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PHILOSOPHIA ANTIQUA A SERIES OF ST DIES ON ANCIEN PHILOSOPHY FOUNDED BY H. WASZINK AND W_ VERDENIUS EDITED BY J MANSFELD, D.T. RUNIA J.C.M. VAN WINDEN VOLUME LXXI ‘YSABEL DE ANDIA HENOSIS. HENOSIS L'UNION A DIEU CHEZ DENYS L'AREOPAGITE PAR YSABEL DE ANDIA EJ. BRILL LEIDEN NEW YORK KOLN 1996 eee Boo ongevity 0 Coun Library of Congress Cataloging-in-Publicat Data Andia, Ysabel de, Luunion a Dieu chez Denys L’Artopagite / by Yaabel de Andia, . cm. — (Philosophia antiqua, ISSN 0079-1687 ; v.71), Includes bibliographical references and index. ISBN 9004106561 (cloth + alk. paper) 1. Pscudo-Dionysus, the Areopagite. 2. God—History of doctrines—Early chureh, ea. 30-600. 3. Mysiciam—Histony—Early church, ea. 30-600. I. Til, IL. Serie. BR6S.D66A53 1996 280°.14'092—de20 96-7354 cr Die Deutsche Bsbhothek ~ CIP-Linheitsaufnahme Ania, Ysabel ISSN 0079-1687 ISBN 90 04 10556 © Copyright 1996 by EJ. Beil, Leiden, The Netherlands All rights eed. No part of thi uBlcation may be raped, translate, ‘veil syste, of tans in any form or by ay tans, electronic ‘machana,placapyng, receding redht, edot pri seritin ermisvon fo the publisher Athorization to photocopy ies for ikea or perona 1 granted by EJ Brill provided that (he appropriate fes ae pad ively to The Copyright (Charan Center, 222 Reseened Dre, Site 910 ‘Dancer: MA 01923, USA Fees ae subject to chnge. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION UNION A DIEL A. La théologie mystique... 1. Invocation de la Trinité 2. Adresse & Timothée. B. Henosi 1. Plotin.. 1.1. Image de l'amant et de l'aimé... 1.2. Image du voyant et de la vision. 1.3, Image de 'image et du moddle. 2. Denys. 2.1, Ressemblance : Ia voie spophatgs 2.2 Differences. C. Néoplatonisme et théologie mystique 1. Grégoire de Nysse.. 1.1 Interprétation dE. von Ivanka. 1.2. Interprétation de Daniélou ..... D. Problémes et méthodes. 1. Question dela mystique naturelle et suraturele 2. La christologie de Denys. [APPENDICE : Remarque sur le terme &vox u 13 4 4 16 7 17 18 19 19 19 21 23 TABLE DES MATIERE PREMIERE PARTIE DEL'UNION AL'UN Section I. Union et distinctio, (CHAPITRE PREMIER : UNITE ET TRINITE. 29 A. La théologie trinitaire de Denys dans les Noms divins . 1. La structure du texte de DN I, 640 A10 - 644 D2. 1.1, L’Union et la distinction (8§ 2 a 4).. 1.1, Ce qui est uni (§ 3) 1.1.2. Ce qui est distinct 1.1.3. Unions et distinetions divines (§ 4). 12. Union et ditnetion selon union 4). 1.21, L'Union divine. 1.22 Exemple des lamps. 3s 1.23. Distinction divine 35 1.3. Union et distinction selon ia distinction (§5) 35 1.3.1, Noms divins (§ 5) -rore 35 1.32. Distintion (& 6) . 36 2. Attribution des noms divins & la Déité tout entire (§ 1).. inction doce qui et uni et dece qui est distinc (63) 3:22. vo imapotovo- Grape 4, Les propriétés des unions divines (§ 4) 5. Les propriéiés des Hypostases divines (§ 5) 3.1, Les propriéiés des Hypostases 52. La distinction des Hypostass, 5.3. La FECOMGIRE nme 6. Le secret de la génération en Dieu (§ 7)... 7. Lappropriation des «dons» aux trois Hypostases divines (§ 8) 48 B L’Union et la distinction chez. Proclus.. : 49 1. Le Commentaire sur le Parménide 50 1.1. Live IL. 50 12. Livre Vi. 31 2. Le Commentaire sur le Timée (Livre Ill)... 53 La mixtion des deux Genres du Meme et de Autre (In Ti. I 254) 3. Denys I’ Aréopagite et Damascius ‘TABLE DES MATIERES C. Comparaison avec la doctrine trinitaire des Cappadociens 1, Grégoire de Nysse et Denys I’ Aréopagi 11-La Lettre 38.. 12. Le Discours catéchetique... 2. Le Traité sur le Saint-Esprit de Basile.. 2.1. La propriété des Hypostases. 2.2. La communion de la Divinité 2.3. L’absence du terme «procession 2.4. La différence de signification du terme «union». Conclusion, Section It, La procession & partir du Vunion CHAPITRE II : PROCESSION, NOMS ET COMMUNICATIONS A. Procession et noms divins. B. Procession et multiplication... 1. Multiplication F e 11. DN, 5, 644 A : L’Union divine 1.2. DN IL, 11, 649 B: La Théarchie. 13. DNV, 8, 834 A : Celui qui est. 2. Du multiple & Un, 2.1. DNIX, 5,913 B: LTdemtté et 'Alterité 2.2. DN XII, 2, 980A :L'Un et le multiple.. . Procession et participation... 1. Les communications. 1.1. L’Btre la Vie etl Sagesse 1.2 La communication de I'étre. 1.3. La communication de la beauté 2. Les dons... 2.1. Réparttion et réception des dons 2.2: Communication higrarchique des dons 23. Les dons supérieurs 2.4. La procession et la conversion. CHAPITRE III : LA PARTICIPATION A. La célébration de la Cause imparticipable & partir des participations et des participants. 1. A pani des participants... 1.1, L’exemple du eetcle. LL Poin 112. Prec 113, Denys. 6 66 68 8 8B 69 70 nm mn 2 nm B 74 75 nm 7 1 78 78 80 80 Vv ‘TABLE DES MATIERES 1.2, Lrexemple du sceau.. 12.1. Proclus.. 1.2.2. Denys. e 13, L’exemple de la lumiére.. 1.3.1, Arebitecture de la lumitee. 13.2. Aptitude & recevoir la lumiére. 2. A partir des participations... 2.1. La premiére des participations, c'est "ere. 2.2. Autres exemples de participation. 3. La nalts pantcipée demeureimpatcipable 3.1. DN I, 7, 645 A. ipations en soi.. 1, Les noms et les idées. 