Vous êtes sur la page 1sur 150
LES ENFANTS D’ATHENA Les enfants d’Athéna no sont pas le premi Loraux. Sa thise sur V'oraison funébre athénienne, LTinvention @Athines, parue aux Editions Mouton, a reconstruit Vidéo- Togie de Ia cité classique, Avec Les enfants @Athéna, Nicole Loraux, directeur d'études i PEcole des hautes études en sciences sociales, met en rapport deux domaines scientifiques qui s'étaient jusqw'alors pou ou mal rencontrés. I existe une mythologie dont Vécole anthropologique francaise a Jargement contribué i définir les lois, I existe aussi uno histoire greeque et singuli¢rement athénienne affinge de géné- ration en génération depuis la Renaissance. Tl existe des chercheurs qui rédnisent Ia mythologie a Vhistoire et il en existe @autres qui évacuent Vhistoire au profit du mythe. Lroriginalité du livre de Nicole Loranx est avoir montré comment ees deux disciplines peuvent wenteecroiser pour le plus grand profit de l'une et de Fautre. Les enfants PAthéna, centeés sur le concept dautochtonie qui est capital pour comprendre Ia pensée athénienne, étudient tout a Ia fois des textes comiques, tragiques, des pratiques sociales réels et symboliques de l'Athénes ancienne : mythe fondateur de la citoyenneté, Vautochtonic se préte dans Vimaginaire des Athéniens a toutes les opérations susceptibles de confirmer la égitimité du pouvoir masculin et de Texclusion des femm Mais il ne suffit pas de dire que les femmes sont exelues. 1 faut encore analyser i tous les niveaux, du mythe, des ceuyres et des Ticus, le comment de cette exclusion. Abon- damment illustré et annoté, ee livee peut cependant toucher un public diferent de celui des hellénistes. I représente véritablement un des premiers grands livres d'une anthro- pologie historique de Ia Grbce, La découverte d'Rrichthonios Ueyihe BS 404, Bile [Antikeomascum) Heprodait avee Tantorzation | de Margot Schmid otrszr0r 1206 Editions La Découverte, 1, place Paul-Painlevé, 75005 Paris ssmearenanss woo 123F nicole loraux les enfants d’athéna idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes éditions la découverte/textes & Pappui DANS LA MEME COLLECTION H.C. Baldry, Le thédie eragioue des Grecs © Matea! Benabou, La résistance aftecine @ la romaaisation Jean les enfants d’athéna late dee Orie one Passe ou Les Ambiguités de ta communication. ‘iéros, masques. hes les Grees (Réimpring dans Ie Petite R.A2u84 aae.t (23) Lor nicole loraux les enfants d’athéna idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes enseme kiion Dessin de FronotsLiarage. EDITIONS LA DECOUVERTE 1, place paul-painlevé suorecaucn, Pi TT 5307371015 ee DU MEME AUTEUR Linvention d’Athénes. Histoire de oraison funibre dans ta cté classique s, Mouton, 1981 Chague sation ext comment ex fn de volume wor table des ha ume concern Je rome les Concer det Manes de Se bot Boles ‘ae Mer, Londres (Britgh Atweu’. Minick Oxo et Nurchors sed veer s "gril Neu, Nptch,Oxd t Wesiows. el oe hae © Librairie Prangois Maspera, Pars, 1981, sso 27071-12085 | | ‘imaginaire des autochtones Décrire 1a confection d’un livre comme un cheminement, c'est inventer une fiction rétrospective pour dire les déambulations dan voyageur présomptueux, plus d'une fois égaré au coeur d'un espace qu'il eroyait avoir balisé. On ne racontera pas ces tatonnements. Tout au plus, pour introduire & ce qui voudrait étre un voyage au pays des autochtones, proposera-t-on un raccourc, ligne presque droite pour doubler les lacets oii Yon s'attardera bientét. A Vorigine de ce livre, il y a un projet et deux lieux : le projet de lire des mythes dans leur ancrage civigue, Ie lieu institutionnel d'un séminaire de 'Ecole des hautes études consaeré a Pexamen des mythes athéniens dautochtonie ; enfin et surtout, & la fois objet ot terre denracinement de cette recherche, Vespace de l'Acropole TAthénes, ol Yon peut se promener mais ol Pausanias est, a tout prendre, plus utile que le « Guide Bleu ». De espace athénien on parlera tout au long de ce livre : trois des textes qui le composent ddessent la carte de P'Acropole et les deux autres s'y arrétent un instant pour y installer Athéna, Erichthonios ou Pandora. Du liew institutionnel, je dirai seulement qu'il m’a donné l'échange et la critique sans quoi ce travail n’aurait pu étre mené & bien, Reste le projet, sur lequel je m'expliquerai plus longuement. Lire des mythes dans leur ancrage civique, cest bien sir utiliser un capital de connaissances historiques, c'est surtout s'efforcer de donner au 1 Fhe aha tt tn han imei mata eta ei em et la Pratique volontiers enseignante, done « sérieuse », des histo. fs bination St ce Ueoon aa gga St cep a See Camm Fl pda eae fi {Out cas pas chez les historiens,férus de réel et qui, fideles & Fp i sane Bet en Se) Se ron ie ee ne ar meneame oH te nye font ae waa vag aS Era copra Su a, gui dépoulle le mythe dese gungue fubviees heey seen names cess ho ras oe emprunts orientaux: voir l'article de H. Pore, « Erechtheids » of Juste frottés de quelques éléments indo-européens. amen 8 Vimaginaire des autochtones Athéna, e’Héphaistos et de Ge, il n'est pas question : un ficheux ‘supplément de fable, un habit mythologique). Certes il est, gi et la, des historiens de la Gréce pour s‘aviser que le mythe était partie imtégrante de la vie des cités; ceux-l& posent au discours mythique ides questions moins convenes : ainsi, étudiant l'élaboration d'une tradition nationale, on se convaine que, pour chaque cité, Phistoire “son histoire — tenait beaucoup plus du mythddés que de Pépure thucydidéenne’. Mais lé n'est pas, beaucoup sen faut, le discours dominant ct, en régle générale, les historiens de la Gréce préférent exclure le miythe de la cité (ou, ce qu revient au méme, 'abandonner faux amateurs de belles histoires) pour s’adonner en toute quigtude & “ne historiographie plus pondérée, qui chérit Pétude des institutions. ‘Aussi es lecteurs de mythes ontis quelque raison de se fier de histoire, dont ils ont renoncé & croire que, face aux mythoi, elle puisse avoir d'autre pratique que réductrice, On ne s'étonnera pas frop que, confrontés aux partisans des realla, ils se préoccupent Gabord den retourner les arguments. La cité excluat le mythe ? Le mythe s'écarte du politique comme d'un épiphénoméne trop bien conmu, et la réalité de Ia cité cde la place & un modéle de polis obérent mais immobile comme une idéalité. Les_historiens cherchaient derrie le mythe Tévénement occulté, Ie réel caché ? Donnant a son tour congé & la quéte du «réel », le lecteur de mythot proclame Fautonomie souveraine du discours mythique*, Partisans des reaiia, amis du discours : pour incarner & sa fagon a gigantomachia toujours renaissante de Vhistoire et de’ la structure, cette opposition n'est pas toutefois une fatalité. Parce que les historiens de la Gréce devront bien un jour, comme avant eux Yont fait d'autres historiens, admettre les «nouveaux objets » que histoire revendique pour siens?. Parce que histoire ne peut rester F Dowwage eps complet reste cei de Nissin, Cite, Mpthe, Pur donner tn exemple rent, on évoquera Tarcle de J. Ducat, « Rhégion », qui dude le réélaboration des themes mythigues dans les ris de la Ondation de Rhégion ‘6. On renerra 4M. DETINN® défsissant Te mythe comme «um discos sutonome prélevant dans la ral les ements dont il dispose souveainement © (Groce », 9-40 ‘TAwee les Jeunes» présentés par P. VIDAL-NAQUET («Enfant gre), le imytn, presente par M, Direnve (« Oxphée», constite la partie greeque dun furrage contier® aux nouveau objets de Mhistoire et qui