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Bull. Inst. fr. études andines 1990, 19, N° 1, pp. 183-213 LES GUITARRILLAS DU NORD DU DEPARTEMENT DE POTOSI (BOLIVIE): MORPHOLOGIE, UTILISATION ET SYMBOLIQUE Philippe Lyeore Résumé Ce travail se propose d’étudier une famille de cordophones regroupée sous le vocable de “guitarrilla “ qui, tant au niveau morphologique et fonctionnel qu’au niveau symbolique, ‘est porteuse d’un profond et ancestral contenu culturel, Ce groupe d'instruments aux caractéristiques originales, est intimement lié aux cultes de la terre, de Veau et de la fertilité qui sont parmi les éléments majeurs du panthéon andin, en particulier dans les sociétés natives du nord du département de Potosi (Bolivie). Les “guitarrillas”, instruments traditionnels de la saison des pluies, sont d’identité fondamentalement Quechua, comme la majorité des cordophones boliviens, Cependant, & un niveau supérieur, on doit les considérer comme un reflet de la symbiose culturelle andine qu’est actuellement la société traditionnelle de Bolivie. L’ensemble de ces concepts confére @ ce type dinstrument une fonction sociale qui démontre que la musique fait toujours partie de la vie quotidienne de la société rurale bolivienne. Mots clés: Musicologie, cordophones, typologie, symbolique, Bolivie, nord de Potosi, Resumen: Las Guitarrillas del norte del departamento de Potosi (Bolivia): morfologia, utilizacién y simbélica Este trabajo se propone estudiar una familia de cord6fonos reagrupados bajo el nombre de “guilarrillas “, que tanto a nivel morfoldgico y funcional, como a nivel simbélico, tiene un profundo y ancestral contenido cultural. Este conjunto de instrumentos, que tiene caracterfsticas originales, est intimamente relacionado con los cultos de la tierra, el agua y la fettilidad, los cuales son elementos esenciales del panteén andino, particularmente en Ias sociedades nativas del norte del departamento de Potosi (Bolivia) Las guitarrillas, tradicionalmente tocadas Gnicamente durante la época de‘ Iluvia, son de identidad fundamentalmente Quechua, como la mayoria de los cordéfonos bolivianos. Sin embargo, hay que considerarlas como un reflejo de la simbiosis cultural andina que caracteriza la actual sociedad tradicional bolivi:.na. Este conjunto de conceptos confiere a este tipo de instrumento un papel social que demuestra que la miisica atin forma parte de Ja vida cotidiana de la sociedad rural boliviana. Palabras Claves: Musicologia, cordéfonos, tipologia, Potosi. bélica, Bolivia, norte de ‘bajada de Francia, Casilla 824, La Paz, Bolivie. 184 Abstract: The Guitarrillas of the north of the deparment of Potosi (Bolivia): Morphology, Use and Symbolics ‘This study presents a cordophone’s family regrouped by the name of “guilarrilla”, which has a deep. and ancestral cultural significance, at morphological, functional and symbolical levels. This original group of instruments, is closely related to the earth, water and fertility cults, which are major elements of the andean pantheon, particularly’ in the native societies of the north of the department of Potosi (Bolivia). The “guitarrillas”, traditional instruments of the rain season, belong more specifically to the Quechua identity, as most of the bolivian cordophones. However, at a higher level, they have to be considered as a reflection of the andean culture symbiosis, which characterizes the present traditional bolivian society. This group of concepts confers to this kind of instrument a social function, which demonstrates that music is part of the daily life of the rural bolivian society. Key words: Musicology, cordophones, typology, symbolics, Bolivia, north of Potosi. I. GENERALITES INTRODUCTION Les guitarrillas (*)(s.1.) représentent une famille de cordophones(*) typique d'une région centrale de la Bolivie, et de type intermédiaire entre la guitare et un petit instrument tras employé dans les Andes, appelé charango (*). Ce travail est un essai de classification de ces instruments dans le groupe des cordophones, et & Vintérieur de leur propre famille; il repose sur I’étude d’une centaine de spécimens étudiés et photographiés, au cours de divers voyages dans lesquels j‘ai 6té, le plus souvent, accompagné par des natifs des lieux. Sur ma lancée, jai également réalisé, dans le nord du département de Potosi, des enregistrements intéressant principalement cet instrument, a l'occasion de l’ouverture de 1a saison des pluies. En outre, ayant moi-méme construit un certain nombre d’instruments a cordes, j'ai tenté d’aller le plus loin possible dans Ia description des objets tout en respectant la confidencialité de la construction. Les termes techniques marqués par un astérisque sont regroupés dans le lexique situé en fin d’article. 1. PRESENTATION GENERALE DES INSTRUMENTS - Classification Les chercheurs du Musée d’Ethnographie et Folklore de La Paz intégrent habitucllement les guitarrillas (s.1.) dans la famille des charangos A cause de leurs cing choeurs(*) de cordes, schéma qui correspond effectivement au charango, mais en fait, de par leur morphologie, elles sont beaucoup plus proches d’une guitare rudimentaire, avec quelques variations concernant le nombre de cordes, de cases LES GUITARRILLAS DE POTOSI 185 wArambamba N Sacaca \, BILBAO’ / ie, COCHABAMBA IANEZ ] c San Pedro de err fe aaeratin Ss, ( CHARCAS Siglo xx,gCotavi A ~ Uallaguae’ *Chayanta « . iy Uncia 7 SN BUSTILLOS| eColquechaca . Pocoata . Raveloe “Macha *Ocuri CHAYANTA 50km Fig. 1- Carte du nord du département de Potosi. frettées(*) et la profondeur de la caisse. Il est done préférable de considérer les guitarrillas (s.l.) comme une famille instrumentale a part entire, car comme nous le verrons plus loin, ce terme recouvre des instruments d’apparence tres différente. - Terminologie Il existe pour ce type d’instrument un grand nombre de noms, d’ailleurs employés avec plus ou moins de discernement par les musiciens. Parmi les plus courants, il faut surtout mentionner: guitarrilla, guitarrén (*), guitarra de luvia, talachi (*), konkhota, charango de carnaval ou de pascua, pumputo, chilin-chilin, campo, ete.. ~ Répartition géographique Le centre d’influence des guitarrillas (s.L) se situe dans la partie nord du département de Potosi, (norte de Potosi), autour des bourgades de Llallagua, Uneia, Catavi, Caripuyo au nord, de San Pedro de Buena Vista a Vest, et jusque dans le département de Cochabamba; a 'ouest parfois aussi dans le département d’Oruro, quoique ce soit plus rare, 4 Chayanta, Pocoata, Macha, Ocuri, et méme jusqu’a Sucre et Tarabuco, bien que dans ces deux dernicrs cas, il s‘agisse d'instruments dérivés (Fig. 1). 