Agriculture
Alimentation
Environnement
N°5 - JUIN 2008 magazine
Penser la recherche
agronomique
au niveau mondial
◗ HORIZONS
03◗ HORIZONS EDITO
Tribune Inra-Cirad
Moderniser la gestion
de la recherche Chers lecteurs,
06◗ RECHERCHES
L
’agriculture française a su relever en son temps le défi
& INNOVATIONS de la satisfaction des besoins alimentaires de nos
Premier inventaire concitoyens. La recherche agronomique a ici joué un rôle
des organismes exotiques
en Europe
premier. Les défis alimentaires, environnementaux et sociaux
sont aujourd’hui planétaires. Les agricultures des Nords et des
Gaz à effet de serre
d’origines agricole Suds sont à ré-inventer simultanément, car elles sont et seront
et forestière de plus en plus interdépendantes et parce qu’elles s’apportent,
l’une à l’autre, des éclairages enrichissants. Il est de la
◗
Nourrir 9 milliards
COLLOQUE
s’intéressait à l’agriculture en milieu tempéré et d’autres INTERNATIONAL
organismes, comme le Cirad, qui l’abordent en milieu tropical. organisé par l’Inra
et le Cirad
C’est pour dépasser cette segmentation que l’Inra et le Cirad le 3 juin 2008.
Vidéos disponibles :
renforcent leurs coopérations sur des thématiques de recherches www.gip-ifrai.fr.
de personnes en 2050
et qu’ils ont uni, depuis 2006, leurs réflexions prospectives
sur les systèmes agricoles et alimentaires à l’horizon 2050.
Cette nécessité d’ouverture et de partage des connaissances
scientifiques à l’échelle internationale, les deux organismes
13◗ DOSSIER l’ont affirmée ensemble, le 3 juin, dans un colloque international
qui a réuni des participants venus de plus de 50 pays des Nords
quelle contribution de la
Penser la recherche
agronomique au
niveau mondial
et des Suds ainsi que tous ceux qui ont suivi les débats à distance
grâce à des connexions Internet. Ce colloque était une étape
dans la mobilisation de la recherche agronomique. Elle devra
recherche agronomique ?
se poursuivre, à la fois au sein de l’Inra et au niveau mondial,
A
près de longues années diversité et la dégradation des sols. La connaissances pour élaborer des ré-
avec l’ensemble des acteurs de la recherche et du développement. d’oubli, l’agriculture foca- recherche agronomique doit se mobi- ponses nouvelles, intégrant les apports
lise l’attention de la Banque liser pour aider les agriculteurs à re- de toutes les disciplines et les objectifs
25◗ REPORTAGE mondiale dans son rapport lever ces défis, en tirant les leçons du multiples de l’agriculture, et permet-
L’équipe de recherche
de Mirecourt Marion Guillou, 2008 et mobilise les chefs d’Etat dans passé et en proposant des pistes pour tant une diversité de systèmes agri-
présidente-directrice générale un sommet mondial sur la sécurité l’avenir. Tel est le sens de l’expertise coles et alimentaires, adaptés à des
Outils de veille stratégique alimentaire. Les récentes « émeutes de collective internationale sur l’agricul- contextes variés. L’expertise mérite
en santé animale la faim » nous le rappellent en effet ture et le développement (IAASTD : d’être poursuivie et régulièrement
Alimentation de façon dramatique : l’alimentation Assessment of Agricultural Knowledge, actualisée, pour éclairer les acteurs et
et développement durable et l’agriculture sont un enjeu majeur Science and Technology for Develop- les décideurs. Elle doit également pou-
de ce siècle. ment), et de l’implication de l’Inra et voir s’appuyer sur des scénarios afin
INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE Au-delà de la réponse immédiate au du Cirad dans cet exercice. de mieux comprendre leurs conditions
147 rue de l'Université • 75338 Paris Cedex 07
29◗ IMPRESSIONS www.inra.fr
problème d’accès à la nourriture des L’IAASTD relève un bilan contrasté de réalisation et leurs conséquences.
urbains les plus pauvres, il faut pren- de l’évolution de l’agriculture au cours C’est dans cet esprit que l’Inra et le
dre toute la mesure du triple défi qui des 50 dernières années : la produc- Cirad ont développé depuis 2006
34◗ REGARD Directrice de la publication : Marion Guillou. Directeur éditorial : Pierre Establet. Rédactrice en chef : Catherine
Donnars. Rédaction : Magali Sarazin, Pascale Mollier, Patricia Léveillé. Ont contribué à ce numéro : Gilles Aumont , est devant l’agriculture mondiale : tion alimentaire a plus que doublé, « Agrimonde » : une prospective com-
L’évaluation multicritère Pierre Casadebaig, Michelle Cussenot, Philipe Debaecke, Catherine Esnouf, Marie-Colette Fauré. Photothèque : Jean-Marie celui de la croissance démographique, mais l’écart de rendement entre les ré- mune sur l’avenir des systèmes agri-
des unités de recherche Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître. Maquette : Patricia Perrot. Couverture : Faire Savoir. Conception initiale : avec environ 9 milliards d’habitants gions s’est accru et l’agriculture in- coles et alimentaires mondiaux à
Citizen Press - 01 53 00 10 00. Impression : Caractère.
Imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement. PEFC/10-31-945 à l’horizon 2050, de la raréfaction des tensive en intrants chimiques et éner- l’horizon 2050. Cette réflexion asso-
36◗ AGENDA Dépôt légal : juin 2008.
Renseignements et abonnement : inramagazine@paris.inra.fr
PEFC/10-31-945
ISSN : 1958-3923
énergies fossiles et des changements
environnementaux, avec le réchauf-
gie est aujourd’hui jugée peu durable.
L’IAASTD appelle la recherche agro-
cie une approche quantitative et une
analyse qualitative, de façon originale
fement climatique, l’érosion de la bio- nomique à mobiliser ses outils et ses par rapport à d’autres travaux. Elle 2
●2 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
3
◗ HORIZONS en bref
la gestion
du GENome des Animaux
d'Elevage) vient d'être
renouvelé pour 5 ans. Créé
vise à comprendre les évolutions dans croître les rendements, mais aussi pour ble nombre de ces bactéries, rarement coopération entre directions d’établissements
CONFÉRENCE ORecherche pour
DE PRESSE
le monde au cours des 40 dernières concevoir et diffuser les nouveaux sys- cultivables en laboratoire, mais à la de recherche et d’enseignement supérieur ; de
années : intensification, augmentation tèmes agricoles productifs et durables. base d’un sol « vivant ». recentrer la création d’UMR sur les projets l’agriculture biologique
le 3 juin 2008.
Organisé par l'Inra et le
des surfaces cultivées, augmentation Le défi pour la recherche agronomique Enfin les relations entre la recherche scientifiques explicites auxquels les parties oc-
ministère de l'Agriculture
de la disponibilité alimentaire appa- et le développement est immense. Il et les acteurs doivent être renouve- troient des moyens équilibrés ; de conforter la
F
rançois d’Aubert, ancien ministre de l’Inra pourraient déboucher à moyen terme • 8 /07 : inauguration des
Des politiques volontaristes à diffé- vices environnementaux ou sociaux. soutenir la recherche agronomique la recherche, a présenté le 16 avril son à la constitution d’unités de recherche de taille bâtiments des Installations
rents niveaux seront nécessaires pour Les recherches menées en agriculture dans les pays des Suds et réussir le rapport sur un partenariat renouvelé importante pour mutualiser les compétences nationales protégées pour la
rendre possibles ces évolutions struc- biologique ou en production intégrée continuum entre les savoirs des Nords entre organismes de recherche, uni- de gestion, assortie d’une spécialisation des recherche sur les encéphalo-
turelles et pour réguler les échanges ont par exemple mis en évidence cer- et des Suds. Ce colloque a permis d’é- versités et grandes écoles. Plusieurs proposi- métiers de gestion de la recherche liées à la pathies spongiformes transmis-
agricoles et alimentaires entre régions. tains verrous techniques et scienti- clairer le besoin en investissement tions visent à simplifier la gestion des Unités technicité des outils et à la complexité de la sibles (Inprest) au centre Inra
Ces derniers seront en effet indispen- fiques qui sont des pistes de progrès financier et intellectuel dans le do- mixtes de recherche (UMR) entre organismes réglementation. En s’inscrivant dans cette de Tours.
sables dans la mesure où certaines significatifs si nous ciblons les efforts maine agricole. Les conclusions des grâce à un mandat unique de gestion, attri- dynamique, l’Inra conforte sa position d’opé- OProductions végétales
zones, plus spécifiquement l’Afrique pour les lever. débats ont été transmises à la FAO bué préférentiellement à l’établissement hé- rateur de recherche. Mais il doit en retour se et sécheresse
du Nord, l’Afrique sub-saharienne et Les outils technologiques doivent pour contribuer aux travaux menés bergeant de l’UMR. Une procédure d’habili- donner les moyens d’une politique de forma- Le 6 juin, à Toulouse, l’Inra
le Moyen-Orient resteraient déficitai- aussi être utilisés pour explorer de simultanément à Rome. ● tation (cahier des charges mis en place par le tion et de recrutements sur des profils quali- a animé un Carrefour de l’inno-
res en produits agricoles et alimentai- nouveaux horizons de connaissan- ministère de la recherche) garantirait l’enga- fiés. Cette ambition est au cœur du schéma vation agronomique (Ciag)
res à l’horizon 2050. ces : ainsi, les outils de génomique gement de l’établissement gestionnaire sur la directeur mis en place en 2007 pour l’évolu- pour mieux gérer la ressource
hydrique en production végé-
Des investissements considérables de- sont mobilisés pour connaître le mé- Marion Guillou, qualité des services de gestion rendus aux uni- tion de la gestion. ●
tale. Les interventions sont
vront également être consacrés aux tagénome des bactéries du sol, alors présidente de l’Inra tés : finances, contrats de recherche, person- disponibles sur
infrastructures et à la recherche - dé- que jusqu’à récemment les scienti- Patrice Debré, nels contractuels, locaux… À travers cette ha- www.inra.fr/ciag
veloppement, non seulement pour ac- fiques n’avaient pu étudier qu’un fai- président du Cirad bilitation à la gestion, c’est la capacité des Michel Eddi
●4 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●5
◗ RECHERCHES Premier inventaire du territoire européen et des îles as- bitats humains (zones urbaines,
en bref
sociées (Canaries, Madère…). Cet in- champs cultivés…), mais cette situa-
ventaire identifie en outre les espèces tion n’est peut-être que provisoire. OBactérie intestinale
exotiques en Europe L’objectif in fine est de contribuer à tre quels prolongements l’Europe ac- digestif capable de transformer
des politiques nationales de préven- cordera à cette démarche, certaines le cholestérol en coprostanol,
tion et à l’évaluation du coût des inva- questions pourraient constituer des molécule non absorbable éliminée
sions biologiques pour la biodiver- pistes de recherche : quelles sont les dans les selles, a été identifiée
sité et l’économie. voies privilégiées d’invasion et les fac- par une équipe de chercheurs
Cinq équipes de l’Inra ont participé teurs qui les facilitent ? Quelles mo- de Jouy-en-Josas.
Le programme Daisie (Delivering Alien Invasive Species Inventories in Europe) a présenté à ce premier inventaire, aux côtés difications les changements clima- Applied and Environmental
au début de 2008 le bilan de trois années de recherches consacrées à un premier inventaire d’équipes de 24 pays européens. L’Inra tiques peuvent-ils entraîner chez les Microbiology, septembre 2007
des organismes animaux et végétaux exotiques en Europe. a coordonné les recherches sur les espèces invasives en particulier dans OBactéries glaçogènes
Des chercheurs français
(Avignon) et américains
ont montré que des bactéries
entraient pour une part
importante dans la formation des
cristaux de glace ou de neige.
Ces bactéries dites glaçogènes
(présentes sur les feuilles des
plantes et pouvant être patho-
gènes) ont été identifiées
dans des échantillons de neige
en France, en Amérique du Nord
et en Antarctique.
© Inra / Sylvie Derridj - Jakob Wegener © Joaquim Alves Gaspar © Jean-Claude Streito / LNPV © Inra / Jacques Barthes
Science, 29 février
◗
◗
OEtude Transfact
DIABROTICA VIRGIFERA (chrysomèle) espèce CARPOBROTUS edulis (griffe de sorcière). BEMISIA TABACI, espèce invasive ACCOUPLEMENT de Ceratitis capitata
invasive originaire d’Amérique centrale, insecte d’origine tropicale, insecte vecteur Wiedemann (cératite), Diptère Trypetidae.
