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ISSN 0251-1460

2009
LA SITUATION
MONDIALE DE
L’ALIMENTATION
ET DE
L’AGRICULTURE

Le point sur l'élevage


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Viale delle Terme di Caracalla
00153 Rome, Italie
ISSN 0251-1460

2009
LA SITUATION
MONDIALE DE
L’ALIMENTATION
ET DE
L’AGRICULTURE

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE


Rome, 2009
Produit par la
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© FAO 2009

Note:
Sauf indication contraire, les données pour la Chine se rapportent à la Chine
continentale.
iii

Table des matiĂšres

Avant-propos vii
Remerciements ix
Sigles et abréviations xi

PREMIÈRE PARTIE
Le point sur l’élevage 1

1. Le point sur l’élevage 3


Évolutions dans le secteur de l’élevage 6
Structure du rapport et messages clés 7
2. Changements dans le secteur de l’élevage 9
Tendances et facteurs moteurs de la consommation 9
Tendances et facteurs moteurs de la production 13
Tendances et facteurs moteurs du commerce 20
Perspectives de la consommation, de la production et du commerce 24
DiversitĂ© du secteur de l’élevage 26
Transformation des systĂšmes d’élevage 29
DĂ©ïŹs liĂ©s Ă  la croissance constante du secteur de l’élevage 33
Principaux messages de ce chapitre 33
3. Élevage, sĂ©curitĂ© alimentaire et rĂ©duction de la pauvretĂ© 34
Élevage et moyens d’existence 35
Élevage et sĂ©curitĂ© alimentaire 41
Transformation du secteur de l’élevage et pauvretĂ© 46
Élevage et rĂ©duction de la pauvretĂ© 47
Élevage et compĂ©titivitĂ© 52
Politiques de l’élevage pour un secteur en transition 55
Principaux messages de ce chapitre 57
4. Élevage et environnement 58
SystÚmes de production animale et écosystÚmes 58
Élevage et changement climatique 71
AmĂ©liorer l’utilisation des ressources naturelles dans la production animale 73
Affronter le changement climatique et l’élevage 78
Principaux messages de ce chapitre 83
5. L’élevage et la santĂ© animale et humaine 84
Risques pour l’économie et la santĂ© humaine liĂ©s aux maladies animales 85
Lutte contre les maladies et gestion du risque 97
Principaux messages de ce chapitre 105
6. Conclusions: Ă©quilibre entre les objectifs de la sociĂ©tĂ© en matiĂšre d’élevage 107
Équilibre entre opportunitĂ©s et risques 107
Équilibre entre les besoins des diffĂ©rentes catĂ©gories de petits exploitants 108
Équilibre entre sĂ©curitĂ© alimentaire et nutrition 109
Équilibre des choix entre systùmes, espùces, objectifs et impacts 109
Équilibre entre les objectifs de sociĂ©tĂ©s diffĂ©rentes 110
La voie Ă  suivre: un programme d’action pour le secteur de l’élevage 111
Principaux messages du rapport 111
iv

DEUXIÈME PARTIE
Tour d’horizon de la situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 117

Sécurité alimentaire mondiale: les tendances 120


Évolution des prix agricoles – la forte variabilitĂ© des prix des denrĂ©es de base 121
Les prix des produits alimentaires dans les pays en développement 123
Les prix mondiaux des produits agricoles: perspectives Ă  moyen terme 125
La production agricole 125
Le commerce des produits agricoles 129
Les mesures prises face à la hausse des prix des denrées alimentaires
et leur impact sur les marchés agricoles 132
L’impact des politiques sur les marchĂ©s mondiaux 136
Conclusions 137

TROISIÈME PARTIE
Annexe statistique 141

Tableau A1 Production of livestock products, 1995–2007 145


Tableau A2 Production des principales catégories de viande, 1995-2007 150
Tableau A3 Consommation de produits de l’élevage par habitant, 1995-2005 155
Tableau A4 Apports caloriques des produits de l’élevage, par habitant, 1995-2005 160
Tableau A5 Apports protĂ©iniques des produits de l’élevage, par habitant, 1995-2005 165
Tableau A6 Commerce de produits de l’élevage, 1995-2006 170

Références 177
Chapitres spĂ©ciaux La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 185

TABLEAUX

1. Consommation par habitant de produits de l’élevage par rĂ©gion, groupes


de pays et pays, en 1980 et 2005 11
2. Urbanisation: niveaux et taux de croissance 13
3. Production des produits de l’élevage par rĂ©gion, en 1980 et 2007 15
4. Production des principales catégories de viande par région, en 1987 et 2007 16
5. Commerce international en matiĂšre de produits de l’élevage, 1980 et 2006 22
6. Consommation de viande par région, 2000 et 2050 (prévisions) 25
7. Population et production animales mondiales, par systĂšme de production,
moyenne 2001-2003 27
8. Utilisation d’aliments concentrĂ©s par rĂ©gion, 1980 et 2005 31
9. Utilisation d’aliments concentrĂ©s par groupe de produits, 2005 32
10. Nombre et emplacement des éleveurs pauvres par catégorie
et zone agro-écologique 35
11. Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, part des revenus
provenant du bĂ©tail et nombre de bĂȘtes par mĂ©nage par pays 36
12. Utilisation des terres par région et groupe de pays, 1961, 1991 et 2007 60
13. Principaux impacts environnementaux causés par les différents systÚmes
de production 68
14. Impacts directs et indirects du changement climatique sur les systĂšmes
de production animale 72
15. Quelques coûts estimés concernant les foyers de maladies animales
dans les pays développés et en développement 87
16. Quelques coĂ»ts estimĂ©s concernant les maladies d’origine alimentaire
dans les pays développés 88
v

ENCADRÉS

1. Mesurer la croissance de la productivitĂ© dans le secteur de l’élevage 19


2. Les progrùs technologiques dans l’industrie avicole 20
3. La coordination dans les chaĂźnes de valeur pour la production animale 30
4. Alimentation humaine et animale: les animaux d’élevage rĂ©duisent-ils
les disponibilités alimentaires pour la consommation humaine? 42
5. Le projet de dĂ©veloppement des caprins Ă  vocation laitiĂšre en Éthiopie 45
6. Un secteur en transition – l’élevage des volailles en Chine 48
7. Un secteur en transition – la production laitiùre en Inde et au Kenya 50
8. Secteur de l’élevage – l’inïŹ‚uence des facteurs liĂ©s Ă  l’offre 52
9. Les poulets Kuroilerℱ – relier les Ă©levages de basse-cour au secteur privĂ© 55
10. L’essor de la production des biocarburants 59
11. La conservation des ressources zoogénétiques 64
12. Évaluer la contribution de l’élevage aux Ă©missions de gaz Ă  effet de serre 70
13. L’Union europĂ©enne – l’intĂ©gration des impĂ©ratifs de protection
environnementale dans la Politique agricole commune 76
14. La réduction de la pollution aux nitrates au Danemark 78
15. Atténuation des effets du changement climatique: exploiter les chances
offertes par la gestion amĂ©liorĂ©e des sols dans les systĂšmes d’élevage 81
16. SantĂ© et bien-ĂȘtre des animaux 91
17. Programme mondial d’éradication de la peste bovine – Ă©lĂ©ments d’une
initiative réussie 100
18. Un monde, une santé 102
19. Les crises alimentaires 122
20. Les prix des produits alimentaires sur le marché intérieur des pays
en développement restent élevés 126
21. Le retour des prix élevés pour les produits agricoles? 132

FIGURES

1. Consommation par habitant des principales denrées alimentaires dans


les pays en développement, 1961-2005 9
2. Apport par habitant d’énergie dĂ©rivĂ©e des produits de l’élevage par rĂ©gion,
1961-2005 10
3. PIB et consommation de viande par habitant et par pays, 2005 12
4. Production de viande, d’Ɠufs et de lait par rĂ©gion dans les pays
en développement, 1961-2007 14
5. Production mondiale des principales catégories de viande, 1961-2007 16
6. Sources de croissance dans la production animale: croissance moyenne annuelle
en nombre d’animaux et en production par animal, 1980-2007 18
7. Valeur des produits de l’élevage en tant que part de la valeur Ă  l’exportation
agricole mondiale, 1961-2006 22
8. Exportations nettes de viande et de produits laitiers depuis les pays développés
et en développement, 1961-2006 23
9. Consommation de viande et part des importations nettes dans la consommation,
dans les pays les moins avancés, 1961-2005 24
10. ClassiïŹcation des systĂšmes de production animale 27
11. Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, par quintiles
de dépenses 37
12. Part des revenus de l’élevage au sein des mĂ©nages ruraux, par quintile
de dépenses 38
13. Nombre de bĂȘtes dĂ©tenues par les mĂ©nages ruraux, par quintiles de dĂ©penses 39
14. Pourcentage de la production totale de bétail des ménages ruraux
qui est vendu, par quintile de dépenses 40
vi

15. ConsĂ©quences des Ă©pizooties sur le bien-ĂȘtre des personnes 85


16. Répartition des objectifs politiques 110
17. Estimations de la FAO du nombre de personnes sous-alimentées en 2009,
par région 121
18. Indices des prix agricoles 123
19. InïŹ‚ation des prix Ă  la consommation des produits alimentaires, 2007-2009,
pays choisis 124
20. Prix réels des céréales 128
21. Croissance de la production agricole, par région 129
22. Tendances à long terme de la production agricole, par région 130
23. Évolution des exportations rĂ©elles mondiales de produits alimentaires 130
24. Évolution du commerce net rĂ©el des produits alimentaires par rĂ©gion 131
25. Estimation de l’impact des mesures relatives à la production, à la
consommation, aux stocks et aux frontiÚres sur les marchés du riz et du blé 138
vii

Avant-propos

Le rapport sur La situation mondiale de un rythme sans précédent, dans le cadre


l’alimentation et de l’agriculture de cette de ce qu’on appelĂ© la «rĂ©volution de
annĂ©e est publiĂ© Ă  un moment crucial. l’élevage». L’explosion de la demande
Le monde traverse des turbulences d’aliments d’origine animale des pays
ïŹnanciĂšres qui ont provoquĂ© un net recul enregistrant les taux de croissance les plus
Ă©conomique. Mais cela ne doit pas masquer Ă©levĂ©s a entraĂźnĂ© d’importantes hausses
la crise alimentaire mondiale qui a ébranlé de la production animale, soutenues par
l’économie agricole Ă  l’échelle internationale de grandes innovations technologiques
et mis en Ă©vidence la fragilitĂ© du systĂšme et d’importants changements structurels
agricole mondial. dans ce secteur. Cette demande en plein
Malheureusement, l’augmentation essor a Ă©tĂ© principalement satisfaite par
du nombre de personnes qui ont faim la production animale commerciale et les
aujourd’hui est un phĂ©nomĂšne mondial ïŹliĂšres alimentaires associĂ©es. ParallĂšlement,
qui n’épargne aucun lieu de la planĂšte. plusieurs millions d’habitants des zones
Nos estimations montrent que le nombre rurales pratiquent toujours l’élevage Ă  l’aide
de personnes souffrant de faim chronique de systĂšmes de production traditionnels
dans le monde a dépassé un milliard en 2009 pour assurer les moyens de subsistance et la
– un milliard et 20 millions pour ĂȘtre plus sĂ©curitĂ© alimentaire des mĂ©nages.
prĂ©cis. Le dĂ©ïŹ qui se pose est de garantir La mutation rapide du secteur de l’élevage
la sĂ©curitĂ© alimentaire de ce milliard de s’opĂšre dans un vide institutionnel. Le
personnes qui ont faim et aussi de multiplier rythme du changement est tel qu’il a
par deux la production alimentaire aïŹn de souvent trĂšs largement dĂ©passĂ© la capacitĂ©
nourrir une population qui devrait atteindre des États et des sociĂ©tĂ©s de ïŹxer le cadre
9,2 milliards d’ñmes d’ici Ă  2050, selon les politique et rĂ©glementaire nĂ©cessaire au
projections. juste Ă©quilibre entre l’approvisionnement
À l’échelle internationale, il est de plus en des biens privĂ©s et publics.
plus reconnu que le développement agricole Le secteur est aux prises avec un certain
est essentiel si l’on veut inverser cette nombre d’enjeux:
tendance et accomplir d’importants progrĂšs t La pression exercĂ©e sur les Ă©cosystĂšmes
durables pour sortir plusieurs millions de et les ressources naturelles, Ă  savoir
personnes de la pauvretĂ© et de l’insĂ©curitĂ© la terre, l’eau et la biodiversitĂ©, est
alimentaire. Ce constat est relayĂ© de de plus en plus importante. L’élevage
maniùre croissante aux plus hauts niveaux n’est que l’un des nombreux secteurs et
politiques. l’une des multiples activitĂ©s humaines
Toutefois, le secteur de l’alimentation et y contribuant. Dans certains cas,
de l’agriculture dans le monde se heurte son impact sur les Ă©cosystĂšmes est
Ă  plusieurs dĂ©ïŹs, dont les changements disproportionnĂ© par rapport Ă  son
dĂ©mographiques et l’évolution des modes importance Ă©conomique. Dans le
d’alimentation, le changement climatique, mĂȘme temps, le secteur est de plus en
le développement des bioénergies et les plus confronté à des contraintes de
contraintes liées aux ressources naturelles. ressources naturelles et à la concurrence
Tous ces facteurs, ainsi que des Ă©lĂ©ments accrue d’autres secteurs pour plusieurs
qui leur sont liés, sont en outre en train ressources. En outre, la prise de
de déterminer des mutations structurelles conscience est de plus en plus forte en
dans le secteur de l’élevage, dont le ce qui concerne les interactions entre
dĂ©veloppement se trouve ĂȘtre l’un des plus l’élevage et le changement climatique,
dynamiques de l’économie agricole. le secteur de l’élevage y contribuant
Le secteur mondial de l’élevage a connu tout en souffrant de ses impacts. À
ces derniĂšres dĂ©cennies des mutations Ă  l’inverse, il est Ă©galement reconnu que
viii

ce secteur peut jouer un rÎle capital dans pÚsent sur le secteur ainsi que les possibilités
l’attĂ©nuation du changement climatique qui s’y ouvrent. Il met en exergue les risques
moyennant l’adoption de meilleures et les Ă©checs systĂ©miques rĂ©sultant d’un
technologies. processus de croissance et de transformation
t La mondialisation des systÚmes qui a dépassé la capacité et la volonté des
alimentaires s’est traduite par un États et des sociĂ©tĂ©s Ă  assurer un contrĂŽle
accroissement des ïŹ‚ux de technologies, et une rĂ©gulation. Il tente d’identiïŹer les
de capitaux, de personnes et de problÚmes qui nécessitent des solutions à
marchandises, y compris d’animaux divers niveaux pour permettre au secteur
vivants et de produits d’origine animale, de l’élevage de rĂ©pondre aux attentes
dans le monde entier. L’intensiïŹcation futures de la sociĂ©tĂ© en ce qui concerne
des Ă©changes commerciaux, de pair avec l’approvisionnement des biens privĂ©s et
la concentration croissante d’animaux, publics. La question de la gouvernance est
souvent Ă  proximitĂ© de populations centrale. IdentiïŹer et dĂ©ïŹnir le rĂŽle que
humaines importantes, ont contribuĂ© Ă  doivent avoir les États, au sens large: tel
une hausse des risques de propagation est le socle sur lequel il convient d’appuyer
d’épizooties et des risques d’origine le dĂ©veloppement futur du secteur de
animale pour la santĂ© humaine, Ă  l’élevage.
l’échelle mondiale. ParallĂšlement, l’accĂšs Les dĂ©ïŹs posĂ©s par ce secteur ne peuvent
insufïŹsant aux services vĂ©tĂ©rinaires ĂȘtre rĂ©solus par une simple sĂ©rie d’actions
compromet les moyens de subsistance et ni par des acteurs isolés. Ils requiÚrent des
les perspectives de dĂ©veloppement de efforts intĂ©grĂ©s d’une multitude de parties
nombreux Ă©leveurs pauvres des pays en prenantes. De tels efforts doivent s’attaquer
développement. aux causes profondes de ces problÚmes
t Un ultime point essentiel concerne les dans des domaines oĂč les impacts sociaux,
conséquences sociales des évolutions environnementaux et sanitaires du secteur
structurelles du secteur et le rĂŽle de l’élevage et son dĂ©veloppement rapide
qu’y joueront les personnes pauvres. sont nĂ©gatifs. Ils doivent Ă©galement ĂȘtre
Comment le secteur de l’élevage rĂ©alistes et Ă©quitables. En concentrant notre
peut-il contribuer plus efïŹcacement attention de maniĂšre constructive, nous
à réduire la pauvreté et à assurer la pouvons opérer la transition vers un secteur
sĂ©curitĂ© alimentaire pour tous? Le de l’élevage plus responsable, capable de
développement rapide de ce secteur répondre aux objectifs multiples et souvent
dans de nombreux pays a-t-il Ă©tĂ© contradictoires de la sociĂ©tĂ©. J’espĂšre que le
bĂ©nĂ©ïŹque aux petits exploitants, ou prĂ©sent rapport pourra contribuer Ă  jeter les
ces derniers sont-ils de plus en plus premiùres bases d’une telle orientation.
marginalisĂ©s? Dans l’afïŹrmative, cette
situation est-elle inévitable, ou les
pauvres peuvent-ils ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ©s
au processus de développement de
l’élevage?
Pour chacun de ces trois domaines, le Jacques Diouf
rapport aborde les dĂ©ïŹs les plus difïŹciles qui DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA FAO
ix

