2009
LA SITUATION
MONDIALE DE
LâALIMENTATION
ET DE
LâAGRICULTURE
2009
LA SITUATION
MONDIALE DE
LâALIMENTATION
ET DE
LâAGRICULTURE
ISBN 978-92-5-206215-8
Chef de la
Sous-division des politiques et de lâappui en matiĂšre de publications Ă©lectroniques,
Division de la communication,
FAO,
Viale delle Terme di Caracalla, 00153 Rome, Italie
ou, par courrier électronique, à :
copyright@fao.org
© FAO 2009
Note:
Sauf indication contraire, les données pour la Chine se rapportent à la Chine
continentale.
iii
Avant-propos vii
Remerciements ix
Sigles et abréviations xi
PREMIĂRE PARTIE
Le point sur lâĂ©levage 1
DEUXIĂME PARTIE
Tour dâhorizon de la situation mondiale de lâalimentation et de lâagriculture 117
TROISIĂME PARTIE
Annexe statistique 141
Références 177
Chapitres spĂ©ciaux La situation mondiale de lâalimentation et de lâagriculture 185
TABLEAUX
ENCADRĂS
FIGURES
Avant-propos
ce secteur peut jouer un rÎle capital dans pÚsent sur le secteur ainsi que les possibilités
lâattĂ©nuation du changement climatique qui sây ouvrent. Il met en exergue les risques
moyennant lâadoption de meilleures et les Ă©checs systĂ©miques rĂ©sultant dâun
technologies. processus de croissance et de transformation
t La mondialisation des systÚmes qui a dépassé la capacité et la volonté des
alimentaires sâest traduite par un Ătats et des sociĂ©tĂ©s Ă assurer un contrĂŽle
accroissement des ïŹux de technologies, et une rĂ©gulation. Il tente dâidentiïŹer les
de capitaux, de personnes et de problĂšmes qui nĂ©cessitent des solutions Ă
marchandises, y compris dâanimaux divers niveaux pour permettre au secteur
vivants et de produits dâorigine animale, de lâĂ©levage de rĂ©pondre aux attentes
dans le monde entier. LâintensiïŹcation futures de la sociĂ©tĂ© en ce qui concerne
des Ă©changes commerciaux, de pair avec lâapprovisionnement des biens privĂ©s et
la concentration croissante dâanimaux, publics. La question de la gouvernance est
souvent Ă proximitĂ© de populations centrale. IdentiïŹer et dĂ©ïŹnir le rĂŽle que
humaines importantes, ont contribuĂ© Ă doivent avoir les Ătats, au sens large: tel
une hausse des risques de propagation est le socle sur lequel il convient dâappuyer
dâĂ©pizooties et des risques dâorigine le dĂ©veloppement futur du secteur de
animale pour la santĂ© humaine, Ă lâĂ©levage.
lâĂ©chelle mondiale. ParallĂšlement, lâaccĂšs Les dĂ©ïŹs posĂ©s par ce secteur ne peuvent
insufïŹsant aux services vĂ©tĂ©rinaires ĂȘtre rĂ©solus par une simple sĂ©rie dâactions
compromet les moyens de subsistance et ni par des acteurs isolés. Ils requiÚrent des
les perspectives de dĂ©veloppement de efforts intĂ©grĂ©s dâune multitude de parties
nombreux Ă©leveurs pauvres des pays en prenantes. De tels efforts doivent sâattaquer
développement. aux causes profondes de ces problÚmes
t Un ultime point essentiel concerne les dans des domaines oĂč les impacts sociaux,
conséquences sociales des évolutions environnementaux et sanitaires du secteur
structurelles du secteur et le rĂŽle de lâĂ©levage et son dĂ©veloppement rapide
quây joueront les personnes pauvres. sont nĂ©gatifs. Ils doivent Ă©galement ĂȘtre
Comment le secteur de lâĂ©levage rĂ©alistes et Ă©quitables. En concentrant notre
peut-il contribuer plus efïŹcacement attention de maniĂšre constructive, nous
à réduire la pauvreté et à assurer la pouvons opérer la transition vers un secteur
sĂ©curitĂ© alimentaire pour tous? Le de lâĂ©levage plus responsable, capable de
développement rapide de ce secteur répondre aux objectifs multiples et souvent
dans de nombreux pays a-t-il Ă©tĂ© contradictoires de la sociĂ©tĂ©. JâespĂšre que le
bĂ©nĂ©ïŹque aux petits exploitants, ou prĂ©sent rapport pourra contribuer Ă jeter les
ces derniers sont-ils de plus en plus premiĂšres bases dâune telle orientation.
marginalisĂ©s? Dans lâafïŹrmative, cette
situation est-elle inévitable, ou les
pauvres peuvent-ils ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ©s
au processus de développement de
lâĂ©levage?
Pour chacun de ces trois domaines, le Jacques Diouf
rapport aborde les dĂ©ïŹs les plus difïŹciles qui DIRECTEUR GĂNĂRAL DE LA FAO
ix
Remerciements
Sigles et abréviations
CCCC Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
FA ïŹĂšvre aphteuse
UE Union européenne
5
emplois. Dans cette situation, les mesures de serre Ă lâĂ©chelle de la planĂšte (Steinfeld
appropriées consisteraient à faciliter la et al., 2006). Il convient de noter toutefois
transition des éleveurs vers les autres que le PIB sous-estime le rÎle économique
secteurs, notamment par des dispositifs et social de lâĂ©levage en ne tenant pas
de protection sociale et des politiques de compte de ses nombreuses contributions
dĂ©veloppement rural renforcĂ©es prenant multifonctionnelles aux moyens dâexistence.
la forme dâinvestissements dans le secteur Il est donc urgent dâamĂ©liorer lâefïŹcacitĂ© de
de lâĂ©ducation et des infrastructures et lâutilisation des ressources par lâĂ©levage et de
de mesures institutionnelles axées sur la diminuer les externalités environnementales
croissance. Les petits agriculteurs doivent négatives produites par le secteur.
servir de point de départ au développement Les pùturages occupent 26 pour cent de
et non lâinverse. la superïŹcie terrestre non couverte par les
Certains Ă©leveurs sont simplement trop glaces, et la production dâaliments pour le
pauvres, et leurs exploitations trop petites, bétail, 33 pour cent des terres cultivables
pour dĂ©passer les obstacles Ă©conomiques (Steinfeld et al., 2006). Lâaugmentation des
et techniques et passer Ă la production surfaces allouĂ©es Ă lâĂ©levage peut contribuer
commerciale. Les femmes sont généralement à la déforestation dans certains pays, alors
confrontĂ©es Ă de plus grandes difïŹcultĂ©s que lâintensiïŹcation de la production animale
que les hommes. En effet, elles ont moins peut entraĂźner un surpĂąturage dans dâautres.
accÚs au bétail et aux autres ressources En raison de la concentration géographique
nĂ©cessaires pour proïŹter de la croissance, croissante de la production animale,
telles que la terre, le crĂ©dit, la main-dâĆuvre, la quantitĂ© de fumier produite par les
la technologie et les services. Elles contrÎlent animaux est souvent supérieure à la capacité
Ă©galement moins ces paramĂštres. Pour la dâabsorption des sols. Le fumier devient
plupart des individus trĂšs pauvres, lâĂ©levage ainsi un dĂ©chet au lieu dâĂȘtre une prĂ©cieuse
constitue un ïŹlet de sĂ©curitĂ© et non une ressource comme dans les systĂšmes moins
activité commerciale. Des services de santé concentrés de production mixte. Il peut
animale plus accessibles et des mesures plus retrouver son rĂŽle crucial si des incitations,
volontaristes de lutte contre les maladies des réglementations et des technologies
animales amélioreraient la situation de ces adéquates telles que la digestion anaérobie
personnes Ă court terme, mais la crĂ©ation de sont mises en Ćuvre. Dâun point de vue plus
réseaux de protection sociale alternatifs qui général, pour atténuer les effets négatifs
prĂ©servent les moyens dâexistence des chocs de lâĂ©levage sur lâenvironnement, il faut
extĂ©rieurs leur serait plus bĂ©nĂ©ïŹque. Il faut instaurer des politiques appropriĂ©es.
garder Ă lâesprit que les Ă©leveurs les plus La concentration de la production
pauvres font face à des incertitudes et des animale à grande proximité des populations
contraintes, et que lâĂ©levage joue pour eux augmente les risques que font peser les
un rÎle crucial de protection sociale. Ainsi, maladies animales sur la santé humaine. Ces
les décisions stratégiques les concernant affections ont toujours eu des répercussions
doivent prendre en compte les nombreuses sur les populations humaines. Il semble ainsi
fonctions de cette activité pour leurs moyens que la plupart des souches de grippe soit
dâexistence. dâorigine animale. Du fait des maladies quâils
Le secteur agricole est le plus grand causent, les agents pathogÚnes du bétail
utilisateur et gestionnaire mondial de ont toujours nui à la productivité du bétail
ressources naturelles et, comme toute et sont donc en concurrence avec lâĂȘtre
activité de production, la production animale humain. Les maladies animales imposent de
implique un coĂ»t environnemental. LâĂ©levage, lourdes contraintes aux Ă©leveurs pauvres car
est aussi souvent conjugué aux distorsions ils vivent au plus prÚs de leurs animaux et ont
politiques et aux dysfonctionnements un accÚs plus limité aux services vétérinaires,
du marché, et par conséquent il a sur et aussi parce que les mesures prises pour
lâenvironnement des consĂ©quences qui sont lutter contre certaines dâentre elles peuvent
souvent sans commune mesure avec son rĂŽle anĂ©antir leurs principaux moyens dâexistence
dans lâĂ©conomie. Par exemple, sâil reprĂ©sente et le ïŹlet de sĂ©curitĂ© dont ils dĂ©pendent en
moins de 2 pour cent du PIB mondial, il est cas dâurgence. Une gestion du bĂ©tail visant Ă
Ă lâorigine de 18 pour cent des gaz Ă effet lutter plus efïŹcacement contre les maladies
6 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
pourrait ĂȘtre trĂšs bĂ©nĂ©ïŹque du point de vue La hausse rapide des revenus et
Ă©conomique, social et de la santĂ© humaine, lâurbanisation observĂ©es au cours des
pour les personnes pauvres et pour la trois derniÚres décennies, conjuguées à la
société en général. Elle pourrait nécessiter croissance démographique, ont alimenté
de déplacer la production animale loin des la demande pour la viande et les autres
grands centres humains aïŹn de limiter les produits animaux dans de nombreux pays
risques de transmission. en dĂ©veloppement. Les facteurs liĂ©s Ă
lâoffre, tels la mondialisation des chaĂźnes
dâapprovisionnement des aliments pour
Ăvolutions dans le secteur animaux, des stocks gĂ©nĂ©tiques et des autres
de lâĂ©levage technologies, modiïŹent davantage encore
la structure du secteur. Complexe, celle-ci
Câest en 1982 que La situation mondiale varie selon les lieux et les espĂšces concernĂ©es,
de lâalimentation et de lâagriculture a mais un fossĂ© grandissant se creuse: les
fourni pour la derniÚre fois une étude gros producteurs industriels fournissent les
approfondie du secteur de lâĂ©levage. Depuis marchĂ©s dynamiques en pleine expansion
lors, le secteur de lâĂ©levage se dĂ©veloppe tandis que les pasteurs et les petits exploitants
et change rapidement en rĂ©ponse aux traditionnels, mĂȘme sâils continuent souvent
bouleversements de lâĂ©conomie mondiale, de soutenir les moyens dâexistence locaux
à la hausse des revenus dans de nombreux et de concourir à la sécurité alimentaire,
pays en dĂ©veloppement et aux Ă©volutions des risquent dâĂȘtre mis Ă lâĂ©cart.
attentes sociétales. On attend de plus en plus Dans de nombreuses régions du globe,
du secteur â qui doit fournir une nourriture la transformation du secteur de lâĂ©levage
saine et abondante pour des populations intervient en lâabsence dâune gouvernance
urbaines croissantes tout en mettant à forte, ce qui aboutit à des défaillances de
disposition des biens publics permettant de marchĂ© sâagissant de la santĂ© publique et de
diminuer la pauvretĂ©, dâassurer la sĂ©curitĂ© lâutilisation des ressources naturelles. Peu
alimentaire et de protĂ©ger lâenvironnement dâactions ont Ă©tĂ© menĂ©es pour rectiïŹer ces
et la santé publique. Ces tendances et les dysfonctionnements et, dans certains cas, les
dĂ©ïŹs quâelles sous-tendent avaient Ă©tĂ© interventions des autoritĂ©s ont elles-mĂȘmes
mis en évidence il y a 10 ans par Delgado créé des distorsions. Les opportunités nées
et al. (1999), qui utilisent le terme de du dĂ©veloppement de lâĂ©levage nâont pas Ă©tĂ©
«rĂ©volution de lâĂ©levage» pour dĂ©crire les saisies en raison dâinstitutions et de politiques
transformations Ă lâĆuvre: inadaptĂ©es, un problĂšme que lâon retrouve
Une rĂ©volution est en cours au sein de dans dâautres secteurs. Par consĂ©quent,
lâagriculture mondiale, induisant de profonds lâĂ©levage nâa pas contribuĂ© autant quâil
bouleversements pour la santé humaine, les aurait pu à la réduction de la pauvreté et à la
moyens dâexistence et lâenvironnement. Dans sĂ©curitĂ© alimentaire. De mĂȘme, la croissance
les pays en dĂ©veloppement, la croissance nâa pas Ă©tĂ© maĂźtrisĂ©e de maniĂšre Ă faire face
dĂ©mographique, urbaine et des revenus aux pressions croissantes qui sâexercent sur les
entraĂźne une forte hausse de la demande en ressources naturelles ou Ă lutter efïŹcacement
aliments dâorigine animale. Cette Ă©volution contre les maladies animales. Corriger les
des régimes alimentaires, qui concerne des dysfonctionnements du marché devrait donc
milliards de personnes, pourrait amĂ©liorer ĂȘtre le moteur des politiques publiques.
sensiblement le bien-ĂȘtre de nombreux
pauvres ruraux. Les gouvernements et Satisfaire les attentes de la société
le secteur doivent se prĂ©parer Ă cette Le secteur de lâĂ©levage, comme une
rĂ©volution par des politiques et des grande partie de lâagriculture, joue un rĂŽle
investissements de long terme qui satisferont économique, social et environnemental
la demande du consommateur, amĂ©lioreront complexe. La sociĂ©tĂ© attend quâil continue
la nutrition, multiplieront les opportunités de répondre à une demande mondiale de
de revenus directs pour ceux qui en ont le plus en plus forte en produits animaux,
plus besoin, et limiteront les nuisances sur et ce, de maniÚre économique, rapide
lâenvironnement et la santĂ© publique. et ïŹable. Il doit satisfaire ces attentes en
(Delgado et al., 1999) respectant lâenvironnement, en maĂźtrisant
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
7
les consĂ©quences Ă©ventuelles des maladies compte des diffĂ©rents rĂŽles quâil peut
animales mais Ă©galement en ouvrant des jouer comme moyen dâexistence. Les petits
possibilitĂ©s de dĂ©veloppement rural, de exploitants qui pourraient ĂȘtre en mesure
rĂ©duction de la pauvretĂ© et dâamĂ©lioration de soutenir la concurrence sur le marchĂ©
de la sĂ©curitĂ© alimentaire. Ătant donnĂ© doivent pouvoir compter sur des politiques
que la sécurité alimentaire et les moyens et un appui institutionnel qui puissent
dâexistence de nombreuses personnes les aider Ă accĂ©der Ă la technologie, Ă
dĂ©pendent du secteur, et au vu de ses coĂ»ts lâinformation et aux marchĂ©s pour amĂ©liorer
environnementaux et de santé humaine leur productivité. ParallÚlement, les pressions
Ă©levĂ©s, le dĂ©ïŹ consiste, en matiĂšre de Ă©conomiques (examinĂ©es au Chapitre 2)
politiques, à trouver un équilibre approprié font que certains petits producteurs devront
entre des objectifs contradictoires. quitter le secteur et auront pour cela besoin
LâĂ©levage, comme de nombreuses autres dâune aide. Pour dâautres, notamment les
activitĂ©s humaines, accentue la pression sur trĂšs pauvres, lâĂ©levage est dâabord un ïŹlet
les écosystÚmes et les ressources naturelles de sécurité. La communauté de la recherche
telles que la terre, lâair, lâeau et la biodiversitĂ©. et du dĂ©veloppement agricoles doit replacer
Dans le mĂȘme temps, cette pression mĂȘme lâĂ©levage au cĆur des prĂ©occupations et y
et la concurrence féroce qui existe avec les investir de nouvelles ressources. De solides
autres secteurs pour capter ces ressources, mécanismes institutionnels et de gouvernance
freinent de plus en plus son dĂ©veloppement. reïŹĂ©tant la diversitĂ© du secteur doivent
De surcroĂźt, il apparaĂźt de plus en plus Ă©galement ĂȘtre mis en place. LâĂ©levage peut
clairement que le changement climatique améliorer la sécurité alimentaire et contribuer
crée des conditions, et impose des contraintes, à réduire la pauvreté, mais des mesures sont
nouvelles pour le secteur. Le changement nĂ©cessaires pour sâassurer que cela se fasse
climatique va modiïŹer les activitĂ©s des dâune maniĂšre Ă©cologiquement viable et sĂ»re
hommes et des femmes, faisant peser des pour la santé humaine.
risques inconnus jusquâalors et ouvrant des Cette Ă©dition de La situation mondiale de
opportunitĂ©s inĂ©dites. Par exemple, certains lâalimentation et de lâagriculture souligne que
hommes pourraient Ă©migrer pour trouver du lâĂ©levage pourrait aider la sociĂ©tĂ© Ă atteindre
travail, tandis que les femmes et les enfants ses objectifs, Ă condition de changements
assumeraient de nouvelles responsabilitĂ©s. institutionnels et politiques signiïŹcatifs.
Comme elles ont moins accĂšs aux ressources Lâexpansion rapide du secteur, dans un
et quâelles souffrent dâun niveau dâinstruction contexte dâinstitutions et de gouvernance
plus faible, dâune charge de travail plus lourde faibles, a gĂ©nĂ©rĂ© des risques systĂ©miques
et dâune moins bonne santĂ©, les femmes sont qui pourraient avoir des consĂ©quences
davantage sensibles aux chocs extĂ©rieurs. catastrophiques sur les moyens dâexistences,
Le commerce international croissant la santé humaine et animale ainsi que sur
de bĂ©tail et de produits de lâĂ©levage a lâenvironnement. Des investissements sont
provoquĂ© une augmentation des ïŹux de nĂ©cessaires pour amĂ©liorer la productivitĂ©
technologies, de capitaux, de personnes du secteur et lâefïŹcacitĂ© de lâutilisation
et de biens, y compris dâanimaux vivants des ressources, Ă la fois pour satisfaire la
et de produits dâorigine animale. En plus demande croissante des consommateurs
dâaccroĂźtre la concentration des animaux, et pour attĂ©nuer les problĂšmes
souvent Ă proximitĂ© dâimportants groupes environnementaux et sanitaires. Il convient,
de population, ce phénomÚne a alimenté tout particuliÚrement en temps de crise et de
les risques de propagation des maladies mutation, que les politiques, les institutions et
animales et ceux que les animaux font peser les technologies, tiennent compte des besoins
sur la santĂ© humaine. ParallĂšlement, dans spĂ©ciïŹques des petits exploitants.
les pays en développement, les inégalités
dâaccĂšs aux services vĂ©tĂ©rinaires menacent
les moyens dâexistence et les perspectives de Structure du rapport
développement de nombreux éleveurs. et messages clés
LâĂ©levage peut ĂȘtre un moyen de sortir
certains petits exploitants de la pauvreté, Le Chapitre 2 aborde les tendances du secteur
et les responsables politiques doivent tenir de lâĂ©levage, ses ressorts Ă©conomiques et
8 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
sociaux, ses évolutions technologiques et les les ménages les plus pauvres pour qui
transformations structurelles qui sâen suivent. lâĂ©levage constitue un ïŹlet de sĂ©curitĂ©
Il revient également sur les conséquences essentiel; et iii) adopter des mesures de
de ces évolutions sur la pauvreté, la sécurité développement rural pour faciliter la
alimentaire, lâenvironnement et la santĂ© transition de certains mĂ©nages ruraux
humaine. Les rĂ©percussions sociales des vers dâautres secteurs.
changements dans le secteur de lâĂ©levage, et v Il conviendrait de renforcer la
le rĂŽle de ce dernier dans le dĂ©veloppement gouvernance du secteur de lâĂ©levage
économique, la réduction de la pauvreté pour assurer une croissance continue
et lâamĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© alimentaire, respectueuse de lâenvironnement. La
sont abordés au Chapitre 3. Le Chapitre 4 production animale exerce une pression
sâintĂ©resse quant Ă lui Ă lâinterdĂ©pendance croissante sur la terre, lâair, lâeau et la
entre lâĂ©levage, les ressources naturelles et biodiversitĂ©. Une action corrective est
les Ă©cosystĂšmes, et notamment au rĂŽle du nĂ©cessaire pour encourager la mise Ă
secteur dans le changement climatique. Le disposition de biens publics, tels que les
Chapitre 5 porte sur les nombreux problÚmes services écosystémiques et la protection
que soulĂšvent les maladies animales et de lâenvironnement. Il conviendra Ă
leur gestion. Le dernier chapitre aborde cette ïŹn de sâintĂ©resser aux prĂ©cĂ©dents
les mesures politiques et institutionnelles échecs politiques et dysfonctionnements
nĂ©cessaires pour que lâĂ©levage amĂ©liore de marchĂ©, et dâĂ©laborer et dâappliquer
la sécurité alimentaire et participe à la des sanctions ou des incitations,
réduction de la pauvreté tout en respectant comme le paiement des services
lâenvironnement et en protĂ©geant la santĂ© environnementaux. LâĂ©levage contribue
humaine. aux changements climatiques mais en
subit également les conséquences. Il peut
Messages clés du rapport jouer un rÎle essentiel pour les atténuer:
v Le secteur de lâĂ©levage est lâun des volets par exemple, lâutilisation de technologies
les plus dynamiques de lâagriculture. plus performantes, encouragĂ©es par des
Il sâest fortement dĂ©veloppĂ© au incitations Ă©conomiques appropriĂ©es,
cours des derniÚres décennies et la peut réduire les émissions de gaz à effet
demande en viande devrait continuer de serre.
de croĂźtre rapidement jusquâau milieu v Certains services de santĂ© animale
du siĂšcle, sous lâeffet de la croissance constituent des biens publics en cela
dĂ©mographique, de la hausse des quâils protĂšgent la santĂ© humaine et
niveaux de vie et de lâurbanisation. Des animale et proïŹtent donc Ă la sociĂ©tĂ©
mesures fermes doivent ĂȘtre adoptĂ©es dans son ensemble. Les maladies
pour que le secteur puisse y répondre animales diminuent la production et la
tout en satisfaisant aux objectifs productivité, bouleversent les économies
sociétaux de réduction de la pauvreté, locales et nationales, menacent la santé
de sécurité alimentaire, de respect de humaine et aggravent la pauvreté.
lâenvironnement et dâamĂ©lioration de Les producteurs doivent affronter
la santĂ©. Il convient de bien Ă©valuer les plusieurs risques mais ils ne bĂ©nĂ©ïŹcient
opportunitĂ©s offertes par le secteur pas des mĂȘmes mesures incitatives
comme les dĂ©ïŹs quâil soulĂšve. ni ne possĂšdent les mĂȘmes moyens
v LâĂ©levage apporte une grande pour y rĂ©pondre. Dans de nombreuses
contribution à la sécurité alimentaire régions du monde, les systÚmes de
et Ă la rĂ©duction de la pauvretĂ©; il santĂ© animale ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©s, dâoĂč des
pourrait y contribuer encore plus en faiblesses institutionnelles, des dĂ©ïŹcits
mettant en Ćuvre des politiques et des dâinformation et des investissements
mesures judicieuses et en engageant inadaptés dans les biens publics liés à la
dâimportants investissements publics et santĂ© animale. Les producteurs Ă tous les
privés visant à : i) renforcer la capacité niveaux, y compris les éleveurs pauvres,
des petits exploitants Ă proïŹter doivent participer Ă lâĂ©laboration de
des opportunités offertes par le programmes relatifs à la sécurité sanitaire
développement du secteur; ii) protéger des aliments et aux maladies animales.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
9
2. Changements dans le secteur
de lâĂ©levage
FIGURE 1
Consommation par habitant des principales denrées alimentaires dans les pays
en développement, 1961-2005
600
500
400
300
200
100
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
FIGURE 2
Apport par habitant dâĂ©nergie dĂ©rivĂ©e des produits de lâĂ©levage par rĂ©gion,
1961-2005
kcal/personne/jour
800
700
600
500
400
300
200
100
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
11
été marquée par une croissance soutenue si certains pays en développement comblent
bien que la consommation de viande rapidement lâĂ©cart existant (tableau 1). Cela
reste faible. Parmi les régions des pays en étant, le potentiel de croissance en la matiÚre
dĂ©veloppement, lâAfrique subsaharienne est important dans de nombreux pays en
est la seule dans laquelle un faible recul de développement, mais la maniÚre dont ce
la consommation de viande et de lait a été potentiel se traduira par une hausse de la
observé. demande dépend de la croissance future des
Dans lâensemble des pays dĂ©veloppĂ©s, la revenus et de sa distribution dans les pays
croissance par habitant de la consommation et les régions. Un accroissement des revenus
de produits de lâĂ©levage a Ă©tĂ© beaucoup devrait crĂ©er une demande ultĂ©rieure de
plus modeste. Les anciennes Ă©conomies produits de lâĂ©levage plus forte dans les pays
centralisĂ©es dâEurope de lâEst et dâAsie Ă faible revenu que dans les pays Ă revenu
centrale ont connu une baisse soudaine de moyen et élevé.
la consommation de produits de lâĂ©levage
par habitant au début des années 90 et cette Facteurs moteurs de la croissance
consommation nâa pas repris depuis. En de la consommation
conséquence, la consommation de viande par La demande croissante de produits de
habitant en 2005 Ă©tait infĂ©rieure de 20 pour lâĂ©levage dans un certain nombre de pays
cent à son niveau de 1980. en développement a été stimulée par la
La consommation de produits de croissance Ă©conomique, lâaugmentation des
lâĂ©levage par habitant dans les rĂ©gions en revenus par habitant et lâurbanisation. Au
dĂ©veloppement est encore nettement plus cours des rĂ©centes dĂ©cennies, lâĂ©conomie
faible que dans le monde dĂ©veloppĂ©, mĂȘme mondiale a connu un dĂ©veloppement sans
TABLEAU 1
Consommation par habitant de produits de lâĂ©levage par rĂ©gion, groupes de pays
et pays, en 1980 et 2005
RĂGION/GROUPE DE PAYS/
VIANDE LAIT ĆUFS
PAYS
FIGURE 3
PIB et consommation de viande par habitant et par pays, 2005
140
Ătats-Unis dâAmĂ©rique
120
100
Brésil
80
Chine
60
Japon
40
20
Inde
0
0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000
Note: Le PIB par habitant est mesurĂ© en paritĂ© du pouvoir dâachat (PPA) en dollars USD internationaux constants de 2005.
Source: Basé sur des données de FAOSTAT (FAO, 2009b) pour la consommation de viande par habitant et de la
Banque mondiale pour le PIB par habitant.
précédent, et les revenus par habitant ont Afrique subsaharienne à 2,6 pour cent en
augmenté rapidement. Le lien entre le Amérique latine, contre une moyenne de
revenu par habitant et la consommation de 0,8 pour cent dans les pays développés
viande en 2005 est illustrĂ© Ă la ïŹgure 3. Le (tableau 2).
graphique montre lâeffet trĂšs positif de la Lâurbanisation modiïŹe Ă©galement les
hausse des revenus sur la consommation des modes de consommation alimentaire, qui
produits de lâĂ©levage dans les pays Ă faible peuvent inïŹuer sur la demande de produits
revenu. Cet effet est moindre, voire nĂ©gatif, de lâĂ©levage. Les citadins consomment en
dans les pays ayant un PIB par habitant plus général davantage de nourriture en dehors
élevé. de leur domicile et de plus grandes quantités
Des facteurs dĂ©mographiques dâaliments prĂ©cuisinĂ©s, ou prĂ©parĂ©s dans
expliquent Ă©galement la modiïŹcation la restauration rapide ou encore prĂȘts
des comportements de consommation Ă consommer, que ne le font les ruraux
Ă lâĂ©gard des produits de lâĂ©levage. (Schmidhuber et Shetty, 2005; King, Tietyen
Lâurbanisation est un facteur important. et Vickner, 2000; Rae, 1998). Lâurbanisation
La part de la population totale vivant dans détermine la nature des fonctions de
des zones urbaines est plus Ă©levĂ©e dans consommation â câest-Ă -dire le lien entre les
les pays dĂ©veloppĂ©s que dans les pays en revenus et la consommation â des produits
développement (73 pour cent contre une alimentaires. En évaluant les fonctions de
moyenne de 42 pour cent). Cependant, consommation de lâensemble des produits
lâurbanisation se dĂ©veloppe plus vite dâorigine animale dans un certain nombre
dans le premier groupe de pays citĂ© que dâĂ©conomies de lâAsie de lâEst, Rae (1998)
dans le second: pendant la pĂ©riode 1980- a observĂ© que lâurbanisation avait une
2003, la croissance annuelle moyenne incidence importante sur ces produits,
de la population urbaine des pays en quels que soient les niveaux de revenus.
dĂ©veloppement va de 4,9 pour cent en Une autre incidence de lâurbanisation dans
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
13
TABLEAU 2
Urbanisation: niveaux et taux de croissance
PART URBAINE DE LA CROISSANCE DE LA CROISSANCE DE LA
RĂGION/GROUPE DE PAYS/PAYS
POPULATION TOTALE POPULATION TOTALE POPULATION URBAINE
de nombreuses parties du monde est la lâĂ©levage. Par ailleurs, des raisons culturelles
concentration croissante dâanimaux dans inïŹuent sur les modes de consommation. En
les villes, à proximité des citadins, car les Asie du Sud, par exemple, la consommation
activitĂ©s dâĂ©levage ont tendance Ă se ïŹxer de viande par habitant est infĂ©rieure Ă ce
dans les zones urbaines. que le niveau de revenu Ă lui seul pourrait
Des facteurs sociaux et culturels ainsi que laisser supposer.
la base des ressources naturelles peuvent
aussi inïŹuer de maniĂšre importante sur la
demande locale et déterminer les évolutions Tendances et facteurs moteurs de
futures de la demande. Par exemple le Brésil la production
et la ThaĂŻlande ont des niveaux de revenu
par habitant et dâurbanisation analogues, Tendances de la production
mais la consommation de produits dâĂ©levage Les pays en dĂ©veloppement ont rĂ©pondu Ă la
est approximativement deux fois plus demande croissante de produits de lâĂ©levage
Ă©levĂ©e au BrĂ©sil quâen ThaĂŻlande. LâinïŹuence en augmentant rapidement la production
de la base des ressources naturelles peut (ïŹgure 4). Entre 1961 et 2007, la croissance
ĂȘtre observĂ©e dans le cas du Japon, qui la plus rapide de la production de viande
consomme beaucoup moins de produits a eu lieu en Asie de lâEst et du Sud-Est, et
de lâĂ©levage que dâautres pays ayant un ensuite en AmĂ©rique latine et les CaraĂŻbes.
niveau de revenu comparable, mais qui Le développement le plus soutenu de la
compense en consommant davantage de production dâĆufs a Ă©tĂ© observĂ© en Asie de
poisson. La base des ressources naturelles lâEst et du Sud-Est tandis que la production
joue sur les coûts relatifs des différents de lait a été la plus forte en Asie du Sud.
produits alimentaires. LâaccĂšs aux ressources En 2007, les pays en dĂ©veloppement
marines favorise la consommation de poisson avaient dépassé les pays développés en ce qui
tandis que lâaccĂšs aux ressources naturelles concerne la production de viande et dâĆufs
permettant le dĂ©veloppement de lâĂ©levage et comblaient leur retard pour ce qui est de
encourage la consommation de produits de la production de lait (tableau 3). La croissance
14 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
FIGURE 4
Production de viande, dâĆufs et de lait par rĂ©gion dans les pays
en développement, 1961-2007
VIANDE
Millions de tonnes
120
100
80
60
40
20
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
ĆUFS
Millions de tonnes
35
30
25
20
15
10
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
LAIT
Millions de tonnes
140
120
100
80
60
40
20
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Afrique subsaharienne
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
15
TABLEAU 3
Production des produits de lâĂ©levage par rĂ©gion, en 1980 et 2007
RĂGION/GROUPE DE PAYS/
VIANDE LAIT ĆUFS
PAYS
Note: Les totaux pour les pays en développement et le monde comprennent quelques pays non inclus dans les agrégats
régionaux.
Source: FAO, 2009b.
FIGURE 5
Production mondiale des principales catégories de viande, 1961-2007
1 000
800
600
400
200
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Volaille Porc
TABLEAU 4
Production des principales catégories de viande par région, en 1987 et 2007
RĂGION/GROUPE DE PAYS/
PORC VOLAILLE BOVINS MOUTONS ET CHĂVRES
PAYS
PAYS DĂVELOPPĂS 37,1 39,5 22,9 37,0 34,1 29,4 3,7 3,2
Pays à économie 12,0 7,7 5,1 5,1 10,2 5,1 1,2 0,8
anciennement planiïŹĂ©e
Autres pays développés 25,0 31,7 17,8 31,8 23,8 24,3 2,5 2,5
PAYS EN DEVELOPPEMENT 26,6 76,0 13,0 49,8 16,9 32,5 5,0 10,8
Asie de lâEst et du Sud-Est 22,4 68,4 4,8 22,2 1,7 8,8 1,0 5,2
Reste de lâAmĂ©rique latine 2,0 3,0 2,7 8,3 6,1 7,9 0,3 0,3
Asie du Sud 0,4 0,5 0,5 3,0 1,5 2,1 1,1 1,5
Reste de lâAsie du Sud 0,0 0,0 0,2 0,7 0,5 0,8 0,5 0,8
Proche-Orient et Afrique 0,0 0,1 2,1 5,3 1,1 1,8 1,5 2,0
du Nord
Afrique subsaharienne 0,5 0,8 1,0 2,0 2,7 4,0 1,0 1,6
Note: Les totaux pour les pays en développement et le monde comprennent quelques pays non inclus dans les agrégats régionaux.