2. La eausalité divine t la transcendance divine C. participation chez Proclus CHAPITRE IV_L"ANALOGIE A. Les expressions de I'analogie 1. xat"avahoyfay. 2. npg ric olxeiac Svaovies 3. avandyox B_ cdon et la mesure des illuminations divines C Liaccueil ou la capacité du don : liberté et déterminisme 1. Le probleme du mal... 2, Leamour.... 241, DNIV, 5, 700 D- 701 A. 2.2. DNL, 2, 589A .. 4. La eélébration du Donateur «selon analog. CHAPITRE V : LA PUISSANC! ‘A, Le nom comme «puissance» 1. Proclus. 2. Denys. 3. Apres Denys... B. La relation entre I'acte et la puissance 101 101 101 102 103 103 ‘TABLE DES MATIERES 1. Platon et Aristote 2. Plotin.... 3. Denys. Conclusion : Les trois dimensions de l'amour divin Section II, La procession et la conversion : du Bien au Bien CHAPITRE VIE BIENET LEBEAU A. a procession convenant au Bien B. Le Bien d’ob tout proctde et vers quoi tout tend 1 L’émission et aspiration 1.1. L'émission des rayons 12. Le désir du Bien. 2. L'analogie et la négation 2.1, «Selon leur mesure» : 2.2, «Selon la négation® a 3. Conversion et apocatastase. Ce cercle du Bien et le cercle de l'amour. - Le Bien. 1.1. Le cercle du Bien : DN IV, 4,700 B 12, Le Beaton 121 esis ovens cane, eget cota a) Les imellects 4) Les ames )Le Dieu immobile 1.22, Le cercle du Beau et Bon. (CHAPITRE VII : LE DIVIN AMOUR A Amour et le Bien B Le cercle de I’ Amour... . 1, L’amour, puissance unique et unifiante. 2. Les trois «extases» de l'amour 3. Le cercle de l'amour. 4, L'amour, puissance simple .. ‘Du Tres saint Higrothée ~ Des hymmnes sur l'amour Conclusions sur ‘amour. " 9 123 123 124 124 124 128 131 131 132 133 133, 133, 133, 135 137 137 137 140 141 14s 145 148 148 150 152 153 153 157 v ‘TABLE DES MATIERES Section IV. La conversion vers l'Un (CHAPITRE VII: LA SIMILITUDE A. La Similitude.. 1. Le Semblable et le Méme 2. La Similitude et la conversion. 3. Limitation. 3.1, Les Noms div 3.1.1. L'«union qui a Dieu pour mode». 3.1.2 ‘imitation plus divine des anges. 3.2. LaHiérarchie céleste 5.21. Limitation de Dew et a cooperation avec Di 3.2.21 Vimitation eta divinisation. 3.3. La Hiérarchie ecclésiastique. 5.31. L'imitaton par le Grand Pree de la dspensation dela ‘Lumitee divine 332. Limitation comme at dela peinture... 3.4, La Lettre It: Vimitation de ITnimitabl B. La dissimilitude... 1. Le «Dissemblable» et I'«dnimitable». 2. La supériorté des images dissemblables (CHAPITRE D LAPAIX ‘A. La Paix, principe de rassemblement et de conversion vers unité B. Les participations intlligibles et exprimables de la Paix. (CHAPITRE X : L'UN A. La structure du chapitre XII sur "Un, 1.L'Un tout et Cause de tout (§ 2) 1.1. Tout participe &’Un... 1.2 Sans Un, iln’y a pas de multitude. 2. L'unité divine 2.1. Le Dieu unique. 222: L’Unité divine, principe de roceson et de conversion, 233, Déité totale et une. 3. Unité tla Trnité tla nomination de Dieu 3.1. La Déit€ suressentille 3.2, La Déitéinnommable... 167 168 169 170 mm im im 12 172 13 1B 174 174 175 179 180 180 181 183 183, 186 191 192 193 193 195 195 195 196 197 198, 198 199 TABL DES MATIERES B. La conception de I'Un et de Diew TEU ne 1.1. L'«Un qui est touts et I'«Un cause de tout» (§ 2)... 12, Originalité de Denys... 1.21, La théologi aifirmativectla teoge negative 122. L'Un-Tout 2. La Divinité. 21. «La Divinité qui ext au-dessus de touts 22. La «Plus-que-Divinité» Plan de DN XI, § 2-3 La théologie négative et I'union & Diew APPENDICE : LA NOMINATION DE DIEU ET SA CELEBRATION Comparaison de DN I, 2, 588 C avec DN XIII, 3, 980 B-D.. DEUXIEME PARTIE "UNION AU-DELA DE L' INTELLECT (CHAPITRE XI: LA « FLEUR DE L INTELLECT » DANS LES ORACLES (CHALDAIQUES ET CHEZ PROCLUS. A. 28 Oracles chaldaiques B. Proclus. 1. Extraits du Commentaire des Oracles Chaldaiques 2. In Timacum. 3. De providentia 4. In Alcibiadem .. 5. Théologie platonicienne. APPENDICE : L’BTINCELLE DE L’ AME, CIME OU FOND. A. La pointe de esprit (apex mentis) L.Lefeu 2. Le coeur. B. L'étincelle de I'ame (scintilla animae)... . Connaissance et amour... Conclusion... 24 21 216 216 218 219 221 25 225 225 226 227 228 230 van ‘TABLE DES MATIERES ‘HAPITRE XII: «UNION AU-DELA DEL INTELLECT» DANS LES NOMS DIVINS. 2B A. Noms divins 1... 233 1.DNI, 1,585 B: L'union ineffable ineffable et la de "Esprit... 233 2. DN I, 4, 592 C: Union et Tantigratn a 234 2.1, La plénitude. 2.2. La participation.. B. Noms divins I 238 1. DNIIL, 7,645 A: Liexpliation des Oracles et union aux mystéres = 238 2. DN I, 9, 648 A-t 239 2.1. La tradition. 240 22. La recherche et Vexercice. 240 23. L'initiation 240 C. Noms divins Wl... 242 1. DN Ill, 1, 680 B: Union et prigre. 242 LA, Nécessié de la pritre. 243 1.11. Pour les Néoplatoniciens..... 243 1.1.2. Pour les Chrétiens 246 1.2. Présence de Dieu et présence & Diew 247 D. Noms divins IV : 1’éros et l'union inconnaissable 249 1. Les intuitions aveugles de I'ame 249 2. L'intuition et intellect aimant chez Plotin 250 3. L’amour et union inconnaissable chez Denys 252 E. Noms divins V. 254 L.DNV, 1, 816 B : essence suessenille dépasse union... .254 2. DN V6, 820 C-821 A: L’union des lignes dans le centre du CeFCIE oon 255 3. DN V, 7, 821 B-C:: L’union sans confusion des logoi 256 3.1. Qu’est-ce que cette «union sans confusion» ?. 