut-étre artivée au terme de son apogée, lessentiel des formes de vie et des dominations politiques de I'Occidene a sans doute ateene son terme, Mais il y a quelque chose qui ese resté, que VOccidene sans doute aura laissé au reste du monde, c'est une certaine forme de rationalité. C'est une ceraine forme de perception de la vérité et de Vereur, c'est un certain ehéitre du vrai er du faux. ique de votre écriture, qu'il quill s'agisse de La Volomté de savoir. La lecture de cervains chapitres des Mots et les Chases nous donne un plaisir égal a Ja lecture de grandes tragédies politiques de Racine, Britannicus, pat exemple. répond a un certain choix d’écricute, ie, lorsque vous vous proposez de déctte les lignes de force qui devaient traverser de grandes mutations épisté- mologiques ou insticutionnelles du monde occidental. Par exemple, dans le numéro spécial de la revue Are, La crise dans Ia tite ~ ila &€ congu d'abord comme numéro consacré & Michel Foucaule, ce ‘que vous avez refusé, en disant qu’un numéro spécial est en entetre- ‘ment —, on peut lire une interview que vous avez accordée & Fontana & qui d'abord a éé publiée en Italie, Dans cette interview, vous patliez de la nécessicé de « distinguer les événements, de différencier les réseaux et les niveaux auxquels ils apparciennent, et de reconsti- ‘uer les fils qui les relient et les font s'engendrer les uns & partic des on autres >, Vous insistiex sur le « refus des analyses champ symbolique ou au domaine des structures signifiantes >, au profit du < recours aux analyses qu’on fait en termes de généalogie de tapports de forces, de développements stratégiques, de tac- tiques >. Ce a quoi on doit se référer n'est pas < un grand modele de gue et des signes >, mais < de la guerre et de la bataille >, car « Mhistoricité qui nous emporte et nous décermine est belliqueuse >, elle n'est pas « langagiére >. Ce qu'il faue chercher est non la « rela: tion de sens », mais le < relation de pouvoir >. Or, comme il a été analyse par Barthes, la tragédie de Racine est régie par des rapports de forces. Ces rapports de forces sont fonction d'une double relation de passion et de pouvoir. La stratégie de 1a passion racinienne est tout a fait belliqueuse. C’est probablement a cause d'un certain réa- lisme dans les affrontements dramatiques et belliqueux que je rerrouve une parenté généalogique de vorre discours avec I'écrieure racinienne, Le théfire en tant que représentation dramatique constituait, ‘au moins dans la culture occidentale, I'affrontement exemplaire sur le plateau, celui-ci étant le < champ de bataille >, lespace des stra- tégies et des tactiques par excellence, 65, s‘apparente au grand génie de la dramacungie classique francaise, est quiil suit faire surgir ces grands affrontements historiques qui, jusqu’ici, restaient inapergus ou méconnus, ‘M, Foucault : Vous avez tout a fait raison. Ce qui fait que je ne suis pas philosophe dans le sens classique du terme ~ peut-tere ne suis-je pas philosophe du tour, en rout cas, je ne suis pas un bon hilosophe — est que je ne m’intéresse pas & l'éternel, je ne m'inté- esse pas & ce qui ne bouge pas, je ne mincéresse pas a ce qui reste stable sous le charoiement des apparences, je m'intéresse a I'événe- ment. L’événement n'a guére été une catégorie philosophique, sauf peut-étre chez les stoiciens, & qui cela posait un probleme de Jogique. Mais c'est, la encore, Nietzsche qui le premier, je crois, a défini la philosophie comme érant l'acivité qui sere & savoir ce qui se passe et ce qui se passe maintenant, Autrement dit, nous sommes traversés par des processus, des mouvement, des forces; ces proces- sus et ces forces, nous ne les conneissons pas, et le r6le du philo- sophe, c'est d'étre sans doute le diagnosticien de ces forces, de diagnostiquee actual jon : qui sommes-nous? et quiest-ce qui se 3s sont eres différentes des questions tradi- ‘ime? qu’est-ce que I'étemnité? Philosophie du présent, philosophie de 'événement, passe, il s'agit bien, en effet, d'une certaine maniére, de ressisic par le biais de la philosophie ce dont le thédere s‘occupe, car le théatre S‘occupe toujours d'un événement, le paradoxe du thééere cant pré- cisément que cet événement se répete, se répéte cous les soit, uisqu’on le joue, et se répéte dans é temps inde! ‘ment répérable, antétieur, Le théiere sais lévénement et le met en scéne, Ex Cest veai que, dans mes livres, j‘essaie de saisir un événement «qui m’a paru, qui me paraft important pour notre actualité, rout en €ant un événement antérieut. Par exemple, pour la fol semble qu'il y a eu, a un moment do tun partage entre Ia folie et la non y acy, aun autre incensicé du crime et le ¢ humain posé par le crime. Tous ces événements, il me semble que nous les répétons. Nous les répérons dans notre actua- é, et jessaie de saisir quel ese I'événement sous le signe duquel us sommes nés, et quel est I'événement qui continue encore & ‘nous traverser. D’od ces livres qui sont en effet, vous avez tout a fait raison — quel inconvénient cela présente, je risque de faire Vereur de présenter comme un événement majeur ou dramatique quelque chose qui n'a peur-étre pas cu Vimportance que je lui préte, D’od mon défaut — il faue parler de ses défauts en méme temps que de ses pro i Gare une espéce d'intensfication, de dramatisation d’événements dont il faudrait parler avec moins de chaleut. Mais enfin, il est important tout de méme de donner son maximum de chance & ces Evénements secrets qui scintllent dans le passé et qui marquent encore notre présent. M. Watanabe: Ce que vous dites a propos des événements secrets me parait erés important, d’autant plus que l'inflation des événements ou la survalorisation mass-médiatique de toute événe~ mentialité risque de disqualifier 'événement en tant qu’événement; ‘on constare une sorte de méfiance vis-a-vis des événements, qui ne sont que des représentations véhiculées par le réseau des mass Gdias. Vous, vous essayez de ressaisir les événements en tant que s facteurs de mutation. Les thématiques du regard, de la de la dramarurgie, de I'événemene sone liées, comme par une juence logique, a celle de l'espace. Deja dans la préface