186 _PH. LYEVRE - La famille des guitarrillas (s.1.) Dans sa typique version de base, on rencontre deux grands types de guilarrillas: le guitarrén et le talachi, qui different par un certain nombre de détails essenticllement lids & la facture de la table d’harmonic des instruments, ainsi qu’a celle de leur manche. On rencontre également, dans la partie sud de la zone précédemment citée, une variété de guitarrén beaucoup plus plate, entre autres caractéristiques, nommée justement guitarrilla (s..). Enfin il existe quelques struments dérivés, notamment la jalisce (*), la mediana (*), et la jitara (*), qui sont en général natifs des départements avoisinants, - Historique de Vinstrument Si Yon admet aujourd'hui que le charango est un descendant de Vancienne vihuela de mano (*) A cing choeurs, elle-méme ancétre de la guitare moderne, et non un descendant de cette derniére en tant que telle, la généalogie des guitarrillas (s.L) est quant a elle plus hésitante. Pour certains, elles descendent en droite ligne d’une guitare et seraient nées d’un compromis entre celle-ci ct ce dont les paysans avaient le plus Yhabitude, & savoir le charango, sur la base d’une tessiture (*) grave. Ceci en ferait donc des instruments “modernes”, puisque postéricurs au charango, soit, mais aussi 4 la guitare actuelle. En réalité, ceci va a l'encontre de lopinion de la majorité des musiciens qui affirment que leurs ancétres en jouent depuis des générations, On pourrait admettre également que la guitarrilla (s..) dérive, elle aussi, de la vikuela a cing chocurs, que sa naissance soit contemporaine ou postérieure a celle du charango. Le fait qu’il en existe quelques rares spécimens tres anciens (dont un au musée d’Ethnographie et Folklore de La Paz) abonde également dans ce sens. + Accordature Elle répond a un schéma présenté Fig. 2a; c’est le modale le plus courant, quoiqu’il en existe d’autres, avec en particulier des agencements de cordes différents (voir plus loin). Le pentagramme de la Fig. 2a correspond 4 une donnée exacte sur I’échelle sonore, car il en faut une, mais mieux vaut le considérer comme une série d’écarts relatifs par rapport a la note ‘la plus grave, en sachant que cette note est elle: méme trés variable. En d’autres termes, les musiciens, qui ignorent la référence du diapason, accordent leurs instruments de maniére trés variable dans I’échelle sonore, mais en respectant toujours I’écart relatif entre les notes. Dans tous les cas, la corde grave centrale sert de référence pour Vaccord mineur principal, autroment dit la tonique (Fig.2b). LES GUITARRILLAS DE POTOSI __ ~ Fig. 2.- a) Accordature courante des guitarrillas (s.L) ; b) Positions daccords plaqués courantes. Il est & remarquer que ces positions mentionnées Fig. 2b, ne nécessitent jamais plus de deux doigts apposés sur le manche, contrairement a celles de la guitare qui parfois en demandent quatre, voir m&me cing, dans le cas de certaines guitares modernes. Bien sar, il existe d’autres temples (*) et en particulier: . Un temple talachi (Liallagua), . Un temple plus typique de Macha, . A Ocuri, un temple diablo (*), et des accordatures particulitres sur cing cordes doubles et choeurs variables. - Cordes Elles sont actuellement presque toutes métalliques (fer, acier simple ou bronzé), en particulier pour les chanterelles(*) appelées tara ou K’ewa , ou de nylon pour les bourdons (*)(N°. 3 et 5); les cordes de boyau sont devenues exceptionnelles de nos jours. 188 PH. LYEVRE 2. CARACTERISTIQUES | MORPHOLOGIQUES = GENERALES COMMUNES AUX DIFFERENTS TYPES Tout d’abord il faut dire que tous les représentants de cette famille (il s’agit 1a des instruments courants dans le Norte de Potosi, et pas des dérivés) ont, entre autres caractéristiques communes, celles d’étre de facture rustique et d'utilisation quasi exclusivement paysanne. A quelques rares exceptions prés, ils sont, selon le méme principe, ornés de motifs peints et non marqueté: - La téte ou palette(*) est munie de 7 a 12 chevilles(*) de bois, dont certaines restent fréquemment inutilisées, mais il ne s‘agit jamais de mécaniques métalliques; empi&coment téte-manche est de type bras de Junon, plus ou moins bien ajusté (Fig.3). - Le manche et la touche(*) sont faits d’une seule pitce de bois - généralement un bois léger et tendre-, ce qui n’a que peu d’importance, car du fait de la forte hauteur des frettes(*) de cariahueca (*) ou de fil de fer aplani (4 a8 mm de haut et souvent rectifiées), les cordes ne sont jamais en contact direct avec la touche, comme c’est le cas pour Ia plupart des cordophones a manche. Cependant, ce fait nuit & la stabilité du manche, et il n'est pas rare de rencontrer des instruments dont le manche a subi une torsion sous [effet combiné de Vhumidité et de la tension des cordes. Le sillet(*) supérieur est fait d'une simple barrette de bois encochée, sans frette additionnelle. Les cing frettes (rarement plus) délimitent done cing cases(*) généralement peintes en sombre de manidre alternée (1 sur 2, 3 claires et deux sombres); elles se prolongent par une portion de manche, elle aussi peinte en sombre, et parfois rehaussée d’un petit miroir rond ou carré. La jonction manche-caisse se fait par un talon (*) de type guitare, qui s‘éléve sur toute la hauteur de la caisse et qui est simplement collé en appui sous la partie terminale du manche. Cos deux derniers éléments sont grossiérement taillés ct de section carrée, pas méme arrondie. La jonction touche-caisse est assurée par une petite plaque de bois incrustée 4 cheval sur le manche et la table d’harmonie(*) (Fig. 3b). Il_y a ici une remarque importante a faire: le principe de montage du manche est inversé par rapport a celui de la guitare et de la majorité des cordophones munis d’un manche. En effet, normalement les frettes sont basses sur Ie manche, avec les cordes elles-mémes basses sur les frettes, et de l'autre cété, les cordes amarrées relativement haut sur le chevalet(*) (principe guitare). Ici au contraire, les cordes apparaissent trés basses sur la table au niveau du chevalet (ce qui, minimisant le bras de levier, minimise par la-méme les contraintes sur la table), et trés hautes sur la touche; les frettes sont elles-mémes trés hautes dans la partie distale du manche. Ce principe est, sinon unique, au moins trés rare; mais il faut noter que s'il nuit un peu au confort d’interprétation, quoiqu’il s‘agisse Ia d’une question d’habitude, il n’en est pas moins tout a fait respectable du point de vue de la répartition physique des forces et de Ja lutherie. LES GUITARRILLAS DE POTOSI 189 - La table d’harmonie est percée d’une rosace (*) A double rang au moins, de taille variable, plus ou moins décorée de motifs phytomorphes peints aux abords du chevalet. La table et le fond (*), faits d’une ou de plusieurs pidces, débordent latéralement sur les éclisses (*) de méme que le fond sur la partie inférieure du talon (Fig. 3 a, c). Les renforts intérieurs transversaux sont disposés a la manitre de ceux d’une guitare classique -quoiqu’il en existe parfois un sous le chevalet-; par contre, la caisse est exempte de tasseaux (*), de contre-éclisses (*) et de barres d’harmonie (*). L’épaisseur moyenne de la table est de 1 mm ou un peu plus. Le chevalet oblong est de type simple, totalement supérieur, sans sillet, & cordes enroulées et entrant dans des encoches en contact avec la table, faites d’un simple trait de scie. La caisse est munie, quasiment dans tous les cas, d’un permettant V'amarrage d’une bandoulidre, collé sur la face petit taquet de boi externe du fond de linstrument (rarement sur ’éclisse supérieure) - Les essences de bois utilisées sont le pin ou le cédre pour la table, le mara ou le peuplier pour le fond et les éclisses, le peuplicr, le pécher ou le Fig3.- a) Talachi_vu de profil; b) Jonction téte-manche; ¢) Talachi en vue de trois quarts supérieure. 190 PH. LYEVRE poirier pour le manche et la téte, le peuplier, le mara, le cédre ou le noyer (rare) pour les chevilles et le chevalet. En dehors des cordes, des frettes parfois métalliques ou renforcées de petites plaques de fer, utilisées aussi pour la caisse quand elle a été rompue, Vinstrument ne comporte aucune partie métallique (et en particulier jamais de mécaniques métalliques). II. ETUDE PAR CLASSES Bien que la classification vernaculaire ne soit pas totalement unanime, en grande partie A cause de la diversité de dénominations pour chaque instrument - dénominations locales liées a 1a forme et au son-, nous isolerons, pour mieux les étudier et tenter d’en faire des portraits types, les classes suivantes: guitarrén, talacki, guitarrilla (s.L), et dérivés de ces derniers. 