256 3.11. Les Stoiens .. oer 256 1257 257 ‘TABLE DES MATIERES x 3.2. La contemplation de tout dans la Cause de (out. 4. DN V, 8, 821 C-824 D : L’union unique et suressentille des paradigmes.. : 4.1, Leexpression wa nivoay 42. Lincise robro eave... 43, La cause unique et surunifige 4.4, Lunion unique et suressentielle 4.5. Definition des paradigmes. 5. DN V, 9, 824 D-825 A: L’unique union séparée de tout. Noms divins VI. 266 1. DN VI 1, 865 D-869 C: Higrthée et Punion au-dela de Pintellect. 266 1.1, La Sagesse et la Folie de vo 267 1.1.1: La théologie négative et 'au-el 267 1.1.2, Deus modes de la connaissance de Diew : «selon nous» et ‘selon union». : 267 4) eSelon nous. 267 ) «Selon lunion » 269 1.2. La science de Dieu (§2) 211 121. Scientia angelorum. 2 122. Scientia animarum 272 1.23, Scientia Dei 272 2. DN VIL, 3, 869 C-872 A: L'union au-dessus de intellect... 274 2.1. La connaissance de Diew 218 2.2! La connaissance et 'inconnaissance... 275 2.3. La connaissance Ia plus divine de Dieu. 276 217 2.4. Les profondeurs de la Sagesse.. G. Caractérstiques des différents emplois du terme «union» dans les Noms divins 271 1. Deux types d'union.. 278 1.1. Lunion de l'ame avec Dieu. 218 12. L'anion sans confusion» 1-278 2. Conditions de l'union.. 278 3. Objet de union “29 4. Bffet de Vunion.. 29 (CHAPITRE XIII: UNION ET DIVINISATION 281 ‘A. athise de Jules Gross sur la divinisation et ley éavrod 281 B. Philanthropic et divinisation 288 x ‘TABLE DES MATIERES Hiérarchie ecclésiastique WM, 11, 441 A-B, Hirarchie ecclésiastique WU, 12, 444 A-B Hiérarchie ecclésiastique IM, 13, 444 C-D C. Lrobjet de Punion .. APPENDIC SUR LA DIVINISATION ‘TROISTEME PARTIE L'UNION DANS L'INCONNAISSANCE CHAPTTRE XIV: L'ASCENSION DE MOISE BT L'ENTREE DANS LA ‘TENEBRE., ‘A. Le livre de I'Exode dans la Septante 1. Exode 19, 9-20 1.1, La préparation de aliance. 1.2. La théophanie. 2. Bxode 20, 21 3. Bxode 24, 9-10 4, Exode 33, 21-22. 5. Erode 25,9... B. La Vie de Moise de Philon d’Alexandtie. 1. Les paradigmes du tabernacle. 2. Laténdbre.. 7 2.1. De Vita Mosis I, 158-15 22. De Posteritate Caini § | 23. De Mutatione Nominum § 2.4. Questiones et solutiones in Exodum ivre Ul, §28 3. Le lieu de Dieu (Exode 24, 10).. Conctusion... 289 290 291 292 292 293 293 294 296 315 318 ‘TABLE DES MATIERES C. Grégoire de Nysse. 1. Les éapes de ascension de Moise. 1.1. Traité sur les tres des Psaumes. 12. Eloge de Basile 1.3, Homélies sur le Cantique des Cantiques. 1A. Vie de Moise — 2. La vision du Christ, «tabernacle non fait de main d’homme 3. Le Christ, lieu de Diew.. 42. Les Homélies sur le Cantique des Cantiques D. Denys Les étapes de I'ascension de Moise. 11. L’ascension... 1.2. Lrentrée dans la Téndbre Le «lieu» od «Dieu se tient» et les «raisons ype 2.1. L’€lévation de V'imtellet. 22. Le leu. 23. Les raisons hypothétiques La Téndbre et ’extase. 3.1. La Téndbre et obscurit... 3.2. La Téndbre de Iinconnaissance, 32.1. Lenre V. . 322 Lee 3.23. Les dew 33. La Téndbre et extase. 33:1 Pare xy Mrs exe. 33.2 La passvit Conclusions sur les quatre points de comparaison entre Philon Grégoire de Nysse et Denys I’ Aréopagite 1. Les étapes de l'ascens Grégoire de Nysse et le Pseudo-Denys I" Aréopagite. 2. Le lieu de Diew 2.1. Philon... 2.2. Grégoire de Nysse.. 23. Denys. 2.4, Evagre le Pontique. 255. Isaac le Syrien, 319 319 319 320 321 322 326 329 329 332 333, 334 334 337 <1 341 341 342 343 343 343, 344 348, 349 349 350 351 352 352 354 356 357 357 357 358 360 361 xi ‘TABLE DES MATIERES 3. La Tend bre... ose 3.1. Philon 3.2. Grégoire de Nyse 3.3. Denys, 4. Vision 5... 4.1. Pilon... 42, Grégoire de Nysse 43. Denys. . 5. Tableaux CHAPITRE XV _L'APOPHASE ET LE SILENCE A. Laffirmation et la négation 0. 1. Lrerreur et Midolatrie des profanes. 2. La réponse de Denys 211. Affirmer et niet: trois voies 22, La Cause de tout et la Cause supérieure & tout 233 Lrereur et la négation de erreur. B. Le statut de la négation.. 1. Définition de la négation 1.1. La non-contradietion des affirmations et des négations 1.2. Le dépassement de toute privation .. 1.3, L’au-del de toute négation et de toute position 2. La double limite de la négation 2.1, La négation de ta privation.. 22, Laurdela de la négation C. Négation et téndbre 1, La négation comme célébration de la Ténébre.... 2. La négation comme dévoilement de la Ténebre. D. Descente et montée, Procession et conversion 1, Objection et réponse LL. Objection... 1.2. La réponse de Denys 2..Les deux Hypotheses du Parménide. E. Négation et transcendance... 1, Négation, Li Négat 1.2. Négation de Minteligible 1.3, Négation de laffrmation et de la negation 362 362 363, 366 368, 368 368 370 an 395 376 376 377 378 378 379 379 379 379 379 380 381 381 381 382 382 383 386 387 387 388 389 390 390 390 391 392 ‘TABLE DES MATIERES 2, L'Au-del& de tout 2.1, Les noms divins de la Théologie mystique 2.2. Les attributs divins.. 3. Négation et silence. 3.1. L’Hymne sifencieux. 3.2: Les anges, annonciateurs du silence divin 3.3. Lesilence au-deld de la parole. CHAPITRE XV _LE DIEU INCONNU A. Ineffable et VTnconnu B_Agnostos Theos.. 1, Dans Je Néoplatonisme. “11. Le edosier des Hermetcar 132 Abbinos 133, Numénius. 