Cette étude montre que les
ravageur du maïs. de virus qui s’attaque aux cultures sous acides gras trans d'origine
serre dans le sud de l’Europe. naturelle (lait, beurre, produits
laitiers) n'ont pas d'effets négatifs
de la vigne au 19e siècle, chrysomèle
L
’inventaire concerne les espè- en Europe alors qu’on en comptait 8 invertébrés terrestres, parmi lesquels la dynamique de leurs populations ? sur les risques de maladies
ces exotiques (étrangères) in- pour la période 1950-1974. du maïs plus récemment- ou sani- on trouve des insectes dont les inva- Quelles sont les capacités de réponse cardiovasculaires à l'inverse
troduites en Europe directe- taire -Chikungunya avec l’expansion sions peuvent être dramatiques pour des écosystèmes ? Plus généralement, des acides gras trans d'origine
ment ou indirectement par Introductions exotiques du moustique Aedes albopictus, pol- les activités agricoles ou forestières, et l’étude des invasions biologiques est industrielle, provenant d'huile
l’homme. Sont exclues les espèces qui Le développement des échanges et len allergène de l’ambroisie, etc. sur les champignons, cependant très considérée actuellement comme de- partiellement hydrogénée.
sont en expansion du fait par exem- des voies de circulation en est large- peu représentés dans le programme. vant apporter une contribution ma- L'étude Transfact est réalisée
ple du changement climatique. Les ment responsable. En s'appuyant sur Collaboration internationale jeure à la biologie évolutive. ● par des chercheurs de l'Inra-
invasions biologiques, définies comme les activités humaines, les espèces ga- Ces perturbations, induites volon- Premiers enseignements Université d'Auvergne, le Centre
étant le déplacement durable d’une gnent des territoires de plus en plus tairement ou non par l’homme, Les scientifiques poursuivent l’inven- de recherches Nestlé de
espèce, d’une sous-espèce ou même éloignés de leur zone d'origine. Par nécessitent le regard des scientifiques taire et ont élaboré une base de don- Michelle Cussenot Lausanne et du Centre national
d’une population hors de son aire, est ailleurs, les introductions délibérées à une échelle qui dépasse le cadre na- nées présentant les espèces et leur ré- interprofessionnel de l'économie
un phénomène naturel connu à l’é- ne visent plus comme par le passé à tional ou celle d’études ciblées sur partition géographique, les types laitière (CNIEL).
chelle des temps géologiques. « En re- satisfaire divers besoins vitaux (plan- une seule espèce. En dépit des diffé- d’habitats envahis, les vecteurs d’in- (1) Unités Inra impliquées : pour les invertébrés : American Journal of Clinical
Zoologie forestière, Inra d'Orléans et Centre de Biologie
vanche, la fréquence des invasions bio- tes cultivées, élevages), mais sacrifient rents règlements internationaux vasion... Il est maintenant possible et Génétique des Populations, Inra de Montpellier ; pour Nutrition, mars 2008
les vertébrés : Equipe Écologie des Invasions Biologiques
logiques, ainsi que les distances davantage à une certaine soif d'exo- (Convention des Nations unies sur d’accéder aux informations concer- UMR Écologie et Santé des Écosystèmes, Inra de
parcourues, toujours en augmentation tisme : poissons d'aquarium, tortue la biodiversité biologique, Directive nant l’une des 10200 espèces invasi- Rennes ; pour les plantes : Biologie et Gestion des OGélules pharmaceutiques
depuis ces cinquante dernières années, de Floride, grenouille taureau, oiseaux Habitats de l’Union européenne, ves désormais répertoriées en Europe, Adventices, Inra de Dijon ; pour les champignons : UMR végétales
Biodiversité, Gènes et Ecosystèmes, Inra de Bordeaux
n’ont plus rien de naturel » explique de cage, écureuils, plantes ornemen- Convention de Berne) pour limiter d’identifier l’un des 1657 experts eu- (2) www.europe-aliens.org
Un travail de thèse réalisé à l'Inra
Michel Pascal, de l’équipe « Écologie tales comme la jussie d’Amérique ou les invasions, le nombre d’études sur ropéens en invasions biologiques, ou de Nantes a montré qu'un
des Invasions Biologiques » (1) à Ren- la renouée du Japon, sans oublier de les espèces invasives et leurs impacts de se focaliser sur l’une des 70 régions mélange de polysaccharides
nes. Cette équipe a réalisé le premier nombreuses espèces d’invertébrés reste plus faible en Europe qu’en terrestres et 48 espaces marins ou cô- végétales à base d'amidon
inventaire des invasions de vertébrés destinées aux terrarium. Amérique du Nord, Australie ou tiers étudiés, tout cela grâce à un por- +d’infos et de carraghénane serait
Handbook of alien species in Europe. susceptible de remplacer
en France sur une période de 11 000 Les invasions biologiques peuvent Nouvelle-Zélande. tail en ligne, librement accessible à Ouvrage collectif du consortium Daisie,
ans et a montré que ce phénomène perturber la diversité biologique lo- Le programme européen « Daisie » tous (2). Les experts ont homogénéisé éditeur Springer Verlag, parution prévue la gélatine d'origine animale pour
à l’été 2008
connaît depuis 50 ans une accéléra- cale en provoquant la disparition répond en partie à ce déficit en éta- définitions et méthodes. la fabrication de gélules pharma-
Invasions Biologiques et Extinctions :
tion jamais observée. Autre exemple, d’espèces autochtones. Il en résulte blissant un inventaire aussi exhaus- On peut aussi noter que la plupart de 11 000 ans d'histoire des Vertébrés en ceutiques en conditions
France. Pascal M., Lorvelec O. & Vigne J.-D., industrielles.
depuis 2000, on dénombre en une banalisation des flores et des fau- tif que possible des espèces allo- ces espèces exotiques (60% des in- 2006. Coédition Belin - Quæ, Paris : 1-350.
moyenne chaque année plus de 17 nes. De plus, certaines invasions ont chtones végétales et animales (à vertébrés terrestres par exemple) res- Ocontact : www.inra.fr/en_direct_des_labos
alain.roques@orleans.inra.fr
nouvelles espèces d’insectes exotiques un impact économique -phylloxera l’exception des virus) sur l’ensemble tent cantonnées pour l’instant aux ha- laboratoire de Zoologie Forestière
● 6 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●7
◗ RECHERCHES repères
& INNOVATIONS Sources et puits de gaz à effet de serre OEvolution des émissions
françaises depuis 1990
L
es émissions d’origine agri- giques complexes qui peuvent se tra- ont permis d’établir systématique- d’un maintien de la croissance éco- res visant à orienter les efforts de ré-
cole représentent près d’un duire par une variabilité importante ment des relations statistiques entre nomique et des dispositions de poli- duction vers les options les moins Trois scénarios agricoles établis d’après
cinquième des émissions des facteurs d’émission, dans l’espace les émissions et les pratiques d’éle- tique agricole en vigueur, les émis- coûteuses et les plus efficaces. ● l’étude prospective Agriculture 2013 :
françaises de gaz à effet de et selon les pratiques agricoles. vage. Au-delà de l’amélioration des sions agricoles baisseraient de 5,4% ■ Scénario central : croissance économique
serre. Alors que l’utilisation d’énergie Les émissions d’origine animale ont inventaires nationaux, ces informa- entre 2005 et 2020 sous l’effet prin- Stéphane De Cara maintenue ; PAC selon l’accord de 2003 ;
fossile (72% des émissions en 2006) été étudiées plus particulièrement. tions pourront aider à caler le niveau cipal de la diminution des effectifs objectifs de la directive européenne sur les
est essentiellement responsable d’é- L’émission annuelle de méthane en- d’éventuels instruments économiques bovins et des achats d’engrais. Le +d’infos biocarburants atteints, absence d’un nouvel
Oréférences :
missions de CO2, les activités agri- térique (voir Inra magazine n°3) par de régulation et à mieux cibler les dé- ralentissement serait encore plus mar- De Cara, S. etThomas, A., coord., 2008. accord à l’OMC, pas d’accords bilatéraux.
coles constituent la principale source les vaches laitières élevées en France terminants des émissions. qué (-3,5%) en cas de réformes plus Projections d'émissions/absorptions de
gaz à effet de serre dans les secteurs ■ Scénario a : identique scénario central +
de méthane (CH4) et de protoxyde (fonction de l’alimentation, structure Par ailleurs, l’agriculture et la forêt se poussées de la politique agricole et de forêt et agriculture aux horizons 2010 et
d'azote (N2O). du cheptel, productivité) est évaluée distinguent des autres secteurs par prix agricoles plus élevés (hausse de 2020. Rapport final pour le ministère de croissance ralentie et accord à l’OMC.
l'Agriculture et de la Pêche. Inra. 197 p.
à 117,7 kg CH4 par vache, une valeur leur capacité à stocker (ou à déstoc- l’utilisation d’engrais, moindre baisse ■ Scénario b : identique au scénario central +
Citepa (Centre Interprofessionnel
Comptabilisation supérieure au facteur par défaut du ker) du carbone. Les puits ou sour- des effectifs bovins). Ce n’est que dans Technique d’Etudes de la Pollution suppression des aides directes, des quotas
des sources et puits Giec (100 kg CH4) et à celui retenu ces résultent des variations des stocks un scénario de politique agricole in- Atmosphérique), 2008. Inventaire laitiers, sucriers et autres et du gel des terres.
des émissions de gaz à effet de serre
La méthode de calcul des émissions dans les inventaires français pour de carbone contenu dans les forêts changée et de prix relativement sta- en France au titre de la Convention ■ Deux scénarios forestiers : +50 000 ha/an
d’origine agricole, standardisée par 2006 (104,6 kg CH4). Compte tenu ou les sols. Ils dépendent des change- bles que la diminution des émissions Cadre des Nations Unies
sur les Changements Climatiques. de surfaces forestières de 2005 à 2020, dont
le Giec (cf. + d’infos) repose schéma- du pouvoir de réchauffement du CH4 ments d’affectation des terres no- agricoles serait comparable (-12,3%) Mise à jour de décembre 2007.
tiquement sur le produit de variables et des effectifs (environ 4 millions de tamment entre prairies, cultures et à celle observée entre 1990 et 2005. www.citepa.org/ une partie issue de la conversion de terres
d’activité (par exemple effectifs ani- vaches laitières en 2006), l’écart est forêt, des prélèvements (pour le bois) Le stockage de carbone par les forêts Giec (Groupe Intergouvernemental agricoles. Ils diffèrent par les niveaux
d’Experts sur l’Evolution du Climat), de croissance de la récolte et d’utilisation
maux) et de facteurs d’émission (par susceptible d’avoir un impact signi- et de facteurs pédoclimatiques. Des a fortement augmenté depuis 1990 2006.
exemple méthane émis par vache). ficatif sur les bilans français. Des ana- modélisations éclairent les détermi- du fait de la sous-exploitation de la www.ipcc-nggip.iges.or.jp/. de bois-énergie : 13 Mm3/an (scénario
La simplicité de cette approche comp- lyses similaires, menées pour l’en- nants en fonction des dynamiques à ressource forestière. Il diminuerait Ocontact : stdecara@grignon.inra.fr tendanciel) ou 25 Mm3/an (intensif).
Laboratoire d’économie publique,
table masque des processus biolo- semble des sources liées à l’élevage, l’œuvre. entre 2005 et 2020. La consomma- Grignon.
● 8 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
9
◗ RECHERCHES
Conflits dans les espaces Reconstruire l’histoire
& INNOVATIONS
ruraux et péri-urbains
du génome des céréales
Les chercheurs proposent un modèle d’évolution dans lequel les génomes de quatre céréales majeures
(riz, blé, maïs et sorgho) sont issus d’un génome ancestral à cinq puis douze chromosomes.
Chaque génome s’est ensuite construit par le jeu de duplications, fusions et translocations
Les espaces ruraux et périurbains de chromosomes ou de portions de chromosomes. Ce modèle de paléo-génomique permet d’identifier
français sont l’objet de conflits précisément les régions chromosomiques
nombreux de plus en plus devant conservées entre les génomes
les tribunaux. et de transférer les connaissances
L’économiste André Torre d’un génome à l’autre afin de faciliter
et son équipe les décryptent. l’amélioration variétale.