enreptre Tinceet ‘vormais acquis ds bistorens pour le elma, Pinconsient, les mental, le ‘orps, la fen, Ite non exhaustive et & laquelle i faudraitajuter encore des ‘bles comme fa mor. indifférente & la question de autonome du discours. Parce qu'il Best pas de mythe qui soit totalement autonome a 'égard du ‘eel, que Von donne ace réel un contenu « réaliste » ou qu’on le définicce comme l'ensemble des représentations partagées de la cite: con entre ces représentations et le discours mythique, la frontiére s'est bas aisée di tracer, sauf a situer les représentations en dega de tout iscours — ce que les lecteurs de mythes n’entendent pas faire sauf a isoler des myrhoi purs, hors du temps de la cite, hors dec formes lttéraires qui au mythe empruntent un langage. Bref, former le projet de lire en historien des mythes dans leur amerage civique, e'était postuler que le mythe est toujours déja la dans ta cité, tissé dans 1a multitude de ses manifestations et de ses discours, au point que ni Vhistorien ni le lecteur de mythes ne devraient, confrontés a cet entrelacement, pouvoir procéder a un choix ou a une exclusion. C'était parier pour le mythe la précisé. ment ol il semble se perdre, hors de lui-méme, au sein de formes littéraires ou d'institutions de parole civiques comme la comécie, le. tragédie ou Voraison funébre ; parier inversement que e'est la cité ‘qui parle la méime ot le mythe raconte des histoires saugrenues. fost eu «politiques », comme celle de la poursuite d’Athéna’ par Hépbaistos, et de ce qui s‘ensuivit. C'était aussi, en s‘attachant & un mmythe athénien, choisir délibérément un objet présumé orthodoxe, trop orthodoxe peut-étre pour qu'on puisse dentrée de jeu en attendre la promesse d'un décentrement : Tautochtonie, mythe fondateur de a citoyenneté athénienne, et, derriére ce mythe, le Fapport étroit d’Athénes et d’Athéna, de la cité paradigmatique et dde'la divinité poliade. De fait, i n'est pas dhistorien de la Gece, ‘éticent lorsqu'l sagit de faire au mythe une place. fit-clle modeste, dans un exposé sur la polis, qui n’apaise sa conscience par un développement sur les cultes de l'Acropote®: mais Thistorien ne preud alors en compte que les actes de la vie religicuse. sans Sattarder sur le discours que la cité déploie autour de l’Acropole, Autant dire que ce choix, des acres rituels contre le discours mythique, répéte encore une fois le choix de la eéalite contre Fimaginaire, Or c'est dimaginaire qu'inversement il sera question &. Ainsi V. Enews, consacrant un parasraphe & lt question, au sein un GRE développement sur «le cult» comme fonction de TELt (Ete pac a 135p Moir ssi le développement a'Ed, Wins sur « Religion, paiatisme ct relttan, 10 ssa Vimaginaire des autochtones ici, d'un imaginaire qui n’est ni souverain, puisqu'l doit faire avec le réel, ai subordonné aux visées pratiques d'une politique conjoncturelle, ni finalement « orthodoxe »~ & moins «'admettre que 'orthodoxie tient de bien curieux discours et, surtout. plusieurs discours, parfois. N’anticipons pas. Il est temps de confronter le projet, certes ambiticux, avec ce que fut la recherche et aver les ‘questions qui tiendront lieu de résultats. Alu bse de ext engute done, le désir installer le mythe dans lace Le che athens de act gui, dan les etudesgresqus, figure ia pari du Méme. Mais qu’on nes trompe pas le choi Athnes simposait si ton voulat entre consigner aves précision les variations qu ffectent un mythe selon Tes Heute Tes plas il senonce, son vulataus eter de epee es SU produit sur le repreentations que Ia cite se donne delle mnéme, Or, lacunae sitll information sur Anes est mins trouge qu sur toute autre ete ete sivation faite Tenquete rduisant la part ~ névitable~ que tout leteur de mythes roete de ses fantasnes sur son oe. Enfn et surtout. si Aine 8 lus ue toute autre cit, proclamé la dominance du poliqu® il impor tat caller regarder de plus prés ce gules Athininsdisent myeh aquement de origine de I pois ‘Au suet de este orgie, je dlsposais entrée de jeu de deux types @énoneés que, pour la commodité du chercheur on autoctuas tie, Baripde a jtaponés Gans Ton “le peuple auochton de a eébre Athens w/a Erchthonios, fs dein teres . ee remier énonc, je vais rencontné au fil des épltaphiot logo oi Ee rater ofiisarbuen calletiement& tone ts Ake hens fe sugissement astocttone hors dso dela pate. cons comme Ia nblese nme. Laure version empruntat fe langage Te guration, dans la cramique atiqu ous Pane fos. Erich thonios mat sur PAcropoles passant des bras. de Ge a ceux , et Yon naccordera pas trop de poids & | | | le nom athénien périeléenne, on ne Yexiste pas, « dans PAthénes du_v sigcle, définie, mais des types d’union dont la cité démo se passe comme si périclécane, of de citoyen", pensée juridique pour envahi 8, non sans appeler Je mythe texte des Euménides oi Apolfon, refusant fantement et le nom de fokeus (gf r le pire les deux dimensions, feminine et masci la mére In 2), condense e, de la généra- «Ce n’est pas la mére dont on peut dire qu'elle enfante enfant le n'est que la nourrice du germe en elle semé. Celui qui enfante, crest homme qui la féconde; elle, comme une étrangére, sauvegarde Ia jeune pousse!. » ‘Texte fameux, portant Ia marque d'un extrémisme — celui Apollon Patréos, celui du discours tragique peut-éire — que, dans sa complexité, Ia juridiction athénienne dément : si la mére est st gander du presigieas micage d'une GER. Loyd, Selene, Folior, p. 86-94, comment expliquer existence union entre enfants nés d'une méme m ifférents!*? L'imaginsire, il est vrai, ne stembarrasse pas des ‘nuances qui font le réel, dans la légalité comme en d’autres secteurs. plus exacement : lorsque, pour pense Tide roster hors des atteint tragédie : nés du sol i logo, jonce inlassablement la représentation utochtonie collective, on s'avise rapidement que la version qu’en donne Platon est isolée, pour ne pas dire polémique, par rapport a la tradition dominante. Car la terre attique nest Jamis seulement « mére » dans les épitaph r retour en force du signiflant paternel, « mére ‘patris : mére et terre des péres) orthoxioxe de ‘orateurs font de Pautochton dont les femmes seraient totalement exclues. Affirmer, comme le fait Démosthéne dans son épitaphios, que tout Athénien hérite jduelle par son pire, collective par la au sein du le nom athénien prononce chez Thucydide. S'adressant aux famil répartt les proches des morts en trois erouy les fréres, les veuves®. Les méros, di ations Goulet) sur un pied GANG et de. Tagon Equitable quand on n'engage pas, comme les autres, des enfants partie & jouer” », agit vraiment encore des méres : développement cconsacré au couple parental, cest encore une fois le pére Te dessus, ‘A. considérer avec rigueur Ia représentation collective de tances imaginaires de la cité s'accordent & faite & la femme dans ta polis : la tutions 1a cantonnent dans Ia les lui retireraient volontiers langue Tui refuse un nom, les les représentations off {viet comme fi par lesan tng Yon du pee cP. ‘Vennant,« Mariage p64 ceaindre quiil ne s'appauvrisse ou ne s'exténue, A cqeur du mythe d’Erichthonios tel que les Panathénée: Sopérer’*; parenté, surtout niullement donneur de nom. les Athéniens se sont attribué dont on attendrait pour le moi appeliations quasi offic ‘or, dans toute 1a littérature athénienne, il n'en est, qu'une occurrence, au début des Fuménides* : encore Sexplique-t-elle strictement dans la perspective irer cette étrange histoire qu’est 1a naissance du premier Athénien. Naissanees mythiques rement