de Naissance de la clinique, vous annonciee que dans ce livre, «il est 3m ‘Mickel Foucault, Diss et terits question de l'espace, du langage et de la mort >, pour ajouter tout de suite qu’ < il est question du regard >. Il me semble que, si vous me permettez une telle schématisation, le paradigme de votre ana- lyse et de votre discours est composé d'un certain nombre de termes ou motifs, tels I'cespace >, le , la , le < regard >, et que le motif de la mort ese remplace, selon les objets analyse, par la < pat le ou par l'épisémé, armi ces motifs majeurs, espace, & qui est accord i place, entretient un rapport trés écroit avec le thédtre, Votre analyse et votre discours, jusqu’a Surveiller et Punir, se proposaient comme objet d'investigation Ia genése et In mise’ en place d'un certain espace clos dans sa spécificté. Les cliniques, les asiles psychiatriques, les prisons éxaient des espaces fermés, insticués pat I'isolement vis-2 du reste du corps social, tout en demeurant topologiquement & cérieut de la cté, Le grand enfermement des fous aux xvi siécle, quill a &€ analysé dans Histoire de la folie, en est l'exemple ‘typique. Votre analyse vi séminaire organisé a I' comme vous en avez parlé hier d sité de Tokyo, la mécanique du pouvoir ique. Petmescez-moi douvrit une petite parenthése sur un autre isolement, celui de a parole chez Mallarmé, car il conse nee poétique fondamentale de la modernité wer femarqué vous-méme dans no ent, en tant que langage essentiel ou langage avire, du langage ordinaire fonctionnane comme des monnaies. Et ce langage isolé par son sta- tut méme d’exclusion sociale finissaie par ressembler a une autre parole exclue, a la parole de la folie; ce que vous avec appelé autre= fois, en vous référant & Blanchot, < la part du feu >. Je me permets de vous rappeler cet épisode simplement pour vous dire que des passionnés de Fouceult au Japon étaient au début des gens qui lisaienc Foucaule surtout dans ses écrits sur la modernité lieécaire occidentale de Mallarmé a Bataille, & Klossovski. Votre analyse, par conséquent, vise non le contenu de ces espaces isolés, fermés, forclos, mai it qui ‘question non de la dramaturgie qui se joue dans ces espaces dautant plus privilégiés que fermés et forclos, mais de la mise en scéne ou de la mise en place du dispositif qui rend possible une pareille drama- urgie de espace. 9 ois spre of 82. os 1978 Eablissement correctionnel de jeunes délinquants. Le refus méme de Ja chédtralieé ou du moins son invisibilicé dans les dossiers discipli- naires s‘avére du méme ordre que le processus d’intérioriset optique thédtrale dans le dispositif de pouvoir, rel quil a éeé conga Bentham pour son Panoptique. De toute maniére dans vos livres, la répartition et la réorganisation de I'espace social sont per- ‘gues comme des facteurs essentiellement stratégiquies du dispositif| de pouvoir. M. Foucault; Tout a fait. Au moment od j'étais éeudiant, une sorte de bergsonisme latent dominait la philosophie francaise. Je dis bergsonisme, je ne dis pas que c é la réalité de Bergsoa, loin bge accordé & toutes les analyses temporelles au dépens de l'espace, considéré comme quelque chose de mort et de figé. Plus tard, je me souviens — c'est une anecdote que je czois significative du bergsonisme renouvelé dans lequel on vivait encore —, je me souviens d’avoir fait une conférence école d'architecture et d’avoir parlé des formes de différenc espaces dans une société comme la névre *. A la fin, quel pris Ia parole sur un ton erés violent, espace, cest éere un agent du que lespace, c'ese le more, société bourgeoise veut que. cest méconnaitre le grand mouvement de I’histoice, ese méconnaftre la dialectique et Je dynamisme révolutionnaite... On voyait trés bien ‘comment, sous une sorte de valorisation bergsonienne du temps au dépens de l'espace, il investisait, il développait cour simplement une conception du marxisme trés,trés vulgaire. Pew imporce l'anec- doce, elle est significative de la maniére dont une certaine concep- sion hégélienne et marxiste de l'histoire relayait et redoublait une valorisation bergsonienne du temps. M. Watanabe : Cest cet épisode que vous avez rapporté dans le débat dintroduction a I édition reprint de la traduction francaise du Panoptique **, M, Foucault: Cest ca. Or il m'a para que cest tout de méme une chos i ju ite, Cest-d-dire comment une société aménageait son 1 Voir infos 0° 360. Voir npra n° 195, 376 original; des ‘montré comment que de traduire, , des rapports de pouvoir, des relations éconoi ma paru important de montrer comment, dans la société de type capitaliste qui se développe & partit du il y a.eu une nouvelle forme de spatialité sociale, une cet= taine manidre de distribuer socialement, politiquement des espaces, et quion peut faice toure histoire d'un pays, d'une culture, ou d'une sociésé, & partir de la maniére dont Vespace y est valorisé et distribué. Le premier espace qui me parait poser le probléme et ‘manifester justement cette différenciation sociale et historique forte des sociéeés, c'est I'espace de l'exclusion, de 'exclusion et de 'enfer- ‘mement. Dans les sociéeés gréco-romai ‘grecques surtout, quand on idu — le théAere grec le montre bien yy avait toujours un espace autour. IL ‘Moyen Age a longtemps conservé Ihabitude tout simplement de se comme les Grecs, dé idus génants en les exilant. IL ne faut pas oublier que la principale fe au Moyen Age ‘zai le bannissement : < Fiche le camp ailleurs, qu’on ne te retrouve ppas chez nous. > Ee on marquait les individus au fer rouge pour quils ne reviennent pas. La méme chose pour les fous. Or, a partir du xvi sigcle, on est arrivé & une relative densité de population - sans comparaison avec la densieé actuelle — qui a fait considérer que Je monde était pl i lorsqu’on en et ative aussi I organisation étieu d'un Fiat, ou mieux a atérieue de I Europe = I Europe comme entié politique et économique commence @ se forme du bannissement et de l'exil, et qui sont en méme temps des espaces d'inclusion : se débarrasser en enfermant, La pratique de 7 1e paraft I'une des conséquences de cette existence d'un monde plein et d'un monde fermé. Lienfermement est une mas