1, LE GUITARRON Données générales Le guitarrén, également nommé khonkhota et ponputo, fait partie des instruments les plus utilisés de la famille, tout particuligrement dans le nord de Yaire géographique, & Llallagua - Uncia - Siglo XX - Catavi, Chayanta (province de Bustillos), a San Pedro de Buena Vista (province de Charcas), Caripuyo (province d’Tbafiez), Dans ses critéres de construction, nous I’étudirons en opposition avec le talachi. Il en existe deux tailles variant essentiellement par la profondeur de la caisse, c/est-A-dire la hauteur des éclisses. En fait, bien sar, le diapason (*) et la surface de la table d’harmonie varient également. Description La description correspond A des indications moyennes, ne tenant pas compte des variations personnelles de construction dues a chaque fabricant. Le guitarrén, plus encore que tous les autres, est de construction légere et parfois un peu fragile; d’ailleurs, fabricants et musiciens s‘accordent a dire qu’il supporte moins bien les cordes trés tendues, et que le son en est moins bon que celui du talachi (et donc le prix en est moindre). Paradoxalement, les ornements de la caisse sont souvent polychromes, fins et soignés, en tout cas beaucoup plus que ceux des talachis. Le bois utilisé est léger, blanc (peuplier, poirier), exception pour la table (pino oregén); . La téte comprend 8 a 10 chevilles dont, en général, seulement 7 sont utilisées; la palette est le plus souvent droite, mais parfois, comme pour les talachis, 6trangiée aprés les deux premiéres chevilles. Elle est traversée dans le S GUITARRILLAS DE POTOSI sens de la longueur, et seulement sur sa face supérieure, par une trace allant en s‘élargissant légérement vers le haut, peinte en rose fushia. Le reste de cette face de la palette est peint en vert clair, (Vagencement des couleurs peut étre inverse et inclure des bandes couleur naturelle). Parfois encore la téte comporte seulement la trace centrale fushia, et le reste est naturel. La face postérieure de la palette est peinte en noir, a ’égal de celle du reste du manche d’ailleurs, et le bord supérieur est coupé droit et sans motifs. Le manche est peint en noir (rouge ou vert) a exception de trois des cing cases, qui sont peintes en rose ou en vert, mais dépourvues (contrairement aux talachis), de tout autre ornement. Les frettes sont de cafiahueca, et la partie inférieure de la touche est peinte en sombre; la section du manche est régularisée, et souvent grossiérement arrondie. La caisse existe en deux profondeurs (5 et 7 pouces), mais certains fabricants les font plus profondes encore; les éclisses sont tantét peintes en jaune, tantét naturelles. Le fond comporte souvent la méme structure colorée que la face supéricure de téte, mais avec l’élargissement de la trace centrale dirigé en sens opposé, de la méme maniére, uni- ou polychrome, et débordant sur le talon du manche; on y retrouve aussi le petit taquet de fixation de bandouliére. . La table d’harmonie se caractérise par une taille (*) A contours parfois arrondis et parfois pointus, sans qu'il soit possible de dire laquelle est la plus spécifique (dépend probablement du constracteur), On y retrouve aussi une rosace en étoile a trois ou quatre rangs, de diamdtre intérieur de taille moyenne (4,5 & 6 cm), des motifs phytomorphes toujours inclus dans la zone comprise entre la rosace et le chevalet, jamais au dessous de ce dernier. Ces motifs partent des pointes latérales du chevalet avec parfois de petites radicelles latérales; par ailleurs, le pourtour de la table est toujours exempt d’ornement Encore une fois, ensemble de ces motifs est souvent polychrome et finement peint. Le chevalet, parfois peint en noir, est fin, bas, de forme rectangulaire et de section carrée, quoiqu’un peu biseauté sur les bords. « Les cordes, de par leur distribution, répondent.a la structure suivante: I I 11 1 Hl Ge bas en haut); le premier choeur est rarement double comme sur le talacki. Comme T'instrument est léger et ne supporte pas de forts tirants, les cordes de plastique sont prédominantes: N°.2 et 4 et les bourdons graves des 3éme et Seme choeurs. Les chanterelles des deux choeurs doubles et la 1ére corde sont métalliques. Tout ceci confére aux instruments un son doux et profond, mais qui manque un peu de puissance. Remarque: a titre rare, mais non exceptionnel, on rencontre des guitarrones susceptibles de comporter 12 cordes dont toutes sont doublées de leur octave aigie, sauf le premier choeur qui reste a I’'unisson et les chocurs 3 et 5 qui sont triples, Mais dans la plupart des cas, cette possibilité est délaissée au profit de Vaccordature classique. 192 PH. LYEVRE 2. LE TALACHT Données générales Talachi en Quechua signifie “6 doigts”; cette dénomination provient, dit-on, du fait que Vinventeur de cette classe d’instrument possédait a la main droite un doigt surnuméraire. On rencontre aussi V'instrument sous le nom de guitarrilla tout simplement. II correspond a la méme aire d’expansion que le guitarrén avec lequel, d’ailleurs, on le trouve & peu pres toujours associé dans les groupes de musiciens. Il existe aussi en deux profondeurs de caisse. Description En comparaison avec le guitarrén, sa forme et sa fabrication, pour plus robustes et solides qu’elles soient, sont aussi beaucoup plus sobres ct plus rustiques, ce qui, si le son en est meilleur, n’en facilite pas en général I’exécution. Les ornements classiques des talackis sont, par ailleurs, toujours monochromes (en noir et blanc) Les bois utilisés sont de bonne qualité: mara pour les éclisses et le fond, poirier pour le manche, et toujours pin oregon pour la table. Les chevilles sont fréquemment de mara, parfois de noyer ou de cédre. La téte est dépourvue d’ornement, et en général étranglée (ou encochée) aprés les deux premiéres chevilles; le bois reste naturel, sans teinte surajoutée, ni sur le devant, ni a la face postérieure. Le manche, de section carrée, reste lui aussi naturel & sa face postérieure. La touche est peinte en noir a l'exception des cases N°. 1, 3 et 5 qui restent blanches et sont marquées par deux points noirs symétriques par rapport au grand axe de Vinstrument, pour les cases 1 et 3, et par un ou deux points noirs pour la case N°. 5. Les cing frettes sont de cariahueca et, occasionnellement, le fond (muni de son taquet) est fait de deux, voire méme trois piéces, dont, dans ce cas, la pidce centrale est de teinte plus claire. . La table d’harmonie A taille ronde ou pointue, elle aussi, est presque identique a celle du guitarrén A quelques éléments pres: la rosace est formée de points et de traits, elle est de trés petit diamétre (2 a 3 cm pas plus, méme pour les plus gros instruments). Le chevalet, situé plus haut sur la table, est plus large ct plus trapu a sa base, et ses branches latéraies sont “tombantes” (Fig. 4). .D’autre part, il faut 1a aussi noter des motifs phytomorphes larges et grossiers seulement entre rosace et chevalet, mais cette fois ne partant jamais des parties distales des branches de ce dernier, ainsi que Yabsence d’ornements sur le pourtour de la table. Les fabricants affirment que la table et la caisse sont “renforcées”, mais sans préciser de quel type de renforts il s‘agit. En tout cas, il ne s’agit ni de contre-éclisses, ni de tasseaux, ni de barres. LES GUITARRILLAS DE POTOSI 193 Ee] Fig. 4. Tables d’harmonie: a) Guitarrén; b) Talachi c) Table d’harmonie et symbolique . Les cordes sont distribuées de la maniére suivante, du bas vers le haut, toujours: Il I I I Il, Parfois le premier choeur est simple, mais la plupart du temps il est double, et détail important, toujours a I’unisson (pas de chanterelle). Il existe une trés forte prédominance de cordes métalliques; toutes le sont a Yexception des bourdons graves des choeurs N°. 