que i diew ait cdlabre comme demsieur dh feu et ‘56. J.B. HARnIsoM, Prolegomena, p- 300, 132 Je nom athénten tochtonie. Cela commence comme un roman mythologique, par le désir masculin d’Héphaistos et Ia fuite de Ia parthénos Athéns®”. ymme chez Ovide, se dire sur le mode de le Mais Athéna n’est pas une nymphe effarouchée ct, quite & se métamorphoser, la déesse préfére user de sa métis en d'autres circonstances. En sa virginité farouche, la parthénos réussit {i échapper au viol et ces les modernes tentent généra- —Tengendrement du roi fenture somme toute banale un couple de dieux ~ que Pinvention des poétes ou les exigences de Thonneur national auraient masqué en linsérant aprés coup dans tune autre trame. Ms 'y résigner : dans cette histoire, et la ui ne consiste pas seulement & le, abandonnée au profit d'une andale d'une ification, plut d'Athéna’” ou contourner te incestueuse® : conter son extremis toute union sexuelle, Inversement, Athéna que, sar témoignage discordant, toute Ia tradition erédite d'un lien étr hthonios n'est pas introduite aprés coup dans une inieone » of un dieu, en Yoccurrence Héphaistos, Terrel, Héphaistos enfin ne poursuit pas la déesse & la seule fin o'introduire un pére dans ce qui était enfantement parthé- nogénétique de la Terre. ‘57, Sur la june fille comme objet privilege du dsr et des voir Cl. CALAE, Chea la Findiquer les reucenoes du Crifas& evouuet A surestimer ere d'un Héphaisios phage 145-146), 133 En revanche, il convient des’ place du couple pare ‘pas et qui sont nés, 'Héra sans Zeus, de Zeus sans Héra. Des « paren is qui, sans le concours de Gé, ne le seraient pas : une dans son refus toute aux travaux de la guerre et de la rechné* ; un n des sexes ne va pas dieu « phallique », dit-on, mais pour qui de soi, voud qui est a 'échec, ‘Aux origines d'Athénes, la techné ? Le mythe dirait: ue, of Pimportance effective de 3%, et ob Agurent Voraison fantbre, voir ‘6. Ce fix Pojet un article clone de H, Jeanna (« Naissance d’Athéna») 134 le nom athénien nent d'égale que Pampleur sans précédent de ‘menée pour dégager un politique pur, coupé de tot Je ctravail »*"? Encore un pas, et le mythe athéni deviendrait une versi du paredoxe prec d Mais, ce pas, fa ent le faire? S'il s'agit se rabattre physis sur techn, le bénéfice est mince, car, 40% cette affaire le role producteur revi wei savent faire le Unis dans une commune phifotech Ja premigre femme”, Héphaistos et Athéna forment, lorsqu'il s'agit de génération, un couple impossible que tot spare, & commencer par la sterile de Partisan, et & a cette question nest pas. simp! iation bien athénienne du dieu te sépare sur I'Acropole et ‘moins une certitude tique, de la Parthénos protectrice ne nous autorise certes pas & séparer radicalement T propos des noms & meds de la dynastic royale mythique &'Athénes 5 voir F. Frownsi-Ducnoux, Dadale double sat SHéphaisos et Aching, voi F. BRoNIMER, Hephaistos 75-90, 135 ce qui & Athénes constamment interfér a sphére politique jens aient pu penser de toute référence a ces faits de religion ? Mai nous Vessentiel — entre puissances il existe des préséances, et celle d’Athéna Polias est incontestable, sur I'Acropole comme dans le mythe dautochtonie, tel tel qu’on le figure”. Ce qui nous raméne a la naissance athénieane. & Ia pensée philosophique —et, plus précisément, & un philosophe du nom de Platon — de contester cette préséance en établissant un équilibre rigoureux entre physis et techné & Yorigine ¢’Athénes"’. Mais seule compte ici la “16, Le broullage entre physis et techn’ est systématigue chee Paton, que o& soit dans la République oi Vautoctoni, ee beat mensonge, 'accommode dene 136 le nom athénien civique of, au jour le jour des tes et des célébra- naissance du premier Athénien parle a la cité le langage de Ja «nature » Et cependant nous nen avons pas fini avec les ambiguités de Ia hysis. Car, dans la naissance de celui qui sera le premier Athénien humaine ? aura en produlsnt acquis, on ne reviendra pas. Q inséparable autant qu‘irréduc leur ascendance de ce qu'il importe ~ a la naissance du premier Athéni des naissances miraculeuses en provoquent _nécessairement autres ? Tl yaut la peine de cemner de plus prés cette loi mythique ‘qui défie la 1oi humaine de 1a génération. théna, modeler de Accoucheur de Zeus a Ia naissance . 9s semble prédisposé i Pandora, géniteur d'Erichth is né d'une mére sans époux” jore en passant par Hymne homérique é mn. solide veut en effet qu’Héra ait « engendré La position occupée par Athéna dans la rythe d'richthonios ir M Devine et ion analogue : ceste fort » qu'elle pare la premiére ferme, et sor sse sans mére» n'est pas évoqué par hasard dans un passage d'Euripide cconsacré au surgissement des Spartes thébains, ces autres autochtones Mais, si les naissances nt entre elles, si entre la déesse sans mére, le dieu, fils d'Héra, et l'«autochtone, fils des dicux® » iy a comme une mystéicuse parenté, entre la déesee et le n'y a encore une fois pas équilibre, ah ta naissance o'Athna et elle @Hiphaltos se répondent l'une & l'autre dans lipr 4 qui engendrera seul™ Penfant le dans cette éris divine, c'est toujours Zeus —le Pere~ qui a dessus : Athéna surpasse Héphaistos, toujours. Dans la Théogon bien sir, of Héra n’engendre Héphaistos qu’en guise de riposte a la naissance d’ Athena, son époux ». Dan: bien, pourtant, que é fl Phinitemnes, 66. niosautochtone er ls des dieu, volr BURIIDE, Médée, 824 83, Voir c-desus, « L’Autochtone : une topique athnienne wp. 57-58 B84, Cf. M. Dariznne,« Engendrer seule» Voit Théogonie, 921929 et Fiyrme hhomérigue é Apolion, 305-354. 138 te nom auhénien *, qu'Héra riposte en enfantant Typhon. Un le pour contrebalancer Ia déesse glorieuse. Un ‘monstre pour venger Héra de la naissance comme un défi a cette Athéna que la parti se ove, au detriment de IEpouse divine qui, cohérente au sein de ses contractions est fondée & acoser Zeus ‘avoir outagée le premier» Sans doute ne #3 Une troisiéme raison no a Athéna le pas sur celle a Pour élairer ce déséquilibre flagrant, sans dout le caractee exceptionnel du surgisement d'Athéna, seul «enfant divin » miraculeux du sexe féminin que connaissent les mythes sans doute observera-t-on que dans Ia Gréce classique i rexiste pas de représentation des naissances qui s'opérent en dchors de tout ve faisant, on aura 5 grees, qui n'ont figuré ni ‘ment » dont il est question au vers 37 est pri ‘on chronologgue itgresse pine dans son Hephaisog he qu) tt ln tradition dominante sur le naisance de ce dew (dont il fit p 135 fils de Ze) ‘88. Ainsi que observe Chr.Sourvmoutkwoop, au détour dan 4 «Persephone and Aphrodite, p. 164 voir aussi J «Chis, p 386, 139 des Spartes ni lengendrement ’Héphaistos, 1 4 représenter Zeus en gésine, Dionysos sortant ck cuisse du Pére des dieux ou Athéna surgissant de sa téte ; cera Que, quitte a naitre dun et non de deux, il re, en observant toutefois clui dont plus ancienne figu nombreuses en sont données par les cependant que, sur le fronton est du Parthénon, Lorsque, ignorant lassemblée divine qui la naissance d’Athéna, une image campe les protagonists e i. sur une coupe figures noires, Zeus, le foudre a Ia main, la déesse tout HL Razno, Kerametkos If, p27), Par cnt, le corp ‘Taina propose de nombreuss rere ‘eux Thyies ou du sur pithos eyeadique de Tenos qu contre les héstations de F. Bronnren, « Ge pis «comme accoucheur que comime parte ‘oie EB. HARRISON, « Athena and AtNons 1e nom aihénien armée eelangant hors du chet patemel, Hépkastos avee sa hache, Sill faut