2. Le discours de saint Paul sur I’Argopage (Actes 17, 16-34) 2.1. Analyse du discours. 212! Saint Paul et le Pseudo-Denys.. C. L’union dans l’inconnaissance.. 1. npb¢ ¥vwow : l'élévation et Punion 2. dyvGorug : dans 'inconnaissance.. 3. xara thy Evwoty : connaissance de Dieu, extase et divinisation, CONCLUSION : UNIO MYSTICA A. Unification, unité et union .. 1. Union en Dieu et union & Dieu. 2. Union au-dela de I'intellect et union & Dieu 3. Unification et unité comme conformité &1'U B. L’union et les deux mouvements de I’ame 1, Le mouvement circulaire 2. L’élan vers le rayon de téndbre. C. Union et extase 1. Anagogie, élan et extase. 2. L'éros extatique ... 3. Le moine et la Monade divine xu 392 "392 393 394 304 397 399 401 407 407 407 407 410 410 Ald 41 412 412 414, 416 416 416 423 423 423 423 424 424 424 425 426 426 428 428 xIV ‘TABLE DES MATIERES 3 Le moine et la Monade divine 1. Divinisation, extase et union 2. Divinisaion, sacrements et perfection E. L’union dans la téndbre de 'inconnaissance 1. Les spectacles mystiques 2. Lumitre et Téndbre. F, L'union a I'Inconnu. 1. Essence et puissances... 2. S’unir & un inconnu.... 3. Pitir les choses divines G. L'union sans intermédiaire. 1. La voie hiérarchique et la voie mystique H. Union et Trinité 1. La Trinité 2, Jésus... 3. LESprit ne L. Unio mystica, 1, Mystére et mystagogic.. 2. Philosophie et mystique 3. Livresse divine et la présence divine 4. Denys, pare de la mystique. ‘ABLE DES MATIERES BIBLIOGRAPHIE Sigles et Abréviations Bibliographies et instruments de travail IL Editions et traductions modemes.. 1. Editions... 2. Traductions en langues modemes II, La question dionysienne IV. Sources 1. Auteurs philosophiques. 11, Auteurs. 12, Ouvrages: E 13, Recuells et ouvrages collects. 2, Auteurs patristiques. : 21, Auteurs études. 22. Budesciées..- 'V. Bibliographie générale sur le Corpus dionysiacum. 1. Articles de Dictionnaires sur Denys I"Aréopagite 2. Btudes V_ Aspects particuliers de Veuvre... 1. Sur la thEoogie... Speen 3. Sur la mystique... 4. Sur la liurgie. 5. Surles scholies du Corpus Dionysiacum 6. Sur le langage et Ie lexique. 7. Sur la pseudonymie. ‘VIL. Les versions latines et en langues orientales 1. Les versions latines et les commentaires médiévaux 2. Les versions syriaques... INDICES L Index biblicum IL Index dionysiacum. IML Index locorum.. IV. Index verborum graecorum 453 455 459 459 461 461 461 461 463 464 464 464 465 INTRODUCTION L'UNION A DIEU A.LA THEOLOGIE MYSTIQUE Le sommet et la fin de Ia théologie mystique est 'union Dieu. L'expérience mystique est en effet dynamisée par ce terme : «s’unir & Dieu», mais I’ame n’entre dans ce chemin qu’au moment od le terme Tui échappe : Dieu se dérobe & toute prise et elle doit renoncer 2 tout désit de connaissance ou de possession pour s'abandonner & Lui. Inversement, elle ne pourrait désirer Dieu si Dieu Iui-méme n’avait pas mis en eJ. ui; et Dicu est aupres d’elle, & Vorigine de sa pensée et de son étre, avant méme qu’elle ne pense & Lui. Le texte dense et bref de Ia ©cokoyia puotunt de l'auteur du Corpus dionysien, qui se présente sous le pseudonyme de Denys I’ Aréopagite!, offre une pure de cette expérience de et une longue lignée d’ auteurs chrétiens, pour une part impressionnés par I'autorité que lui concédait son pseudonyme, se sont r6férés & ce texte comme A l'un des textes fondamentaux de la mystique chrétienne. Les lectures de ce texte et la tradition dionysienne qu’elles ont engendrée, surtout en Occident, nous renvoient & notre tour & ce texte et au Corpus dionysien dans son ensemble. Qu’est-ce union avec Dieu ? Comment y parvenir ? Od se fait-elle et en quoi consiste-t-lle ? Et qui est Celui qui s'unit & "ame ou a esprit et qu'elle ne peut nommer ? Ces questions nous renvoient & un texte et c'est d'abord a travers ce texte que nous pouvons définir ou décrire Pexpérience qu'il signifi. Cependant Denys ne parle pas d’expérience mystique, mais de « qui sont a la fois les paroles de I'Ecriture et celles de la Liturgie ou des «saints mystéres» ~ car par elles, ou en elles, «les :mysteres simples, absolus et immuables de la théologie» se dévoilent. Les Oracles sont le iew du dévoilement des mysttres, mais ce qui, en cux, est simple et absolu demeure inexprimable carla simplicité divine échappe & abondance des paroles, et I’absolu, a la relativité des «aspects» ou des attributs sous lesquels Dicu se manifeste et peut étre dit. Seul le Silence convient au mystere. Crest pourquoi il faut aller au-dela de la lumiére, de la connaissance et méme au-deld de Vinconnaissance, donc au-dela de la théologie affirmative et de la théologie négative, au-dela méme de toute parole, pour entrer dans la «Ténébre plus que lumineuse du Silence». Ces étapes marquent le passage de Ia théologie affirmative ou ccataphatique & la théologie négative ou apophatique et, au-dela des deux, entrée dans la Téndbre divine oi s'accomplit 'union & Dieu. C'est cela ‘que Denys appelle Ia «thEologie mystique». 