3 et 5, qui sont méme souvent remplacés par des cordes filées, ce qui accentue la puissance de l'instrument dans toute sa tessiture et lui donne un son a la fois profond, riche et métallique. 3. LA GUITARRILLA (S.S.) Données générales Cet instrument, également appelé parfois chilin-chilin, en principe, un peu plus petit que les deux précédents, fait partie de la classe morphologique typique du guitarrén. On le range dans une catégorie a part parce qu’il ne se joue pas avec les autres, et qu'il ne correspond pas a la méme aire géographique. En effet, on le retrouve avec quelques variations de longueur prés, de Pocoata 4 Ocuri et plus au sud encore jusqu’a Ravelo, en passant par toute la région de Macha. La guitarrilla (s.s.) est théoriquement de taille constante, mais en fait, il en existe de trois longueurs avec de légéres variations de dimensions (un peu plus petit & Pocoata, un peu plus grand A Macha). 194 PH. LYEVRE Description La guitarrilla (s.s.) est trs semblable au guitarrén, mais en plus petit dans tous les sens du terme, elle n’en différe que par les caractéres suivants: . une téte droite, jamais encochée, munie de 10 chevilles dont seulement 6 utilisées; un diapason plus court, et une caisse beaucoup moins profonde (de 2 a 2.5 pouces pas plus), avec les éclisses peintes en sombre et une trace de la méme couleur sur le fond (ou latte de bois plus foncé); . des motifs de tate et de touche uniquement en rose fushia (rarement noir) et sans autre couleur; des motifs de table généralement roses, mais parfois aussi polychromes caractérisés par une rosace A trois rangs de points ou parfois en étoile, et de diamétre intérieur moyen (environ 5 cm). Mais les motifs phytomorphes entourent tout le chevalet dans ses parties supérieure et inférieure; de plus le pourtour de Ia table est rehaussé d’une mosaique de petits triangles roses, noirs ou bicolores (roses et verts de fagon alternée), en particulier sur des instruments originaires de Pocoata; cing frettes de fil de fer aplani, basses (2 mm au plus); parfois, une barre de soutien située en travers sous le chevalet; Enfin, six cordes toutes métalliques, organisées de la fagon suivante: I I If I 1, o& méme le bourdon du choeur central est en acier, ce qui suppose que Vinstrument soit accordé plus haut que le guitarrén. Le reste des caractéristiques est identique a celles du guitarrén. Le tableau récapitulatif N°. 1 rappelle les particularités comparées des trois instruments que nous venons d’étudier. Mentionnons encore a titre de remarque, qu'il existe une variété de guitarrilla (s.L) tr®s proche de I’instrument pré-cité, utilise par les Indiens Chipayas de Bolivie. La différence réside dans la forme du fond de la caisse, qui est bombée et en trois parties, et dans la période d'utilisation qui correspond a juin, pour la reproduction du bétail, laquelle sort done un peu de notre étude. Cot instrument fera objet d’un second travail, actuellement en cours. 4, LES INSTRUMENTS DERIVES a) La jalisca Il s‘agirait (Pr. Freddy Bustillos, Musée d’Ethnographie et Folklore, La Paz) d’une petite guitare A cinq cordes qui se rencontre a Huanuni (département d’Oruro, province de Dalence, route d’Oruro a Llallagua) et également A Sacaca (département de Potosi, province d’Ibaitez), LES GUITARRILLAS DE POTOSI 195 PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DIFFERENTIELLES GUITARRON / TALACHI / GUITARILLA CARACTERISTIQUES GUITARRON TALACH! GUITARRILLA Téte - trace supérieure oui, vert ou fushia non oui, rose - nombre de chevilles 8ai2 8 toujours 10 - chevillor droit, parfois étranglé souvent étranglé toujours droit Manche - 3 cases claires peintes 1 ou 2 points noirs non peintes - face postérieure peinte en noir ‘non peinte peinte en noir - section arrondie carrée arrondie nombre de cordes | _7, nylon prédominant | 8, métal prédominant | _6, toutes métalliques Caisse = nombre de tailles 2, parfois 3 2, parlois 3 4 seule - trace postérieure presque toujours parfois seulement toujours clisses souvent peintes en jaune | jamais peintes —_| toujours peintes en rose Table - rosace @toilefpoints, 1 rang | _traits/points, 3 rangs | points ou étoile, 3 rangs - motifs phytomorphes| fin, colorés supérieurs | targes, noirs, grossiers| ~ fins mais tout autour ‘seulement supériours seulement du chevalet ‘motifs sur pourtour absents absents en potits triangles - chevalet rectangulaire et fin large et biseauté rectangulaire ét fin - autres omements Parfois oiseaux ‘non non Tableau 1.- b) La mediana ~ Données générales: Ici encore, il faut parler de la famille de la mediana, également nommée guitarrilla ou guitarra de carnaval (ct qui, selon E. Cavour, aurait aussi un homologue supérieur en taille, appelé jitera, aproximativement de la dimension d’une guitare classique). La mediana est une petite guitare, 4 peu prés de la taille de ce que l'on appelle une requinta (*), mais qui est accordée comme un charango grave (en La grave). Malgré son nom, la mediana fait partie de 1a famille des charangos et parait native de la région de Sucre (département de Chuquisaca, province d’Oropeza) et Tarabuco (département de Chuquisaca, province d’Yamparaez). Elle fait done partie de la famille des grands charangos & fond plat, quoiqu’on la trouve aussi montée sur des carapaces de tatou, ou des caisses de bois arrondies, a Sucre, dans les ateliers des luthiers, tels que ceux des fréres Pemintel, Gerardo Patzi et Anacleto Torrico, entre autres. Sur Ie terrain, on trouve aussi des medianas a six ou huit cordes, directement accordées comme la guitare. Cependant la variéié A fond plat et éclisses reste la plus fréquemment utilisée, surtout dans le secteur de Tarabuco et de Monte Agudo (département de Chuquisaca, province d’Hernando Siles). 196 PH. LYEVRE - Description: La téte, porteuse de dix ou douze chevilles de bois, parfois soigneusement sculptées, est ajourée de deux rainures longitudinales sans utilité autre mais bien typiques du style de Chuquisaca. qu’esthétiqu . Le manche est long et étroit, ot la touche se termine en forme d’accolade sur la table prés de la rosace. La touche qui surmonte souvent un petit “canal harmonique”(*) creusé dans le manche, est décorée de filets(*), ou plus traditionnellement, de petites plaques de plastique de golpeador (*) de couleurs vives et aux motifs vari En plus de sa caisse plate, cet instrument est pourvu d’une riche marqueterie de table comprenant un filet de caisse 4 double ou triple rang, un peu dans le style de celui des instruments d’Aiquile, avec des plaques de nacre La rosace, assez caractéristique, est en étoile A six branches, rehaussée de petits triangles colorés dans chaque pointe La table est agrémentée dans sa partie inférieure d’une demi-étoile qui comprend de trois cing branches marquetées sur trois ou quatre rangs, ct parfois dans sa partie supérieure, d’un golpeador coloré en forme d’ailes. Le fond et les éclisses sont aussi mis en valeur par des filets, selon le méme principe que celui des caisses de guitare. Le chevalet est simple mais