référer la naissance autochtone du premier Athénien & tune autre naissance miraculeuse, celle d'Héphaistos céde le pas & le fils de 1a mére sineline devant la fille du pére. ‘Tout nous invite a interroger en Athéna sa figure de déesse sans ~ Héra ne s'y trompait pas, dans Hymne homérique @ Apollon : fn mettant au monde Athéna, le pére des dieux et des hommes a gravement porté atteinte aux lois de Ia reproduction sexuée et & équilibre du couple parental, puisqu’il s'est annexé la part de la mére, d'Athéna dans la majorité des textes et des représentations figurées : présence d'une ou de plusieurs ique clairement sur les vases ath Héphaistos quand elles n’évineent pas tout bonnement le die bio h Canons. Gebwn p be 8 le nom athénien Que ce vocabulaire entre en concurrence avec une autre chaine sémant esol de son pire » que protégée par la tunique de Zeus ic ide fran; Athéna : la vraie fille de Zeus. Que les Grees aient ov non été conscients que tel était bien le sens étymologique de son nom de décsse tire sa glo , dans VErec fantée, avec ou sans Tithyie, Athéna est) fille de Zeus. Sa naissance sens mére, ‘reeque du mariage, Démétet et Perséphone incarnent avec autorité, Zeus et Athéna opposent avec succés, du du pouvoir, le couple du pére et de la chez Hésiode un dans Hynote Romerigue & Athéna, 4. Ttopéoela, la veale fle de son pee » voir P, KnEnscHIMER, «Trike Athéna dans Ia Théogor dexalter plus que tout ce rapport on en vertu dul Ie é pe de la toute-puissance de Zeus. ce n'est pas la volonté de Zeus qui la fora jamais in des bienheureux dieux immortels ; tant est égathymos) celle qui la surveille, la (obrimopatré), Pallas Athéna qui tend les mains ait Ia force d’Athéna de de calle de sa protec entire du e6té du pére ? Non que, dans le déni de aussi loin qu’Apolion qui Vinvoquait comme « preuve q tre pére sans Taide d'une mére!t! », Déesse poliade, elle ne saurait ie de go la part que prennent les femmes la reprodue- «Je rai point eu de mére pour me mettre au monde, Mon coeur 107 Tidagonte, $87 108. SovoN, fr. 3 Dinu, cté par DéMosrutins, Sur Fambassade, 25 G. Matnieu, CALE. modifite pour obrimopatr) 1 Buménides, 662-668, Afirmant qu'e aucune déese ne sauric prod fel rejton , Apolon apport un ein Maa le nom athénien pour le mariage ~ est toot acquis au mile sas Quittant i mythique comme celle dont les Euménides content instauration, evenons au mythe ionios, bien avant toute histoire. Le mythe d'origine n'a de s'accommoder du réel naissance autochtone événement fondateur. Or il est un vase athénien qui chose. Sur Mhydrie de Londres! ékrops pour assister ala seéne. Oubleé leg spar nieur du mariage et son corps hybride homme serpent it de comparses dans un instant ainsi que Patteste la présence de Ni grande tenue de guerriére, Ia déesse, Promachos austére, reyoi enfant que lui tend Gé. Lui faisant face, il y a, présence inst Zeus, foudre en main, dans une attitude qui rappelle celle 'Héphaistos sur d'gutres vases", Sans doute le projet du peintre Eudnides, 736-740, 939-1000 : Aude naptivon, averse, comme le vou suggérerat volts tail de transformer apparition du premier Athénien en un ‘«Evénement quasi olympien!” », Je ne m'empresserai pas toutefois avee Cook, cette occasion inespérée pour aflirmer que Zeus était le protagoniste obligé de la scéne — tout au contr Zeus. Ainsi, sans coup férir, un peintre athénien a place la naissance d'Erichth tion dune série de rapports complexes, est, la part paternelle qui sous-tend la lecture athé Erichthonios. Reste une difficulté : & se penser comme autochtones comme & se Gonner le nom d’Athéniens, les citoyens d’Athénes disent qu'ls tiennent tout d’Athéna. au grand scandale de ses dévéts les plus austéres!™, "Une aeene femme: : femmes d’Athénes, moins vainewes a ué aux hommes un tour pendable en seraient pas tant Athénien @honneur, Wilamowitz nous tirera dembarras, ne Ce qui n'awtorize pa 1.298) dy voir an «barboullage icon | KRON, Phyleskeroon, p.$7 («der Athenageburt insance A le nom athénien ue cette figure tune parthénos a que, dans les de la guerre, réservée @ Phomme, voue inearner dans «leur maximum dintensité™ », Porter le nom @'Athéna : fagon tavtologique pour un Athénien de dire sa citoyenneté. Le nom tragique d’Athénes La relation @Athina et Athos est mise o risioteles und Athen, TE, p35 et 90. Oiseaux, $0831 "Beds yo yeyowlE nave 123. Cf. JeP. VEANANr, « Guere des cits p38, 128, C. 1. Hunworon, 27, Voir E.R: Dooos, Irtfonnel,p. 4445 etn. 38, ainsi que W. Buexer, Griehische Religion, p.233, 7 se plait A souligner qu’entre Ia déesse et Ia cité Ia frontiére constamment se brouille, chines apparent § Aina, et umf tout comme In déesse Euménides méme, iresser la carte de toutes remarquable. dele Poliade vers ceux quelle fe de nature polissouchos («qui tient la cite) 4qualifie les Athéniens™!, Appartenance ? Disons plutét « parenté bl Iaquelle les. citoye Raissance en cet état dindétermination oi le fEminin_participe encore du masculin'™, Athéna est tout cela pour Ul est peutétre une fagon tragique de le donner a entendre. De la priére qu’CEdipe pourchassé adresse a la cité accueillante : fon nom de la grande Pallas (mégistés Pallados «Toi qui alouménai) » 4 la présemtation d’Athénes dans (Yc sminine » pour as les lniderons ~ ni de son paychisme, mas de oe 148 1e nom athénion «ll est une cité grecque, non sans gloire, qui tire son nom (kekléméne) de Pallas-Lance d'or » ou a Ia déclaration d’Athéna, « Eponyme de cette terre (épdnymos... chthonos), je suis veaue, moi, Pallas Vissue de la méme pigce ls d'affirmer qu’ Athénes on employs ‘ment » Pallas et Athéna' ou de justifer cette subs raisons métriques. Mais, quand bien méme on croir de raisons purement métriques, et Euripide niont pas eu recours & la forme Arana qu'ils pas 4 employer ailleurs!” et, vrai probléme : il n'est pas de mot pour rien, surtout dans un texte tragique, et un mot pour un autre, abord un autre mot. Evoquant le nom de la cité de celui do la Jeune ‘est en effet, i en croire Strabon, Ia jeune fle, et, pas plus que les TIS. SomHocLE, Gile d Colone, 107-108; Bunter, fon, 8-9 (ob 39. Crest du moins ce qu'afement C.J. HERIGTON, Athena Parthenos, p.9, oc E Fran, Keuschheit,p. 196-198 149 ste" — de Parthénos. et lon se prend a regretter que n des textes arréte au mauvais mom thénas gonai) du cor les choses se hhasard de la fragment de lermippos attesté dans compli transmis Nalssance a’Athéna «Zeus : je te donne, di Nous n’en saurons pas plu ton dans le Cratyle font de Pallas « celle qui brandit » (Ia lance) ov «cgui danse >", Nous avouerons-nous vaineus ? Ce serait 8 qu’autour du parle d'adolescence, de et que, dans la pratique rapport au pére et d'ambivalence sexue ‘quelque rapport avec les religieuse des cités grecques, Pallas 144, Voir F. Vian, Gears, p.270 os, et K.Kennv, Jungfrau, p.29-31 (Qu voit dane Polls le c6té «meseulin » Wathen). 150 | le nom athénien ‘jeunes », éphébes a Athénes'*, vier tout dans Ia tragédie et la comé les, qui nous ont guidés it au long de ce parcours, que on eherehera di Sattardera sur un choeur des’ Thesmophories, a 1a gl «Pallas, amie des chocur gardienne de notre qui a nom porte-clef Ia _vierge libre du joug, la ule y détient visiblement le pouvoir et ie donnent 4 Ia déesse doat elles se plaisent & de jeune fille indomptée™ » en méme temps qu’ ie nom de Pallas. On évoguera encore '/on d'Euripide un partage semble s'établir entre le nom @Athéna, tard me courotrophe d le nom de guerre des Géants, tueuse de Gorgone!