Remerciements

La situation mondiale de l’alimentation et de la protection des consommateurs


et de l’agriculture 2009 est l’Ɠuvre d’une de la FAO; Nancy Morgan de la Division
Ă©quipe dirigĂ©e par Terri Raney et composĂ©e du Centre d’investissement de la FAO; et
de Stefano Gerosa, Yasmeen Khwaja et Patricia Colbert, Eve Crowley et Ilaria Sisto
Jakob Skoet de la Division de l’économie de la Division de la paritĂ©, de l’équitĂ© et
et du dĂ©veloppement agricole de la FAO; de l’emploi rural de la FAO ont Ă©galement
de Henning Steinfeld, Anni McLeod et apporté leur contribution.
Carolyn Opio de la Division de la production La Premiùre partie du rapport s’est
et de la santé animale; et de Merritt Cluff inspirée des deux volumes à venir intitulés
de la Division du commerce international Livestock in a Changing Landscape, qui
et des marchĂ©s. Liliana Maldonado et paraĂźtront ïŹn 2009 chez Island Press,
Paola Di Santo ont assuré le secrétariat et les et préparés avec le soutien de plusieurs
tĂąches administratives. organisations, notamment de la FAO,
Le rapport a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© sous la l’Institut international de recherches
direction gĂ©nĂ©rale de Hafez Ghanem, sur l’élevage (ILRI), l’Initiative Ă©levage,
Sous-Directeur général du Département environnement et développement de la FAO,
du dĂ©veloppement Ă©conomique et social le ComitĂ© scientiïŹque pour les problĂšmes de
de la FAO; ainsi que de Kostas Stamoulis, l’environnement, la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e
Directeur, et de Keith Wiebe, Directeur bernoise, la Haute Ă©cole suisse d’agronomie
adjoint de la Division de l’économie du (HESA), le Centre de coopĂ©ration
développement agricole. La PremiÚre internationale en recherche agronomique
partie du rapport a bĂ©nĂ©ïŹciĂ© des conseils pour le dĂ©veloppement (CIRAD) et le Woods
supplĂ©mentaires et du soutien de Institute for the Environment de l’UniversitĂ©
James Butler, Directeur général adjoint; de Stanford.
Modibo TraorĂ©, Sous-Directeur gĂ©nĂ©ral Elle s’appuie Ă©galement sur les travaux
du DĂ©partement de l’agriculture et de de recherche rĂ©digĂ©s dans le cadre de
la protection des consommateurs; et l’Initiative pour des politiques d’élevage
Samuel Jutzi, Directeur de la Division de la en faveur des pauvres (IPEFP), ïŹnancĂ©e
production et de la santé animales. par le Gouvernement du Royaume-Uni,
La premiĂšre partie du rapport, Le et l’Initiative Ă©levage, environnement
point sur l’élevage, a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e et dĂ©veloppement, ïŹnancĂ©e par l’Union
conjointement par Terri Raney, Jakob Skoet européenne et les Gouvernements danois,
et Henning Steinfeld. Ont également français et suisse.
participé à la rédaction Stefano Gerosa Les documents de référence pour la
et Yasmeen Khwaja de la Division de PremiÚre partie du rapport ont été préparés
l’économie du dĂ©veloppement agricole par Klaas Dietze (FAO); Jeroen Dijkman
de la FAO; Jeroen Dijkman, Pierre Gerber, (FAO) et Keith Sones (Keith Sones
Nigel Key, Anni McLeod, Carolyn Opio Associates); Klaus Frohberg (Université de
et Henning Steinfeld de la Division de la Bonn); JĂžrgen Henriksen (Henriksen Advice,
production et de la santé animales de la Copenhague); Brian Perry (Université
FAO. Daniela Battaglia, Katinka de Balogh, d’Oxford) et Keith Sones (Keith Sones
Joseph Domenech, Irene Hoffmann, Associates); Robert Pym (Université du
Simon Mack et Jan Slingenbergh de la Queensland); Prakash Shetty (Université de
Division de la production et de la santé Southampton); Farzad Taheripour, Thomas
animales de la FAO; Bernadete Neves, W. Hertel et Wallace E. Tyner (Université
Luca Tasciotti et Alberto Zezza de la Division de Purdue ); Philip Thornton (Institut
de l’économie du dĂ©veloppement agricole international de recherches sur l’élevage)
de la FAO; Renata Clarke, Sandra Honour et et Pierre Gerber (FAO); et Ray Trewin
Ellen Muehlhoff de la Division de la nutrition (Université nationale australienne).
x

La Premiùre partie du rapport a largement d’agronomie), Jimmy Smith (Banque


bĂ©nĂ©ïŹciĂ© de deux ateliers externes, menĂ©s mondiale), Steve Staal (Institut international
avec le soutien ïŹnancier de la Banque de recherches sur l’élevage) et Laping Wu
mondiale. Les auteurs des documents (UniversitĂ© d’agriculture de Chine).
de référence ayant participé au premier La DeuxiÚme partie du rapport, Tour
atelier, organisĂ© en novembre 2008, sont d’horizon de la situation mondiale de
les suivants: Jeroen Dijkman, Pierre Gerber, l’alimentation et de l’agriculture, a Ă©tĂ©
JÞrgen Henriksen, Brian Perry, Robert Pym, rédigée par Jakob Skoet et Merritt Cluff,
Keith Sones et Ray Trewin, ainsi que d’aprùs les informations fournies par le
Jimmy Smith (Banque mondiale) et le service des politiques et des projections
personnel de la Division de l’économie du concernant les produits de la Division du
développement agricole, de la Division commerce international et des marchés de la
de la production et de la santé animales FAO, avec les contributions particuliÚres de
et de la Division de la nutrition et de la Merritt Cluff, Cheng Fang, Holger Matthey,
protection des consommateurs. Le second Grégoire Tallard et Koji Yanagishima.
atelier, organisĂ© en avril 2009, a bĂ©nĂ©ïŹciĂ© La TroisiĂšme partie du rapport,
de la participation externe de: Vinod Ahuja Annexe statistique, a été préparée par
(Institut indien de gestion), Peter Bazeley Stefano Gerosa.
(Peter Bazeley Development Consulting), Le rapport doit beaucoup à l’expertise
Harold Mooney (Université de Stanford), des rédacteurs, concepteurs, maquettistes
Clare Narrod (Institut international de et spécialistes de la reproduction de la
recherche sur les politiques alimentaires), Sous-division des politiques et de l’appui
Oene Oenema (Université de Wageningen), en matiÚre de publications électroniques
Fritz Schneider (Haute école suisse de la FAO.
xi

Sigles et abréviations

AIEA Agence internationale de l’énergie atomique

ANASE Association des Nations de l’Asie du Sud-Est

APEC Organisation de coopĂ©ration Ă©conomique Asie-PaciïŹque

ASACR Association sud-asiatique de coopération régionale

BCAE bonnes conditions agricoles et environnementales

CCCC Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CEI CommunautĂ© des États indĂ©pendants

CIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le


développement

EMPRES SystÚme de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs


et les maladies transfrontiĂšres des animaux et des plantes

FA ïŹĂšvre aphteuse

FMI Fonds monétaire international

GCRAI Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale

GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

IFPRI Institut international de recherche sur les politiques alimentaires

IICA Institut interamĂ©ricain de coopĂ©ration pour l’agriculture

ILRI Institut international de recherches sur l’élevage

IPEFP Initiative pour des politiques d’élevage en faveur des pauvres

MEA Évaluation des Ă©cosystĂšmes en dĂ©but de millĂ©naire

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OCE Organisation de coopération économique

OIE Organisation mondiale de la santé animale

OIRSA Organisme international régional contre les maladies des plantes


et des animaux

OMC Organisation mondiale du commerce


xii

OMS Organisation mondiale de la Santé

OUA/BIRA Bureau interafricain des ressources animales de l’Organisation


de l’Union africaine

PAC Politique agricole commune

PAM Programme alimentaire mondial

PMA pays les moins avancés

PBA productivité biomasse-aliments

PPA paritĂ© du pouvoir d’achat

PPC peste porcine classique

PPR peste des petits ruminants

SMIAR Systùme mondial d’information et d’alerte rapide

SRAS syndrome respiratoire aigu sévÚre

UA/BIRA Bureau interafricain pour les ressources animales de l’Union africaine

UBT unité de bétail tropical

UE Union européenne

UICN Union internationale pour la conservation de la nature

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance

WCS Société pour la conservation de la faune sauvage

WWF Fonds mondial pour la nature


PremiĂšre partie
LE POINT SUR L'ÉLEVAGE
p
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

1. Le point sur l’élevage

Le secteur de l’élevage reprĂ©sente 40 pour des dĂ©chets qui, autrement, poseraient de


cent de la production agricole mondiale sérieux problÚmes de pollution et de santé
et contribue aux moyens d’existence publique.
et Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire de prĂšs À l’échelle mondiale, l’élevage reprĂ©sente
d’un milliard de personnes. Au sein de 15 pour cent de l’énergie alimentaire totale
l’économie agricole, c’est un des segments consommĂ©e et 25 pour cent des apports en
qui connaĂźt la croissance la plus rapide, protĂ©ines. Les produits d’origine animale
alimentée par la hausse des revenus et des fournissent des micronutriments essentiels
Ă©volutions technologiques et structurelles. que l’on ne trouve pas facilement dans
La croissance et la transformation du l’alimentation d’origine vĂ©gĂ©tale.
secteur ouvrent des opportunités pour le PrÚs de 80 pour cent des personnes sous-
développement agricole et la diminution alimentées dans le monde vivent dans des
de la pauvretĂ© et permettent des avancĂ©es zones rurales (Projet du MillĂ©naire de l’ONU,
en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire. 2004), et la plupart d’entre elles subsistent
NĂ©anmoins, la rapiditĂ© des Ă©volutions risque grĂące Ă  l’agriculture et notamment l’élevage.
de marginaliser les petits exploitants et La base de données de la FAO sur les activités
il convient, pour assurer la pérennité de génératrices de revenus ruraux (FAO, 2009a)
son développement, de traiter les risques indique que, sur un échantillon de 14 pays,
systĂ©miques pesant sur l’environnement et 60 pour cent des mĂ©nages ruraux sont
la santé humaine. des éleveurs. Une part importante de leur
Dans de nombreux pays en production animale est vendue, contribuant
dĂ©veloppement, l’élevage est une activitĂ© largement Ă  leurs revenus en espĂšces. Dans
multifonctionnelle. Au-delà de son rÎle certains pays, les ménages ruraux les plus
de source de revenus et d’aliments, le pauvres sont davantage susceptibles de
bétail constitue un bien précieux, servant posséder des animaux que les plus riches.
de rĂ©serve de richesse, de garantie pour MĂȘme si le nombre moyen d’animaux par
le crĂ©dit et, en temps de crise, de ïŹlet foyer est plutĂŽt faible, l’élevage constitue
de sĂ©curitĂ© essentiel. Les bĂȘtes jouent ainsi un point de dĂ©part intĂ©ressant pour
également un rÎle central dans les systÚmes réduire la pauvreté.
d’agriculture mixte. Elles consomment les Les femmes et les hommes ne partagent
dĂ©chets des rĂ©coltes et de la production gĂ©nĂ©ralement pas les mĂȘmes opportunitĂ©s,
alimentaire, permettent de limiter la en termes de moyens d’existence, ni les
propagation des insectes et des plantes mĂȘmes contraintes pour la conduite de
adventices, produisent du fumier pour la l’élevage. Les petits Ă©leveurs, en particulier
fertilisation et l’amĂ©lioration des sols, et les femmes, sont confrontĂ©s Ă  de nombreux
peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour le labourage problĂšmes, tels: un accĂšs limitĂ© aux marchĂ©s,
ou le transport. Dans certaines régions, le aux biens, aux services et aux informations
bétail joue un rÎle sanitaire en consommant techniques; des sécheresses et des maladies
4 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

périodiques; des ressources en concurrence; épreuve la base de ressources naturelles, un


des politiques qui favorisent les plus gros mécanisme qui pourrait affecter la sécurité
producteurs ou les marchés extérieurs; et alimentaire.
des institutions aux pouvoirs trop faibles. Les Dans de nombreux pays en développement
connaissances et responsabilités associées à croissance rapide, de fortes impulsions
aux divers aspects de l’élevage et de la Ă©conomiques transforment actuellement le
production animale diffĂšrent Ă©galement secteur de l’élevage. La production animale,
selon le sexe et l’ñge. Par exemple, la femme en particulier pour les porcs et la volaille,
pourrait ĂȘtre chargĂ©e de la prĂ©vention ou devient plus intensive, gĂ©ographiquement
du traitement des maladies des animaux du concentrée et verticalement intégrée
mĂ©nage, l’homme de la traite ou des aspects et dĂ©pend davantage des chaĂźnes
commerciaux, les garçons des pĂątures ou d’approvisionnement mondiales. De mĂȘme, si
de l’abreuvement des bĂȘtes tandis que les des normes plus strictes en matiĂšre de santĂ©
ïŹlles donneraient du fourrage aux animaux animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
d’étable. Les femmes vivant en milieu rural amĂ©liorent la santĂ© publique, elles creusent
sont tout autant susceptibles que les hommes également le fossé entre les petits éleveurs et
de pratiquer l’élevage, mais leurs troupeaux les gros producteurs commerciaux. Plusieurs
sont gĂ©nĂ©ralement plus petits et elles barreaux manquent Ă  «l’échelle de l’élevage»
possĂšdent plus souvent de la volaille et des que les petits exploitants utilisent pour gravir
petits ruminants. les échelons de la production et sortir de la
Certaines données indiquent que dans pauvreté (Sones et Dijkman, 2008).
les pays en dĂ©veloppement, les personnes Des Ă©tudes de cas montrent que, mĂȘme
pauvres, en particulier les jeunes enfants dans un secteur en rapide mutation, les
et leurs mÚres, ne consomment pas assez petits éleveurs du secteur commercial
de produits d’origine animale (IFPRI, 2004), peuvent ĂȘtre compĂ©titifs s’ils bĂ©nĂ©ïŹcient
tandis que d’autres personnes, en particulier d’un soutien institutionnel appropriĂ© et si
dans les pays dĂ©veloppĂ©s, en consomment le coĂ»t d’opportunitĂ© de leur travail reste
trop (OPS-OMS, 2006). Néanmoins, chez les faible (Delgado, Narrod et Tiongco, 2008).
ruraux pauvres, les taux de sous-alimentation L’expĂ©rience de plusieurs pays membres
et de carences en micronutriments sont de l’Organisation de coopĂ©ration et de
élevés, indiquant que, malgré leur statut développement économiques (OCDE)
d’éleveur, ils consomment trĂšs peu de produits indique que les subventions et les mesures
d’origine animale. Entre 4 Ă  5 milliards protectionnistes coĂ»tent trĂšs cher et
de personnes dans le monde souffrent de ne sufïŹsent pas Ă  empĂȘcher les petits
carences en fer, un Ă©lĂ©ment nutritif essentiel exploitants de mettre ïŹn Ă  leur activitĂ©. Des
en particulier pour les femmes enceintes mesures visant à améliorer leur productivité,
et allaitantes et pour le développement à diminuer les coûts de transaction et
physique et cognitif des jeunes enfants (SCN, Ă  franchir les obstacles techniques de
2004). Ces nutriments ainsi que d’autres tout marchĂ© peuvent s’avĂ©rer trĂšs utiles. Au
aussi importants sont plus souvent présents contraire, les subventions directes et les
dans la viande, le lait et les Ɠufs que dans les mesures protectionnistes pourraient ĂȘtre
aliments d’origine vĂ©gĂ©tale (Neumann et al., contreproductives.
2003). Un meilleur accÚs à une alimentation Lorsque les économies et les opportunités
animale peu coĂ»teuse pourrait amĂ©liorer d’emploi sont en expansion, la hausse
sensiblement la santĂ© et la nutrition de parallĂšle des coĂ»ts d’opportunitĂ© de l’emploi
nombreuses personnes pauvres. Toutefois, amĂšne souvent les petits exploitants Ă 
une consommation excessive de produits abandonner l’élevage au proïŹt d’autres
de l’élevage est associĂ©e au risque accru de secteurs plus productifs et moins coĂ»teux.
l’obĂ©sitĂ©, des maladies cardiovasculaires et Cela fait partie intĂ©grante du processus de
d’autres maladies non transmissibles (OMS/ dĂ©veloppement Ă©conomique et ne devrait
FAO, 2003). De plus, du fait de l’expansion pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une tendance
rapide du secteur de l’élevage, les terres et nĂ©gative. Des difïŹcultĂ©s apparaissent
les autres ressources productives font l’objet lorsque le rythme des Ă©volutions du
de rivalitĂ©s croissantes, ce qui pousse les prix secteur de l’élevage dĂ©passe la capacitĂ© du
des cĂ©rĂ©ales de base Ă  la hausse et met Ă  rude reste de l’économie Ă  proposer d’autres
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