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
17
La viande de porc représente plus de v une augmentation du nombre
40 pour cent des disponibilitĂ©s mondiales dâanimaux abattus (dans le cas de la
de viande, en partie Ă cause des niveaux viande) ou dâanimaux producteurs (dans
de production Ă©levĂ©s et de la croissance le cas du lait et des Ćufs);
rapide observés en Chine, qui prend en v une augmentation de la production par
charge plus de la moitié de la production animal (ou du rendement).
mondiale. La production de viande de Entre 1980 et 2007, le cheptel a
volaille qui, en 2007, comptait pour plus de généralement augmenté plus rapidement
26 pour cent des disponibilitĂ©s mondiales que les rendements (ïŹgure 6), mais on doit
de viande, a été plus largement répartie noter cependant des différences entre les
entre les pays développés et les pays en régions et les espÚces.
dĂ©veloppement, sachant que câest la Chine La variation du rendement par animal
qui a enregistré les taux de croissance est un indicateur de productivité
les plus élevés. Au niveau mondial, la important qui ne donne cependant
production de viande bovine a beaucoup quâune idĂ©e partielle de lâaugmentation
moins augmenté et uniquement dans les de la productivité. Il ne tient pas compte
pays en développement. La Chine et le par exemple des gains dus au taux de
BrĂ©sil, en particulier, ont considĂ©rablement croissance de lâanimal, Ă la vitesse Ă laquelle
dĂ©veloppĂ© leur production au point quâils il prend du poids ou Ă dâautres facteurs
comptent dĂ©sormais pour 12-13 pour cent de production. Dâautres indicateurs de
de la production de viande bovine mondiale. productivité, encore imparfaits, peuvent
La viande de petits ruminants reste dâune fournir un tableau plus complet des
importance mineure au niveau mondial, tendances de la productivité des animaux
mais elle reprĂ©sente une proportion dâĂ©levage. (voir encadrĂ© 1).
importante de la viande produite au Proche-
Orient et en Afrique du Nord, en Afrique Changement technologique dans la production
subsaharienne et en Asie du Sud. animale
Le changement technologique est le facteur
Facteurs moteurs de la croissance de la le plus important du développement de
production lâoffre de produits de lâĂ©levage bon marchĂ©.
Des facteurs liĂ©s Ă lâoffre ont contribuĂ© au Ce facteur a profondĂ©ment modiïŹĂ© la
développement de la production animale. Le structure du secteur dans de nombreuses
moindre coût des intrants, les changements régions du monde.
technologiques et les gains dâefïŹcience Par changement technologique, on
ont progressivement fait baisser le prix des entend la mise en Ćuvre des Ă©volutions et
produits de lâĂ©levage. Les produits dâorigine des innovations concernant tous les aspects
animale ont donc Ă©tĂ© plus accessibles, mĂȘme de la production animale, de la sĂ©lection,
pour les consommateurs dont les revenus de lâalimentation et de la stabulation Ă la
nâavaient pas augmentĂ©. Certains facteurs lutte contre les maladies, la transformation,
favorables, notamment les prix des intrants le transport et la commercialisation. Le
(par exemple les cĂ©rĂ©ales pour lâalimentation changement technologique dans le secteur
animale et les carburants) ont jouĂ© un rĂŽle de lâĂ©levage est en grande partie dĂ» aux
important. Le recul des prix des céréales activités de développement et de recherche
a encouragé les exploitants à les utiliser du secteur privé, alors que ce sont les
de maniĂšre croissante dans lâalimentation activitĂ©s ïŹnancĂ©es par le secteur public qui
animale. Les tendances à la baisse du coût ont conduit par exemple à la «révolution
des transports ont facilité la circulation des verte» dans les domaines du blé et du riz. Les
produits de lâĂ©levage et des aliments pour petits exploitants nâont donc pas pu proïŹter
animaux. Les récentes augmentations des pleinement des innovations technologiques
prix des cĂ©rĂ©ales et de lâĂ©nergie sont peut- dans le secteur de lâĂ©levage et les appliquer.
ĂȘtre le prĂ©sage de la ïŹn dâune Ăšre de bas Par ailleurs, les recherches concernant les
coĂ»ts des intrants. aspects bĂ©nĂ©ïŹques pour la sociĂ©tĂ© des
Lâaccroissement de la production animale dĂ©veloppements technologiques en matiĂšre
se produit de deux façons distinctes ou dâĂ©levage, comme lâimpact sur les pauvres ou
combinĂ©es: les externalitĂ©s liĂ©es Ă lâenvironnement ou la
18 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
FIGURE 6
Sources de croissance dans la production animale: croissance moyenne annuelle
en nombre dâanimaux et en production par animal, 1980-2007
Nombre
PORC
Production
Nombre
VOLAILLE
Production
Nombre
BĂTAIL
Production
Nombre
LAIT
Production
Nombre
ĆUFS
Production
â2 0 2 4 6 8 10
santĂ© publique, ont fait lâobjet dâun certain petits ruminants. Le recours Ă lâhybridation
manque dâintĂ©rĂȘt. et Ă lâinsĂ©mination artiïŹcielle a accĂ©lĂ©rĂ©
Lâapplication de technologies innovantes le processus dâamĂ©lioration gĂ©nĂ©tique.
de sĂ©lection et dâalimentation a permis La vitesse et la prĂ©cision avec lesquelles
dâaugmenter la productivitĂ© de maniĂšre les objectifs en matiĂšre de sĂ©lection
importante, notamment dans la production peuvent ĂȘtre atteints ont augmentĂ©
dâĆufs et de volailles de chair, de lait et de considĂ©rablement au cours des rĂ©centes
viande de porc. Leurs effets ont été moins décennies. Les progrÚs génétiques sont
prononcĂ©s pour la viande de bĆuf et de beaucoup plus rapides pour les animaux
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
19
ENCADRĂ 1
Mesurer la croissance de la productivitĂ© dans le secteur de lâĂ©levage
telles que la viande, le lait et les Ćufs. lâamĂ©lioration de la PBA explique plus
La PBA dâun troupeau ou cheptel est de 80 pour cent de la croissance de la
donnée par la production annuelle de production.
protĂ©ines divisĂ©e par la biomasse totale MĂȘme si elle prĂ©sente quelques
du troupeau ou du cheptel, exprimée en avantages par rapport aux indicateurs
kilogrammes. La PBA pour lâensemble du de productivitĂ© classiques fondĂ©s sur la
secteur de lâĂ©levage dâun pays sâobtient production par animal, la PBA comporte
en additionnant la production protéique des limites. En particulier, elle ne considÚre
des sous-secteurs considĂ©rĂ©s (bovins, que la production vivriĂšre issue dâun
porcins, volailles ou autres) divisée par leur troupeau et ne tient pas compte des
biomasse cumulée. produits non alimentaires, tels que la
Les estimations font apparaĂźtre des force de trait et le fumier. Elle peut donc
modiïŹcations de la PBA dans trois des entraĂźner une sous-estimation de la
principaux pays en dĂ©veloppement production dans certaines zones oĂč ces
producteurs, Ă savoir la Chine, lâInde et produits revĂȘtent de lâimportance dans
le Brésil, pour la période allant de 1965 un contexte de production demeuré
Ă 2005. Le tableau ci-dessous fournit la traditionnel.
ventilation des taux de croissance annuelle
moyenne de la production totale du Source: Steinfeld et Opio, 2009.
à cycle court que pour les espÚces ayant des travaux de sélection tandis que les
un intervalle générationnel plus long, caractéristiques qui correspondent aux
comme les bovins. Pour toutes les espĂšces, demandes du consommateur, comme la
lâefïŹcacitĂ© alimentaire et des paramĂštres teneur en matiĂšres grasses, sont de plus
associés comme le taux de croissance, la en plus importantes. Bien que des progrÚs
production de lait et la performance de impressionnants aient été accomplis
reproduction, ont été les principales cibles concernant les races développées pour les
20 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
régions tempérées, les résultats ont été industrielle proches des grands pÎles de
moins convaincants pour les races de vaches consommation.
laitiÚres, de porcs et de volailles adaptées Les innovations technologiques dans
aux environnements Ă coefïŹcient dâintrants les domaines de la transformation, de la
faibles. distribution et de la commercialisation des
La technologie de lâalimentation animale produits de lâĂ©levage ont aussi profondĂ©ment
a beaucoup progressĂ©, notamment dans les modiïŹĂ© la maniĂšre dont les aliments sont
domaines suivants: alimentation équilibrée, transformés, transportés et livrés aux
alimentation de précision, ajout optimal consommateurs, par exemple les chaßnes du
dâacides aminĂ©s et de micronutriments froid, la durĂ©e de conservation, etc.
minĂ©raux, et dĂ©veloppement dâespĂšces LâencadrĂ© 2 montre la maniĂšre dont ces
dâherbages amĂ©liorĂ©es et de systĂšmes diffĂ©rents progrĂšs technologiques ont
dâĂ©levage tels que le labour zĂ©ro. contribuĂ© Ă amĂ©liorer la production dans
Les amĂ©liorations de la santĂ© animale, lâindustrie de la volaille commerciale.
y compris une plus grande utilisation des
vaccins et des antibiotiques, ont aussi
contribué à augmenter la productivité. Ces Tendances et facteurs moteurs
technologies se sont largement répandues du commerce
au cours de ces derniÚres années dans un
certain nombre de pays en développement, La croissance du commerce des produits de
notamment dans les systĂšmes de production lâĂ©levage a Ă©tĂ© facilitĂ©e par lâaugmentation
ENCADRĂ 2
Les progrĂšs technologiques dans lâindustrie avicole
21
de la consommation de ces produits et la dont les plantes fourragĂšres, est de loin
libĂ©ralisation de lâĂ©conomie. LâĂ©volution supĂ©rieur Ă celui des produits de lâĂ©levage.
du transport, comme le transport réfrigéré Entre 1980 et 2006, le volume total des
(chaßnes du froid) et les moyens de livraison exportations de viande a plus que triplé,
plus rapides et à plus grande distance, ont celui des produits laitiers a plus que doublé
permis de commercialiser et de transporter et celui des Ćufs a quasiment Ă©tĂ© multipliĂ©
des animaux, des produits et des aliments par deux (tableau 5). La part de la production
pour animaux sur de longues distances. Cela entrant dans le commerce international a
a permis Ă la production de sâĂ©carter des augmentĂ©, Ă lâexception de la viande de
pĂŽles de production et de consommation mouton et des Ćufs, ce qui montre que le
des ressources dâaliments pour animaux. commerce est de plus en plus ouvert, en
Lâaccroissement des ïŹux commerciaux particulier pour les animaux monogastriques.
a aussi des incidences sur la gestion des Bien que les produits de lâĂ©levage soient
maladies animales et sur un certain nombre en grande partie consommés dans le pays
de questions liĂ©es Ă la sĂ©curitĂ© sanitaire des de production et nâentrent pas dans le
aliments. commerce international, les exportations
Les produits de lâĂ©levage reprĂ©sentent une de ces produits sont importantes pour
proportion grandissante des exportations quelques pays. Depuis le milieu de 2002,
agricoles. En valeur, leur part est passée de 11 les pays en développement ont tous été
Ă 17 pour cent entre 1961 et 2006 (ïŹgure 7). des exportateurs nets de viande (Figure 8),
Cependant le commerce des plantes cultivées, mais dans des proportions trÚs diverses.
mais les améliorations apportées dans mixtes à petite échelle. Les agriculteurs
les secteurs des vaccins, de la nutrition et les plus pauvres sont généralement
de la prévention des risques biologiques ceux qui sont les moins avancés au
ont permis dâattĂ©nuer leurs effets. La plan technologique. Ils Ă©lĂšvent des
sélection en vue de renforcer la résistance oiseaux domestiques autochtones qui
aux maladies, en particulier par lâadoption se nourrissent de dĂ©chets, subissent un
de technologies moléculaires, sera un contrÎle sanitaire minimal et sont gardés
Ă©lĂ©ment important des programmes dans des abris rudimentaires. Lâapplication
génétiques à venir. Les percées futures de quelques technologies relativement
dans lâindustrie passent par le recours simples (comme le conïŹnement des
aux nouveaux outils moléculaires poussins pendant les premiÚres semaines
qui permettront la mise au point de et lâutilisation des aliments de haute
techniques améliorées de diagnostic dans qualité dispensés à ces derniers dans des
le cadre de programmes de surveillance nourrisseurs spéciaux, la vaccination contre
des maladies aviaires et de surveillance la maladie de Newcastle et lâhĂ©bergement
des agents pathogÚnes transmis par les nocturne des volatiles dans des abris sûrs)
aliments. LâexpĂ©rience passĂ©e prouve que peut toutefois entraĂźner des amĂ©liorations
pour la viande de volailles et les Ćufs, il profondes de la rentabilitĂ© des petits
faut sâatteler rapidement Ă la rĂ©solution Ă©levages, de la sĂ©curitĂ© alimentaire des
des problĂšmes causĂ©s par les agents mĂ©nages et de lâemploi pour les femmes
pathogĂšnes transmis par les aliments, en tant que gardiennes de troupeaux.
aïŹn de ne pas entamer la conïŹance des
consommateurs.
Malheureusement, les technologies
adaptées aux systÚmes de production
industrielle, qui comportent des contrĂŽles
rigoureux de la biosĂ©curitĂ©, sont difïŹciles
Ă appliquer aux systĂšmes de production Source: Pym et al., 2008.
22 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
Les exportations de viande des pays en nettes sâĂ©levant Ă prĂšs de la moitiĂ© dâun
développement sont en effet dominées million de tonnes en 2006. Toutes les régions
par la contribution du Brésil, qui est le plus en développement sont de plus en plus
grand exportateur de viande du monde. Si dépendantes des importations de produits
les exportations du BrĂ©sil, de la Chine, de laitiers (ïŹgure 8).
lâInde et de la ThaĂŻlande sont exclues, toutes La place du BrĂ©sil dans les exportations des
les rĂ©gions en dĂ©veloppement sont des produits de lâĂ©levage mĂ©rite dâĂȘtre notĂ©e.
importateurs nets de viande. La Thaïlande Au cours de la derniÚre décennie, ce pays
est devenue un acteur majeur sur le marché a multiplié les exportations de viande de
mondial de la volaille, ses exportations poulet par cinq et celles de viande de bĆuf
FIGURE 7
Valeur des produits de lâĂ©levage en tant que part de la valeur Ă lâexportation
agricole mondiale, 1961-2006
Pourcentage
20
15
10
0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 06
TABLEAU 5
Commerce international en matiĂšre de produits de lâĂ©levage, 1980 et 2006
2
Laitier 42,8 90,2 8,7 12,7
1
Comprend dâautres types de viande que ceux listĂ©s ci-dessous.
2
Ăquivalent du lait.
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
23
FIGURE 8
Exportations nettes de viande et de produits laitiers depuis les pays développés
et en développement, 1961-2006
Viande
Millions de tonnes
â1
â2
â3
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 06
Produits laitiers
Millions de tonnes
40
30
20
10
â 10
â 20
â 30
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 06
FIGURE 9
Consommation de viande et part des importations nettes dans la consommation,
dans les pays les moins avancés, 1961-2005
9 8
8 7
7 6
6 5
5 4
4 3
3 2
2 1
1 0
0 -1
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
25
croissance mais aussi de sa distribution immense dans de vastes régions du monde
gĂ©ographique. La demande de produits de en dĂ©veloppement, dâautant que la hausse
lâĂ©levage est plus sensible Ă la croissance des des revenus entraĂźne un accroissement
revenus dans les pays Ă faible revenu que du pouvoir dâachat. Tous les indicateurs
dans les pays à revenu élevé. La saturation montrent que la demande mondiale de
croissante par habitant dans les pays qui ont produits de lâĂ©levage devrait croĂźtre de
atteint des niveaux relativement élevés de maniÚre soutenue. En 2007, le modÚle
consommation, notamment le BrĂ©sil et la «IMPACT» de lâInstitut international de
Chine, pourrait conduire Ă un ralentissement recherche sur les politiques alimentaires
de la demande. La question de savoir si (IFPRI) a projeté une augmentation de la
dâautres pays en dĂ©veloppement, dont les demande mondiale de viande par habitant
niveaux de consommation de viande sont sâĂ©chelonnant de 6 Ă 23 kg, selon la rĂ©gion
actuellement peu élevés, deviendront de et un scénario de «routine» (Rosegrant et
nouveaux pĂŽles de croissance et soutiendront Thornton, 2008) (tableau 6). Lâessentiel de la
la croissance mondiale est cruciale. LâInde, croissance projetĂ©e concernerait les pays en
compte tenu de son énorme population développement. Les augmentations les plus
et des faibles niveaux de consommation fortes seraient observées en Amérique latine
de produits de lâĂ©levage par habitant, a le et aux CaraĂŻbes, en Asie de lâEst et du Sud et
potentiel pour ĂȘtre une nouvelle source de dans la rĂ©gion du PaciïŹque. La demande par
demande importante. Cependant, les avis habitant serait multipliĂ©e par deux â certes
divergent quant Ă la contribution future de en partant dâun niveau trĂšs bas â en Afrique
lâInde Ă la demande mondiale de ces produits subsaharienne.
(voir Bruinsma, 2003). Le modĂšle prĂ©voit quâune demande
Autre question, celle de lâimpact de la croissante conduira Ă une augmentation des
persistance des prix élevés sur la demande, cheptels, le nombre de bovins dans le monde
dans la mesure oĂč les consommateurs passant de 1,5 Ă 2,6 milliards dâunitĂ©s et
mondiaux modiïŹent leurs habitudes de celui des ovins de 1,7 Ă 2,7 milliards dâunitĂ©s
consommation. Bien quâil soit difïŹcile de entre 2000 et 2050. La demande de cĂ©rĂ©ales
prĂ©voir avec prĂ©cision lâĂ©volution des prix des secondaires pour lâalimentation animale
produits destinĂ©s Ă lâalimentation humaine devrait aussi augmenter de 553 millions
et animale, la plupart des analystes et des de tonnes pour la mĂȘme pĂ©riode, ce
observateurs conviennent quâĂ court et qui correspond Ă prĂšs de la moitiĂ© de
moyen termes, les prix resteront plus Ă©levĂ©s lâaugmentation totale de la demande.
que ceux observés dans un passé récent, mais La publication intitulée Perspectives
que la volatilitĂ© accrue des prix deviendra la agricoles de lâOCDE et de la FAO 2009-2018
norme (IFPRI, 2008; OCDE-FAO, 2008; Banque (OCDE-FAO, 2009) présente des projections
mondiale, 2008a). pour la décennie prochaine. Bien que les
Dans lâensemble, le potentiel de diffĂ©rences mĂ©thodologiques et mĂ©triques
développement de la consommation par entre les deux organisations ne permettent
habitant de produits de lâĂ©levage reste pas de comparer directement les chiffres, les
TABLEAU 6
Consommation de viande par région, 2000 et 2050 (prévisions)
2000 2050
(kg/personne/an)
Afrique subsaharienne 11 22
27
FIGURE 10
ClassiïŹcation des systĂšmes de production animale
Source: FAO.
sâappuient Ă©galement sur des techniques de la santĂ© humaine, et non pour suggĂ©rer
modernes comme la sĂ©lection des races et quâun systĂšme est prĂ©fĂ©rable Ă un autre.
la gestion des troupeaux. Ces termes sont
utilisés pour faciliter un examen comparatif SystÚmes de pùturage
des coûts, des avantages et des arbitrages Les systÚmes de pùturage occupent la plus
liĂ©s aux diffĂ©rents systĂšmes sur les plans de la large superïŹcie terrestre, soit environ 26 pour
sĂ©curitĂ© alimentaire, des moyens dâexistence, cent de la surface du globe non recouverte
de la gestion durable de lâenvironnement et par les glaces (Steinfeld et al., 2006).
TABLEAU 7
Population et production animales mondiales, par systĂšme de production, moyenne
2001-2003
Hors sol/
Pùturage Mixte pluvial Mixte irrigué Total
industriel
(Millions de tĂȘtes)
POPULATION
(millions de tonnes)
PRODUCTION
29
exemple dans des installations comme les
Transformation des systÚmes abattoirs et les unités de transformation des
dâĂ©levage produits laitiers. La production de viande
de volaille est lâexploitation qui peut ĂȘtre la
La demande croissante de produits de plus facilement mécanisée, et des formes de
lâĂ©levage et lâĂ©volution technologique ont production industrielle de viande de volaille
profondĂ©ment bouleversĂ© les systĂšmes sont apparues mĂȘme dans les pays les moins
dâĂ©levage, en particulier la structure des avancĂ©s. En revanche, la production laitiĂšre
domaines les plus modernes du secteur ne permet pas dâĂ©conomies dâĂ©chelle aussi
de la production animale dans les pays importantes à cause de ses besoins élevés
dĂ©veloppĂ©s et certaines rĂ©gions du monde en de main-dâĆuvre. En ce qui concerne la
développement. La dimension moyenne des production laitiÚre et de viande de petits
unitĂ©s de production primaire a rapidement ruminants, les coĂ»ts de production dâune
augmenté et, dans de nombreuses régions petite exploitation sont souvent comparables
du monde, leur concentration a entraßné à ceux des entreprises à grande échelle, en
lâapparition dâexploitations plus grandes et gĂ©nĂ©ral parce que la main-dâĆuvre, issue de
moins nombreuses, souvent mieux placées la famille, est souvent payée en dessous du
pour proïŹter des progrĂšs techniques et salaire minimum.
des Ă©conomies dâĂ©chelle que permettent Lâorganisation de la production animale
notamment la génétique moderne, a des conséquences sur la maniÚre dont le
les aliments composés ou une gestion secteur interagit avec la base de ressources
industrielle, en particulier dans la production naturelles et sur la gestion des maladies
de viande de porc ou de volaille. animales et des risques pour la santé
La demande mondiale de viande animale humaine. La transformation structurelle
a été en grande partie satisfaite par la du secteur peut avoir une incidence sur les
production industrialisĂ©e. Les grandes unitĂ©s moyens dâexistence, notamment dans les
de production ont un avantage comparatif zones rurales. La question de savoir si les
décisif sur les unités plus petites dans un petits exploitants peuvent tirer parti de la
marchĂ© de plus en plus mondialisĂ©. Il existe demande croissante de produits de lâĂ©levage
plusieurs raisons Ă cela. PremiĂšrement, la et dans quelle mesure ils en ont proïŹtĂ©
concentration du secteur des intrants et de effectivement est un facteur important qui
la transformation ainsi que lâintĂ©gration doit ĂȘtre pris en compte dans les efforts
verticale conduisent Ă une augmentation dĂ©ployĂ©s pour dĂ©velopper lâĂ©levage.
de la dimension des exploitations. Les
grands intégrateurs préfÚrent traiter avec Des petits systÚmes mixtes aux systÚmes
les grandes unités de production. à court spécialisés à grande échelle
terme, lâagriculture contractuelle peut Le secteur de lâĂ©levage moderne est
proïŹter aux petits exploitants mais Ă long caractĂ©risĂ© par des exploitations de grandes
terme les intĂ©grateurs prĂ©fĂšrent sâentendre dimensions sâappuyant sur une utilisation
avec quelques grands producteurs au intensive dâintrants, de techniques et de
lieu de contractualiser un grand nombre capital, une spĂ©cialisation accrue dâunitĂ©s
de petits producteurs. Il sâagit lĂ dâun de production axĂ©es sur un produit et un
phénomÚne courant dans la production remplacement progressif des intrants non
de viande de volaille et de porc, parce que commercialisés par des intrants achetés
les transformateurs exigent de grandes auprĂšs de fournisseurs externes, locaux ou
quantitĂ©s de produits dâune qualitĂ© internationaux. La mĂ©canisation remplace
constante. LâencadrĂ© 3 examine lâincidence de le travail humain, qui est utilisĂ© comme
la coordination des chaĂźnes de valeur sur les une source de connaissances techniques
systĂšmes de production animale. et un moyen de gestion. Le passage Ă
Les Ă©conomies dâĂ©chelle peuvent des systĂšmes de production modernes a
concerner différents produits, à divers fait reculer les systÚmes de culture mixtes
stades du processus de production. Elles sont intégrés, progressivement remplacés
potentiellement élevées dans des secteurs par des entreprises spécialisées. Dans ce
en aval du processus de production, par processus, le secteur de lâĂ©levage nâest
30 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 3
La coordination dans les chaĂźnes de valeur pour la production animale
Les ïŹliĂšres commerciales des produits entre lâindustrie fourragĂšre et les Ă©levages
de lâĂ©levage â en particulier pour la commerciaux.
viande â sont trĂšs complexes. Cette LâintĂ©gration verticale suppose un
complexité débute au moment de la degré de coordination plus étroit et
production, elle-mĂȘme tributaire dâune se produit lorsque deux ou plusieurs
chaĂźne dâapprovisionnement en aliments segments successifs de la chaĂźne
fourragers qui doit garantir lâoffre dâapprovisionnements alimentaires sont
dâintrants sĂ»rs en temps opportun. Elle contrĂŽlĂ©s et effectuĂ©s par une mĂȘme
continue lors du traitement et de la vente entreprise. Dans les cas extrĂȘmes, toute
au dĂ©tail; les Ă©tapes sont nombreuses la chaĂźne peut ĂȘtre intĂ©grĂ©e. Parmi les
et les produits dâorigine animale sont exemples de cette intĂ©gration verticale
souvent plus pĂ©rissables que les aliments ïŹgurent les sociĂ©tĂ©s qui unissent les
issus des cultures. LâinterdĂ©pendance qui producteurs et les acheteurs. Les sociĂ©tĂ©s
sâinstaure entre les opĂ©rateurs de la ïŹliĂšre de conditionnement possĂšdent souvent
pour les produits animaux exige une des élevages porcins et des parcs
coordination particuliĂšrement rigoureuse, dâengraissement de bovins tandis que les
bien plus que pour les transactions producteurs laitiers peuvent produire leurs
commerciales en espĂšces. propres fourrages au lieu de les acheter.
Les sociĂ©tĂ©s dâune ïŹliĂšre Lorsque lâintĂ©gration est verticale, les
dâapprovisionnement alimentaire transferts de produits sont dĂ©terminĂ©s
peuvent mettre en place des mécanismes davantage par des décisions internes que
de coordination verticale tels que des par le jeu du marché.
contrats, des licences et des alliances La coordination horizontale peut
stratĂ©giques permettant de gĂ©rer les aussi sâavĂ©rer nĂ©cessaire pour de
relations avec leurs fournisseurs et clients. bonnes performances dans la ïŹliĂšre
Les opĂ©rateurs dâun mĂȘme segment de dâapprovisionnement. Les transformateurs
la ïŹliĂšre peuvent Ă©tablir des relations peuvent rĂ©duire les coĂ»ts de transaction
horizontales sous forme de groupements en traitant avec une seule organisation
ou de coopératives pour gérer les de producteurs, une coopérative par
transactions en amont et en aval et assurer exemple, au lieu dâavoir affaire Ă
la qualité des produits. une myriade de petites exploitations.
Les contrats sont la modalitĂ© la plus Lâorganisation en coopĂ©ratives prĂ©sente
courante de coordination verticale. Chez trois avantages potentiels pour les
les producteurs primaires, les contrats agriculteurs: la conclusion dâarrangements
permettent dâĂ©tablir des relations pour la vente de la production fermiĂšre
dâaffaires plus sĂ»res avec les partenaires, Ă des entreprises en aval; lâĂ©change
non seulement pour garantir le prix de dâinformations avec les partenaires de la
la transaction dâachat ou de vente, ce qui ïŹliĂšre alimentaire et leur diffusion parmi
rĂ©duit les risques liĂ©s aux marchĂ©s, mais les agriculteurs; et la fourniture dâavis aux
aussi pour spĂ©ciïŹer les quantitĂ©s et la producteurs sur les critĂšres Ă suivre pour
qualité. Du point de vue du contractant/ assurer la qualité de la matiÚre premiÚre.
acheteur, les contrats permettent des Dans bon nombre de pays parmi les
liens beaucoup plus étroits avec les moins avancés, les coopératives sont un
agriculteurs et peuvent offrir un contrĂŽle dispositif essentiel qui permet aux petits
accru sur les décisions de production producteurs de rester en activité, voire de
de ces derniers. Les contrats de vente ne pas tomber dans la pauvreté.
peuvent ĂȘtre stipulĂ©s avec des entreprises
de traitement en aval, telles que des
sociétés de conditionnement, tandis que
les accords en amont peuvent intervenir Source: Adapté de Frohberg, 2009.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
31
TABLEAU 8
Utilisation dâaliments concentrĂ©s par rĂ©gion, 1980 et 2005
1980 2005
(Millions de tonnes)
plus multifonctionnel mais centrĂ© sur Lâusage dâaliments concentrĂ©s pour animaux
un produit. Lâimportance des fonctions dans les pays en dĂ©veloppement a plus que
traditionnellement importantes de lâĂ©levage doublĂ© entre 1980 et 2005 (tableau 8). En
décroßt, comme la fourniture de traction 2005, au total, 742 millions de tonnes de
animale et de fumier, qui sont des actifs cĂ©rĂ©ales ont Ă©tĂ© absorbĂ©es par lâĂ©levage,
et une assurance tout en assumant des soit prĂšs dâun tiers de la rĂ©colte mondiale de
fonctions socioculturelles. La production céréales et une part encore plus grande de
animale ne fait plus partie des systÚmes céréales secondaires (tableau 9).
de production intĂ©grĂ©s, fondĂ©s sur des La prĂ©dominance dâaliments concentrĂ©s
ressources locales et des produits non signiïŹe que la production animale ne dĂ©pend
alimentaires servant dâintrants pour dâautres plus de la disponibilitĂ© locale dâaliments pour
activités productives du systÚme. animaux et des ressources naturelles qui en
sont Ă lâorigine. Lâimpact de la production
Des pĂąturages aux aliments concentrĂ©s sur les ressources naturelles nâest donc plus
pour animaux en partie associé au lieu de production et il
La production animale, Ă mesure quâelle croĂźt est transfĂ©rĂ© lĂ oĂč les aliments pour animaux
et sâintensiïŹe, dĂ©pend de moins en moins des sont produits.
aliments pour animaux disponibles localement Lâutilisation accrue dâaliments concentrĂ©s
et de plus en plus des aliments concentrés explique la croissance rapide de la
pour animaux qui sont commercialisés aux production de monogastriques, notamment
plans local et international. On passe donc la volaille. Lorsque lâĂ©levage ne dĂ©pend plus
dâune utilisation de pĂąturages de qualitĂ© des ressources locales ou des dĂ©chets dâautres
mĂ©diocre (rĂ©sidus de culture et pĂąturages activitĂ©s pour lâalimentation animale, le
naturels) Ă une utilisation de coproduits et de rythme auquel les aliments pour animaux
concentrĂ©s agro-industriels de qualitĂ© Ă©levĂ©e. sont transformĂ©s en produits dâorigine
32 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
TABLEAU 9
Utilisation dâaliments concentrĂ©s par groupe de produits, 2005
(Millions de tonnes)
animale devient un facteur critique de traduisent par une forte demande dâaliments
lâefïŹcience Ă©conomique de la production. Ă dâorigine animale. Ils sont initialement
cet égard, les monogastriques, qui ont un proches des villes et des agglomérations
meilleur taux de conversion des aliments urbaines. Les produits de lâĂ©levage sont en
pour animaux, ont un avantage distinct sur effet parmi les denrées les plus périssables,
les ruminants. et leur conservation sans congélation et
transformation pose des risques graves pour
Dâune production dispersĂ©e Ă une la santĂ© humaine et la qualitĂ©. Les animaux
production concentrĂ©e dâĂ©levage doivent donc ĂȘtre proches du
La consolidation des activités liées à la lieu de la demande. Par la suite, grùce
production animale, notamment celles qui au développement des infrastructures et
sont associées aux monogastriques, a eu un des techniques de transport des intrants
impact sur la géographie des populations et de transformation et de conservation
animales et de la production. des produits, la production animale peut
Lorsque la production animale Ă©tait sâĂ©loigner des pĂŽles de la demande, sous
fondĂ©e sur les ressources alimentaires lâeffet de certains facteurs comme la
disponibles localement, comme les réduction des prix de la terre et de la main-
pĂąturages naturels et les sous-produits dâĆuvre, lâaccĂšs aux aliments pour animaux,
des cultures, la distribution des ruminants des normes environnementales moins
Ă©tait dĂ©terminĂ©e en grande partie par rigoureuses, des incitations ïŹscales ou des
la disponibilité de ces ressources. La lieux moins sensibles aux pathogénies.
distribution des porcs et de la volaille Dâun point de vue gĂ©ographique, la
était trÚs proche de celles des populations production animale est donc désormais
humaines parce que ces animaux jouaient composée de centres de production, de
leur rĂŽle de convertisseurs de dĂ©chets. centres de transformation et dâinfrastructures
Lâutilisation croissante dâaliments achetĂ©s Ă de soutien logistique reliĂ©s entre eux, situĂ©s Ă
lâextĂ©rieur de lâexploitation, en particulier proximitĂ© les uns des autres et fonctionnant
les concentrĂ©s, a rĂ©duit lâimportance de maniĂšre coordonnĂ©e. Ces changements
des conditions agroécologiques en tant de la structure de la production ont été
que facteur déterminant. Elles ont été accompagnés par une augmentation de la
remplacées par des facteurs comme le coût dimension des abattoirs et des usines de
dâopportunitĂ© de la terre et lâaccĂšs aux transformation, qui sont de plus en plus
marchés des intrants et des produits. situés dans la zone de production.