™ et porteuse dé On ajoutera enfin que, parvenu au terme de son errance, Cd Colone avait peut re quelque rai fille : 4 1a vierge divine d'assurer ces autres parthénoi, Ia reléve des vierges humaines — ses files, et surtout Antigone ~ dont le texte rappelle avec insistance qu’elles sont seules & protéger la vie de laveugle™". TSI. Antigone, Antigone et laméne: dpe & Colon, 448 Sets 1365, 151 Rassembler ces indices suffitil 4 assurer que, sous le nom de Pallas, les Athéniens entendaient bien «la Jeune Fille »? J'en ferai ici Ie pari — Wilamowitz s'entourait de moins de précautions pour affirmer'* ! — et attribuerai a Sophocle et Euripide déplagant vers Pallas !'éponymie d’Athénes 'intention de rappeler que c'est d'une vierge que la cité tire son nom et son existence. Ce parcours dans Vimaginaire athénien s'ouvrait sur Aristote Platon nous aidera a le clore. Aprés le philosophe le plus résolu- ment sourd aux séduetions de Vimaginaire, celui qui s'y est le plus, ouvert. Donnons done, pour fini, la parole au vieillard crétois des Lois, forsqu'au début du dialogue il nomme pour la premiére fois PAthénien : «Etranger_athénien (Adhénaios) —car je ne voudrais pas te nommer habitant de Attique (Attikos), tant tu me parais mériter uun nom qui évoque celui de Ia déesse (tés théou épdnymia) —, en faisant remonter comme il se doit la thése & son principe, tu y as introduit de la clarté!, » Sans aucun doute Platon entend dire de deux fagons que létranger «'Athénes est un Athénien digne de ce nom : parce qu'il sait intro duire la clarté dans une idée en remontant a son principe (archa), est le disciple de la déesse, arché d’ Athénes et amie de la sophia’ parce qu’il est Yéléve d’Athéna, il mérite <'étre nommé daprés Péponyme de la cité : Athénaios. Mais Platon s'est plu de surcroit & inventer la fiction d’un choix entre le nom d'Achénaios et celui «'Artikos. Fietion intéxrale, puisqu'll n'y a pas de choix, A thénaios désignant normalement le citoyen cependant qu’A ttikos est employé au féminin pour caractériser les femmes d’Athénes en leur subordination. Ce jeu plator jen nous raméne a ce qui fut notre souei : fe nom 1215.5 es Buménides sont éroquées en 106 ;Athéna et Pallas en tant que fle de Zeus en 1090. 152. Wnawownr, Glaube, I, p.236, 153, Lois 1, 6264. 154, Cris, 109 152 at le nom athénien athénien"*, Ou plus exactement la surdétermination mythique des valeurs masculines dans le nom du citoyen d’Athénes. Autour de leur nom, les Athéniens ont construit un réseau de miythes. Crest un fait, Ia cité porte le nom ’Athénes. Dont acte. Dot un ensemble de récits ‘Dans l'un de ces récits, ce sont les femmes qui ont nommé la cité, ceroyant sans doute faire triompher leur loi en votant pour une déesse-femme. Mais, éisant la parthénos, fille de Zeus, tout scquise ‘au droit du pére, elles y ont perdu le nom qu’elles venaient Ginventer. Le mythe explique qu'il a'y ait point d Athéniennes. Point ¢’Athéniennes, pas de citoyennes. Simplement des femmes. Sur l'Acropole, la Parthénos accucille Pandora, fagon indirecte de politiser limpolitisable race des femmes. Ou plus précisément la race des femmes que les Athéniens n'intégrent pas, a'entendent pas intégrer a la polis. Mais sur I'Acropole Pandora est doublement une invitée. Invitée @Athéna, invitée d’Erichthonios, le premier Athénien, enfant symbolique de la déesse, Et la tradition athénienne dominante veut que ee soit Erichthonios qui ait baptisé Ia cité, & V'aide de ce nom cAthéna qui est son patronyme secret. De tous c6tés la vietoire d’Athéna dévalorise la maternité des femmes athéniennes eu importe ici que la réalité sociale soit plus complexe que les mythes. Ou plutot il importe quelle le soit, pour que le nom G'Athénes, cette évidence simple, soit érigé en un noyau de verte autour duquel se sédimentent les mythes d'origine, imaginaire de la hnaissance & la disposition dune cle «rhommes 155. Nous rctrouvons ici encore use fois Witawower, intitulant « Dee athenisehe Name le chapitreT ai: tome de Aristoreles il eat vrai Que 0 fagon, qui est celle un professeur allemand, Wilemowita a et seasible & ces problémes. 153, vie Réalité, fiction : les Athéniennes L’Acropole comique+ Les femmes : prises entre la « race des femmes » et la cité, comme centre Aphrodite et Athéna. ‘Au pied de I'Acropole d’Athénes, il y a Aphrodite ; au sommet Athéna, Crest dit, les femmes d’Athénes prendront I'Acropole. Telle est la trame de Lysistrata, En formulant ainsi trois propositions pour lire la plus aristopha- rnesque des comédies d’Aristophane, il ne s'agit pas seulement de décevoir le lecteur pour qui Lysistrata, c'est autre chose : un joyeux tissu d’obscénités — des obscénités que les érudits se réservent pour leurs instants de récréation, se gardant bien généralement de les traduire, si ce n'est en latin (pour n'étre pas plus chaste que Ie grec, {e latin présente incomparable avantage de n’étre pas du francais la pudeur est sauve, Pérudition préserve sa vertu, et son monopole de lecture). De fait, Lysistrata, c'est bien dabord cela: quelque * Version remanige d'un article paru ultrewrement dans Ancien’ Society 11-12 (1980-1981) Pour I rflaboration doe tet, je dos beaucoup aun tema ques de Pauline Schmit, aux documents qu'a mis # ma disposition Jesper Sten. ro 187 chose comme un tissu d’aphrodisio# logoi, de ces « propos sur les choses de amour » dont, & en croire Sémonide d’Amorgos, les femmes font V'ordinaire de leurs conversations. Mises en scéne par Aristophane, les femmes athéniennes défendent gaillardement cette réputation' : la gréve des rapports sexuels n'entrave pas leur langue et, faute d'accorder leurs actes a leurs paroles ~ ce qu’elles feraient volontiers, n’était 'autorité qu’exerce sur elles leur meneuse —, elles ne se privent guére de nommer les choses par leur nom. Bref, c'est & Juste titre quelles jurent par Aphrodite, plus d'une fois®, et mon propos n’est pas de sous-estimer cette dimension de la comédie. Mais, si Aphrodite régne sans partage sur le verbe des femmes 'Athénes, si cle régne de Venus » est, comme on Papprend dans La Belle Héléne, «un régne joyeux., il n'est pas sir que Ia part Aphrodite ne masque pas sous un éeran de joyeusetés une autre part, plus secréte. Ici encore la tradition érudite a une réponse toute préte: il s'agit du «panhellénisme », bien sir, dont Lysistrata, héroine positive et incontestée, se fait la 2élée propagandiste ; cela, autres l'ont dit avant nous, abondamment, et, sans nier Pexistence de ce théme, on n'y reviendra pas. Quelle est done cette part secréte, {trop souvent négligée ? Je répondrai d'un mot : Acropole. Ce qui ne signifie pas qu’il faille considérer «la Lysistrata 4’ Aristophane dans certaines de ses scénes » comme «le meilleur guide topogra ywe de PAcropole d’Athénes* ». L’amateur d'antiquités peut certes s'amuser, visitant l’Acropole, & remplacer son Pausanias par tun Aristophane. Mais c'est un usage dévoyé de Lysistrata, eat le 1. Sure caratére partutement intégré ct jamais gratuit des plaisantries senusles dans Lysistrata, voir HENDERSON, Haculte Muse, p94 ct 97 2 Lysistrata, 207, 252, 586, 749, 888, 939. Pour les citations, je me suis inspire de Ia traduction de H. vaw Dasts (Coll. Un. France), sans iy ast tir evoitement 3, Yoir par exemple D.M. Lewis, «Who was Lysistrata 7s, 3, et CH. Wurman, Comic Hero, p. 201: Lysistrata ost pas grotesque (ele cat allers de tous le ois» ou « ayrans » de comédle st Lys 706 ~ omasse —et JC, Canaitne, Carnaval, p. 121). Parent les rares images animales de cst omédie, aucune ne lui est atribuée (par contre, ls femmes sot globalement désignées par le chor comme thvia (468, 1013] ou knddala (4761 ; es betes savages) 4. Citation empruntée 4 Ch. WoRDSWoRTH, Athens and Aico, p. 111 (et 08-110) cf -B.BLRooeRs, Lysisirare, p. xvi (Commentaire dont it faut souligner lz qualité en ce quil pte une stentin minatisse au roe jou pat Acropote chaque instant de a pie). 