5
emplois. Dans cette situation, les mesures de serre Ă  l’échelle de la planĂšte (Steinfeld
appropriées consisteraient à faciliter la et al., 2006). Il convient de noter toutefois
transition des éleveurs vers les autres que le PIB sous-estime le rÎle économique
secteurs, notamment par des dispositifs et social de l’élevage en ne tenant pas
de protection sociale et des politiques de compte de ses nombreuses contributions
dĂ©veloppement rural renforcĂ©es prenant multifonctionnelles aux moyens d’existence.
la forme d’investissements dans le secteur Il est donc urgent d’amĂ©liorer l’efïŹcacitĂ© de
de l’éducation et des infrastructures et l’utilisation des ressources par l’élevage et de
de mesures institutionnelles axées sur la diminuer les externalités environnementales
croissance. Les petits agriculteurs doivent négatives produites par le secteur.
servir de point de départ au développement Les pùturages occupent 26 pour cent de
et non l’inverse. la superïŹcie terrestre non couverte par les
Certains Ă©leveurs sont simplement trop glaces, et la production d’aliments pour le
pauvres, et leurs exploitations trop petites, bétail, 33 pour cent des terres cultivables
pour dĂ©passer les obstacles Ă©conomiques (Steinfeld et al., 2006). L’augmentation des
et techniques et passer Ă  la production surfaces allouĂ©es Ă  l’élevage peut contribuer
commerciale. Les femmes sont généralement à la déforestation dans certains pays, alors
confrontĂ©es Ă  de plus grandes difïŹcultĂ©s que l’intensiïŹcation de la production animale
que les hommes. En effet, elles ont moins peut entraüner un surpñturage dans d’autres.
accÚs au bétail et aux autres ressources En raison de la concentration géographique
nĂ©cessaires pour proïŹter de la croissance, croissante de la production animale,
telles que la terre, le crĂ©dit, la main-d’Ɠuvre, la quantitĂ© de fumier produite par les
la technologie et les services. Elles contrÎlent animaux est souvent supérieure à la capacité
Ă©galement moins ces paramĂštres. Pour la d’absorption des sols. Le fumier devient
plupart des individus trĂšs pauvres, l’élevage ainsi un dĂ©chet au lieu d’ĂȘtre une prĂ©cieuse
constitue un ïŹlet de sĂ©curitĂ© et non une ressource comme dans les systĂšmes moins
activité commerciale. Des services de santé concentrés de production mixte. Il peut
animale plus accessibles et des mesures plus retrouver son rĂŽle crucial si des incitations,
volontaristes de lutte contre les maladies des réglementations et des technologies
animales amélioreraient la situation de ces adéquates telles que la digestion anaérobie
personnes Ă  court terme, mais la crĂ©ation de sont mises en Ɠuvre. D’un point de vue plus
réseaux de protection sociale alternatifs qui général, pour atténuer les effets négatifs
prĂ©servent les moyens d’existence des chocs de l’élevage sur l’environnement, il faut
extĂ©rieurs leur serait plus bĂ©nĂ©ïŹque. Il faut instaurer des politiques appropriĂ©es.
garder Ă  l’esprit que les Ă©leveurs les plus La concentration de la production
pauvres font face à des incertitudes et des animale à grande proximité des populations
contraintes, et que l’élevage joue pour eux augmente les risques que font peser les
un rÎle crucial de protection sociale. Ainsi, maladies animales sur la santé humaine. Ces
les décisions stratégiques les concernant affections ont toujours eu des répercussions
doivent prendre en compte les nombreuses sur les populations humaines. Il semble ainsi
fonctions de cette activité pour leurs moyens que la plupart des souches de grippe soit
d’existence. d’origine animale. Du fait des maladies qu’ils
Le secteur agricole est le plus grand causent, les agents pathogÚnes du bétail
utilisateur et gestionnaire mondial de ont toujours nui à la productivité du bétail
ressources naturelles et, comme toute et sont donc en concurrence avec l’ĂȘtre
activité de production, la production animale humain. Les maladies animales imposent de
implique un coĂ»t environnemental. L’élevage, lourdes contraintes aux Ă©leveurs pauvres car
est aussi souvent conjugué aux distorsions ils vivent au plus prÚs de leurs animaux et ont
politiques et aux dysfonctionnements un accÚs plus limité aux services vétérinaires,
du marché, et par conséquent il a sur et aussi parce que les mesures prises pour
l’environnement des consĂ©quences qui sont lutter contre certaines d’entre elles peuvent
souvent sans commune mesure avec son rĂŽle anĂ©antir leurs principaux moyens d’existence
dans l’économie. Par exemple, s’il reprĂ©sente et le ïŹlet de sĂ©curitĂ© dont ils dĂ©pendent en
moins de 2 pour cent du PIB mondial, il est cas d’urgence. Une gestion du bĂ©tail visant Ă 
Ă  l’origine de 18 pour cent des gaz Ă  effet lutter plus efïŹcacement contre les maladies
6 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

pourrait ĂȘtre trĂšs bĂ©nĂ©ïŹque du point de vue La hausse rapide des revenus et
Ă©conomique, social et de la santĂ© humaine, l’urbanisation observĂ©es au cours des
pour les personnes pauvres et pour la trois derniÚres décennies, conjuguées à la
société en général. Elle pourrait nécessiter croissance démographique, ont alimenté
de déplacer la production animale loin des la demande pour la viande et les autres
grands centres humains aïŹn de limiter les produits animaux dans de nombreux pays
risques de transmission. en développement. Les facteurs liés à
l’offre, tels la mondialisation des chaünes
d’approvisionnement des aliments pour
Évolutions dans le secteur animaux, des stocks gĂ©nĂ©tiques et des autres
de l’élevage technologies, modiïŹent davantage encore
la structure du secteur. Complexe, celle-ci
C’est en 1982 que La situation mondiale varie selon les lieux et les espĂšces concernĂ©es,
de l’alimentation et de l’agriculture a mais un fossĂ© grandissant se creuse: les
fourni pour la derniÚre fois une étude gros producteurs industriels fournissent les
approfondie du secteur de l’élevage. Depuis marchĂ©s dynamiques en pleine expansion
lors, le secteur de l’élevage se dĂ©veloppe tandis que les pasteurs et les petits exploitants
et change rapidement en rĂ©ponse aux traditionnels, mĂȘme s’ils continuent souvent
bouleversements de l’économie mondiale, de soutenir les moyens d’existence locaux
à la hausse des revenus dans de nombreux et de concourir à la sécurité alimentaire,
pays en dĂ©veloppement et aux Ă©volutions des risquent d’ĂȘtre mis Ă  l’écart.
attentes sociétales. On attend de plus en plus Dans de nombreuses régions du globe,
du secteur – qui doit fournir une nourriture la transformation du secteur de l’élevage
saine et abondante pour des populations intervient en l’absence d’une gouvernance
urbaines croissantes tout en mettant à forte, ce qui aboutit à des défaillances de
disposition des biens publics permettant de marchĂ© s’agissant de la santĂ© publique et de
diminuer la pauvretĂ©, d’assurer la sĂ©curitĂ© l’utilisation des ressources naturelles. Peu
alimentaire et de protĂ©ger l’environnement d’actions ont Ă©tĂ© menĂ©es pour rectiïŹer ces
et la santé publique. Ces tendances et les dysfonctionnements et, dans certains cas, les
dĂ©ïŹs qu’elles sous-tendent avaient Ă©tĂ© interventions des autoritĂ©s ont elles-mĂȘmes
mis en évidence il y a 10 ans par Delgado créé des distorsions. Les opportunités nées
et al. (1999), qui utilisent le terme de du dĂ©veloppement de l’élevage n’ont pas Ă©tĂ©
«rĂ©volution de l’élevage» pour dĂ©crire les saisies en raison d’institutions et de politiques
transformations Ă  l’Ɠuvre: inadaptĂ©es, un problĂšme que l’on retrouve
Une rĂ©volution est en cours au sein de dans d’autres secteurs. Par consĂ©quent,
l’agriculture mondiale, induisant de profonds l’élevage n’a pas contribuĂ© autant qu’il
bouleversements pour la santé humaine, les aurait pu à la réduction de la pauvreté et à la
moyens d’existence et l’environnement. Dans sĂ©curitĂ© alimentaire. De mĂȘme, la croissance
les pays en dĂ©veloppement, la croissance n’a pas Ă©tĂ© maĂźtrisĂ©e de maniĂšre Ă  faire face
dĂ©mographique, urbaine et des revenus aux pressions croissantes qui s’exercent sur les
entraĂźne une forte hausse de la demande en ressources naturelles ou Ă  lutter efïŹcacement
aliments d’origine animale. Cette Ă©volution contre les maladies animales. Corriger les
des régimes alimentaires, qui concerne des dysfonctionnements du marché devrait donc
milliards de personnes, pourrait amĂ©liorer ĂȘtre le moteur des politiques publiques.
sensiblement le bien-ĂȘtre de nombreux
pauvres ruraux. Les gouvernements et Satisfaire les attentes de la société
le secteur doivent se prĂ©parer Ă  cette Le secteur de l’élevage, comme une
rĂ©volution par des politiques et des grande partie de l’agriculture, joue un rĂŽle
investissements de long terme qui satisferont économique, social et environnemental
la demande du consommateur, amĂ©lioreront complexe. La sociĂ©tĂ© attend qu’il continue
la nutrition, multiplieront les opportunités de répondre à une demande mondiale de
de revenus directs pour ceux qui en ont le plus en plus forte en produits animaux,
plus besoin, et limiteront les nuisances sur et ce, de maniÚre économique, rapide
l’environnement et la santĂ© publique. et ïŹable. Il doit satisfaire ces attentes en
(Delgado et al., 1999) respectant l’environnement, en maütrisant
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

7
les consĂ©quences Ă©ventuelles des maladies compte des diffĂ©rents rĂŽles qu’il peut
animales mais Ă©galement en ouvrant des jouer comme moyen d’existence. Les petits
possibilitĂ©s de dĂ©veloppement rural, de exploitants qui pourraient ĂȘtre en mesure
rĂ©duction de la pauvretĂ© et d’amĂ©lioration de soutenir la concurrence sur le marchĂ©
de la sĂ©curitĂ© alimentaire. Étant donnĂ© doivent pouvoir compter sur des politiques
que la sécurité alimentaire et les moyens et un appui institutionnel qui puissent
d’existence de nombreuses personnes les aider Ă  accĂ©der Ă  la technologie, Ă 
dĂ©pendent du secteur, et au vu de ses coĂ»ts l’information et aux marchĂ©s pour amĂ©liorer
environnementaux et de santé humaine leur productivité. ParallÚlement, les pressions
Ă©levĂ©s, le dĂ©ïŹ consiste, en matiĂšre de Ă©conomiques (examinĂ©es au Chapitre 2)
politiques, à trouver un équilibre approprié font que certains petits producteurs devront
entre des objectifs contradictoires. quitter le secteur et auront pour cela besoin
L’élevage, comme de nombreuses autres d’une aide. Pour d’autres, notamment les
activitĂ©s humaines, accentue la pression sur trĂšs pauvres, l’élevage est d’abord un ïŹlet
les écosystÚmes et les ressources naturelles de sécurité. La communauté de la recherche
telles que la terre, l’air, l’eau et la biodiversitĂ©. et du dĂ©veloppement agricoles doit replacer
Dans le mĂȘme temps, cette pression mĂȘme l’élevage au cƓur des prĂ©occupations et y
et la concurrence féroce qui existe avec les investir de nouvelles ressources. De solides
autres secteurs pour capter ces ressources, mécanismes institutionnels et de gouvernance
freinent de plus en plus son dĂ©veloppement. reïŹ‚Ă©tant la diversitĂ© du secteur doivent
De surcroĂźt, il apparaĂźt de plus en plus Ă©galement ĂȘtre mis en place. L’élevage peut
clairement que le changement climatique améliorer la sécurité alimentaire et contribuer
crée des conditions, et impose des contraintes, à réduire la pauvreté, mais des mesures sont
nouvelles pour le secteur. Le changement nĂ©cessaires pour s’assurer que cela se fasse
climatique va modiïŹer les activitĂ©s des d’une maniĂšre Ă©cologiquement viable et sĂ»re
hommes et des femmes, faisant peser des pour la santé humaine.
risques inconnus jusqu’alors et ouvrant des Cette Ă©dition de La situation mondiale de
opportunitĂ©s inĂ©dites. Par exemple, certains l’alimentation et de l’agriculture souligne que
hommes pourraient Ă©migrer pour trouver du l’élevage pourrait aider la sociĂ©tĂ© Ă  atteindre
travail, tandis que les femmes et les enfants ses objectifs, Ă  condition de changements
assumeraient de nouvelles responsabilitĂ©s. institutionnels et politiques signiïŹcatifs.
Comme elles ont moins accùs aux ressources L’expansion rapide du secteur, dans un
et qu’elles souffrent d’un niveau d’instruction contexte d’institutions et de gouvernance
plus faible, d’une charge de travail plus lourde faibles, a gĂ©nĂ©rĂ© des risques systĂ©miques
et d’une moins bonne santĂ©, les femmes sont qui pourraient avoir des consĂ©quences
davantage sensibles aux chocs extĂ©rieurs. catastrophiques sur les moyens d’existences,
Le commerce international croissant la santé humaine et animale ainsi que sur
de bĂ©tail et de produits de l’élevage a l’environnement. Des investissements sont
provoquĂ© une augmentation des ïŹ‚ux de nĂ©cessaires pour amĂ©liorer la productivitĂ©
technologies, de capitaux, de personnes du secteur et l’efïŹcacitĂ© de l’utilisation
et de biens, y compris d’animaux vivants des ressources, à la fois pour satisfaire la
et de produits d’origine animale. En plus demande croissante des consommateurs
d’accroĂźtre la concentration des animaux, et pour attĂ©nuer les problĂšmes
souvent Ă  proximitĂ© d’importants groupes environnementaux et sanitaires. Il convient,
de population, ce phénomÚne a alimenté tout particuliÚrement en temps de crise et de
les risques de propagation des maladies mutation, que les politiques, les institutions et
animales et ceux que les animaux font peser les technologies, tiennent compte des besoins
sur la santĂ© humaine. ParallĂšlement, dans spĂ©ciïŹques des petits exploitants.
les pays en développement, les inégalités
d’accĂšs aux services vĂ©tĂ©rinaires menacent
les moyens d’existence et les perspectives de Structure du rapport
développement de nombreux éleveurs. et messages clés
L’élevage peut ĂȘtre un moyen de sortir
certains petits exploitants de la pauvreté, Le Chapitre 2 aborde les tendances du secteur
et les responsables politiques doivent tenir de l’élevage, ses ressorts Ă©conomiques et
8 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

sociaux, ses évolutions technologiques et les les ménages les plus pauvres pour qui
transformations structurelles qui s’en suivent. l’élevage constitue un ïŹlet de sĂ©curitĂ©
Il revient également sur les conséquences essentiel; et iii) adopter des mesures de
de ces évolutions sur la pauvreté, la sécurité développement rural pour faciliter la
alimentaire, l’environnement et la santĂ© transition de certains mĂ©nages ruraux
humaine. Les rĂ©percussions sociales des vers d’autres secteurs.
changements dans le secteur de l’élevage, et v Il conviendrait de renforcer la
le rĂŽle de ce dernier dans le dĂ©veloppement gouvernance du secteur de l’élevage
économique, la réduction de la pauvreté pour assurer une croissance continue
et l’amĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© alimentaire, respectueuse de l’environnement. La
sont abordés au Chapitre 3. Le Chapitre 4 production animale exerce une pression
s’intĂ©resse quant Ă  lui Ă  l’interdĂ©pendance croissante sur la terre, l’air, l’eau et la
entre l’élevage, les ressources naturelles et biodiversitĂ©. Une action corrective est
les écosystÚmes, et notamment au rÎle du nécessaire pour encourager la mise à
secteur dans le changement climatique. Le disposition de biens publics, tels que les
Chapitre 5 porte sur les nombreux problÚmes services écosystémiques et la protection
que soulùvent les maladies animales et de l’environnement. Il conviendra à
leur gestion. Le dernier chapitre aborde cette ïŹn de s’intĂ©resser aux prĂ©cĂ©dents
les mesures politiques et institutionnelles échecs politiques et dysfonctionnements
nĂ©cessaires pour que l’élevage amĂ©liore de marchĂ©, et d’élaborer et d’appliquer
la sécurité alimentaire et participe à la des sanctions ou des incitations,
réduction de la pauvreté tout en respectant comme le paiement des services
l’environnement et en protĂ©geant la santĂ© environnementaux. L’élevage contribue
humaine. aux changements climatiques mais en
subit également les conséquences. Il peut
Messages clés du rapport jouer un rÎle essentiel pour les atténuer:
v Le secteur de l’élevage est l’un des volets par exemple, l’utilisation de technologies
les plus dynamiques de l’agriculture. plus performantes, encouragĂ©es par des
Il s’est fortement dĂ©veloppĂ© au incitations Ă©conomiques appropriĂ©es,
cours des derniÚres décennies et la peut réduire les émissions de gaz à effet
demande en viande devrait continuer de serre.
de croĂźtre rapidement jusqu’au milieu v Certains services de santĂ© animale
du siùcle, sous l’effet de la croissance constituent des biens publics en cela
dĂ©mographique, de la hausse des qu’ils protĂšgent la santĂ© humaine et
niveaux de vie et de l’urbanisation. Des animale et proïŹtent donc Ă  la sociĂ©tĂ©
mesures fermes doivent ĂȘtre adoptĂ©es dans son ensemble. Les maladies
pour que le secteur puisse y répondre animales diminuent la production et la
tout en satisfaisant aux objectifs productivité, bouleversent les économies
sociétaux de réduction de la pauvreté, locales et nationales, menacent la santé
de sécurité alimentaire, de respect de humaine et aggravent la pauvreté.
l’environnement et d’amĂ©lioration de Les producteurs doivent affronter
la santĂ©. Il convient de bien Ă©valuer les plusieurs risques mais ils ne bĂ©nĂ©ïŹcient
opportunitĂ©s offertes par le secteur pas des mĂȘmes mesures incitatives
comme les dĂ©ïŹs qu’il soulĂšve. ni ne possĂšdent les mĂȘmes moyens
v L’élevage apporte une grande pour y rĂ©pondre. Dans de nombreuses
contribution à la sécurité alimentaire régions du monde, les systÚmes de
et Ă  la rĂ©duction de la pauvretĂ©; il santĂ© animale ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©s, d’oĂč des
pourrait y contribuer encore plus en faiblesses institutionnelles, des dĂ©ïŹcits
mettant en Ɠuvre des politiques et des d’information et des investissements
mesures judicieuses et en engageant inadaptés dans les biens publics liés à la
d’importants investissements publics et santĂ© animale. Les producteurs Ă  tous les
privés visant à: i) renforcer la capacité niveaux, y compris les éleveurs pauvres,
des petits exploitants Ă  proïŹter doivent participer Ă  l’élaboration de
des opportunités offertes par le programmes relatifs à la sécurité sanitaire
développement du secteur; ii) protéger des aliments et aux maladies animales.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