MODÈLE ÉVOLUTIF
des génomes
l’espace, a cependant conduit les cher- Des génomes aussi différents que des céréales.
cheurs à préférer une autre grille ceux du riz, du blé, du maïs ou du
d’analyse, celle des différents usagers, sorgho sont issus d’un ancêtre
parties prenantes du conflit. « Cette à 5 chromosomes. Le génome ancê-
Illustration : Julie Blanchin
L
es sciences humaines et ces sonores d’un élevage ou sa pollu- rité à empêcher des projets : cons- chromosomes. Le blé, apparu à la
sociales s’intéressent de tion des eaux, sont peu nombreux, truction d’éoliennes, de résidences, repères même époque, a subi des remanie-
longue date aux conflits, géo- bien que souvent médiatisés. En d’infrastructures industrielles ou en- ments plus importants aboutissant à
politiques, sociaux ou inter- revanche, nombre de conflits sont core de décharges, comme le montre sept chromosomes. Les génomes du
individuels. Pourtant, peu de travaux directement liés au changement d’u- une étude en cours en Ile-de-France, sorgho (-12 millions d’années) et du
portent sur les conflits du monde agri- sage des terres agricoles. L’estuaire de région où les activités agricoles maïs (-5 millions d’années) ont évo-
cole et sur les espaces ruraux. Il y a la Seine compte ainsi de multiples dominent en surface. Ces conflits sur- lué différemment à partir d’un inter-
quatre ans, le laboratoire de recher- conflits liées à l’extension du port de gissent généralement lors des procé-
datation médiaire commun (-29 millions d’an-
che d’André Torre a initié des travaux Rouen, décidée par l’Etat, mais très dures légales de déclaration d’utilité en nées) et comportent tous deux 10
pluridisciplinaires pour comprendre peu sur les questions de pollution agri- ou d’enquête publique, avant aména- millions chromosomes au final.
leur rôle dans la gouvernance des ter- cole par exemple. Les conflits portent gement d’un territoire. Ainsi, « le d’années compléter et valider ce modèle évo- tifiant des marqueurs de plus en plus
ritoires locaux. majoritairement sur les changements conflit ne représente pas un échec, mais -90 Connaître l’histoire évolutive lutif. proches.
Partant de deux inconnues « que sont de « zonage » des territoires concer- une modalité de coordination et d’é- ancêtre des génomes... C’est particulièrement important
réellement ces conflits ? » et « faut-il nés, déjà découpés en zones régle- change parmi d’autres, explique André des céréales Les chercheurs ont ainsi modélisé ... pour mieux identifier pour le blé, espèce économique ma-
tous les résoudre ? », les chercheurs ont mentées (zone d’intérêt économique, Torre. Témoin d’une résistance au -46 l’histoire de chaque génome, étape et utiliser leurs similarités jeure mais possédant un génome par-
commencé par constituer un corpus zone d’habitat protégé d’oiseaux, changement et facteur d’expression des riz par étape, à partir du génome ancê- Ce modèle évolutif permet de prédire ticulièrement complexe et pas encore
car les données manquent. « Nous tra- zones Natura 2000, etc.), sur la pres- désaccords, il peut ne pas trouver d’issue blé tre. Cette discipline, appelée paléo- les régions chromosomiques encore séquencé, car cela permettra d’accé-
vaillons essentiellement à partir de trois sion industrielle et la gestion des res- mais constituer la matrice des arrange- -12 génomique, procède en fait en sens conservées entre les génomes du riz, lérer l’amélioration de caractéristiques
sources, qui ont chacune leurs imper- sources naturelles, ainsi que sur les ments et des projets futurs ». ● sorgho inverse : les chercheurs « remontent » du blé, du maïs et du sorgho, régions agronomiques telles que le rendement
fections : les décisions de justice rendues aménagements routiers et d’infras- dans le temps en partant de la situa- portant vraisemblablement des gènes ou la résistance aux stress. ●
par les cours de justice, les conflits rela- tructures à conduire. Magali Sarazin -5
maïs tion actuelle. Ils ont mis en évidence de fonctions analogues. Grâce à ce ré-
tés par la presse quotidienne régionale D’une façon générale, parmi les prin- les régions dupliquées au sein de sultat, on pourra localiser plus facile- Pascale Mollier
et les « enquêtes à dire d’experts » (en- cipaux usages des espaces ruraux et +d’infos chaque génome. Ils ont aussi repéré ment, d’une espèce à l’autre, les gènes
Ocontact :
tretiens menés auprès de représentants périurbains (dont les activités agri- André Torre, torre@agroparistech.fr les fragments de chromosomes com- ayant une fonction donnée et conser- +d’infos
de l’Etat, d’élus et de gestionnaires lo- coles) répertoriés par les chercheurs, Laboratoire Sciences pour l’action et le muns entre les génomes actuels des vée (par exemple un rôle dans la hau- Ocontact :
développement : activités, produits, jerome.salse@clermont.inra.fr
caux, etc.) » précise André Torre. trois surtout sont l’objet de conflits et territoires, Inra – Agroparistech. quatre céréales. C’est en recoupant teur de la plante, la vernalisation, etc.). Oréférence : Salse J, Bolot S, Throude
Premier enseignement après étude de de contestations : les usages indus- Oréférence : toutes ces données que les chercheurs On pourra alors utiliser cette infor- M, Jouffe V, Piegu B, Masood U,
Conflits et tensions autour des usages Calcagno T, Cooke R, Delseny M,
dix zones représentatives de la diver- triels, résidentiels et de protection de ont reconstitué ce « puzzle » évolutif. mation pour identifier des gènes in- Feuillet C (2008) Identification and
de l’espace dans les territoires ruraux et
sité des paysages ruraux et périurbains la nature. périurbains. Le cas de six zones Le séquençage complet, en cours, des téressants sans devoir passer par des characterization of conserved
géographiques françaises, Revue duplications between rice and wheat
français : les conflits provoqués par Cette cartographie des conflits, saisis d’économie régionale et urbaine, 2006,
génomes du maïs, du sorgho et du étapes lourdes de clonage positionnel provide new insight into grass genome
l’activité agricole, comme les nuisan- à la lumière des différents usages de n°3, pp. 411-450. brome est actuellement utilisé pour qui consiste à isoler le gène en iden- evolution. Plant Cell. 20: 11-24
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●11
◗ RECHERCHES
◗ DOSSIER
1 Analyse 2 Prospective
& INNOVATIONS Tournesol et sécheresse Une expertise mondiale sur la recherche Nourrir 9 milliards de personnes
Evaluer
agronomique en 2050
L
e tournesol est une culture par 12 paramètres qui concernent la semer tard. De fait, l’application de
d’été non irriguée, donc ex- phénologie (temps nécessaire à la ce modèle avec les utilisateurs a mon-
posée au manque d’eau. Dans plante pour atteindre ses principaux tré que l’expertise n’était pas démentie
le cadre de l’Unité mixte stades de développement), l’architec- mais que le conseil devait être mo-
technologique (UMT) « Tournesol », ture de la plante (profil de surface fo- dulé selon la pluviométrie de chaque
des équipes de recherche de l’Inra à liaire), sa réponse au manque d’eau petite région, ce que seule permet la
Toulouse et de Montpellier-SupAgro, (transpiration et expansion foliaire), simulation.
appuyées par le Cetiom, ont construit ainsi que l’élaboration du rendement Une deuxième application a consisté
un modèle de simulation représen- et de la teneur en huile. Des variables à évaluer trois caractères variétaux
tant la réponse du tournesol à des va- décrivent la situation culturale comme intervenant dans la résistance à la sé-
riations de sol, de climat et de pra- le climat journalier, la réserve en eau cheresse : la précocité de la matu-
tiques agricoles. du sol, la densité de peuplement, les rité, la surface foliaire potentielle, la
En confrontant cette modélisation a dates et doses d’azote et d’irrigation. vitesse de fermeture des stomates
priori des processus à la réalité expé- –pores foliaires- en réponse au
rimentale, il a été possible d’évaluer …pour multiplier des manque d’eau. Un réseau virtuel d’é-
le poids de certains caractères géné- expérimentations numériques valuation variétale a porté sur 4 sites,
tiques dont la variabilité était connue Plusieurs applications de ce modèle 3 types de sol, 35 années de climat et
mais pas l’importance à l’échelle du ont été menées en vue d’adapter les 12 variétés combinant différents ni-
cycle de culture. La simulation offre pratiques agricoles à une disponibi- veaux des caractères précités. Les ré-
ainsi de nouvelles perspectives pour lité limitée en eau. Nous avons re- sultats montrent l’intérêt d’un carac-
la sélection et de nouvelles façons d’é- cherché par exemple la date de semis tère peu connu des sélectionneurs, la
valuer les variétés : appliquée à di- optimale dans le Sud de la France. Les « fermeture stomatique précoce », qui
verses situations pédoclimatiques, elle simulations sur 25 années de climat confère à une variété une bonne adap-
larecherche d’hectares
sont
cultivés
agronomique Systèmes cultivés
surfaces dont plus
d’un tiers est cultivé.
dans le
monde ❞
à l’échelle mondiale
R
eléguée au second plan ces dernières (IAASTD). Publiées mi-avril, ses conclusions port mondial, chacun d’entre eux tifiques et les conventions internatio- Watson. L’approbation des résultats
décennies du fait d’une apparente soulignent l’effort scientifique à porter sur les comprenant un résumé à l’attention nales sont intergouvernementales » re- n’était pas gagnée. « On avait deux
abondance dans les pays développés, synergies entre biologie, écologie et sciences des décideurs. marque Michel Dodet, vice-président risques, souligne Michel Dodet, « d’une
l’agriculture est de nouveau au cœur de sociales pour mieux prendre en compte la L’agriculture emploie environ un chargé des affaires internationales à part plusieurs gouvernements étaient
l’agenda politique international. A travers elle, la diversité des situations agricoles et leur vulné- milliard et demi d’actifs. Elle occupe l’Inra et membre du bureau de réservés sur le dispositif et d’autre part
recherche agronomique est attendue dans sa rabilité (chapitre1). A notre échelle, la prospective entre 40 et 50 % de la surface émer- l’IAASTD. on aurait aussi pu constater une frac-
contribution au développement durable et aux Agrimonde, animée par l’Inra et le Cirad, veut gée du globe et est le plus gros utili- Le bureau (2) était animé par Robert ture entre gouvernements, scientifiques
objectifs du Millénaire en matière de lutte contre également susciter la réflexion à partir de sateur de ressources naturelles : l’eau, Watson, ancien directeur scientifique et société civile. Nous avons beaucoup
la faim et la pauvreté. scénarios à l’horizon 2050 (chapitre 2). La la biodiversité, les sols. Au cours des à la Banque mondiale et très impli- oeuvré avec les Anglais pour rappro-
Cette perspective a mobilisé scientifiques, mondialisation des problèmes invite enfin à 50 dernières années, la production qué dans les exercices internationaux cher les points de vue et aboutir à une
politiques et acteurs pour repenser les besoins améliorer l’organisation internationale de la alimentaire a plus que doublé, aug- du Giec et du Millennium Ecosystem rédaction consensuelle. Sur les 63 gou-
de recherche agronomique dans le cadre d’une recherche agronomique (chapitre 3). Ce dossier mentant plus vite que la population. assessment. Il a défini les contours de vernements 59 ont approuvé sans ré-
expertise internationale des sciences et apporte quelques éclairages sur les évolutions Les rendements agricoles se sont for- l’évaluation et ses ajustements au serves les différents documents ; 4 ont
technologies agricoles pour le développement qui se dessinent. tement accrus grâce aux engrais, aux cours du temps. Les conclusions ont émis des réserves sur des points précis
pesticides, à la mécanisation, à la sé- été discutées en présence des gou- qui touchent le rôle des biotechnologies
lection variétale et à l’irrigation qui vernements, acteurs et auteurs scien- et du marché ».
représente 18% des surfaces cultivées tifiques mi-avril à Johannesburg.
1 Analyse en 2003 (source FAO). Le rendement
mondial moyen des productions vé-
Approuvées par une soixantaine de
gouvernements, elles constituent un
Résultats et controverses
L’IAASTD souligne que pour résor-
gétales alimentaires est ainsi passé de plaidoyer pour changer de modèle de ber la pauvreté et la faim, les problè-
8600 à 19200kcal/j/ha entre 1961 et développement agricole. « Le statu mes doivent être abordés de manière
C
’est au Sommet mondial Technology for Development). Entre sur les 50 dernières années. A partir socier dans son pilotage des gouver-
pour le développement 2005 et 2007, sous l’égide de la de ce bilan et des tendances et évo- nements, des scientifiques et les ac- l’importance de l’agriculture dans le reconnaît les défaillances des marchés
durable (2002) et avec les Banque mondiale, de la FAO, de lutions émergentes, ils ont envisagé teurs économiques et sociaux qui sont développement. La Banque ne lui avait et du modèle de développement
objectifs du Millénaire (1) l’ONU et d’une soixantaine d’Etats, différentes « options pour l’action » in fine les destinataires de la recher- plus consacré son rapport annuel agricole, tant pour la préservation des
en ligne de mire qu’a été envisagé le quelque 400 chercheurs, répartis par pour que la recherche agronomique che agronomique. Cela permet de so- depuis 1982, soit un « inexcusable ressources naturelles que pour les
lancement d’une expertise interna- grandes régions du globe (une ving- et le développement répondent mieux cialiser, en amont, les tenants et abou- délaissement » selon la formule de conditions d’existence des travailleurs
tionale des sciences et technologies taine de chercheurs français venus du aux objectifs du Millénaire. Cette ana- tissants de la recherche. « C’est le l’ONG Ofxam. La Banque place agricoles. Sans remettre la
agricoles pour le développement, Cirad, de l’IRD et 3 de l’Inra), ont lyse partagée a été formalisée dans premier exercice international multi- aujourd’hui au cœur de son propos, la libéralisation des échanges en cause,
l’IAASTD (« International Assessment dressé un bilan des avancées scienti- cinq rapports régionaux (continents acteurs, multi-disciplinaires et multi- nécessité d’accroître les investis- il souligne l’importance de soutenir
of Agricultural Knowledge, Science and fiques de l’agronomie -au sens large- ou sous continents) et dans un rap- scalaires. Le Giec lui réunit des scien- sements dans l’agriculture. l’agriculture à petite échelle et l’emploi
Or en vingt ans, selon l’OCDE, la part rural pour résorber la pauvreté.