158 Vecropote comique projet du poéte comique n'était pas de faire ceuvre «antiquaire ct, fi dans son ensemble ni dans Pune de ses parties — je pense au élébre « passage sur les initiations féminines »—, la comédie ne visait @ livrer des informations sur l'Acropole au public athénien (qui n'en avait cure) ou a la postérité (dont Aristophane se souci peu). Non, Lysiserata n'est pas une piéce sur 'Acropole, mais VAcropole y est un opérateur comique essentiel, Si, lorsguelles Savisent de jouer a Ia guerre ou a Ia politique, les femmes fournissent & la comédie un de ses ressorts les plus efficaces, leur retraite sur PAcropole, qui est le téménos d’Athéna mais aussi la polis sacrée, au ccrur de Ia cité', doit provoquer le rire : tout paradoxe fait rie, surtout lorsque, représenté sur la seéne comique, il est exorcisé sous la figure de Futopie, ‘enter de lire dans Lysistrata ce que le public athénien y voyait ty entendait, c'est done se donner d'autres prémisses que les Joyeusetés qui font toujours rize, mais qui, dans la tradition éradite, servent a fermer Paceés au texte Drautres prémisses ? Revenons sur les trois propositions énoneées tout & l'heure. Las femmes : prises, dans toute polis, entre leur appartenance & autre sexe — cette «race des femnmes » dont la tragédie attique emprunte & Hésiode le fantasme® — et leur difficile intégration la dont elles ne sont une «moitié» que dans la pensée des philosophes. Que cette ambiguité soit tout spécialement le lot des femmes athéniennes, Vatteste la présence de Pandora, la premiére femme, sur Acropole, aux pieds de Ia statue de Ia Parthénos” =i ny a pas de premiére Athénienne, il y a Vancéure du gévos naikén, officiellement invtée sur la colline sacrée. 1a race des femmes, la cité. La premiére de ces deux unités est vouée a Aphrodite : Hésiode le laissait entendre, a la suite de ‘Sémonide Euipide ne eesse dele clamer, Aristophane le rappele'. 3. L’Acropoe comme pois dans fa ett: Lys, 245, 266, 288, 302, 317. 238, 1754, 788, 912, 1183, Voir cidessus, « L’AutochtOne une topiqueathéaiene pa. 6. Référence eschyléenne a la notion de race des femmes : voit P.ViDaL- INAQUET, « Boucle»; ference euripidéenne: voir ci-dessous + Créuse autoch tone» 9.205207, 7. PAUSANIAS,T, 24, 7. Voit oi-dessus, 8. Hésiode :symétriesrucurle de a = fom athnien sp. 122 nce Aphrodite ot de eee de 159 La seconde est, lorsqu’il sagit d’Athénes, sous Vautorité ¢Athéna, Entre Aphrodite ct Athéna, il y a les femmes d’Athénes. Lysistrata conte la prise de I’Acropole par les femmes d’ Athénes. Bizarrerie ? Peut-itre. Tout oppose Athéna a Aphrodite, semble-il, et d'abord Ia résistance inflexible opposée par la Parthénos a la loi du désie*. Mais, refusant en son nom propre de subir la puissance Aphrodite, Athéna sait ménager dans sa cité une place a la déesse de la philotes : sur les pentes mémes de PAcropole, elle accueil, du cOté des Propylées avec Peithd (Persuasion), du cdté de VErechtheion dans le sanctuaire des Jardins oi elle est associée & Eros", Ainsi, dans la conscience @’un Athénien peut-étre, dans celle Pune Athénienne a coup sir, la puissance d’ Aphrodite n'est en rien incompatible avec le pouvoir @Athéna. Et, de fait, le plan de Lysistrata consiste bien & mettre chacune des deux déesses au ice de l'autre : la sécession sur PAcropole, sous la protection de Ja Parthénos, doit irriter —irrite effectivement— le désir des hommes ; mais irriter le désir pour mieux restaurer le mariage dans tous ses droits, c'est travailler au bon fonctionnement de la cité Athena. User d'Athéna au service d’Aphrodite, d’Aphrodite au service {& premie femme dans Ia Théogonie ef. H.Scuwaat, Theogoni, p.80); SewoxtDe, 7, 90:91 (aphrodisio logo ; Eunirie, Hippoiyte porte courornes, 616-619, els nombreux fragments eassemblés par Sronée dans son Per samo (Anthologie, 4,22); Anusrorune : le juron par Aphrodite ett spéeiSquement FEeainin (Assemble des femmes, 189-191) e, dans Lysistrata il arrive ql so associé 4 la thématigue'de In race dee femmes (252), 9. Hymne homérique & Aphrodite, 7 ets (ef. C.H. Watraax, Comle Her, 1.203) jon évoguera encore la declaration Athena cans le Eurménides aa suet de Faversion quelle éprouve personnelement pour le mariage (751); déclaation analogue, aversion pour Aphrodite. dans la bouche Armiecete mute inn itge, dans Hippobyte porte-couronnes (1301-1302) 10, Sanctusire d Aphrodite Pendémos & de Peithd, 3 (ooir LBescén, « Topograia ateniese», p.$17-528): sancusie & Aphrodite en ‘pois, au nord: PaUSANIAS, 1 27, 3 (Vol O. BRONEER, « Erot snd Aphrodite» 9-5, sins que E. Lanouorz, Aphroie in dr Garten, 9-28-29), Dolcon,a¥ee G.W. ELDuRKIN («Erechtheion x p. 122), parler un reoulement &'Aphr Athéna ? Renversant cette perspective historicste, on satache ich hancement de espace religieux ’Athines ay ¥* sls, od touts passe In déese poliade accvellait Aphrodite sur Acropole sans que cele formule oe juge aucune thors sur Tatdront de une ou Faure des deux desses, On tap pelea alleurs qu'Apkrodite disposi de nombreux senctusiresathenens ure ell de FAcropote. 160 Lysistrata et la topographie de ! Acropole 1. Théétre de Dionysos. 2. Parthénon.- 3, Erechtheion. - 4, Pandro- seion. 5. Maison des Arrhéphores. - 6. Temple d’Athéna Nike. - 7. Apollon Hypoakraios. » 8. Grotte de Pan. - 9. Grotte d’Aglauros. - 10. Enelos 'Eros et «Aphrodite. ~ 11. Autel d’Athéna. - 12. Athena Promachos. - 13. Enclos d'Antémis Brauronia, - 14. Propylées, 15, Clepsydre, - 16. Voie Panathénsique. «Athéna"* : fagon féminine de servir Ja cité, du sein méme de Finterférence qui constamment sopére entre génos gynaikén et polls Fuyant Athénes pour le pays des Oiseaux, Pisthétairos et Evelpidés, citoyens athéniens, se présentent aux spectateurs «Nous, d'une tribu et d'une naissance estimables, citoyens vivant vee des citoyens [..J >. Attendant au pied de I'Acropole que d'autres femmes viennent les tejoindre, Lysistrata confie son amertume a sa voisine de quartier (Kémétis) Kalonikeé : «Je suis trés vexée pour nous, les femmes" J Diun cété, des citoyens, enracinés dans Ia vie civique par une et une naissance, fussentils perdus en plein désert, comme Crest le cas au début des Oiseaux. De Pautre, des femmes : des « Athéniennes », bien sir”, mais qui, comme il se doit, n'ont droit nj a ce titre ni a celui de citoyennes, tout au plus celui de ‘voisines de quartier ». Comme si, entre la « race des femmes » (la moitié de "humanité) et le quertier (unité de vie privée, plus petite encore que la plus petite unité de espace civique, le déme), il n'y avait pas de lieu —et surtout pas un lieu politique— od pit siinscrire la solidarité des Athéniennes. La confrontation de ces eux prologues est éloquente : politiquement parlant, les femmes sont mal intégrées & la cité Mais c'est 1a force des faibles que de retourner la faiblesse en force. Crest Ia ruse des femmes que de jouer de leur statut de Ti. importance ie deces devs dees aff pry pat GW. Exoenker aoe an artless 9) content nombre de eaes use, sane alt ‘rig ate etme Praia do eo Sines ec, 35:34 (en 40 on Uouve le hom Atha; Lyset, 4 (end et kémetts), 10. we na 13. us ce que, ax ves 40 Lysate annonce sn ination de rai ies femmes. de