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2. Changements dans le secteur
de l’élevage

La croissance rapide de l’économie et prochaines dĂ©cennies. Les efforts qui devront


l’innovation technique ont profondĂ©ment ĂȘtre dĂ©ployĂ©s pour amĂ©liorer les moyens
modiïŹĂ© les structures du secteur de d’existence, rĂ©duire la pauvretĂ© et l’insĂ©curitĂ©
l’élevage selon trois axes principaux: alimentaire, diminuer les pressions sur les
disparition progressive des petites ressources naturelles et lutter contre les
exploitations mixtes au proïŹt de grandes maladies animales et humaines sont mis en
unités de production industrielles évidence.
spécialisées; déplacement géographique
de l’offre et de la demande vers les pays
en développement; et mondialisation Tendances et facteurs moteurs de
des sources d’approvisionnement et des la consommation1
échanges. Ces changements constituent un
vĂ©ritable dĂ©ïŹ pour le secteur de l’élevage, Tendances de la consommation
qui doit en effet dĂ©velopper durablement sa La consommation des produits de l’élevage
production de façon à renforcer la sécurité a augmenté rapidement dans les pays
alimentaire, réduire la pauvreté et améliorer en développement au cours des récentes
la santé publique. Le présent chapitre
examine les tendances et les perspectives
1
On trouvera des informations détaillées sur les tendances
de la consommation, de la production et
les plus récentes de la consommation, de la production et
du commerce des produits de l’élevage du commerce dans l’annexe des statistiques ïŹgurant Ă  la
ainsi que les changements structurels ïŹn du prĂ©sent rapport. L’analyse et les donnĂ©es prĂ©sentĂ©es
et technologiques qui transforment ce dans cette section et dans les sections suivantes couvrent la
consommation, la production et le commerce des produits
secteur. Il étudie la structure et la diversité
de l’élevage. Les produits de source animale d’autres
du secteur de l’élevage et les facteurs qui origines – tels que le poisson et la viande de brousse – n’y
modiïŹeront ses contours au cours des sont pas incluses.

FIGURE 1
Consommation par habitant des principales denrées alimentaires dans les pays
en développement, 1961-2005

Indice (1961 = 100)

600

500

400

300

200

100

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05

ƒufs Viande Lait

Céréales Racines et tubercules

Source: FAO, 2009b.


10 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 2
Apport par habitant d’énergie dĂ©rivĂ©e des produits de l’élevage par rĂ©gion,
1961-2005

kcal/personne/jour

800

700

600

500

400

300

200

100

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05

Asie de l’Est Pays Ă  Ă©conomie AmĂ©rique latine


et du Sud-Est anciennement planiïŹĂ©e et CaraĂŻbes
Proche-Orient Autres pays Asie du Sud Afrique
et Afrique du Nord industrialisés subsaharienne
Note: Les produits de l’élevage comprennent la viande, les Ɠufs, le lait et les produits laitiers Source: FAO, 2009b.
(à l’exception du beurre).

décennies, notamment à partir des pays développés et en développement


années 80. La croissance de la consommation depuis 1980. La croissance la plus forte de
par habitant de ces produits a nettement la consommation de produits de l’élevage
dĂ©passĂ© la croissance de la consommation par habitant a Ă©tĂ© observĂ©e en Asie de l’Est
d’autres groupes de produits alimentaires et du Sud-Est. En Chine, notamment, la
importants (ïŹgure 1). Depuis le dĂ©but des consommation de viande par habitant a Ă©tĂ©
années 60, la consommation de lait par multipliée par quatre, celle de lait par 10 et
habitant dans les pays en dĂ©veloppement a celle d’Ɠufs par huit. La consommation de
presque doublĂ©, la consommation de viande produits de l’élevage par habitant dans le
a plus que triplĂ© et la consommation d’Ɠufs reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est a aussi
a quintuplé. beaucoup augmenté, en particulier dans
Cette consommation accrue de produits la République populaire démocratique de
de l’élevage a eu pour effet d’augmenter CorĂ©e, la Malaisie et le Viet Nam.
considĂ©rablement l’apport Ă©nergĂ©tique Le BrĂ©sil a connu Ă©galement un
mondial par habitant, mais dans des développement rapide de la consommation
proportions parfois trĂšs diffĂ©rentes selon de produits de l’élevage: la consommation
les rĂ©gions (ïŹgure 2). La consommation de viande par habitant a presque doublĂ©,
a augmenté dans toutes les régions, sauf et celle de lait a augmenté de 40 pour cent.
en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, les Dans le reste de l’AmĂ©rique latine et les
anciennes Ă©conomies centralisĂ©es d’Europe CaraĂŻbes, la consommation a connu des
de l’Est et d’Asie centrale ont connu des hausses plus modestes, à quelques exceptions
reculs importants vers 1990. Les hausses les prùs. Le Proche-Orient et l’Afrique du Nord
plus marquées ont été observées en Asie de ont enregistré une augmentation de 50 pour
l’Est et du Sud-Est et en AmĂ©rique latine et cent de la consommation de viande et de
les Caraïbes. 70 pour cent de la consommation d’Ɠufs,
Le tableau 1 présente une synthÚse de la celle de lait ayant légÚrement reculé. En Asie
consommation de viande, de lait et d’Ɠufs du Sud, y compris l’Inde, la consommation
par habitant dans les grands groupes de par habitant de produits de l’élevage a
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

11
été marquée par une croissance soutenue si certains pays en développement comblent
bien que la consommation de viande rapidement l’écart existant (tableau 1). Cela
reste faible. Parmi les régions des pays en étant, le potentiel de croissance en la matiÚre
dĂ©veloppement, l’Afrique subsaharienne est important dans de nombreux pays en
est la seule dans laquelle un faible recul de développement, mais la maniÚre dont ce
la consommation de viande et de lait a été potentiel se traduira par une hausse de la
observé. demande dépend de la croissance future des
Dans l’ensemble des pays dĂ©veloppĂ©s, la revenus et de sa distribution dans les pays
croissance par habitant de la consommation et les régions. Un accroissement des revenus
de produits de l’élevage a Ă©tĂ© beaucoup devrait crĂ©er une demande ultĂ©rieure de
plus modeste. Les anciennes Ă©conomies produits de l’élevage plus forte dans les pays
centralisĂ©es d’Europe de l’Est et d’Asie Ă  faible revenu que dans les pays Ă  revenu
centrale ont connu une baisse soudaine de moyen et élevé.
la consommation de produits de l’élevage
par habitant au début des années 90 et cette Facteurs moteurs de la croissance
consommation n’a pas repris depuis. En de la consommation
conséquence, la consommation de viande par La demande croissante de produits de
habitant en 2005 Ă©tait infĂ©rieure de 20 pour l’élevage dans un certain nombre de pays
cent à son niveau de 1980. en développement a été stimulée par la
La consommation de produits de croissance Ă©conomique, l’augmentation des
l’élevage par habitant dans les rĂ©gions en revenus par habitant et l’urbanisation. Au
dĂ©veloppement est encore nettement plus cours des rĂ©centes dĂ©cennies, l’économie
faible que dans le monde dĂ©veloppĂ©, mĂȘme mondiale a connu un dĂ©veloppement sans

TABLEAU 1
Consommation par habitant de produits de l’élevage par rĂ©gion, groupes de pays
et pays, en 1980 et 2005
RÉGION/GROUPE DE PAYS/
VIANDE LAIT ƒUFS
PAYS

1980 2005 1980 2005 1980 2005


(kg/habitant/an) (kg/habitant/an) (kg/habitant/an)

PAYS DÉVELOPPÉS 76,3 82,1 197,6 207,7 14,3 13,0

Pays à économie 63,1 51,5 181,2 176,0 13,2 11,4


anciennement planiïŹĂ©e
Autres pays développés 82,4 95,8 205,3 221,8 14,8 13,8

PAYS EN DÉVELOPPEMENT 14,1 30,9 33,9 50,5 2,5 8,0

Asie de l’Est et du Sud-Est 12,8 48,2 4,5 21,0 2,7 15,4

Chine 13,7 59,5 2,3 23,2 2,5 20,2


Reste de l’Asie de l’Est et 10,7 24,1 9,9 16,4 3,3 5,1
du Sud-Est
Amérique latine et Caraïbes 41,1 61,9 101,1 109,7 6,2 8,6

Brésil 41,0 80,8 85,9 120,8 5,6 6,8

Reste de l’AmĂ©rique latine 41,1 52,4 109,0 104,1 6,5 9,4

Asie du Sud 4,2 5,8 41,5 69,5 0,8 1,7

Inde 3,7 5,1 38,5 65,2 0,7 1,8

Reste de l’Asie du Sud 5,7 8,0 52,0 83,1 0,9 1,5


Proche-Orient et Afrique 17,9 27,3 86,1 81,6 3,7 6,3
du Nord
Afrique subsaharienne 14,4 13,3 33,6 30,1 1,6 1,6

MONDE 30,0 41,2 75,7 82,1 5,5 9,0

Source: FAO, 2009b.


12 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 3
PIB et consommation de viande par habitant et par pays, 2005

Consommation de viande par habitant (kg/an)

140
États-Unis d’AmĂ©rique

120

100

Brésil
80

Chine
60

Japon
40

20

Inde
0
0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000

PIB par habitant (USD PPA)

Note: Le PIB par habitant est mesurĂ© en paritĂ© du pouvoir d’achat (PPA) en dollars USD internationaux constants de 2005.
Source: Basé sur des données de FAOSTAT (FAO, 2009b) pour la consommation de viande par habitant et de la
Banque mondiale pour le PIB par habitant.

précédent, et les revenus par habitant ont Afrique subsaharienne à 2,6 pour cent en
augmenté rapidement. Le lien entre le Amérique latine, contre une moyenne de
revenu par habitant et la consommation de 0,8 pour cent dans les pays développés
viande en 2005 est illustrĂ© Ă  la ïŹgure 3. Le (tableau 2).
graphique montre l’effet trĂšs positif de la L’urbanisation modiïŹe Ă©galement les
hausse des revenus sur la consommation des modes de consommation alimentaire, qui
produits de l’élevage dans les pays Ă  faible peuvent inïŹ‚uer sur la demande de produits
revenu. Cet effet est moindre, voire nĂ©gatif, de l’élevage. Les citadins consomment en
dans les pays ayant un PIB par habitant plus général davantage de nourriture en dehors
élevé. de leur domicile et de plus grandes quantités
Des facteurs dĂ©mographiques d’aliments prĂ©cuisinĂ©s, ou prĂ©parĂ©s dans
expliquent Ă©galement la modiïŹcation la restauration rapide ou encore prĂȘts
des comportements de consommation Ă  consommer, que ne le font les ruraux
Ă  l’égard des produits de l’élevage. (Schmidhuber et Shetty, 2005; King, Tietyen
L’urbanisation est un facteur important. et Vickner, 2000; Rae, 1998). L’urbanisation
La part de la population totale vivant dans détermine la nature des fonctions de
des zones urbaines est plus Ă©levĂ©e dans consommation – c’est-Ă -dire le lien entre les
les pays dĂ©veloppĂ©s que dans les pays en revenus et la consommation – des produits
développement (73 pour cent contre une alimentaires. En évaluant les fonctions de
moyenne de 42 pour cent). Cependant, consommation de l’ensemble des produits
l’urbanisation se dĂ©veloppe plus vite d’origine animale dans un certain nombre
dans le premier groupe de pays citĂ© que d’économies de l’Asie de l’Est, Rae (1998)
dans le second: pendant la pĂ©riode 1980- a observĂ© que l’urbanisation avait une
2003, la croissance annuelle moyenne incidence importante sur ces produits,
de la population urbaine des pays en quels que soient les niveaux de revenus.
dĂ©veloppement va de 4,9 pour cent en Une autre incidence de l’urbanisation dans
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

13
TABLEAU 2
Urbanisation: niveaux et taux de croissance
PART URBAINE DE LA CROISSANCE DE LA CROISSANCE DE LA
RÉGION/GROUPE DE PAYS/PAYS
POPULATION TOTALE POPULATION TOTALE POPULATION URBAINE

2003 1980–2003 1980–2003


(Pourcentage) (Croissance annuelle en pourcentage)

PAYS DÉVELOPPÉS 73 0,5 0,8

Pays à économie 63 0,3 0,6


anciennement planiïŹĂ©e
Autres pays développés 77 0,6 0,9

PAYS EN DÉVELOPPEMENT 42 1,9 3,7

Asie de l’Est et du Sud-Est 41 1,3 4,0

Chine 39 1,1 4,1

Amérique latine et Caraïbes 77 1,8 2,6

Brésil 83 1,7 2,7


Proche-Orient et Afrique 60 2,4 3,4
du Nord
Asie du Sud 28 2,0 3,1

Inde 28 1,9 2,8

Afrique subsaharienne 35 2,7 4,9

MONDE 48 1,5 3,0

Source: FAO, 2009b.

de nombreuses parties du monde est la l’élevage. Par ailleurs, des raisons culturelles
concentration croissante d’animaux dans inïŹ‚uent sur les modes de consommation. En
les villes, à proximité des citadins, car les Asie du Sud, par exemple, la consommation
activitĂ©s d’élevage ont tendance Ă  se ïŹxer de viande par habitant est infĂ©rieure Ă  ce
dans les zones urbaines. que le niveau de revenu Ă  lui seul pourrait
Des facteurs sociaux et culturels ainsi que laisser supposer.
la base des ressources naturelles peuvent
aussi inïŹ‚uer de maniĂšre importante sur la
demande locale et déterminer les évolutions Tendances et facteurs moteurs de
futures de la demande. Par exemple le Brésil la production
et la ThaĂŻlande ont des niveaux de revenu
par habitant et d’urbanisation analogues, Tendances de la production
mais la consommation de produits d’élevage Les pays en dĂ©veloppement ont rĂ©pondu Ă  la
est approximativement deux fois plus demande croissante de produits de l’élevage
Ă©levĂ©e au BrĂ©sil qu’en ThaĂŻlande. L’inïŹ‚uence en augmentant rapidement la production
de la base des ressources naturelles peut (ïŹgure 4). Entre 1961 et 2007, la croissance
ĂȘtre observĂ©e dans le cas du Japon, qui la plus rapide de la production de viande
consomme beaucoup moins de produits a eu lieu en Asie de l’Est et du Sud-Est, et
de l’élevage que d’autres pays ayant un ensuite en AmĂ©rique latine et les CaraĂŻbes.
niveau de revenu comparable, mais qui Le développement le plus soutenu de la
compense en consommant davantage de production d’Ɠufs a Ă©tĂ© observĂ© en Asie de
poisson. La base des ressources naturelles l’Est et du Sud-Est tandis que la production
joue sur les coûts relatifs des différents de lait a été la plus forte en Asie du Sud.
produits alimentaires. L’accĂšs aux ressources En 2007, les pays en dĂ©veloppement
marines favorise la consommation de poisson avaient dépassé les pays développés en ce qui
tandis que l’accùs aux ressources naturelles concerne la production de viande et d’Ɠufs
permettant le dĂ©veloppement de l’élevage et comblaient leur retard pour ce qui est de
encourage la consommation de produits de la production de lait (tableau 3). La croissance
14 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 4
Production de viande, d’Ɠufs et de lait par rĂ©gion dans les pays
en développement, 1961-2007