soigné ct ensemble des autres caractéristiques se rapproche beaucoup de celles de la guitare, avec notamment des contre-éclisses, tasseaux, barres de soutien et d’harmonie, ete Les cordes enfin, sont au nombre de dix pu douze, en principe toutes en acier et accordées “temple naturel”(*), & l'exception de la corde grave centrale mise pour V’occasion a Vaigu. II, LE CONTEXTE 1. LES MATERIAUX ET LA FABRICATION Il est difficile de parler affirmativement de fa fabrication d’un instrument traditionnel dont, par définition, la confection se transmet jalofsement de génération en génération, toutefois, pour avoir pénétré dans quelques ateliers, j'ai pu constater: - que la production est logiquement plus active de la fin du mois de septembre au début du mois de novembre, pour Vouverture de la saison des pluics, et qu’elle se prolonge durant cette méme saison puisque c’est 1a son époque d'utilisation = que les éclisses sont ceintrées sur des gabarits(*) aprés avoir été mouillées et parfois chauffées (le bois est parfois un peu brilé au niveau de la taille); les piéces assemblées sont toutes collées 4 chaud (colle d’os) et placées sous des presses sommaires. LES GUITARRILLAS DE POTOSI 197 ~ Le matériel utilisé est le suivant: . rabot; = couteau; . régle et compas; . peinture et pinceaux; gabarits (caisse, manche, diapason); . bois (blocs et feuilles) de pin, mara, poirier et peuplier; . colle, fil de fer et cariahueca, -U dre de fabrication est le méme que celui de la guitare. 2. LE FABRICANT, LIEUX DE CONSTRUCTION ET DE VENTE Les artisans sont souvent des hommes jeunes (environ 30 ans, parfois plus Agés), ceux-la méme qui fabriquent les charangos et réparent les cordophones en général; ils sont tous Quechua et le plus souvent bilingues. La plupart du temps, il s‘agit de professionnels, quoique beaucoup d’entre eux soient aussi en méme temps paysans ou meuniers, et aussi musiciens. Les fabricants rencontrés n’ont par ailleurs pas de réle social majeur autre que celui d’artisan, qui représente déja_un statut d’importance. A noter que ces luthiers ne font pas partie d’une fe dans la fabrication des cordophones. communauté spécialis Dans I’immense majorité des cas, hormis bien sir ceux des dérivés, les guitarrillas (5.1), proviennent: du village de Pocoata, province de Chayanta, département de Potosi (norte de Potosi), dans la partie du village qui descend Ie long de la rivigre, liew od la majeure partie des artisans tient des moulins ou de petites fermes; . du village de Macha, ott il existe au moins un fabriquant spécialisé de guitarrillas-charangos; certaines enfin sont fabriquées 4 Chayanta (département de Potosi, province de Bustilios), et anciennement a Llallagua (idem), avant que les fréres Ojeda, les luthiers locaux, ne s’en aillent & Cochabamba. Dans tous les cas, la fabrication des guitarrillas (s.l.) est toujours rurale ou semi-urbaine. La vente des instruments en revanche se fait de fagon élective au marché du dimanche de Siglo XX, en face du syndicat, dans la ruc qui descend A coté du collage. Bien siir, il est aussi possible d’en trouver 4 Pocoata méme, et A Macha, mais il,ne s‘agit habituellement que des petites guitarrillas (s.s.) plates et non des instruments plus conséquents que l’on peut rencontrer a Liallagua et & Siglo XX. Abordons encore rapidement Yaspect du prix des instruments: les guitarrillas (s.s.) cotttaient entre 5 et 10 bolivianos A Pocoata, les guitarrones de 10 a 198 PH. LYEVRE 15, et les talachis de 17 & 20, parfois 25 bolivianos, au marché de Siglo XX, au mois de décembre 1989. (1 boliviano valait 8 peu prés 2 FF, ou 0.3 $US). 3. CONTEXTE D'UTILISATION, Avant tout, précisons la gamme d’instruments utilisée durant l'année dans le secteur du nord du département de Potosi, car année se divise en deux parties essentielles qui ont chacune leurs instruments particuliers, La saison des pluies va de La Toussaint & Carnaval (été); c'est traditionnellement la période des “Ames”, des semailles, et de la “terre-mére”, durant laquelle on rencontre surtout les guitarrillas (s.L) pour les cordophones, et une variété de flite & bec nommée pinkillu (ou bota, rollano, etc..) pour les aérophones. Puis vient la saison séche (iver), de Carnaval 4 La Toussaint suivante, qui est I’époque des récoltes ct de Vair. On y entend une variété de flite 4 bec appelée tarka, A Carnaval, et par la suite, surtout, une variété de flite a pan pentatonique nommée jula-jula, ainsi qu'une sorte de longue quena (flite 4 encoche) nommée lichiwayu. En ce qui concerne les cordophones traditionnels de cette époque de Vannée, ils sont essentiellement représentés par le charango, avec toutes ses variantes d‘accordatures. L’époque théorique d’utilisation de Iinstrument va donc de la Toussaint (ler novembre) au Carnaval (en gros, fin février 4 début mars). La technique L‘instrument se joue d’un seul doigt (index de la main droite), sur des rythmes lents, répétitifs, syncopés, et parfois un peu complexes. Ils sont composés de pulsations alternées ot variables tantdt vers le bas (lentes), tantdt vers le haut (rapides) avec 5 4 6 positions d’accords plaqués au maximum. Il s‘agit, sur le plan mélodique, d’un instrument intermédiaire, comme dailleurs le charango local. Ceci signifie qu'il permet de jouer, par une technique spéciale et un judicieux agencement des cordes, I'accompagneinent des chants, et qu’il prod la mélodie durant le zapateado (*), sans modification notable de la technique d’éxécution. Il est joué seul ou en troupe de 4 ou 5 au maximum, pour accompagner des chants dans le mode saucesita (*) (c’est-a-dire de la saison des pluies), ou encore soutenu par un petit charango de dix ou douze cordes, accordé dans un temple particulier, mais en aucun cas accompagné d’instruments de percussion (zapateado seulement). Le ou ies musiciens se trouvent entourés par la ronde des danseurs, ou y participent, ou encore se déplacent avec la troupe lors des mouvements. Quand la danse est organisée, elle se déroule autour d’une place carrée, de fagon plus ou moins ordonnée, avec deux & quatre groupes jouant de manidre compétitive des mélodies différentes, occupant chacun un des angles de la place, et se déplagant simultanément dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, sans cesser de LES GUITARRILLAS DE POTOSI 199 danser et de chanter, jusqu’a I’épuisement et V'ivresse extréme. Il n’est pas rare non plus de rencontrer les musiciens et les danseurs jouant, chantant ct dansant tout en traversant les champs pour aller 4 une féte. La chorégraphie est en général dans ce cas trés désorganisée. De toutes facons, elle correspond a quelques points prés A un modale bien connu I’intérieur des rites de certaines fétes locales nommées tinkus (*). - Vépoque théorique d'utilisation de V'instrument va de la Toussaint (ler novembre) au Carnaval (en gros, fin février & début mars); le manque a cette ragle est, selon l'adage populaire, susceptible de faire pousser sur la téte du contrevenant des cornes de diable ou provoquer des catastrophes naturelles, et surtout si ce dernier en joue dans le but de faire pleuvoir. Le tinku (*) est Yexception a la rdgle, et dans ce cas, instrument s’intdgre dans la féte rituelle od il est joué d’une maniére spécifique et différente. En fait, de plus en plus, on entend jouer de ces instruments durant toute Yannée, en particulier dans la population rurale émigrée en zone urbaine, ct dans les groupes de musique traditionnelle. Le Tableau No.2 montre la relation qui existe entre les périodes de fabrication et d'utilisation des guitarrillas (s.1). CALENDRIER DES GUITARRILLAS TOUSSAINT CARNAVAL Tableau 2.