Les grands opérateurs apparaissent Dans les systÚmes de production
lorsque lâurbanisation, la croissance traditionnels, mixtes ou pastoraux, des
économique et la hausse des revenus se produits non alimentaires comme le fumier
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
33
sont des intrants importants dans dâautres et de lâurbanisation. Le potentiel de
activités de production. La concentration développement de la demande de
signiïŹe que ces produits sont souvent produits de lâĂ©levage est trĂšs grand, ce
considĂ©rĂ©s comme des dĂ©chets qui doivent qui prĂ©sente des dĂ©ïŹs dans lâutilisation
ĂȘtre Ă©liminĂ©s. En outre, la concentration efïŹcace des ressources naturelles,
croissante dâanimaux, souvent proches des la gestion des risques pour la santĂ©
grands centres urbains, peut aggraver les animale et humaine, lâattĂ©nuation de la
problÚmes liés aux maladies animales et aux pauvreté et la réalisation de la sécurité
risques pour la santé humaine. alimentaire.
v La demande croissante de produits
de lâĂ©levage et la mise en Ćuvre des
DĂ©ïŹs liĂ©s Ă la croissance constante changements technologiques dans
du secteur de lâĂ©levage lâensemble de la chaĂźne alimentaire ont
profondĂ©ment modiïŹĂ© certains systĂšmes
La demande croissante de produits de de production animale. Les systĂšmes de
lâĂ©levage et lâaugmentation constante production mixtes de petites dimensions
de leur production ont des conséquences sont aux prises avec la concurrence
à long terme importantes dans trois accrue de vastes unités de production
domaines, qui exigent dâĂȘtre examinĂ©es. Elles spĂ©cialisĂ©es qui sâappuient sur des
supposent un accroissement de la pression intrants achetés auprÚs de fournisseurs
sur les ressources naturelles mondiales, extérieurs. Ces tendances sont autant de
car la demande dâaliments pour animaux dĂ©ïŹs Ă relever pour les petits exploitants
augmente, et la production animale est de et ont des conséquences sur la capacité
plus en plus découplée de la base locale des du secteur à réduire la pauvreté.
ressources naturelles. Elles ont une incidence v Le passage des systĂšmes de production
sur la santé animale et humaine à mesure mixtes de petites dimensions, fondés
que les populations et la concentration sur des ressources disponibles
humaines et animales augmentent, parce localement, Ă des systĂšmes industriels
que certains agents migrent facilement entre de grandes dimensions, a déplacé les
espĂšces. EnïŹn, les rĂ©percussions sociales sur lieux dâimplantation des unitĂ©s de
les petits exploitants, dont les possibilités production animale. à mesure que les
dâapprovisionner de nouveaux marchĂ©s sont contraintes liĂ©es Ă la disponibilitĂ© locale
limitĂ©es et posent de graves dĂ©ïŹs en matiĂšre des ressources naturelles sont levĂ©es,
de politiques. la distribution spatiale des unités de
Le développement rapide et continu du production animale ressemble de plus en
secteur de lâĂ©levage illustre les problĂšmes plus Ă des pĂŽles fonctionnant de maniĂšre
critiques qui se posent pour lâavenir du interconnectĂ©e tout au long de la chaĂźne
secteur. Les gouvernements nationaux et dâapprovisionnement, ce qui a augmentĂ©
la communautĂ© internationale doivent lâefïŹcacitĂ© de la production tout en
impĂ©rativement les prendre en compte crĂ©ant des problĂšmes liĂ©s Ă lâusage des
et sâefforcer notamment de maĂźtriser le ressources naturelles.
potentiel de croissance de la demande v La concentration croissante de la
de produits de lâĂ©levage pour attĂ©nuer la production et du commerce pose de
pauvretĂ© et amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© alimentaire, nouveaux dĂ©ïŹs Ă relever en matiĂšre de
dâaccroĂźtre la gestion durable des ressources gestion des maladies animales.
naturelles et de renforcer les activitĂ©s liĂ©es Ă
la gestion des maladies animales.
35
Le prĂ©sent chapitre analyse le rĂŽle sâĂ©tendent trĂšs au-delĂ de la production
de lâĂ©levage sous lâangle de la sĂ©curitĂ© animale destinĂ©e Ă la vente ou Ă la
alimentaire et des moyens dâexistence des consommation directe.
hommes et des femmes qui vivent dans la LâĂ©levage remplit dâautres fonctions tout
pauvretĂ©. Il traite Ă©galement du potentiel aussi importantes: il est source dâemplois
de ce secteur Ă devenir un moteur de la pour lâagriculteur et les membres de sa
croissance, à faire reculer la pauvreté et famille (Sansoucy, 1995); un moyen de
à promouvoir la sécurité alimentaire à thésaurisation (CAST, 2001); et une forme
long terme pour les personnes les plus dâassurance (Fafchamps et Gavian, 1997); il
vulnĂ©rables. Il dĂ©taille les conditions favorise lâĂ©galitĂ© entre les sexes en crĂ©ant
nécessaires pour que les petits exploitants des opportunités pour les femmes; il permet
puissent sâappuyer sur lâĂ©levage pour le recyclage des dĂ©chets et rĂ©sidus de rĂ©colte
sâextraire de la pauvretĂ©. ou de lâagro-industrie (Ke, 1998; Steinfeld,
Les politiques visant ce secteur doivent 1998); il contribue Ă lâamĂ©lioration de la
prendre en compte les disparités entre les structure et de la fertilité des sols (de Wit,
producteurs en termes de capacitĂ© Ă van de Meer et Nell, 1997); et il participe Ă
intĂ©grer des ïŹliĂšres industrialisĂ©es la lutte contre les ravageurs (Pelant et al.,
modernes, capacité qui est souvent 1999).
dĂ©terminĂ©e par les questions de paritĂ© entre Les dĂ©chets de lâĂ©levage peuvent
les sexes et autres facteurs socioculturels; aussi servir de source dâĂ©nergie pour la
elles doivent aussi reconnaßtre la fonction préparation des aliments et à ce titre
cruciale que remplit lâĂ©levage pour de contribuer Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire. Les
nombreux petits agriculteurs en tant que rĂ©sidus de lâĂ©levage peuvent aussi servir
ïŹlet de sĂ©curitĂ©. comme source dâĂ©nergie pour cuisiner,
contribuant ainsi à la sécurité alimentaire.
LâĂ©levage a aussi une dimension culturelle:
Ălevage et moyens dâexistence la possession de bĂ©tail peut ĂȘtre Ă la base
de rites religieux (Horowitz, 2001; Ashdown,
LâĂ©levage est un moyen dâexistence 1992; Harris, 1978) ou reïŹĂ©ter le statut
essentiel pour les plus pauvres. Il fait partie social de lâagriculteur (Birner, 1999). Les
intĂ©grante des systĂšmes de production fonctions non marchandes de lâĂ©levage
mixtes, en contribuant Ă lâaugmentation de peuvent varier dâune rĂ©gion Ă lâautre dans
la productivitĂ© sur la ferme et en assurant un mĂȘme pays, et bien entendu dâun pays Ă
une source stable dâaliments et de revenus lâautre. Elles sont aussi susceptibles dâĂ©voluer
pour les ménages. Toutefois, son rÎle et sa avec le temps, en fonction de la situation
contribution dans les pays en développement économique des éleveurs.
TABLEAU 10
Nombre et emplacement des éleveurs pauvres par catégorie et zone agro-écologique
TABLEAU 11
Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, part des revenus provenant du
bĂ©tail et nombre de bĂȘtes par mĂ©nage par pays
PART DES PART DES PART DE LA NOMBRE
MĂNAGES REVENUS ISSUE PRODUCTION DE BĂTES
PAYS ET ANNĂE RURAUX DU BĂTAIL1 ANIMALE DĂTENUES PAR
POSSĂDANT DU VENDUE LES MĂNAGES
BĂTAIL RURAUX1
(Pourcentage) (UBT2)
Afrique
Asie
Europe orientale
Amérique latine
Le nombre de pauvres dont les moyens base de données de la FAO sur les activités
dâexistence reposent sur lâĂ©levage nâest rurales gĂ©nĂ©ratrices de revenus (RIGA) (FAO,
pas connu avec certitude, mais lâestimation 2009a), qui recueille les donnĂ©es issues
la plus frĂ©quemment avancĂ©e fait Ă©tat de dâenquĂȘtes sur les mĂ©nages reprĂ©sentatives Ă
987 millions (Livestock in Development, lâĂ©chelle nationale et provenant de 14 pays,
1999), soit environ 70 pour cent des indique que 60 pour cent des ménages
ĂȘtres humains vivant dans une «pauvretĂ© ruraux possĂšdent du bĂ©tail (tableau 11).
extrĂȘme»2 dont le nombre est estimĂ© Ă Les donnĂ©es correspondant aux 14 pays
1,4 milliard. Le tableau 10 détaille cette RIGA sont présentées par quintile de dépenses
estimation, ventilĂ©e par zone agroĂ©cologique ïŹgures 11-14. La possession de bĂ©tail concerne
et par type de systĂšme de production. La toutes les tranches de revenus chez les
mĂ©nages ruraux (ïŹgure 11). Dans un tiers
environ des pays de lâĂ©chantillon, les mĂ©nages
2
DĂ©ïŹnies comme celles dont la consommation est
plus pauvres pratiquent lâĂ©levage davantage
inférieure à 1,25 USD par personne et par jour, mesurée
en paritĂ© de pouvoir dâachat par rapport Ă 2005, annĂ©e de que les mĂ©nages plus aisĂ©s. MalgrĂ© lâabsence
référence. de relation établie entre niveau de revenu et
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
37
FIGURE 11
Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, par quintiles de dépenses
Albanie
2005
Bangladesh
2000
Bulgarie
2001
Ăquateur
1995
Ghana
1998
Guatemala
2000
Madagascar
1993
Malawi
2004
Népal
1996
Nicaragua
2001
Nigéria
2004
Pakistan
2001
Panama
2003
Viet Nam
1998
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Pourcentage
Ă©levage, il apparaĂźt clairement que dans tous Malawi. MĂȘme sâil nâexiste pas de tendance
les pays, mĂȘme les mĂ©nages les plus pauvres systĂ©matique, dans plusieurs pays les
possĂšdent du bĂ©tail. personnes pauvres tirent de lâĂ©levage une
La part de lâĂ©levage dans les revenus des part plus importante de leur revenu que les
ménages varie selon les pays et les niveaux ménages plus aisés.
de revenus (ïŹgure 12). InfĂ©rieure Ă 5 pour Bien que la plupart des mĂ©nages ruraux
cent pour un grand nombre de mĂ©nages, de lâĂ©chantillon RIGA Ă©lĂšvent du bĂ©tail, la
elle atteint plus de 45 pour cent pour taille moyenne de leur cheptel reste faible,
les ménages ayant un revenu moyen au entre 0,3 unité de bétail tropical (UBT) au
38 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
FIGURE 12
Part des revenus de lâĂ©levage au sein des mĂ©nages ruraux, par quintile de dĂ©penses
Albanie
2005
Bangladesh
2000
Bulgarie
2001
Ăquateur
1995
Ghana
1998
Guatemala
2000
Madagascar
1993
Malawi
2004
Népal
1996
Nicaragua
2001
Nigéria
2004
Pakistan
2001
Panama
2003
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Pourcentage
39
inférieurs par rapport aux quintiles de Dans tous les pays considérés, les hommes
dĂ©penses supĂ©rieurs, ce qui tendrait Ă sont plus nombreux que les femmes Ă
indiquer que le bétail est destiné à une posséder du bétail, et les ménages ayant
consommation personnelle dans le cas Ă leur tĂȘte un homme ont plus de bĂ©tail
des mĂ©nages moins favorisĂ©s, alors quâil que ceux dirigĂ©s par une femme. Cela est
représente une source de revenu monétaire particuliÚrement vrai dans le cas des grands
pour les mĂ©nages plus aisĂ©s. Cependant, animaux (bovins, bufïŹes). Les disparitĂ©s
cette tendance nâest pas homogĂšne, plusieurs au niveau de la taille des troupeaux sont
pays présentant des situations différentes. particuliÚrement accusées au Bangladesh,
FIGURE 13
Nombre de bĂȘtes dĂ©tenues par les mĂ©nages ruraux, par quintiles de dĂ©penses
Albanie
2005
Bangladesh
2000
Bulgarie
2001
Ăquateur
1995
Ghana
1998
Guatemala
2000
Madagascar
1993
Malawi
2004
Népal
1996
Nicaragua
2001
Nigéria
2004
Panama
2003
Viet Nam
1998
0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0
Nombre de bĂȘtes
Note: Le nombre de bĂȘtes est calculĂ© Ă lâaide de lâunitĂ© de bĂ©tail tropical (UBT) qui est lâĂ©quivalent dâun animal de 250 kg
Cette Ă©chelle varie seolon les rĂ©gions. Par exemple, en AmĂ©rique du Sud, lâĂ©chelle est comme suit: 1 bovin = 0,7 UBT,
1Â cochon = 0,2, 1Â mouton = 0,1, et 1Â poulet = 0,01.
40 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
FIGURE 14
Pourcentage de la production totale de bétail des ménages ruraux qui est vendu,
par quintile de dépenses
Albanie
2005
Bangladesh
2000
Bulgarie
2001
Ăquateur
1995
Ghana
1998
Guatemala
2000
Madagascar
1993
Malawi
2004
Népal
1996
Nicaragua
2001
Nigéria
2004
Panama
2003
Viet Nam
1998
0 10 20 30 40 50 60 70
Pourcentage
41
au Cambodge, en République démocratique ses quatre dimensions: disponibilité, accÚs,
populaire lao et au Viet Nam (FAO, 2004b). stabilité et utilisation.
Dans de nombreux autres pays et régions, La disponibilité renvoie à la disponibilité
les femmes possÚdent des volailles, en physique de denrées alimentaires en quantité
nombre parfois supĂ©rieur Ă celles dĂ©tenues sufïŹsante en un lieu donnĂ©. Les denrĂ©es
par les hommes, et contrairement Ă dâautres sont disponibles grĂące Ă la production
productions, sont libres de disposer des domestique, aux marchés locaux et aux
volailles quâelles Ă©lĂšvent sans consulter importations. LâaccĂšs recouvre la capacitĂ©
un homme. Le fait que les femmes soient des individus à acquérir des aliments. En
responsables de la production avicole dans effet, mĂȘme si lâapprovisionnement physique
ces régions a des implications également en produits alimentaires est assuré dans
pour les programmes de lutte contre la une région donnée, ces produits ne sont
grippe aviaire. pas nécessairement accessibles si leur prix
Les donnĂ©es provenant de la base est trop Ă©levĂ© ou si le pouvoir dâachat
RIGA conïŹrment de maniĂšre gĂ©nĂ©rale les des populations locales est insufïŹsant.
observations antĂ©rieures. Delgado et al. LâĂ©levage domestique et lâĂ©levage extensif
(1999) ont analysĂ© 16 pays diffĂ©rents pour Ă lâherbe, qui reposent sur lâutilisation
comparer la dépendance au revenu tiré des déchets et des terres impropres à la
de lâĂ©levage des mĂ©nages «trĂšs pauvres» culture, contribuent indiscutablement Ă
et «moins pauvres». Ils ont observé que la la disponibilité alimentaire. Les systÚmes
majoritĂ© des mĂ©nages ruraux pauvres dâĂ©levage intensifs dĂ©crits au Chapitre 2
dépend dans une certaine mesure de sont une source importante de produits
lâĂ©levage, mais que les «moins pauvres» carnĂ©s abordables pour les consommateurs
dépendent plus fortement des revenus urbains. Grùce à une utilisation rationnelle
tirĂ©s de lâĂ©levage que les «trĂšs pauvres». des ressources, ils assurent une offre de
Ă lâinverse, Quisumbing et al. (1995) ont produits alimentaires abondants et Ă faible
constaté que, dans de nombreux cas, les coût, contribuant ainsi à la disponibilité des
pauvres tirent de lâĂ©levage une part plus denrĂ©es et Ă leur accĂšs. Ils sont appelĂ©s Ă
importante de leur revenu que les riches jouer un rĂŽle de plus en plus important Ă
parce quâils peuvent utiliser pour la pĂąture lâavenir, sachant que la demande en produits
des terres communales, et bĂ©nĂ©ïŹcier ainsi de de lâĂ©levage continuera de croĂźtre dans les
coĂ»ts de production faibles. annĂ©es qui viennent. Dans le mĂȘme temps,
la hausse rapide de la demande en produits
carnĂ©s signiïŹe quâun tiers de lâensemble des
Ălevage et sĂ©curitĂ© alimentaire terres cultivĂ©es est aujourdâhui consacrĂ© Ă la
production fourragÚre. Toutes choses étant
La dĂ©nutrition demeure un problĂšme majeur Ă©gales par ailleurs, ce conïŹit dâusage sur des
dans de nombreux pays en dĂ©veloppement. terres traditionnellement affectĂ©es Ă dâautres
Les derniĂšres statistiques de la FAO (FAO, cultures est responsable de la hausse des prix
2009c) indiquent que prĂšs dâun milliard des produits alimentaires de base et pourrait
dâĂȘtres humains dans le monde souffrent de avoir des effets nĂ©gatifs sur lâaccĂšs aux
sous-alimentation. La sĂ©curitĂ© alimentaire denrĂ©es. Ce sujet fait lâobjet de lâencadrĂ© 4.
se dĂ©ïŹnit comme lâaccĂšs de tous les ĂȘtres La plupart des mĂ©nages ruraux, y
humains, à tout moment, à une alimentation compris les trÚs pauvres, élÚvent du
sĂ»re, nutritive et sufïŹsante leur permettant bĂ©tail. LâĂ©levage contribue directement
de mener une vie saine et active. Le secteur Ă la disponibilitĂ© alimentaire et Ă lâaccĂšs
de lâĂ©levage est crucial pour la sĂ©curitĂ© des petits exploitants Ă lâalimentation,
alimentaire, non seulement pour les petits souvent par des mécanismes complexes.
agriculteurs en milieu rural qui dépendent Les petits agriculteurs consomment parfois
directement de lâĂ©levage pour leur directement leur production mais choisissent
alimentation et leurs revenus, mais aussi pour le plus souvent de vendre leurs Ćufs ou
les consommateurs urbains, qui bĂ©nĂ©ïŹcient leur lait Ă haute valeur ajoutĂ©e, pour
de denrĂ©es dâorigine animale de qualitĂ© Ă pouvoir acheter des produits de base dâun
un prix abordable. LâĂ©levage joue un rĂŽle moindre coĂ»t. La contribution indirecte de
important dans la sĂ©curitĂ© alimentaire sous lâĂ©levage Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire Ă travers
42 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 4
Alimentation humaine et animale: les animaux dâĂ©levage rĂ©duisent-ils
les disponibilités alimentaires pour la consommation humaine?
Il nâest pas rare dâentendre quâil sufïŹrait, pas concurrence aux ĂȘtres humains pour
pour remĂ©dier Ă la pĂ©nurie dâaliments qui lâalimentation, les excĂ©dents de cĂ©rĂ©ales
frappe les pauvres et les sous-alimentés, ne seraient pas pour autant disponibles
de rĂ©duire la demande dâaliments pour lâalimentation humaine; au contraire,
fourragers. En réalité la relation entre par effet de la demande réduite, une
demande en aliments pour animaux grande partie de ces quantités ne seraient
et sĂ©curitĂ© alimentaire est complexe et pas produites. Toutefois, si Ă lâheure
comporte des aspects à la fois matériels et actuelle les besoins alimentaires des
Ă©conomiques. animaux dâĂ©levage ne concurrencent pas
Chaque année, le bétail consomme directement ceux des sous-alimentés,
77 millions de tonnes de protéines ils contribuent à faire monter la
contenues dans des aliments fourragers demande globale, et par conséquent
qui sont potentiellement aptes Ă la les prix, des cultures et des intrants
consommation humaine, alors que les agricoles. Ce phénomÚne, qui favorise
produits destinés à la consommation plutÎt les producteurs nets, pénalise les
humaine et issus de lâĂ©levage nâen consommateurs nets (des villes comme des
fournissent que 58 millions. (Steinfeld et zones rurales).
al., 2006). En termes dâapport Ă©nergĂ©tique Un aspect important souvent ignorĂ©
alimentaire la perte relative est beaucoup est que les produits fourragers destinés
plus importante. Elle rĂ©sulte, certes, Ă lâĂ©levage jouent en faveur des
de la tendance récente à utiliser des objectifs de la sécurité alimentaire, en
aliments contenant davantage de produits tant que mécanisme régulateur des
concentrés pour nourrir les animaux, marchés nationaux et internationaux,
mais il ne faut pas tomber dans des utile en cas de pénurie alimentaire.
simpliïŹcations excessives ni oublier que Lors des prĂ©cĂ©dentes crises mondiales
les protĂ©ines dâorigine animale sont des prix en 1974/75 et 1981/82, les
dâune qualitĂ© plus Ă©levĂ©e que celle des approvisionnements cĂ©rĂ©aliers ont
protéines fourragÚres dont se nourrissent chuté de maniÚre considérable. Le
les animaux. secteur de lâĂ©levage, moyennant la
Du point de vue Ă©conomique, il contraction de lâoffre en produits
faut savoir que la faim et lâinsĂ©curitĂ© fourragers ou le passage Ă dâautres
alimentaire ne dĂ©coulent pas en gĂ©nĂ©ral sources dâapprovisionnement, a exercĂ©
dâune limitation de lâoffre mais plutĂŽt une fonction rĂ©gulatrice efïŹcace, faisant
dâune dĂ©faillance de la demande en raison baisser la demande de cĂ©rĂ©ales. Un effet
dâun pouvoir dâachat insufïŹsant. Si par tampon similaire a Ă©tĂ© observĂ© lors de la
hypothĂšse le secteur de lâĂ©levage ne faisait rĂ©cente crise alimentaire en 2007 et 2008.
43
dâorigine animale dans lâalimentation des mais elle sâaccompagne Ă©galement dâun
pauvres. prix Ă©conomique Ă©levĂ©: chez lâadulte, elle
La stabilité est la troisiÚme dimension de réduit la productivité et la performance
la sĂ©curitĂ© alimentaire. LâĂ©levage contribue au travail, elle limite le dĂ©veloppement
à la stabilité de la sécurité alimentaire des du capital humain et entrave le potentiel
mĂ©nages ruraux en ce quâil constitue un de croissance Ă©conomique des pays (FAO,
actif, un moyen de thésaurisation et un 2004a). La dénutrition peut aussi accroßtre la
ïŹlet de sĂ©curitĂ©. Le bĂ©tail peut servir de vulnĂ©rabilitĂ© des femmes, des hommes et des
garantie pour lâobtention dâun crĂ©dit, il peut enfants Ă des infections comme le paludisme,
ĂȘtre vendu pour augmenter un revenu ou la tuberculose et le VIH/SIDA.
directement consommĂ© en pĂ©riode de crise, Les produits dâorigine animale apportent
amortissant ainsi les chocs externes liés par des protéines de haute qualité et divers
exemple Ă la blessure ou Ă la maladie dâun micronutriments quâil est difïŹcile de trouver
membre productif de la famille. Le bĂ©tail en quantitĂ© sufïŹsante dans des aliments
reprĂ©sente aussi une force de travail, une dâorigine exclusivement vĂ©gĂ©tale. MĂȘme si
source dâengrais et un instrument de lutte des minĂ©raux essentiels comme le zinc et
contre les ravageurs dans le cas des systÚmes le fer sont aussi présents dans les céréales,
mixtes dâexploitation, contribuant ainsi Ă la ils ont une faible biodisponibilitĂ© dans les
productivitĂ© globale de lâexploitation et donc aliments dâorigine vĂ©gĂ©tale en raison de
Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire. la prĂ©sence dâinhibiteurs de lâabsorption
La quatriĂšme dimension de la comme les phytates; ils ont une meilleure
sĂ©curitĂ© alimentaire â lâutilisation â est biodisponibilitĂ© dans les produits dâorigine
particuliĂšrement importante dans le cas animale.
des produits de lâĂ©levage et des aliments La vitamine A, la vitamine B12, la
dâorigine animale. La recherche conïŹrme riboïŹavine, le calcium, le fer et le zinc sont
que ces produits sont une excellente six éléments nutritifs peu présents dans une
source de protéines de haute qualité et alimentation essentiellement végétarienne et
de micronutriments essentiels tels que la fournis par les produits dâorigine animale. Les
vitamine B et des oligo-éléments hautement problÚmes de santé associés à des carences
biodisponibles3 tels que le fer et le zinc. Cette de ces nutriments incluent lâanĂ©mie, les
«biodisponibilité» revĂȘt une importance retards de croissance, lâaltĂ©ration de la vision
particuliÚre pour les mÚres et les jeunes et la cécité, le rachitisme, les altérations des
enfants, qui ont du mal Ă trouver dans performances cognitives et le risque accru de
une alimentation dâorigine vĂ©gĂ©tale les morbiditĂ© et de mortalitĂ© liĂ©es aux maladies
micronutriments qui leur sont nécessaires. infectieuses, en particulier chez le nourrisson
La consommation en petites quantitĂ©s de et lâenfant. Les produits dâorigine animale
produits dâorigine animale apporte les sont une source particuliĂšrement riche de
éléments nutritifs essentiels nécessaires à la ces six nutriments, et leur consommation
santé maternelle et au bon développement en quantité relativement faible, conjuguée
physique et mental des jeunes enfants. à une alimentation végétarienne, peut
amĂ©liorer notablement lâĂ©tat nutritionnel.
Ălevage et nutrition La haute teneur en nutriments des
Lâincidence nĂ©gative dâune mauvaise produits dâorigine animale offre par ailleurs
nutrition sur la croissance et le un avantage particulier dans le cadre des
développement mental des enfants est interventions alimentaires ciblant des
bien documentée et inclut notamment les groupes vulnérables comme les nourrissons,
retards de croissance et le risque accru de les enfants et les personnes atteintes du VIH/
maladies infectieuses, de morbiditĂ© et de SIDA, qui peuvent avoir des difïŹcultĂ©s Ă
mortalité. à terme, la dénutrition entrave ingérer les grandes quantités de nourriture
le développement cognitif et les résultats nécessaires pour répondre à leurs besoins
scolaires. La dénutrition est non seulement nutritionnels.
inacceptable dâun point de vue moral, Les donnĂ©es disponibles indiquent
que, dans les pays les plus pauvres, oĂč les
3
La biodisponibilitĂ© se dit de lâabsorption et de lâutilisation carences en micronutriments sont les plus
dâun nutriment par lâorganisme. rĂ©pandues, une augmentation modĂ©rĂ©e
44 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
45
ENCADRĂ 5
Le projet de dĂ©veloppement des caprins Ă vocation laitiĂšre en Ăthiopie
Food and Agricultural Research effectuait deux traites par jour, obtenant
Management (FARM)-Africa est une en moyenne 75 litres de lait de chĂšvre
organisation non gouvernementale par an. La consommation individuelle
internationale, spécialisée dans la gestion moyenne était passée à 15 litres/par
de la recherche alimentaire et agricole, personne et par an. En outre, les ménages
qui sâefforce de rĂ©duire la pauvretĂ© en se rĂ©servaient chacun entre 50 et 100 kg
favorisant lâamĂ©lioration durable des de cĂ©rĂ©ales de plus quâavant, au lieu de les
conditions de vie des agriculteurs et vendre pour acheter du lait.
des éleveurs en Afrique, grùce à une Une intervention similaire de FARM-
gestion plus efïŹcace de leurs ressources Africa dans une autre rĂ©gion dâĂthiopie
naturelles renouvelables. Le projet de a augmenté la disponibilité de lait par
dĂ©veloppement des caprins Ă vocation personne de 109 pour cent, lâapport
laitiĂšre a Ă©tĂ© lancĂ© en Ăthiopie aïŹn Ă©nergĂ©tique dâorigine animale de 39 pour
dâamĂ©liorer le bien-ĂȘtre des mĂ©nages cent, lâapport en protĂ©ines de 39 pour
en encourageant à la fois la création de cent et en lipides de 63 pour cent. La
revenus et la consommation de lait. Le proportion de protéines animales a atteint
projet visait en particulier lâaccroissement 20 pour cent. Pendant lâĂ©tude dâune durĂ©e
de la productivité des chÚvres locales, de trois ans, 67 ménages (soit 63 pour
dont les troupeaux sont gérés par les cent) ont tué 77 chÚvres. La quantité de
femmes, grĂące Ă des techniques dâĂ©levage viande obtenue sâest Ă©levĂ©e en moyenne
amĂ©liorĂ©es alliĂ©es Ă lâamĂ©lioration Ă 575 g par personne et par an. LâĂ©tude
génétique. a conclu que la possibilité offerte aux
Avant la mise en Ćuvre du projet de mĂ©nages de ruraux pauvres de possĂ©der et
développement caprin, 21 pour cent de gérer un cheptel de petits ruminants,
des mĂ©nages bĂ©nĂ©ïŹciaires nâavaient pas tels que des chĂšvres laitiĂšres, inïŹuait
accĂšs au lait; 67 pour cent dâentre eux directement sur leurs chances de sortir
achetaient du lait occasionnellement du cercle vicieux de la pauvreté et de la
pendant environ un trimestre par an. dénutrition tout en améliorant fortement
Quarante-deux pour cent des mĂ©nages lâaccĂšs aux aliments dâorigine animale
interrogés consommaient de la viande, ainsi que les taux de consommation de ces
pour une quantité moyenne de 1,3 kg par produits.
an et par personne. Les 58 pour cent de
ménages restants ne consommaient jamais
de viande. AprÚs le projet, chaque ménage Source: Ayele et Peacock, 2003.
47
Dans les pays en dĂ©veloppement oĂč la les rĂ©glementations locales le permettent, et
hausse des revenus et lâĂ©mergence dâune elle a des implications pour la santĂ© animale
classe moyenne urbaine ont stimulĂ© et humaine qui font lâobjet du Chapitre 5.
la demande en produits de lâĂ©levage, Dans les pays oĂč la consommation de volaille
les petits éleveurs traditionnels restent a peu ou pas augmenté, ce qui est le cas
prĂ©sents en milieu rural, mais les zones de la plupart des pays africains, lâessentiel
périurbaines voient se développer des de la production avicole provient toujours
opĂ©rateurs commerciaux, avec un Ă©levage Ă dâĂ©levages domestiques et villageois,
grande échelle plus intensif et des moyens fréquemment gérés par des femmes.
technologiques sophistiqués, en particulier
dans le secteur avicole. Des entreprises
intĂ©grĂ©es font aussi leur apparition, de Ălevage et rĂ©duction de la
grandes entreprises ou coopératives pauvreté
fournissant les intrants et assurant des
dĂ©bouchĂ©s commerciaux Ă des exploitations Lâexpansion des marchĂ©s des produits de
de petite ou moyenne taille sous contrat. lâĂ©levage devrait normalement offrir des
Sous lâeffet de la croissance Ă©conomique, possibilitĂ©s nouvelles dâamĂ©lioration de leurs
les perspectives dâemploi hors agriculture revenus pour les nombreux ruraux pauvres
se dĂ©veloppent, les salaires agricoles dont les moyens dâexistence reposent sur
progressent, les supermarchĂ©s Ă©tendent lâĂ©levage. Toutefois, si la croissance et la
leur inïŹuence au-delĂ des centres urbains transformation du secteur ont créé des
et la demande en produits de lâĂ©levage opportunitĂ©s, il nâest pas certain quâelles
sâintensiïŹe encore. Les petits Ă©leveurs puissent ĂȘtre pleinement exploitĂ©es par
commencent à se désengager de cette les personnes vivant dans la pauvreté et
activitĂ© dans la mesure oĂč ils ont moins dans des zones marginalisĂ©es. Du fait de
besoin dâavoir quelques tĂȘtes de bĂ©tail, et lâĂ©volution rapide de la demande en produits
oĂč lâintĂ©rĂȘt et la viabilitĂ© de lâentreprise alimentaires dans certaines parties du monde
diminuent. La taille moyenne des Ă©levages en dĂ©veloppement, le secteur de lâĂ©levage
de volailles et de porcs tend Ă sâaccroĂźtre, a Ă©tĂ© appelĂ© Ă produire le plus possible, le
alors que celle des cheptels laitiers reste plus vite possible, au moindre coût et dans le
souvent limitĂ©e. MĂȘme sur des marchĂ©s respect de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments.
en forte croissance, la production et la Lâaccent placĂ© sur la vitesse, la quantitĂ©, le
commercialisation du lait restent parfois prix et la sécurité sanitaire a créé un biais en
dominés par le secteur informel. Les faveur de la production intensive à grande
opérateurs intégrés verticalement voient échelle, en particulier dans certains sous-
leur taille augmenter et acquiĂšrent secteurs comme la production avicole et
progressivement une position dominante, porcine. En revanche, la situation semble
alors que les petits Ă©leveurs de volailles ont ĂȘtre diffĂ©rente dans le sous-secteur laitier,
de plus en plus de difïŹcultĂ©s Ă subsister â ce oĂč lâon a vu des petits agriculteurs jouer un
qui ne semble pas le cas des petits éleveurs rÎle prédominant pour satisfaire la demande
de porc. croissante (voir encadré 7).
Dans les Ă©conomies en plus forte La nature du secteur de lâĂ©levage a
croissance, les petits éleveurs, en particulier radicalement changé dans certaines régions
les producteurs de volailles et de porcs, du monde, mĂȘme si les effets de cette
soit se tournent vers une agriculture de mutation varient selon les pays, les espĂšces
subsistance soit abandonnent lâĂ©levage. Un et en fonction du sexe. Les pays dans lesquels
petit nombre dâentre eux peut Ă©voluer vers la consommation de produits de lâĂ©levage
des opérations à grande échelle. Toutefois, par habitant a connu une forte hausse au
dans de nombreux autres pays, le secteur cours des derniÚres décennies, en particulier
avicole connaßt un développement «à deux les économies à forte croissance comme le
vitesses» qui voit coexister un Ă©levage BrĂ©sil, la Chine et lâInde, prĂ©sentent une
domestique/villageois et une production situation trĂšs diffĂ©rente de celle des pays oĂč
industrielle (voir encadrĂ© 6 avec lâexemple de cette consommation reste statique ou recule,
la Chine). Cette situation est appelĂ©e Ă durer comme câest le cas pour une grande partie
tant que la pauvretĂ© rurale subsiste et que de lâAfrique subsaharienne. ParallĂšlement,
48 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 6
Un secteur en transition â lâĂ©levage des volailles en Chine
dans les pays oĂč la transformation du secteur dans certains cas, leur sĂ©curitĂ© alimentaire.
est amorcĂ©e, un fossĂ© se creuse entre la LâexpĂ©rience des pays de lâOCDE depuis
production traditionnelle Ă petite Ă©chelle, les annĂ©es 50 montre quâun changement
dans laquelle les femmes jouent un rĂŽle des structures de production requiert
actif, à une extrémité du spectre, et une un ajustement de la part du marché du
production à grande échelle, intensive, travail. Cependant, lorsque la transition
largement dominĂ©e par les hommes, Ă lâautre est extrĂȘmement rapide, comme câest le
extrĂ©mitĂ©. cas de lâĂ©levage dans de nombreux pays
La croissance Ă©conomique continuant aujourdâhui, les implications pour la pauvretĂ©
dâavoir un effet dâentraĂźnement sur le et la sĂ©curitĂ© alimentaire peuvent se rĂ©vĂ©ler
dĂ©veloppement de lâĂ©levage, la tendance dramatiques et justiïŹer lâintervention
Ă lâindustrialisation de certains pans publique.
du secteur sâintensiïŹe. Globalement, si Ces 10 derniĂšres annĂ©es, les chercheurs
la forte croissance du secteur doit ĂȘtre et les dĂ©cideurs politiques sont partis de
considĂ©rĂ©e comme un signe positif pour lâhypothĂšse que la croissance du secteur de
le dĂ©veloppement Ă©conomique, la vitesse lâĂ©levage Ă©tait principalement dĂ©terminĂ©e
du changement risque dâentraĂźner une par la demande (Delgado et al., 1999) et que
forte pression sur les petits agriculteurs. les politiques devaient avoir pour objectif
Certains Ă©leveurs auront vraisemblablement de soutenir lâaugmentation de la demande
des difïŹcultĂ©s Ă sâadapter sufïŹsamment et dâamĂ©liorer les opportunitĂ©s de marchĂ©
rapidement pour préserver leur revenu et, (Banque mondiale, 2007). Cependant, des
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
49
travaux récents montrent que les facteurs puissent tirer parti de ces opportunités
liĂ©s Ă lâoffre jouent aussi un rĂŽle important. constitue un enjeu politique majeur et
Dans de nombreux pays en développement, implique de prendre soigneusement en
la croissance du secteur de lâĂ©levage a de compte les questions de paritĂ© entre les
fait un effet dâentraĂźnement sur la croissance sexes. Il importe dâaider les petits exploitants
du PIB (voir encadrĂ© 8). Il sâensuit que les Ă surmonter les contraintes liĂ©es Ă lâoffre et
politiques visant directement à promouvoir à améliorer leur productivité à la fois pour
la hausse de la productivitĂ© dans le secteur leur permettre de bĂ©nĂ©ïŹcier des gains induits
de lâĂ©levage peuvent stimuler une croissance par la demande et pour permettre au secteur
économique plus large. La chaßne de valeur dans son ensemble de continuer à remplir
complexe qui caractérise les produits son rÎle de moteur de la croissance.
dâorigine animale â depuis les aliments pour La hausse de la demande continuera
animaux et la production animale jusquâĂ dâexercer une inïŹuence dĂ©terminante sur
sa transformation et sa commercialisation lâĂ©volution future du secteur de lâĂ©levage.