Gree, Kalle exten & evidence sie ferme» comme Gea _Biontlesermes eatin» On comps see ae Fs 162 Facropote comique femmes", Gynaikes: cola sert, faute de mieux, a désigner les Athéniennes, mais cela désigne d'ebord les femmes, toutes es femmes. De cee ambiguiténait une idée bien claire. Pas ou moins cxclues de la ve civique selon les cités, les femmes appartiennent toutes de la méme fagon au génos gynaikén ? Qu’a cela ne tienne. Par-del les froniges des cits, ells s'uniont,reconstituant Punité de leur «race n toujours préte a se reformer. Pls solide que les tréves entre cits, plus solide que la tréve individuelle conclue par TAcharnien Dikéopolis avec les Lacédémoniens sera la pai générale & laguele les femmes sauront contraindre les hommes ils sont citoyens, quits usent done de leur pouvoir de dévision pour voter la paix! Dune eité& autre, la race des femmes se charge di reste. Brel, si la Grice des cités n'a conn aucune Internationale, pas méme celle des démocraties contre les olgarchies durant In guerre du Péloponnése'’, Aristophane invente la seule Inter- nationale pensable, le temps d'une utopie et sur In seéne comigue celle des femmes, seule peut-ére & pouvoir donner un sens au mot Hells. «Le salut de la Gréce entiére dépend des femmes », proclame Lysistrata et, sans se laisser impressionner parla réponse de Kalonike «Des femmes ? Faible support en ce cas», elle ripete “Si les femmes se céunissent ici, celles de la Béotie, celles dit Péloponnése et nous-mémes, ensemble nous sauverons la Gréce'®. » Les femmes : de Béotie, du Péloponnése, d’Athénes. Ce qui n'est pas tout fait Iz méme chose que dénumérer les Thébaines, les Lacédémoniennes et les Corinthiennes, et enfin les femmes . Sur cote question, voir eidessus, «Le Nom sthénicn mp. {25 18, 18, La traduction de démousn par «concitoyennes» (van Dace) est iégitime en 354335 ; quand Aristophane veut employe fe mot polit, ilTemploie (42), slémortta dit dre tadult par «mes sompagnes de deme » 20, Observant que ls femmes mises en see sont toutes mares ct qu a gxéve sexuelle ne conceme que les femmes de cltoyens, KJ. DOVER (Arsiophants Comedy, p 150 et 160-161) caractérse 4 juste tie Lysisrete conte Une pices sur le mariage, DL Lyn, 32 22, Liberté: thevdipa ip clu (379) est ln réponse, a fois mining athe 164 Yacropote comigue elles sont surtout liées a la cité par le lien infrangible de la crophé quielles en ont regue dans leur enfance”, On aura reconnu le célébre « développement sur les initiations fEminines », sur lequel je nne m’étendrai pas pour 'instant, me contentant ici de souligner aprés d'autres Ia distorsion en vertu de laquelle les femmes parlent ‘comme si ce trajet« initiatique » les concernait toutes, parce qu’elles «{raisonnent] comme si les Athéniennes étaient effectivement la cite. » Bien évidemment, cette qualité d’Athéniennes qu’elles exhibent fiérement, les hommes la leur dénient — c'est un comble qu’elles aillent maintenant faire des remontrances aux citoyens, quelles parlent, elles, des femmes, de boucliers de bronze® »—, et ils ne cessent de leur rappeler que Ia race des femmes est le seul ensemble auquel elles appartiennent vraiment : selon les vieillards athéniens qui forment le choeur des hommes, elles en ont Panimalite redoutable, Vimpiété, impudence, le tempérament débauché™ A, entendre le choeur pour qui Euripide est, s'agissant des femmes, un maitre & penser, elles sont tout simplement un « léau manifeste » auquel, nouveaux Hippolytes, les vieillards jurent avee constance tune haine éternelle”. Ce n'est pas que les Athéniens soient vraiment ‘lean, & Faccustion dmpudence lancke contre les femmes par les velar. Voie encore 463-464, — Andrei: en 843-547, loge des femmes etl version Feminine e Peloge da earactce atten el qu'on let dans es éptaphio logo: ares, le mot clef de Porson fundore, physts ext central dans éptaphios de Lyrae ch ris rogue Tuvevoibe, I, 41,1, trasos ne serait pas deplacé en Tonic, Il, 39,4 et 80, 3, sophos & phrontmosrésument THvcrbine, Il, 40,1 ee, phlopols be paste de commentaire ainsi gu'andretoard (S48, 1103 25. xnsGGoay day Bye ut (640). Je dois Vidéo de initangibité du Nea instauré parla sophe aux recherches de Nathalie DaLapien sur Pais ef Trophs 24. P.VIDALNAQUET, «Enfant green, p.154. A, BasticH (Puides, p. 213 282) observe suin cu daer-de-conclaion, ln Jeoreanes ents i tadiion, ‘gu pari de deur arthéphores, et le pasage de Lysiraua 25. On appréciera Popposition de Foktas et de roves o@aas (626-627). 26, Animalit: 468, 476, 1014 (ainsi que 260 oi gbaskomen kvoque la sourrture que Fon donne des animaux ; c'est le déni masculin ce Ia trophé politique revendiquée par les femmes, et it nest pas indilfrent gil y it Ik un Souvenir de la Théogone, cles hommes bells noursset (books) es Femmes faucbourdons: voir J-P. Venwavt, «Table p. JO4112 ey, hdesusy « Sur la race des femmes » p. $2, n.35).— impidté: 283, 371, 622, 635. ~ Impudence: 368-369 (Uvemmn” anaidé), 1015 ; volt eacore 283 (Uoimemah, 318 ct 379 (chrasos), 399, 425, 688 (brs). Dabauche = 387 et 2, 398, 40S, 1015 (eur onda, ef. M. DETIENNE, « Panthire s,p. 94:96). 27, Le mot initial du char est emphandskakon (261) ee 1019, le conyphse 165 préts & se passer de ce fléau, mais, comme le mari de Lysistrata, ils Pensent que sur la distribution des rOles et des places il n'y a pas a revenir : les hommes & la guerre, les femmes au métier & tisser’, Aussi, sans comprendre que la sScession des femmes vise & rétablir la conjonction des sexes, les hommes interprétentils cette situ de monde renversé™ sur le mode de la guerre, sexe contre sexe™, Ainsi le commissaire du peuple (proboulos) aligne ses. archers seythes face aux fernmes qui, instantanément organisées en bataillons belliqueux et bien armés, se montrent a la hauteur de leur réputation de pestes indomptables : des Artémises ; mieux : des Amazones™. Que cette guerre entre sexes soit aussi une guerre sexuelle le texte le dit clairement ; de méme, ce n'est pas par hasard que, protestant contre la «tyrannie » des’ femmes, les viillards accusent les Athéniennes de vouloir rétabli, elles, ces excellentes ccavaliéres, Ia tyrannie d'Hippias™. Pour les hommes, il n'est de politique féminine qu’érotique. ‘Mais les Athéniennes, comment se pensent-elles, en tant qu'elles sont femmes ? je encore aux femmes une haine ernele, avant de se repliee (en 1040) sur une ‘ue pls sine des choses («ni avec eles ni sas elles»), qu'il emprunte ailleurs {galement dla thématique du génos (vir par exemple Susrion dans Sroate, IV, 22, 68). 28. fs, 319. 29, Lys. 352: gprosdokéton le monde renversé vu par Lysistrata: 772 (ct 18 bréprepa viprepa Soe. 30. Voir surtout 638 et. ot, obstdés par Tidée du monde & Venvers, les wields ne volent pas que les femmes venneat en 681 de se replier sr In ‘inition raditionelle dela femme comme teproductice de Ia ete 31. La bataile: 480-484. — Les femmes indomplables (amachod)* 283, 1044, ~ Artémise + 674.675 (Artemis et Pncarnation di monde reaver; aire spar. tion du théme a a fn Ges Thesmophories, 1200 ets. voir R. Wei, « Aremise », notamment p. 222), ~ Amazones + 676-679, sans compter les allusions des vert 191 et ay atalysées par 4 CASAUOMA, Sacrees, p. 324 el, Sut le myth des ‘Amazons, voi le réflxions de F-1. ZEMTLN, « Misogyny »p.156. On rappelera ‘qu'une yerion du mth veut que lee Amazones alent Eévaincuee cous les murs : PAcropoe. 