● II I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
III
◗ DOSSIER
2 tique que scientifique grâce à des ap- ont émis une réserve à cette analyse tensification, qu’ils ont jugés « in- Enfin, l’IAASTD accorde une place
proches systémiques et pluridiscipli- car leurs gouvernements craignent adaptés pour l’avenir ». L’intérêt des centrale aux sciences sociales. Il estime
naires. Le rapport insiste sur la place que l’argument ne leur soit opposable approches agro-écologiques prenant que si le développement techno-
qu’il faut reconnaître aux différents à l’avenir dans les négociations inter- en compte les spécificités des milieux logique a beaucoup apporté à la crois-
systèmes de production, notamment nationales à l’OMC (Organisation a été jugée centrale car elles tirent sance de la production, le dévelop-
les petites exploitations vivrières. Pour mondiale du commerce). La rédac- profit à la fois des savoirs hérités de pement social et institutionnel qui
celles-ci, il montre l’importance de tion finale souligne diplomatique- l’observation et des connaissances encadre l’innovation est une condi-
l’accès aux savoirs, technologies, cré- ment que l'ouverture des marchés scientifiques les plus pointues. La pru- tion préalable à une agriculture du-
dits, ressources foncières et naturel- agricoles nationaux à la concurrence dence à l’encontre des « biotechno- rable et à la sécurité alimentaire.
les. Cette conclusion tranche avec une internationale peut être un obstacle logies modernes » a provoqué de vi- Le rapport offre une attention par-
vision passée qui plaçait dans la seule à la sécurité alimentaire. La réflexion rulentes controverses et motivé le ticulière aux femmes qui représen-
taille des exploitations le moteur de sur l’alimentation a une dimension retrait des multinationales des se- tent selon les pays entre 20% et 70%
la croissance. singulière pour la zone Amérique du mences et pesticides impliquées dans de la main-d’œuvre agricole. La fémi-
Nord–Europe. Béatrice Darcy-Vrillon, l’IAASTD. Celles-ci dénonçaient une nisation du travail agricole croît dans
Sécurité alimentaire chercheuse en nutrition à l’Inra et co- conception trop agro-écologique de les pays pauvres (les hommes mig-
L’analyse rétrospective a permis de auteur du rapport régional témoigne la recherche agronomique. La version rent en ville pour travailler), sans être
juger de la contribution de la recher- que « La hausse de la production a finale du rapport rééquilibre le pro- suffisamment pris en compte dans
che à l’accès à l’alimentation et à l’a- pourvu aux besoins de la majorité des pos en reconnaissant le potentiel des les dispositifs de recherche, ni de
mélioration de la santé humaine. La populations même si des fractions dé- biotechnologies mais en appelant à développement.
sécurité de l’approvisionnement ali- favorisées n’ont toujours pas accès à un une évaluation globale dans un
mentaire reste essentielle alors que le régime alimentaire adéquat. Sur la pé- contexte pertinent. Une démarche inaboutie
nombre de personnes mal ou sous- riode, la région a aussi vu la montée La participation de la « société » dans
nutries dans le monde, dont les trois de l’obésité et des maladies qui lui sont Multifonctionnalité le pilotage de l’évaluation a influencé
quarts sont des paysans pauvres, ne associées, expliquées en partie par la Dans cette optique, l’effort de re- le traitement des questions. Et a
diminue pas (850 millions). En consé- disponibilité des aliments, des choix cherche doit diversifier les connais- probablement obligé les scientifiques
quence, le rapport met en garde contre alimentaires et modes de vie. Certains sances et techniques pour privilégier à sortir de leurs références (discipli-
l’inégal impact des échanges com- pays d’Europe de l’Est sont ainsi une vision intégrative des problèmes nes, présupposés intellectuels) pour
merciaux. Les politiques d’ajustement confrontés au double fardeau de l’in- agricoles et la multifonctionnalité de prendre en compte et répondre aux
◗
Les États-Unis, le Canada et l’Australie che agronomique en matière d’in- cales. (14/03/08). L’IAASTD a ainsi peu
JARDINS
abordé les forêts, l’élevage et l’aqua- mondiale, font travailler ensemble la agronomique, ce changement de re- VIETNAMIENS.
culture. Marianne Lefort, directrice communauté scientifique du monde en- gard et d’échelle grâce notamment
O L’AGRICULTURE DANS LES CONVENTIONS INTERNATIONALES ISSUES DE RIO
scientifique à Agroparistech, coordi- tier sur des questions considérées – par aux approches intégratives, systé-
INTERVIEW DE : natrice d’un des chapitres du rapport le fait même de la procédure – comme miques et comparatives. D’autre part,
libère à elle seule un cinquième du GES. En revanche, l’agriculture régional « Amérique du Nord-Eu- d’importance planétaire ! Certes l’exer- le contexte politique international est
Laurence Tubiana DIRECTICE DE L’IDDRI, et la forêt contribuent à la séquestration de carbone dans les sols rope » et coauteur de la synthèse mon- cice n’a pas été facile car parler d’une porteur. La Banque mondiale appelle
INSTITUT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DES RELATIONS et leurs produits peuvent se substituer à l’énergie fossile. Depuis diale, partage une certaine frustration activité socioéconomique comme l’agri- à réinvestir l’agriculture.
INTERNATIONALES
2005, l’idée d’un soutien en contrepartie de la non-déforestation quant à l’aboutissement de la mé- culture est d’un autre registre que les
des forêts tropicales fait son chemin, même au Brésil, pourtant thode : « Le manque de moyens a obligé écosystèmes ou le climat. » (1) Parmi les objectifs du Millénaire fixés par
Quel est rôle de l’Iddri ? réticent à une internationalisation de la question amazonienne. à travailler en parallèle les approches les Nations Unies en 2000 : réduire entre
Laurence Tubiana : Nous faisons la connexion entre La Banque mondiale l’a expressément évoqué à la conférence historiques et prospectives, et n’a pas Quelles suites ? 1990 et 2015 de moitié la proportion de la
recherche et société sur les thématiques que sont le changement de Bali en décembre dernier. permis de bien articuler groupes ré- Mettre en place et animer un tel dispo- population dont le revenu est inférieur à 1
dollar par jour et la proportion de la
climatique, la gestion des ressources naturelles, la gouvernance gionaux et mondial. Nous n’avons pas sitif international est très lourd. Il a
population qui souffre de la faim ; intégrer les
internationale et les régulations qui interfèrent avec les politiques Et les deux autres conventions… réalisé les projections par scénario qui fallu du temps au Giec pour que le principes du développement durable dans les
publiques. Nous essayons de faire sentir à la Recherche la portée L T : La convention sur la biodiversité envisage l’agriculture sous devaient étayer les propositions finales climat ne devienne un enjeu politique politiques nationales ; inverser la tendance à
des questions globales et réciproquement de porter à la deux angles : son extension sur les milieux naturels et son d’actions. Celles-ci reposent surtout sur planétaire, mais les scientifiques ont la déperdition des ressources
connaissance des institutions internationales les solutions et intensification par l’emploi de pesticides, fertilisants et aussi l’analyse des tendances. » Bernard Hu- reçu un prix Nobel en 2007 ! Les pro- environnementales ; mettre en place un
partenariat mondial pour le développement.
analyses des scientifiques. d’OGM. En 1996 un programme sur la conservation et la durabilité bert, directeur du Groupement d’in- tagonistes de l’IAASTD espèrent que
(2) Constitué à parité entre 30 représentants
de la biodiversité des agrosystèmes a été lancé en partenariat térêt public Inra-Cirad (Ifrai, chap. 3) leur dispositif s’installe également
de gouvernements (dont la France) et
Le Sommet de Rio a débouché sur des conventions avec la FAO, mais sans envergure. et également auteur dans l’IAASTD dans la durée de manière à inspirer 30 représentants non-gouvernementaux,
pour le développement durable. Quelle place y prend La convention sur la désertification traite de la dégradation des souligne qu’ « aussi incomplet soit-il, les orientations de la recherche agro- partagés entre 8 institutions internationales,
l’agriculture ? terres en zones arides ou semi-arides. On estime que 12% des l’exercice procède, dans la lignée du nomique et les politiques agricoles. 22 représentants de la société civile dont 6
L T : Les trois principales conventions portent sur le climat, la terres cultivées sont concernés du fait de pratiques inappropriées Giec ou du Millennium Ecosystems D’une part, le contexte scientifique ONG (dont Greenpeace, Oxfam, les Amis de
la terre, Pesticides action Network), 6
biodiversité et la désertification. L’agriculture joue un rôle à la fois et des évolutions du climat. 135 millions de personnes sont me- Assessment, de la constitution d’une est ouvert : les outils d’investigation entreprises privées (dont Monsanto, BASF,
positif et négatif sur le changement climatique. L’agriculture, nacées d’exode à cause de la désertification, dont beaucoup science « globale ». Ces exercices, sou- et les connaissances aujourd’hui ac- Syngenta...), 6 organisations de producteurs
l’élevage et la déforestation représentent environ 30% des d’éleveurs. Les efforts faits actuellement sont inefficaces, le pro- tenus si ce n’est initiés, par la Banque cumulées permettent, à la recherche et 4 associations de consommateurs.
émissions de gaz à effet de serre (données 2004), la déforestation blème empire.
●IV I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
V
◗ DOSSIER
2 Prospective
Nourrir 9 milliards
de personnes en 2050
L’Inra et le Cirad ont pris l’initiative, au début de l’année 2006, d’analyser en commun
les futurs et équilibres possibles des systèmes alimentaires et agricoles mondiaux à l’horizon
2050 dans le cadre d’une prospective « Agrimonde ». Celle-ci se veut un outil de réflexion
pour mieux participer aux débats internationaux et pour identifier les questions prioritaires
de recherche. Premiers résultats.
A
grimonde (1) est une in- « L’exercice Agrimonde est original car Partant de l’étude quantitative des ten-
itiative conjointe du Cirad il est le fruit d’une collaboration entre dances passées, l’analyse qualitative
et de l’Inra sur les enjeux une équipe de projet permanente et un définit des scénarios régionaux d’é-
alimentaires et agricoles groupe de travail composé d’experts de volution à l’horizon 2050. Elle traduit © Inra / Christophe Maître
mondiaux, enjeux qui peuvent se disciplines, compétences et expériences ces derniers en termes de populations,
◗
résumer ainsi : comment nourrir 9 différentes » souligne Michel Petit, de régimes alimentaires, d’utilisations
MARCHÉ
milliards d’individus en 2050 et pré- membre du groupe de travail et ex- non alimentaires des produits agri- Un scénario « Agrimonde I » faire et qui auraient donc recours aux correspondent donc à la projection DE RUNGIS.
server les écosystèmes desquels d’au- pert international, notamment à la coles, de surfaces agricoles, de ren- Le scénario « Agrimonde 1 » vise à ap- importations. L’hypothèse de grandes médiane des Nations Unies dans un
tres produits et services sont aussi Fondation Ford en Inde et pendant dements, etc. L’approche quantitative précier la capacité de chaque grande vagues de migration entre zones est régime dit normal de migrations inter-
attendus : stockage de carbone, bio- plus de dix ans à la Banque Mondiale. permet alors de calculer les équilibres région du monde à satisfaire ses écartée de façon à pleinement rendre nationales. Faute d’estimations chif-
diversité, bioénergies, biomatériaux ? « Il est également original parce qu’il entre les emplois et les ressources de besoins alimentaires en 2050 de façon, compte des conséquences de la forte frées précises quant aux conséquen-
Cette question met en jeu de multi- combine une approche quantitative et biomasses (dans chaque région et par d’une part à mener une réflexion sur croissance démographique anticipée ces du changement climatique sur
ples acteurs et des facteurs de natu- une approche qualitative ». Agrimonde agrégation au niveau de la planète). les actions à mettre en œuvre à cette en Afrique, Asie et Amérique latine. l’agriculture mondiale, celles-ci ne sont
res agronomique, écologique, techni- a en effet cherché à être un outil aisé- Cette méthode permet de discuter, vé- fin, et, d’autre part à identifier les zones Les évolutions des populations dans pas intégrées dans l’évaluation quan-
que, économique, sociologique, ment appropriable par les acteurs. Il rifier et, si nécessaire, réviser les hypo- qui ne seraient pas en mesure de le les différentes zones à l’horizon 2050 titative au sens strict. Elles sont néan-
culturelle, géopolitique, etc. En outre, associe, de façon complémentaire et thèses d’un scénario donné. moins prises en compte par l’analyse
l’échelle planétaire à laquelle il interactive, approche quantitative et Les scénarios du Millennium Ecosys- qualitative.