â signiïŹe que la croissance du secteur Toutefois, les facteurs liĂ©s Ă lâoffre, y compris
peut gĂ©nĂ©rer dâimportantes associations la compĂ©titivitĂ© relative des diffĂ©rents
Ă©conomiques et opportunitĂ©s dâemploi en systĂšmes de production et les contraintes
amont comme en aval, avec des répercussions rencontrées par les différents producteurs,
substantielles sur la croissance bĂ©nĂ©ïŹques contribueront aussi Ă façonner le secteur et Ă
pour les pauvres. Créer les conditions déterminer sa contribution à la réduction de
nécessaires pour que les petits agriculteurs la pauvreté.
50 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 7
Un secteur en transition â la production laitiĂšre en Inde et au Kenya
LâInde, qui est aujourdâhui le plus gros des exploitations sont de petite taille,
producteur laitier du monde, a vu et 80 pour cent du cheptel national se
sa production de lait de vache et de trouve dans des exploitations possédant
bufïŹonne quadrupler entre 1963 et au maximum huit animaux laitiers (Staal,
2003. Pendant la mĂȘme pĂ©riode, la taille Pratt et Jabbar, 2008a).
moyenne des troupeaux a baissé. Les Au Kenya aussi, la production laitiÚre
augmentations de production sont le a augmenté de quatre fois au cours
rĂ©sultat dâun accroissement de 40 pour des quatre derniĂšres dĂ©cennies. Tout
cent du nombre dâexploitations qui se comme en Inde, les petits exploitants
consacrent à la production laitiÚre et dominent la production et représentent
dâune proportion accrue, au sein du 85 pour cent de la production nationale
cheptel national, de vaches laitiÚres de lait. Deux millions de ménages
croisées. En 1982 moins de 5 pour cent élÚvent du cheptel laitier au Kenya
des animaux du troupeau laitier indien pour un troupeau national atteignant
étaient sélectionnés. DÚs 2003, cette quelque 5 millions de bovins à vocation
proportion avait presque triplé. Il a été laitiÚre, de races croisées ou exotiques.
estimé que 56 pour cent de la croissance Les exploitations sont généralement
de la production est due Ă lâaugmentation petites â de 1 Ă 2,5 hectares selon quâelles
du cheptel à vocation laitiÚre et 37 pour sont situées dans une zone à potentiel
cent Ă lâamĂ©lioration de la productivitĂ© Ă©levĂ© ou moyen â et lâĂ©levage laitier
des races obtenues par croisement. La est souvent intĂ©grĂ© Ă dâautres activitĂ©s
production laitiĂšre des petits exploitants agricoles, notamment des cultures, au
a été stimulée grùce au soutien reçu sein de systÚmes mixtes de faire-valoir.
dans le cadre de programmes parrainés Les systÚmes de semi-pùturage ou de
par le Gouvernement, comme Operation non-pĂąturage sont courants et la culture
Flood, et à un effort important pour de plantes fourragÚres est pratiquée
commercialiser le lait dans les zones habituellement pour nourrir les animaux.
urbaines (Staal, Pratt et Jabbar, 2008a). Le lait est vendu le plus souvent sous
En 1999/2000, selon les estimations, forme de lait cru par le biais de petits
la ïŹliĂšre laitiĂšre en Inde â comprenant nĂ©gociants opĂ©rant dans des systĂšmes de
la production, le traitement et la commercialisation informels. La plupart
commercialisation â faisait travailler des consommateurs kĂ©nyans prĂ©fĂšrent
environ 18 millions de personnes, soit le lait cru, vendu moins cher, au lait
5,5 pour cent de la force de travail pasteurisé nettement plus coûteux.
nationale. Sur ces emplois, 92 pour Puisque la grande majorité des personnes
cent intéressaient les zones rurales, fait bouillir le lait avant de le boire, les
58 pour cent étaient occupés par des risques sanitaires liés à la consommation
femmes et 69 pour cent par des groupes de lait cru sont largement Ă©vitĂ©s. Ă
socialement et économiquement cÎté des systÚmes de commercialisation
dĂ©favorisĂ©s. Les revenus annuels de informels, le marchĂ© ofïŹciel, bien
la main-dâĆuvre employĂ©e dans les organisĂ© mais beaucoup plus restreint,
exploitations laitiÚres sont 2,5 fois fournit du lait traité et conditionné aux
supĂ©rieurs Ă ceux de lâensemble des consommateurs urbains plus nantis (Staal,
emplois agricoles. Pour 1 000 litres de Pratt et Jabbar, 2008b). La production
lait produits chaque jour, 230 emplois et la commercialisation du lait au Kenya
ont été créés par les exploitations les constitue une source importante de
plus petites contre moins de 18 emplois revenus grùce aux possibilités offertes en
créés par les grandes exploitations matiĂšre dâemplois salariĂ©s et de crĂ©ation
commerciales. Toutefois, la plupart de micro-entreprises familiales.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
51
ENCADRĂ 8
Secteur de lâĂ©levage â lâinïŹuence des facteurs liĂ©s Ă lâoffre
Une récente étude menée par Pica, Pica- de la croissance économique dans les
Ciamarra et Otte (2008) a constatĂ© une pays en dĂ©veloppement sâapplique aussi
relation de cause Ă effet statistiquement Ă lâĂ©levage. Il sâensuit que la vision de
signiïŹcative entre la croissance ce secteur comme Ă©tant principalement
économique nationale et la croissance mû par des facteurs exogÚnes peut
de la productivité du secteur laitier donner lieu à des politiques erronées.
dans 36 des 66 pays en dĂ©veloppement Sans nier lâimportance des politiques qui
examinés. Les 36 pays ont pour la plupart permettent aux petits exploitants de
une Ă©conomie fondĂ©e sur lâagriculture ou rĂ©aliser des bĂ©nĂ©ïŹces en vendant sur les
en cours de transformation. Dans 33 des marchés à forte valeur, celles qui tendent
36 pays, la productivité du secteur de à surmonter les principaux obstacles
lâĂ©levage semble avoir Ă©tĂ© le moteur de auxquels se heurte le dĂ©veloppement de
la croissance du PIB par habitant. Dans la production animale sont probablement
neuf de ces pays, la relation de cause Ă tout aussi indispensables. Ainsi, les
effet Ă©tait bidirectionnelle: la croissance politiques visant lâamĂ©lioration de la
du secteur de lâĂ©levage stimulait lâessor productivitĂ© des petites exploitations
économique et ce dernier avait une devraient se concentrer non seulement
inïŹuence positive sur la productivitĂ© de ce sur les cultures de base mais aussi sur les
secteur. Dans trois seulement des 36 pays, produits de lâĂ©levage qui sont parfois des
le lien était à sens unique, se traduisant aliments de base et une source importante
par des augmentations de la productivité de revenus pour de nombreuses
du secteur de lâĂ©levage en fonction de communautĂ©s rurales dans les pays en
lâaccroissement du PIB par habitant. dĂ©veloppement.
Globalement, lâĂ©tude montre que
le paradigme classique du rĂŽle de la
productivité agricole en tant que moteur Source: Pica, Pica-Ciamarra et Otte, 2008.
53
exemple, de 15-20 porcelets par an à 150-200, constitue un avantage compétitif par
ou de 1-2 vaches laitiĂšres Ă un troupeau de rapport aux grandes exploitations qui elles
15-30 tĂȘtes) entraĂźne des gains dâefïŹcience dĂ©pendent dâune main-dâĆuvre embauchĂ©e
signiïŹcatifs; il faut ensuite, pour rĂ©aliser aux prix du marchĂ©, mais il a des implications
des gains additionnels importants, une sociales importantes en ce qui concerne la
augmentation beaucoup plus substantielle de scolarisation des ïŹlles et des garçons.
lâĂ©chelle dâexploitation. LâintĂ©gration verticale, De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les petits agriculteurs
Ă travers les coopĂ©ratives et diffĂ©rents ont des coĂ»ts de transaction supĂ©rieurs Ă
systĂšmes dâagriculture contractuelle, est ceux des grandes exploitations. LâaccĂšs Ă
Ă©galement associĂ©e Ă une efïŹcience accrue du des intrants de haute qualitĂ© (alimentation
fait de la rĂ©duction des coĂ»ts de transaction. pour le bĂ©tail en particulier), au crĂ©dit et Ă
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la capacitĂ© des la technologie leur est plus difïŹcile et plus
petites exploitations Ă rĂ©aliser un bĂ©nĂ©ïŹce coĂ»teux. CĂŽtĂ© production, lâinformation sur
(mesure de lâefïŹcacitĂ© de lâutilisation des les marchĂ©s est particuliĂšrement importante
ressources), autrement dit leur efïŹcience, est sur les marchĂ©s haut de gamme, pour
infĂ©rieure Ă celle des grandes exploitations, lesquels la qualitĂ© est importante. Lâimpact
mĂȘme lorsque les coĂ»ts de main-dâoeuvre des coĂ»ts de transaction varie selon les
familiale ne sont pas comptabilisĂ©s pays et les secteurs couverts dans lâĂ©tude
comme tels. Les études ont examiné (Delgado, Narrod et Tiongco, 2008). Dans le
diffĂ©rents dĂ©terminants de lâefïŹcience, secteur laitier, les coĂ»ts de transaction ont
y compris le traitement des externalitĂ©s peu dâincidence sur la rentabilitĂ© dans la
environnementales. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les mesure oĂč lâalimentation du bĂ©tail repose
petits agriculteurs consacrent plus dâefforts largement sur le fourrage et ne nĂ©cessite
Ă lâattĂ©nuation des effets de leur Ă©levage sur donc pas dâavoir recours au crĂ©dit. Toutefois,
lâenvironnement, et donc enregistrent des dans la distribution et la transformation
coĂ»ts supĂ©rieurs. laitiĂšre, ces coĂ»ts peuvent ĂȘtre plus
Dans le cas des exploitations plus grandes, importants et sont généralement plus élevés
les données disponibles montrent que dans le cas des petites exploitations. Dans
celles qui consacrent le plus dâefforts Ă certains pays, ce phĂ©nomĂšne amĂšne les
lâattĂ©nuation de lâimpact environnemental petits producteurs Ă abandonner lâĂ©levage
sont aussi relativement plus rentables car les laiteries considĂšrent que travailler
par unité de ressource utilisée. La raison avec eux leur revient trop cher. Les coûts de
en est peut-ĂȘtre que les exploitations transaction ont une plus forte incidence sur
qui considĂšrent lâattĂ©nuation de lâimpact la compĂ©titivitĂ© dans les secteurs avicole et
environnemental comme prioritaire ont aussi porcin que dans le secteur laitier, en raison
adoptĂ© dâautres meilleures pratiques, qui ont des besoins critiques de crĂ©dit pour lâachat
eu pour effet de stimuler leur productivitĂ©. des aliments pour le bĂ©tail et lâaccĂšs Ă
Deux facteurs semblent particuliĂšrement lâinformation sur les marchĂ©s.
importants pour la compétitivité relative des
petits agriculteurs: les coûts de transaction Réduire les coûts de transaction
et les coĂ»ts de main-dâĆuvre. Dâun cĂŽtĂ©, les des petits producteurs
Ă©conomies dâĂ©chelle associĂ©es aux marchĂ©s Il est possible de rĂ©duire les coĂ»ts de
des intrants et des produits tendent Ă transaction Ă©levĂ©s des petits producteurs Ă
favoriser les grandes unités de production travers des actions collectives telles que la
qui bĂ©nĂ©ïŹcient de coĂ»ts de transaction crĂ©ation de coopĂ©ratives et diverses formes
infĂ©rieurs Ă ceux des petits producteurs. dâagriculture contractuelle. Les arrangements
LâĂ©cart est particuliĂšrement marquĂ© dans de ce type permettent aussi dâintĂ©grer les
le cas des productions avicole et porcine. petits producteurs Ă des ïŹliĂšres Ă haute
Dâun autre cĂŽtĂ©, les petits producteurs valeur ajoutĂ©e dont ils se trouveraient sinon
font souvent appel Ă une main-dâĆuvre exclus. Ils peuvent Ă©galement favoriser
familiale, dont le coĂ»t dâopportunitĂ© est lâĂ©galitĂ© entre les sexes en garantissant un
vraisemblablement plus faible, au moins accÚs égal aux ressources, y compris aux
lorsque cette main-dâĆuvre est fournie par actions de dĂ©veloppement des capacitĂ©s qui
les femmes et les enfants et lorsque les autres sâadressent indistinctement aux femmes et
options dâemploi sont limitĂ©es. Cet Ă©lĂ©ment aux hommes. Les modalitĂ©s contractuelles
54 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
sont variables mais, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, donnĂ©e est un objectif dĂ©clarĂ© de lâentreprise
lâentreprise contractante fournit des espĂšces dâintĂ©gration.
gĂ©nĂ©tiquement supĂ©rieures â en particulier En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les petits producteurs
pour la production avicole et porcine, ne sont pas sous contrat mais indépendants:
des aliments pour le bétail, des conseils ils produisent et vendent leur production sur
et un soutien, ainsi quâune garantie de les marchĂ©s au comptant. Dans une Ă©tude
commercialisation du produit ïŹnal. portant sur diffĂ©rents types de contrat,
Les contrats formels passés avec les Costales et Catelo (2008) ont observé que
entreprises dâintĂ©gration concernent souvent lâanalyse de «la capacitĂ© de lâagriculture
les grands producteurs implantĂ©s en zone contractuelle Ă intĂ©grer efïŹcacement et
périurbaine plutÎt que les petits producteurs de maniÚre rentable les petits producteurs
ruraux. Ces contrats sâaccompagnent ruraux dans des marchĂ©s Ă haute valeur
frĂ©quemment dâun nantissement destinĂ© ajoutĂ©e dĂ©bouchait sur des rĂ©sultats mitigĂ©s,
Ă garantir lâentreprise dâintĂ©gration avec quelques rĂ©ussites prometteuses et de
contre le risque initial quâelle supporte en nombreux Ă©checs». Un exemple de rĂ©ussite
décidant de travailler avec un nouveau est celui des coopératives laitiÚres en Inde. Le
producteur. Ces contrats formels tendent succÚs du mouvement coopératif laitier dans
à favoriser les grandes exploitations du le Gujarat est à rapprocher de la Révolution
fait des Ă©conomies dâĂ©chelle que rĂ©alisent verte mise en Ćuvre en Inde et du soutien Ă
les entreprises dâintĂ©gration en traitant lâagriculture en gĂ©nĂ©ral, Ă travers notamment
avec un petit nombre de producteurs les transferts de technologie (Staal,
capables de fournir de grandes quantitĂ©s, Pratt et Jabbar, 2008a). Lâexemple indien
et des coĂ»ts de transaction Ă©levĂ©s quâelles illustre lâimportance de lâintĂ©gration et de
Ă©vitent ainsi et qui sont associĂ©s au fait de lâarticulation du dĂ©veloppement sectoriel
traiter et de suivre un nombre important avec le développement agricole et rural plus
dâĂ©leveurs ayant des capacitĂ©s de production large, au bĂ©nĂ©ïŹce des petits producteurs
différentes (Costales et Catelo, 2008). De plus, (voir encadré 9).
lâagriculture contractuelle nâa pas toujours Lâanalyse des avantages de lâagriculture
été bien accueillie par les petits producteurs, contractuelle pour les petits producteurs
parce quâelle rĂ©duit leur marge et leur conclut donc Ă des rĂ©sultats mitigĂ©s. Dans
indĂ©pendance (Harkin, 2004). En Chine, certains cas, lâagriculture contractuelle
certaines entreprises dâintĂ©gration honoraient sâavĂšre plus rentable que lâexploitation
leurs contrats uniquement lorsque les prix du indĂ©pendante, mais dans dâautres â dans
marché excédaient les prix du contrat, ce qui le cas par exemple des petits producteurs
a eu pour effet de dĂ©tourner les agriculteurs de porc aux Philippines â les exploitations
de ce type dâarrangements contractuels indĂ©pendantes sont plus rentables. Surtout,
(Zhang et al., 2004). lâagriculture contractuelle tend Ă favoriser la
Les petits producteurs sont plus compétitivité des grandes exploitations, et
gĂ©nĂ©ralement engagĂ©s dans des relations pour les entreprises dâintĂ©gration, il est plus
contractuelles informelles. LâĂ©tablissement rentable en termes de coĂ»t et de contrĂŽle
dâun contrat informel requiert au prĂ©alable de la qualitĂ© de traiter avec un petit nombre
un capital social tel que lâappartenance de grands producteurs plutĂŽt quâavec une
Ă une organisation paysanne ou une myriade de petits producteurs.
rĂ©putation Ă©tablie, plutĂŽt quâune garantie Il semble que les petits producteurs
matérielle (Costales et Catelo, 2008). Les peuvent rester en activité aussi longtemps
petits agriculteurs sont visĂ©s par des contrats que le coĂ»t dâopportunitĂ© de la main-
formels uniquement lorsquâils reprĂ©sentent dâĆuvre familiale reste faible et quâils
le systĂšme de production dominant et peuvent sâappuyer sur une quelconque forme
quâils sont les fournisseurs majoritaires dâorganisation collective ou rĂ©seau de soutien
dans la rĂ©gion dans laquelle lâentreprise leur permettant de rĂ©duire leurs coĂ»ts de
dâintĂ©gration opĂšre, lorsquâils possĂšdent un transaction. Lorsque dâautres types dâemplois
capital humain sufïŹsant et lorsquâils sont offrent une meilleure rĂ©munĂ©ration, comme
rĂ©ceptifs Ă des actions de formation au sein câest le cas dans de nombreuses rĂ©gions
du systĂšme, ou encore lorsque lâintĂ©gration dĂ©veloppĂ©es en Chine, lâavantage compĂ©titif
des petits producteurs dans une région des petits producteurs tend à disparaßtre et
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
55
ENCADRĂ 9
Les poulets Kuroilerâą â relier les Ă©levages de basse-cour au secteur privĂ©
Sans soutien adĂ©quat en termes dâinnovation bien-ĂȘtre (Hall et Dijkman, 2008). Lâinnovation
institutionnelle et technologique, de dans le domaine de la production animale,
nombreux petits agriculteurs seront de la transformation, de lâutilisation et de
incapables dâexploiter ces opportunitĂ©s la distribution des produits de lâĂ©levage
pour approvisionner de nouveaux marchés, survient habituellement lorsque les différents
et lâĂ©cart risque de se creuser entre ceux acteurs de la ïŹliĂšre sont organisĂ©s en rĂ©seau
qui rĂ©ussissent Ă nĂ©gocier avec succĂšs le efïŹcace, ce qui leur permet dâexploiter de
changement et ceux qui nây parviennent pas. maniĂšre crĂ©ative les idĂ©es, technologies et
Certains petits producteurs seront contraints informations émanant de différentes sources,
dâabandonner le secteur Ă mesure que y compris de la recherche.
les forces de la concurrence érodent leur La viabilité des petits agriculteurs en
compĂ©titivitĂ© et que le coĂ»t dâopportunitĂ© de gĂ©nĂ©ral â et non pas seulement dans le
leur main-dâĆuvre augmente. Pour nombre secteur de lâĂ©levage â reste un sujet de dĂ©bat
dâautres, lâĂ©levage continuera de reprĂ©senter important. Sâagissant de gĂ©rer la transition
une part importante de leur subsistance ou du secteur, une difïŹcultĂ© substantielle
de leur stratĂ©gie de survie. La fonction de tient Ă lâidentiïŹcation des politiques
ïŹlet de sĂ©curitĂ© que remplit lâĂ©levage pour qui donnent de bons rĂ©sultats dans des
ceux-lĂ doit ĂȘtre prise en compte, sans pour contextes diffĂ©rents. Trois catĂ©gories de
autant ĂȘtre confondue avec une stratĂ©gie de petits Ă©leveurs doivent ĂȘtre pris en compte:
développement. i) les petits opérateurs commerciaux qui sont
Une stratĂ©gie mĂȘlant changement de compĂ©titifs et qui peuvent le rester avec
politique, innovation institutionnelle des politiques, un soutien institutionnel et
et technologique et investissements est des investissements appropriés; ii) les petits
nécessaire. Le développement de capacités producteurs qui pratiquent un élevage
locales spĂ©ciïŹques capables de rĂ©pondre domestique uniquement Ă cause de lâabsence
au changement revĂȘt une importance dâopportunitĂ©s alternatives; et iii) les
particuliÚre. En tout état de cause, il est ménages trÚs pauvres qui élÚvent du bétail
impĂ©ratif dâenvisager la gestion du secteur principalement comme une sorte dâassurance
de lâĂ©levage dans le contexte plus large ou de ïŹlet de sĂ©curitĂ©. Les gouvernements
du développement rural, autrement dit de devraient aider les petits producteurs qui
créer un secteur rural aussi dynamique que sont capables de développer leur activité
lâindustrie manufacturiĂšre et le secteur des tout en ayant conscience que certains dâentre
services, et Ă mĂȘme dâoffrir un large Ă©ventail eux seront obligĂ©s de se dĂ©sengager du
dâactivitĂ©s rĂ©munĂ©ratrices dans et en dehors secteur et auront besoin dâaide dans cette
du secteur de la production animale en soi transition. Des politiques plus étendues de
(PPLPI, 2008). développement rural visant à la création
Une innovation forte et soutenue dans les dâemplois hors agriculture, pour les femmes
systĂšmes agricoles et alimentaires nationaux, comme pour les hommes, le long de la
rĂ©gionaux et mondiaux sera nĂ©cessaire chaĂźne de valeur de la ïŹliĂšre ou en dehors
pour appuyer le développement rural. Dans du secteur, peuvent offrir des revenus plus
le cas de lâĂ©levage, la notion de capacitĂ© stables Ă terme aux mĂ©nages qui Ă©lĂšvent
dâinnovation doit ĂȘtre Ă©tendue pour englober aujourdâhui du bĂ©tail Ă des ïŹns de survie
lâensemble complexe dâactivitĂ©s, dâacteurs plutĂŽt que de production.
et de politiques qui interviennent dans Certains petits producteurs commerciaux
lâĂ©laboration, lâaccĂšs et lâutilisation du savoir sont compĂ©titifs et Ă mĂȘme de tirer parti
et de la technologie en faveur de lâinnovation des opportunitĂ©s liĂ©es Ă la croissance.
dans le domaine agricole et alimentaire Dans une économie en forte croissance
(Banque mondiale, 2006b). La recherche doit dans laquelle le secteur de lâĂ©levage ne
prĂȘter plus dâattention Ă la demande des fait quâamorcer sa transition, les petits
utilisateurs en matiĂšre de technologie, en producteurs ont besoin dâaide pour pouvoir
particulier celle des femmes et des hommes participer Ă cette transition. Des mesures
pauvres, mais aussi celle dâautres acteurs dâintervention appropriĂ©es incluent: le
Ă©conomiques clĂ©s, comme les entrepreneurs soutien Ă lâinnovation technologique pour
et les industriels, qui peuvent créer de améliorer la productivité et satisfaire à des
nouvelles opportunités de croissance et de normes de plus en plus strictes en matiÚre de
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57
santé et de sécurité sanitaire des aliments;
lâaccĂšs aux capitaux et au crĂ©dit pour Principaux messages de ce chapitre
ïŹnancer lâinvestissement; lâaccĂšs aux services
et aux marchĂ©s dâintrants et de produits; v LâĂ©levage reprĂ©sente un moyen
et lâamĂ©lioration des infrastructures de dâexistence important pour un grand
transport et de communication. La capacitĂ© nombre de femmes, dâhommes et
dâadaptation aux changements de contexte dâenfants en milieu rural qui vivent
et de conditions est cruciale pour lâavenir des dans la pauvretĂ©. Il remplit un certain
petits producteurs. Cette capacité ne se limite nombre de fonctions différentes, depuis
pas aux moyens ïŹnanciers, techniques et aux la crĂ©ation de revenus et la fourniture
infrastructures; elle implique Ă©galement la dâintrants dans les systĂšmes de production
mise en place de procĂ©dures et de rĂ©seaux mixtes jusquâĂ lâamortissement des chocs
qui, conjugués aux politiques, permettront environnementaux et économiques. Les
dâutiliser Ă des ïŹns productives la technologie dĂ©cideurs politiques doivent prendre
et dâautres formes de savoir et dâinformation en compte les multiples fonctions que
(Banque mondiale, 2007). remplit lâĂ©levage dans les moyens
Certains petits producteurs ne parviendront dâexistence et la sĂ©curitĂ© alimentaire des
sans doute pas à rester compétitifs du fait pauvres.
de la concentration croissante de la ïŹliĂšre et v Les petits producteurs ont besoin de
de son rapprochement des circuits modernes soutien pour tirer parti des opportunités
de transformation et de commercialisation. offertes par la croissance du secteur
Ces producteurs auront besoin dâaide pour et maĂźtriser les risques associĂ©s Ă une
changer dâactivitĂ©. De nombreux producteurs concurrence accrue et Ă un rapprochement
abandonnent lâĂ©levage lorsque le coĂ»t avec les chaĂźnes de valeur modernes. Il
dâopportunitĂ© de la main-dâĆuvre familiale faut pour cela des innovations fortes et
augmente. Le dĂ©veloppement dâopportunitĂ©s soutenues dans les systĂšmes agricoles
dâemploi rural hors agriculture, en et alimentaires nationaux, rĂ©gionaux
amĂ©liorant la qualitĂ© et lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation et mondiaux et une stratĂ©gie mĂȘlant
pour les ïŹlles et les garçons, peut aider ces changement politique et institutionnel,
ménages à trouver de nouveaux moyens développement des capacités, innovation
dâexistence plus viables. Dans ce scĂ©nario, technologique et investissements qui
les politiques de développement en faveur prennent en compte la parité hommes-
des pauvres qui visent le secteur de lâĂ©levage femmes et qui soit rĂ©active.
doivent avoir pour objectif dâaccompagner v Les dĂ©cideurs politiques doivent tenir
la transition, en appréhendant de maniÚre compte des différences entre les petits
large le rÎle des femmes, des hommes et producteurs en termes de capacités
des jeunes pauvres, notamment dans leur dâadaptation au changement. Certains
fonction de consommateurs, dâagents petits Ă©leveurs ne pourront sans doute
économiques et de travailleurs comme de pas rester compétitifs dans un secteur
petits producteurs. qui se modernise rapidement et devront
Les ménages trÚs pauvres, pour qui renoncer à leur élevage, du fait de
lâĂ©levage sert avant tout de ïŹlet de sĂ©curitĂ©, lâaugmentation du coĂ»t dâopportunitĂ© de
ont besoin de politiques et de dispositions la main-dâĆuvre familiale. Des stratĂ©gies
institutionnelles qui diminuent leur plus larges de développement rural visant
vulnérabilité. La production animale risque à créer des emplois hors agriculture pour
de rester un moyen dâexistence et un ïŹlet de les femmes, les hommes et les jeunes
sécurité essentiels pour les ménages pauvres peuvent faciliter leur désengagement du
pendant de nombreuses années encore. secteur.
Comme le rappellent les Chapitres 4 et 5, v Les décideurs politiques doivent
il est nĂ©cessaire de rĂ©duire le plus possible apprĂ©cier et prĂ©server la fonction de ïŹlet
les risques de zoonoses et de maladies de sĂ©curitĂ© que remplit lâĂ©levage pour les
dâorigine alimentaire ainsi que les risques trĂšs pauvres. Dans le secteur de lâĂ©levage,
environnementaux dans lâintĂ©rĂȘt mĂȘme de les pauvres sont particuliĂšrement
ces éleveurs et de la communauté dans son vulnérables aux zoonoses et aux risques
ensemble (Sones et Dijkman, 2008). environnementaux.
58 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
4. Ălevage et environnement
59
ENCADRĂ 10
Lâessor de la production des biocarburants
mettre Ă lâĂ©preuve la capacitĂ© dâabsorption plutĂŽt fermĂ©s, dans lesquels les dĂ©chets
des nutriments de lâenvironnement. dâune activitĂ© productive (fumier, rĂ©sidus de
Ă lâinverse, la pĂąture et les systĂšmes rĂ©colte) sont utilisĂ©s comme ressources ou
dâexploitation mixtes sont des systĂšmes intrants par lâautre activitĂ©.
60 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
LâĂ©levage est aussi source dâĂ©missions 0,5 milliard dâhectares plantĂ©s en cultures
gazeuses qui polluent lâatmosphĂšre et fourragĂšres (Steinfeld et al., 2006), ce
contribuent Ă lâeffet de serre. La croissance dernier chiffre correspondant Ă un tiers de la
continue de la production animale va superïŹcie cultivĂ©e totale.
exacerber les pressions sur lâenvironnement La superïŹcie totale affectĂ©e aux pĂąturages
et les ressources naturelles, dâoĂč la nĂ©cessitĂ© Ă©quivaut Ă 26 pour cent des terres Ă©mergĂ©es
dâune approche conciliant augmentation du globe libres de glace, dont une grande
de la production et rĂ©duction de la charge partie trop sĂšche ou trop froide pour ĂȘtre
environnementale. cultivée et trÚs faiblement peuplée. Les
pratiques de gestion et dâutilisation des
Ălevage et terres pĂąturages varient largement, de mĂȘme que
LâĂ©levage est le premier utilisateur des la productivitĂ© de lâĂ©levage Ă lâhectare. Sur
ressources terrestres de la planĂšte, les les terres de parcours arides et semi-arides,
pùturages et les terres cultivées affectées à la qui représentent la majeure partie des
production de fourrage reprĂ©sentant prĂšs de pĂąturages de la planĂšte, lâintensiïŹcation
80 pour cent de la superïŹcie agricole totale. de la pĂąture est souvent techniquement
Le secteur utilise 3,4 milliards dâhectares impossible ou non rentable. De surcroĂźt, dans
sous forme de pĂąturages (tableau 12) et une grande partie de lâAfrique et de lâAsie,
TABLEAU 12
Utilisation des terres par région et groupe de pays, 1961, 1991 et 2007
RĂGION/GROUPEMENT
TERRES ARABLES PĂTURAGE FORĂT1
DE PAYS
1961 1991 2007 2007 1961 1991 2007 2007 1991 2007 2007
(Millions ha) (Pourcentage) (Millions ha) (Pourcentage) (Millions ha) (Pourcentage)
Ătats Baltes et CEI2 235,4 224,4 198,5 9,2 302,0 326,5 362,1 16,9 848,8 849,9 39,6
Europe orientale 48,7 45,0 39,7 34,9 20,0 20,4 16,6 14,6 34,7 35,9 31,6
Europe occidentale 89,0 78,6 72,8 20,4 69,7 60,7 58,9 16,5 122,5 132,9 37,2
Asie en développement 404,4 452,5 466,4 17,6 623,4 805,1 832,8 31,5 532,8 532,6 20,1
Afrique du Nord 20,4 23,0 23,1 3,8 73,4 74,4 77,3 12,9 8,1 9,1 1,5
Afrique subsaharienne 133,8 161,3 196,1 8,3 811,8 823,8 833,7 35,3 686,8 618,2 26,2
Amérique latine 88,7 133,6 148,8 7,3 458,4 538,5 550,1 27,1 988,3 914,6 45,1
et CaraĂŻbes
Amérique du Nord 221,5 231,3 215,5 11,5 282,3 255,4 253,7 13,6 609,2 613,5 32,9
Océanie 33,4 48,5 45,6 5,4 444,5 431,4 393,0 46,3 211,9 205,5 24,2
PAYS DĂVELOPPĂS 633,8 632,4 576,2 10,9 1 119,0 1 094,1 1 083,4 20,5 1 815,7 1 829,0 34,7
PAYS EN 647,6 770,9 834,9 10,8 1 967,8 2 242,6 2 294,8 29,7 2 252,6 2 108,4 27,3
DĂVELOPPEMENT
MONDE 1 281,3 1 403,2 1 411,1 10,8 3 086,7 3 336,8 3 378,2 26,0 4 068,3 3 937,3 30,3
1
Données forestiÚres disponibles depuis 1991 seulement.
2
CEI = CommunautĂ© des Ătats indĂ©pendants.
Source: FAO, 2009b.