2. Adresse a Timothée La pritre de Denys se continue par une recommandation & Timothée qui définit la voie pour parvenir jusqu’a «l'union avec Celui qui est au- dessus de toute essence et de toute connaissance». Pour toi, mon cher Timothée, par une application intense aux Ccontemplations mystiques, abandonne & la fois les sensations et les activités intellectuelles, tout le sensible et tout lintelligible, tout ce qui nest pas et tout ce qui est, et élave-toi, autant qu'il est possible, dans inconnaissance vers I'union avec Celui qui est au-deld de toute essence fet connaissance ; car c'est par une extase absolue et parfaitement détachée de tout et de toi-méme, que tu seras soulevé vers le rayon suressentiel de la Ténébre divine, apres avoir tout écarté et t'étre détaché de tout’ (MT 997 B-1000 A), La recommandation de Denys A “imothée est double, positive ¢ négative : SSL BNSS B De fle pay eset es rales cag, sta uber Rept otic Ordre covrewy BraTpO wal he atoooreinditne el tor wong inept nalts algo ea von ral nde ove Svea Kal Svea kai npde Thy Evwarv, dc eputdy, dyvdotu¢ vardonT: ro0 bree: ‘Mioay obolay sal you's yop tar wel névrov dayéry sal rok eadapse condos npoe 10 oneposovty too lou axSvoue dxtivar veg dehy wat & dvr Gnohvtels vay (MT 997 B-1000 A) INTRODUCTION 4) appliquer l'intellect aux contemplations mystiques ') et abandonner & la fois les sensations et les activités intellectuelles. Denys emploie deux impératifs présent et aoriste : anddeine et dvardonn, «abandonne» et «sois élevé>. 1. L’abandon est précédé d'un sont donc déja au-delA des «sensations» et des «opérations intellectuelles» ct c'est par une «application soutenue» celles-ci que l’abandon du sensible et de lintelligible, et méme de I’étre et du non-tre, est possible. 2. L’«élévation» est une «tension» vers l'union avec «Celui qui est au- dela de toute essence et de tout savoir», Cette union se fait «d'une maniére inconnaissable» ou «dans I’ dyvdorus. Tel est le but qui est proposé & Timothée et fixé dla théologie mystique. Il ne s'agit pas seulement de sortir de «tout», mais aussi de «soi- méme», et ascension (avaywyt) du sensible vers 'intelligible et au-del& ‘encore, est en méme temps une Exoracic. = La sortie hors du cosmos sensible et intelligible et hors de soi-méme coincident ; = et le terme de cette «sortien (Exotaci) ou de cette ascension (Gvayoy'), est 'union (voor) dans ignorance. Si Lon voit seulement le cOté anagogique du dépassement du sensible et de lintelligible, on risque de ne voir dans cette «théologie mystique» qu'un exercice tres intellectuel ; 'union & Celui qui est au-del& de tout cexige également cette sortic de soi-méme, ce dépassement de soi vers Dieu, qui est le mouvement extatique de l'amour. B. HENOSIS 1. Plotin Si union & Dieu est le terme de toute mystique, I Evaare” n'est devenue ‘un concept central qu’avec la philosophie de Plotin ; voila pourquoi l'on $ CFP. HADOT, Exerccesspiritues et philesophie antigue, Paris 1981, 19932, 1.13-74en patteuter, sla date, p.23 et et Qwest. ce que la phlosophe ?, Pass 1995, pp. 276-334 7 Drapes le Leon Plovnianum de 1H, Sleeman eG. Pollet, Leuven 1980 i n'y aque quatre empioisd" two dans lex Ennéades 1, Ea Enn. IV 4 [28] 2, 26 Plolia Git que me cméme en oe heu teres dot bout union avec intellect (kg Evaaws fhoetv-vg-vg) ele se tourne vers lui. 2. En En. 1V 4 [28] 1, 23: co next pase comps gil ext pas dissous, mais alunion de ses partes». 3. De meme, en Ean. VI1 £5) 28.27 prise que a union dex parers det matbrestvest pa Turion en elle Indme, mais partipalon& unite» (ob yap 8 edvoevoote, 13a peroyh Even). {.Enfinen Bon IV" (213, 2,ik est queston de «union ede la symputhie des parses de‘Tamen En revanche ie verbe footy est employe 19 fos: en’Emn. VI 6 34) 1-7, fu a nécessité de tu aricipation & Un pour former une mulpicné: ei dans cet parpilemen elle et soiument privée de Un, ele deven une mukipicté O01 ya L'UNION A DIE la philosophic de 1 pu parler de «mystique de Plotin»t et aussi pourqu. Plotin a 6t¢ si attirante pour les mystiques chrétiens. Ce caractére central de I'Henosis dans la «mystique de Plotin» a été bien montrée par W. Beierwaltes dans son live Denken des Einer? L’Henosis, union avec I'Un comme fondement absolu et origine, qu'elle soit atteinte ou non réellement dans la forme d’une expérience de extase, n'est pas pour la pensée de Plotin quelque chose d’occasionnel, réductible A la ponctualité de I'événement. C'est bien plut6t le but \déclaré de la philosophic de Plotin'®. ten au unsse ne pai atte, en Ean, VI 6 [341353760 Bom V9 (915, SPE Un gu ete ot soo Eon 831 Lar tne glee Ps mic uae i (30) 6 205 Leesa pre sve ul ne ‘Saou tat pus q'on avec ode coms gute now apes le tet ns bivent pas pos ren exten, ats ni Gveohva) hee eon Ee S357 428 Sola Sepia ls enemplaion cn posed aur Fe de Hine 8'Tinlecs Ste devon 3 chague fas ps iaimementunie 48a Contemp ars Tne sage le ches combs en cman ee Henge a ‘Shan coal pute qu tpe iteigen: Dana tctipene. age Sb So Biscovot Ens bok) ps prune ae oncom tne lions SEs tien a drs ne eb abun (Oot epeer ext ame chose"» (trad. Bréhier). En Enn. IV 3 [27] 6, 30 et 8, 14, Plotin dit que «les ames n’ont pasa tn lain svc es choue elt unt y sont es hyo or) RGus ante paris iain up’ ela ous usages ces des Ender tcton dont ext alle de rd, saat indatons Eons Pot is Tras 34 309 Je donne la wadocion 6s Pere stock Pur, rate 98 inroduon, cio, commentaires tes pF Hiabor, Par (oad ee Prom, Pra 