- 4. LA SYMBOLIQUE DE L’INSTRUMENT Pour aller un peu plus loin que I’explication des paysans qui affirment, pour diverses raisons, que les guitarrillas sont ainsi parce que c/est ainsi que les fabriquaient leurs ancétres, tentons d’analyser un peu la symbolique de ces instruments _PH. LYEVRE a) Symbolique directe: Dans les cas du guitarrén, du talachi, et de la guitarrilla (s.s.), et méme de la mediana, la table d’harmonie, qui est le point central de la symbolique de ces instruments, est décorée de motifs phytomorphes, symboles de la terre et du sol (Big. 4). D’autre part, ces cordophones, appelés “guitare de pluie”, ont, selon la croyance locale, le pouvoir de faire tomber les averses, d’oit ’évidente association avec les motifs illustrant les tables d’harmonie, et I'analogie avec cette caisse qui engendre la fertilité et Yabondance, si importantes dans des régions déshéritées comme certains endroits du “Norte de Potosi” eX fs Ee] ) talachi; b) guitarrén; ©) guitarrilla (s.1.) Fig.5.- Les différents motifs phytomorphes: La guitarrilla (s..) est un instrument sur lequel figure, plus ou moins & mots couverts, la quasi intégralité de la cosmogonie des anciennes civilisations de la confédération de Charcas du “norte de Potosi”, dont les Karakara (actuellement les Macha) et les Sakaka (actuellement Laimis de Chayanta). LES GUITARRILLAS DE POTOSI 201 En regardant attentivement on peut voir dans le dessin de la table un paysage trés net: Ie sol étant symbolisé par le chevalet, les cultures par les motifs pré-cités, et enfin le soleil et la pluie, symbolisés par la rosace et les points ronds (gouttes?) qui I’entourent, ct qui, sortant par la bouche de l’instrument, tombent sur sol Les motifs situés au-dessous de la ligne du chevalet, représentent les plantes qui croissent en terre, les tubercules, par exemple les pommes de terre et les ocas, (dont on connait partout dans les Andes la valeur de symbole sexuel, donc toujours dans le méme registre de culte de la fertilité) On peut classer ensemble de ces symboles on trois groupes: célestes Golaires), telluriques (pachamama) et intermédiaires, qu‘ils soient aériens ou aquatiques. Nous allons les étudier un a un de manidre plus détaillée, mais auparavant il faut éclaircir le théme du dualisme talachi-guitarrén, qui n’est pas seulement un artifice destiné a mettre en valeur les caractéristiques morphologiques de maniére comparative. II est troublant de constater que ces deux instruments, pourtant d’aspect différent, se jouent exactement dans les mémes circonstances et avec la méme technique. Une explication vient immédiatement a Tesprit: ils sont faits pour cela et constituent une paire, plus exactement un couple, dans le sens de la complémentarité de type “symétrie en miroir” (T. Platt, 1978), On en déduit que I'un est masculin et Vautre féminin, ou au moins, que dans l'un prédominent les caractéres masculins et dans Vautre les féminins. Le i, mais plus puissant lalachi, plus rustique, plus rude, plus robuste, plus sobre aus est I’élément male du couple; en revanche le guitarrdn, plus coloré, plus soigné, plus doux, plus agréable et facile a jouer, mais moins puissant, représente Vélément féminin. De plus, sans préciser de quel type d’instrument il s‘agit, les fabricants recommandent parfois d’acheter les guitarrillas (s.1.) par deux, ce qui vient confirmer Vhypothése. Dans le méme registre, on rencontre parfois des charangos a table peinte de figures anthropomorphes, dont I’une est manifestement masculine (moustaches) et autre manifestement féminine (boucles d’oreilles), et qui évidemment sont vendus par couple tout du moins dans I’intention de départ Ven ai rencontré en particulier plusicurs “couples” dans le marché San Francisco de La Paz. Il s’agit donc 1 d’une dualisation de type homme-femme, et donc d’une sexualisation des cordophones; ce fait n’avait encore été décrit de fagon nette que pour les aérophones (sikus (*), gaitas (*), et bien d’autres) Symboles telluriques: Ils sont multiples A commencer par le plan du chevalet qui représente le sol, la pachamama, la terre mére, (symbole féminin), mais aussi, plus indirectement, les arbres sont des éléments rattachés a Ja terre qui assurent la transition avec 1’élément intermédiaire aérien. Il serait intéressant de savoir 4 quoi correspondent les différents types de motifs phytomorphes que I’on retrouve sur les différents instruments Fig. 6, malheureusement, il semble que ni les musiciens, ni les 2025 PH. LYEVRE constructeurs, ne se rappellent de la signification propre de chacun de ces dessins, pourtant bien différents les uns des autres, et ceci certainement pas sans raison. On peut les classer en fonction de leur représentations en trois types: ceux qui sont totalement supérieurs, a fleur, (blé, mais); ceux qui possédent des racines ceux dont la partie principale est dans le sol (tubercules). La guitarrilla (6.1) de Macha qui fait partie de la classe morphologique du guitarrén (donc féminin), est ornée sur le pourtour de sa table d’une guirlande de petits triangles qui symbolisent les montagnes, les achachilas (esprits des montagnes), qui eux-mémes représentent la composante masculine du couple tellurique Pachamama-Pachatata, (A prédominance féminine) de la quadripartition cosmologique des Macha (Platt, 1978). D’autre part comme nous l’avons vu, il est exact que cette guitarrilla se joue surtout dans la zone sud qui est tres montagneuse, d’oit la justification de ce “cadre de montagnes”’ . Symboles célestes: La rosace de ces instruments, de par sa structure centrifuge en cercles concentriques, posstde une évidente symbolique solaire, en tant qu’astre nécessaire a la croissance des cultures. On pourrait admettre que la lune, qui est Vélément féminin du couple céleste Tata Inti-Mama Quilla (soleil-lune, qui lui, est a prédominance masculine), est absente, sauf si l'on part du principe qu’elle est généralement invisible en présence du soleil . Symboles intermédiaires: Tl ne faut pas perdre de vue que 1’élément représentatif principal des guitarrillas ¢s.L) est Yeau (a pluic), et qu’a ce titre on peut considérer les ronds que Ion retrouve autour de la rosace et jusque sur la touche, comme des symboles aquatiques (gouttes d’eau 2), et peut-dtre bien aussi, les traces rectilignes du fond et de la téte (riviéres ?). En fait, plus que de chercher les symboles extérieurs d’eau, il convient sans doute aussi de les chercher 8 I'intérieur de la caisse, 18 ott est le secret, la magie de [instrument qui fait pleuvoir, comme le carré parfait du talega qui se trouve a ['intérieur des sacs étudiés par V. Cereceda (1978). En effet, cette fagon de penser est assez typique en ces lieux, a de tr’s nombreux titres. Il ne faut pas non plus oublier le miroir parfois incrusté dans la touche. Quand on connait Vimportance symbolique de cet objet magique dans la région de Macha, en tant que générateur de symétries et voleur d’ames (Plait, 1978), il ne peut avoir été placé IA de maniére fortuite."Ce miroir aux sens multiples, indiquant parfois que le porteur est célibataire (attire les ames), confére A V’instrument un peu de cette personnalité magique, dans le culte de |‘eau et de Ja pluie, tout en en étant un symbole direct par analogie. Rappelons aussi importance des cordophones dans les rites liés a l'eau et a la féminité; pour ce faire il suffit de se remémorer les sirenes jouant de la LES GUITARRILLAS DE POTOSI 