VIANDE
Millions de tonnes
120

100

80

60

40

20

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07

ƒUFS
Millions de tonnes
35

30

25

20

15

10

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07

LAIT
Millions de tonnes
140

120

100

80

60

40

20

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07

Asie de l’Est et du Sud-Est AmĂ©rique latine et CaraĂŻbes


Proche-Orient et Afrique du Nord Asie du Sud

Afrique subsaharienne
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

15
TABLEAU 3
Production des produits de l’élevage par rĂ©gion, en 1980 et 2007
RÉGION/GROUPE DE PAYS/
VIANDE LAIT ƒUFS
PAYS

1980 2007 1980 2007 1980 2007


(Millions de tonnes) (Millions de tonnes) (Millions de tonnes)

PAYS DÉVELOPPÉS 88,6 110,2 350,6 357,8 17,9 18,9

Pays à économie 24,6 19,0 127,3 101,5 5,6 5,1


anciennement planiïŹĂ©e
Autres pays développés 64,0 91,3 223,3 256,3 12,4 13,8

PAYS EN DEVELOPPEMENT 48,1 175,5 114,9 313,5 9,5 48,9

Asie de l’Est et du Sud-Est 19,4 106,2 4,4 42,9 4,5 34,6

Chine 13,6 88,7 2,9 36,8 2,8 30,1


Reste de l’Asie de l’Est 5,6 17,5 1,5 6,1 1,7 4,5
et du Sud-Est
Amérique latine et 15,7 40,3 35,0 68,7 2,6 6,3
CaraĂŻbes
Brésil 5,3 20,1 12,1 25,5 0,8 1,8

Reste de l’AmĂ©rique latine 10,4 20,2 22,9 43,3 1,8 4,6

Asie du Sud 3,7 9,4 42,7 140,6 0,8 3,4

Inde 2,6 6,3 31,6 102,9 0,6 2,7

Reste de l’Asie du Sud 1,1 3,0 11,2 37,7 0,2 0,7


Proche-Orient et Afrique 3,4 9,7 19,3 36,4 0,9 3,0
du Nord
Afrique subsaharienne 5,5 9,3 12,9 24,3 0,7 1,5

MONDE 136,7 285,7 465,5 671,3 27,4 67,8

Note: Les totaux pour les pays en développement et le monde comprennent quelques pays non inclus dans les agrégats
régionaux.
Source: FAO, 2009b.

de la production reïŹ‚Ăšte en grande partie et 2007, la production de viande en Inde


celle de la consommation. La Chine et le Brésil reste peu élevée dans un contexte mondial.
afïŹchent la croissance la plus importante, Cependant, aprĂšs avoir triplĂ© sa production
notamment pour la viande. Entre 1980 de lait entre 1980 et 2007, l’Inde compte
et 2007, la Chine a multiplié sa production désormais pour prÚs de 15 pour cent de la
de viande par six. Elle reprĂ©sente aujourd’hui production mondiale de lait. La production
prĂšs de 50 pour cent de la production de de viande, lait et Ɠufs a Ă©galement
viande des pays en développement et 31 pour progressé en Afrique subsaharienne mais
cent de la production mondiale. Le BrĂ©sil a plus lentement que dans d’autres rĂ©gions.
multiplié sa production de viande quasiment La hausse de la production de viande
par quatre et compte désormais pour 11 pour concerne notamment les animaux
cent de la production de viande des pays en monogastriques; la production de viande
dĂ©veloppement et pour 7 pour cent de la de volaille a Ă©tĂ© le sous-secteur qui s’est
production mondiale. développé le plus rapidement, suivi par la
Dans les autres parties du monde production de viande de porc. La production
en développement, la croissance de la de viande de petits et grands ruminants a
production de viande – ainsi que les niveaux Ă©tĂ© beaucoup plus modeste (ïŹgure 5). La
de production – a Ă©tĂ© plus faible, les taux composition de la production mondiale
de croissance les plus Ă©levĂ©s Ă©tant observĂ©s de viande a donc subi des modiïŹcations
dans le reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, profondes, et les diffĂ©rences entre les
au Proche-Orient et en Afrique du Nord. régions et les pays présentent des différences
Bien qu’elle ait plus que doublĂ© entre 1980 importantes (tableau 4).
16 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 5
Production mondiale des principales catégories de viande, 1961-2007

Indice (1961 = 100)

1 000

800

600

400

200

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07

Volaille Porc

Bovins Moutons et chĂšvres

Source: FAO, 2009b.

TABLEAU 4
Production des principales catégories de viande par région, en 1987 et 2007
RÉGION/GROUPE DE PAYS/
PORC VOLAILLE BOVINS MOUTONS ET CHÈVRES
PAYS

1987 2007 1987 2007 1987 2007 1987 2007


(Million tonnes) (Million tonnes) (Million tonnes) (Million tonnes)

PAYS DÉVELOPPÉS 37,1 39,5 22,9 37,0 34,1 29,4 3,7 3,2

Pays à économie 12,0 7,7 5,1 5,1 10,2 5,1 1,2 0,8
anciennement planiïŹĂ©e
Autres pays développés 25,0 31,7 17,8 31,8 23,8 24,3 2,5 2,5

PAYS EN DEVELOPPEMENT 26,6 76,0 13,0 49,8 16,9 32,5 5,0 10,8

Asie de l’Est et du Sud-Est 22,4 68,4 4,8 22,2 1,7 8,8 1,0 5,2

Chine 18,3 60,0 2,2 15,3 0,6 7,3 0,7 4,9


Reste de l’Asie de l’Est 4,0 8,3 2,5 6,8 1,0 1,5 0,2 0,4
et du Sud-Est
Amérique latine et 3,2 6,1 4,5 17,2 9,8 15,8 0,4 0,5
CaraĂŻbes
Brésil 1,2 3,1 1,9 8,9 3,7 7,9 0,1 0,1

Reste de l’AmĂ©rique latine 2,0 3,0 2,7 8,3 6,1 7,9 0,3 0,3

Asie du Sud 0,4 0,5 0,5 3,0 1,5 2,1 1,1 1,5

Inde 0,4 0,5 0,2 2,3 1,0 1,3 0,6 0,8

Reste de l’Asie du Sud 0,0 0,0 0,2 0,7 0,5 0,8 0,5 0,8
Proche-Orient et Afrique 0,0 0,1 2,1 5,3 1,1 1,8 1,5 2,0
du Nord
Afrique subsaharienne 0,5 0,8 1,0 2,0 2,7 4,0 1,0 1,6

MONDE 63,6 115,5 35,9 86,8 50,9 61,9 8,6 14,0

Note: Les totaux pour les pays en développement et le monde comprennent quelques pays non inclus dans les agrégats régionaux.
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

17
La viande de porc représente plus de v une augmentation du nombre
40 pour cent des disponibilitĂ©s mondiales d’animaux abattus (dans le cas de la
de viande, en partie à cause des niveaux viande) ou d’animaux producteurs (dans
de production Ă©levĂ©s et de la croissance le cas du lait et des Ɠufs);
rapide observés en Chine, qui prend en v une augmentation de la production par
charge plus de la moitié de la production animal (ou du rendement).
mondiale. La production de viande de Entre 1980 et 2007, le cheptel a
volaille qui, en 2007, comptait pour plus de généralement augmenté plus rapidement
26 pour cent des disponibilitĂ©s mondiales que les rendements (ïŹgure 6), mais on doit
de viande, a été plus largement répartie noter cependant des différences entre les
entre les pays développés et les pays en régions et les espÚces.
dĂ©veloppement, sachant que c’est la Chine La variation du rendement par animal
qui a enregistré les taux de croissance est un indicateur de productivité
les plus élevés. Au niveau mondial, la important qui ne donne cependant
production de viande bovine a beaucoup qu’une idĂ©e partielle de l’augmentation
moins augmenté et uniquement dans les de la productivité. Il ne tient pas compte
pays en développement. La Chine et le par exemple des gains dus au taux de
BrĂ©sil, en particulier, ont considĂ©rablement croissance de l’animal, Ă  la vitesse Ă  laquelle
dĂ©veloppĂ© leur production au point qu’ils il prend du poids ou Ă  d’autres facteurs
comptent dĂ©sormais pour 12-13 pour cent de production. D’autres indicateurs de
de la production de viande bovine mondiale. productivité, encore imparfaits, peuvent
La viande de petits ruminants reste d’une fournir un tableau plus complet des
importance mineure au niveau mondial, tendances de la productivité des animaux
mais elle reprĂ©sente une proportion d’élevage. (voir encadrĂ© 1).
importante de la viande produite au Proche-
Orient et en Afrique du Nord, en Afrique Changement technologique dans la production
subsaharienne et en Asie du Sud. animale
Le changement technologique est le facteur
Facteurs moteurs de la croissance de la le plus important du développement de
production l’offre de produits de l’élevage bon marchĂ©.
Des facteurs liĂ©s Ă  l’offre ont contribuĂ© au Ce facteur a profondĂ©ment modiïŹĂ© la
développement de la production animale. Le structure du secteur dans de nombreuses
moindre coût des intrants, les changements régions du monde.
technologiques et les gains d’efïŹcience Par changement technologique, on
ont progressivement fait baisser le prix des entend la mise en Ɠuvre des Ă©volutions et
produits de l’élevage. Les produits d’origine des innovations concernant tous les aspects
animale ont donc Ă©tĂ© plus accessibles, mĂȘme de la production animale, de la sĂ©lection,
pour les consommateurs dont les revenus de l’alimentation et de la stabulation à la
n’avaient pas augmentĂ©. Certains facteurs lutte contre les maladies, la transformation,
favorables, notamment les prix des intrants le transport et la commercialisation. Le
(par exemple les cĂ©rĂ©ales pour l’alimentation changement technologique dans le secteur
animale et les carburants) ont jouĂ© un rĂŽle de l’élevage est en grande partie dĂ» aux
important. Le recul des prix des céréales activités de développement et de recherche
a encouragé les exploitants à les utiliser du secteur privé, alors que ce sont les
de maniĂšre croissante dans l’alimentation activitĂ©s ïŹnancĂ©es par le secteur public qui
animale. Les tendances à la baisse du coût ont conduit par exemple à la «révolution
des transports ont facilité la circulation des verte» dans les domaines du blé et du riz. Les
produits de l’élevage et des aliments pour petits exploitants n’ont donc pas pu proïŹter
animaux. Les récentes augmentations des pleinement des innovations technologiques
prix des cĂ©rĂ©ales et de l’énergie sont peut- dans le secteur de l’élevage et les appliquer.
ĂȘtre le prĂ©sage de la ïŹn d’une Ăšre de bas Par ailleurs, les recherches concernant les
coĂ»ts des intrants. aspects bĂ©nĂ©ïŹques pour la sociĂ©tĂ© des
L’accroissement de la production animale dĂ©veloppements technologiques en matiĂšre
se produit de deux façons distinctes ou d’élevage, comme l’impact sur les pauvres ou
combinĂ©es: les externalitĂ©s liĂ©es Ă  l’environnement ou la
18 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 6
Sources de croissance dans la production animale: croissance moyenne annuelle
en nombre d’animaux et en production par animal, 1980-2007

Nombre
PORC

Production

Nombre
VOLAILLE

Production

Nombre
BÉTAIL

Production

Nombre
LAIT

Production

Nombre
ƒUFS

Production

–2 0 2 4 6 8 10

Croissance moyenne annuelle (pourcentage)

Asie de l’Est et AmĂ©rique latine Proche-Orient et


du Sud-Est et CaraĂŻbes Afrique du Nord
Asie du Sud Afrique subsaharienne

Source: Calculs basés sur les données de la FAO (2009b).

santĂ© publique, ont fait l’objet d’un certain petits ruminants. Le recours Ă  l’hybridation
manque d’intĂ©rĂȘt. et Ă  l’insĂ©mination artiïŹcielle a accĂ©lĂ©rĂ©
L’application de technologies innovantes le processus d’amĂ©lioration gĂ©nĂ©tique.
de sĂ©lection et d’alimentation a permis La vitesse et la prĂ©cision avec lesquelles
d’augmenter la productivitĂ© de maniĂšre les objectifs en matiĂšre de sĂ©lection
importante, notamment dans la production peuvent ĂȘtre atteints ont augmentĂ©
d’Ɠufs et de volailles de chair, de lait et de considĂ©rablement au cours des rĂ©centes
viande de porc. Leurs effets ont été moins décennies. Les progrÚs génétiques sont
prononcĂ©s pour la viande de bƓuf et de beaucoup plus rapides pour les animaux
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

19
ENCADRÉ 1
Mesurer la croissance de la productivitĂ© dans le secteur de l’élevage

Les mesures de productivitĂ© par animal secteur de l’élevage en deux composantes


sont utiles mais ne fournissent qu’une principales: la croissance de la biomasse et
indication partielle de la productivité la croissance de la productivité telle que
dans le secteur de l’élevage. Pour palier mesurĂ©e par la PBA.
cet inconvénient, Steinfeld et Opio (2009) Au Brésil, prÚs des deux tiers de
ont mis au point une nouvelle mesure de la croissance totale sont dus Ă  une
productivité partielle, fondée sur un ratio augmentation de la production (biomasse)
de productivité biomasse-aliments (PBA). et environ un tiers à des gains de
La PBA considĂšre la totalitĂ© du troupeau productivitĂ©. De mĂȘme, en Chine, plus de
ou du cheptel comme un intrant du la moitié de la croissance de la production
processus de production et prend en peut ĂȘtre attribuĂ©e Ă  des accroissements
compte de multiples productions, de la biomasse. En revanche en Inde,

Sources de croissance du secteur de l’élevage au BrĂ©sil, en Chine et en Inde


de 1965 Ă  2005
BRÉSIL CHINE INDE

Croissance annuelle moyenne (pourcentage)

Croissance de la PBA 1,6 2,8 3,7

Croissance de la biomasse 3,2 3,8 0,8

Croissance de la production 4,8 6,5 4,5

telles que la viande, le lait et les Ɠufs. l’amĂ©lioration de la PBA explique plus
La PBA d’un troupeau ou cheptel est de 80 pour cent de la croissance de la
donnée par la production annuelle de production.
protĂ©ines divisĂ©e par la biomasse totale MĂȘme si elle prĂ©sente quelques
du troupeau ou du cheptel, exprimée en avantages par rapport aux indicateurs
kilogrammes. La PBA pour l’ensemble du de productivitĂ© classiques fondĂ©s sur la
secteur de l’élevage d’un pays s’obtient production par animal, la PBA comporte
en additionnant la production protéique des limites. En particulier, elle ne considÚre
des sous-secteurs considĂ©rĂ©s (bovins, que la production vivriĂšre issue d’un
porcins, volailles ou autres) divisée par leur troupeau et ne tient pas compte des
biomasse cumulée. produits non alimentaires, tels que la
Les estimations font apparaĂźtre des force de trait et le fumier. Elle peut donc
modiïŹcations de la PBA dans trois des entraĂźner une sous-estimation de la
principaux pays en dĂ©veloppement production dans certaines zones oĂč ces
producteurs, Ă  savoir la Chine, l’Inde et produits revĂȘtent de l’importance dans
le Brésil, pour la période allant de 1965 un contexte de production demeuré
Ă  2005. Le tableau ci-dessous fournit la traditionnel.
ventilation des taux de croissance annuelle
moyenne de la production totale du Source: Steinfeld et Opio, 2009.