32, La tyramne : 270-285, 630, 631 etsy 665 ; le mot est do ctconstance eo 4411. — La yrannlee'Hippias : 619 (ave une plaisanterie sur hippos/Hippias): 80 ‘ets 632, Tallusion parodique eu skolion des Tyranncctones eit également & double enente ziphos et myrics (ef 16 et 1004) désignant fréquemment le sexe de Thomme et ech dela femme: voir les remarques de C. H. Witrtan, Gomis tery 211, ede. HENDIRION, Awa Mus, p23 et 166 Facropote comique Comme sages. Comme impudentes et débauchées. En un mot, elles sinstallent au sein d'une tension, interne a la thématique du génos gynaikén, entre la bonne épouse et la femme lubrique, entre la melissa et la peste déchainée. Sages, elles sont les gardiennes de Toikos, pleines de sdphrosyné, elles écoutent les hommes en silence”, Mais, puisque ce modéle de sagesse ne aie pas, les Athéniennes assument tout aussi sereinement la tradition de Pengeance fEminine, fantasme masculin auquel elles ont a cour de se conformer en tout point, quittes & Pexploiter pour en tirer Ie meilleur parti™. C'est ainsi que Kaloniké jure de rester fidéle av serment quelle a prété, pour ne pas trahir la mauvaise réputation qui Sattache aux femmes : «Non, par Aphrodite, non jamais ! ou vainement nous appelle- rait-on, nous les femmes, indomptables et méchantes pestes.» Bt aux lamentations des viillards («Il n’est point de béte plus indomptable qu'une femme, point de few non plus’; nulle panthére est & ce point effrontées) la coryphée oppose un flegme tranguille «Tu le sais, et pourtant tu me fais la guerre, alors que tu pourrais, mauvais, avoir en moi une amie sire™ ? > De fait, les Athéniennes n'assument leur appartenance fla race des femmes que pour jouer de Fambiguité constitutive de ce génos Ruse bien feminine, Athénienne sera ce qu'on dit quest la femme serrible et douee, bonne et mawvaise, hautaine et aimable », mais toujours et sans contrepartie « pleine diexpérience »™. Engeance, elle allumera le désir de Thomme ; sage, elle gouvernera la cité comme son oikos. Dabord, donc, elle tlsera les armes de la féminité: Tes petites 38, Lys, 508-515 ; de méme, Lysistrata se drt en 1126, comme i femme qa fs écouter son pie et les viillards. Ce qui lui aut, de la part de S. POMEROY (Goddeses, p 113), a grave accuttion de hat la feminite en ele» 34. Lys, 10-12, 4248, 137-139, 708-708. La wadlton du génos est 1 tour cenite,y compels ie fantaime de a reproduction en iru ermé, qu se len 518 Si, avec’ Rogers, on aceepte Ia legon ondreioirdn («6 vous, nées des. pls ‘coarageuses des grandemtres et des mamans onic» woir genéations san anes, es grands-mes, ls mes, es files). 35, Lysy 292-283 4 1014-1017 436. Lye) 1108-1109 (@ propos de Lysistrata) 167 tunigues safranées", les essences, les chemisettes transparentes, voild le salut, Contre la panoplie guerriére des hommes, l'attirail de la séduction™. Et les maris grilleront™. Tel est le plan de Lysistrata, simple en ce quil se fonde sur Ia plus traditionnelle des représenta- tions de la femme, un peu moins simple en ce qu'il vise & priver Thomme de son image de marque, qui est guetriére"*. Entre la valorisation du mot gyné* et Pinstauration d'un monde renversé oi les hommes tombent en quenouille, Ia frontiére est mince : les Vieillards ne s'y trompaient pas, et le commissaire du peuple en fait la cruelle expérience, invité sous les rires des conjurées a revétir les cemblémes de la féminité, y compris le silence qui, comme on sait, est la meilleure parure des femmes. Quant la conclusion de Pépisode : néAcqog 88 puvausi pedjoer (ela guerre sera Palfaire des formes »), ‘comment les hommes ne lentendraient-ils pas avec un frisson horrifé, comme une parole d’Amazone ? De ce point de vue, Ia conquéte de I’Acropole est done bien ce qu’elle est aux yeux des vicillards : une prise de pouvoir dans Ia plus pure tradition de la tyrannie archaique®. Mais, si la femme n'occupait qu'une place a la fois, elle renoncerait & son ambiguité. Aussi aux hommes, empétrés dans leur interprétation univogue de la prise de I'Acropole, les Athéniennes suggérentelles que le meilleur synonyme de « gynécocratie » est encore oikonomia. Le commissaire eroit avoir affaire & Pengeance ? 37. Le crocote comme embléme de Is feminité: voir Thesmophories, 138 (et 253, 941, 945, 1220; pour se déyuiser en femme, le parent @Eurpis doit so ‘evi ute), alae quo Crenouilon a6 38. Lys 42-48 et 46-48, 149-158, 39, Sur Ges metaphors clinsires du sir (839-840, 84), voir J. TANLARDAT, mages, n° 302. 40, Voir 49-53 of interruption de V'actvtégueritre chez homme va de pat avee une recrudescence des condutes de siduction ches la femme, “41 Voir 145 (avec le commentaire de J-VaN LEEUWEN, Lysistrata loc), si que les fines eemazques de K. 1. DovEn (Aristophanie Comedy, p. 159-160) sur ce passage. 442. Le monde renversé: of. 772; les aventres du proboulos: §27-538, Sur inversion des Sle sexuels dans ‘oe jeu de seine, woir ML Savy, «Female Inrader» p. 265, 43, Sur Acropoe et prise du pouvoir, ef F, VIAN, Géants, p. 258. 168 vei eeropote comique Ia devant lui la bonne épouse qui, tlle la mélissa de Sémonide, va sgérer le bien de la cité, selon les régles les plus éprouvées' de Tindustrieuse activité feminine, Et, se faisant orateur, Lysistrata développe devant Ie proboulos éberlué le paradigme du tissaze' Voici que le tissage, affaire exclusive des femmes®, est mis au service du peuple, a qui les Athéniennes tisseront un manteau : les Amazones se sont révélées Mhonnétes ménagéres de la cité, ‘Artémise est une bonne épouse Car ce que les femmes cherchent au moyen de Ia sécession, c'est bien a rétablir In conjonction normale des sexes, en <'autres termes le fonctionnement de cette institution civique menacée : Ie mariage IL est une seéne qui le dit avec éclat. Cheeur contre chocur, les illards ef les vieilles se provoquent, par mythes interposés } un ‘agén pour établir Ia responsabilité de la rupture. Contant 4 leur fagon histoire de Mélanion, les vieillards en font un myzhos de disjonction ieréversible entre les sexes; & ce mythos hargneux les femmes en opposent un autre, mais, contre toute attente, le héros en. est aussi un homme, et non une femme ; non pas une fernme ennemie du. mariage — les Athéniennes ne. raconteront pas histoire c’Atalante (ce serait tomber dans le piége des hommes) ~, mais un homme ami des femmes : et voild Timon le misanthrope devenu, “44 Lys, 487-495, Méme raisonnement dans la bouche de Praxagora Assemblée des femmes, 210240) 45. Sur c= passage (567-586), voir J.TAMLLARDAT, Images, 1° 684, et C.. Monty, Retori , p.93-94. Métephore analogue, bien que non fe, dans [rAssembice des femmes, 885-856. On notera que, pew convaine, le ery re- frend la métaphore dans un sens poral» Ggnva Et par (630) Autos ‘ferences au desage dans Lysisrata: S19 (tenn, la chai), 896 (laoke, la lwaie) ae "46. Voir L. Genwer, « Fairies, p. 42 et» Droit prot p.202. Ente la femme et Ta lene le rapport est eto, exclsi; Hippocrate va jusqu’s Tnscrice ddan le cocps dela ferme, qu'il compare A vde Ia laine» (oly tow: HinPo- ‘ears, Du systéme des glandes, , 16); information, donnée par Hesychivs (3. ‘stéphanon ekphircin) ea vera de laguele& Athénes la naissance dun gargon ait Signal par une couronne doliversuspendve devant la pote, et cele ue 0 ar une tou de line, en tfrence& son avenir de fleuse, nous inéresse ct en ce {quelle ost surceterminde : expression du rapport exclsif dela femme et des atv 1s de la lene, mais aussi allusion implicte au mythe @'Erichthonios ob Foivie et le bin de laine ont leur place, esseatlle. 47 Asi, en 471, fos Femmes se signet ellesmémes comme le «prochain» es hommes § voir aussi 91-897. 169

Vous aimerez peut-être aussi