203 guitare, du luth ou du ckarango, souvent représentées dans architecture des frontons des églises, par exemple celle de San Lorenzo de Potosi, les peintures de Véglise de Guaqui, celles de Puno et de Santiago de Pomata au Pérou, ou encore celle de Huachacalla (Departamento d’Oruro). Plus précisément sur le lieu géographique qui nous intéresse, la siréne a une fonction particuliare. C’est elle qui “baptise” (ch’alla) les charangos et les guitarrillas (sl), pour qu’ils inspirent a leur utilisateurs des mélodies nouvelles. La légende dit que seuls les musiciens qui posstdent “leur siréne” peuvent inventer de nouvelles chansons. C’est ainsi que les jeunes garcons laissent leurs instruments, la nuit, prés des chutes d’eau et des riviéres, 14 od est censé vivre la siréne. Le matin suivant, les jeunes filles de la communauté doivent aller les récupérer, ce qui dénote, une fois de plus, un symbole important quand on sait que le charango cst instrument qui permet aux jeunes hommes célibataires et aux voyageurs d’attirer les attentions féminines. Ceci est valable de la méme maniére pour les guitarrillas (s.l.). On dit aussi que “la siréne enseigne des mélodies en réves a coux qui lui rendent un culte” (Harris, 1973). Les sirtnes de Chayanta (département de Potosi, province de Bustillos) et de Pocoata, (méme département, province de Chayanta) sont les plus réputées et les plus vénérées pendant la ison des pl Dans tous les cas, ces créatures mi-humaines mi-poisson, qui sont des femmes dans immense majorité des cas, soulignent bien I'unité des cultes de la ualité donc de la féminité ct de celui du milieu aquatique. Les symboles aériens, quant A eux, sont les moins représentés; en dehors de la surface délimitée par la rosace, le sol et les plantes, on en retrouve parfois quelques équivalents, au titre d’oiseaux, de perroquets en général, peints sur la table d’harmonie, entre les motifs phytomorphes. b) la symboliqne indirecte: Il faut préciser tout d’abord qu’il ne s en clle-méme; ce sujet est en soi un travail A part entidre que nous n’aborderons pas ici. Nous nous contenterons done de I'interprétation symbolique proprement liée a V'instrument. ‘agit pas la d’une étude sur la danse Siil est & noter clairement Ie lien entre guitarrilla (s.1) et culte de la fertilité de la terre, on sait aussi que cette derniare est un symbole féminin. On peut donc aller plus loin encore et parler d’un culte de la fertilité féminine, ce qui au fond est dans la suite logique des choses. Pour donner des arguments dans ce sens, il faut ajouter que participe aux danses mentionnées une trés forte majorité de jeunes filles célibataires bien reconnaissables, entre autres détails vestimentaires, aux petits miroirs qu’elles portent sur leur chapeau, et sur leurs écharpes, ceci en plus du fait que leur tenue est globalement trés soignée. Elles-mémes reconnaissent d’ailleurs volontiers qu’elles viennent 18 pour trouver un mari. En revanche, s‘il existe une prédominance d’hommes jeunes dans la danse, elle est beaucoup moins marquée. 204 PH. LYEVRE Citons encore I’analogie & peine dissimulée du ventre de la femme enceinte avec cette caisse “grosse”, qui vient renforcer encore, s‘il en est besoin, ce concept de culte de la fertilité féminine, lié A celui de Ia pluie et de Yeau Toujours dans cet esprit, on peut aussi mentionner T. Gisbert qui met en valeur Vanalogie entre certaines structures arrondies et les gouttes d’eau, sur des acsus tissés et portés par les femmes de Macha. Pour en terminer avec la symbolique indirecte et plus précisément celle des couleurs employées pour ornementer les instruments, la seule donnée certaine est que Ie rose, dont sont peintes Jes guitarrillas (s.s.), est symbole de la fleur de la pomme de terre, ce qui correspond aux autres données sur ce cordophone. IV. CONCLUSIONS: Les guitarrillas (s.1.) du nord du département de Potosi, bien que trés peu connues a V’extérieur de cette région, représentent avec certaines fitites a bec, appelées pinkillos, I'essentiel des instruments utilisés dans cet endroit durant la saison des pluies, A ce titre on peut les qualifier de représentantes d’une des familles les plus importantes parmi les cordophones autochtones boliviens, Comme beaucoup d’autres instruments traditionnels de ce pays, ces petites guitares dont Vorigine se perd dans le choc culturel qui suivit la conquéte espagnole, ont été chargées par le temps et les coutumes locales d’une signification culturelle profonde, ancestrale et parfois un peu hermétique. Cependant, quoique n’ayant pas la méme popularité que leur petit cousin Ie charango, elles sont les témoins privilégiés et préservés jusqu’a ce jour d’une identité ethnique Quechua pure, qui sous bien d’autres aspects tend de plus en plus a disparaitre, au profit des cultures aymara et métis. L’éément manquant majeur de ce travail restera le support sonore, mais jfai bon espoir que les groupes folkloriques boliviens et les chercheurs feront bientét sortir des frontitres de Ja Bolivie cet instrument un peu rustique certes, mais tellement attachant. Remerciements - A toutes les personnes de Llallagua, Uncia, Siglo XX, Pocoata, Macha, Qcuri, Sucre et Tarabuco, qui, directement ou indirectement, m’ont aidé dans la rédaction de cet article. ses précieux = Au muestro Trifon Pemintel pour sa gentillesse et renseignements. = A mon ami Roberto Fernandez Erquicia, du Musée ’Ethnographie et Folklore de La Paz, et mes amis du groupe “Norte de Potosi’, domiciliés actuellement a La Paz, pour leur aide inestimable. 3 GUITARRILLAS DE - Je tiens a remercier tout particuligrement Le Docteur Christian de Muizon, Directeur de V'IFEA, pour ses précicux conseils et son attention bienveillante. Bibliographie anne du Norte de Potosi, in: STOBART H., 1987.- Premigres données sur la musique Doc. Museo de Etnografia y Reunidn anual de Etnografia y folklore (no publica’ Folklore, La Paz. : : CAVOUR E., 1988.- El charango, 310 p., La Paz. PLATT T,, 1978. Symétries en miroir, le concept de Yanantin chez les Macha de Bolivie. Ann. Econ. Soc. Civil., 33(5-6): 1081-1107, Paris: Edts A. Collin CERECEDA V, 1978. Sémiologie des tissus Andins, les talegas d’Isluga. Ann. Econ. Soc. Civil., 33(5-6): 1017-1035. Paris: Edts A. Collin. GISBERT T., 1980.- Iconografia y mitos indigenas en el arte, 250 p., La Paz. HARRIS O., 1973.- Etnomusicologta en el norte de Potosi. Jayma, La Paz. LEXIQUE Lexique des materiaux: - bois: Peuplier: Populus nigra » Cédre: Cedrella fissilis Mara: Swintenia macrophyla Noyer: Juglans nigra » Pécher: Persica vulgaris Pin oregon: Podocarpus stillion Poirier: Pirus communis ~ autres: Cafiahueca: (bambou) recouvre un grand nombre de variétés botaniques de bambousées latino-américaines, parmi lesquelles: Arundo donax, Phragmites communis, ct méme Sacharum oficinarum. . Oca: tubercule comestible, trés apprécié dans les Andes, (Oxalis tuberosa). Tatou: (quirquinchu ou Cheateophractus pilosus), petit mammifére de Ja famille Dasipodidae, ordre des Edentata. 