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61
les pĂąturages relĂšvent traditionnellement climats secs. Mais du fait de lâaffaiblissement
dâune propriĂ©tĂ© collective. Du fait des institutions traditionnelles, de
de lâaffaiblissement des institutions lâaugmentation de la pression sur les
traditionnelles et de la pression accrue sur les ressources et des obstacles croissants aux
terres, une grande partie de ces pùturages mouvements du bétail, souvent de tels
sont devenus des ressources en accĂšs libre. ajustements ne sont pas possibles. Cela vaut
LĂ comme ailleurs, il faudrait quâil y ait en particulier dans les aires communales de
des mesures dâincitation pour amĂ©liorer la pĂąturage arides et semi-arides du Sahel et
gestion des terres et il faudrait disposer des dâAsie centrale. Dans ces rĂ©gions, la pression
techniques voulues; en leur absence, il y a dĂ©mographique et lâempiĂštement des
une perte de gains de productivité potentiels cultures sur les pùturages ont sévÚrement
et de services écosystémiques. restreint la mobilité des troupeaux et limité
Trois grandes tendances se dégagent en les options de gestion. La dégradation
ce qui concerne les pùturages: la conversion des pùturages a des conséquences sur
dâimportants Ă©cosystĂšmes en pĂąturages (par lâenvironnement, parmi lesquelles lâĂ©rosion
exemple, dĂ©frichement des forĂȘts pour mise des sols, la dĂ©gradation de la vĂ©gĂ©tation,
en pĂąture); la conversion des pĂąturages lâĂ©mission de carbone par les dĂ©pĂŽts de
Ă dâautres usages (terres cultivĂ©es, zones matiĂšre organique, la perte de biodiversitĂ©
urbaines et forĂȘts); et la dĂ©gradation des et lâaltĂ©ration des cycles de lâeau.
pĂąturages. Il est possible dâenrayer la dĂ©tĂ©rioration
Le déboisement lié au pùturage extensif des pùturages dans une certaine mesure,
est un phénomÚne courant en Amérique mais il reste à établir quels seraient les
centrale et du Sud (Wassenaar et al., 2006). délais nécessaires et les méthodes les mieux
Dans le mĂȘme temps, les pĂąturages sont de adaptĂ©es pour y parvenir. En tout Ă©tat
plus en plus fragmentés et les terres cultivées de cause, il ne fait guÚre de doute que la
comme les zones urbaines ne cessent productivité actuelle est contrainte par
dâempiĂ©ter sur les parcours. White, Murray une charge animale Ă©levĂ©e dans certaines
et Rohweder (2000) estiment que plus de rĂ©gions dâAfrique et dâAsie, oĂč les terres de
90 pour cent des prairies dâherbes hautes pacage sont surexploitĂ©es. Dans un systĂšme
dâAmĂ©rique du Nord et prĂšs de 80 pour oĂč ils sont un bien commun, les pĂąturages
cent du cerrado dâAmĂ©rique du Sud ont Ă©tĂ© peuvent ĂȘtre gĂ©rĂ©s de maniĂšre Ă pouvoir ĂȘtre
convertis en terres cultivées et urbanisées. durablement exploités, et lorsque ce systÚme
Par contraste, la steppe daurienne dâAsie sâest disloquĂ©, la surexploitation est souvent
et les terres boisées du Mopane et du observée. La logique économique qui pousse
Miombo dans lâest et le sud de lâAfrique les Ă©leveurs individuellement Ă tenter de
subsaharienne sont relativement intactes, la maximiser leur proïŹt personnel lorsque les
part des terres converties Ă dâautres usages systĂšmes de propriĂ©tĂ© commune se divisent
reprĂ©sentant moins de 30 pour cent. est simple: maximiser les nombre dâanimaux
Environ 20 pour cent des pĂąturages par hectare permet dâexploiter davantage
et des terres de parcours de la planĂšte de ressources pour le proïŹt individuel. Ce
se sont dégradées, et ce pourcentage systÚme encourage la surexploitation de la
pourrait atteindre jusquâĂ 73 pour cent ressource au dĂ©triment de la productivitĂ©
dans les zones sĂšches (PNUE, 2004). globale.
LâĂvaluation des Ă©cosystĂšmes Ă lâaube du
millénaire a estimé que 10 à 20 pour cent Terres affectées à la production fourragÚre
des prairies étaient dégradés, en raison La plupart des terres affectées à la
principalement du surpùturage. De façon production fourragÚre se trouvent dans
gĂ©nĂ©rale, la dĂ©gradation des pĂąturages les pays de lâOCDE, mais certains pays en
est la consĂ©quence dâun dĂ©calage entre dĂ©veloppement intensiïŹent rapidement
la densitĂ© dâĂ©levage et la capacitĂ© des leur production de cultures fourragĂšres,
pùturages dégradés par la pùture et le principalement de maïs et soja en Amérique
piétinement des animaux de se régénérer. du Sud.
Idéalement, le ratio animaux-terre devrait La production intensive de cultures
ĂȘtre ajustĂ© en permanence en fonction de fourragĂšres se traduit souvent par une
lâĂ©tat des pĂąturages, en particulier sous les dĂ©gradation importante des terres, la
62 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
63
efïŹuents et des techniques de fertilisation les structures sociales et nâest pas Ă©galement
des cultures fourragĂšres) et en favorisant la partagĂ©e ou nĂ©cessairement accessible Ă
reconstitution des réserves en eau grùce à des groupes extérieurs, notamment groupes
une meilleure gestion des terres. ethniques, clans, groupes dâhommes/femmes
Ă propos du traitement des efïŹuents ou groupes Ă©conomiques (FAO, 2004b).
dâĂ©levage en particulier, il existe tout Les femmes qui transforment la laine, par
un éventail de techniques éprouvées, exemple, peuvent avoir du fait de leur
notamment les techniques de sĂ©paration, activitĂ© spĂ©ciïŹque des connaissances sur les
le compost et la digestion anaĂ©robie ou caractĂ©ristiques dâune race trĂšs diffĂ©rentes
méthanisation. Ces pratiques offrent de celles des hommes qui conduisent les
un certain nombre dâavantages, parmi troupeaux et sâattachent davantage Ă leur
lesquels lâapplication sans danger des alimentation et Ă leur consommation dâeau
efïŹuents pour la fertilisation des cultures ou Ă leur rĂ©sistance aux maladies.
vivriĂšres et fourragĂšres; lâamĂ©lioration de Les systĂšmes de production animale ont
lâassainissement; le contrĂŽle des odeurs; un impact variable sur la biodiversitĂ©. Les
la production de biogaz; et la valorisation systĂšmes intensifs reposent sur un nombre
des efïŹuents comme fertilisants. Surtout, le limitĂ© de cultures et de races animales,
fait de remplacer les engrais minĂ©raux par mĂȘme si chacune peut ĂȘtre trĂšs riche en
des efïŹuents dâĂ©levage aurait pour effet termes de patrimoine gĂ©nĂ©tique. Ces
dâabaisser lâimpact environnemental de la systĂšmes dĂ©pendent de cultures fourragĂšres
production alimentaire (Menzi et al., 2009). gérées de maniÚre intensive et souvent
Lâaccroissement des effectifs nĂ©cessaire rendues responsables de la dĂ©gradation
pour satisfaire la croissance projetĂ©e de des Ă©cosystĂšmes. Cependant, lâutilisation
la demande en produits de lâĂ©levage aura intensive des terres peut de fait protĂ©ger
dâimportantes rĂ©percussions sur la ressource la biodiversitĂ© non agricole en rĂ©duisant
hydrique et ne manquera pas dâentraĂźner la pression visant Ă Ă©tendre les terres
des conïŹits dâusage. Cependant, la recherche cultivĂ©es et les pĂąturages. Les systĂšmes
et la planiïŹcation visant Ă la fois lâeau extensifs pour leur part abritent un plus
et lâĂ©levage ont trĂšs largement ignorĂ© grand nombre dâespĂšces et utilisent un plus
jusquâici les interactions entre lâĂ©levage et large Ă©ventail de ressources vĂ©gĂ©tales pour
lâeau (Peden, Tadesse et Misra, 2007). Cette lâalimentation du bĂ©tail, mais leur plus faible
lacune devra ĂȘtre comblĂ©e pour que le productivitĂ© peut accroĂźtre la pression sur
secteur de lâĂ©levage puisse continuer Ă se les habitats naturels. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale,
dĂ©velopper sans causer de dommage grave Ă lâimpact de lâĂ©levage sur la biodiversitĂ©
lâenvironnement. dĂ©pend de lâampleur de ses effets ou du
degrĂ© dâexposition de la biodiversitĂ© Ă ces
Ălevage et biodiversitĂ© impacts, de la sensibilitĂ© de la biodiversitĂ©
La biodiversitĂ© dĂ©signe lâensemble des en question Ă lâĂ©levage et des modalitĂ©s de
espÚces animales, végétales et microbiennes réponse à ces impacts (Reid, et al., 2009).
(biodiversitĂ© interspĂ©ciïŹque) de la planĂšte De nombreuses races dâĂ©levage â qui sont
ainsi que la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique au sein dâune une composante de la biodiversitĂ© agricole
mĂȘme espĂšce (biodiversitĂ© intraspĂ©ciïŹque). â sont menacĂ©es de disparition, en raison
Elle englobe la variabilitĂ© gĂ©nĂ©tique entre principalement de lâutilisation croissante
individus dâune mĂȘme population et dâun nombre rĂ©duit dâespĂšces dans les
entre populations diffĂ©rentes. La diversitĂ© systĂšmes intensifs. LâencadrĂ© 11 traite de la
écosystémique est une autre dimension de la nécessité de préserver la diversité animale
biodiversité. domestique.
La biodiversitĂ© agricole est un cas DâaprĂšs lâĂvaluation des Ă©cosystĂšmes
particulier de diversitĂ© intraspĂ©ciïŹque qui en dĂ©but de millĂ©naire (MEA, 2005),
rĂ©sulte de lâactivitĂ© humaine. Elle inclut les les principaux facteurs directement
espÚces animales et végétales domestiquées responsables de la perte de biodiversité
ainsi que les espÚces non cultivées qui et des changements dans les services
sont une source dâalimentation dans les Ă©cosystĂ©miques sont: la transformation des
agroĂ©cosystĂšmes agricoles. La connaissance habitats (changements dâutilisation des
de la biodiversitĂ© est souvent enracinĂ©e dans terres, modiïŹcation physique des cours dâeau
64 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 11
La conservation des ressources zoogénétiques
65
«Ălevage et changement climatique») pollution due aux Ă©levages industriels, ainsi
lequel Ă son tour affecte les Ă©cosystĂšmes et que la surpĂȘche liĂ©e Ă la production de farine
les espĂšces. Il affecte aussi la biodiversitĂ© de poisson pour lâalimentation animale,
directement Ă travers lâintroduction dâespĂšces rĂ©duit la biodiversitĂ© des Ă©cosystĂšmes marins
exotiques envahissantes et la surexploitation, (Reid et al., 2009).
Ă travers par exemple le surpĂąturage de la LâĂ©levage affecte la biodiversitĂ© depuis
ressource vĂ©gĂ©tale. La pollution de lâeau et la domestication des animaux il y a de cela
les Ă©missions dâammoniac, essentiellement plusieurs millĂ©naires et il a fourni Ă lâĂȘtre
dues Ă lâĂ©levage industriel, rĂ©duisent la humain un moyen dâexploiter de nouvelles
biodiversitĂ©, souvent de façon dramatique ressources et des territoires jusque-lĂ
dans le cas des écosystÚmes aquatiques. La inaccessibles. Les processus de dégradation
67
alimentation dans les exploitations intensives production industrielle est donc le mode
limitent les Ă©missions de mĂ©thane dues Ă la de production le plus efïŹcace, malgrĂ© sa
fermentation entérique par unité de produit dépendance des céréales fourragÚres et
animal. autres aliments Ă haute valeur nutritionnelle.
La production ovine et caprine est Le fumier de volaille a une teneur élevée
gĂ©nĂ©ralement extensive, exception faite de en nutriments, il est relativement aisĂ© Ă
quelques poches de parcs dâengraissement gĂ©rer et largement utilisĂ© comme engrais; il
au Proche-Orient, en Asie de lâOuest et est aussi parfois utilisĂ© dans lâalimentation
en Amérique du Nord. Du fait de leur des ruminants. En dehors de son incidence
capacité à grandir et à se reproduire dans sur la production fourragÚre, le secteur
des conditions impropres Ă toute autre avicole cause beaucoup moins de dommages
forme de production agricole, les petits Ă lâenvironnement que dâautres espĂšces,
ruminants, les chĂšvres en particulier, sont une mĂȘme si ses effets sont parfois importants Ă
ressource utile voire trĂšs souvent essentielle lâĂ©chelle locale.
pour les agriculteurs pauvres contraints de
subsister dans ce type dâenvironnement, Les systĂšmes de production
du fait de lâabsence de moyens dâexistence Comme on a pu le voir au Chapitre 2,
alternatifs. Cependant, les moutons et les pour répondre à la demande croissante
chĂšvres peuvent causer une rĂ©duction grave de produits dâĂ©levage, le secteur connaĂźt
du couvert végétal et de la capacité de actuellement une transformation structurelle
régénération des terres boisées. En cas de qui privilégie des systÚmes de production
densité excessive, ces animaux causent des à forte intensité de capitaux, des unités de
dommages particuliÚrement importants à production à grande échelle et spécialisées
lâenvironnement en dĂ©gradant le couvert qui reposent sur lâachat dâintrants,
vĂ©gĂ©tal et les sols. lâaugmentation de la productivitĂ© animale
Dans les systÚmes mixtes traditionnels, et une concentration géographique accrue.
les porcs nourris de déchets domestiques Cette mutation a changé les impacts
et de sous-produits de lâagro-industrie, environnementaux du secteur. Elle lui fournit
transforment en protĂ©ines animales Ă haute aussi de nouvelles options pour lâattĂ©nuation
valeur nutritionnelle une biomasse qui serait de ces effets, avec des implications
sinon perdue. Par ailleurs, leurs besoins diverses en termes de coĂ»ts, dâaspects
alimentaires par unitĂ© de produit animal sont socioĂ©conomiques et sexospĂ©ciïŹques.
infĂ©rieurs Ă ceux des ruminants. De ce fait, LâĂ©volution structurelle constatĂ©e dans
lâĂ©levage porcin reprĂ©sente une demande lâĂ©levage est souvent source de dommages
moindre en terres affectĂ©es Ă la production environnementaux mais, sur dâautres plans,
fourragÚre. Toutefois, selon les estimations offre aussi des possibilités. Le tableau 13 rend
les plus rĂ©centes, les porcs Ă©levĂ©s dans compte dâobservations prĂ©liminaires sur la
des systÚmes mixtes représentent à peine relation entre les impacts environnementaux
35 pour cent de la production mondiale. Le et les diffĂ©rents niveaux dâintensitĂ© de
lisier de porc est un engrais précieux mais production (voir ci-dessous). La spécialisation
les cultivateurs préfÚrent généralement les et son corollaire et la concentration de
fumiers de bovins et de volailles parce que le déjections animales dans certaines régions,
lisier a une odeur forte et quâil se prĂ©sente ont pour effets de rompre les cycles nutritifs
souvent sous forme liquide. Il est en revanche qui se produisent traditionnellement dans
bien adapté aux biodigesteurs. les systÚmes associant culture et élevage. Les
La production avicole est le sous-secteur coĂ»ts de transport des nutriments jusquâaux
qui a subi les changements structurels les terres cultivées sont souvent prohibitifs (en
plus importants. Dans les pays de lâOCDE, particulier dans le cas des efïŹuents Ă forte
elle est quasiment entiĂšrement industrielle, teneur en eau), et les efïŹuents sont rejetĂ©s
tandis que dans de nombreux pays en dans lâenvironnement local, dont ils excĂšdent
dĂ©veloppement, lâĂ©levage industriel est bien souvent la capacitĂ© dâabsorption. Cela
déjà prédominant. De toutes les espÚces se traduit par une grave pollution des sols et
traditionnellement exploitĂ©es (Ă lâexception de lâeau, en particulier dans les zones Ă forte
des poissons), ce sont les volailles qui ont densitĂ© de population. Toutefois, sous lâangle
la plus grande efïŹcacitĂ© alimentaire, et la positif, la concentration gĂ©ographique et
68 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
TABLEAU 13
Principaux impacts environnementaux causés par les différents systÚmes de production1
ĂMISSIONS DE GAZ
Ă EFFET DE SERRE
Ămissions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par lâutilisation
des terres et du passage au pĂąturage et Ă la --- - ns --
production de plantes fourragĂšres
Ămissions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par lâutilisation
dâĂ©nergie et dâintrants
ns -- ns --
Séquestration du carbone dans les terrains
de pĂąturage ++ ns ns ns
BIODIVERSITĂ
1
Relations observées dans le cadre des pratiques de gestion courantes.
2
Les systĂšmes de pĂąturage extensif pour les ruminants reposent principalement sur les prairies naturelles et les environnements marginaux.
3
Les systĂšmes intensifs pour les ruminants reposent gĂ©nĂ©ralement sur les prairies amĂ©liorĂ©es (ayant recours Ă lâirrigation, aux fertilisants, aux
variĂ©tĂ©s amĂ©liorĂ©es et aux pesticides), avec une alimentation complĂ©mentaire ou Ă lâĂ©table composĂ©e de graines et dâensilage.
4
Les systĂšmes traditionnels pour les animaux monogastriques comprennent des systĂšmes dâexploitation mixtes ou des systĂšmes dâĂ©levage en
divagation.
Note: ns = non signiïŹant.
Source: FAO.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
69
lâaugmentation de lâĂ©chelle de production des races Ă haut rendement, la concentration
facilitent la mise en Ćuvre des politiques des effectifs animaux au sein de grandes
environnementales en entraĂźnant une baisse unitĂ©s de production et la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter
de leurs coĂ»ts dâapplication. La meilleure les Ă©pisodes infectieux ont conduit les
rentabilité des unités de production permet producteurs à utiliser des médicaments en
dâabaisser les coĂ»ts de conformitĂ©, tandis que grande quantitĂ©, souvent comme mesures
la concentration de la production au sein de prévention de routine. Les résidus
dâun plus petit nombre dâunitĂ©s dâaccĂšs aisĂ© de ces mĂ©dicaments se retrouvent dans
rĂ©duit les coĂ»ts de contrĂŽle et de surveillance. lâenvironnement, avec des consĂ©quences
Sous lâangle nĂ©gatif, le pouvoir de lobbying prĂ©judiciables pour les Ă©cosystĂšmes et la
des grands producteurs est souvent perçu santĂ© humaine. En particulier, lâutilisation
comme un frein au développement des parfois aveugle des antibiotiques a entraßné
politiques environnementales. lâapparition de souches bactĂ©riennes
Ătant donnĂ© lâallongement des chaĂźnes rĂ©sistantes aux antibiotiques, qui constituent
alimentaires, qui rĂ©sulte de la concentration aujourdâhui une menace pour la santĂ©
des consommateurs dans les centres urbains, humaine en Europe et en Amérique du
les systĂšmes de production doivent couvrir Nord (Johnson et al., 2009). Les races Ă
dâimportantes distances gĂ©ographiques haut rendement demandent par ailleurs
entre les sites de production fourragĂšre et un environnement plus strictement
le consommateur. La baisse des coûts de contrÎlé (température, lumiÚre) que les
transport a favorisĂ© la dĂ©localisation des races traditionnelles, dâoĂč une hausse de la
activitĂ©s de production et de transformation consommation dâeau et dâĂ©nergie.
dans le but de réduire au minimum les La déforestation et la dégradation des
coĂ»ts de production. Ă lâĂ©chelle mondiale, terres sont les principaux processus par
cette évolution a permis de surmonter lesquels les systÚmes de pùturage extensifs
les contraintes rencontrées localement émettent des gaz à effet de serre. On
au niveau des ressources disponibles et pourrait améliorer la gestion des parcours de
de nourrir les populations vivant dans maniĂšre Ă empĂȘcher les pertes de carbone
des rĂ©gions souffrant de dĂ©ïŹcit vivrier. et Ă ïŹxer celui-ci, en transformant des
Toutefois, elle implique également des systÚmes extensifs en systÚmes permettant
prélÚvements et des transferts à grande une réduction nette des gaz à effet de serre.
Ă©chelle des nutriments et de lâeau contenus Un usage plus intensif des pĂątures, la remise
dans les aliments pour animaux et les en valeur des pĂąturages et la production
produits de lâĂ©levage, avec des consĂ©quences fourragĂšre, stimulĂ©es par la hausse des
dommageables à terme pour les écosystÚmes prix du foncier, ont souvent un effet positif
et la fertilitĂ© des sols. sur lâenvironnement car ils permettent de
LâamĂ©lioration de la productivitĂ© animale limiter lâexpansion des terres agricoles et
et de lâefïŹcacitĂ© alimentaire a Ă©tĂ© obtenue dâamĂ©liorer la qualitĂ© des aliments pour
grĂące Ă lâapplication de technologies animaux. Cette derniĂšre Ă son tour contribue
variées, notamment dans les domaines de à la réduction des émissions de méthane dues
lâalimentation, de la gĂ©nĂ©tique, de la santĂ© Ă la fermentation entĂ©rique. La surcharge
animale et des bĂątiments dâĂ©levage. La en nutriments des zones de production
transition vers des espÚces monogastriques, laitiÚre est généralement attribuée aux
avicoles en particulier, a par ailleurs apports extérieurs de nutriments à travers les
contribuĂ© Ă amĂ©liorer encore lâefïŹcacitĂ© complĂ©ments alimentaires et Ă lâutilisation
alimentaire du secteur, ce qui sâest traduit dâengrais pour la production dâensilage
par une rĂ©duction substantielle des besoins plutĂŽt quâĂ une mauvaise gestion des
en terre et en eau pour produire les aliments pĂąturages.
nécessaires pour atteindre des niveaux Globalement, le passage de systÚmes
de production permettant de satisfaire la traditionnels mixtes et extensifs Ă des
demande actuelle. systĂšmes de production plus intensifs a sans
Cependant ces gains de productivitĂ© doute eu un effet positif sur lâamĂ©lioration
sont aussi associĂ©s Ă un certain nombre de lâefïŹcacitĂ© dâutilisation des terres et de
de prĂ©occupations environnementales. La lâeau mais des effets nĂ©gatifs sur la pollution
rĂ©sistance aux maladies relativement faible de lâeau, la consommation dâĂ©nergie et la
70 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
diversité génétique. De surcroßt, les systÚmes Les systÚmes de production intensifs ont
mixtes et traditionnels nâont pas rĂ©ussi Ă par ailleurs un potentiel dâamĂ©lioration
satisfaire la demande naissante en produits de leur impact environnemental supérieur
dâĂ©levage dans de nombreux pays en Ă celui des systĂšmes traditionnels et
dĂ©veloppement, non seulement en termes extensifs. LâexpĂ©rience montre quâen
de volume mais aussi de normes sanitaires et prĂ©sence dâincitations Ă©conomiques
de qualitĂ©. LâintensiïŹcation de la production adĂ©quates, les gains de productivitĂ©
apparaĂźt donc comme indispensable, associĂ©s Ă lâintensiïŹcation de capitaux et
mais il faut en mĂȘme temps Ă©viter une de main-dâĆuvre permettent dâamĂ©liorer
concentration gĂ©ographique excessive des notablement lâutilisation rationnelle des
animaux. ressources naturelles; lorsque les ressources
ENCADRĂ 12
Ăvaluer la contribution de lâĂ©levage aux Ă©missions de gaz Ă effet de serre
71
et la pollution sont évaluées à leur juste
prix, lâintensiïŹcation de la production Ălevage et changement climatique
sâaccompagne dâune amĂ©lioration de
lâefïŹcacitĂ© environnementale (baisse de la Les tempĂ©ratures de la surface du globe
consommation de ressources naturelles et ont augmentĂ© dâenviron 0,7 oC en moyenne
réduction des émissions par unité de produit au cours du siÚcle dernier (GIEC, 2007). La
animal). Cela est dĂ©jĂ vrai pour ce qui est de tempĂ©rature des ocĂ©ans sâest Ă©levĂ©e, la
lâoccupation des sols Ă lâĂ©chelle mondiale, fonte des neiges et des glaces observĂ©e
mais aussi de la consommation dâeau et de dans les rĂ©gions polaires est signiïŹcative
nutriments dans un nombre croissant de pays et les experts prévoient une élévation
de lâOCDE. du niveau des mers. Le Groupe dâexperts
TABLEAU 14
Impacts directs et indirects du changement climatique sur les systĂšmes de production animale
v Ăvolutions agro-Ă©cologiques et transformation des v Augmentation des prix des ressources, par exemple,
Ă©cosystĂšmes entraĂźnant: les aliments, lâeau et lâĂ©nergie
une altĂ©ration de la qualitĂ© et de la quantitĂ© du v ĂpidĂ©mies de maladies
fourrage v Augmentation du coût des logements
IMPACTS INDIRECTS
des évolutions au niveau des interactions hÎte- pour animaux, par exemple les systÚmes de
pathogĂšne entraĂźnant une incidence accrue des refroidissement
maladies naissantes
des épidémies de maladies
Source: FAO.
73
Impact du changement climatique sur Le changement climatique jouera un rĂŽle
lâĂ©levage signiïŹcatif dans la propagation des maladies
Le tableau 14 résume les impacts directs à transmission vectorielle et des parasites
et indirects du changement climatique sur animaux, lesquels auront des répercussions
les systĂšmes de production traditionnels et inïŹniment plus graves pour les hommes et
industriels. Selon toute probabilité, certains les femmes les plus vulnérables engagés
de ces impacts seront plus marquĂ©s pour dans le secteur de lâĂ©levage. Avec la hausse
les systÚmes de pùture en zones arides des températures et la variabilité accrue des
et semi-arides, particuliÚrement sous des précipitations, de nouvelles maladies risquent
latitudes basses (Hoffman et Vogel, 2008). Le dâapparaĂźtre ou des maladies connues
changement climatique aura de trÚs larges toucher des régions jusque-là préservées.
répercussions sur la production animale en De plus, le changement climatique pourrait
raison de son incidence sur lâalimentation favoriser le dĂ©veloppement de nouveaux
du bétail et sa productivité. La hausse mécanismes de transmission et de nouvelles
des températures et la diminution des espÚces hÎtes. Tous les pays seront
prĂ©cipitations entraĂźnent une diminution vraisemblablement affectĂ©s par lâincidence
du rendement des terres de parcours et accrue des maladies animales mais les pays
contribuent à leur dégradation. La hausse pauvres sont particuliÚrement vulnérables
des tempĂ©ratures a Ă©galement pour effet face Ă lâĂ©mergence de nouvelles maladies
de réduire les quantités ingérées par les du fait des faibles moyens de leurs services
animaux et dâabaisser les taux de conversion vĂ©tĂ©rinaires.
alimentaire (Rowlinson, 2008). La diminution Le changement climatique peut-il ĂȘtre
des prĂ©cipitations et la frĂ©quence accrue des bĂ©nĂ©ïŹque pour lâĂ©levage? Il se peut que
sécheresses entraßneront une baisse de la le réchauffement des températures ait
productivitĂ© primaire des parcours, avec un des effets positifs sur lâĂ©levage, mais cela
risque de surpùturage et de dégradation des dépendra largement du lieu et du moment
sols; elles pourraient aggraver lâinsĂ©curitĂ© oĂč se produiront ces changements. Le
alimentaire et ĂȘtre Ă lâorigine de conïŹits relĂšvement des tempĂ©ratures en hiver,
pour lâaccĂšs Ă des ressources rarĂ©ïŹĂ©es. Les par exemple, peut rĂ©duire le stress liĂ© au
données montrent également que la période froid du bétail élevé en plein air. Il peut
de croissance végétale pourrait se raccourcir par ailleurs entraßner une diminution des
sur de nombreux pùturages, en particulier besoins énergétiques des animaux et réduire
en Afrique subsaharienne. La probabilité les besoins en chauffage dans les bùtiments
dâĂ©vĂ©nements climatiques extrĂȘmes devrait dâĂ©levage.
augmenter.
Dans les systĂšmes de production hors
pĂąturages, qui se caractĂ©risent par le AmĂ©liorer lâutilisation des
conïŹnement des animaux, souvent dans ressources naturelles dans
des bùtiments climatisés, le changement la production animale
climatique devrait avoir peu dâimpacts
directs et des effets principalement indirects Il est nĂ©cessaire dâadopter des mesures
(tableau 14). La diminution des rendements appropriĂ©es pour traiter lâimpact de la
agricoles et la concurrence accrue dâautres production animale sur les Ă©cosystĂšmes, qui
secteurs auront probablement pour effet pourraient sinon subir des dégradations
dâentraĂźner Ă la hausse le prix des cĂ©rĂ©ales dramatiques Ă©tant donnĂ© les prĂ©visions
et des tourteaux olĂ©agineux, qui sont les dâexpansion du secteur. Un Ă©quilibre doit
principales sources dâalimentation animale ĂȘtre trouvĂ© entre la demande en produits
dans ces systĂšmes (OCDE-FAO, 2008). La mise dâĂ©levage et la demande croissante de
en Ćuvre de programmes et politiques de services environnementaux, notamment dâair
rĂ©duction de la consommation Ă©nergĂ©tique et dâeau pure et dâaires de loisir.
favorisant lâĂ©nergie propre pourrait aussi Les prix actuels des terres, de lâeau et de
entraĂźner une hausse des prix de lâĂ©nergie. lâalimentation du bĂ©tail qui entrent dans
EnïŹn, le rĂ©chauffement climatique risque la production animale souvent ne reïŹĂštent
aussi dâaugmenter le coĂ»t du refroidissement pas la vraie valeur rare de ces ressources,
des animaux. ce qui entraĂźne leur surconsommation et
74 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
75
à travers des ajustements dans la gestion les niveaux techniquement réalisables, ce qui
de la pĂąture ou lâabandon des pĂąturages, tendrait Ă indiquer que des gains dâefïŹcience
sont aussi appelĂ©s Ă jouer un rĂŽle important. considĂ©rables pourraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s grĂące Ă
Ătant donnĂ© le potentiel que reprĂ©sentent une meilleure gestion. Cependant, câest lĂ un
les immenses pĂąturages de la planĂšte de ce objectif difïŹcile Ă atteindre dans les rĂ©gions
point de vue, des mécanismes sont en cours pauvres en ressources, qui sont souvent
dâĂ©laboration en vue dâexploiter cette piste aussi des zones plus marginales sur le plan
prometteuse en termes de coĂ»t-efïŹcacitĂ© Ă©cologique.
face au changement climatique. Il existe des technologies améliorées
La transition des systĂšmes actuels et efïŹcaces pour tous les systĂšmes de
de pĂąture dite «extractive» vers des production animale. Mais lâaccĂšs Ă
pratiques privilĂ©giant la fourniture de lâinformation pertinente et la capacitĂ© de
services environnementaux pose deux choisir et dâappliquer les technologies les
questions fondamentales: Comment mieux adaptĂ©es sont autant dâobstacles
rĂ©partir les bĂ©nĂ©ïŹces dĂ©rivĂ©s des services quâil serait possible de rĂ©duire grĂące Ă une
environnementaux? Et comment permettre gestion interactive des connaissances, au
aux agriculteurs pauvres dont les moyens développement des capacités et à une
dâexistence reposent sur lâĂ©levage extensif prise de dĂ©cisions informĂ©e au niveau
dâen bĂ©nĂ©ïŹcier? La situation mondiale des politiques, des investissements, du
de lâalimentation et de lâagriculture 2007 dĂ©veloppement rural et des producteurs. Les
examine en détail la question du paiement avancées technologiques doivent tendre vers
des services environnementaux (FAO, 2007a). lâoptimisation de lâutilisation intĂ©grĂ©e des
ressources en terre, en eau, en capital humain,
Accélérer le changement technologique en animaux et en alimentation pour le bétail.
Un certain nombre dâoptions techniques
pourraient permettre dâattĂ©nuer les impacts RĂ©duire les impacts nĂ©gatifs de lâĂ©levage
de la production animale intensive. De intensif sur lâenvironnement
bonnes pratiques agricoles peuvent rĂ©duire En dehors des inefïŹciences inhĂ©rentes Ă
la consommation dâengrais et de pesticides lâĂ©levage intensif, les problĂšmes causĂ©s
dans la production fourragĂšre et la gestion Ă lâenvironnement par les systĂšmes
des pùturages intensifs. La combinaison de de production industriels découlent
systĂšmes et de technologies de production essentiellement de leur localisation
respectueux de lâenvironnement permet de gĂ©ographique et de leur concentration. Dans
restaurer des habitats importants et dâenrayer les cas extrĂȘmes, la taille des exploitations
la dĂ©gradation des sols. LâamĂ©lioration peut constituer un problĂšme: ces unitĂ©s
des systĂšmes dâĂ©levage intensif peut sont parfois si importantes (des centaines
aussi contribuer Ă la conservation de la de milliers de porcs par exemple) que
biodiversitĂ©, Ă travers notamment lâadoption lâĂ©limination des efïŹuents dâĂ©levage restera
de techniques sylvopastorales et de systĂšmes toujours un problĂšme, quelle que soit
de gestion ïŹexible des pĂąturages qui ont lâimplantation gĂ©ographique de ces unitĂ©s de
effectivement pour effet dâaccroĂźtre la production.
biodiversité, les quantités de fourrage, le Il est donc indispensable de faire
couvert vĂ©gĂ©tal et la teneur des sols en correspondre la quantitĂ© dâefïŹuents
matiĂšre organique, et partant de rĂ©duire les gĂ©nĂ©rĂ©s avec la capacitĂ© dâabsorption de
pertes dâeau et lâimpact des sĂ©cheresses, et de lâenvironnement local. LâĂ©levage industriel
favoriser la sĂ©questration du CO2. Combiner doit, autant que faire se peut, ĂȘtre implantĂ©
ce type dâamĂ©liorations avec la restauration Ă proximitĂ© de terres arables pouvant ĂȘtre
ou la conservation des infrastructures utilisĂ©es pour lâĂ©limination des efïŹuents
Ă©cologiques au niveau des bassins versants dâĂ©levage, sans crĂ©er de problĂšmes de
peut ĂȘtre un bon moyen de rĂ©concilier surcharge en nutriments, plutĂŽt que
fonction écosystémique et expansion de la géographiquement concentré dans certaines
production agricole. zones pour des raisons dâaccĂšs aux marchĂ©s et
Dans les systÚmes de production mixtes de disponibilité des aliments pour bétail
et industriels, il existe un Ă©cart important comme câest le cas actuellement. Les options
entre les niveaux de productivité actuels et politiques permettant de contrebalancer les
76 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 13
LâUnion europĂ©enne â lâintĂ©gration des impĂ©ratifs de protection environnementale
dans la Politique agricole commune
77
ENCADRĂ 14
La réduction de la pollution aux nitrates au Danemark
79
du changement climatique sur la LâĂ©levage reprĂ©sente une ressource
santé humaine. En ce qui concerne cruciale pour les personnes pauvres, en
lâattĂ©nuation des effets de lâĂ©levage sur particulier dans les systĂšmes pastoraux
le changement climatique, les efforts ou sylvopastoraux: il remplit de multiples
portent essentiellement sur la réduction fonctions économiques, sociales et de gestion
des émissions de gaz à effet de serre. des risques. Il représente aussi un mécanisme
LâĂ©levage peut aussi aider les pauvres crucial dâadaptation Ă un environnement
Ă sâadapter aux effets du changement changeant, et il est appelĂ© Ă prendre plus
climatique. La capacitĂ© des communautĂ©s dâimportance encore Ă mesure que cette
Ă sâadapter et Ă attĂ©nuer ces effets dĂ©pend variabilitĂ© augmente. Pour de nombreux
de leurs conditions socioĂ©conomiques et ĂȘtres humains vivant dans la pauvretĂ©, la
environnementales ainsi que de leur accĂšs perte de cette ressource est synonyme de
Ă lâinformation et Ă la technologie qui plongĂ©e dans une pauvretĂ© chronique, avec
répondent à leurs besoins. des effets à long terme sur leurs moyens
Une question importante mĂ©rite rĂ©ïŹexion: dâexistence.
comment combiner stratĂ©gies dâadaptation Il existe un certain nombre de mĂ©canismes
et stratĂ©gies dâattĂ©nuation? La rĂ©ponse permettant dâaugmenter la capacitĂ©
Ă cette question implique une analyse dâadaptation des producteurs traditionnels
approfondie des équilibres à réaliser entre dans les systÚmes extensifs (Sidahmed, 2008),
croissance économique, équité et protection et notamment:
durable de lâenvironnement. Le changement v Les ajustements de production:
climatique soulĂšve des enjeux importants en i) diversiïŹcation, intensiïŹcation et
termes de croissance et de développement, intégration de la gestion des pùturages,
en particulier dans les pays Ă faible revenu, de lâĂ©levage et des cultures, changement
mais il existe Ă©galement des synergies dâutilisation des terres et irrigation,
importantes entre stratĂ©gies dâadaptation modiïŹcation des opĂ©rations dans le
et dâattĂ©nuation, comme le fait quâune temps, conservation de la nature et
amélioration de la gestion des parcours des écosystÚmes; et ii) introduction de
peut contribuer à la fois à la séquestration systÚmes mixtes de production animale,
du carbone et Ă lâaugmentation de la câest-Ă -dire pĂąture et engraissement Ă
productivitĂ© des pĂąturages. lâĂ©table.
v Les stratĂ©gies dâĂ©levage: i) accent mis
StratĂ©gies dâadaptation sur les races locales, adaptĂ©es au stress
Il est absolument urgent dâadopter des climatique et aux sources dâalimentation
stratĂ©gies efïŹcaces dâadaptation au locales; et ii) amĂ©lioration des races
changement climatique, sachant que locales par croisement avec des races
ce changement prend de vitesse nos résistantes à la chaleur et aux
capacitĂ©s dâadaptation. Il peut aggraver maladies.
les vulnérabilités existantes et accroßtre v Les réponses du marché à travers la
lâimpact dâautres stress tels que catastrophes promotion des Ă©changes interrĂ©gionaux,
naturelles, pauvretĂ©, inĂ©galitĂ© dâaccĂšs aux le crĂ©dit et lâaccĂšs aux marchĂ©s.
ressources, insécurité alimentaire et incidence v Les changements politiques et
des maladies. institutionnels, par exemple
Les Ă©leveurs de bĂ©tail se sont de lâintroduction de dispositifs dâalerte
tous temps adaptĂ©s aux changements rapide pour le bĂ©tail, ainsi que dâautres
environnementaux et climatiques. Mais la systÚmes de prévision et de préparation
pression dĂ©mographique, lâurbanisation, la aux situations de crise.
croissance Ă©conomique, la consommation v La recherche scientiïŹque et
croissante de produits dâorigine animale technologique, pour mieux comprendre
et leur commercialisation réduisent les causes du changement climatique et
lâefïŹcacitĂ© des mĂ©canismes dâadaptation son incidence sur lâĂ©levage, pour faciliter
traditionnels (Sidahmed, 2008). Des stratégies le développement de nouvelles races
dâadaptation et de gestion des risques et types gĂ©nĂ©tiques et pour amĂ©liorer
doivent absolument ĂȘtre mises en Ćuvre sans la santĂ© animale ainsi que la gestion de
attendre. lâeau et des sols.