convient de mener la réflexion ne analyse qualitative. L’approche quan- tems Assessment (MEA) font aujour-
dispense pas d’analyses régionales titative repose sur un modèle d’hui référence, non seulement pour Quatre facteurs de hausse Deux variantes
tant la diversité des régimes alimen- d’équilibre physique entre les pro- tout ce qui a trait aux problèmes des prix agricoles Dans une première variante, les 9
MARCHÉ à taires, des systèmes agricoles et leurs ductions alimentaires et leurs usages, environnementaux globaux, mais Selon Hervé Guyomard, les stocks mondiaux de milliards d’humains qui peuplent la
Mhamid interactions via les échanges, sont des y compris non alimentaires, tous deux aussi pour ce qui est de l’agriculture directeur scientifique produits agricoles ont baissé, planète en 2050 disposent en moyenne
(Maroc).
paramètres-clés pour l’avenir. exprimés en équivalent calories. et du développement. La prospective en sciences sociales, quatre en partie parce qu’ils ont été de 3500 kcal/jour/habitant, dont une
◗
Agrimonde a donc commencé par facteurs au moins expliquent utilisés les années anté- part importante provient de biens
analyser les conséquences de ces scé- la hausse des cours rieures pour répondre aux d’origine animale. Satisfaire ces be-
narios en termes de systèmes ali- mondiaux de nombreux besoins alimentaires et non soins se pose de manière différente
mentaires et agricoles. Le travail s’est produits agricoles observée alimentaires (stocks de maïs selon les régions du monde. En Asie,
poursuivi via la définition d’un scé- depuis le milieu de l’année états-uniens notamment). où les réserves de terres sont limitées
nario de rupture, scénario Agrimonde 2006. La demande alimentaire Troisièmement, des accidents et les rendements déjà élevés, il fau-
I, qui suppose des inflexions notables augmente sous l’effet de la climatiques se sont succédés drait, relativement à aujourd’hui,
de tendances passées de consomma- croissance économique (sécheresse en Australie, poursuivre le mouvement d’intensi-
tion et une contribution satisfaisante mondiale soutenue, plus hiver froid en Chine…). fication en réduisant les impacts
de l’agriculture au développement spécifiquement dans des La spéculation n’est pas environnementaux. En Afrique sub-
durable. L’objectif est d’apprécier la pays émergents très peuplés. à l’origine de la hausse saharienne, il faudrait simultanément
vraisemblance d’un tel scénario ; il Deuxièmement, la demande des prix agricoles mondiaux, tirer profit des réserves de terres en-
s’agit moins de construire un scéna- non alimentaire est également elle l’amplifie et a pour core non exploitées et permettre des
rio idéal que de mettre à l’épreuve le en augmentation, conséquence directe que gains de rendement, ces deux gise-
concept de développement durable principalement sous l’effet les prix des biens agricoles ments de progrès devant être mis en
et le rôle que peuvent jouer l’agri- du développement des seront demain nettement plus œuvre de façon durable. En Afrique
culture et l’alimentation en identi- biocarburants : bioéthanol volatils qu’ils ne l’étaient hier du Nord et au Moyen-Orient, le po-
fiant les conditions de réalisation de de canne à sucre au Brésil, dans la mesure où les tentiel d’accroissement de la produc-
© Inra / Louis Vidal
ce scénario et en explorant les di- bioéthanol de maïs aux Etats- marchés agricoles seront très tion sera limité par les disponibilités
lemmes ainsi révélés. Unis, biodiesel de colza dans sensibles à toutes les en eau. Ainsi cette première variante 2
l’Union européenne. Du coup, informations conjoncturelles.
●VI I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ● VII
◗ DOSSIER Ressources et consommation alimentaire en 2003
selon les régions du Millennium Ecosytem Assessment (MEA) Les 4 scénarios du Millennium Ecosystem Assesment
Une vaste évaluation et prospective lancée par l’ONU scenario) privilégie le rôle de la technologie et du génie
entre 2001 et 2004, le Millennium Ecosystem Assessment écologique pour orienter l’évolution du monde.
(évaluation des écosystèmes du Millénaire) a produit Les problèmes d’accès aux services peuvent exclure
quatre scénarios qui font dorénavant référence dans les les populations pauvres et la dépendance vis-à-vis
discussions relatives aux problèmes environnementaux des solutions technologiques cause de nouvelles
globaux et aux enjeux de développement. Ces scénarios vulnérabilités.
éclairent les liens entre les écosystèmes et le « bien-être » Le troisième, « Ordre par la force » (Order from Strength
humain : économique, sanitaire, social à l’horizon 2050. scenario) est axé sur la protection aux frontières.
Ils se départagent selon que la gouvernance du monde La régionalisation exacerbe les inégalités. Les traités
sera plus ou moins mondialisée (versus régionalisée) internationaux passent au second plan. Les services
et que la gestion des écosystèmes sera réactive ou des écosystèmes deviennent plus vulnérables.
proactive. Le premier scénario « Orchestration mondiale » Enfin un scénario de « mosaïque appropriée » (Adapting
(Global Orchestration scenario) explore une libéralisation Mosaic scenario) explore les avantages et limites
globalisée, associé à de nombreux investissements d’une gestion régionale. Les leviers de développement
publics et à une grande sécurité. L’expansion économique proviennent de l’accès aux connaissances par les
globale dégrade cependant certains services écologiques. communautés locales. L’ingénierie écologique
Le scénario « Jardin technologique » (TechnoGarden et une agriculture multifonctionnelle sont valorisées.
●
VIII I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
IX
◗ DOSSIER Le groupement d’intérêt public Inra-Cirad : Ifrai
L’Ifrai (Initiative française pour la recherche agronomique internationale) a été créé le 25 avril 2007. Bernard
3 Organisation Hubert, directeur de recherche à l’Inra le dirige.
Quel est le but de l’Ifrai ? voire économique, mais elle a gence de situations de malnu- toires vers les fronts de connais-
Bernard Hubert : l’objectif deux caractéristiques qui retien- trition en ville et dans les cam- sance et vers des dynamiques
A
u niveau des Etats, les sys- tériels biologiques (600 000 échantillons CGIAR. « Aujourd’hui, le CGIAR veut une des priorités du GIP, résiduels (parcours, forêts, cul- tent de disposer à la fois de tifique multiculturelle.
tèmes nationaux de re- conservés). Le statut et le profil des cen- se réformer. Ancien promoteur de la pourquoi avoir choisi cette tures au sec…), dégradation des compétences académiques et Enfin, le ministère des affaires
cherche agronomique sont tres varient. Ils sont très majoritaire- révolution verte, il cherche à actuali- région ? sols, incendies, absence de ges- sensibles aux questions de étrangères nous incite à contri-
majoritairement structu- ment situés dans les pays du Sud et col- ser les missions de la recherche agro- B. H. : La région Méditerra- tion des réserves et des flux hy- développement. Il s’agit d’en- buer aux débats sur les enjeux
rés par des universités (modèle anglo- laborent avec des organismes nationaux nomique internationale pour le déve- néenne est hétérogène tant sur driques (dans une région où l’eau traîner l’ensemble de notre dispo- de l’élevage.
saxon) aux côtés desquelles existent de recherche agricole, le secteur privé loppement : inclure au-delà de la les plans culturel que politique, sera de plus en plus rare !), émer- sitif dans des postures explora-
des instituts de recherche dédiés aux et la société civile. L’instance coordi- réduction de l’insécurité alimentaire et
sciences agronomiques ou du vivant. natrice, le secrétariat du CGIAR, est de la pauvreté, des objectifs de gestion
Par exemple, l’Inra, le Cirad et l’IRD hébergée à Washington dans les locaux durable des ressources et de santé via
en France, les instituts Max Planck et de la Banque mondiale. Elle réunit 64 la nutrition ». Cela se traduit dans les
la communauté de Leipnitz en membres : pays, fondations et institu- orientations des « Challenge pro- (Horticulture). Ils participent depuis Par exemple le programme « biofor- recherche agronomique européenne
Allemagne, l’Université de Wagenin- tions internationales qui sont aussi ses grams », appels d’offre de recherche plus longtemps au Challenge program tification » qui vise à enrichir les qua- « vivaient » jusqu’ici parallèlement.
gen aux Pays-Bas, Cornell University bailleurs. En tout, le CGIAR compte ouverts à la communauté scientifique « Génération ». Celui-ci vise à mieux lités nutritionnelles des plantes a bé- Les choses pourraient changer. Chris-
aux États-Unis, l’Embrapa au Brésil, 8500 employés. Les équipes sont très internationale. Une deuxième vague utiliser la diversité génétique des plan- néficié de 14 millions de dollars de la tian Hoste, chercheur au Cirad, est un
l’Académie de l’agriculture en Chine, cosmopolites. Le Cirad, l’IRD et le Ce- d’appels d’offre se négocie en ce mo- tes. Agriculteurs et sélectionneurs n’u- Fondation Gates pour 2007. En des meilleurs connaisseurs de la struc-
l’Icar (Indian Council for Agricultu- magref y détachent 40 à 50 chercheurs, ment. L’Inra et le Cirad s’impliquent tilisent qu’une infime fraction de cette contrepartie de leur soutien, les fon- turation de la recherche agricole pour
ral Research) en Inde… Sur cet échi- résume Pierre Fabre, chercheur au notamment dans le programme qui diversité. Or, les technologies de la dations émettent des conditions de le développement en Europe : « On a
quier, des Centres internationaux de Cirad et représentant français au traite des filières fruits et légumes génomique comparative et de l’in- visibilité des résultats. trois niveaux, explique-t-il, les poli-
recherche agricole regroupés sous l’é- formation ont permis de voir que les La réforme vise enfin à remédier à un tiques, les programmes et les projets. Le
gide du « CGIAR » (Consultative plantes ont un très grand nombre de défaut commun à beaucoup d’insti- niveau politique (EIARD) est constitué
UN CHERCHEUR discute avec un éleveur du Nordeste brésilien
Group on International Agricultural à propos de la structure de son pâturage. gènes en commun : une espèce don- tutions internationales : le CGIAR, des représentants ministériels des 27
Research) sont dédiés à la recherche née peut bénéficier des apports de la bien que cosmopolite et décentralisé, gouvernements de l’Union européenne,
◗
agricole pour le développement. recherche sur d’autres espèces (no- fait figure de partenaire scientifique de la Norvège, de la Suisse et de la Com-
tamment les plantes modèles : riz et « hors sol ». Pour répondre à la de- mission européenne (30 membres). Les
Le CGIAR arabette). Le plus singulier de ces mande des acteurs il y a 10 ans, le programmes de 14 pays européens sont
« Le système international de recher- Challenge programs, SubSaharan GFAR, Forum mondial de la recher- coordonnés par un réseau (Eranet ARD)
che est né en 1971 sur la base de Africa, part du constat que la re- che agricole a été créé, sous l’impul- financé par la Commission européenne.