spatiales surviennent; le eroire, le Moyen Age était tune époque od les individus circulaient en permanence; moines, les univers sans se déplagaienc d awcachés. Les grands voyages n’ont pas commencé au xv siéde, loin de Ia. Mais Vespace social a commence a se stabiliser dans les socié- ‘és occidentales a partir du xvr' ou du xvn" sidcle avec des organisa- tions urbaines, des régimes de propriéeés, des surveillances, des réseaux routiers... C'a été le moment ot on a arréré les vagabonds, enfermé les pauvres, empéché la mendicité, et le monde s'est figé a pu se figer bien sr qu’a la condition qu'on institution- nalise des espaces de types différents pour les malades, pour les fous, pour les pauvres, qu’on distingue des quartets riches et des ‘quartiers pauvres, des quartiers malsains et des quartiers confor- tables... Cetee différenciation d'espaces fait partie de notre histoire ec en est certainement I'un des éléments commun. M, Watanabe : En ce qui conceme le Japon, on a une expétience historique a la fois similaire et trés différente : la décision du shogu- nat des Tokugawa, au xvi sigcle précisément, d'enfetmer le quar- tier du plaisir et celui du chéétre dans un espace pé nvavaient plus de terre 12 od ils étaient : Artaud ec a Brecht, et plus récemment de Grotowski au Théétre du Soleil, on constate que, depuis a fin du xa" siécle, certaines formes du thédere traditionnel oriental ont commencé & attrer certains dramacurges, certains metteurs en scéne occidentaux, comme quelque chose de plus proche des origines, qui échappait au moule historique occi- dental. Cest en quelque sorte la quéte rousseauiste des origines qui soriente vers des espaces extérieurs a I'Burope, en se convertissant en la recherche de l'autre, duu debors de la civilisation occidentale. On ne saurait pas réduite rout ce mouvement a une simple variance culturelle de limpérialisme des puissances d'Occident. Ce qui est cerain, C'est I'attirance d'un espace dans Jequel régne un autre 378 cemps, différent du temps théo- ique de I'Occident, Paral- Hlement, de Durkheim a Mauss, Vethnologie institue cout un espace différent comme son champ d’investigation. Ta résurgence de Ia grande thématique de l'espace pendant les années 1950-1960 a été cettainement l'un des moments les plus intéressants de W'histoite des idées, ot de L'Bipace littéraire * de Maurice Blanchot & Pierrot le fou ** de Jean-Luc Godaed, dans le domaine de Ja critique littéraire, dans celui des créations expéri- mentales, dans celui des sciences humaines, la revalorisation de Vespace prenait sa revanche contre la toute-puissante domination du temps et de l'histoire univoques. ese sans doute superflu d'ajouter que cest précisément pendant cette période que se constituait une série de discours théoriques aux- quels on a donné a tort ou a raison le nom de de Lévi-Strauss reste tout a fait exempl nécessaite de libérer son champ d’investigation et sa méthode de la domination du temps hégélien, théo-téléologique, pour assuret auronomie de sa recherche danthropologie structurale. Cee acte de Libération n’éraie possible qu'avec le postulat de Ja plutalicé des spaces et de leur différence par rapport a l'espace occidental. M, Foucault : Oui, le structuralisme, ce qu'on a appelé strucruta- lisme, au fond, n'a jamais existé en dehors de quelques penseuts, cechnologues, historiens des religions et linguistes, mais ce qu'on a appelé structuralisme se caractérisait justement par cectaine libéra~ tion ou affranchissement, déplacement, si vous voulez par rapport au privilage hégélien de 'hiscoire M, Watanabe : Mais, en meme temps, il ext tout a fait ersoné de confondre le refus du privilege hégélien de W'histoire avec la revalo risation des événements, de I €vénementialité, c'est ce que vous vou lez dice? 1M, Foucault : Ow alors qu’au coneraite ~ je ne patlerai pas au nom de Lévi-Strauss, bien sér, il peue parler lui-méme, et il est vvenu d'ailleurs ici pour en parler ~, en tout cas pour mé contraite une cercaine maniére de faire surgirI'événement et de faire des analyses historiques. On a die que j'étais structuralisee et anti- histotien, alors que je n'ai tien a voir avec le structuralisme et que je suis historien, Mais je prends précisément comme objet d , Cest-i-dire d'une analyse qui se déroule dans le temps, jessaie de prendre comme obj é 7 Blanchot (M), L'Epace liste, Pus, Gallimard, 1953. + 1965, 37 ‘aménagement de certains espaces culcurels. jet analyse. De lala confusion; vous saver, les critiques, en France ~ je ne sais pas comment ca se passe au Japon —, sont toujours un peu hats, ils onfondent trésfacilement ce dont on parle et ce qu’on a dit. Alors fc de parler de l'espace pour qu’ils considérene qu'on est spa- iste et qu'on déteste l'histoire et le temps. Ce sont des absurdités, M, Watanabe: Il y a des échos assez diceas de ceci au Japon M, Foucauls : Laissons ga, est vrai eu, au cours des toite, critiquer les historiens, mais pour éctite | autrement. Regardez Barthes, il est un historien & mon sens. Seule- sment il ne fait pas Whistoire comme on l'avait faite jusqu’a présent. Cela a &cé éprouvé comme refus d'histoire. Ce qui érait intéressant, c'est de voir que ca a éé éprouvé comme refus dhs les philosophes. Car les historiens, eux, ne s'y sont pas trompés; les historiens ont vu les travaux qu'on fuisait, que les soi-disane structuralistes faisaient, et ils les ont lus désormaais comme des travaux d'histoire, Is les ont acceptés, Gs, ils les ont critiqués comme des travaux d'histoire. . Watanabe : On sait que vous vous référez trés souvent & torien Femand Braudel et & ses travaux sur le monde méditerranéen. ‘M. Foucanlt : Justement, tous les grands historiens de ce qu‘on école des Annales en France, je sais que ce n'était pas tous, lus grand d'entre eux, , Marc Bloch, avait essayé de ese une chose importante que le struccuralisme, ce qu’on a appelé structuralisme, ait essayé de faire apparaftre une soree de temps différene; autrement di, il n'y a pas un seul temps & la manitre hégélienne ou bergsonienne, une espéce de grand flux qui emporterait tout, il y a des hiscoires différentes, qui se super- pposent. Braudel a fait des travaux trés incéressants sur ces différentes drées : vous avez des éléments qui restent stables pendant trés Jongeemps, pendant que les autres se décrochent, et finalement on a des événements dont les effets ou dont les inscriptions sont de valeurs et de porrées tout & fait différentes; donc un temps bref et gues durées; le probléme, c'est de faire 'analyse de ces jeux & eérieur du cemps. 