à cycle court que pour les espÚces ayant des travaux de sélection tandis que les
un intervalle générationnel plus long, caractéristiques qui correspondent aux
comme les bovins. Pour toutes les espĂšces, demandes du consommateur, comme la
l’efïŹcacitĂ© alimentaire et des paramĂštres teneur en matiĂšres grasses, sont de plus
associés comme le taux de croissance, la en plus importantes. Bien que des progrÚs
production de lait et la performance de impressionnants aient été accomplis
reproduction, ont été les principales cibles concernant les races développées pour les
20 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

régions tempérées, les résultats ont été industrielle proches des grands pÎles de
moins convaincants pour les races de vaches consommation.
laitiÚres, de porcs et de volailles adaptées Les innovations technologiques dans
aux environnements Ă  coefïŹcient d’intrants les domaines de la transformation, de la
faibles. distribution et de la commercialisation des
La technologie de l’alimentation animale produits de l’élevage ont aussi profondĂ©ment
a beaucoup progressĂ©, notamment dans les modiïŹĂ© la maniĂšre dont les aliments sont
domaines suivants: alimentation équilibrée, transformés, transportés et livrés aux
alimentation de précision, ajout optimal consommateurs, par exemple les chaßnes du
d’acides aminĂ©s et de micronutriments froid, la durĂ©e de conservation, etc.
minĂ©raux, et dĂ©veloppement d’espĂšces L’encadrĂ© 2 montre la maniĂšre dont ces
d’herbages amĂ©liorĂ©es et de systĂšmes diffĂ©rents progrĂšs technologiques ont
d’élevage tels que le labour zĂ©ro. contribuĂ© Ă  amĂ©liorer la production dans
Les amĂ©liorations de la santĂ© animale, l’industrie de la volaille commerciale.
y compris une plus grande utilisation des
vaccins et des antibiotiques, ont aussi
contribué à augmenter la productivité. Ces Tendances et facteurs moteurs
technologies se sont largement répandues du commerce
au cours de ces derniÚres années dans un
certain nombre de pays en développement, La croissance du commerce des produits de
notamment dans les systĂšmes de production l’élevage a Ă©tĂ© facilitĂ©e par l’augmentation

ENCADRÉ 2
Les progrùs technologiques dans l’industrie avicole

Parmi les industries de l’élevage, Ɠufs dans les troupeaux commerciaux


aucune n’a appliquĂ© les amĂ©liorations sont dus dans une large mesure Ă 
technologiques aussi rapidement l’amĂ©lioration gĂ©nĂ©tique des troupeaux de
et efïŹcacement que l’aviculture reproducteurs fondateurs et au transfert
commerciale. Les volailles réagissent rapide de ces gains sur les descendants
bien aux transformations technologiques croisés pour la reproduction commerciale
en raison de leurs taux reproductifs (McKay, 2008; Hunton, 1990). Jusqu’à
Ă©levĂ©s et d’intervalles de gĂ©nĂ©ration prĂ©sent, les progrĂšs de la sĂ©lection ont
courts. L’intĂ©gration verticale du secteur largement Ă©tĂ© fondĂ©s sur l’application de
de l’aviculture a permis en outre de la sĂ©lection gĂ©nĂ©tique quantitative, sans
gĂ©nĂ©raliser l’application de ces nouvelles recourir aux technologies molĂ©culaires.
technologies à de nombreuses espÚces Les gains de productivité impressionnants
avicoles, souvent dans des milliers enregistrés année aprÚs année dans
d’exploitations agricoles. les Ă©levages de poulets commerciaux
Depuis le dĂ©but des annĂ©es 60, les sont le reïŹ‚et d’une approche globale
taux de croissance des poulets de chair et coordonnée des éleveurs dans le but
ont doublĂ© et les taux de conversion d’optimiser les performances (McKay,
alimentaire ont diminué de moitié. 2008; Pym, 1993).
Aujourd’hui, les pondeuses commerciales La santĂ© des volatiles, leur rĂ©sistance, la
produisent normalement 330 Ɠufs par an qualitĂ© et la sĂ©curitĂ© sanitaire des produits
avec un taux de conversion alimentaire de se sont améliorées proportionnellement
2 kg de fourrages par kilogramme d’Ɠufs aux gains de productivitĂ© grĂące aux
produit. Les poulets arrivent à peser 2,5 kg technologies appliquées dans les domaines
Ă  39 jours avec un taux de conversion de la sĂ©lection, de l’alimentation, de la
alimentaire de 1,6 kg de fourrages pour maĂźtrise des maladies, de la construction
un kilogramme de gain de poids. des installations et de la transformation.
Les gains de production par animal Les dĂ©ïŹs posĂ©s par les maladies peuvent
obtenus pour la viande de volaille et les avoir un impact crucial sur la productivité,
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

21
de la consommation de ces produits et la dont les plantes fourragĂšres, est de loin
libĂ©ralisation de l’économie. L’évolution supĂ©rieur Ă  celui des produits de l’élevage.
du transport, comme le transport réfrigéré Entre 1980 et 2006, le volume total des
(chaßnes du froid) et les moyens de livraison exportations de viande a plus que triplé,
plus rapides et à plus grande distance, ont celui des produits laitiers a plus que doublé
permis de commercialiser et de transporter et celui des Ɠufs a quasiment Ă©tĂ© multipliĂ©
des animaux, des produits et des aliments par deux (tableau 5). La part de la production
pour animaux sur de longues distances. Cela entrant dans le commerce international a
a permis Ă  la production de s’écarter des augmentĂ©, Ă  l’exception de la viande de
pîles de production et de consommation mouton et des Ɠufs, ce qui montre que le
des ressources d’aliments pour animaux. commerce est de plus en plus ouvert, en
L’accroissement des ïŹ‚ux commerciaux particulier pour les animaux monogastriques.
a aussi des incidences sur la gestion des Bien que les produits de l’élevage soient
maladies animales et sur un certain nombre en grande partie consommés dans le pays
de questions liĂ©es Ă  la sĂ©curitĂ© sanitaire des de production et n’entrent pas dans le
aliments. commerce international, les exportations
Les produits de l’élevage reprĂ©sentent une de ces produits sont importantes pour
proportion grandissante des exportations quelques pays. Depuis le milieu de 2002,
agricoles. En valeur, leur part est passée de 11 les pays en développement ont tous été
Ă  17 pour cent entre 1961 et 2006 (ïŹgure 7). des exportateurs nets de viande (Figure 8),
Cependant le commerce des plantes cultivées, mais dans des proportions trÚs diverses.

mais les améliorations apportées dans mixtes à petite échelle. Les agriculteurs
les secteurs des vaccins, de la nutrition et les plus pauvres sont généralement
de la prévention des risques biologiques ceux qui sont les moins avancés au
ont permis d’attĂ©nuer leurs effets. La plan technologique. Ils Ă©lĂšvent des
sélection en vue de renforcer la résistance oiseaux domestiques autochtones qui
aux maladies, en particulier par l’adoption se nourrissent de dĂ©chets, subissent un
de technologies moléculaires, sera un contrÎle sanitaire minimal et sont gardés
Ă©lĂ©ment important des programmes dans des abris rudimentaires. L’application
génétiques à venir. Les percées futures de quelques technologies relativement
dans l’industrie passent par le recours simples (comme le conïŹnement des
aux nouveaux outils moléculaires poussins pendant les premiÚres semaines
qui permettront la mise au point de et l’utilisation des aliments de haute
techniques améliorées de diagnostic dans qualité dispensés à ces derniers dans des
le cadre de programmes de surveillance nourrisseurs spéciaux, la vaccination contre
des maladies aviaires et de surveillance la maladie de Newcastle et l’hĂ©bergement
des agents pathogÚnes transmis par les nocturne des volatiles dans des abris sûrs)
aliments. L’expĂ©rience passĂ©e prouve que peut toutefois entraĂźner des amĂ©liorations
pour la viande de volailles et les Ɠufs, il profondes de la rentabilitĂ© des petits
faut s’atteler rapidement Ă  la rĂ©solution Ă©levages, de la sĂ©curitĂ© alimentaire des
des problĂšmes causĂ©s par les agents mĂ©nages et de l’emploi pour les femmes
pathogĂšnes transmis par les aliments, en tant que gardiennes de troupeaux.
aïŹn de ne pas entamer la conïŹance des
consommateurs.
Malheureusement, les technologies
adaptées aux systÚmes de production
industrielle, qui comportent des contrĂŽles
rigoureux de la biosĂ©curitĂ©, sont difïŹciles
Ă  appliquer aux systĂšmes de production Source: Pym et al., 2008.
22 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

Les exportations de viande des pays en nettes s’élevant Ă  prĂšs de la moitiĂ© d’un
développement sont en effet dominées million de tonnes en 2006. Toutes les régions
par la contribution du Brésil, qui est le plus en développement sont de plus en plus
grand exportateur de viande du monde. Si dépendantes des importations de produits
les exportations du BrĂ©sil, de la Chine, de laitiers (ïŹgure 8).
l’Inde et de la ThaĂŻlande sont exclues, toutes La place du BrĂ©sil dans les exportations des
les rĂ©gions en dĂ©veloppement sont des produits de l’élevage mĂ©rite d’ĂȘtre notĂ©e.
importateurs nets de viande. La Thaïlande Au cours de la derniÚre décennie, ce pays
est devenue un acteur majeur sur le marché a multiplié les exportations de viande de
mondial de la volaille, ses exportations poulet par cinq et celles de viande de bƓuf

FIGURE 7
Valeur des produits de l’élevage en tant que part de la valeur Ă  l’exportation
agricole mondiale, 1961-2006

Pourcentage

20

15

10

0
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 06

Produits de l’élevage Viande Produits laitiers et Ɠufs

Source: FAO, 2009b.

TABLEAU 5
Commerce international en matiĂšre de produits de l’élevage, 1980 et 2006

PRODUIT EXPORTATIONS MONDIALES PART DE LA PRODUCTION TOTALE

1980 2006 1980 2006


(Millions de tonnes) (Pourcentage)

Viande totale1 9,6 32,1 7,0 11,7

Porc 2,6 10,4 4,9 9,8

Volaille 1,5 11,1 5,9 13,0

Bovine 4,3 9,2 9,1 14,2

Ovine 0,8 1,1 10,6 7,7

2
Laitier 42,8 90,2 8,7 12,7

ƒufs 0,8 1,5 3,1 2,2

1
Comprend d’autres types de viande que ceux listĂ©s ci-dessous.
2
Équivalent du lait.
Source: FAO, 2009b.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

23
FIGURE 8
Exportations nettes de viande et de produits laitiers depuis les pays développés
et en développement, 1961-2006

Viande
Millions de tonnes

–1

–2

–3
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 06

Produits laitiers
Millions de tonnes

40

30

20

10

– 10

– 20

– 30
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 06

Pays Pays en Pays les moins


développés développement avancés

Source: FAO, 2009b.

et de porc par huit et 10 respectivement. régions auparavant éloignées comme le


En valeur nominale, les exportations nettes Mato Grosso et la région Cerrado du centre
de produits de l’élevage du BrĂ©sil sont du BrĂ©sil en zones de production d’aliments
passĂ©es de 435 millions d’USD en 1995 Ă  pour animaux. Ces deux rĂ©gions ont les
7 280 millions d’USD en 2006. En 2006, les coĂ»ts de production du maĂŻs et du soja les
exportations nettes du Brésil ont représenté plus faibles du monde. Depuis le début des
6 pour cent des exportations mondiales de années 90, les producteurs brésiliens ont
viande de porc, 20 pour cent de viande de tiré un parti stratégique de leur situation et
bƓuf et 28 pour cent de viande de volaille. ils ont commencĂ© Ă  convertir leurs aliments
Le Brésil a progressivement exploité les pour animaux en excédents exportables de
coĂ»ts de production peu Ă©levĂ©s des aliments produits de l’élevage (FAO, 2006).
pour animaux au proïŹt de son Ă©levage La position commerciale nette des produits
industriel et il devrait continuer Ă  ĂȘtre un de l’élevage dans les pays les moins avancĂ©s
producteur important d’aliments pour (PMA) est particuliĂšrement prĂ©occupante.
animaux. Des terres abondantes et des Ces pays comptent en effet de plus en plus
infrastructures rĂ©centes ont transformĂ© des sur les importations de ces produits – en
24 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 9
Consommation de viande et part des importations nettes dans la consommation,
dans les pays les moins avancés, 1961-2005

Millions de tonnes Pourcentage

9 8
8 7
7 6
6 5
5 4
4 3

3 2

2 1
1 0
0 -1
61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05

Consommation totale Part des importations nettes dans la


consommation totale

Source: FAO, 2009b.

fait des produits alimentaires en gĂ©nĂ©ral Les tendances Ă  l’accĂ©lĂ©ration de


– pour satisfaire la demande croissante l’urbanisation semblent inĂ©luctables. À
(ïŹgure 9). La proportion de la consommation la ïŹn de 2008, pour la premiĂšre fois dans
satisfaite par les importations a augmentĂ© l’histoire de l’humanitĂ©, plus de la moitiĂ©
rapidement depuis 1996. Dans le cadre des de la population mondiale vivait dans des
efforts déployés par ailleurs pour stimuler villes. En 2050, selon les estimations, prÚs de
la croissance agricole, le développement de sept personnes sur 10 seront des citadins et
l’offre intĂ©rieure pourrait potentiellement les zones rurales compteront 600 millions de
favoriser la croissance économique et le ruraux en moins (ONU, 2007).
développement rural tout en améliorant la La hausse des revenus est généralement
situation commerciale externe. considérée comme le facteur qui favorise
le plus la consommation accrue de produits
de l’élevage. Bien que les perspectives Ă 
Perspectives de la consommation, court terme soient médiocres du fait de la
de la production et du commerce récession mondiale, les perspectives à moyen
terme semblent indiquer une reprise, certes
Les facteurs qui ont encouragé la modeste. En avril 2009, le Fonds monétaire
croissance de la demande dans les pays international (FMI) a prévu un recul du PIB
en dĂ©veloppement – hausse des revenus, mondial de 1,3 pour cent en 2009, suivi d’une
croissance de la population et urbanisation croissance de 1,9 pour cent en 2010, et de
– continueront d’ĂȘtre importants au cours 4,8 pour cent en 2014 (FMI, 2009). Toujours
des dĂ©cennies Ă  venir, mĂȘme si l’impact selon le FMI, l’incertitude exceptionnelle
de certains d’entre eux sera moindre. La qui caractĂ©rise les perspectives de croissance
croissance démographique se poursuivra indique que la période de transition sera
à un rythme moins élevé. Les projections marquée par une croissance plus lente que
concernant la croissance de la population celle qui avait été atteinte dans un passé
mondiale varient: une estimation récente récent.
indique que la population mondiale L’impact de la croissance Ă©conomique
dĂ©passera le seuil des neuf milliards sur la demande de produits de l’élevage
d’habitants en 2050 (ONU, 2008). ne dĂ©pend pas uniquement du taux de
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

25
croissance mais aussi de sa distribution immense dans de vastes régions du monde
gĂ©ographique. La demande de produits de en dĂ©veloppement, d’autant que la hausse
l’élevage est plus sensible Ă  la croissance des des revenus entraĂźne un accroissement
revenus dans les pays à faible revenu que du pouvoir d’achat. Tous les indicateurs
dans les pays à revenu élevé. La saturation montrent que la demande mondiale de
croissante par habitant dans les pays qui ont produits de l’élevage devrait croĂźtre de
atteint des niveaux relativement élevés de maniÚre soutenue. En 2007, le modÚle
consommation, notamment le BrĂ©sil et la «IMPACT» de l’Institut international de
Chine, pourrait conduire Ă  un ralentissement recherche sur les politiques alimentaires
de la demande. La question de savoir si (IFPRI) a projeté une augmentation de la
d’autres pays en dĂ©veloppement, dont les demande mondiale de viande par habitant
niveaux de consommation de viande sont s’échelonnant de 6 Ă  23 kg, selon la rĂ©gion
actuellement peu élevés, deviendront de et un scénario de «routine» (Rosegrant et
nouveaux pîles de croissance et soutiendront Thornton, 2008) (tableau 6). L’essentiel de la
la croissance mondiale est cruciale. L’Inde, croissance projetĂ©e concernerait les pays en
compte tenu de son énorme population développement. Les augmentations les plus
et des faibles niveaux de consommation fortes seraient observées en Amérique latine
de produits de l’élevage par habitant, a le et aux CaraĂŻbes, en Asie de l’Est et du Sud et
potentiel pour ĂȘtre une nouvelle source de dans la rĂ©gion du PaciïŹque. La demande par
demande importante. Cependant, les avis habitant serait multipliĂ©e par deux – certes
divergent quant à la contribution future de en partant d’un niveau trùs bas – en Afrique
l’Inde à la demande mondiale de ces produits subsaharienne.
(voir Bruinsma, 2003). Le modĂšle prĂ©voit qu’une demande
Autre question, celle de l’impact de la croissante conduira à une augmentation des
persistance des prix élevés sur la demande, cheptels, le nombre de bovins dans le monde
dans la mesure oĂč les consommateurs passant de 1,5 Ă  2,6 milliards d’unitĂ©s et
mondiaux modiïŹent leurs habitudes de celui des ovins de 1,7 Ă  2,7 milliards d’unitĂ©s
consommation. Bien qu’il soit difïŹcile de entre 2000 et 2050. La demande de cĂ©rĂ©ales
prĂ©voir avec prĂ©cision l’évolution des prix des secondaires pour l’alimentation animale
produits destinĂ©s Ă  l’alimentation humaine devrait aussi augmenter de 553 millions
et animale, la plupart des analystes et des de tonnes pour la mĂȘme pĂ©riode, ce
observateurs conviennent qu’à court et qui correspond Ă  prĂšs de la moitiĂ© de
moyen termes, les prix resteront plus Ă©levĂ©s l’augmentation totale de la demande.
que ceux observés dans un passé récent, mais La publication intitulée Perspectives
que la volatilitĂ© accrue des prix deviendra la agricoles de l’OCDE et de la FAO 2009-2018
norme (IFPRI, 2008; OCDE-FAO, 2008; Banque (OCDE-FAO, 2009) présente des projections
mondiale, 2008a). pour la décennie prochaine. Bien que les
Dans l’ensemble, le potentiel de diffĂ©rences mĂ©thodologiques et mĂ©triques
développement de la consommation par entre les deux organisations ne permettent
habitant de produits de l’élevage reste pas de comparer directement les chiffres, les

TABLEAU 6
Consommation de viande par région, 2000 et 2050 (prévisions)

CONSOMMATION DE VIANDE PAR HABITANT

2000 2050
(kg/personne/an)

Asie centrale et occidentale et Afrique du Nord 20 33

Asie de l’Est et du Sud et PaciïŹque 28 51

Amérique latine et Caraïbes 58 77

Amérique du Nord et Europe 83 89

Afrique subsaharienne 11 22

Source: Rosegrant et Thornton, 2008.