quelques centres de recherche finan- cherche agronomique avait peu d’im- sion notamment de l’Europe et de la Au niveau des projets, il existe deux
cés par les fondations Rockefeller et pact en Afrique. Le programme se France. Il réunit des organisations pay- structures opérationnelles de coordina-
Ford. L’objectif de départ était de four- propose de tester un système d’in- sannes, gouvernements, ONG, entre- tion : d’une part Ecart, consortium eu-
nir à la planète ses besoins alimen- novation participatif public-privé. La prises, bailleurs et intervient comme ropéen entre les principaux instituts de
taires grâce à l’amélioration génétique. méthode donne lieu à des débats qui une plate forme de dialogue et comme recherche agricole pour le développe-
Ces centres de recherche, au nombre en font une expérimentation vérita- un groupe de pression auprès de la ment (1600 chercheurs) dont la direc-
de 15 aujourd’hui, travaillent essen- ble institutionnelle grandeur nature. Banque mondiale et de la FAO. Le tion a été confiée au Cirad ; et d’autre
tiellement sur les grandes productions Le développement des « challenge pro- GFAR se ramifie par grandes régions part Natura un réseau de 26 universi-
de base : blé, riz, pomme de terre, maïs, grams » correspond également au du monde puis au niveau des États. tés de 16 pays. En France, Agropolis
élevage et également sur forêt, eau, soutien de nouvelles fondations, dont International (Montpellier) est mem-
© Inra / Michel Meuret
pêche et aquaculture… Les travaux de celle de Bill & Melinda Gates. L’afflux L’échelon européen bre de Natura ». 2
recherche vont de pair avec le main- financier qu’elles drainent, dynamise Pour notre continent, recherche agri-
tien de collections de semences et ma- les recherches sur certains thèmes. cole pour le développement (ARD) et
● X I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
XI
◗ REPORTAGE
◗ DOSSIER
❝ Accueillir une
unité
des jeunes O À MIRECOURT
chercheurs
étrangers ❞
Des recherches au service
d’une agriculture
© Inra / Christophe Maître
+d’infos
Oweb :
innovante
2 Alliance Inra-Cirad tionale. L’Inra, le Cirad, Montpellier www.worldbank.org (rapport 2008
Le « système agronomique français », SupAgro et l'IRD sont ainsi les mem- de la Banque mondiale)
www.agassessment.org (IAASTD)
lui, se partage entre l’Inra (9000 bres fondateurs d’Agropolis Fonda- www.ipcc.ch (rapports du Giec) la qualité de l’eau sont quasi-immé-
agents), le Cirad (2000 agents dont tion, structure juridique porteuse du www.cgiar.org diats. Des « bougies poreuses », pla-
www.fao.org
600 au Sud) et pour partie l’IRD et Réseau thématique de recherche www.maweb.org/en/products.aspx - cées à un 1m sous terre ont permis
(Millennium Ecosystem Assessment.
le Cemagref. avancée (RTRA) centré sur la plante 2005. Ecosystems and Human Well- de capter les eaux de drainages et de
Plusieurs initiatives récentes visent à basé à Montpellier. Bénéficiant d'une being: Synthesis. Washington D.C. constater que leur taux de nitrate est
Island Press)
dynamiser l’intégration de la recher- dotation initiale de 20 millions d’eu- www.virtualcentre.org/en/library/key_ tombé en moins de deux ans de 45
che agronomique française dans le ros, la Fondation promeut des pro- pub/longshad/A0701E00.pdf mg/l en moyenne à 20 mg/l ; il avoi-
Livestock’s Long Shadow:
jeu international. L’alliance entre grammes de recherche de niveau Environmental Issues and Options. sine aujourd’hui 14 mg/l.
l’Inra et le Cirad, encouragée par le international, en particulier en Rome: United Nations, FAO, 2006
www.oxfam.org/fr/policy/briefingnotes/
ministère de la Recherche, est enga- finançant l’accueil de scientifiques bn_what_agenda_for_agriculture_WDR_ Approche spatiotemporelle
0710 (analyse du rapport de la Banque
gée depuis un an. Elle s’est traduite étrangers de haut niveau à Montpel- mondiale 2008), des activités agricoles
par la création d’un Groupement lier. « C’est un nouvel instrument www.era-ard.org , www.ecart-eeig.org, Ce tour de force marque un virage
www.natura-net.eu ( niveau européen)
d’intérêt public « Ifrai » (Initiative scientifique et financier qui permet www.gip-ifrai.fr (Ifrai) dans la trajectoire de l’unité de
française pour la recherche agrono- d'aller au-delà de ce que chaque or- www.inra.fr/les_partenariats/ Mirecourt. Sa notoriété acquise, les
collaborations_et_partenaires/
mique internationale). Depuis long- ganisme fondateur pouvait faire », ex- international/ (Mission des relations recherches changent d’échelle pour
temps déjà, les chercheurs de l’Inra plique Henri Carsalade, son prési- internationales à l’Inra ) s’intéresser à l’ensemble du bassin de
◗
Agricultural Research Management,
G. Loebenstein, G. Thottappilly, Ed. ENREGISTREMENT
d’origines tropicales (bouleverse- Henri Carsalade qui souligne l’effort Springler, 2007. quotidien
ticides et nitrates. En termes savants,
ments climatiques), la dynamique des réalisé par les directions des Instituts Aux Editions Quae :
M
des relevés irecourt, petite ville vos- en nitrate dans ses sources, la Société ils font de la praxéologie historique.
Paysans du Brésil, entre échange
agents pathogènes traverse l’ensem- pour faire aboutir des initiatives marchand et réciprocité, E. Sabourin, de l’exploitation gienne, est connue pour générale des eaux minérales de Vit- « Nous complétons les statistiques agri-
2007. expérimentale.
ble des pays. Les scientifiques comme le RTRA. « Le potentiel qua- Exploitations agricoles familiales en
abriter l’école nationale tel prend contact avec la station Inra. coles par des enquêtes auprès de
partagent donc les mêmes métho- litatif d'un organisme comme l'Inra Afrique de l’Ouest et du Centre, de lutherie… et une Une eau minérale ne peut pas être conseillers agricoles pour caractériser
des pour étudier et maîtriser des est sans équivalent au plan interna- M. Gafsi, P Dugué, J-Y Jamin, unité de recherche Inra qui s’intéresse traitée : il faut donc protéger les 4 500 l’évolution des systèmes de culture de-
J. Brossier, 2007.
maladies comme les grippes ou la fiè- tional et ceci devrait être mieux valo- Le monde peut-il nourrir tout le aux territoires dans leurs relations ha de la zone de captage. Les cher- puis les années 1970 sur chacune des
monde ? B. Hubert, O. Clément et al,
vre catarrhale ovine. Pour Etienne risé. Les recherches françaises couvrent 2006. avec l’agriculture et l’environnement. cheurs dressent un diagnostic qui 150 petites régions agricoles. Ces re-
Hainzelin, directeur de la recherche des milieux très variés depuis les mon- Ils vous nourriront tous les paysans Bien qu’éloignés du campus scienti- pointe l’impact des déjections ani- cherches s’inscrivent dans le vaste pro-
du monde, si..., L.. Malassis, 2006.
et de la stratégie au Cirad, la dimen- tagnes froides jusqu’à la forêt équato- Orevues annuelles :
fique de Nancy, ses chercheurs affi- males et des engrais azotés et enta- gramme inter-disciplinaire de recher-
sion culturelle de ce rapprochement riale. Cette diversité est une richesse Mediterra 2008, Les futurs agricoles et chent « nombre de publications en col- ment des recherches sous la respon- che en environnement du bassin de la
alimentaires en Méditerranée, Ciheam,
Inra-Cirad est une chance car il qui nous est spécifique. L’intégration Presses de Sciences Po. laboration avec des universitaires », sabilité de Jean-Pierre Deffontaines. Seine (Piren-Seine) coordonné par le
amène les approches académiques à dans la recherche agronomique inter- La nouvelle modernité : une agriculture prévient Marc Benoît, un des cher- Leurs propositions apparaissent, à l’é- CNRS » explique Catherine Mignolet,
se confronter à la diversité des situa- nationale se fait progressivement. Elle productive à haute valeur écologique, cheurs et « nos travaux sont référen- poque, radicales : ils déconseillent les directrice de l’unité. « La base de don-
B. Chevassus-au-Louis et M. Griffon,
tions agricoles dans le monde est indispensable pour que la France in Déméter 2008. cés dans plusieurs lois ! » (note 1). Ce produits phytosanitaires et la culture nées sur les pratiques agricoles alimente
Montpellier fait figure de pôle privi- maintienne son rang scientifique », Prise de conscience, et crise dynamisme, l’équipe de recherche le de maïs, recommandent de compos- un modèle agronomique (Stics) qui,
de confiance. P. Jacquet et L. Tubiana,
légié pour cette ouverture interna- complète-t-il. ● in Regards sur la terre, L’annuel doit à une orientation judicieusement ter le fumier, de diminuer le charge- couplé à un modèle hydrologique
du développement durable 2007.
adoptée en 1987. Cette année-là, alar- ment des vaches au pâturage et de di- (Modcou) permet de relier le cycle de
mée par l’augmentation des teneurs versifier les cultures. Les résultats sur l’azote à des scénarios de contamina-
●
XII I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●25
◗ REPORTAGE tion des nappes souterraines. Les cour- choisies. Actuellement, l’exploitation vache a son auge individuelle ; ce
2
bes produites par l’Ecole des Mines de expérimente deux systèmes d’élevage qu’elle ingère ou délaisse est pesé…
Paris sont plutôt alarmantes, à moins laitier. L’un compte 40 vaches laitiè- Dans les parcelles, la production
d’un changement de pratiques agrico- res pour 80 ha d’herbages diversifiés. d’herbe est quantifiée selon le type de
les radical et généralisé, qui n’est pas L’autre, un troupeau de 60 vaches lai- parcelle et l’hétérogénéité des sols et
d’actualité vue la capacité productive tières et de la polyculture sur 160 ha. sous-sols : 75 petites bandes d’herbes
céréalière du Bassin parisien. », com- Le parcellaire est réparti entre 4 ro- sont ainsi « fichées » chaque semaine.
plète Marc Benoît. « Ces recherches tations de cultures différentes et des La mesure de la biodiversité passe par
montrent le rôle des agronomes dans la prairies permanentes. « Nous prenons des relevés floristiques et le comptage
production de connaissance sur les pra- des risques, là où les agriculteurs n’osent des carabes, coléoptères bioindica-
tiques agricoles à l’échelle de grands ter- pas, notamment sur les rotations et teurs collectés dans 70 pièges deux fois
ritoires soumis à des enjeux d’environ- diversifications », souligne Claude par an : 40 000 insectes ont été dé-
© Inra / D.Rizzo
nement, à la fois pour poser des Bazard. Blé, épeautre, mélange triti- nombrés en 2007, dont 9 000 carabes.
diagnostics et concevoir des scénarios
de changement ».
cale pois ou orge et lupin… sont com-
parés pour leur efficience environ-
S’ajoutent des annotations qualitati-
© Inra / Christophe Maître
ves : l’approche « humaine » étant au
1
nementale, agronomique et en cœur du département Sciences pour
●
1
●
Exploitation expérimentale
en agriculture biologique
élevage.
L’innovation vise des systèmes plus
l’action et la décision (SAD) dont dé-
pend l’unité de Mirecourt.
CLAUDE BAZARD
responsable 3
2
AUGES 4
de la conduite individuelles.
Les recherches ont aussi questionné économes et autonomes. La consom- Les différentes bases de données sont de l’exploitation.
la stratégie interne de l’installation mation de fioul sur la ferme a dimi- reliées à un Système d’information
expérimentale de Mirecourt axée sur nué de 25% depuis 2004. La moindre géographique qui pourra nourrir de
repères
la polyculture et élevage laitier. En densité animale à l’hectare a permis nouvelles recherches, par exemple ●3
2003, l’unité s’interroge sur un pas- d’allonger la période au pâturage et pour évaluer l’adaptation des agro- DÉSHERBAGE
par une bineuse
4 ●
sage en agriculture biologique (AB). d’abaisser les besoins en fourrage sec. systèmes au changement climatique. dont l’outillage MEMBRES
a été adapté. DE L’ÉQUIPE.
Le choix n’est pas anodin pour un or- Deuxième poste d’économie, le tra-
ganisme de recherche agronomique vail du sol est simplifié par des alter- Une identité originale
car « plus ou moins consciemment, les natives au labour. Sur certaines par- et reconnue
12
chercheurs
unités expérimentales montrent le che-
min à suivre, cela a pu surprendre cer-
celles, un couvert végétal concurrence,
en permanence ou pendant l’inter-
L’actualité scientifique de « Mire-
court » comme on dit à l’Inra, est loin ●
6
●
tains de nos partenaires agricoles lor- culture, les adventices. Ces pratiques de l’image d’Epinal du domaine lai- MESURE
et ingénieurs 5 hebdomadaire
rains… », poursuit Marc Benoit. La demandent de connaître la physio- tier mis à disposition de la recher- ATELIER de la hauteur
18
techniciens
conversion en AB intervient en 2004.
« Elle a accru la visibilité de Mirecourt
logie des plantes et d’adapter les ma-
chines. L’ingéniosité des mécaniciens
che par le Conseil Général en 1961.