3, iodo, aden, eonmentaee not pr Hao, Pas 19 Er smpniques Plo oir R, ARNOU. e dr de Dieu cee Pou Pai 19a Rone rea comampin cn eae moe. romaine Bir Spr Pus 1953 col heLIE I TROULLARDY Sueur rau de ysaeltncnes sue plsophigu de Luna 39 96D 31, se. etatson se stiquechce Boor Rey des Eudes ugusniees 20 ti 314 ta moons de Prt Par 9) Hoar: he ‘ral othe realy, Corie 967 et W, BeiRWAL TS. und ey ips Psi in TW BEIERWALTES TL VON DacTuasai AM as Ghandiagen der hth. Ease, p. 1367 P HADON ates nents 96 somite Gants taysqcs selon Plural de Phot IS8D) Sak So NbeLArchs «Lo ngage de Ferenc rgue cher Pam Comers dunihropologte reigiase 3 Univ. Pa Sotonne 194,90, De'R: Aes Bad on i Fettaion def utson Se tesplnente pique de Fain Kine ripe es ss rs mye arr ees Sat tegen dels pice et cole une ystiqs mache guaran past F Had dane son rochon au raid 3.5) jst femplel Gorm coon ‘stats come chbuchcnent asses Ske cde nen ye’ pe pres fnchonigue pegu Mtn ne Fue ama ma ea tenes aap Cans des comme pret commence par dpe te expences cs par Pion ul fon iis & fe (VOWrE, HAD aPous ek Pexpenenes Iytqun, Annuaire du Clog de France 1982"), Rabun ds cout oes irae Pate 98h s85.a68 PW HetekWACiBS, HENOSI: 1 inne mit dem Binen oder die Auebung des Baler Plus Wns THs i de chen Theos der Chesca DENkEN DES EINEN. Studien zur neuplatonischen Philosophie und threr Wiungseschice Prank 1085. (2850 OU iicnwsites Monon p18 INTRODUCTION C’est un événement soudain et rare, comme I'expérience de Plotin que Porphyre relate dans la Vie de Plotin'', mais c'est également l'expérience de la pensée qui se dépasse et en méme temps réalise sa plus haute possibilité. Dans ce dépassement de soi, Ia conscience pensante ne va pas seulement «au fondement», elle trouve en elle-méme sa propre origine et ne la touche ppas seulement en la pensant ou ne la pensant pas, mais s'unit a elle, s"identifie avec elle, au-delA de tout concept de la pensée! Iy a une articulation entre le mouvement de la pensée qui se dépasse elle-méme dans sa tension vers I'Un ou son union & 1'Un, et la découverte de son origine, lunification ou le devenir un : c'est dans ce “cdevenir simple et un avec soi-méme» que s'effectue le dépassement de esprit ou de Mintellect vers I"Un. L'unfication ou la simplification de soi est In condition de l'union avec Celui qui est un et simple. Dépassement de soi, simplification ou unification de soi et union avec Vorigine coincident. Pour Plotin, cette unification se fait par étapes, dans le mouvement ascendant de I'ame (guy) vers 'intellect (voOs) et de Mintellect vers 1'Un (Ev), ‘8) L’homme est dabord placé dans le multiple. Le «premier moment de Munité» est I” daipeotc, la négation abstractive, que W. Beicrwaltes définit A la fois comme «abstraction» du multiple ot retour & Vimériorité : Adaipcorg : le retrait de I'extérieur et le retour & I'intérieur ne signifient ‘pas seulement dépasser le multiple, mais «réellement» se reconnaitre dans ‘a position vis-2-vis de I'Un!*. § PORPHYRE, Vita Plosini, 23, | 1-18 : «Dans ces vers il est dit que Pltin était dows, beeline sort il at simable et bon, cargtere que nous ass savions fire ventablement ie sien. Ist it gui at vgn, qu'il gardai son ame pure et que toujoure il aia effort en direction du divin (npbs 78 eri) qu'il aimait de toute son lime ; qu’ fisai tout pou se soustrie, pour echapper dla vague amére de cette vie rourrie de sang. Aint € es (Ou pariculcrement cet homme demonique, hice omnme Gul souvent pa sex méditaions selva vers le dea premiere transcendan en suivant {ts votes enseignes par laton dans le Banque, quest appar ce dieu qui ani igure ‘i forme aucune, mais qu ext abl su-desus de Vintellee t de tout ineligible (Orie Eb vobv rai nv vontov Bpyuévos), Ce dieu, moi ausi,Porpyre,jafirme men Ere approche et ll avoir 66 un (wanovdows xa Etat) ne fois, mot qu suis dans ‘a soltane-buieme année. A Plo, en tous ca, apprut le but demeuran ou pres. Garin inet le but Caio poo lr d re ni au dew supreme et de s'approcher de bi (Clatec yop arg xa orondy fv 1b Evaive val neAdoat tO net Bed), Du temps ob je fe tego ate cpr goat jer. dan un atid (pea dpi)», PORPHYRE, La Vie de Plocn Ii Traduction par L. Basson et ali, Paris B75. 2 W, BeienwaLtes, HeNOSts, p, 123 1 Pe Habor, Plt ou ta simpli du regard, Pais 1989. 4 W. BEIERWALTES, HENOSIS p.129. L'UNION A DIEU Lame «cherche en elle-méme quelque chose de plus originel qui, en comparaison de la pensée discursive qui se disperse dans le temps, est plus simple, plus un»'s. Ce faisant, elle se toume vers intellect. ') Le mouvement d’abstraction duu monde et d’intériorisation en soi se prolonge par une transformation de I’'ame par la vertu od elle s'intellectualise (vow9ivai)'‘et par une conversion vers le vot¢ qui tend a Punion avec Iu. Lorsque, dans 1a contemplation, «la pensée ne fait aucun retour sur elle-méme, nous nous possédons nous-mémes, mais (lorsque) toute activité est dirigée sur objet contemplé, nous devenons cet objet (xdxeivo yiyverai)>", L’ame dans Ia contemplation se transforme en objet qurelle contemple. De méme dans sa relation & I'intellect I'ame se transforme en lui. En effet «!'intellect reste identique & lui-méme, mais ame, située aux confins du monde