206 PH. LYEVRE Lexique des instruments ef traditions: - Bourdons: cordes les plus graves des cordophones. - Chanterelles: cordes les plus aigués des cordophones. - Charango: petite Gace parfois montée sur une carapace animale (tatou, quirquinchu, tortue), de 5 cordes doubles le plus souvent, et tres répandue dans toute V’aire andine. - Choeur de cordes: désigne les groupes de cordes; peuvent étre simpl triples, rarement quadruples. - Cordophone: instrument dont le principe sonore est la corde vibrante. - Gaita: fliites verticales colombiennes, allant toujours par paires, une male ct une femelle. - Guitarrilla: peut Semployer dans deux sens: le terme générique, guitarrillas senso lato (s.l.), qui qualifie a famille d’instruments dont il “est question dans ce travail; une dénomination d’un des instruments cités, plus fréquent au sud de la zone étudiée (cf. chap II.3): la guitarrilla senso stricto (s.s.). - Guitarrén/Talachi: instruments de la famille des guitarrillas (5.1) qui se distinguent des autres par un certain nombre de caractéristiques, (cf. Tableau No.1) - Jalisca: petite guitare a cinq cordes de Huanuni (Département d’ Oruro, Province de Dalence) - Jitara: équivalent de la mediana, mais de la taille de la guitare. - Mediana: charango en forme de guitare natif du Département de Chuquisaca (cf. Chap 11,4). - Mode Saucesita: famille de chansons du norte de Potosi, dont chaque couplet se termine par le mot saucesita, ct qui cst caractéristique du répertoire de la saison des pluies. -Requinta: petite guitare classique accordée une quinte plus haut que cette derniére ct souvent tendue de cordes d’acier. - Siku (on aymara): également appelé zamporia (terme espagnol); cette flate de pan typiquemont andine est en fait composée de deux rangées de tubes qui produisent une gamme_alternée, dia- ou penta- tonique. Les deux demi-fltites constituent Ie couple musical ira-arka (celui qui guide-celui qui suit) - Temple: signifie accordature, maniére d’accorder. -Temple Diablo: ensemble d’accordatures plus ou moins différentes des accordatures classiques qui se rencontrent chez Ja majorité des cordophones andins. ~ Tinku: combat rituel surtout (mais pas exclusivement) typique du norte de Potosi, dont le but est, en gros, de faire couler du sang sur la terre pour la fertiliser. - Vihuela de mano: instrument apporté par les Espagnols tors de la conquéte; ancétre de la guitare qui se caractérisait par le fait d’étre jouge avec la main, en opposition A Celle jouée avec un archet, et qui comportait 10 cordes ou plus réparties en quatre, cing ou six groupes, 7, Zapateado: partie rythmique de beaucoup de chansons, andines, marquée en frappant le sol des talons la fin de chaque refrain; parfois remplacé par une partie of le rythme est marqué en frappant dans les mains (manos). , doubles, LES GUITARRILLAS DE POTOSI 207 Lexique des termes de lutherie - Barres de soutien et d’harmonie: ce sont de petites barres de bois de section sensiblement carrée, qui, placées a la face inférieure de la table d’harmonie, servent de soutien mécanique et de guides sonores. - Canal harmonique: certains facteurs de cordophones creusent dans le manche, juste sous la touche, un petit canal parfois ouvert de trous latéraux, et qui s‘abouche dans la caisse. Ce canal de sortie du son a une importance trés variable selon les auteurs, - Cases de manche: ce sont les espaces de la touche délimités par les frettes. ~ Chevalet: cet élément est celui qui, collé sur la table d’harmonie, sert de point d’amarrage aux cordes; il peut étre’ de différents types, avec ou sans barrette additionneile etc.. Dans le Cas des guitarrillas, il est toujours simple. ~ Cheville: désigne en principe un petit morceau de bois destiné a fixer deux piéces ensemble; dans ce cas, il s‘agit des clés de bois destinées A tendre les -Contre-éclisses: ce sont de petits talons de bois appuyés dans les angles que forment les éclisses avec le fond et la table; elles ont un role de’ renfort mécanique. - Diapason: dans le sens vibrante de l'instrument - Eclisses: ce sont les lames de bois qui forment les bords latéraux de la caisse des cordophones a caisse dite plate. - Filets: ce sont les petites bandes de bois de couleurs et de motifs variés qui servent d’ornement aux pourtours des tables d’harmonie et des rosaces des cordophones. - Fond: il s‘agit de la partie qui forme le fond de la caisse des cordophones. - Frettes: ce terme désigne les petits morceaux de métal ou de bois dans le cas présent, ajustés de maniére précise sur la partie antérieure des manches des cordophones et sur lesquels s‘appuient les cordes pour produire la gammme sonore de instrament. Dans le cas des guitarrillas, les frettes ont souvent {a particularité d@tre tras hautes cn comparaison de cclles d’une guitare. = Gabarit: ce terme recouvre ensemble des moules ou rdgies de dimension, sur lesquels se mesurent ct se mettent en forme diverses parties des instruments de musique, les éclisses de caisses de cordophones par exemple. ; Lolpeador il sagit des feuilles de plastique disposées. sur Ia. partie supérieure des tables d’harmonie des cordophones, ct destinées A éviter d’abimer cette partie en jouant z Palette ou téte: partie terminale du manche, oti sont installés les disposttfs d’amarrage des cordes. ~ Rosace: trou percé dans la table qui permet la sortie du son; elle est de forme et de taille variable et souvent marquetée. = Sillet: définit la barrette qui sert d’appui supérieur aux cordes au niveau de la jonction de la téte et du manche; i) s’agit le plus souvent d’un petit morceau d’os ou de bois dur, muni d’une encoche soigneusement positionnée par corde, et parfois soutenu par une frette additionnelle. - Table d’harmonie: c'est ta partie sonore principale des instruments a cordes; elle est percée d’un trou destiné & laisser sortir le son, pourvue du chevalet, et souvent décorée. - Taille: on regroupe les dimensions d'une table d’harmonie par analogie au corps humain, avec les termes suivants, la table étant regardée en face, et de haut en bas: épaules, taille, hanches. - Talon: c’est le prolongement in{éricur du manche qui assure la cohésion entre le manche et la caisse, sur laquelle il s‘appuie. japason d’un cordophone, désigne la longueur de corde 208 PH. LYEVRE ~ Tasseaux: ce sont des renforts de bois ‘destinés au maintien des éclisses, habituellement disposés a la jonction de ces derniéres a Ja partie inférieure de Yinstrument. - Tessiture: qualifie I’étendue de V’échelle sonore, autrement dit, le registre d’une voix ou d’un instrument. - Touche: qualifie la partie antérieure du manche des cordophones; partie sur laquelle sont disposées les frettes, ct qui est habituellement faite d’une planchette de bois dur de la famille de I’ébéne ou du palissandre, pour des raisons de frottement des cordes sur le manche. Mais dans le cas des guitarrillas justement, du fait de la hauteur des cordes sur le manche, ct du fait ‘que ces derniéres ne sont pas en contact avec le manche, la touche est absente. Dans ce cas done, les dites frettes ont souvent la particularité d’étre trés hautes. Ae vey Photo 1- LES GUITARRILLAS DE POTOSI __209 , Photo 3.- - Photos 1, 2 et 3.- Le marché de Siglo XX, oft se vend la majorité des instruments (remarquer les talachis). 210 PH. LYEVRE - Photo 5.- Mineur de Llallagua jouant - Photo 6.- Une guitarrilia (s.s.) dans une d'un grand guitarrén dont le manche est boutique de Pocoata. orné d’un petit miroir rectangulaire. LES GUITARRILLAS DE POTOSI 2 - Photo 8.- Le Maitre luthier Trifon - Photo 9.- Dans l'atelier de Don T. Pemintel dans son atelier avee une Pemintel, deux medianas, Yune de douze mediana de sa fabrication. et Vautre de huit cordes. - Photo 10.- Féte de la Toussaint 4 Llallagua: groupe de jeunes filles dansant au son d’un guitarrén. - Photo 11.- Un des moulins bordant la riviére de Pocoata et appartenant & un facteur de guitarrillas. - Photo 13. Siréne musicienne illustrant le fronton de V'église de San Lorenzo de Potosi.

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