L’unité de recherche, avec son instal-
de mécanique. d’herbe.
et a affirmé notre identité au sein du fait miracle : le semoir à céréales a été lation expérimentale, attire étudiants
5 6
4
thésards
dispositif de recherche de l’Inra » re-
marque Catherine Mignolet. « Cette
modifié pour différencier la largeur
des rangs et permettre le passage d’une
et thésards. Les interactions avec les
partenaires agricoles, collectivités et
et post- conversion nous a tous mobilisés : au- bineuse afin de désherber mécani- structures d’enseignement sont nom-
doctorants
delà des techniques, l’équipe a changé quement la parcelle. Sur la bineuse, breuses. Echanges qui ont vocation à
237
de SAU
ha
de métier ». Derrière « la Bio », c’est
l’innovation qui intéresse chercheurs
des capteurs détectent les plantules et
positionnent les éléments bineurs
s’inscrire dans des réseaux mixtes
technologiques (RMT) sur les systè-
et techniciens. Xavier Coquil, jeune entre les rangs, augmentant l’effica- mes de culture innovants, l’agricul-
ingénieur et Claude Bazard, en charge cité et le débit des chantiers : 2 ha ture biologique ou dans les observa-
de l’exploitation, communiquent cha- par heure. toires territoriaux. ●
leureusement leur passion pour le Recherche oblige, tout est mesuré de
sujet. La conception de systèmes agri- manière analytique afin d’évaluer les
coles innovants articule la modélisa- deux systèmes sur le plan agrono- Catherine Donnars
tion a priori de stratégies de produc- mique et environnemental : chaque et Michelle Cussenot
tion et l’expérimentation de celles botte de foin est identifiée ; chaque reportage photo : Christophe Maître
Note 1
Loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 utilise la balance d’azote
parcellaire (Bascule) élaborée à Mirecourt pour le
7 ●
7
MESURE DE LA
8
diagnostic environnemental de l’exploitation rendu BIODIVERSITÉ
obligatoire. La même loi définit les modalités du dépôt Carabes collectés
de fumier au champ, infléchies à la suite des résultats dans un piège placé
obtenus à Mirecourt. au sol dans un pré.
Loi n° 2005-95 du 9 février 2005, dite loi sur l’eau
s’appuie sur les travaux de Mirecourt pour la définition
des bandes enherbées en bordure des cours d’eau.
9
+d’infos
Oweb :
www.inra.fr/la_science_et_vous/dossiers ●
8 9
© Inra / D.Rizzo
_scientifiques/agriculture_biologique ANALYSE
www.sisyphe.jussieu.fr/internet/piren CARTOGRAPHIQUE
des impacts
www.inra.fr/sad/vittel/ territoriaux.
Ocontact :
mignolet@mirecourt.inra.fr © Inra / Christophe Maître
●26 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
27
métiers LES DIFFÉRENTS OUTILS DE VEILLE
O VEILLE DOCUMENTAIRE ET STRATÉGIQUE
Versa Velisa
La veille réglementaire en expérimentation Veille documentaire francophone en santé animale.
veille stratégique
mentation, l’Inserm, le CNRS, les écoles nationales vétérinai- • les problèmes sanitaires signalés dans la presse profession-
res, l’AFSSA… Ses utilisateurs sont pour plus de 40 % des nelle spécialisée (50 re-
industriels. vues francophones) et
Il apporte : dans les sources épidé-
• des réponses aux obligations des unités expérimentales en miologiques ;
en santé animale matière de veille réglementaire : démarches de certification,
plates-formes Ibisa
• les références pour ac-
céder aux ressources ;
• des ressources inter-reliées : document père et fils pour le • la contribution des au-
suivi des ajustements réglementaires successifs ; des mises teurs du département
Le contexte sanitaire, réglementaire et économique en santé à jour régulières pour la communauté scientifique concernée scientifique de Santé ani-
animale et santé publique vétérinaire est très évolutif. • un réseau d'experts. male de l’Inra.
Ces changements ont des conséquences pour les chercheurs Versa pourrait être O www.tours.inra.fr/velisa
et leurs partenaires à la fois en termes d’orientation amené à se développer
scientifique et thématique, et aussi de collaborations. vers un périmètre euro-
péen en toxicologie
cosmétique et éthique
Illustration : Chromatiques
L
a santé animale est reve- Pour toutes ces raisons, le départe- technicien en expérimentation en de l’Inra. Il recense les innovations, brevets et licences qui peu- publique vétérinaire en France (territoires, entités pathologiques
nue au premier plan ces ment scientifique de santé animale a passant par les qualiticiens, docu- vent être à la source de nouveaux partenariats. Par ailleurs, ou filières) ;
dernières décennies. Après mis en place à partir de 2005 des ou- mentalistes, chargés de partenariat, l’analyse scientifique des brevets est également destinée à ap- • un espace d'échanges pour faire remonter les besoins des
une période durant la- tils de veille stratégique fournissant informaticiens… Une cellule de porter une culture de l'innovation aux jeunes chercheurs. professionnels ;
quelle le contrôle de mala- des connaissances « organisées » aux coordination anime le dispositif. ● Il offre • Une zone « partenaires » pour développer les collaborations.
repères dies des animaux d’élevage était re- chercheurs et aux partenaires et per- • une base de données des produits et brevets O www.sante-animale.eu
lativement maîtrisé, de nouvelles mettent de faire connaître l’expertise Marie-Colette Fauré • une base de données des sociétés privées du secteur
maladies transmissibles à l’homme des chercheurs. Ces outils sont fon- et Gilles Aumont
(zoonoses) comme l’ESB et les grip- dés sur une surveillance automatique
pes animales ou ayant des consé- de la toile et de diverses ressources do- @genda New@diseases
quences économiques majeures en cumentaires, sur les dernières tech- +d’infos
500
abonnés à
termes d’abattages massifs ou de li-
mitation de la circulation des ani-
nologies web (liens RSS, géolocalisa-
tion…).
Ce projet donne lieu à une collaboration
sur les questions théoriques en veille
La veille événementielle en santé animale et santé
publique vétérinaire.
La veille sur les maladies émergentes.
Il s’agit de proposer un système unique d'informations et d'alertes
stratégique avec l'Ecole d’ingénieurs des
Versa
maux (Fièvre catarrhale ovine), mo- Leur utilisation est déjà très appréciée sciences et technologies de l’information Cet outil collecte les in- sur les émergences sanitaires à partir d’une sélection de
et de la communication (ESIEE, Noisy Le
1800
visites par mois
bilisent les acteurs publics et privés.
Ces préoccupations s’intègrent doré-
(cf. Repères). La valeur ajoutée du
dispositif résulte du traitement de l’in-
Grand).
OCommunications :
- Rencontre des professionnels de l'IST
formations « brutes et hé-
térogènes » sur les appels
sources et d’un traitement automatique de l’information : dépê-
ches, revues, bases de données, sites Web ProMed, OMS, etc.
pour @genda, navant dans un contexte global: in- formation, celle-ci étant souvent plé- Nancy, 19-21 juin 2006 d'offre, offres d'emploi, La nature des informations est de type « signal faible » (hypo-
tensification des échanges, désordres thorique, peu accessible, non orga- http://webcast.in2p3.fr/INIST/ colloques, etc., afin thèses, éléments suspectés…) jusqu'aux informations validées.
- Interview au Forum de l’innovation en
+ d’1 environnementaux, évolution des nisée et peu exploitée. C’est pourquoi, information scientifique et technique, qu’elles soient facilement L’outil offre des possibilités multiples : information d'un réseau
million
de connexions
modes de consommation et de pro-
duction. Les déséquilibres épidémio-
chaque service (cf. encadré) porte une
attention aux sources, aux modes d’ac-
organisé par le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la
Recherche et le GFII, salon de
accessibles et utilisables
par l’ensemble de la com-
stratégique ciblé, statistiques mensuelles, cartographie auto-
matique de l'émergence.
annuelles sur l'Information numérique, de la Veille et de
logiques qui en résultent influent sur cès (texte intégral quand cela est pos- l’intelligence économique. 13 juin 2007 munauté scientifique et
Velisa
la réglementation de plus en plus sible), à la sélection des informations, www.gfii.asso.fr/article.php3?id_article= professionnelle de la santé animale.
2257
stricte et profuse. Les recherches en et à son enrichissement (analyse, clas- Osur le web :
L’outil offre une version intranet.
santé animale à l’Inra s’organisent sement, synthèse) afin de rendre l’in- www.inra.fr/sante_animale (département O www.tours.inra.fr/agendasa
scientifique)
autour des disciplines scientifiques formation « à portée de souris » grâce OContact :
pour renouveler les connaissances et à une navigation intuitive. marie-colette.faure@toulouse.inra.fr
● 28 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 I NRA MAGAZINE • N°5 • JUIN 2008 ●
29
◗ IMPRESSIONS
question
O À LA RECHERCHE
Comprendre
développement
Alimentation et les gènes
de la plante
durable OGÉNOMIQUE FONCTIONNELLE VÉGÉTALE
Le mode de consommation alimentaire des occidentaux FUNCTIONAL PLANT G ENOMICS
est-il durable ? Des initiatives émergent pour orienter Editors J-F Morot-Gaudry, P. Léa et J-F Briat
EDITION SCIENCE PUBLISHERS, 2007, 714 PAGES, 133,80 $.
leurs achats vers des options moins consommatrices
d’énergie, moins émettrices de gaz à effet de serre.
Cependant les résultats ne sont pas univoques
selon les critères et périmètres d’analyse.
La parution en 2007 de « Functional Plant Genomics » est saluée dans un article de Nature
fique du sujet : « Les travaux sont ré- L’approche territoriale de la produc- (janvier 2008) par Andrew H. Paterson, éminent professeur à l’Université de Géorgie et
cents et surtout anglo-saxons et d’Eu- tion, de la transformation et de la spécialiste de la canne à sucre. Sans doute heureux d’y retrouver sa plante fétiche à côté
rope du Nord. Ils s’intéressent pour leur consommation prend plus d’impor- de prestigieuses plantes modèles comme le riz, la tomate, Arabidopsis ou Medicago,
majorité, aux émissions de gaz à effet tance avec la hausse du coût de - ce scientifique loue les qualités de ce livre pour d’autres raisons : à travers un panorama
© Jean-René Savini
de serre et à la consommation d’éner- l’énergie et des problématiques d’une détaillé des méthodes d’étude et des connaissances en génomique, l’ouvrage explique
gie. Certains de ces travaux surpren- urbanisation continue. Par ailleurs, la en quoi nous assistons à l’avènement d’une « nouvelle biologie végétale ».
nent : l’importation par bateau de pro- prise en compte de l’environnement Entretien avec Jean-François Morot-Gaudry, directeur de recherche à l’Inra,
duits exotiques peut, malgré la longue peut avoir un impact sur les régimes département de « Biologie végétale ».
distance, être plus économe en énergie alimentaires et sur leurs conséquen-
V
aut-il mieux manger des que le transport routier sur courtes dis- ces pour la santé. La comparaison de
produits locaux ou impor- tances ». régimes plus ou moins carnés illustre Pourquoi ce livre ? A qui est destiné ce livre ?
tés ? Quel est le coût envi- la difficulté de l’analyse. La FAO a mis Jean-François Morot-Gaudry : Il est né de J-F M-G : La version française, parue en 2004,
ronnemental de notre ali- Difficultés liées en avant l’impact de l’élevage sur le l’observation, dans les années 2000, technique mais pas trop, est accessible
mentation ? Où se situe exactement aux méthodes de calcul réchauffement du climat. Cependant d’un manque de références sur la génomique à un public ayant de bonnes connaissances
la plus value des produits biologiques ? Les méthodes, en cours de dévelop- les prairies ont une capacité de stoc- parmi les scientifiques de mon entourage, en biologie et voulant s’initier rapidement
Vers quelles options infléchir nos pement, simplifient la chaîne ali- kage de carbone élevée. Par ailleurs non spécialistes du domaine, et du manque à la génomique, scientifiques, universitaires,
modes de consommation ? Les ré- mentaire pour n’en retenir que des l’élevage contribue à l’aménagement d’ouvrages didactiques en dehors des revues étudiants, techniciens en biologie. La version
ponses sont encore parcellaires, mais étapes : le transport, la production, la du territoire. Il faudrait aussi prendre compilant des articles disparates. anglaise est d’un niveau un peu plus ardu.
elles préoccupent consommateurs, fi- distribution. La question du périmè- en compte l’efficacité métabolique de Le concept central du livre est que la génomique Elle a été en partie réécrite entre 2004 et 2007
lières et politiques. tre du système et de l’unité étudiés l’apport nutritionnel lacté ou carné. fonctionnelle ouvre une ère de réconciliation car certaines disciplines ont considérablement
Des initiatives voient le jour pour dé- se pose particulièrement dans le cas L’Inra s’implique dans ces réflexions entre la biologie des organismes et la biologie évolué : les techniques de microscopie
velopper une consommation durable. des ACV. Appliqués à une comparai- (notamment la mission Changement moléculaire, l’intégration des deux permettant et d’imagerie ont explosé, ainsi que l’analyse
Des Amap (1) proposent des légumes son entre systèmes de production agri- climatique et effet de serre). À Ren- de comprendre le fonctionnement des plantes du métabolisme. Une traduction en chinois est
de saison produits « à proximité » ; cole (par exemple conventionnel et nes, Hayo van der Werf et ses collè- par rapport à leur génome et à leur en cours et sera tirée en 2000 exemplaires.