intelligible, peut changer, puisqu’elle peut toujours y pénétrer plus avant»'t, Entrant dans le monde intelligible, cchangeante, elle devient immuable LLorsque I'ime vit purement dans le monde intelligible, elle posséde elle aussi 'immutabilié, Alors elle est ce que les choses sont, car si elle est dans un tel lieu, il est nécessaire qu'elle parvienne a T'union avec intellect, si du moins elle s'est toumée (cic Evwor e6eiv 1 wp dvéyen, efnep éncorpdgn) ; ainsi tournée, elle n’a plus aucun intermédiaire entre 'intelleci et elle; elle va vers Intellect, puis elle S'accorde avec lui; enfin elle arrive un état union impérissable, si bien que les deux ne font qu'un (wera obx énokawévn, dAX” Ev Lory Spo ral 80) 1 acquiert ses qualités et, de ©) Cependant I'union de I'ame et de Vintellect n’est pas le terme du mouvement anagogique vers 'Un, mais le fait d’étre uni avec 1'Un. Plotin emploie le terme #vootg pour lunité de I'ame avec l'intellece™, mais pour union avec le Bien, i emploie soit un terme verbal évadfivar : «étre uni, devenir un», comme le fait Porphyre dans La Vie de Plot, soit Vexpression tv Spa: «ils ne sont plus deux, mais tous ‘deux sont un (o98" Er Bo, dA” Ev dyipo)? °S W. BEIERWALTES, HENOSIS, p.131. Ban VIB (3913, 35. "Bom TV 4 (28) 2,47. Bon WV 4 [28] 2, 15-18. 9 Ean IV & (28) 2,24 29, Traduction d'Emile Brier modiice. 2 En LV 4 (28) 2,26 2 Wa Pt 23 8 Vor aces LOM ue V9 1919, 333414847 “<2 toute ame dt Plotin~ est Apbxit:e'tcequ'exprime en éaigme Pistoire dela naissanceo Aphrodite et fat qu Eros Sit prado en méme temps quelle. Done lorsgete est dans eat conforme & la nature, Volant alors ee une (evathive) rouver pour un aoble Crest shat quest le véable bites avec qui est posble de unit Couveivar) en participant’ fai Gt en le possédant récllemoat, now pas seulement en INTRODUCTION I y a trois métaphores de l'union avec 1'Un : celle de Vamant et de Vaimé, en Enn, VI 7 [38] 34-35, celle du sujet qui voit et de l'objet qui est vu en Enn, V1.9 (9} 10 et celle de l'image qui se rapproche de son mod@le en Enn. VE9 [9] 11. 1.1. Image de Vamant et de Vaimé Dans le traité Sur lorigine des idées et sur le Bien® (Enn.VI 7 [38)), Plotin montre comment, au terme de son ascension vers le Bien, l"ame voit en elle-méme le Bien comme se manifestant soudain (eeatvnc gavévea Bt lorsque I'dme a la chance de le rencontrer, lorsqu’il vient & elle, mieux encore lorsqu’il Iui apparait, présent, lorsqu'elle se détourne de toute autze présence, s'étant préparée elle-méme pour étre Ia plus belle possible et qu'elle est parvenue ainsi a la ressemblance avec lui... le voyant soudainement apparaitre en elle - cat il n'y a plus rien enire eux et ils. ne sont plus deux, mais tous deux sont un (ueraéd yap od8ev O88” Et Bo, 424" Ev dupe) : en effet tu ne peux plus les distinguer, aussi longtemps qu'il est Ia: image de cela, ce sont les amants et les aimés ici-bas qui voudraient bien se fondre ensemble (cvyxpivat Oéhovrec) alors I'ame n'a plus conscience de son corps ou qu’elle se trouve en ce corps et elle ne dit plus qu'elle est quelque chose d’autre que Tui : homme (0u animal ou étre ou tout’ L'image des amants est suggestive mais imparfaite : dans l'amour ils voudraient se fondre ensemble (ovyxpivat), mais leur union n’est que ‘momentanée et ils demeurent distincts. Dans I'apparition soudaine du Bien en elle, I’ame ne regarde que lui et n'a pas le loisir de voir qui elle est elle est toute & sa joie. Si «elle ne dit pas qu'elle est quelque chose dautre que lui, c'est qu'elle n'a plus conscience d’elle-mémey*, Bt comme elle s‘oublie elle-méme, elle oublie Esprit (vodc), alors méme qu’elle est auprés de lui, et elle abandonne la pensée car celle-ci est encore un mouvement : Pourtan, si elle contemple, c’est parce qu’elle est devenue Esprit (vot), ‘est parce qu'elle est en quelque sorte spiritualisée (vow8eioa), qu'elle ‘est devenue le lieu de I'Esprit. Ainsi tablie dans "Esprit et auprés de lui, elle posséde I'intelligible et elle exerce I'acte de penser. Mais ds qu’elle le voit, lu, ce Dieu, elle abandonne tout le reste” Tentourant de 'extéricur avec notre chair.» (trad, Hadot, Traité 9, Paris 1994, pp. 106 107) Ban.V17 (38) 34, 13-14 (rad. Hadot, p. 171), 2 Pour ce tit, je donne la traduction de Pierre Hadot qui traduit vot pa Esprit CE. PLATON, Banguer, 210.e 4: la fin de son discours sur la scala amori Diotima parle de la «soudatne vision une beauté dont la nature ext merveilleuse> 3 Enn-V1 7 [38) 34, 8-16 (rad. Hadot, p- 171). 25 Pierre Hadot parle de «sommeil» mystique : Traité 38, Introduction, p. 62-63, 2 Enn.VU 7 [38] 35, 3:7 (trad, Hadot, p. 173). Sur le «lieu de Esprit, Voir PLATON, fep. VI, 508 el et VII, 517 BS, "UNION A DIEL Le véritable «analogon>% de l'apparition de "Un en lame est la théophanie d'un dieu qui n’apparait pas aux yeux du corps et emplit ame de sa présence. 