26 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

projections de l’OCDE et de la FAO conïŹrment L’utilisation de cĂ©rĂ©ales secondaires devrait


néanmoins les tendances indiquées par les augmenter de 1,2 pour cent par an. Au total,
projections Ă  plus long terme de l’IFPRI. 716 millions de tonnes devraient ĂȘtre utilisĂ©es,
Malgré la faible croissance économique soit 79 millions de tonnes supplémentaires,
dans la premiĂšre partie de la pĂ©riode de pour l’essentiel absorbĂ©es par les pays en
projection, l’OCDE et la FAO estiment que dĂ©veloppement. Les projections excluent les
la demande devrait continuer de croĂźtre, drĂȘches de distilleries sĂ©chĂ©es, un coproduit
notamment dans les pays en dĂ©veloppement, de la fabrication de l’éthanol (voir encadrĂ©
tirĂ©e par la hausse du pouvoir d’achat, la 10, page 59). Les prix plus Ă©levĂ©s des produits
croissance dĂ©mographique et l’urbanisation. pour l’alimentation animale devraient
Cependant, la consommation mondiale de entraĂźner une baisse de la demande dans
viande devrait augmenter de 19 pour cent par les pays en dĂ©veloppement. L’utilisation
rapport Ă  la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence, un rythme du blĂ© pour l’alimentation animale devrait
légÚrement inférieur à celui de la décennie connaßtre une hausse modeste. La demande
précédente (22 pour cent). Une grande partie de tourteaux oléagineux devrait croßtre
de la hausse projetée devrait se produire annuellement de 3,8 pour cent dans les
dans les pays en dĂ©veloppement, l’apport pays qui ne sont pas membres de l’OCDE et
en viande connaissant un accroissement de 0,7 pour cent dans les pays membres de
de 28 pour cent contre 10 pour cent au l’OCDE, ce qui ne reprĂ©sente que la moitiĂ© du
maximum dans les pays développés et les pays taux de croissance atteint lors de la décennie
membres de l’OCDE. Cette augmentation, prĂ©cĂ©dente.
qui s’explique en partie par la croissance
démographique, traduit surtout une hausse
de la consommation par habitant de 14 pour DiversitĂ© du secteur de l’élevage
cent dans les pays en développement, soit une
consommation passant de 24 kg par personne La croissance rapide du secteur de l’élevage
Ă  plus de 27 kg par personne par an. La et les projections indiquant que cette
consommation par habitant dans les pays en tendance va se poursuivre bouleversent la
développement devrait augmenter seulement structure de ce secteur, par ailleurs caractérisé
de 7 pour cent, passant de 65 kg Ă  69 kg. par des variations importantes de l’échelle
L’augmentation la plus faible, de prĂšs de et de l’intensitĂ© de la production, et de la
3,5 pour cent, concernerait les pays membres nature et de l’intensitĂ© des liens qui l’unissent
de l’OCDE. À l’échelle mondiale, la demande Ă  l’économie rurale et agricole, par essence
de viande de volaille devrait afïŹcher la plus plus large. D’autres variations existent, selon
forte croissance. les espÚces, les zones géographiques, les
Selon les projections de l’OCDE et de la conditions agroĂ©cologiques, la technologie
FAO pour la période 2009-2018, la croissance et le niveau de développement économique.
mondiale de la production de viande aura Aucun systĂšme de classiïŹcation ne peut
lieu principalement en dehors de la zone à lui seul saisir cette diversité. Le présent
de l’OCDE, Ă  hauteur de 87 pour cent. rapport utilise une classiïŹcation simpliïŹĂ©e
S’agissant des pays en dĂ©veloppement, une qui Ă©tablit une distinction entre le pĂąturage,
augmentation globale de 32 pour cent de les systĂšmes agricoles mixtes et les systĂšmes
la production de viande est prĂ©vue sur la de production industriels (ïŹgure 10). Des
pĂ©riode de projection. estimations chiffrĂ©es sur l’importance du
Toujours selon les projections de l’OCDE cheptel et la production liĂ©es Ă  diffĂ©rents
et de la FAO, la demande de produits systĂšmes de production ïŹgurent au tableau 7.
laitiers, globale et par habitant, continuera Des termes plus vagues comme
de croßtre. La croissance la plus rapide aura «modernes» et «traditionnels» sont aussi
lieu dans les pays en dĂ©veloppement, oĂč la utilisĂ©s dans le prĂ©sent rapport pour
demande par habitant devrait augmenter distinguer les domaines du secteur de
Ă  un rythme annuel de 1,2 pour cent. La l’élevage qui ont subi une transformation
croissance globale de la production serait de technologique et économique plus ou moins
1,7 pour cent de 2009 à 2018, assurée pour grande au cours des décennies récentes.
l’essentiel par les pays en dĂ©veloppement. Les systĂšmes industriels sont gĂ©nĂ©ralement
La demande de produits pour l’alimentation dĂ©crits comme modernes, mĂȘme si certains
animale devrait aussi continuer de croütre. systùmes de pñturage et d’agriculture mixte
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

27
FIGURE 10
ClassiïŹcation des systĂšmes de production animale

SYSTÈMES DE PRODUCTION ANIMALE

PÂTURAGE EXPLOITATION MIXTE SYSTÈMES INDUSTRIELS

Extensif Intensif Irrigué Pluvial

Source: FAO.

s’appuient Ă©galement sur des techniques de la santĂ© humaine, et non pour suggĂ©rer
modernes comme la sĂ©lection des races et qu’un systĂšme est prĂ©fĂ©rable Ă  un autre.
la gestion des troupeaux. Ces termes sont
utilisés pour faciliter un examen comparatif SystÚmes de pùturage
des coûts, des avantages et des arbitrages Les systÚmes de pùturage occupent la plus
liĂ©s aux diffĂ©rents systĂšmes sur les plans de la large superïŹcie terrestre, soit environ 26 pour
sĂ©curitĂ© alimentaire, des moyens d’existence, cent de la surface du globe non recouverte
de la gestion durable de l’environnement et par les glaces (Steinfeld et al., 2006).

TABLEAU 7
Population et production animales mondiales, par systĂšme de production, moyenne
2001-2003

SYSTÈME DE PRODUCTION ANIMALE

Hors sol/
Pùturage Mixte pluvial Mixte irrigué Total
industriel
(Millions de tĂȘtes)

POPULATION

Bovins et bufïŹ‚es 406 641 450 29 1 526

Moutons et chĂšvres 590 632 546 9 1 777

(millions de tonnes)

PRODUCTION

BƓuf 14,6 29,3 12,9 3,9 60,7

Mouton 3,8 4,0 4,0 0,1 11,9

Porc 0,8 12,5 29,1 52,8 95,2

Viande de volaille 1,2 8,0 11,7 52,8 73,7

Lait 71,5 319,2 203,7 – 594,4

ƒufs 0,5 5,6 17,1 35,7 58,9

Source: Steinfeld et al., 2006, p. 53.


28 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

v Les systĂšmes de pĂąturage extensifs v Les systĂšmes agricoles mixtes pluviaux


occupent la plupart des zones sÚches se trouvent dans les régions tempérées
du globe, qui sont marginales pour la européennes et américaines et dans
production agricole. Ces zones sont les rĂ©gions subhumides de l’Afrique
gĂ©nĂ©ralement faiblement peuplĂ©es tropicale et de l’AmĂ©rique latine. Ils
et comprennent, par exemple, les s’appuient sur l’exploitation individuelle,
zones tropicales sÚches et les climats dans laquelle sont souvent élevées
continentaux de l’Afrique australe, de plusieurs espĂšces animales. À l’échelle
l’Asie centrale, orientale et occidentale, mondiale, ils sont à l’origine de prùs
de l’Australie et de l’AmĂ©rique du de 48 pour cent de la production de
Nord occidentale. Ces systùmes viande de bƓuf, de 53 pour cent de la
sont caractérisés par la présence de production laitiÚre et de 33 pour cent de
ruminants (bƓufs, moutons, chùvres la production de viande de mouton.
et chameaux par exemple) broutant v Les systÚmes agricoles mixtes irrigués
principalement des plantes herbacĂ©es, se rencontrent en Asie de l’Est et du
souvent sur des zones ouvertes ou Sud, notamment dans les régions à
communales et d’une maniĂšre mobile. forte densitĂ© de population. Ils sont
Ces systÚmes représentent prÚs de un contributeur important pour la
7 pour cent de la production mondiale plupart des produits d’origine animale,
de viande bovine, environ 12 pour cent fournissant un tiers de la viande de porc
de la production de viande d’ovins et et de mouton, un tiers du lait et un
5 pour cent de l’offre mondiale cinquiùme de la viande de bƓuf produits
de lait. dans le monde.
v Les systĂšmes de pĂąturage intensifs se
situent dans les zones tempĂ©rĂ©es oĂč des SystĂšmes de production industriels
herbages et une production fourragĂšre Les systĂšmes industriels sont des systĂšmes
d’excellente qualitĂ© peuvent alimenter qui achĂštent au moins 90 pour cent de
un nombre beaucoup plus important leurs aliments pour animaux à d’autres
d’animaux. Ces zones, qui ont une entreprises. Ces systùmes sont intensifs pour
densité de population de moyenne à la plupart et souvent proches des grands
élevée, comprennent la plus grande centres urbains. Ils sont courants en Europe,
partie de l’Europe, l’AmĂ©rique du en AmĂ©rique du Nord, dans certaines
Nord, l’AmĂ©rique du Sud, des parties rĂ©gions de l’Asie de l’Est et du Sud-Est,
de l’OcĂ©anie et de la zone tropicale en AmĂ©rique latine et au Proche-Orient.
humide. Ces systÚmes sont axés sur les Les systÚmes industriels sont souvent axés
bovins (vaches laitiĂšres et bƓufs) Ă©levĂ©s sur une seule espĂšce (bƓuf, porc, volaille)
principalement dans une exploitation alimentée par des céréales ou des coproduits
individuelle. Ils représentent prÚs de industriels acquis auprÚs de fournisseurs
17 pour cent de la production mondiale extérieurs. Ils représentent un peu plus des
de viande de bƓuf et de veau, une part deux tiers de la production mondiale de
équivalente de la production mondiale viande de volaille, un peu moins des deux
de viande d’ovins et 7 pour cent de la tiers de la production d’Ɠufs et plus de la
production mondiale de lait. moitié de la production mondiale de porc.
Leur importance est moindre en ce qui
SystĂšmes agricoles mixtes concerne la production de ruminants. Ces
Dans les systÚmes agricoles mixtes, la culture systÚmes sont parfois décrits «hors sol» parce
et l’élevage sont des activitĂ©s liĂ©es. Il s’agit de que les animaux sont physiquement sĂ©parĂ©s
systĂšmes dans lesquels plus de 10 pour cent des terres fourragĂšres sur lesquelles ils
de la matiùre sùche qui alimente les animaux s’alimentent habituellement. On notera que
proviennent de sous-produits végétaux ou de prÚs de 33 pour cent des terres cultivables
chaumes, ou dans lesquels plus de 10 pour mondiales sont utilisées pour produire des
cent de la valeur totale de la production est aliments pour animaux (Steinfeld et al.,
issue d’activitĂ©s agricoles qui ne sont pas liĂ©es 2006); le terme «hors sol» est donc quelque
Ă  l’élevage. peu trompeur.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

29
exemple dans des installations comme les
Transformation des systÚmes abattoirs et les unités de transformation des
d’élevage produits laitiers. La production de viande
de volaille est l’exploitation qui peut ĂȘtre la
La demande croissante de produits de plus facilement mécanisée, et des formes de
l’élevage et l’évolution technologique ont production industrielle de viande de volaille
profondĂ©ment bouleversĂ© les systĂšmes sont apparues mĂȘme dans les pays les moins
d’élevage, en particulier la structure des avancĂ©s. En revanche, la production laitiĂšre
domaines les plus modernes du secteur ne permet pas d’économies d’échelle aussi
de la production animale dans les pays importantes à cause de ses besoins élevés
dĂ©veloppĂ©s et certaines rĂ©gions du monde en de main-d’Ɠuvre. En ce qui concerne la
développement. La dimension moyenne des production laitiÚre et de viande de petits
unitĂ©s de production primaire a rapidement ruminants, les coĂ»ts de production d’une
augmenté et, dans de nombreuses régions petite exploitation sont souvent comparables
du monde, leur concentration a entraßné à ceux des entreprises à grande échelle, en
l’apparition d’exploitations plus grandes et gĂ©nĂ©ral parce que la main-d’Ɠuvre, issue de
moins nombreuses, souvent mieux placées la famille, est souvent payée en dessous du
pour proïŹter des progrĂšs techniques et salaire minimum.
des Ă©conomies d’échelle que permettent L’organisation de la production animale
notamment la génétique moderne, a des conséquences sur la maniÚre dont le
les aliments composés ou une gestion secteur interagit avec la base de ressources
industrielle, en particulier dans la production naturelles et sur la gestion des maladies
de viande de porc ou de volaille. animales et des risques pour la santé
La demande mondiale de viande animale humaine. La transformation structurelle
a été en grande partie satisfaite par la du secteur peut avoir une incidence sur les
production industrialisĂ©e. Les grandes unitĂ©s moyens d’existence, notamment dans les
de production ont un avantage comparatif zones rurales. La question de savoir si les
décisif sur les unités plus petites dans un petits exploitants peuvent tirer parti de la
marchĂ© de plus en plus mondialisĂ©. Il existe demande croissante de produits de l’élevage
plusieurs raisons Ă  cela. PremiĂšrement, la et dans quelle mesure ils en ont proïŹtĂ©
concentration du secteur des intrants et de effectivement est un facteur important qui
la transformation ainsi que l’intĂ©gration doit ĂȘtre pris en compte dans les efforts
verticale conduisent Ă  une augmentation dĂ©ployĂ©s pour dĂ©velopper l’élevage.
de la dimension des exploitations. Les
grands intégrateurs préfÚrent traiter avec Des petits systÚmes mixtes aux systÚmes
les grandes unitĂ©s de production. À court spĂ©cialisĂ©s Ă  grande Ă©chelle
terme, l’agriculture contractuelle peut Le secteur de l’élevage moderne est
proïŹter aux petits exploitants mais Ă  long caractĂ©risĂ© par des exploitations de grandes
terme les intĂ©grateurs prĂ©fĂšrent s’entendre dimensions s’appuyant sur une utilisation
avec quelques grands producteurs au intensive d’intrants, de techniques et de
lieu de contractualiser un grand nombre capital, une spĂ©cialisation accrue d’unitĂ©s
de petits producteurs. Il s’agit lĂ  d’un de production axĂ©es sur un produit et un
phénomÚne courant dans la production remplacement progressif des intrants non
de viande de volaille et de porc, parce que commercialisés par des intrants achetés
les transformateurs exigent de grandes auprĂšs de fournisseurs externes, locaux ou
quantitĂ©s de produits d’une qualitĂ© internationaux. La mĂ©canisation remplace
constante. L’encadrĂ© 3 examine l’incidence de le travail humain, qui est utilisĂ© comme
la coordination des chaĂźnes de valeur sur les une source de connaissances techniques
systĂšmes de production animale. et un moyen de gestion. Le passage Ă 
Les Ă©conomies d’échelle peuvent des systĂšmes de production modernes a
concerner différents produits, à divers fait reculer les systÚmes de culture mixtes
stades du processus de production. Elles sont intégrés, progressivement remplacés
potentiellement élevées dans des secteurs par des entreprises spécialisées. Dans ce
en aval du processus de production, par processus, le secteur de l’élevage n’est
30 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 3
La coordination dans les chaĂźnes de valeur pour la production animale