390 Sasi ‘M, Watanabe : Je ne sais pas si c'est une simple coincidence ou une nécessité historique, mais cette résurgence de la problématique de l'espace a correspond @ la fin du regne colonialiste de la France. 1M, Foucault : Oui, Cest une remarque a laquelle je n’avais pas pensé, mais je crois qu'on pourraic en effet rapprocher la fin de Tépoque colonialiste et ce fait. C'est-A-dive premigrement que, espace européen n'est pas espace dans son entier, qu'on vie dans as qu'une seule plusieurs durées, Tes autres, qui se croisent et qui forment précisément les événe- ‘ments. Un événement, ce n’est pas un segment de temps, cest at. fond le point d'intersection entre deux durées, deux vitesses, deux Evolutions, deux lignes d’histoi : Aprés tout, la colonisation impérialiste éeait la ‘obsession du temps univoque sur un espace dif fre transformé selon le modéle occidental “objet de mon histoire, cest un pet tion impérialiste a Vintérieur de l'espace européen manire des formes de domination sur les individus ou sur fil conducteur, bien qu'encore tune fois je ne I'aie pas analysé d'assez prés. Cest le probléme de Varmée, de l'armée en Europe. Au fond, l'Europe, avant les pério- des modernes, n'a jamais &cé consticuée par les Erats féodalité n' aie pas exactement un systéme militaire, ‘me juridique complexe dans lequel, en effet, & certains moments, cettaines catégories a 1s devaient exercer Ia fonction de la aguerte, Mais ils n’é Gait bien la guerre, ils n’étaiene pas sociéeé n’était pas organisée comme une grande armée ni modéle d'une armée permanente. Quelque chose comme la légion romaine, qui avait servi a Rome de modéle a la colonisation, dont la distribution spatiale des colons jong du Danube, en Roumanie, ou ait pas; organisation spatiale de as une organisation militaire, méme si les per- sonnages principaux de Ia société, méme ceux qui détenaient le pou- voir, étaient: coujours en méme temps des guertiers. Les armées européennes éxaient toujours quelque chose de transitoire, Il a1 venait un moment, une saison, qui éraie d’alleurs toujours faissient la guerte. Alors on réunissaie des gens q finie, et souvent méme avant que la guerre ne soit finie, la batalle perdue ou gagnée, la campagne terminée, repareaient. Donc on était a Ja fois toujours en guerre, toujours en paix, il y avait des moments de guerte, mais il n'y avait pas d’espace milicaire. Les armées fon- daient, puis elles se is elles fondaient de nouveau. A partic du xv ‘une part a avoir des armées petmanentes, et du moment qu’elles sont permanentes, faut bien les localiser & tel endroie du pays, et, d'aucre p armes particulires, des canons et surtout des fusils, qui impliquent nnécessairement que les manceuvres, I'emplacement des corps d'armée, la disposition que Yon adopte pour faire des ba soient d'un calcul, d'une spéculation trés précise. De sorce que vous avez une double spatialisation de I'armée: elle existe en permanence, et il faut la répartir sur le pays; il faut lorganiser de manitre que ses déplacements, son déploiement, la fagon de se batere obeissent & des régles spatiales erés précises, C'est la qu'inter- venaient la discipline de I'armée ee lapprentissage pour renverser le front, pour transformer la ligne en front. Liarmée est devenue une espéce de modele spatial les pl diillés des camps, par exemple, deviennent le modéle de siécle, au xvut sigcle surcout, pour constituer une modéle d'une armée, entiérement encadrée pat y a eu un réve de sociéeé militaire dont eg rien a ét€ une expression et dont I’Etat prussien en a été Faure. fon @ un joli probleme d'histoire d'espace. ‘M. Watanabe : Un tris bel article de Deleuze sur votre livre Sum weiller et Punir Sinsiculait < , Mon, un nOUveAL carro ‘gtaphe > *, Deleuze insistait sur une sorce de mutation qui s était opérée entre L’Arcbéologie du savoir ee Surveiller et Pamir: jusqu’a L’Archéologie du savoir, V objet de vorce analyse était les énoncés ou les choses dites, alors qu’avec Surveiller et Panir votce analyse visait pace ou le sol auquel éraient liés ces énoncés, la sur- face sur laquelle ils apparaissaient ~ aux confins du langage, espace, juadrillent comme un diagramme. Non seule- die & un certain moment de 'histoire, mais ce qui Gait fait au méme moment est devenu objet de votre analyse; + In Grtigae, 0° 343, décembre 1975, pp. 1207-1227, celle-ci se donne pour téche de mecere au jour l'immanence de rela- tions du pouvoir qui ont rendu possible une telle production des Enonces, M, Foucault : C'est ca. Disons que mon point de vue, mon pre~ jet était tout de méme I'histoire des sciences. Elle ne faisaie pas probléme pour Ia phénoménologie. Vous ne trouver pas dans Sartre, vous ne trouvez méme pas chez Merleau-Ponty danalyses de la constitution des savoits scientifiques. Ce n'est pas une critique, est une constatation, voila tour. J'ai éxé lave d'historiens des sciences, éléve par exemple de Can- guilhem, et mon probléme a été de savoir s'il ne serait pas possible de faire une histoire des sciences qui essaie de ressaisir la naissance, le développement, V'organisation d'une science non pas tellement & partir de ses structures rationnelles internes, mais & partir des élé- entre V'analyse inteme des discours scientifiques et analyse de leurs conditions excemnes de développement. Dans His- soire de la folie, & la fois essayé de montrer comment la psychia- tie s'érait développée, quels ehém ait abordés, quels objets elle avait trai sol historique sur lequel rout cela cest-a-dite les pratiques d'enfermement, le changement des conditions sociales et économiques au xvi siécle. Puis, dans Lez ‘Mots et les Costs, si essayé de teprendre ce probléme, mais de reprendre le probléme du discours scientifique lui-méme, sans tenir compte du contexte historique dans lequel il