80 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
81
ENCADRĂ 15
Atténuation des effets du changement climatique: exploiter les chances offertes
par la gestion amĂ©liorĂ©e des sols dans les systĂšmes dâĂ©levage
Les systĂšmes agricoles qui combinent sols dans les dispositifs compensatoires
la gestion améliorée des pùturages et envisagés par le Protocole de Kyoto.
lâamĂ©lioration des sols (rĂ©duction des JusquâĂ prĂ©sent, seule la gestion des
perturbations du sol et amélioration déchets animaux (capture et combustion
de la couverture pédologique) peuvent du méthane) et les activités de plantation
piéger davantage de carbone dans les forestiÚre ou de reboisement ont une
sols et la biomasse, émettre moins de valeur de compensation sur le marché du
méthane (CH4) par unité produite et carbone. De tels efforts ne représentent
libĂ©rer moins dâoxyde nitreux (N2O) que quâenviron 1 pour cent de la valeur totale
des systÚmes moins aménagés. Nombre de des crédits carbone octroyés au titre du
ces mesures peuvent également accroßtre Mécanisme du développement propre en
la productivitĂ© en augmentant les 2007, soit environ 140 millions dâUSD sur
quantitĂ©s de fourrages disponibles et en un total de quelque 14 milliards dâUSD de
augmentant la capacitĂ© de rĂ©tention dâeau crĂ©dits mis Ă disposition par le MĂ©canisme.
des sols. En AmĂ©rique latine, un projet qui Les mesures dâattĂ©nuation axĂ©es sur la
introduisait des mesures sylvopastorales gestion des sols sont plus représentées
(pratiques dâalimentation animale sur les marchĂ©s volontaires du carbone.
amĂ©liorĂ©es associĂ©es Ă des pĂ©rimĂštres Il existe Ă lâheure actuelle deux marchĂ©s
dâarbres et dâarbustes) pour accroĂźtre la volontaires pour la certiïŹcation des
biodiversitĂ© et le piĂ©geage du carbone rĂ©ductions dâĂ©missions liĂ©es Ă la gestion
a eu pour effet accessoire dâaccroĂźtre le des pĂąturages, celui de la Norme
stockage du carbone et de réduire les volontaire sur le carbone (VCS) et celui
émissions de CH4 et de N2O (de 21 pour de la bourse du climat de Chicago (CCX).
cent et de 36 pour cent respectivement) La norme VCS a récemment promulgué
(Banque mondiale, 2008b). Les des directives relatives aux activités
modiïŹcations de lâutilisation des sols se gĂ©nĂ©ratrices de crĂ©dits de carbone dans
sont également traduites par une hausse le cadre de la gestion améliorée des
des revenus de 55,5 pour cent au Costa pùturages. Les pratiques améliorées
Rica et de 66,9 pour cent au Nicaragua visent lâaccroissement des stocks de
(Banque mondiale, 2008b). carbone Ă travers lâaugmentation des
Actuellement, la gĂ©nĂ©ralisation des quantitĂ©s dâintrants enfouis dans le sol
techniques de gestion améliorée des ou le ralentissement de la décomposition,
sols pour lutter contre les effets des gaz lâoptimisation de lâefïŹcacitĂ© dâutilisation
Ă effet de serre est freinĂ©e, en partie, de lâazote pour certaines cultures, la
par les coĂ»ts Ă©levĂ©s encourus par un gestion des incendies, lâamĂ©lioration
producteur qui sâefforce dâaccĂ©der au des cultures fourragĂšres, lâamĂ©lioration
marchĂ© du carbone. AccĂ©der au marchĂ© gĂ©nĂ©tique des races dâĂ©levage et la
du carbone demeure un processus gestion améliorée des taux de charge
coûteux et complexe, qui nécessite un (VCS, 2008). Les crédits de carbone
investissement initial important pour générés par la gestion des sols
lâanalyse ïŹnanciĂšre et biophysique avant reprĂ©sentent environ la moitiĂ© des crĂ©dits
de parvenir Ă la certiïŹcation de rĂ©duction Ă©changĂ©s au CCX, et prĂšs de 20 pour
dâĂ©missions. Des doutes concernant la cent des crĂ©dits Ă©changĂ©s sur lâensemble
permanence et lâadditionalitĂ©1 de ce type des marchĂ©s volontaires du carbone.
dâactivitĂ© de renforcement des puits de Le marchĂ© volontaire est relativement
carbone, les risques dâinvestissement et les restreint mais enregistre une croissance
incertitudes comptables ont empĂȘchĂ© la rapide â de 97 millions dâUSD en 2006
prise en compte de la plupart des mesures Ă 331 millions dâUSD en 2007 (Hamilton
dâattĂ©nuation axĂ©es sur la gestion des et al., 2008).
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ENCADRĂ 15 (ïŹn)
Atténuation des effets du changement climatique: exploiter les chances offertes
par la gestion amĂ©liorĂ©e des sols dans les systĂšmes dâĂ©levage
83
à réduire les émissions sans effets le déboisement, la surexploitation des
préjudiciables sur la santé (McMichael ressources en eau ou les émissions de
et al., 2007). gaz Ă effet de serre devraient ĂȘtre
réduites ou éliminées. Des politiques
Les contraintes qui pÚsent sur faisant appel aux lois du marché, comme
lâadaptation et lâattĂ©nuation les taxes ou droits dâutilisation des
Il subsiste de trĂšs nombreuses incertitudes ressources naturelles, devraient amener
encore quant à la maniÚre dont le les producteurs à internaliser les coûts
changement climatique affectera la des dommages environnementaux causés
production animale. Il nous faut en particulier par la production animale.
mieux connaĂźtre les effets du climat sur les v Certains effets nĂ©gatifs de lâĂ©levage sur
pĂąturages et la composition des terres de lâenvironnement dĂ©coulent de problĂšmes
parcours, ainsi que les conséquences pour associés à des ressources collectives
lâĂ©levage. LâOrganisation mondiale de la santĂ© en accĂšs libre. ClariïŹer les droits de
animale (OIE) estime quâĂ ce jour, 70 pour propriĂ©tĂ© fonciĂšre et promouvoir des
cent de toutes les maladies infectieuses mécanismes de coopération sont une
humaines Ă©mergentes sont dâorigine animale exigence absolue pour une gestion
(OIE, 2008a). Ce que lâon sait moins, câest durable des biens collectifs.
dans quelle mesure exactement la chaleur v Lâapplication de technologies au service
affecte la biologie des animaux et favorise de lâemploi rationnel des terres et des
lâapparition de nouvelles maladies. Nous aliments pour bĂ©tail peut attĂ©nuer
avons aujourdâhui une bonne comprĂ©hension les effets nĂ©gatifs de lâĂ©levage sur
des effets du changement climatique sur de la biodiversité, les écosystÚmes et
vastes régions, en revanche nous ne savons le réchauffement planétaire. Les
pas grand-chose de ses effets Ă lâĂ©chelle locale, technologies visant Ă amĂ©liorer le
sur les communautĂ©s et les mĂ©nages pauvres. rendement de lâĂ©levage incluent
Lâincidence du changement climatique sur la lâamĂ©lioration des races animales, de
relation fragile entre moyens dâexistence et la gestion des pĂąturages, de la santĂ©
production tributaire des ressources naturelles animale et le sylvopastoralisme.
est particuliÚrement mal connue. v La rémunération des services
environnementaux par des sources
publiques ou privĂ©es peut ĂȘtre un moyen
Principaux messages efïŹcace de promouvoir de meilleurs
de ce chapitre résultats, en termes notamment de
conservation des sols, de conservation
v Les gouvernements et les institutions de la ïŹore et de la faune sauvages ainsi
doivent sans délai élaborer et mettre en que des paysages, et de séquestration du
Ćuvre des politiques appropriĂ©es, aux carbone.
niveaux national et international, pour v Le secteur de lâĂ©levage a un potentiel
traiter les interactions entre lâĂ©levage et Ă©norme en matiĂšre de contribution Ă
lâenvironnement. La hausse constante lâattĂ©nuation des effets du changement
de la production animale se traduira climatique. Réaliser ce potentiel implique
sinon par dâĂ©normes pressions sur la des initiatives nouvelles et ambitieuses
santĂ© des Ă©cosystĂšmes, la biodiversitĂ©, Ă lâĂ©chelle nationale et internationale,
les ressources en terres et forĂȘts ainsi notamment la promotion de la recherche
que la qualitĂ© de lâeau, et contribuera de et du dĂ©veloppement dans le domaine
maniĂšre substantielle au rĂ©chauffement des technologies dâattĂ©nuation; des
de la planĂšte. moyens efïŹcaces et renforcĂ©s pour
v Les politiques doivent viser avant tout Ă ïŹnancer les activitĂ©s dâĂ©levage; le
corriger les distorsions du marché et les déploiement, la diffusion et le transfert
dysfonctionnements qui encouragent des technologies visant à réduire les
la dĂ©gradation de lâenvironnement. Les Ă©missions des gaz Ă effet de serre; et
aides ou subventions qui encouragent le développement des capacités pour
directement ou indirectement le contrĂŽler, documenter et vĂ©riïŹer le
surpĂąturage, la dĂ©gradation des terres, niveau des Ă©missions liĂ©es Ă lâĂ©levage.
84 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
Les risques que les maladies animales Ă de nouveaux dĂ©ïŹs. SimultanĂ©ment, les
prĂ©sentent pour lâĂ©conomie et la santĂ© rĂ©glementations relatives Ă la santĂ© animale
humaine appellent des stratégies et des et à la sécurité des aliments ainsi que les
solutions novatrices. Le risque le plus grave normes du secteur privé visant à promouvoir
pour la santĂ© humaine est celui dâune le bien-ĂȘtre du consommateur deviennent
pandĂ©mie, comme lâa rĂ©cemment montrĂ© de plus en plus contraignantes, crĂ©ant des
lâapparition de la nouvelle souche de grippe difïŹcultĂ©s pour les producteurs, spĂ©cialement
A(H1N1), composĂ©e de matĂ©riel gĂ©nĂ©tique les petits exploitants qui nâont pas la capacitĂ©
viral dâorigine humaine, porcine et aviaire. technique et ïŹnanciĂšre nĂ©cessaire pour sây
Les risques économiques liés aux maladies adapter.
animales, pour ĂȘtre moins graves, nâen sont De nombreux organismes nationaux de
pas moins trÚs coûteux en termes de bien- lutte contre les maladies sont contraints
ĂȘtre humain et peuvent menacer les moyens de rĂ©agir Ă un nombre croissant de crises
de subsistance des petits producteurs. au lieu de se concentrer sur la prévention,
Les humains, les animaux et leurs la maĂźtrise progressive des maladies ou
pathogĂšnes coexistent depuis des lâĂ©limination des maladies nouvelles
millĂ©naires, mais lâĂ©volution rĂ©cente dans Ă©mergentes avant quâelles ne se propagent.
les domaines Ă©conomique, institutionnel et Le rĂ©sultat est que lâincidence Ă©conomique
environnemental crée des risques nouveaux des maladies et le coût des mesures de lutte
et aggrave ceux qui existaient déjà . Des sont élevés et iront croissant. Par ailleurs,
risques systémiques font leur apparition par des mesures de lutte qui sont parfois
suite de la conjugaison dâun changement nĂ©cessaires, comme lâĂ©limination prĂ©ventive,
structurel rapide dans le secteur de peuvent avoir un impact important sur
lâĂ©levage, de la concentration gĂ©ographique lâensemble du secteur de la production
dâunitĂ©s de production animale intensive et se rĂ©vĂ©ler dĂ©sastreuses pour les mĂ©nages
Ă proximitĂ© des centres urbains et du les plus pauvres pour lesquels lâĂ©levage
mouvement des animaux, des personnes est Ă la fois un actif essentiel et un ïŹlet de
et des pathogÚnes entre les systÚmes de sécurité.
production traditionnels et intensifs. Du fait On examine dans le présent chapitre
que ces systĂšmes de production mettent en quelques-uns des principaux problĂšmes
Ćuvre des stratĂ©gies diffĂ©rentes de lutte et controverses relatifs aux questions de
contre les maladies, lâĂ©change de pathogĂšnes santĂ© animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des
de lâun Ă lâautre peut causer des Ă©pidĂ©mies aliments ainsi que les solutions de rechange
dâune certaine ampleur. Entre-temps, le disponibles pour lutter contre les maladies
changement climatique modiïŹe la structure animales et en attĂ©nuer les effets. On y met
de lâincidence des maladies animales, Ă en relief le fait que les interventions, les
mesure que les pathogĂšnes, les insectes investissements et les institutions se sont
et les autres vecteurs responsables de leur concentrés principalement sur le commerce
transmission gagnent de nouvelles zones et les systĂšmes alimentaires mondiaux,
écologiques. négligeant les préoccupations des pauvres
En raison de lâallongement des ïŹliĂšres ainsi que les maladies endĂ©miques et les
dâapprovisionnement du secteur de lâĂ©levage problĂšmes de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
et de leur complexité croissante, favorisés non enregistrés, qui affectent leurs moyens
par la mondialisation et la libĂ©ralisation du de subsistance. Le dĂ©ïŹ consiste Ă gĂ©rer les
commerce, les systĂšmes de santĂ© animale maladies animales et les maladies dâorigine
et de sécurité des aliments sont confrontés alimentaire de maniÚre à optimiser les effets
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
85
sur lâĂ©conomie et la santĂ© humaine dans
les divers systĂšmes, partout et pour tout le Risques pour lâĂ©conomie
monde. et la santé humaine liés
Les décideurs politiques devraient arbitrer aux maladies animales
entre les besoins des producteurs au regard
de ceux des consommateurs, entre les besoins Les maladies animales posent aux humains
des petits exploitants au regard de ceux des les deux principaux types de problĂšmes
producteurs commerciaux, et enïŹn entre suivants: des problĂšmes socioĂ©conomiques et
les problĂšmes courants de santĂ© animale et des problĂšmes sanitaires. La ïŹgure 15 montre
de sécurité sanitaire des aliments au regard par quelles voies les maladies animales et le
des risques potentiellement catastrophiques. risque de maladie animale ont une incidence
Ils devront peut-ĂȘtre prendre des mesures sur le bien-ĂȘtre humain.
destinées à encourager le départ des unités Les risques économiques et
dâĂ©levage intensif situĂ©es Ă proximitĂ© des socioĂ©conomiques prĂ©sentĂ©s par les maladies
centres urbains et à réduire les possibilités animales se divisent en deux grandes
de mouvement des pathogÚnes entre les catégories: i) les pertes de production,
systÚmes. La gestion des risques liés aux de productivité et de rentabilité causées
maladies animales devrait ĂȘtre soucieuse par les agents pathogĂšnes et le coĂ»t
dâamĂ©liorer les systĂšmes dâinformation et de leur traitement; ii) la perturbation
dâalerte rapide et de favoriser la participation des marchĂ©s locaux, du commerce
de toutes les parties prenantes, y compris international et des économies rurales
les pauvres, aux processus de décision. Pour imputable aux maladies et aux mesures
cela il faudra aussi renforcer les capacités prises pour en endiguer la propagation,
locales, amĂ©liorer la collaboration entre telles que lâabattage sĂ©lectif, lâisolement et
les autoritĂ©s nationales et internationales lâinterdiction des dĂ©placements; et iii) les
compétentes en matiÚre de santé animale risques pour les moyens de subsistance
et de sécurité sanitaire des aliments (et des pauvres. Ces derniers découlent des
notamment accroßtre la transparence relative deux premiÚres catégories de risques. En
Ă lâoccurrence des maladies animales) et raison des multiples fonctions que remplit
investir dans les technologies nécessaires le bétail dans la subsistance des pauvres,
pour atténuer les risques. les maladies animales ne touchent pas les
FIGURE 15
ConsĂ©quences des Ă©pizooties sur le bien-ĂȘtre des personnes
ĂPIZOOTIES
Bien-ĂȘtre humain
Source: FAO.
86 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
Ă©leveurs pauvres de la mĂȘme façon que points dâintersection entre lâĂȘtre humain,
les producteurs commerciaux. Les pauvres lâanimal et lâĂ©cosystĂšme.
rĂ©pondent Ă diffĂ©rentes incitations et nâont Il nây a pas de «remĂšde unique» sur les
pas la mĂȘme capacitĂ© de rĂ©action face mesures qui conviennent face aux maladies
aux maladies. Ce qui pour les uns est un parce que les conséquences de ces derniÚres
problĂšme Ă©conomique peut signiïŹer la ruine sur les personnes et les pays diffĂšrent selon
pour les autres. leur niveau Ă©conomique. Lâimpact dâune
Les risques que prĂ©sente le bĂ©tail pour maladie varie avec lâĂ©chelle et lâintensitĂ©
la santĂ© humaine revĂȘtent principalement de la production, et avec lâimportance
les deux formes suivantes: i) les maladies des débouchés commerciaux. De ce fait,
zoonotiques, et ii) les maladies dâorigine les coĂ»ts et les incitations sont diffĂ©rents
alimentaire. Les premiĂšres sont celles suivant les pays, de mĂȘme que les capacitĂ©s
qui naissent chez les animaux mais sont de mise en Ćuvre des mesures de lutte.
transmissibles aux humains. Les virus Ă Nombre de ces diffĂ©rences sâexpliquent par
potentiel pandĂ©mique tels que celui de la lâĂ©volution des systĂšmes de production et
grippe sont les plus connus, mais il en existe de commercialisation, par la coexistence
beaucoup dâautres, par exemple, ceux de persistante des systĂšmes traditionnels et
la rage, de la brucellose ou du charbon. Les industriels et par les déséquilibres qui en
maladies dâorigine alimentaire proviennent dĂ©coulent pour les systĂšmes nationaux de
dâagents pathogĂšnes tels que salmonella et santĂ© animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des
E. coli ou de contaminants introduits dans aliments. Bien que lâobjectif des mesures de
la chaßne alimentaire au cours du processus lutte contre les épizooties soit la protection de
de production ou de transformation des la santé humaine et animale, les responsables
produits dâorigine animale. Ces maladies et la politiques devraient prendre en compte
façon de les gérer créent des problÚmes pour la diversité des impacts et des stimulants
tous, mais les petits exploitants sont souvent auxquels sont confrontés les différents acteurs
particuliÚrement vulnérables en raison de du secteur et adapter les interventions et les
leur plus grande exposition au risque et mesures compensatoires en conséquence.
de leur moindre capacité de réaction et de Des mesures rigoureuses de biosécurité et
rĂ©tablissement. de sĂ©curitĂ© des aliments sont mises en Ćuvre
Les spĂ©cialistes des maladies animales pour limiter lâapparition et la propagation
ont des opinions divergentes quant Ă la des maladies dans les pays oĂč le secteur
prĂ©valence et lâimpact des maladies, en de lâĂ©levage est dominĂ© par de grands
partie Ă cause du manque dâinformations. systĂšmes de production intensive et par
Dans certaines régions, par exemple, il est des processus complexes de transformation
difïŹcile de savoir sâil y a augmentation et de commercialisation. Ces systĂšmes de
effective de la prĂ©valence dâune maladie production et les ïŹliĂšres qui en dĂ©pendent
animale ou si le nombre de cas détectés correspondent grossiÚrement aux systÚmes
sâaccroĂźt du fait dâune amĂ©lioration des de production «industrielle» dĂ©crits dans les
capacités de veille et de diagnostic. Il semble, chapitres précédents. Ils sont généralement
dâaprĂšs les Ă©lĂ©ments dont on dispose, quâil appuyĂ©s par des systĂšmes solides de santĂ©
y ait eu, dans les pays développés, une animale et de sécurité des aliments et par
diminution rĂ©guliĂšre de la prĂ©valence de de puissants groupes dâintĂ©rĂȘt public, de
nombreuses maladies animales, bien quâils consommateurs et de dĂ©taillants du secteur
soient encore périodiquement sujets à alimentaire, soucieux de disposer de normes
certaines épidémies et que la prévalence élevées en matiÚre de santé publique, de
des maladies liées au stress causé par les sécurité sanitaire des aliments et de qualité.
systÚmes de production intensive y soit en La stratégie des systÚmes industriels
hausse. En revanche, il semble quâil nây ait consiste essentiellement Ă lutter contre les
guÚre eu de changement dans la prévalence agents pathogÚnes en les éliminant de la
des maladies animales endĂ©miques dans les chaĂźne alimentaire: de lâalimentation des
pays en développement, en particulier dans animaux à la vente au détail des aliments,
beaucoup de pays dâAfrique. Cependant, en passant par la production animale et la
au niveau mondial, il semble établi que de transformation des produits. Des mesures
nouveaux pathogÚnes apparaissent aux de biosécurité et des procédures de
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
87
TABLEAU 15
Quelques coûts estimés concernant les foyers de maladies animales dans les pays développés et en
développement
AmĂ©rique du Nord Maladie de Lyme (endĂ©mique) Environ 20 millions dâUSD par an (Maes, Lecomte et Ray, 1998)
Union europĂ©enne ESB dans les annĂ©es 90 CoĂ»t Ă long terme de 92 millions dâeuros (Cunningham, 2003)
Ătats-Unis dâAmĂ©rique ESB en 2003 11 milliards dâUSD Ă cause des restrictions Ă lâexportation (USITC, 2008)
Afrique PPCB annuellement 44,8 millions dâeuros (Tambi, Maina et Ndi, 2006)
Notes: ESB = encéphalopathie spongiforme bovine; PPCB = pleuropneumonie contagieuse des bovins;
PPC = peste porcine classique; FA = ïŹĂšvre aphteuse; IAHP = InïŹuenza aviaire hautement pathogĂšne.
TABLEAU 16
Quelques coĂ»ts estimĂ©s concernant les maladies dâorigine alimentaire dans les pays dĂ©veloppĂ©s
Le coĂ»t annuel de cette maladie causĂ©e par O157 STEC Ă©tait de 405 millions dâUSD
Shiga-toxines productrices
Ătats-Unis dâEscherichia coli O157
(en USD de 2003), Ă savoir 370 millions dâUSD pour les dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s,
dâAmĂ©rique (O157 STEC)
30 millions dâUSD pour les soins mĂ©dicaux et 5 millions dâUSD pour la productivitĂ©
perdue (Frenzen, Drake and Angulo, 2005)
82 686 000 de JPY. Frais de laboratoire, environ 21 204 000 de JPY. Mais également
le coût des denrées alimentaires non achetées pendant la suspension du service de
restauration (environ 19 pour cent), frais de personnel versés aux salariés du service
Japon Foyer dâE. coli O157-H7
de restauration (environ 17 pour cent), coûts engendrés par les maladies humaines
(environ 15 pour cent) et frais de réparation des installations (environ 15 %) (Abe,
Yamamoto et Shinagawa, 2002)
éleveurs pauvres. Bien que les systÚmes Lorsque les systÚmes traditionnels et
Ă petite Ă©chelle soient moins vulnĂ©rables les systĂšmes industriels sâentrecroisent, Ă
aux graves Ă©pidĂ©mies que les systĂšmes lâoccasion du commerce ou des mouvements,
industriels, les maladies nâen nâont pas moins des problĂšmes peuvent surgir. Les systĂšmes
des coĂ»ts importants, rarement mesurĂ©s, industriels sont toujours vulnĂ©rables Ă
pour les producteurs et les consommateurs. lâapparition ou Ă la rĂ©apparition dâagents
En Afrique, par exemple, il existe plusieurs pathogĂšnes, auxquels les pays Ă faibles
parasitoses animales tropicales qui ne se systÚmes de santé animale servent souvent
développent que dans cette région, comme de réservoirs. Simultanément, les normes
la ïŹĂšvre de la cĂŽte orientale (Theileria Ă©levĂ©es de santĂ© animale et de sĂ©curitĂ©
parva), propagée par une tique, et le sanitaire des aliments nécessaires pour
trypanosome transmis par la mouche tsé-tsé. protéger les animaux et les consommateurs
Ces deux parasitoses ont une distribution des pays dotĂ©s de systĂšmes dâĂ©levage
sous-continentale ainsi quâune incidence industriel, peuvent reprĂ©senter un obstacle
particuliĂšrement nĂ©gative sur lâĂ©levage et insurmontable au commerce des produits en
les moyens dâexistence, mĂȘme sâil nâexiste provenance de pays Ă systĂšmes plus faibles,
pas dâestimations de coĂ»ts les concernant. limitant les possibilitĂ©s dâexportation des
La pleuropneumonie contagieuse du bĆuf pays pauvres.
coûte selon les estimations prÚs de 45 millions
dâeuros par an en pertes de productivitĂ©. Risques Ă©conomiques
Le tableau 15 compare les estimations de Du point de vue des producteurs, les
coût des foyers de diverses maladies dans maladies animales sont essentiellement
les pays développés et en développement. un problÚme économique. Les maladies
La variabilitĂ© exprime lâampleur des rĂ©duisent la production et la productivitĂ©,
phĂ©nomĂšnes observĂ©s ainsi que la difïŹcultĂ© perturbent le commerce ainsi que les
de comparer des pays, des maladies et leur économies locales et régionales, et
incidence. Le coĂ»t des maladies dâorigine exacerbent la pauvretĂ©. Au niveau
alimentaire nâest pas connu avec prĂ©cision biologique, les pathogĂšnes se disputent le
dans les pays en développement car les cas y potentiel productif des animaux et réduisent
sont rarement dĂ©clarĂ©s. la part qui peut ĂȘtre exploitĂ©e au proïŹt
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
89
des humains. Un animal malade produit animale sont de qualité médiocre ou si le
moins de viande, moins de lait ou moins traitement nâest pas appliquĂ© correctement.
dâĆufs. Il a une moindre puissance de trait Câest un grave problĂšme dans beaucoup de
et fournit de la viande et des ïŹbres de moins rĂ©gions reculĂ©es des pays en dĂ©veloppement,
bonne qualitĂ©. En termes Ă©conomiques, la oĂč les services vĂ©tĂ©rinaires sont rares.
production diminue, les coûts augmentent et Dans les pays en développement, le bétail
les proïŹts baissent. est exposĂ© Ă une multitude de maladies qui
Dans les systÚmes traditionnels, le coût nuisent à la productivité. En Afrique, par
des maladies animales est considérable mais exemple, la pleuropneumonie contagieuse
rarement calculĂ© explicitement. Souvent, les du bĆuf et la peste des petits ruminants
services vétérinaires ne sont pas disponibles (PPR) affectent les bovins et les ovins,
ou bien ils sont trop chers, si bien que respectivement; ces deux maladies semblent
les dépenses courantes de maßtrise et de actuellement se propager, causant la mort
traitement des maladies sont faibles dans ces du bétail local. Au Viet Nam, la peste
systĂšmes; cependant, la ponction continue porcine classique (PPC) cause de lourdes
exercée par les maladies infectiueses et pertes aux petits élevages de porcins mais
parasitaires endémiques sur la production et a peu de répercussions sur le commerce
la productivitĂ© rĂ©duit la capacitĂ© des petits dâexportation car le pays nâexporte que
exploitants à sortir de la pauvreté. de faibles quantités de viande porcine. En
Dans les systĂšmes industriels, les Inde et dans dâautres pays dâAsie, la ïŹĂšvre
producteurs considÚrent que les dépenses aphteuse (FA) est responsable de pertes de
de maßtrise et de traitement des maladies production considérables; le problÚme est
animales font partie du coĂ»t Ă©conomique particuliĂšrement grave lorsquâelle infecte
de la production. Le poids des maladies en les animaux de trait pendant la saison des
soi est relativement faible, mais les dépenses labours, limitant leur capacité de travail. Les
nécessaires pour assurer la biosécurité des revenus des paysans qui louent leurs animaux
unitĂ©s de production, et le coĂ»t des services de trait sâen trouvent rĂ©duits, tandis que la
vĂ©tĂ©rinaires et des mĂ©dicaments peuvent ĂȘtre superïŹcie des terres ensemencĂ©es en cultures
importants. Ces coûts pÚsent sur la rentabilité vivriÚres de base se rétrécit.
globale de lâentreprise.
Marchés, commerce et économies rurales
Production, productivité et rentabilité Les maladies animales qui provoquent une
Nombre de maladies inïŹuent sur la forte mortalitĂ© animale et se rĂ©pandent
productivitĂ© de lâĂ©levage. On en examinera rapidement Ă lâĂ©chelle nationale et
quelques-unes ci-dessous avec les maladies internationale dans des zones indemnes de
transfrontiÚres et émergentes ou avec les maladies peuvent avoir un coût économique
maladies dâorigine alimentaire, mais les particuliĂšrement Ă©levĂ©. Ces maladies, dites
mĂȘmes maladies peuvent aussi persister sous transfrontiĂšres et Ă©mergentes, peuvent
forme endĂ©mique, pesant en permanence ĂȘtre transmises par les oiseaux, les rongeurs
sur la productivité. Parmi les causes des et les insectes et transportées par des
pertes de productivitĂ© ïŹgurent la mort animaux vivants ou des produits animaux
de lâanimal ou la maladie conduisant Ă la ou par les vĂȘtements, les chaussures et
dĂ©cision dâabattage, la rĂ©duction du gain de les pneus des vĂ©hicules de personnes qui
poids, du rendement laitier, de la conversion traversent une zone infestĂ©e. Lâapparition
des aliments, ainsi que de la capacité de de nouvelles maladies qui ne sont pas
reproduction et de travail pour le labour ou comprises ou pour lesquelles on ne dispose
le transport. pas des techniques nécessaires à leur
Le coût du traitement, lorsque des services maßtrise, est particuliÚrement préoccupante.
vétérinaires sont disponibles, comprend le En raison de leurs effets spectaculaires
coĂ»t ïŹnancier direct et le coĂ»t indirect du sur la mortalitĂ© animale et de leur coĂ»t
temps passé à chercher ou à administrer un économique élevé, ces maladies occupent
traitement. Lâalourdissement des coĂ»ts de en gĂ©nĂ©ral une place privilĂ©giĂ©e dans les
production est censĂ© ĂȘtre compensĂ© par la programmes publics de santĂ© animale ainsi
réduction des pertes de productivité, mais ce que dans les réglementations nationales et
nâest pas toujours le cas si les services de santĂ© internationales.