des coopératives agricoles se lancent biologique), les résultats ne sont ainsi gues exploitent les ACV pour les fi- environnement. En outre, ce livre est inscrit dans les listes
dans une démarche d’Analyse de cycle pas univoques selon l’unité retenue : lières animales. Et des réflexions sont Le sommaire aborde successivement l’étude de références pour les classes préparatoires
de vie (ACV) pour évaluer leur pro- le kilo produit ou l’hectare mobilisé, en cours pour développer des appro- de la structure des génomes, de leur fonction, aux grandes écoles et à l’agrégation.
duction ; des industriels axent leur ni selon l’impact considéré. Pour cer- ches systémiques à partir d’une ana- les apports de la génomique à l’amélioration Ces livres sur la génomique complètent
stratégie sur des procédés économes taines méthodes, le nombre d’impacts lyse des recherches conduites au plan des plantes, la notion de plantes modèles. d’autres ouvrages de biologie végétale.
en énergie, en eau et en matières pre- étudiés est restreint : l’empreinte car- international. ● Il se termine par des réflexions plus intégrées, « La photosynthèse », paru en 2006, était pour
mières; des distributeurs initient un bone convertit les dépenses énergé- (1) Association pour le maintien d’une agriculture comme les interactions entre le génome, moi une sorte de « testament scientifique »,
étiquetage qui donne l’« empreinte tiques en Kg Co2 émis. Des méthodes paysanne l’environnement et l’expression de puisque c’était mon domaine d’étude.
carbone » des modes de transport, multicritères, comme l’ACV, englo- Catherine Donnars, comportements complexes des plantes vis-à-vis Nous continuons à en vendre en moyenne
emballages et déchets. bent davantage la pollution des res- Catherine Esnouf de l’eau, de la lumière ou de l’azote. un exemplaire par jour. Auparavant, j’avais
Ces initiatives approchent l’impact de sources et l’utilisation de l’espace. Mais Ces comportements font intervenir des fonctions coordonné l’écriture de trois ouvrages
l’alimentation par le biais d’indica- elles sont moins didactiques. Les cher- +d’infos étroitement liées. sur « les plantes et l’azote » en 1997 et 2002.
Première bibliographie -
teurs dont la représentativité mérite cheurs se penchent aussi sur la façon www.inra.fr/dpenv/pdf/RedlingshoferC53.pdf
d’être évaluée. Barbara Redlingshöfer, de prendre en compte les impacts so- Van der Werf H M G, Tzilivakis J, Lewis K,
Basset-Mens C, 2007. Environmental
chargée de l’alimentation, à la Mis- ciaux, indissociables du développe- impacts of farm scenarios according to five Propos recueillis par P. M.
sion Environnement-Société, a dressé ment durable. assessment methods. Agriculture,
Ecosystems and Environment,
une première bibliographie scienti- D’autres angles sont possibles. 118: 327-338.
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◗ IMPRESSIONS en bref OLa méthanisation OMarées noires, enjeux éditions
Coordonné par René Moletta
Cet ouvrage dresse un état complet
économiques
par Julien Hay, Olivier Thébaud,
L’apport de l’histoire Quæ
OLes orphelins de l’exode
rural
des connaissances théoriques
et pratiques sur la méthanisation,
José A. Pérez Agundez, Pierre Cariou
Après les marées noires de l’Erika
aux sciences
par Bertrand Hervieu processus microbiologique qui et du Prestige, plusieurs chercheurs
Bertrand Hervieu, président du permet de produire de l’énergie en économie se penchent sur le OA quoi sert l’histoire des sciences ?, Michel Morange www.quae.com
CIHEAM, ancien président de l’Inra, sous forme de méthane à partir régime international de responsabilité ÉDITIONS QUAE, COLLECTION SCIENCES EN QUESTIONS, 2008, 70 P, 8,50 €
c/o
voit se dessiner trois types d’éléments polluants (effluents et d’indemnisation des dommages. Inra - RD 10 -
d’agriculture : de subsistance ou déchets solides). René Moletta, Au-delà des chercheurs français L’auteur, professeur de biologie à l’Université Paris VI et à l’Ecole normale supérieure F-78026
Versailles
(Afrique, Inde), familiale (Europe, directeur de recherche à l’Inra, et étrangers, cet ouvrage intéressera explique que l’histoire des sciences fait évoluer le raisonnement collectif. Par plusieurs Cedex
Etats-Unis) et latifundiaire avec des a coordonné les contributions toutes les personnes concernées par exemples, il montre que les découvertes importantes ont souvent résulté
quasi-esclaves (Amérique latine). de 29 spécialistes internationaux. les pollutions marines accidentelles. de la re-découverte de résultats et de modèles anciens. Ainsi, Pasteur redécouvrant
Trois modèles en lutte pour Éditions Tec&Doc - Lavoisier, 2008, Éditions Quae, 2008, 136 p, 24 €. dans les écrits de Pline l’ancien les techniques de chauffage du vin utilisées
subvenir aux besoins de la planète. 542 p., 120 €. par les romains, ou Watson et Crick (modèle d’ADN en double hélice,1953)
Éditions de L’aube, 2008, 12,35 €. qui ont utilisé les connaissances de ceux qui les conseillaient.
revues
O LE COURRIER DE L’ENVIRONNEMENT
Récit corallien OCAHIERS D’ÉCONOMIE
ET SOCIOLOGIE RURALES :
NUMÉRO 55, FÉVRIER 2008
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◗ REGARD
L’évaluation directeurs d’unité, cette « revue » a été un moment
important de discussion au sein de l'unité. A l’échelon
supérieur des chefs de départements scientifiques, cette
Profil d'une unité selon la répartition
du temps de travail sur 8 axes
Instruments
scientifiques
◗
des établissements. De son côté, l’Inra est soucieux que et ses grilles d'évaluation, en fonction des dysfonction- EXEMPLE DE REPRÉSENTATION GRAPHIQUE du profil d'une unité.
l'évaluation prenne en compte l’ensemble de ses missions, nements observés. Il faudra aussi les adapter à une plus
en particulier la dimension finalisée de ses activités de grande diversité de profils puisque,
recherche. Pour cela, nous avons constitué un groupe de après avoir évalué des unités de l'Inra,
travail appelé « Erefin » pour « Évaluation de la recherche l'Aéres va progressivement évaluer les OÉvaluation des unités de recherche,
finalisée » qui réunit onze organismes de recherche unités des autres organismes principes et modalités
finalisée. Nous avons établi un référentiel commun, une spécialisés. Nous travaillons en ce C’est le rendez-vous quadriennal au cours duquel l'unité rend compte de son
sorte de dictionnaire pour décrire nos activités dans toute moment à l’élaboration d’indicateurs activité et de ses résultats. Ceux-ci sont évalués par rapport aux missions qui
leur diversité. La grille « Activités, produits, critères » quantitatifs pour apprécier la lui ont été confiées par la direction de(s) l’établissement(s). L’évaluation porte
(APC) comporte 12 activités élémentaires qui couvrent production d'une unité dans toutes sur la qualité scientifique des résultats, sur la qualité et la pertinence des
à la fois les prototypes élaborés par le CEA ou les activités ses composantes. L'appréciation partenariats. Elle apporte un éclairage sur le positionnement et la visibilité
de conseil aux pouvoirs publics que propose le globale devra aussi intégrer une de l'unité dans l'environnement scientifique national et international et donne
© Inra / Christophe Maître
Cemagref… Cette grille distingue les destinataires : le analyse de la stratégie scientifique et un avis sur la faisabilité du projet. En revanche, les décisions stratégiques
sont du ressort des directions d'organismes. Les rapports d’évaluation
monde de la recherche, les acteurs socio-économiques, partenariale de l'unité, son rayon-
ont donc valeur de conseil permettant à la direction scientifique d’ajuster
les pouvoirs publics, la société au sens large. Elle différencie nement sur le plan scientifique et sa sa politique scientifique et d’améliorer la qualité de sa production.
aussi les activités, selon qu’il s’agit de produire des résultats visibilité sociétale, la cohérence
ou d’organiser des dispositifs scientifiques. scientifique et la faisabilité de son Avant 2007 : pilotage par l’Inra Après 2007 : pilotage par l’Aéres
projet. Pour construire des indi-
Comment pensez-vous utiliser cette grille cateurs, nous avons préalablement • Une lettre de mission, adressée • Le comité de visite est composé
D
epuis mars 2007, l’Aéres (Agence d’analyse ? étudié les méthodes décrites dans par le chef de département au directeur par l'Aéres sur proposition du chef
d’évaluation de la recherche et de d’unité, définit les objectifs fixés à l’unité de département (et avec les autres tutelles
E. de T. : Elle a d'abord été proposée à l'Aéres pour la divers pays européens et nous nous et les évolutions attendues. dans le cas d'unités mixtes).
l’enseignement supérieur) est préparation du « carnet de visite » des commissions appuyons sur les compétences de La désignation du président du comité
• Le comité de visite est composé
chargée de l’évaluation de l’ensemble d'évaluation des unités. Nous avons aussi voulu savoir si l'OST*. Le groupe Erefin fera une par le chef de département après avis
fait l'objet d'un accord.
du dispositif de recherche français à l’échelle elle est utile aux unités et aux responsables de l'Inra pour proposition au début de l’été 2008 et du conseil scientifique. • L'Aéres écrit la lettre de mission au
préciser les missions de chaque unité et pour préparer la discutera au-delà du groupe, en comité de visite en y incluant les questions
des établissements (universités, EPIC* • Le chef de département écrit une lettre
particulières posées par le chef
une évaluation. Sept unités, dont des UMR, ont testé la particulier dans le cadre de la de mission au comité de visite rappelant
et EPST**), des unités de recherche grille pour définir leur profil. Nous leur avons aussi « Coopérative de production d'indi- de département. Elle joint à ce courrier la
les missions, le contexte de l'unité
et des formations et diplômes (licences, demandé de lister les « produits » à réaliser en quatre cateurs de politique scientifique ». ● lettre de mission du chef de département
et précisant les questions à évaluer.
au directeur de l'unité.
masters, écoles doctorales…). En 2007, ans en tenant compte de leurs missions et des • Le rapport d’évaluation est transmis
recommandations issues de l'évaluation précédente. Ces • L'Aéres transmet un pré-rapport
l’Aéres a évalué les unités de la zone Propos recueillis par à l'unité et une discussion contradictoire au directeur d'unité qui peut répondre.
géographique dite de la vague C, produits devaient être spécifiés pour chaque type d'activité a lieu en conseil scientifique
Pascale Mollier • Le rapport définitif et la réponse
de la grille, qu'il s'agisse de connaissances génériques, de département. Celui-ci donne un avis
qui correspond à une partie de la région d'outils d'aide à la décision, de nouveaux accords de sur les décisions à prendre. de l'unité sont envoyés aux directions
parisienne et de l’Est. Pour l’Inra, cela d'organismes.
partenariat, de contribution à la conception et à la mise *EPIC : établissements publics à caractère industriel
représente une trentaine d’unités propres et en oeuvre de modules de formation... C’est une demande et commercial • Publication des rapports sur le site Web
**EPST : établissements publics à caractère scientifique de l’Aéres.
d’unités mixtes avec d’autres établissements exigeante. Les unités de recherche ne sont pas habituées et technique
à caractériser les produits de leurs recherches dans toute • Le conseil scientifique de département
(UMR). Élisabeth de Turckheim, directrice ***OST : Observatoire des sciences et des techniques
prend connaissance du rapport de l'Aéres
leur diversité, ni à les anticiper. Le témoignage des
de la délégation à l’évaluation à l’Inra, et étudie le projet de l'unité. Il donne
participants a confirmé l’intérêt de la démarche. Pour les +d’infos un avis sur les décisions à prendre.
fait le point sur les changements en cours. www.aeres-evaluation.fr/
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◗ AGENDA
29 juin/5 juillet
HOHHOT, CHINE
30 juin/3 juillet
RENNES
2 juillet....
PARIS
10 juillet
PARIS
Prospective « Nouvelles
ruralités » en France
à l'horizon 2030
Les devenirs du rural
de la France dans l'Europe
L’attraction envers les espaces ruraux
s’accroît et ils évoluent rapidement.
Ce colloque restitue un travail de
prospective qui explore les futurs
possibles du rural en interrogeant
les catégories spatiales et la notion
de ruralité. Quatre scénarios portent
un regard nouveau sur les réalités
territoriales émergentes.
WWW.inra.fr/internet/Unites/unite-
prospective/ruralite.html
1er/4 sept
MONTPELLIER
23 sept