avait joué; analyse ext cessentiellement, dans Les Mots et Jes Chose, une analyse des choses ites, des régles de formation des choses dites. Mais ily avait une autre partie qui restait en suspens ~ on me I'a assez dit, mais jen avais conscience ~, c était 'analyse des conditions externes d'existence, de fonctionnement, de développement de ces discours scientifiques. Simplement les explications qu'on proposait a cette €poque-lé, qu’on m’a suggérées, qu'on m'a reproché de it pas utilisées, ne me satisfaisaient pas. Ce n'est pas, me ‘en faisant référence aux rapports de production, ou a 'idéologie d'une classe dominante, que l'on pourrait régler ce pro- le de la folie ou 'exemple de la maladie ec 'exemple de la médecine ~ me sem- ment externe de lorganisation et du développement d'un savoir, 383 190 ‘ment du obté des relations entre le savoir et le pouvoir que Ion pou wait faire l'histoire juseement de cette mise en scéne de la vérité, histoire de ce thédere de la vérité dont vous patlez. Qu’est-ce qui a zis en scéne I'histoire de la vérité en Occident? Je crois que C'est znon pas le pouvoir entendu au sens d'appareil d’Bac, mais des relax tions de pouvoir, qui évidemment sont elles-mémes tres liées 4 toutes les relations économiques, aux relations de production, mais ce sont essentiellement les relations de pouvoir qui one constitué ce ‘héitre od la rationalité occidentale ec les régles dela vérieé ont joue M, Watanabe : Dans le premier tome de I'Histoire de la sexua- 4, La Volonté de savvir, vous Etablissez une distinction entre ncé et le discours. Un discours, surtout s'il s'agit de discours €, suppose et implique quelque chose qui dépasse le niveau de Iénoncé. laquelle philosophie analytique a faie sur les énoncés et les énoncia. tions toure une série d’analyses remarquables qu'on ne peut pas méconnaitre. Mais mon probléme était un peu différent. Mon pro- blame n’éraie pas de savoir comment se formait tel énoncé ou & quelle condition il pourrait étre vrai, mais de traiter des unités plus Jarges que les énoncés ~ taiter des énoncés plus larges ne veut pas dire raiter avec moins de rigueur; le probleme était de savoit com- ‘ment un type de discours p type de discours, il y a des went et énoncé n'est pas formé selon ces régles, eh bien, cet énoncé ne peut as appartenit a ce discours. Prenons un exemple trés simple. Jusqu’a la fin du xvi" siécle en France, entre un discours de charlatan et un discours de médecia, il n'y avait pas tellement de diffécences. Les différences étaient plutse succés ou I'insuccts, dans les éeudes faites ou pas faites par le disaient n’éeaie pas tellement dif- it, a peu de chose prés, le méme. Il ours médical s'est organisé selon un. les que l'on peue ¢ bon ou pas bon, mais s'il est un médecin ou un charlatan. Car il ne patlera pas de la méme chose, ill ne feta pas appel au méme type de causalits, il n’utilisera Pas le méme concept. Encore une fois, cela ne veut pas dire que 384 Michel Foucault, Dits et éerits "un ne peut pas parfaitement n'éire pas capable d’éere un bon mé can, mais j quel pas dire d'erreurs, finalement un chasla dra, pris en lui- pour ére un discours effectivement discours médical, quels concepts doi type de théorie essayé de (ots et les Chases, en tout cas i posés dans Les Mots et les Choses et dans L’Archéologie du ‘M. Watanabe : Nous avons dabord patlé de I'espace et du pou- ensuite du discours er du pouvoi termes de chaque série d’interrogations intervient le proble corps. Or on a assisté & une revalorisation du corps dans la pratique thédtrale depuis les années soixante, dans cette avant-garde théderale ‘qui privilégiai le comps, le travail sur le corps, interrogation sur le corps de I'acteus, et le phénoméne a pris une dimension mondiale. Les théoriciens reconnaissaient dans cette revalorisation du comps Vancichése suratégique vis-a-vis du logocentrisme occidental. Au Japon subsistait encore un culte de la pratique corporelle dans les domaines eraditionnels de 1a culture, culte dans lequel cercains hommes de théitre d'avantgarde voyaient un point d'ancrage essentiel pour dénoncer toutes ces aliénations -culeurelles 4qu’ont subies les Japonais pendant trois quarts de siécle de moder- nisation-occidentalisation du pays Je ne répéterai pas ce dont je vous ai entretenu pl sais la technologie du corps dans les pratiques tionnelles, des arts martiaux au thédtce kabuki, préparait sans doute le terrain pour le dressage moderne du corps, pour implantation de ute une série de régles disciplinaires centrées sur ce que vous appe- lez la < technologie politique da comps >. Paradoxalement, dans avant-garde chédtrae japonais, la fascination du corps et du savoit corporel était d'aurane plus grande que l'exploitation, par le régime militaire, de la technologie politique du corps avait éé poussée jusqu’a labsurde Or, dans vos livees, le comps, dés le début, a éxé présene: le grand ‘enfermement visait la présence corporelle des fous, et la clinique stoccupait du corps des malades. Mais avant Surveiller et Punir, le corps apparaissait, si jose dire comme en filigrane, et C'est précisé- ment avec ce livre sur les crimes et les disciplines correctionnelles ‘que le corps a fait son entrée non dépourvue d'effets spectaculaices, 385 M, Foucault : IL m'a semblé en effec chose d'important non seulement dans l'histoire politique et écono- mique, mais aussi dans l'histoire, j'allais dire métaphysique et phi- losophique de l'Occident. Comment y suis-e artivé justement en essayant de retracer certe histoire des sciences humaines & partir des relations de pouvoit? Comment l'homme ese-il devenu dans les sociéeés occidentales objet d'inquiéeude, de souci ~ question tradi- tionnelle ~, mais aussi objet de sciences qui ont voulu se présenter comme des sciences spécifiquement destinées savoir ce qu'était Thomme, en quoi il consistai, comment soa comportement était prévisible, Alors de quel c6t€ chercher cela? Crest ld 08 ce probléme de I'espace est intervenu et m’a semblé éere une clef. Dans une société de type féodal, bien sa, le corps des. individus est important. Comment s‘exerce alors le pouvoir poli- tique, économique et religieux sur le