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ENCADRĂ 16
SantĂ© et bien-ĂȘtre des animaux
La maniĂšre dont les personnes traitent sur ceux des animaux a plus de chances
les animaux dépend de leurs croyances de réussir, notamment dans les régions
et leurs valeurs, mais Ă©galement de la du monde oĂč de nombreuses personnes
nature des animaux et de lâimportance souffrent de la pauvretĂ© et dâinanition.
morale quâils leur accordent. Or ces deux Un large Ă©ventail de normes et de
concepts varient dâune culture Ă lâautre. programmes a Ă©tĂ© créé pour veiller Ă
La perception de lâanimal en tant quâ«ĂȘtre la mise en Ćuvre des bonnes pratiques
sensible» se rĂ©pand dans la communautĂ© en matiĂšre de bien-ĂȘtre animal, telles
scientiïŹque et vĂ©tĂ©rinaire, imprimant un que des codes volontaires de bien-ĂȘtre,
nouvel élan en faveur de la protection du souvent créés par les organisations
bien-ĂȘtre des animaux. sectorielles, des programmes dâentreprise,
Une bonne gestion du bien-ĂȘtre des programmes de diffĂ©renciation
animal passe par la mise en Ćuvre de des produits qui permettent aux
pratiques qui empĂȘchent et attĂ©nuent consommateurs dâacheter de maniĂšre
les souffrances et la détresse animales, sélective, des normes réglementaires et
préviennent et prennent en charge les des accords internationaux élaborés dans
maladies et les blessures, et aménagent le cadre de traités ou par des organisations
des conditions de vie qui permettent intergouvernementales. Les différents
aux animaux dâavoir un comportement types de programmes servent divers
naturel. De telles pratiques sont bien objectifs politiques et commerciaux et
souvent bĂ©nĂ©ïŹques pour les personnes prĂ©sentent chacun leurs avantages et leurs
comme pour les animaux: elles peuvent faiblesses; une approche réglementaire,
contribuer Ă amĂ©liorer la productivitĂ©, par exemple, sera efïŹcace uniquement si
le niveau de vie, la sĂ©curitĂ© et la sĂ»retĂ© des ressources sufïŹsantes sont allouĂ©es Ă
alimentaires, la santĂ© mais Ă©galement le sa gestion et Ă sa mise en Ćuvre.
bien-ĂȘtre psychologique des personnes. Le bien-ĂȘtre animal est de plus en
Cependant, elles peuvent également plus lié aux échanges commerciaux et
entraĂźner des frais, sous la forme Ă lâaccĂšs au marchĂ©. Certains pays en
dâinvestissements dans des Ă©quipements dĂ©veloppement redoutent de voir un jour
dâaccueil respectueux du bien-ĂȘtre animal, le bien-ĂȘtre des animaux devenir une
de la formation du personnel, dâun barriĂšre non tarifaire limitant leur accĂšs
allongement des périodes de production aux marchés.
ou dâune diminution de la production par Les producteurs des pays dĂ©veloppĂ©s,
unitĂ© de surface allouĂ©e aux animaux. Une par ailleurs, sâinquiĂštent de voir les coĂ»ts
approche du bien-ĂȘtre animal axĂ©e sur supplĂ©mentaires de mise en conformitĂ© Ă
les bĂ©nĂ©ïŹces de la population plutĂŽt que la rĂ©glementation et aux normes sur leur
91
93
Dâautres maladies frappent indistinctement matiĂšre de santĂ© animale, propres Ă rĂ©duire
les riches et les pauvres, mais leurs effets le risque de maladie. Elles ne répondent
sur les pauvres sont trĂšs particuliers. Par toutefois pas aux besoins spĂ©ciïŹques des
exemple, la ïŹĂšvre aphteuse, maladie qui Ă©leveurs pauvres des pays en dĂ©veloppement.
perturbe le commerce international, nâest pas En outre, leur mise Ă la disposition des petits
habituellement une source de préoccupation producteurs se heurte à des contraintes
importante pour les Ă©leveurs extensifs et les ïŹnanciĂšres et institutionnelles.
éleveurs-agriculteurs, mais elle a un impact Les pays en développement et
considérable quand elle frappe les animaux particuliÚrement leurs agriculteurs pauvres
de trait en période de travail du sol (Thuy, sont pénalisés par la contraction, depuis
2001). La ïŹĂšvre porcine classique pose un deux ou trois dĂ©cennies, des services et des
problĂšme aux Ă©leveurs orientĂ©s vers les interventions de lâĂtat. Ainsi, le ïŹnancement
marchés internationaux, mais à trÚs faible des services vétérinaires publics est trÚs
niveau dâincidence, câest un risque acceptable insufïŹsant, la lĂ©gislation rĂ©gissant le secteur
pour les petits Ă©leveurs. de lâĂ©levage est souvent pĂ©rimĂ©e, tandis que
Les maladies ont un impact sur le montant, les services de santé animale privés y sont
la régularité et la certitude des revenus des trÚs limités. Rares sont les agriculteurs qui
élevages, et privent notamment les petits ont recours au vétérinaire, surtout dans les
producteurs de lâaccĂšs au crĂ©dit nĂ©cessaire Ă zones rurales reculĂ©es. En outre, ils doivent
lâachat des aliments du bĂ©tail et des animaux parcourir de grandes distances pour avoir
ou au remplacement de ces derniers. Les accÚs aux médicaments ou aux vaccins.
pauvres ont plus de probabilités de souffrir Par conséquent, en cas de crise appelant
de problĂšmes de santĂ© chroniques contractĂ©s lâintervention des services vĂ©tĂ©rinaires
au contact dâanimaux malades, comme la de lâĂtat, ceux-ci peinent Ă mobiliser les
brucellose et les parasites endodermes. personnes, les transports et le matériel
De nombreux travailleurs gagnent leur vie nĂ©cessaire pour y remĂ©dier. De mĂȘme, les
dans des entreprises de production animale pays qui disposent de peu de ressources
intensive ou de commercialisation. Les et concentrent leurs efforts sur le soutien
maladies animales peuvent mettre en danger aux exportations de produits alimentaires,
cette source de revenus. peuvent nĂ©gliger lâinfrastructure
Pour toutes ces raisons, la réduction de indispensable aux systÚmes nationaux de
lâincidence des maladies animales peut sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. Pour ĂȘtre
contribuer Ă lâattĂ©nuation de la pauvretĂ©. en mesure dâentretenir lâinfrastructure
Cependant, comme noté précédemment, nécessaire à la sécurité sanitaire globale
les Ă©leveurs ont diffĂ©rents objectifs et sont des aliments, les pays doivent ĂȘtre dotĂ©s
confrontés à des incitations et des risques de systÚmes de sécurité des aliments
différents. Les responsables politiques adaptés aux marchés à la fois locaux et
doivent tenir compte de ces diffĂ©rences en dâexportation.
formulant des rĂ©ponses, mĂȘme si les objectifs MalgrĂ© le changement mondial en
sanitaires demeurent prioritaires. Il convient faveur de la production animale intensive,
de reconnaĂźtre que des mesures planiïŹĂ©es les nombreux pauvres qui continueront Ă
et exécutées de maniÚre médiocre peuvent dépendre de petits élevages de volaille ou
porter de graves prĂ©judices aux Ă©leveurs dâautres animaux pour diversiïŹer et sĂ©curiser
pauvres sans parvenir à réaliser les objectifs leurs revenus auront toujours besoin de
de santé visés en matiÚre de santé animale. meilleurs services de santé animale que
Par exemple, lâinterdiction, dĂ©cidĂ©e dans la ceux qui existent actuellement. Lâune des
hĂąte, dâĂ©lever de la volaille dans une capitale principales difïŹcultĂ©s sera de trouver les
de lâAsie du Sud-Est a entraĂźnĂ© une perte de moyens de soutenir ces services dans les pays
revenus dans de nombreuses familles sans oĂč lâinvestissement qui leur est consacrĂ© est
toutefois faire disparaßtre la volaille de la en baisse depuis de nombreuses années.
ville, la mesure nâayant pas Ă©tĂ© totalement RĂ©cemment, par exemple, les fonds destinĂ©s
respectée (ICASEPS, 2008). à la lutte contre la grippe aviaire hautement
Au cours des derniÚres années, la pathogÚne ont contribué, dans un certain
communautĂ© scientiïŹque a mis au point nombre de pays, Ă renforcer le soutien aux
diverses technologies et interventions en services communautaires de santé animale
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aigu sévÚre (SRAS), de la grippe aviaire souvent dans les populations les plus pauvres
hautement pathogÚne (causée par le virus et les plus vulnérables. Le manque de
A[H5N1]) et la grippe porcine (causée par le sensibilisation et de volonté des pouvoirs
virus A[H1N1]), maladies qui ont suscité une publics aggrave généralement la situation.
inquiétude considérable dans le public quant
au risque dâune pandĂ©mie mondiale majeure. Maladies dâorigine alimentaire
Des efforts nationaux et internationaux Si plusieurs des maladies mentionnées
considĂ©rables ont permis dâendiguer prĂ©cĂ©demment peuvent ĂȘtre transmises
efïŹcacement le SRAS. Toutefois, mĂȘme si par les aliments, les maladies dâorigine
la grippe aviaire hautement pathogÚne alimentaires sont toutefois considérées
H5N1 a disparu de la plupart des pays, elle comme un groupe Ă part. Des organismes tels
persiste obstinément dans plusieurs pays. La que salmonella (en particulier S. enteritidis
grippe porcine a récemment été déclarée et S. typhimurium), Campylobacter et E. coli
pandĂ©mie mondiale par lâOrganisation O157:H7 sont dâimportantes causes de
mondiale de la santĂ© (OMS). Les infections maladies dâorigine alimentaire, qui affectent
et les décÚs continuent de croßtre. La chaque année dans le monde des millions de
propagation mondiale de lâencĂ©phalopathie personnes.
spongiforme bovine a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©e, mais des Il est difïŹcile dâestimer lâincidence
cas continuent dâĂȘtre dĂ©pistĂ©s de temps Ă mondiale des maladies causĂ©es par des
autre en dehors des Ăźles Britanniques. La ïŹn aliments dâorigine animale. Maxwell et
de 2008 a Ă©tĂ© marquĂ©e par le dĂ©pistage du Slater (2003) ont constatĂ© que jusquâĂ
virus Ebola Reston, circulant chez les porcins 30 pour cent de la population des pays
et les travailleurs des élevages porcins aux industrialisés souffraient chaque année de
Philippines. En outre, des ïŹambĂ©es du virus maladies dâorigine alimentaire. Lâattitude
Ebola se produisent de temps Ă autre en des consommateurs Ă lâĂ©gard du risque
République démocratique du Congo, en et le degré de risque lié à la salubrité des
Ouganda et dans dâautres pays dâAfrique, aliments, ainsi que les prioritĂ©s et les mesures
provoquant la mort dâĂȘtres humains et de en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de qualitĂ© des
nombreux grands singes. aliments varient beaucoup entre les pays
Certaines maladies zoonotiques sont développés et les pays en développement.
maßtrisées dans certains pays alors que dans Les pays réagissent différemment face
dâautres elles sont en expansion. La rage est aux prĂ©occupations croissantes des
en grande partie maĂźtrisĂ©e en Europe depuis consommateurs Ă lâĂ©gard de la sĂ©curitĂ©
lâintroduction de vaccins oraux permettant sanitaire des aliments. Certains abordent
de lutter contre la maladie chez les renards, le problĂšme sous lâangle du bien-ĂȘtre
principal rĂ©servoir du virus. En France, par des consommateurs nationaux, dâautres
exemple, le nombre de cas de rage chez les fortement orientĂ©s vers lâexportation y voient
animaux domestiques est tombé de 463 en une menace pour leurs débouchés extérieurs.
1990 à un seul en 2007. Par contre, la rage Le risque principal concernant la sécurité
est en expansion dans nombre de pays en sanitaire des produits animaux est imputable
développement. Une récente épidémie à à des contaminants biologiques ou chimiques.
Bali (IndonĂ©sie), semble difïŹcile Ă contrĂŽler Ces contaminants peuvent provenir de lâair,
Ă cause dâun manque de sensibilisation du sol, de lâeau, des aliments du bĂ©tail, des
générale aux effets de cette poussée engrais (y compris les engrais naturels), des
Ă©pidĂ©mique et dâune incapacitĂ© Ă sâaccorder produits phytosanitaires, des mĂ©dicaments
sur une stratĂ©gie efïŹcace, par exemple le vĂ©tĂ©rinaires ou de tout autre agent
choix du vaccin qui convient ou la décision de intervenant dans le processus de production
savoir sâil faut, ou non, vacciner, stĂ©riliser ou primaire, ou encore dâanimaux malades.
éliminer les chiens errants. Les contaminants biologiques des produits
Un autre groupe de maladies zoonotiques, animaux comprennent des protéines
celui des maladies souvent dites anormales, comme celles qui sont associées
«nĂ©gligĂ©es» en raison de leur caractĂšre Ă lâESB; des bactĂ©ries telles que Salmonella
endémique, comprend les cysticercoses, les et Brucella spp. et certains types de E. coli;
échinococcoses et les brucelloses. On leur et des parasites, comme Echinococcus spp.
prĂȘte peu dâattention et elles persistent Les contaminants chimiques et biologiques
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plus loin. Bien que ces normes privées soient secteur, surtout quand on est mal renseigné
«volontaires», la concentration est telle dans sur lâampleur des problĂšmes. Sâil est
le secteur de la distribution que beaucoup possible de réduire au minimum les risques
de producteurs des pays en développement relatifs à la sécurité sanitaire des aliments,
sont obligĂ©s de les appliquer pour pouvoir lâĂ©limination complĂšte du risque nâexiste
exporter. pas en matiÚre de sécurité des aliments, de
Ă mesure que lâĂ©conomie se dĂ©veloppe, sorte que les dĂ©cideurs politiques, ainsi que
la transformation et la prĂ©paration des les scientiïŹques et lâindustrie alimentaire,
aliments a tendance Ă quitter le foyer devront dĂ©ïŹnir des niveaux acceptables de
domestique, tandis que les supermarchés risque.
dominent de plus en plus la vente au détail
des produits alimentaires en milieu urbain.
Dans de nombreux pays en développement, Lutte contre les maladies
cette évolution a conduit la classe moyenne et gestion du risque
aisée de plus en plus nombreuse à réclamer
des améliorations de la sécurité sanitaire des La gestion des maladies animales et
aliments. lâamĂ©lioration du bien-ĂȘtre social exige une
Par exemple, le Gouvernement chinois a action sur plusieurs fronts. La lutte contre
établi un label «aliment vert» pour une vaste les maladies transfrontiÚres passe par une
gamme de produits, notamment la viande coopération régionale ou par des approches
bovine, en réponse aux préoccupations groupées prenant en considération la
exprimĂ©es par les consommateurs urbains propagation et lâĂ©volution rapides de ces
aisĂ©s. Une enquĂȘte a rĂ©vĂ©lĂ© que les maladies. Les moyens propres Ă rĂ©duire les
consommateurs riches sont prĂȘts Ă payer risques prĂ©sentĂ©s par les maladies animales
de 20 à 30 pour cent plus cher les «aliments comprennent la relocalisation des unités
verts». Au niveau de la production, le label de production animale intensive à grande
interdit les activateurs de croissance, impose distance des centres urbains de population;
un délai de commercialisation visant certains le renforcement des systÚmes de santé
produits vĂ©tĂ©rinaires et ïŹxe des normes animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments,
nationales relatives Ă lâutilisation des additifs y compris en matiĂšre dâinformation et
fourragers et des antibiotiques (Brown et dâalerte rapide; la participation de tous
Waldron, 2003). les acteurs, y compris les pauvres, aux
Les pays en dĂ©veloppement nâont dĂ©cisions relatives aux programmes de santĂ©
gĂ©nĂ©ralement pas la capacitĂ© technique et animale; lâĂ©laboration de stratĂ©gies de santĂ©
institutionnelle (laboratoires dâanalyse des animale adaptĂ©es aux conditions locales;
aliments, ressources humaines et ïŹnanciĂšres, lâamĂ©lioration de la collaboration entre
législation et réglementation nationales, les autorités nationales et internationales
capacitĂ© dâaction coercitive, gestion et responsables de la santĂ© animale et de
coordination) nécessaire pour assurer la la sécurité sanitaire des aliments; et
conformitĂ© aux normes internationales, lâinvestissement dans des technologies
au préjudice de la sécurité sanitaire des destinées à réduire les risques.
aliments. Ces faiblesses systémiques non
seulement menacent la santé publique, Localisation de la production
mais elles peuvent aussi avoir pour effet La concentration géographique de la
de rĂ©duire lâaccĂšs aux marchĂ©s alimentaires production Ă proximitĂ© des centres urbains
mondiaux. Umali-Deininger et Sur (2007) accroĂźt les risques dâĂ©pidĂ©mies au sein
ont aussi noté que des facteurs culturels, de la population animale, en particulier
tels que les croyances religieuses, peuvent lorsquâil y a mouvement des humains et des
entraver lâadoption de mesures appropriĂ©es animaux entre les systĂšmes traditionnels et
en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sanitaire des les systĂšmes intensifs, ainsi que lâexposition
aliments. de la population urbaine aux maladies
En raison de la complexité des questions animales. La protection de la santé animale
de sécurité sanitaire des aliments, il est au sein de grandes unités de production
difïŹcile de dĂ©terminer les bonnes politiques concentrĂ©es est simple Ă certains Ă©gards. Il y
Ă suivre pour rĂ©duire les problĂšmes du a peu dâunitĂ©s Ă surveiller, et les vĂ©tĂ©rinaires
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la contribution quâune bonne information et de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. Les
sur les maladies apporte aux biens publics pays doivent poursuivre lâĂ©laboration de
mondiaux, une part au moins de cet mĂ©thodes/techniques dâanalyse simples et
investissement devrait provenir de la peu coûteuses pour toutes les substances
communauté internationale. et microorganismes dangereux. Elles
Le renforcement des systĂšmes de santĂ© devraient ĂȘtre applicables dans un contexte
animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments communautaire plus large aïŹn dâĂȘtre
exige un ïŹnancement rĂ©gulier et soutenu, qui bĂ©nĂ©ïŹques sur les plans tant culturel
devra provenir de sources locales et nationales quâĂ©conomique.
ainsi que de la communautĂ© internationale. Les efforts visant Ă rĂ©duire lâimpact des
Une planiïŹcation, un plaidoyer et un suivi maladies animales sur les personnes vivant
renforcĂ©s de lâimpact seront importants, de dans la pauvretĂ© doivent prendre en compte
mĂȘme quâune coopĂ©ration plus Ă©troite entre la vaste gamme de maladies qui affectent
les secteurs public et privé dans les pays la vie des pauvres, y compris celles qui sont
oĂč le secteur privĂ© est sufïŹsamment fort. Il actuellement nĂ©gligĂ©es. Ils doivent aussi
existe quelques exemples de ïŹnancements avoir pour but de rĂ©duire au minimum les
mixtes publics et privés, mais aucun dans dommages causés par les mesures de lutte
les pays en dĂ©veloppement. Lâexemple mises en Ćuvre pour endiguer les poussĂ©es
le plus connu provient dâAustralie, oĂč le de maladies zoonotiques et transfrontiĂšres.
gouvernement central, les gouvernements Leur rĂ©ussite dĂ©pendra de lâassociation
des Ătats et les collectivitĂ©s territoriales ainsi Ă©troite des pauvres et de leurs reprĂ©sentants
que les principales organisations nationales Ă la planiïŹcation et Ă la mise en Ćuvre
du secteur de la production animale ont des mesures de prévention et de maßtrise
créé une société publique à but non lucratif des maladies. De la sorte, un plus grand
chargée de gérer au nom de ses membres les nombre des solutions proposées pourront
programmes de santĂ© animale (AHA, 2009). ĂȘtre appropriĂ©es et acceptĂ©es par les
Un comportement individuel responsable est communautés.
nĂ©cessaire aïŹn de rĂ©duire les coĂ»ts externes Une telle approche est essentielle Ă la fois
et un fonds mixte public-privé permet pour protéger les moyens de subsistance
dâassurer le partage Ă la fois des risques et des pauvres et pour renforcer les chances
des responsabilités. Nombre de problÚmes de succÚs des efforts de maßtrise des
de lutte contre les maladies renvoient à un maladies. On a cité ci-dessus plusieurs
mĂ©lange dâintĂ©rĂȘts publics et privĂ©s. Les exemples des problĂšmes qui peuvent se
actions privées prises par des éleveurs pour poser quand les pauvres ne sont pas associés
protĂ©ger leurs propres troupeaux, telles que Ă la planiïŹcation et Ă la mise en Ćuvre
la vaccination volontaire ou lâapplication des mesures de lutte contre les maladies,
de mesures de biosécurité, peuvent aussi du non-respect de celles-ci à la création de
prĂ©senter un intĂ©rĂȘt public en limitant la problĂšmes de sĂ©curitĂ© alimentaire au niveau
propagation de la maladie aux animaux ou des ménages.
aux humains. Force est, toutefois, de reconnaĂźtre que
cette approche est particuliĂšrement difïŹcile
Participation des pauvres aux Ă mettre en Ćuvre face Ă une menace de
programmes de santé animale progression rapide de la maladie, en raison
Des processus consultatifs sont nĂ©cessaires de la nĂ©cessitĂ© de traiter dâurgence un
pour faire en sorte que lâĂtat, les problĂšme en voie dâexpansion avant quâil
organisations non gouvernementales, les nâait pris trop dâampleur. Par exemple, les
milieux universitaires et les groupes du Ă©leveurs pauvres nâont pratiquement pas Ă©tĂ©
secteur privĂ© qui participent Ă lâĂ©laboration associĂ©s aux mesures de planiïŹcation et de
de programmes Ă assise communautaire, mise en Ćuvre des politiques adoptĂ©es pour
apportent collectivement leur contribution lutter contre la grippe aviaire hautement
au processus de gestion de la santé animale pathogÚne, mais à présent un important
et de la sécurité sanitaire des aliments. Il effort est déployé pour trouver des moyens
faut accorder un degrĂ© Ă©levĂ© de prioritĂ© de se prĂ©parer aux situations dâurgence
à la recherche axée sur les aspects tant permettant de prendre en considération
fondamentaux quâappliquĂ©s de la qualitĂ© les conditions locales et de repasser de
100 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 17
Programme mondial dâĂ©radication de la peste bovine â Ă©lĂ©ments
dâune initiative rĂ©ussie
Le virus de la peste bovine est Ă lâorigine ait Ă©tĂ© atteint. Cependant, le processus
de la maladie bovine sans doute la plus de reconnaissance internationale doit
terrible dâune sĂ©rie dâĂ©pidĂ©mies qui ont ĂȘtre encouragĂ© et les processus observĂ©s
décimé le bétail et la faune sauvage sur pour garantir que les dossiers des pays
trois continents et qui ont provoquĂ© soient transmis pour ĂȘtre Ă©valuĂ©s par la
plusieurs famines chez des populations communauté internationale comme établi
dâagriculteurs au cours des XVIIIe, XIXe par lâOIE. Une dĂ©claration internationale
et XXe siĂšcles. En lançant en 1994 le relative Ă lâĂ©radication de la peste bovine
Programme mondial dâĂ©radication de au plan mondial devrait ĂȘtre formulĂ©e
la peste bovine, la FAO a pris la tĂȘte en 2010. Ce serait seulement la deuxiĂšme
dâune initiative visant Ă consolider les maladie Ă©radiquĂ©e dans le monde (la
avancĂ©es obtenues dans la maĂźtrise de premiĂšre Ă©tant la variole chez lâĂȘtre
la peste bovine et pour progresser dans humain).
lâĂ©radication de ce ïŹĂ©au. En Ă©troite
association avec lâOrganisation mondiale Partenariats et soutien des donateurs.
de la santĂ© animale (OIE), lâAgence Le Programme mondial dâĂ©radication
internationale de lâĂ©nergie atomique de la peste bovine a pu compter sur le
(AIEA), le Bureau interafricain pour les partenariat de lâOIE, des blocs Ă©conomiques
ressources animales de lâUnion africaine et des organisations spĂ©cialisĂ©es rĂ©gionales
(UA/BIRA) et dâautres partenaires, le (par exemple lâUnion africaine et
Programme mondial dâĂ©radication de lâAssociation sud-asiatique de coopĂ©ration
la peste bovine, unité clé au sein du régionale [ASACR]) et de nombreuses
SystÚme de prévention et de réponse institutions donatrices, telles que la
rapide contre les ravageurs et les maladies Commission europĂ©enne, lâAgence
transfrontiĂšres des animaux et des plantes des Ătats-Unis pour le dĂ©veloppement
(EMPRES), a été conçu comme mécanisme international, le Département du
de coordination international visant développement international du Royaume-
Ă promouvoir lâĂ©radication mondiale Uni et les Gouvernements irlandais et
de la peste bovine et la vĂ©riïŹcation de italien. Toutefois, les partenaires les plus
lâĂ©radication de cette maladie, tout en importants du Programme sont les pays
fournissant des indications techniques eux-mĂȘmes. Dans plusieurs situations,
pour atteindre ces objectifs. Depuis le ïŹnancement de projets au titre du
le début, le Programme mondial Programme de coopération technique
dâĂ©radication de la peste bovine est un de la FAO a Ă©tĂ© utilisĂ© pour maĂźtriser
programme Ă durĂ©e limitĂ©e se rĂ©fĂ©rant rapidement des ïŹambĂ©es de peste bovine
à une déclaration mondiale visant ou pour entreprendre des activités
lâĂ©radication de cette maladie en 2010. visant Ă promouvoir le renforcement
des laboratoires de diagnostic, la
Objectif atteint. La derniĂšre ïŹambĂ©e planiïŹcation des interventions dans
Ă©pidĂ©mique de peste bovine avĂ©rĂ©e a eu lâĂ©ventualitĂ© dâune situation dâurgence,
lieu au Kenya en 2001 et câest en 2007 la veille et le renforcement des capacitĂ©s.
quâon a fait usage pour la derniĂšre fois Le Programme mondial dâĂ©radication
de la vaccination contre cette maladie. de la peste bovine a par ailleurs joué un
Non seulement il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que rĂŽle dĂ©terminant sâagissant de dĂ©ïŹnir et
lâĂ©radication Ă©tait un objectif rĂ©aliste, mais rĂ©viser les Orientations de lâOIE (activitĂ©
il est en outre probable que cet objectif normative visant à déterminer la situation
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
101
ENCADRĂ 18
Un monde, une santé
Le concept «Un monde, une santé» et les rĂ©actions aux situations dâurgence,
illustre une approche interdisciplinaire au travers du renforcement des
et intersectorielle visant à promouvoir systÚmes de santé publique et de santé
et Ă amĂ©liorer la comprĂ©hension des animale. Lâapproche appelle Ă une plus
facteurs et des causes de lâĂ©mergence et large coopĂ©ration interdisciplinaire
de lâexpansion des maladies infectieuses et intersectorielle, et sâintĂ©resse en
(www.oneworldhealth.org). Ce concept, priorité aux nouveaux foyers de maladies
une marque déposée de la Wildlife infectieuses.
Conservation Society, a été adopté en Le cadre stratégique est principalement
octobre 2008 comme fondement du cadre consacré aux maladies infectieuses
stratĂ©gique pour la rĂ©duction des risques associĂ©es aux interactions entre les ĂȘtres
de maladies infectieuses associés aux humains, les animaux et les écosystÚmes,
interactions entre les ĂȘtres humains, les lorsquâune Ă©pidĂ©mie ou une pandĂ©mie
animaux et les écosystÚmes par un groupe peut potentiellement avoir un impact
dâorganismes internationaux, dont la signiïŹcatif aux niveaux national, rĂ©gional
FAO, lâOrganisation mondiale de la santĂ© et international. Lâobjectif de ce cadre
animale (OIE), lâOrganisation mondiale stratĂ©gique est de trouver les moyens de
de la SantĂ© (OMS), le Fonds des Nations rĂ©duire le risque et lâimpact Ă lâĂ©chelle
Unies pour lâenfance (UNICEF), la Banque mondiale des Ă©pidĂ©mies et des pandĂ©mies
mondiale et le Coordonnateur du systĂšme de nouvelles maladies infectieuses.
des Nations Unies pour la grippe (UNSIC) Pour ce faire, il est indispensable de
(FAO et al., 2008). renforcer la connaissance des maladies,
Le principal objectif de lâapproche leur surveillance ainsi que les systĂšmes de
«Un monde, une santé» est de rĂ©duire rĂ©action dâurgence Ă tous les niveaux, ce
le risque et lâimpact mondial des qui appelle Ă son tour la consolidation des
foyers infectieux en améliorant les services de santé publique et animale mais
connaissances sur les animaux tant Ă©galement de lâefïŹcacitĂ© des stratĂ©gies de
dâĂ©levage que sauvages, leur surveillance communication.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
103
ïŹnanciĂšrement viables ne concernent acteurs des systĂšmes de santĂ© animale, Ă
que les grands élevages intensifs, lacune partir de leur expérience.
que la communauté internationale tente Dans tous ces efforts, il est essentiel
de combler, par exemple Ă la suite de dâĂ©tablir une communication Ă double
lâĂ©pidĂ©mie de grippe aviaire hautement sens. Les stratĂ©gies de communication
pathogĂšne H5N1 (FAO, Banque mondiale et visant Ă promouvoir, aux niveaux des
OIE, 2008). communautés et des ménages, des
Il faut disposer dâun ensemble plus comportements aptes Ă prĂ©venir et Ă
nuancé de solutions tenant compte maßtriser les poussées de maladies animales
des besoins et des atouts des grands, sont notamment les suivantes: informer
moyens et petits producteurs dans les les communautés des risques sanitaires
diffĂ©rentes ïŹliĂšres de production et nouveaux ou Ă©mergents et leur enseigner
de commercialisation. En matiÚre de la façon de les reconnaßtre; engager les
santé animale, les solutions doivent populations locales à réagir à ces risques et
ĂȘtre Ă©laborĂ©es sur place et adaptĂ©es aux Ă Ă©laborer des mesures de prĂ©vention des
conditions locales, et elles doivent ĂȘtre maladies nouvelles; lancer des campagnes
envisagĂ©es dans le contexte plus large du publiques nationales dâĂ©ducation aïŹn de
dĂ©veloppement du secteur de lâĂ©levage sensibiliser le public Ă lâimpact des maladies
et au-delĂ . LâexpĂ©rience met aussi en animales et de lui apprendre ce quâil peut
Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© dâune Ă©valuation et faire pour aider Ă prĂ©venir et Ă maĂźtriser les
dâun apprentissage constants de la part des infections.
105
la chaĂźne alimentaire. Cette participation mobilisant les groupes de pays qui partagent
intersectorielle permet de remĂ©dier aux les dĂ©ïŹs posĂ©s par la production animale et
pratiques professionnelles susceptibles de les risques de maladies. Dans ce contexte, il
prĂ©senter un risque pour la sĂ©curitĂ© sanitaire faut souvent recourir Ă des vaccins adaptĂ©s Ă
des aliments. plusieurs maladies animales transfrontiĂšres.
Ces vaccins peuvent ĂȘtre fabriquĂ©s par
Innovation technologique lâindustrie sur une base durable, Ă condition
Les nouvelles technologies peuvent favoriser quâun accord public soit conclu par les pays
une meilleure gestion des risques en rapport concernés visant à maßtriser et éliminer
avec la santé animale. Les progrÚs de la progressivement la maladie concernée.
protéomique, de la transcriptomique et de
la génomique mÚneront probablement, au
cours des prochaines années, à la création Principaux messages de ce chapitre
de nombreux produits nouveaux. La récente
course Ă la mise au point dâun vaccin suivant v Parce quâelles peuvent mettre en
lâapparition et la propagation en Allemagne, danger la santĂ© humaine, perturber
en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au les marchés et le commerce, réduire la
Royaume-Uni, en 2006, du sérotype 8 de la productivité et aggraver la pauvreté,
ïŹĂšvre catarrhale du mouton, (jamais vu en les maladies animales ainsi que les
Europe auparavant) a montrĂ© que lâindustrie maladies dâorigine alimentaire causĂ©es
pharmaceutique pouvait rĂ©agir rapidement par le manque dâhygiĂšne alimentaire,
quand des incitations appropriées étaient en posent un problÚme à tout un chacun.
place. Le Gouvernement du Royaume-Uni a LâamĂ©lioration de la gestion de lâĂ©levage,
lancĂ© en novembre 2007 un appel dâoffres en vue de prĂ©venir et de maĂźtriser ces
pour la production et la fourniture de maladies peut ĂȘtre porteuse de bienfaits
22,5 millions de doses de vaccin contre cette économiques, sociaux et sanitaires pour
maladie. La sociĂ©tĂ© qui a remportĂ© le marchĂ© les pauvres et pour lâensemble de la
a mis exactement deux ans à fabriquer le société.
vaccin. v LâĂ©volution des pathogĂšnes est
Le marché des produits de santé animale, imprévisible; il est donc impossible
tels que vaccins et produits pharmaceutiques, de se prémunir. De nouveaux agents
est restreint dans les pays en dĂ©veloppement. pathogĂšnes continueront dâapparaĂźtre
Cela nâa rien de surprenant, vu les faibles et le risque de propagation doit ĂȘtre
revenus de la majorité des éleveurs. En traité au cas par cas. Un cadre mondial
conséquence, les sociétés pharmaceutiques approprié est nécessaire pour lutter
internationales ne sont guÚre incitées à contre les zoonoses et les maladies
élaborer de nouvelles technologies destinées animales transfrontiÚres apparues
à résoudre les problÚmes de santé animale récemment.
de ces pays. v Les systÚmes publics de santé animale
Cet état de choses soulÚve une double et de sécurité sanitaire des aliments
question. PremiĂšrement, comment persuader doivent tenir compte du fait que lâimpact
les sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques dâinvestir dans des maladies animales et des maladies
la fabrication de nouveaux produits adaptĂ©s dâorigine alimentaire varie dâun pays et
aux Ă©leveurs pauvres dont les ressources sont dâun systĂšme de production Ă lâautre,
limitées? DeuxiÚmement, que peuvent faire selon le niveau économique. La capacité
les gouvernements pour favoriser la diffusion des différents groupes à relever ces
des technologies de lutte contre les maladies dĂ©ïŹs et les incitations nĂ©cessaires Ă
prioritaires pour les pauvres? La mise en les encourager Ă le faire, doivent ĂȘtre
place de solutions efïŹcaces, en rĂ©ponse Ă ces prises en compte dans la conception des
questions, est essentielle Ă lâamĂ©lioration des stratĂ©gies de gestion des risques et de
services de santé animale pour tous. lutte contre les maladies.