1.2, Image du voyant et de la vision L'image de la vision rend compte avec plus de justesse de la relation de ame au Bien. Pour exprimer l'idée que I'ame, unic au Bien, dépasse la pensée et Esprit, Plotin prend I’exemple du visiteur d’une maison qui, & l'arivée du maitre de maison, se détourne de la contemplation des beautés qui Voment pour ne plus voir que lui Ensuite regardant, sans détourer les yeux, par suite du caractre ininterrompu de la contemplation, ine vert pis robe de sa vision (1 pau), mais mélangerit a objet de sa vision (C9 Sedu) sa propre vslon (Sj), de tlle sorte que ce qui ut auparavant objet de viston {ad bparév) devine en I desormas acte de vison (hv) oubierat lors tous les autres objet de vison” Plut6t qu’«unir>, le terme qui revient toujours est «devenir» : en Iui, Pobjet de vision est devenu désormais acte de vision (Ev avrg f6n 7d Spatdv npérepov Shtv yeyovévar). De méme dans le traité Enn, VI 9 [9] Sur le Bien ou sur 1’Un, Plotin dit que 1"ame qui s'approche de Celui qui donne la vie véritable doit ™, comme dit Plotin. 2.2. Différences Mais les différences entre I'un et l'autre marquent la différence entre une mystique philosophique et une mystique chrétienne. Retenons-en trois & propos de la lumiére, de l'amour et de I'union. 4) Allant jusqu’au bout de la via negativa pour penser Ia transcen- dance de Dieu, la mystique de Denys s'achéve par lentrée dans la Téndbre divine. «La transformation de la métaphore de la lumitre en celle de obscurité ou de la Téndbre est une conséquence que la métaphysique de Ja lumiére néo-platonicienne n’avait pas tirée»™. La lumire divine est tune elumitre inaccessible». Dieu, selon la premidre Eptere 2 Timothée, est «le seul qui possede I'immortaité qui habite une lumitre inaccessible, que nul d’entre les hommes n’a vu, ni ne peut voir» (6,16)°. C'est pourquoi Dieu est Téndbre non a cause d'une irrationnalité diffuse, mais & cause de sa surabondance de lumitre : il est la «Téndbre plus que lumineuse» : Snéppotoc yvopor (MT 998 B). b) Dans 1'Un néoplatonicien, il n'y a rien de semblable & l'amour cxéateur et & l'union avec Dieu que I’on peut atteindre. Il y a seulement un désir® infini : dneipog Epwc!. Pour Plotin, I'union a I'Un est roblématique ou en tout cas fragile et éphémere. Pour Denys, union & Dieu est atteignable : elle est le but de I'ordre iérarchique” et de l'ascension mystique qui conduit l"esprit jusqu’a «s’unir dans I'ignorance avec Celui qui est au-dela de toute essence et de tout savoir» (MT 997 B). L’union s'effectue au terme de cette ascension ui est figurée par la montée de Moise au Sinai. La cime de la montagne est également la cime de I'ame ou de l'esprit qui est le «lieu» ot Dieu 3 Ena, VU9 [9] 11, 45 ; HLD. SAFFREY, op. cit, p64 » Cf. W. BEIERWALTES, Denken des Einen, HENOSIS, p. 149 et «Plotins Metaphysik des Lichtes», in Die Philosophie des Neuplatonismus, Wege det Forschung 436, hrsg.v-C. ZINZEN, Darmstadt 1975, 75-117 © 1'Tm 6, 16 cit en EP. 5, 1073 A 41 CER ARNOU, Le désir de Dieu cher Ploin, Paris 1921 4 PLOTIN, Enn. VL7 [38] 32, 8 et PROCLUS, In Parm. VII, 58,12 : «unius desiderium et ndefiiens &Bicm. ‘Le but de la hierarchic est «notre assimilation et note union & Dieu» (h npdc Ocbv . abopioivatg e cai Evsoic) (CH 165 A). Je ne developperai pas le point de vue des fierarchies qui a 6té magistralement étudié par R. ROQUES.L.'Univers dionysien. Structure hidrarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris 1954, 1983, "UNION A DIEU s‘unit & elle. On peut établir une analogie entre le schéma spatial ov géographique de I'ascension de la montagne et Ie schéma étagé des différentes parties de I’'ame et une correspondance entre les différents degrés de T'ascdse et de ascension spirituele et les différentes parties de ame. ©) Pour Plotin, union de I'ame avec I'Un risque d°étre une perte de son individualité propre; tandis que, pour Denys, I’union est douyxvtos, sans confusion, selon le terme du concile de Chaleédoines« pour dire l'union hypostatique des deux natures, divine et humaine, du Verbe. La comparaison entre I’henosis chez Plotin et Denys que nous avons esquissée, a la suite de W. Beierwaltes, doit étre poursuivie par une comparaison entre 'henasis chez. Proclus et Denys, ce que nous ferons dans la deuxitme partie. Il était simplement nécessaire d’inscrire la réflexion de Denys sur I'henosis dans le cadre de la pensée néoplatonicienne depuis Plotin. C. NBOPLATONISME ET THEOLOGIE MYSTIQUE, Une réflexion sur lunion & Dieu dans le Corpus dionysiacum et plus particulitrement dans la Théologie mystique de Denys s'inscrit aussi ddans le dossier plus général sur «le Platonisme et la Théologie mystique» ouvert par E. von Ivénkat, en 1936, et repris par J. Daniélous, en 1944, a propos de Grégoire de Nysse. Le Plato christianus®, ouvrage monumental dE. von Ivénka, commence par le discours de saint Paul sur I"Aréopage qui annonce MEvangile aux Grecs en citant un podte grec, Aratost, Les Peres de TEglise du Me et Ile sitcle essaieront & leur tour de transmettre le «Message évangélique> dans la «culture hellénistiques®, +1 uae sree stn be Co de Chae, quiet eno egies et as de “TE on Ato ane re er Me Zar eciee reer to Ni St TED TESTO ea ae Pee Bast Acre Toll mime Dorie pul de Sait cri ec i gs i: Decie tic hath hl Cet Chenaine wn Unger des Pigott res de ie ec ar nes ie a Eat ani" a Cnn ations Platonisme chez les Péres de |'Eglise, Paris 1990. m “me Pee cetanattat eee, wa Sf Dail eS tbe at eet ese

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