corps? De trois facons, je crois Premiérement, on exige que le corps du sujet fournisse, produise, mette en circulation des signes : signes de respect, signes de dévo- tion, signes d’assujetrissement et de servilité. Ces signes sont donnés par des gestes, par des vétements. Deuxiémement, le corps est objet du pouvoir en ceci que l'on a parfaitement le droit d'exercer sur lui des violences jusqu’a la more comprise. Pas dans n'importe quel cas ec selon ceraines régles, mais le droit de vie et de mort fait partie des marques de la souveraineté. Troisiémement, on peut imposer le travail il y avait 1a quelque fécene au faic que les gens se reproduisent ou pas; il est indifferent a la maniéce done les gens vivent, dont les gens se comporcent, dont les gens agissenc, dont les gens travaillent. En revanche, vous voyez, a partir du xvut siécle, dans les sociéeés cccidentales se développer toute une série de techniques pour dres- ser et pour surveiller les individus dans leurs comportements corpo- rels, s clair par exemple pour I’école. En quoi consistait-elle le apprenait aux gens un certain nombre de choses. Dans les écoles, jusqu'au débur du xx" siédle, les écoliers se bous- cclaient autour du maftre qui était au milieu, eux, ouvrant les yeux, formant un petit paquet autour de lui, artrapant ce qu'ils voulaient des paroles du maftre. Or on a vu depuis le xvr sicle se développer jusqu’au xa siéele toute une série de techniques pour apprendre aux gens ase tenir, a se comporter d'une certaine maniére, et 'école est devenue simuleanément un dressage physique. On a de plus en plus exigé que les écoliers se mettent en rang, s‘alignent devant un 536 professeur, que le proviseur puisse regarder a chaque instant ce qui ait en train de se faire, sils étaient distraits ou pas, s'ils écoutaiene, ient bien sous la dictée; tout un dressage corporel. La our Iarmée : dans I'armée aucrefois, il suffisait de ‘arc, bien ou mal, et puis, manceuvres dont on 2 parlé rout & l'heure, ‘Méme chose pour louvrier: vous aviez le pouvoir politique, lans les sociéeés occi- ressés au corps sur un mode tout a fait nouveau, sous la forme du dress lance permanente et de la performance, de l'inten formances. Il faut toujours en faire de la productivieé du comps, até, je eros, la condition historique pour que se développent les sciences humaines, la sociologie, la psychologie. D'oi, toute une technologie du corps, dont la psychiatre est finalemene l'un des aspects dans la médecine moderne. Cette valorisation du corps, au niveau non pas moral mais au niveau politique et économique, a été Lun des traits fondamentaux de VOccident. Et ce qui est justement curieux, c'est que cette valori- sation politique et économique du corps, cette importance quion attachaie au corps s'est accompagnée d'une dévalorisation morale de plus en plus accentuée. Le corps, ce n’érait rien du tour, le corps, Cétaic le mal, le corps, cétait ce qu’on faisait couveir, dont on apprenait a avoir honte. Et on abouti, au ctorienne >, a une sorte de dissociation, de dis- certainement & Votigine de biea des troubles psy- iduels, peut-étre aussi de troubles collectifs et calturels plus larges : un corps survalorisé économiquement et un corps dévalotisé moralement. ‘AM. Watanabe : Comme vous l'avez montté hier dans votre sémi- naire de I'universieé de Tokyo, l'atticude négative vis-a-vis du corps 1'a pas éé V'invention du christianisme, tel qu'on Iimagine tits souvent ~ véritable liew commun ~, elle existait déja chee les stoi ciens romains. Le chtistianisme a introduie et généralisé une tech- nologie de pouvoir centrée sur le corps et sur le sexe, ce que vous appelez le < pouvoir pastoral >. M, Foucault : Ces oa ‘M, Wasanabe : Votte remarque sur V'é&cole me rappelle Le Réveil sar 1978 du printemps de Wedekind que jai va il y a quelques années & TOdéon. La pitee de Wedekind n'est-elle pas une sorte d'image caricacurée du Philanthropinum * dont vous analysez le fonctionne- ment dans La Volonsé de savoir? M, Foucault : Absolument, Vous avez dans le théitre allemand toute une tradition qu'on connate d'ailleurs assez mal, du théétre pédagogique. Il a l'école pour scéne; vous avez Le Pricepteur de Lenz qui est directement lié au Philanthropinum, Lenz a écrit son texte d partir des expériences pédagogiques du xvur siécle, et mal- hheureusement les metteurs en scéne francais qui I'ont monté n'ont pas eu conscience de cela, C'érait une pigce directement lige a une sctualité presque technique: la réforme de lenseignement. Le Réveil du printemps de Wedekind, un siécle apres, continue & poser e méme probléme, M, Watanabe: Comme le nom de Lenz vient d'éxre évoqué, i'simerais bien parler d'un jeune merteur en scéne francais qui a fait ses déburs il y a une quinzaines d'années avec Les Soldats de Lenz — décidément, ce soir, on ne saurait échapper a Varmée et & la disci line ~ j‘entends Patrice Chéreau. Vous m'avez dit que l'année der- nie vous aviez assisté aux représentations du Ring monté par reau-Boulez & Bayreuth. Dans Le Réveil du printemps, tout a l'heure fat allusion, on entendait également quel- ‘ques morceaux de Wagner en tant qu’élément de la mise en scene. Il est peut-ttre temps que notre dialogue, en convergeant vers le Gorterdammerang, se précipice & son terme, Mais avant de venie & ‘Wagner, voulez-vous nous parler un peu de vos amis? Par exemple, de Gilles Deleuze dont le nom & été évoqué tour au début de notre cntretien, ou de Pierre Klossowski, ou encore de Georges Bataille, de Maurice Blanchot, qui scintillent & travers vos livres comme une sorte de constellation magique. Ou bien de Claude Mauriac, qui, & miéme la vie privée, évoquait dans son livee Et comme Pespérance est vialente ** les figures inattendues de certains intellectuels parisiens, en particulier dans leurs activités politiques — es enquétes que vous meniez sur l'arrestation illégale d'ouvriers immigrés ou Maction du Groupe d'information sur les prisons ~, eémoignages personnels trés importants sur ce que vous faites en tant que militant. M, Foucault : Alors parlons des amis, mais je ne vous patlerai pas amis en tant qu’amis. J'appartiens peur-éere @ une génération un * Allusion & une fede ducation sexuelle exganisée par Basedow en 1776 dans son cllige philachropique ‘* Mauriac (C), Et comme Pepérance et iolonte, Pts, Grasse, 1976. Mmichet Koucanit, Wits et écrits sortes d'organisations ou de groupes p de pen- sée ou de cercles académiques; l'amicié, c'est pour moi une sorte de franc-magonnetie secréte. Mais elle a des points visibles. Vous par- liez de Deleuze qui est évidemment quelqu’un pour moi de tres important, je le considére comme le plus grand philosophe francais actuel M, Watanabe: «Le siécle & venir sera deleuzien? > M, Foucault : Permettez une petite rectification. Il faut imaginer dans quel climat de polémique on vie & Paris. Je me souviens trés bien dans quel sens j'ai employé cetee phrase. Mais la phrase est celle-ci: actuellement - Cétait en 1970 — trés peu de gens conaaistent Deleuze, quelques initiés comprennent son importance, ‘ais un jour viendra peut-éere od < le sile se adie le « sicle > au sens chrétien du terme, lopin opposée a I'élice, et je dirais que a n’empéchera pas que Deleuze est sophe important. C'érait dans son sens péjoratif que j'ai employé le mot . Oui, Deleuze, c'est quelqu'un de ts important pour moi. Klossowski, Bataille, Blanchot ont été pour i erés importants. Et je crains bien de a’avoir pas fait dans ce que éctit Ia pare suffisante a linfluence qu’ils ont dé avoir sur moi. Je arois que ‘que par ingratieude. Je dis par timidicé, parce que je considére leur ceuvre lictéraire ou pPhilosophique comme tellement plus importante que ce que je peux faire, que je ttouve de mauvais aloi de valor j'essaie de faire, en le placent sous le signe, sous ‘noms comme on se protége par quelque divinicé, e je ne veux pas ‘me protéger, surtout pas par les gens que je considére trop pour les convoquer & mon. parrainage, Actuellement, il m'artive de rencontter des étudiants qui me demandent, quand je prononce le nom de Blanchot : < Qui est- M, Watanabe: A ce la! Crest scandaleux! ls savent un petit peu, Bataille égale- ‘ment, mais je me suis die que finalement mai res, on te qu'on leur inées 1950, ont premiers, d'abord & commences & nous faice sortir de le fascination hégélienne dans laquelle on était enfermé, en tout cas qui nous sur- 328 1978 plombait. Deuxiémement, cest eux qui ont fait les premiers appa- raftre le probléme du sujet comme probléme fondamental pour la Philosophie et pour la pensée moderne. Autrement dit, depuis Des- cartes jusqu’a Sartre — je ne dis pas ca de fagon polémique -, il me semble que le sujet était bien considéré comme quelque chose de fondamental mais auquel on ne touchait pas: il était ce qu’on ne smettait pas en question. De ld vraisemblablement, cest en out cas ce que Lacan fait remarquer, que Sartre n'a jamais admis Vinconscient dans Je sens freudien, L'idée que le sujec n’ese pas la rme fondamentale et otiginaire, mais que le sujet se forme a pastir d'un certain nombre de processus qui, eux, ne sont la subjectivité mais d'un ordre évidemment tres di et faire apparaitre, sujet lui-méme, istoire; le sujet n'est pas ; wvait die? Freud sans doute, mais il a fallu que Lecan le aftre claitement, d'od importance de Lacan. Bataille d'une certaine facon, Blanchor a sa maniére, Klossowski également fait, je crois, éclater ceete évidence originaire du ont faie surgir des formes d'expérience dans laqu: sujet, son anéantissement, la rencontre de ses ‘clement hors de ses limites montraient bien qu'il n‘avait pas cette forme originaire et aucosuffisance que la philosophie classiquement lui supposaic. Ce caractére non fondamental, non originaire du sujet, Cese ois, qui est commun a tous ceux qu'on a appelés les 3 et qui a suscité de la part de la génération précédente ou de ses ceprésentants tellement d'irtation, c'est vrai dans la psy- chanalyse de Lacan, i dans le structuralisme de Lévi-Strauss, dans les analyses de Barthes, dans ce qu'a fait Althusser, dans ce que j'ai essayé moi-méme de mon o8té, A ma maniére, que nous étions tous d'accord sur ce point qu’il ne fallait pas partir du sujet, du sujet au sens de Descartes comme poine originaire partir duquel tout devait étre engendré, que le sujee Iui-méme a une gendse. Et Par 1d méme se retrouve 1a communication avec Nietzsche. ‘M, Watanabe : J'ai mis notre encretien sous le signe du chéétre, ce n'est pas en me référant seulement au théétre tel qu'il se pra tique, mais en pensant précisément a Nietzsche, dont Y'ombre semble dominer toute réflexion théétrale actuelle, Vous-méme, dans ce beau texte < Nietzsche, la généalogie, Phistoire * >, cout ‘comme Deleuze ou Klossowski dans leurs écrits sur Nietzsche, vous Voir sapra 9° 8 Michel Foucault, Dits et terits ee sur I'importance du probléme du théaere dans la pensée de jetzsche, Je voudrais revenit dans ce contexte au Ring de Chéreau-Boulez, que vous avez vu. Moi-méme, j'ai eu Ja chance de le voir et de écouter lors du centenaire du Festspielhaus a Bayreuth et je compte yy Fetourner encore cece année, Nous avons déja parlé du travail de (Chéreau, & propos de sa mise en scéne de Le Dispute de Marivaux, vun travail absolument passionnant, qui remettait la pide de Mari vaux dans le contexte historique et philosophique du xvit' side francais, dans un horizon, ¢ dire, o& Rousseau et Sade séchangent leurs réflexions sur l'éducation, sur le dressage du corps et de I'ame, sur la violence méme du regard pédagogique. Et si ma mémoite est bonne, Vauceur du prologue que Chéreau a ajouté dans sa mise en scéne était quelqu’un que vous connaissiez bien. C'est Frangois Regnault, qui a aussi collaboré au Ring du centenaite? M, Foucault : Oui, cest Francois Regnault. Je le connais depuis dix ans. M, Watanabe : L'Echange de Cl M, Foucault: Cest a. ‘M, Watanabe ; Et comment avez-vous trouvé le Ring? M, Foucault : Boulez, je le connais depuis longeemps, puisque ‘nous avons le méme age, et que je I'ai renconeré quand nous avions vingt-deux, vingt-trois ans I'un et l'autre. A ce moment-li, je ‘ai x6 a ce cycle Wagner — , mais ce a est le frére d’Anne Delbée, merteur en scene de pas la seule raison ~, a toujours eu a propos du Ring cecte méconnaissance, dans la culture occidentale, des valeurs du théétre et une réduction