Dans de vastes étendues du monde v Un investissement important, stratégique
en dĂ©veloppement, par exemple, il est et soutenu dans lâinfrastructure
possible de contenir des maladies animales nationale de santé animale et de sécurité
transfrontiÚres au niveau régional, en sanitaire des aliments est nécessaire
106 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
107
6. Conclusions: équilibre entre
les objectifs de la société en
matiĂšre dâĂ©levage
109
la politique agricole vise Ă accroĂźtre la
Ăquilibre entre sĂ©curitĂ© alimentaire disponibilitĂ© et lâaccessibilitĂ© des produits
et nutrition alimentaires, mais il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de
promouvoir un meilleur équilibre dans les
Les produits animaux apportent une choix offerts Ă la population.
contribution importante à la sécurité
alimentaire des ménages et sont
particuliĂšrement utiles Ă la satisfaction Ăquilibre des choix entre systĂšmes,
des besoins en micronutriments des espĂšces, objectifs et impacts
femmes et des jeunes enfants. AjoutĂ©e Ă
un régime alimentaire à base de végétaux, Il faut tenir compte des choix concernant
une petite quantitĂ© dâaliments dâorigine lâutilisation de divers systĂšmes de production
animale peut améliorer beaucoup la et espÚces animales, les objectifs assignés
santé maternelle et le développement des au secteur et les impacts sociaux et
enfants. La dĂ©nutrition, notamment le environnementaux de lâĂ©levage. Les systĂšmes
manque dâaliments dâorigine animale, est de production intensive sont extrĂȘmement
un problĂšme Ă©norme et persistant dans efïŹcaces dans la transformation des
les pays en développement. Des régimes ressources (aliments du bétail, eau, etc.)
alimentaires inappropriĂ©s entravent le en produits, tels que viande, lait et Ćufs,
développement physique et mental de peu chers et de haute qualité. Cela vaut en
lâenfant, et entraĂźne une morbiditĂ© et une particulier pour la volaille et les porcins.
mortalité accrue des maladies infectieuses. Les systÚmes de production intensive
Elle a aussi un coĂ»t Ă©conomique important peuvent aussi produire moins de gaz Ă
qui se manifeste sous la forme dâune effet de serre par unitĂ© de produit que les
réduction de la performance professionnelle systÚmes extensifs. Ils peuvent satisfaire
et de la productivitĂ© du travail des adultes. la demande dâaliments dâorigine animale,
Lâaugmentation du revenu peut contribuer en augmentation rapide dans les pays en
Ă lâamĂ©lioration de la nutrition: Ă mesure dĂ©veloppement, avec le plus dâefïŹcacitĂ© et
que croĂźt leur revenu, les pauvres achĂštent avec le moins dâimpacts sur le changement
gĂ©nĂ©ralement une nourriture plus abondante climatique. Mais la production intensive Ă
et de meilleure qualité, notamment des aussi son coût.
produits dâorigine animale. Attendre que Les systĂšmes intensifs produisent de
la croissance économique vienne améliorer grandes quantités de déchets qui excÚdent
la nutrition ne saurait toutefois ĂȘtre une la capacitĂ© dâabsorption nutritionnelle des
solution acceptable. Il faut agir pour assurer lieux oĂč ils sont implantĂ©s. Des mesures
dans lâimmĂ©diat lâaccĂšs Ă une alimentation rigoureuses sont nĂ©cessaires pour imposer
adéquate. On pourra ainsi apporter une la récupération de ces déchets et leur
contribution indispensable pour aider restitution Ă la terre sous forme dâengrais ou
les pauvres Ă sortir du piĂšge de la sous- leur utilisation Ă dâautres ïŹns productives.
alimentation/dénutrition-pauvreté. La quantité de ressources utilisées par
Dâun autre cĂŽtĂ©, de nombreux les systĂšmes de production intensive et
pays du monde, y compris les pays en extensive dépend des animaux et des
dĂ©veloppement, connaissent une Ă©pidĂ©mie lieux, mais partout la mise en Ćuvre de
dâobĂ©sitĂ© et de maladies non transmissibles pratiques amĂ©liorĂ©es de gestion peut rĂ©duire
liĂ©es au rĂ©gime alimentaire, qui coĂ»tent lâimpact de la production animale sur
cher Ă lâĂ©conomie et Ă la santĂ© nationales. lâenvironnement.
La consommation excessive de produits La concentration géographique des
animaux contribue Ă ce problĂšme bien que systĂšmes de production animale intensive Ă
dâautres choix en matiĂšre dâalimentation proximitĂ© des centres urbains peut offrir un
et de style de vie soient Ă©videmment terreau extrĂȘmement fertile aux maladies
aussi en cause. Les politiques agricoles et nouvelles, en particulier lorsque de petits
commerciales peuvent avoir une inïŹuence Ă©levages traditionnels subsistent dans le
sur les choix alimentaires en agissant sur voisinage. Elle accroĂźt aussi lâexposition
la plus ou moins grande disponibilité de de la population urbaine aux maladies
certains produits. De maniÚre générale, animales, ce qui aggrave le risque de
110 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
FIGURE 16
Répartition des objectifs politiques
MOYENS DE SUBSISTANCE
Source: FAO.
L E P O I N T S U R L' Ă L E VAG E
111
peu dâautres possibilitĂ©s, sera probablement Pour relever les dĂ©ïŹs et surmonter les
un objectif primordial dans ces pays. Les pays contraintes auxquels il est confronté, le
Ă bas revenus peuvent devoir aussi prendre secteur de lâĂ©levage a besoin dâun regain
en considĂ©ration dâautres facteurs, tels que la dâattention et dâinvestissements de la part de
gestion des maladies animales, pour soutenir la recherche agricole et de la communauté
la durabilité des moyens de subsistance. du développement, ainsi que de solides
à des stades ultérieurs de développement, mécanismes institutionnels et de gouvernance
il est probable que les politiques seront reïŹĂ©tant la diversitĂ© de ce secteur et les
axĂ©es sur des objectifs diffĂ©rents, tels que nombreuses exigences quâil doit satisfaire.
les suivants: ravitaillement de populations, Une action est nécessaire à tous les
en particulier urbaines, croissantes; niveaux: du niveau local, en passant par les
rĂ©duction des risques pour la santĂ© humaine niveaux rĂ©gional et national jusquâau niveau
des maladies animales; et protection international. Les institutions multilatérales
de lâenvironnement et des ressources doivent y participer, de mĂȘme que la sociĂ©tĂ©
naturelles. Dans les Ă©conomies avancĂ©es, civile. Cependant, aucune institution nâest
oĂč la production animale ne reprĂ©sente en mesure dâaccomplir sa tĂąche isolĂ©ment. Il
quâune petite part de lâĂ©conomie globale, les est par consĂ©quent indispensable de rĂ©unir
préoccupations de la société se concentreront les multiples parties prenantes, y compris le
probablement avant tout sur la santĂ© secteur privĂ©, au sein dâun effort coordonnĂ©.
humaine, la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments et Il est Ă©vident quâau niveau international,
lâenvironnement. le secteur de lâĂ©levage et les enjeux auxquels
Il est important de reconnaĂźtre au niveau il est confrontĂ© doivent focaliser lâattention.
international la lĂ©gitimitĂ© de ces diffĂ©rences LâĂ©laboration dâun programme dâaction
de prioritĂ©s et de veiller Ă ce que les politiques visant le secteur de lâĂ©levage, appuyĂ©
et les accords internationaux ne soient pas par les gouvernements, les institutions
conçus exclusivement en fonction des priorités internationales, multilatérales aussi bien
dâun groupe restreint de pays riches. que bilatĂ©rales, les bailleurs de fonds et les
acteurs de la société civile, est un premier
pas essentiel vers lâinstauration dâun secteur
La voie Ă suivre: un programme de lâĂ©levage prĂ©sentant les caractĂ©ristiques
dâaction pour le secteur de suivantes: une meilleure gouvernance; une
lâĂ©levage plus grande attention aux problĂšmes et aux
enjeux; un processus de développement plus
Le secteur de lâĂ©levage est censĂ© fournir des intĂ©grateur; des niveaux dâinvestissements
aliments salubres, peu coĂ»teux et abondants proportionnels Ă lâimportance du secteur
aux populations urbaines croissantes et aux dĂ©ïŹs quâil doit relever; et une
ainsi que des moyens de subsistance aux coopération internationale améliorée.
producteurs; prĂ©server les ressources De fait, si lâon considĂšre les effets
naturelles tout en les exploitant avec négatifs et positifs trÚs importants du
efïŹcacitĂ©; et rĂ©duire au minimum les risques secteur de lâĂ©levage sur les objectifs sociaux,
sanitaires pour la population humaine. environnementaux et de santé publique, et
On soutient, dans la prĂ©sente Ă©dition de lâimportance de la gouvernance mondiale
La situation mondiale de lâalimentation et de pour lâagriculture dans son ensemble,
lâagriculture, que le secteur de lâĂ©levage ne un tel cadre pourrait ouvrir la voie Ă une
contribue pas aussi bien quâil le pourrait Ă la action internationale concertĂ©e visant Ă
fourniture des biens privĂ©s et publics quâon accompagner le dĂ©veloppement du secteur
attend de lui, principalement faute dâavoir de lâĂ©levage.
réalisé les réformes et les investissements
nécessaires. La croissance rapide de ce
secteur, sur fond de faiblesse des institutions Principaux messages du rapport
et de la gouvernance, a engendré des
risques systĂ©miques qui pourraient avoir v LâĂ©levage: un secteur en pleine
des consĂ©quences catastrophiques pour les Ă©volution. Le secteur de lâĂ©levage est
moyens de subsistance, ainsi que pour la santé un des éléments les plus dynamiques
humaine et animale et pour lâenvironnement. de lâĂ©conomie agricole. Son expansion
112 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
113
mĂȘlant changement politique et peut rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă effet
institutionnel, développement des de serre.
capacitĂ©s, innovation technologique et â Les gouvernements et les institutions
investissements qui prennent en compte doivent sans délai élaborer et mettre
la paritĂ© hommes-femmes et qui soit en Ćuvre des politiques appropriĂ©es,
réactive. aux niveaux national et international,
â Les dĂ©cideurs politiques doivent tenir pour traiter les interactions entre
compte des diffĂ©rences entre les petits lâĂ©levage et lâenvironnement. La
producteurs en termes de capacités hausse constante de la production
dâadaptation au changement. Certains animale se traduira sinon par
petits Ă©leveurs ne pourront sans dâĂ©normes pressions sur la santĂ©
doute pas rester compétitifs dans un des écosystÚmes, la biodiversité, les
secteur qui se modernise rapidement ressources en terres et forĂȘts ainsi
et devront renoncer Ă leur Ă©levage, que la qualitĂ© de lâeau, et contribuera
du fait de lâaugmentation du coĂ»t de maniĂšre substantielle au
dâopportunitĂ© de la main-dâĆuvre rĂ©chauffement de la planĂšte.
familiale. Des stratĂ©gies plus larges de â Les politiques doivent viser avant
développement rural visant à créer tout à corriger les distorsions du
des emplois hors agriculture pour les marché et les dysfonctionnements
femmes, les hommes et les jeunes qui encouragent la dégradation
peuvent faciliter leur dĂ©sengagement de lâenvironnement. Les aides
du secteur. ou subventions qui encouragent
â Les dĂ©cideurs politiques doivent directement ou indirectement le
apprécier et préserver la fonction surpùturage, la dégradation des terres,
de ïŹlet de sĂ©curitĂ© que remplit le dĂ©boisement, la surexploitation
lâĂ©levage pour les trĂšs pauvres. Dans des ressources en eau ou les Ă©missions
le secteur de lâĂ©levage, les pauvres de gaz Ă effet de serre devraient
sont particuliĂšrement vulnĂ©rables ĂȘtre rĂ©duites ou Ă©liminĂ©es. Des
aux zoonoses et aux risques politiques faisant appel aux lois du
environnementaux. marché, comme les taxes ou droits
v Le secteur de lâĂ©levage doit amĂ©liorer dâutilisation des ressources naturelles,
sa performance environnementale. Il devraient amener les producteurs Ă
conviendrait de renforcer la internaliser les coûts des dommages
gouvernance du secteur de lâĂ©levage environnementaux causĂ©s par la
pour assurer une croissance continue production animale.
respectueuse de lâenvironnement. La â Certains effets nĂ©gatifs de lâĂ©levage
production animale exerce une pression sur lâenvironnement dĂ©coulent de
croissante sur la terre, lâair, lâeau et la problĂšmes associĂ©s Ă des ressources
biodiversitĂ©. Une action corrective est collectives en accĂšs libre. ClariïŹer
nécessaire pour encourager la mise à les droits de propriété fonciÚre et
disposition de biens publics, tels que les promouvoir des mécanismes de
services écosystémiques et la protection coopération sont une exigence absolue
de lâenvironnement. Il conviendra Ă pour une gestion durable des biens
cette ïŹn de sâintĂ©resser aux prĂ©cĂ©dents collectifs.
Ă©checs politiques et dysfonctionnements â Lâapplication de technologies au
de marchĂ©, et dâĂ©laborer et dâappliquer service de lâemploi rationnel des
des incitations ou des sanctions. terres et des aliments pour bétail
LâĂ©levage contribue aux changements peut attĂ©nuer les effets nĂ©gatifs
climatiques mais en subit Ă©galement de lâĂ©levage sur la biodiversitĂ©, les
les conséquences. Il peut jouer un écosystÚmes et le réchauffement
rÎle essentiel pour les atténuer: par planétaire. Les technologies visant
exemple, lâutilisation de technologies Ă amĂ©liorer le rendement de
plus performantes, encouragĂ©es par des lâĂ©levage incluent lâamĂ©lioration des
incitations économiques appropriées, races animales, de la gestion des
114 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
115
ĂȘtre renforcĂ©e de maniĂšre Ă leur â La concentration de systĂšmes de
permettre dâamĂ©liorer leurs systĂšmes production intensive Ă proximitĂ©
de santé animale et de sécurité immédiate des centres de population
sanitaire des aliments et dâĂ©largir urbaine accroĂźt le risque dâapparition
lâaccĂšs aux marchĂ©s de leurs produits et de transmission des maladies au
animaux. sein des populations animales et
â IndĂ©pendamment de leur niveau et humaines. Câest le cas en particulier
de leurs capacitĂ©s, les producteurs lorsquâil y a mouvement des
doivent ĂȘtre associĂ©s Ă la conception personnes et des animaux entre
et Ă la mise en Ćuvre des programmes les systĂšmes traditionnels et les
de prévention et de maßtrise des systÚmes industriels. Des incitations
maladies animales et dâamĂ©lioration et des rĂ©glementations peuvent alors
de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. ĂȘtre nĂ©cessaires pour encourager
Les Ă©leveurs pauvres doivent participer lâimplantation des unitĂ©s de
davantage Ă la lutte contre les production animale dans des zones Ă
maladies, dans leur propre intĂ©rĂȘt et plus faible densitĂ© de population.
dans celui de tous.
DeuxiĂšme partie
TOUR DâHORIZON DE LA
SITUATION MONDIALE
DE LâALIMENTATION
ET DE LâAGRICULTURE
p
TO U R D â H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E
119
Tour dâhorizon de la situation mondiale
de lâalimentation et de lâagriculture
121
FIGURE 17
Estimations de la FAO du nombre de personnes sous-alimentées en 2009,
par région (en millions de personnes)
les mĂ©nages dirigĂ©s par des femmes et les consommation nâont cĂ©dĂ© que lentement. Les
pauvres des zones urbaines (FAO, 2008c) â prix ont entamĂ© une lente ascension pendant
sont dans des conditions particuliÚrement les premiÚres années de la présente décennie,
prĂ©caires. Leur capacitĂ© de rĂ©sistance est le qui sâest brusquement accĂ©lĂ©rĂ©e Ă la ïŹn
plus souvent Ă©puisĂ©e ou rĂ©duite Ă lâextrĂȘme. 2006. Lâindice de la FAO relatif aux prix des
Les zones rurales comme les zones urbaines denrĂ©es alimentaires de base faisant lâobjet
sont touchĂ©es par une baisse importante dâĂ©changes internationaux calculĂ© par la
des sources de revenus, notamment celle FAO (base = 100 en 2002-04) a atteint un pic
des envois de fonds. Les pauvres des zones historique de 214 en juin 2008, soit plus du
urbaines risquent dâĂȘtre particuliĂšrement double par rapport Ă la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence
touchés car les villes sont plus sensibles aux et 139 pour cent de plus que la moyenne
cours des marchĂ©s mondiaux et subissent de lâannĂ©e 2000. De juin 2008 Ă la ïŹn du
plus directement le contrecoup dâun premier trimestre de 2009, lâindice a chutĂ© de
ïŹĂ©chissement de la demande dâexportation 35 pour cent, revenant au niveau enregistrĂ©
et dâun recul des investissements directs Ă au premier trimestre de 2007. En mai 2009,
lâĂ©tranger. Les zones rurales sont toutefois aprĂšs une nouvelle poussĂ©e internationale
exposées aux effets du ralentissement des prix de certains produits alimentaires de
Ă©ventuel des activitĂ©s agro-industrielles et du base importants (Ă lâexclusion du riz et de
retour des Ă©migrĂ©s. la viande), lâindice afïŹchait une valeur de
152, prÚs de 30 pour cent en deçà du niveau
record de juin 2008. Encore faut-il préciser
que ce chiffre dépassait encore de 152 pour
ĂVOLUTION DES PRIX AGRICOLES cent la valeur de rĂ©fĂ©rence et de prĂšs de
â LA FORTE VARIABILITĂ DES PRIX 70 pour cent le niveau enregistrĂ© en 2000.
DES DENRĂES DE BASE Pour la plupart des produits agricoles,
AprĂšs une pĂ©riode de hausse gĂ©nĂ©rale des lâaugmentation des prix a Ă©tĂ© encore plus
prix, les cours des denrées alimentaires sur marquée lors de la période de hausse
les marchés internationaux ont amorcé généralisée mais le fait que les denrées
une baisse (ïŹgure 18, page 121). Ils restent de base, en particulier les cĂ©rĂ©ales et
nĂ©anmoins Ă©levĂ©s, au regard des tendances les huiles vĂ©gĂ©tales, aient prĂ©sentĂ© Ă
historiques, souvent, les prix intĂ©rieurs Ă la la fois lâaugmentation la plus forte et
122 la situation mondiale de l â alimentation et de l â agriculture 2 0 0 9
encadré 19
Les crises alimentaires
Le nombre de pays en crise qui nécessitent une aide extérieure est un indicateur de
vulnérabilité. Depuis avril 2009, 31 pays se trouvent dans cette situation, dont 20 en
Afrique, 9 en Asie et au Proche-Orient, et 2 en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Ces pays devraient manquer des ressources nécessaires pour gérer des situations graves
dâinsĂ©curitĂ© alimentaire. Les crises alimentaires sont toujours le rĂ©sultat dâun ensemble
de paramÚtres. Cependant, pour pouvoir leur apporter une réponse planifiée, il
convient de déterminer si la nature des crises alimentaires est liée principalement à la
faible disponibilité des produits alimentaires, à un accÚs limité à ces produits ou à des
problÚmes graves mais localisés (voir la carte).
les fluctuations les plus prononcées a des cuirs et peaux utilisés dans la fabrication
particuliĂšrement retenu lâattention compte de biens de consommation durables tels que
tenu du rÎle essentiel de ces denrées, tant les véhicules automobiles en est un exemple.
dans la production des revenus ruraux que Depuis le début de la crise mondiale, la
dans lâalimentation des populations pauvres demande relative Ă ces produits a chutĂ© de
des pays en développement. Les autres prix façon spectaculaire.
agricoles ont également fluctué mais, à La baisse des prix a été largement imputée
lâexception des produits laitiers, dans une aux dĂ©faillances de la demande, du cĂŽtĂ©
bien moindre mesure. Câest Ă peine si les de la consommation et des importations
matiĂšres premiĂšres, qui sont importantes en raison de la crise mondiale ainsi quâĂ
pour lâĂ©conomie de certains pays en la faible disponibilitĂ© de crĂ©dit et Ă une
développement, ont augmenté pendant contraction de la demande de matiÚres
la période critique de 2006-08. En outre, premiÚres pour les biocombustibles résultant
en termes relatifs, ces prix ont Ă©tĂ© le plus de la diminution des prix de lâĂ©nergie. Les
durement touchĂ©s pendant la rĂ©cession, vu indicateurs relatifs Ă lâoffre ont toutefois
leur grande dépendance vis-à -vis de secteurs joué un rÎle important dans la baisse des prix
qui sont trĂšs sensibles aux revenus. Le secteur compte tenu, en particulier, de lâabondance
TO U R D â H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E
123
FIGURE 18
Indices des prix agricoles
200 Fruits
MatiĂšres premiĂšres
150
100
50
0
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
100
50
0
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
Source: Indices FAO des prix des produits alimentaires; indices FMI des matiÚres premiÚres et des boissons (actualisés); indice FAO des fruits.
FIGURE 19
InïŹation des prix Ă la consommation des produits alimentaires, 2007-2009, pays choisis
FĂ©vr. 07 â fĂ©vr. 08
Bangladesh
FĂ©vr. 08 â fĂ©vr. 09
Sept. 08 â sept. 09
Brésil
DĂ©c. 08 â dĂ©c. 09
Burkina Faso
Chine
Guatemala
Inde
Indonésie
Kenya
Pakistan
Fédération
de Russie
Afrique
du Sud
Sri Lanka
-10 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 40
Pourcentage
Source: OCDE-FAO, 2009.
Câest Ă partir de 2008 que lâaugmentation et nâont baissĂ© que marginalement dans
des prix au dĂ©tail des denrĂ©es alimentaires dâautres (ïŹgure 19). La «viscosité» des
a suscité des inquiétudes graves dans prix de détail, qui est une caractéristique
les économies en développement et commune des marchés alimentaires, est
dĂ©veloppĂ©es. Tout semble indiquer que liĂ©e Ă lâinïŹuence accrue sur les prix des
lâinïŹation des prix des denrĂ©es alimentaires produits de divers facteurs qui entrent en
a marquĂ© un sĂ©rieux coup dâarrĂȘt aprĂšs jeu au moment de la transformation et de la
la chute des prix des denrées de base à la distribution.
mi-2008. Toutefois les prix de dĂ©tail ont Au moment oĂč la crise Ă©conomique rĂ©duit
continué à augmenter dans certains pays les revenus de maniÚre radicale, la hausse
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125
persistante des prix alimentaires continue de leurs matiĂšres premiĂšres (FAO, 2008b).
par consĂ©quent Ă compromettre lâaccĂšs Ă En deuxiĂšme lieu, tandis que le niveau
la nourriture de trĂšs nombreux groupes de actuel des prix du brut nâest pas de nature Ă
population Ă faible revenu, ceux-lĂ mĂȘmes entraĂźner une nouvelle augmentation de la
qui dépensent habituellement une large part production de biocarburants à court terme,
de leurs revenus pour acheter des aliments. les prix resteront élevés en termes réels,
Les plus gravement touchés sont les pauvres au regard des tendances historiques. Cette
des zones urbaines et les acheteurs nets situation continuera de se traduire par le
dâaliments dans les zones rurales. renchĂ©rissement des engrais chimiques et
organiques, et par des coûts de transport
Ă©levĂ©s. EnïŹn, le ralentissement qui semble
frapper la productivité agricole suppose que
LES PRIX MONDIAUX DES toute augmentation de la production aura
PRODUITS AGRICOLES: pour corollaire une majoration des coûts
PERSPECTIVES Ă MOYEN TERME unitaires rĂ©els. Lâanalyse de lâĂ©volution de la
Bien que nettement inférieurs aux niveaux situation des prix réels des produits cultivés
records de juin 2008, les prix des produits montre que la tendance Ă long terme Ă la
alimentaires restent élevés en 2009 par baisse, évidente depuis plusieurs décennies,
rapport aux tendances des 10 derniĂšres pourrait avoir pris ïŹn en 2000 et que les
annĂ©es. Les projections de lâOrganisation projections ne laissent prĂ©voir aucune reprise
de coopération et de développement de la tendance à la baisse à moyen terme.
Ă©conomiques (OCDE) et de la FAO indiquent (voir la ïŹgure 20, page 126).
que les prix des denrées alimentaires
se maintiendront Ă ces niveaux, voire
augmenteront Ă moyen terme, continuant
ainsi à dépasser en termes réels les niveaux LA PRODUCTION AGRICOLE
antĂ©rieurs aux ïŹambĂ©es de 2007-08 (OCDE- Comment lâagriculture sâest-elle comportĂ©e
FAO, 2009). face Ă la crise des prix de 2007-08 et
Les projections de lâOCDE-FAO indiquent comment peut-elle rĂ©agir dans le contexte
que ces conditions sont relativement blindĂ©es de la rĂ©cession mondiale et au-delĂ ? DâaprĂšs
contre la crise gĂ©nĂ©ralisĂ©e mĂȘme si certains les estimations reposant sur les chiffres8 de
produits plus sensibles aux revenus, tels que production issus de lâindice de la FAO et de
les huiles vĂ©gĂ©tales et les produits carnĂ©s lâestimation OCDE-FAO (2009), la production
et laitiers, pourraient ĂȘtre plus touchĂ©s si agricole mondiale a augmentĂ© en 2008 de
la situation économique devait encore se 3,9 pour cent par rapport à 2007, un certain
dégrader. nombre de pays ayant accru la production
Le maintien des prix rĂ©els des produits en rĂ©ponse Ă lâaugmentation des prix de
agricoles Ă un niveau plus Ă©levĂ© Ă moyen 2007 et mĂȘme de meilleures perspectives de
terme dĂ©pend essentiellement de trois prix pour 2008 (ïŹgure 21, page 127). Cette
facteurs importants. Tout dâabord, les expansion de la production faisait suite Ă
objectifs de consommation de biocarburants deux années consécutives (2006 et 2007) de
dans plusieurs pays â qui dĂ©ïŹnissent les taux performances infĂ©rieures Ă la tendance de
dâincorporation dâĂ©thanol et de biodiesel la croissance mondiale pour la dĂ©cennie, soit
dans la consommation totale de carburant, environ 2,2 pour cent.
indĂ©pendamment des conditions du marchĂ© Les rĂ©ponses de lâoffre agricole en 2008
â ainsi que divers types de subventions ont variĂ© selon les rĂ©gions. Dans ce domaine,
et dâincitations ïŹscales semblent devoir ce sont surtout les pays europĂ©ens et de la
entretenir lâinïŹuence de la production CommunautĂ© des Ătats indĂ©pendants (CEI)
de biocarburants sur les prix agricoles, et et les pays industrialisés en général qui ont
cela, bien que les perspectives relatives rĂ©agi. Lâaccroissement de lâoffre dans le
au prix du brut semblent plus modestes premier groupe est estimé à 13 pour cent,
quâau dĂ©but de 2008. Les marchĂ©s de mĂȘme si ce taux Ă©levĂ© est essentiellement
lâĂ©nergie Ă©tant plus vastes que les marchĂ©s
agricoles, les prix de lâĂ©nergie tendent Ă 8
Indices FAOSTAT de la production agricole: chiffres de la
déterminer les prix des biocarburants et production agricole nette (FAO, 2009b).
126 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E LâA L I M E N TAT I O N E T D E LâAG R I C U LT U R E 2 0 0 9
ENCADRĂ 20
Les prix des produits alimentaires sur le marché intérieur des pays en développement
restent élevés
Dans le cadre de lâInitiative de la FAO rĂ©vĂšlent une hausse par rapport Ă lâannĂ©e
contre la ïŹambĂ©e des prix des denrĂ©es prĂ©cĂ©dente. Entre 35 et 65 pour cent
alimentaires qui vise à contribuer des pays, selon le type de céréales, ont
au suivi et Ă lâanalyse des tendances enregistrĂ© une augmentation par rapport
des prix des produits alimentaires Ă trois mois plus tĂŽt, et les derniers prix
sur le marché intérieur des pays en des aliments disponibles dans la base
développement, le SystÚme mondial SMIAR, à savoir du mois de mars 2009,
dâinformation et dâalerte rapide dans 10 Ă 30 pour cent des pays ils sont les
(SMIAR) de la FAO a lancé le projet plus élevés jamais enregistrés.
«Prix nationaux des aliments â base de La situation est encore plus grave en
donnĂ©es et outil dâanalyse»1. Cette base Afrique subsaharienne. Les prix du riz sur
de données couvre prÚs de 800 séries le marché intérieur sont beaucoup plus
mensuelles des prix du commerce de Ă©levĂ©s quâil y a 12 mois dans lâensemble
détail et du commerce de gros des des pays recensés dans la base de données,
principaux aliments2 consommés dans tandis que les prix du maïs, du millet et
58 pays en développement, ainsi que les du sorgho ont progressé dans 89 pour
prix Ă lâexportation des cĂ©rĂ©ales. cent de ces pays. Sâagissant du blĂ© et de
Une premiÚre analyse (en avril 2009) ses produits dérivés, 71 pour cent des
des donnĂ©es a conïŹrmĂ© que les pays Ă©tudiĂ©s ont enregistrĂ© des prix plus
prix sur le marchĂ© intĂ©rieur des Ă©levĂ©s que 12 mois plus tĂŽt. Ă lâexception
pays en développement sont restés du millet, les derniers prix pour les autres
globalement trÚs élevés, bien que céréales ont largement dépassé leur
les prix sur le marchĂ© international niveau record de 2008 dans prĂšs dâun
aient considérablement reculé par tiers des pays, dont la plupart en Afrique
rapport à 2008. Les prix sur le marché orientale et australe. Cependant, les prix
international de lâexportation du des aliments demeurent Ă©galement Ă©levĂ©s
maĂŻs, du sorgho, du blĂ© et du riz ont dans dâautres rĂ©gions, notamment ceux
diminué respectivement de 31, 38, 39 du riz en Asie et du maïs et du blé en
et 30 pour cent par rapport à 12 mois Amérique centrale et du Sud.
plus tĂŽt et entre 37 et 53 pour cent
par rapport Ă leur niveau record de
2008. La situation des prix des céréales
1
Disponible Ă lâadresse suivante: www.fao.org/
giews/pricetool
sur le marché intérieur des pays en 2
Principalement les cĂ©rĂ©ales et les produits Ă
développement contraste fortement base de céréales, mais également les haricots, le
manioc, les pommes de terre et certains produits
avec ce constat. Dans environ 80 pour de lâĂ©levage.
cent des pays recensés dans la base de 3
Lâestimation des prix la plus rĂ©cente se rapporte, Ă
quelques exceptions prÚs, à la période entre janvier
données, les derniÚres estimations des
et avril 2009.
prix nominaux3 sur le marché intérieur Source: FAO, 2009d.
dû à des récoltes excellentes aprÚs plusieurs une reprise aprÚs la croissance négative de
annĂ©es de croissance au ralenti. Lâapport 2007.
quantitatif le plus signiïŹcatif est celui des Les estimations relatives au groupe
pays industrialisés, qui dominent aussi les des pays en développement excluent
marchĂ©s dâexportation. La production en pratiquement toute production supĂ©rieure
provenance de ce groupe a augmentĂ© de Ă la tendance, avec une croissance en deçĂ
prÚs de 6 pour cent en 2008. des valeurs de référence en Amérique
Parmi les pays en développement, la latine et une légÚre diminution de la
croissance Ă©tĂ© importante en Afrique oĂč le production en Asie. En raison de la faible
taux de 4 pour cent traduit essentiellement transmission des prix dans les pays en
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127
Pourcentage des pays de la base de données dont les derniÚres estimations des prix
sont supĂ©rieures Ă la pĂ©riode spĂ©ciïŹĂ©e ou au maximum enregistrĂ©
MaĂŻs
Millet et sorgho
Riz
Blé et produits
MaĂŻs
Millet et sorgho
Riz
Blé et produits
MaĂŻs
Millet et sorgho
Riz
Blé et produits
0 20 40 60 80 100
Pourcentage des pays
FIGURE 20
Prix réels des céréales
USD/tonne
1 600 Riz
MaĂŻs
1 400
Blé
1 200
1 000
800
600
400
200
0
70 75 80 85 90 95 00 05 10 15
Note: BlĂ© des Ătats-Unis, HRW no 2; maĂŻs des Ătats-Unis, no 2; riz usinĂ©, grade B, Bangkok. Source: OCDE-FAO, 2009,
CorrigĂ© avec le PIB des Ătats-Unis comme dĂ©ïŹateur. pour des projections de 2009 Ă 2018.
leurs performances de 2008. De plus, les agricole aux Ătats-Unis dâAmĂ©rique nâa
dĂ©rogations aux obligations de mise hors- augmentĂ© que dâenviron 12 pour cent
culture au sein de lâUnion europĂ©enne (UE) pendant la mĂȘme pĂ©riode. De plus, pendant
ont jouĂ© pour beaucoup dans lâaugmentation les 10 prochaines annĂ©es, la croissance de
de la production. La production dans la CEI la production agricole devrait ĂȘtre plus
et les pays industrialisĂ©s nâatteindra pas le lente dans les pays industrialisĂ©s, tandis que
niveau de 2008. En revanche, elle sera sans les pays dâAmĂ©rique latine, dâAsie et de la
doute plus réactive dans de nombreux pays CEI connaßtront une croissance beaucoup
en dĂ©veloppement si les prix restent Ă©levĂ©s plus rapide. Dâici 2018, la production
dans ces rĂ©gions. agricole dans ces rĂ©gions devrait sâaccroĂźtre
Ă moyen terme, les estimations OCDE- respectivement de 75,53 et 58 pour cent par
FAO (2009) indiquent que la croissance rapport Ă 2000, contre une augmentation de
de la production agricole pendant les 12 pour cent seulement pour les économies
10 prochaines annĂ©es nâĂ©galera pas celle de industrialisĂ©es. Il se peut que la production
la décennie écoulée, la croissance annuelle agricole du Brésil, pour laquelle les
moyenne passant de 2,0 pour cent en estimations font Ă©tat dâun remarquable bond
1999-2008 Ă 1,7 pour cent en 2009-2018. de 50 pour cent depuis 2000, bĂ©nĂ©ïŹcie dâune
En conséquence, les taux de croissance par nouvelle expansion de 50 pour cent au cours
habitant devraient ĂȘtre identiques (soit des 10 annĂ©es Ă venir.
0,6 pour cent). Les chances de croissance Ă plus long
Dans les pays industrialisés, la production terme dans le domaine agricole semblent
agricole a connu la plus faible croissance au résider dans les régions situées en dehors
cours des 10 derniĂšres annĂ©es, en particulier des pays industriels (ïŹgure 22, page 128). Ă
en raison de la stagnation des taux de cet égard, des investissements sont réalisés
croissance en Europe. De fait, en 2009, la dans ces régions de développement potentiel
production agricole de lâEurope Ă 27 sâĂ©tablit de lâoffre, par des pays en dĂ©veloppement
selon les estimations à un niveau plus bas à revenu plus élevé soucieux de leur
quâen 2000. MalgrĂ© la dĂ©prĂ©ciation du taux propre sĂ©curitĂ© alimentaire Ă long terme.
de change qui a généralement pour effet Ces investissements peuvent favoriser le
de stimuler la demande Ă lâexportation, dĂ©veloppement du secteur agricole et,
les prĂ©visions indiquent que la production dans la foulĂ©e, modiïŹer Ă long terme
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FIGURE 21
Croissance de la production agricole, par région
Afrique
Asie-PaciïŹque
1998-2007
CEI
Pays en
développement
Pays
2006 industrialisés
Amérique latine
PMA
Monde
2007
2008
2009
2010
-6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14
Pourcentage
Source: Indice FAOSTAT de la production agricole nette jusquâen 2007 (FAO, 2009b). Extrapolation dâaprĂšs OCDE-FAO, 2009.
FIGURE 22
Tendances à long terme de la production agricole, par région
0.6
0.4
0.2
0
95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15 17 19
Source: Indice FAOSTAT de la production agricole nette jusquâen 2007 (FAO, 2009b). Extrapolation dâaprĂšs OCDE-FAO, 2009.
FIGURE 23
Ăvolution des exportations rĂ©elles mondiales de produits alimentaires
130
110
90
70
50
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Note: Lâindice des exportations rĂ©elles, qui utilise des prix de rĂ©fĂ©rence 1999-2001 pour pondĂ©rer les exportations Source: OCDE-FAO, 2009.
par produit, mesure les variations des exportations en USD constants.
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FIGURE 24
Ăvolution du commerce net rĂ©el des produits alimentaires par rĂ©gion
-300
-400
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Note: Indice des exportations nettes rĂ©elles par rĂ©gion, Ă lâaide des prix de rĂ©fĂ©rence 2000 Source: OCDE-FAO, 2009.
comme pondération des exportations nettes par produit.
ENCADRĂ 21
Le retour des prix élevés pour les produits agricoles?
Les prix des produits agricoles ont de la croi