de Ja pare thédtrale de Toeuvre de Wagner au profit de sa seule dimension musicale. Oa écourait Wagner, on ne voyait pas Wagner. Les mises en scene trés belles de Wieland Wagner avaient cout de méme essentiellement ‘pour fonction d’exalter la musique et constituaient une sorte de sup- pport visuel pour une musique, dont Wagner a tout de méme voully spatialement qu’elle soit au-dessous. M, Watanabe : Qu'on Vappelle opéra ou qu'on l'appelle drame musical, il faut qu’on le voie: cese un théiur. M, Foucault : Cest ga. Encore que la musique soit en dessous, celle doit soreir de la scéne sur laquelle sone des personnages visibles, so 1978 IL ne doit méme pas y avoir ceree espéce d'écran entre les specta- eurs-auditeurs et la scéne comme dans l'opéra classique. Or Chéreau a parfaitement vu ¢a, et on dirait que c'est son tier, il faisaie ce que l'ceuvre revendiquait de sa part. Mais ce qui érait admirable, c'est que Boulez, grand musicien et grand chef, en ese actuellement, a parfaitement accepré de jouer le jeu. Deuxiémement, savoir que Nietzsche, ce n'est pas cela, des choses proptement antisémi pas éxre dite simplement pensé: ‘Wagner non plus, quelles qu’aient é sche, Wagner était au fond essentiellement anarchisant, en tout cas, sa pensée politique écaittrés différente. Er je crois que Chéreau a fait quelque chose de trés important en comprenant cela et en permet- tant, a travers sa mise en scéne, qu'on revienne aux textes de ‘Wagner qui sone des textes trts intéressants; le chéétre de Wagner, ‘ce n’ese pas simplement une sorte de déclamation iythologique u peu rétrograde servant de support et d’accompagnement & ‘musique. Ce sont des drames imporeants qui ont un sens hist que Chéreau a parfaitement montré. Ex rroisitmement, Wagner, comme Schopenhauer et comme Nietzsche, est I'un des rates qui aient posé le probléme du sujet en des termes non cartésiens Ila essayé de voir comment la con occidentale du sujet était une conception tout de méme trés ‘et que celui-ci ne pouvait pas servie de fondement incondition: I sa rencontre avec I'Ori ‘nous a imposée notre culeure depui encore, je crois, I'un des enjeux des luttes actuelles, La ese mon intétée pour le bouddhisme zen M, Watanabe : Bffectivement, on dit que vous allez passer quel- ues jours dans un monastére zen, il faudra revenie a la probléma- tique du corps. M, Foucault : Justement, dans Vhistoire que jessie de faire des techniques de pouvoir en Occident, des techniques qui portent sur les corps, sur les individus, sur la conduite, sur les anes des indivi- dus, jai écé amené a faire une place erés importante aux disciplines cchrétiennes, au chtistianisme comme formateur de l'individualité et 392 de Ia subjectivité occidentales, et j'aimerais beaucoup, & dire vrai, comparer ces techniques chréxiennes aux techniques de la P bouddhiste ou extréme-orientale; comparer des tech- niques qui jusqu’a un certain poine se rapprochent; aprés tout, le monachisme occidental et le monachisme cheétien étaient marqués, décalqués sur le monachisme bouddhique, mais avec un effet voir comment, travers des techniques apparemment trés sem- étisme, de méditation, a travers cere ressemblance glo- bale, on arrive a des résultats tout & fait différents, Sans doute parce "il y avait des techniques pour des choses obligacoirement dif- frentes. Voila le premier point, et, & vrai dir, le second poine serait de pouvoir trouver dans un pays d'Extcéme-Orient des gens qui STintéressent eux aussi a ce type de probléme pour qu’on puisse faite, s'il est possible, des érades, sinon paralléles, du moins cx qui puissent se faire écho, écho les unes aux autres, sur la discipline du corps ou sur Ja constitution de I'individualie M, Watanabe : Comme vous savez, la spisituaité japonaise pas- sait toujours par le corps et la part du langage y étaie erés difference par rapport a la spiritualité chrétienne. C'est un point. Et puis dans la société japonaise moderne, qui s'est constituée d’aprés le modéle cccidental du xix" sidcle ~ la modemisation voulaie dire occidentali- sation selon les normes politiques, économiques, sociales, culeurelles de la société occidentale du x1x' siécle -, les Japonais se préoc- cupaient surtout de I'instauration du sujet occidental, cartésien. Apres ‘exploitation arriérée de la technologie du corps par le régime fasciste, la constitution du sujee moderne & l'occidentale a éxé considérée comme une libération par rappore a 'assujettissement jal, comme enjeu essentiel de la démocratisation du pays. Dio’ le succis de Wexistentialisme, qui a eu une plus longue vie au Japon qu’en France. Mais on s‘incerroge également sur la lacune la plus importante dans 1a constitution de l'individualité moderne, qui ese celle du christianisme. Le probléme que vous posez jetterait tune lumiére sur cette espéce de décalage qui n'est pas simplement ordre historique, mais aussi dordre culturel. Or vous avez commencé votre conférence hier @ I'université de Tokyo par une femarque sur le double phénoméne qu'on constate au xix" sicle en Occident, dans le domaine de la sexualité : le refus de son propre 393, désir qui se manifeste comme hystérie et Ja surabondance du savoir sur la sexualité qui rendait possible toute une série de sciences sexuelles. Dans La Valonté de savoir, vous insis ‘méconnaisse pas est le deuxitme phénoméne qui conscicue I'élément ess dispositif de pouvoir. Nous n’avons malheureusement pas ici le temps de discuter sur Tinciration au discours sur le sexe et sur la censure, encore assez archaique, en tant que phénoméne trés japonais, Mais cout de méme, dans une sociéeé qui s'imagine saturée d'informations et de savoir, quel s6le attribuez-vous aux intelleceuels? M, Foucault : Cesc un peu de ce sujee-la que je voudrais pasler "Asahi *; je dirais briévement que l'intellectuel me pataft as tellement le rdle de dire des vétités, de dire ues pour l'avenir. Peut-tere le diggnosticien du présent, comme je disais tout a l'heure, peut-il essayer de faire sais train de se passer, dans les domaines précisé- est peut-étre compétent, Par le petit geste qui le regard, il rend visible ce qui est

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