Les ïŹliĂšres commerciales des produits entre l’industrie fourragĂšre et les Ă©levages
de l’élevage – en particulier pour la commerciaux.
viande – sont trĂšs complexes. Cette L’intĂ©gration verticale suppose un
complexité débute au moment de la degré de coordination plus étroit et
production, elle-mĂȘme tributaire d’une se produit lorsque deux ou plusieurs
chaüne d’approvisionnement en aliments segments successifs de la chaüne
fourragers qui doit garantir l’offre d’approvisionnements alimentaires sont
d’intrants sĂ»rs en temps opportun. Elle contrĂŽlĂ©s et effectuĂ©s par une mĂȘme
continue lors du traitement et de la vente entreprise. Dans les cas extrĂȘmes, toute
au dĂ©tail; les Ă©tapes sont nombreuses la chaĂźne peut ĂȘtre intĂ©grĂ©e. Parmi les
et les produits d’origine animale sont exemples de cette intĂ©gration verticale
souvent plus pĂ©rissables que les aliments ïŹgurent les sociĂ©tĂ©s qui unissent les
issus des cultures. L’interdĂ©pendance qui producteurs et les acheteurs. Les sociĂ©tĂ©s
s’instaure entre les opĂ©rateurs de la ïŹliĂšre de conditionnement possĂšdent souvent
pour les produits animaux exige une des élevages porcins et des parcs
coordination particuliùrement rigoureuse, d’engraissement de bovins tandis que les
bien plus que pour les transactions producteurs laitiers peuvent produire leurs
commerciales en espĂšces. propres fourrages au lieu de les acheter.
Les sociĂ©tĂ©s d’une ïŹliĂšre Lorsque l’intĂ©gration est verticale, les
d’approvisionnement alimentaire transferts de produits sont dĂ©terminĂ©s
peuvent mettre en place des mécanismes davantage par des décisions internes que
de coordination verticale tels que des par le jeu du marché.
contrats, des licences et des alliances La coordination horizontale peut
stratĂ©giques permettant de gĂ©rer les aussi s’avĂ©rer nĂ©cessaire pour de
relations avec leurs fournisseurs et clients. bonnes performances dans la ïŹliĂšre
Les opĂ©rateurs d’un mĂȘme segment de d’approvisionnement. Les transformateurs
la ïŹliĂšre peuvent Ă©tablir des relations peuvent rĂ©duire les coĂ»ts de transaction
horizontales sous forme de groupements en traitant avec une seule organisation
ou de coopératives pour gérer les de producteurs, une coopérative par
transactions en amont et en aval et assurer exemple, au lieu d’avoir affaire à
la qualité des produits. une myriade de petites exploitations.
Les contrats sont la modalitĂ© la plus L’organisation en coopĂ©ratives prĂ©sente
courante de coordination verticale. Chez trois avantages potentiels pour les
les producteurs primaires, les contrats agriculteurs: la conclusion d’arrangements
permettent d’établir des relations pour la vente de la production fermiĂšre
d’affaires plus sĂ»res avec les partenaires, Ă  des entreprises en aval; l’échange
non seulement pour garantir le prix de d’informations avec les partenaires de la
la transaction d’achat ou de vente, ce qui ïŹliĂšre alimentaire et leur diffusion parmi
rĂ©duit les risques liĂ©s aux marchĂ©s, mais les agriculteurs; et la fourniture d’avis aux
aussi pour spĂ©ciïŹer les quantitĂ©s et la producteurs sur les critĂšres Ă  suivre pour
qualité. Du point de vue du contractant/ assurer la qualité de la matiÚre premiÚre.
acheteur, les contrats permettent des Dans bon nombre de pays parmi les
liens beaucoup plus étroits avec les moins avancés, les coopératives sont un
agriculteurs et peuvent offrir un contrĂŽle dispositif essentiel qui permet aux petits
accru sur les décisions de production producteurs de rester en activité, voire de
de ces derniers. Les contrats de vente ne pas tomber dans la pauvreté.
peuvent ĂȘtre stipulĂ©s avec des entreprises
de traitement en aval, telles que des
sociétés de conditionnement, tandis que
les accords en amont peuvent intervenir Source: Adapté de Frohberg, 2009.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

31
TABLEAU 8
Utilisation d’aliments concentrĂ©s par rĂ©gion, 1980 et 2005

RÉGION/GROUPE DE PAYS/PAYS TOTAL DES ALIMENTS CONCENTRÉS

1980 2005
(Millions de tonnes)

PAYS DÉVELOPPÉS 668,7 647,4

Pays Ă  Ă©conomie anciennement planiïŹĂ©e 296,5 171,9

Autres pays développés 372,2 475,4

PAYS EN DÉVELOPPEMENT 239,6 602,7

Asie de l’Est et du Sud-Est 113,7 321,0

Chine 86,0 241,4

Reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est 27,7 79,6

Amérique latine et Caraïbes 64,3 114,1

Brésil 33,4 54,9

Reste de l’AmĂ©rique latine et des CaraĂŻbes 30,9 59,3

Asie du Sud 20,9 49,7

Inde 15,5 37,1

Reste de l’Asie du Sud 5,4 12,6

Proche-Orient et Afrique du Nord 25,8 70,1

Afrique subsaharienne 15,0 47,6

MONDE 908,4 1 250,1

Source: FAO, 2009b.

plus multifonctionnel mais centrĂ© sur L’usage d’aliments concentrĂ©s pour animaux
un produit. L’importance des fonctions dans les pays en dĂ©veloppement a plus que
traditionnellement importantes de l’élevage doublĂ© entre 1980 et 2005 (tableau 8). En
décroßt, comme la fourniture de traction 2005, au total, 742 millions de tonnes de
animale et de fumier, qui sont des actifs cĂ©rĂ©ales ont Ă©tĂ© absorbĂ©es par l’élevage,
et une assurance tout en assumant des soit prĂšs d’un tiers de la rĂ©colte mondiale de
fonctions socioculturelles. La production céréales et une part encore plus grande de
animale ne fait plus partie des systÚmes céréales secondaires (tableau 9).
de production intĂ©grĂ©s, fondĂ©s sur des La prĂ©dominance d’aliments concentrĂ©s
ressources locales et des produits non signiïŹe que la production animale ne dĂ©pend
alimentaires servant d’intrants pour d’autres plus de la disponibilitĂ© locale d’aliments pour
activités productives du systÚme. animaux et des ressources naturelles qui en
sont à l’origine. L’impact de la production
Des pĂąturages aux aliments concentrĂ©s sur les ressources naturelles n’est donc plus
pour animaux en partie associé au lieu de production et il
La production animale, Ă  mesure qu’elle croĂźt est transfĂ©rĂ© lĂ  oĂč les aliments pour animaux
et s’intensiïŹe, dĂ©pend de moins en moins des sont produits.
aliments pour animaux disponibles localement L’utilisation accrue d’aliments concentrĂ©s
et de plus en plus des aliments concentrés explique la croissance rapide de la
pour animaux qui sont commercialisés aux production de monogastriques, notamment
plans local et international. On passe donc la volaille. Lorsque l’élevage ne dĂ©pend plus
d’une utilisation de pĂąturages de qualitĂ© des ressources locales ou des dĂ©chets d’autres
mĂ©diocre (rĂ©sidus de culture et pĂąturages activitĂ©s pour l’alimentation animale, le
naturels) Ă  une utilisation de coproduits et de rythme auquel les aliments pour animaux
concentrĂ©s agro-industriels de qualitĂ© Ă©levĂ©e. sont transformĂ©s en produits d’origine
32 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

TABLEAU 9
Utilisation d’aliments concentrĂ©s par groupe de produits, 2005

GROUPE DE PRODUITS UTILISATION D’ALIMENTS CONCENTRÉS EN 2005

Pays en développement Pays développés Monde

(Millions de tonnes)

Céréales 284,2 457,7 741,9

Sons 71,2 34,5 105,7

Légumes secs 6,8 7,3 14,2

Oléagineux 13,4 14,3 27,6

Tourteaux 113,2 101,7 214,9

Racines et tubercules 111,2 30,8 142,0

Farine de poisson 2,7 1,1 3,8

Total 602,7 647,4 1 250,1

Source: FAO, 2009b.

animale devient un facteur critique de traduisent par une forte demande d’aliments
l’efïŹcience Ă©conomique de la production. À d’origine animale. Ils sont initialement
cet égard, les monogastriques, qui ont un proches des villes et des agglomérations
meilleur taux de conversion des aliments urbaines. Les produits de l’élevage sont en
pour animaux, ont un avantage distinct sur effet parmi les denrées les plus périssables,
les ruminants. et leur conservation sans congélation et
transformation pose des risques graves pour
D’une production dispersĂ©e Ă  une la santĂ© humaine et la qualitĂ©. Les animaux
production concentrĂ©e d’élevage doivent donc ĂȘtre proches du
La consolidation des activités liées à la lieu de la demande. Par la suite, grùce
production animale, notamment celles qui au développement des infrastructures et
sont associées aux monogastriques, a eu un des techniques de transport des intrants
impact sur la géographie des populations et de transformation et de conservation
animales et de la production. des produits, la production animale peut
Lorsque la production animale Ă©tait s’éloigner des pĂŽles de la demande, sous
fondĂ©e sur les ressources alimentaires l’effet de certains facteurs comme la
disponibles localement, comme les réduction des prix de la terre et de la main-
pñturages naturels et les sous-produits d’Ɠuvre, l’accùs aux aliments pour animaux,
des cultures, la distribution des ruminants des normes environnementales moins
Ă©tait dĂ©terminĂ©e en grande partie par rigoureuses, des incitations ïŹscales ou des
la disponibilité de ces ressources. La lieux moins sensibles aux pathogénies.
distribution des porcs et de la volaille D’un point de vue gĂ©ographique, la
était trÚs proche de celles des populations production animale est donc désormais
humaines parce que ces animaux jouaient composée de centres de production, de
leur rĂŽle de convertisseurs de dĂ©chets. centres de transformation et d’infrastructures
L’utilisation croissante d’aliments achetĂ©s Ă  de soutien logistique reliĂ©s entre eux, situĂ©s Ă 
l’extĂ©rieur de l’exploitation, en particulier proximitĂ© les uns des autres et fonctionnant
les concentrĂ©s, a rĂ©duit l’importance de maniĂšre coordonnĂ©e. Ces changements
des conditions agroécologiques en tant de la structure de la production ont été
que facteur déterminant. Elles ont été accompagnés par une augmentation de la
remplacées par des facteurs comme le coût dimension des abattoirs et des usines de
d’opportunitĂ© de la terre et l’accĂšs aux transformation, qui sont de plus en plus
marchés des intrants et des produits. situés dans la zone de production.
Les grands opérateurs apparaissent Dans les systÚmes de production
lorsque l’urbanisation, la croissance traditionnels, mixtes ou pastoraux, des
économique et la hausse des revenus se produits non alimentaires comme le fumier
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

33
sont des intrants importants dans d’autres et de l’urbanisation. Le potentiel de
activités de production. La concentration développement de la demande de
signiïŹe que ces produits sont souvent produits de l’élevage est trĂšs grand, ce
considĂ©rĂ©s comme des dĂ©chets qui doivent qui prĂ©sente des dĂ©ïŹs dans l’utilisation
ĂȘtre Ă©liminĂ©s. En outre, la concentration efïŹcace des ressources naturelles,
croissante d’animaux, souvent proches des la gestion des risques pour la santĂ©
grands centres urbains, peut aggraver les animale et humaine, l’attĂ©nuation de la
problÚmes liés aux maladies animales et aux pauvreté et la réalisation de la sécurité
risques pour la santé humaine. alimentaire.
v La demande croissante de produits
de l’élevage et la mise en Ɠuvre des
DĂ©ïŹs liĂ©s Ă  la croissance constante changements technologiques dans
du secteur de l’élevage l’ensemble de la chaĂźne alimentaire ont
profondĂ©ment modiïŹĂ© certains systĂšmes
La demande croissante de produits de de production animale. Les systĂšmes de
l’élevage et l’augmentation constante production mixtes de petites dimensions
de leur production ont des conséquences sont aux prises avec la concurrence
à long terme importantes dans trois accrue de vastes unités de production
domaines, qui exigent d’ĂȘtre examinĂ©es. Elles spĂ©cialisĂ©es qui s’appuient sur des
supposent un accroissement de la pression intrants achetés auprÚs de fournisseurs
sur les ressources naturelles mondiales, extérieurs. Ces tendances sont autant de
car la demande d’aliments pour animaux dĂ©ïŹs Ă  relever pour les petits exploitants
augmente, et la production animale est de et ont des conséquences sur la capacité
plus en plus découplée de la base locale des du secteur à réduire la pauvreté.
ressources naturelles. Elles ont une incidence v Le passage des systĂšmes de production
sur la santé animale et humaine à mesure mixtes de petites dimensions, fondés
que les populations et la concentration sur des ressources disponibles
humaines et animales augmentent, parce localement, Ă  des systĂšmes industriels
que certains agents migrent facilement entre de grandes dimensions, a déplacé les
espĂšces. EnïŹn, les rĂ©percussions sociales sur lieux d’implantation des unitĂ©s de
les petits exploitants, dont les possibilitĂ©s production animale. À mesure que les
d’approvisionner de nouveaux marchĂ©s sont contraintes liĂ©es Ă  la disponibilitĂ© locale
limitĂ©es et posent de graves dĂ©ïŹs en matiĂšre des ressources naturelles sont levĂ©es,
de politiques. la distribution spatiale des unités de
Le développement rapide et continu du production animale ressemble de plus en
secteur de l’élevage illustre les problĂšmes plus Ă  des pĂŽles fonctionnant de maniĂšre
critiques qui se posent pour l’avenir du interconnectĂ©e tout au long de la chaĂźne
secteur. Les gouvernements nationaux et d’approvisionnement, ce qui a augmentĂ©
la communautĂ© internationale doivent l’efïŹcacitĂ© de la production tout en
impĂ©rativement les prendre en compte crĂ©ant des problĂšmes liĂ©s Ă  l’usage des
et s’efforcer notamment de maütriser le ressources naturelles.
potentiel de croissance de la demande v La concentration croissante de la
de produits de l’élevage pour attĂ©nuer la production et du commerce pose de
pauvretĂ© et amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© alimentaire, nouveaux dĂ©ïŹs Ă  relever en matiĂšre de
d’accroütre la gestion durable des ressources gestion des maladies animales.
naturelles et de renforcer les activités liées à
la gestion des maladies animales.

Principaux messages de ce chapitre

v Le secteur de l’élevage est important et


croĂźt rapidement dans un certain nombre
de pays en développement, grùce à la
croissance des revenus, de la population
34 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

3. Élevage, sĂ©curitĂ© alimentaire


et réduction de la pauvreté

De tous les secteurs de l’économie agricole, Ă  rester compĂ©titifs. Ces changements


l’élevage est celui qui enregistre la plus doivent par ailleurs ĂȘtre gĂ©rĂ©s avec prudence
forte croissance. La hausse constante de pour garantir aux femmes et aux hommes
la demande en produits laitiers et carnĂ©s les mĂȘmes opportunitĂ©s dans un secteur
dans le monde en développement pose la en mutation rapide. Les réformes des
question de savoir comment et par qui cette politiques, le soutien institutionnel ainsi
demande pourra ĂȘtre satisfaite. Certains que les investissements publics et privĂ©s
sous-secteurs, en particulier la production sont absolument nécessaires et urgents
avicole et porcine, ont connu une Ă©volution pour i) aider ces petits exploitants Ă  ĂȘtre
similaire à celle observée dans les pays compétitifs sur les nouveaux marchés,
dĂ©veloppĂ©s, oĂč la production est dominĂ©e ii) accompagner ceux qui se dĂ©sengageront
par des unités opérant à grande échelle. du secteur et, iii) préserver la fonction cruciale
Cette tendance, si elle devait s’étendre Ă  que remplit l’élevage pour les mĂ©nages les
l’ensemble du secteur de la production plus vulnĂ©rables, en tant que ïŹlet de sĂ©curitĂ©.
animale, aurait d’importantes rĂ©percussions L’augmentation de la productivitĂ© agricole
sur la réduction de la pauvreté et la sécurité est cruciale pour la croissance économique,
alimentaire. Jusqu’ici, la transformation du la rĂ©duction de la pauvretĂ© et la sĂ©curitĂ©
secteur s’est opĂ©rĂ©e largement en l’absence alimentaire. Des dĂ©cennies de recherche
de politiques sectorielles spĂ©ciïŹques; il Ă©conomique ont conïŹrmĂ© les effets positifs
importe de combler cette lacune pour de la hausse de la productivité agricole
s’assurer que l’élevage contribue au sur les mĂ©nages pauvres Ă  trois niveaux:
développement équitable et durable. baisse des prix alimentaires pour les
Malgré les changements structurels rapides consommateurs, hausse des revenus pour
intervenus dans certains sous-secteurs, la les producteurs et effet d’entraünement de
production animale reste dominĂ©e par les la croissance sur l’ensemble de l’économie Ă 
petites exploitations dans de nombreux mesure que la demande en biens et services
pays en dĂ©veloppement. L’élevage peut augmente (Alston et al., 2000). De tous
ĂȘtre une source de revenus, de produits les secteurs de l’économie, la croissance
alimentaires de qualité, de combustible, de agricole est celle qui contribue le plus
force de travail (traction), de matériaux de fortement à faire reculer la pauvreté (Thirtle
construction et d’engrais, contribuant ainsi et al., 2001; Datt et Ravallion, 1998; Gallup,
aux moyens d’existence des mĂ©nages, Ă  la Radelet et Warner, 1997; Timmer, 1988).
sécurité alimentaire et à la nutrition. La forte Selon des travaux récents, il semblerait
demande en produits alimentaires d’origine que la croissance du secteur de l’élevage
animale et les systÚmes de transformation peut également stimuler la croissance de
et de commercialisation de plus en plus l’ensemble de l’économie (Pica, Pica-Ciamarra
complexes offrent de réelles possibilités de et Otte, 2008) et que les petits exploitants
croissance et de réduction de la pauvreté ont leur part dans ce phénomÚne (Delgado,
Ă  tous les stades de la ïŹliĂšre. Face Ă  ces Narrod et Tiongco, 2008). Toutefois, il
nouvelles perspectives de commercialisation importe au prĂ©alable d’aborder un certain
et de revenus alternatifs, les conditions nombre de questions et dĂ©ïŹs majeurs pour
de la concurrence, les préférences des pouvoir exploiter pleinement et inscrire
consommateurs et les normes commerciales dans la durĂ©e le potentiel de l’élevage
évoluent rapidement, ce qui pourrait à promouvoir la croissance et réduire la
entamer la capacité des petits agriculteurs pauvreté.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

35
Le prĂ©sent chapitre analyse le rĂŽle s’étendent trĂšs au-delĂ  de la production
de l’élevage sous l’angle de la sĂ©curitĂ© animale destinĂ©e Ă  la vente ou Ă  la
alimentaire et des moyens d’existence des consommation directe.
hommes et des femmes qui vivent dans la L’élevage remplit d’autres fonctions tout
pauvretĂ©. Il traite Ă©galement du potentiel aussi importantes: il est source d’emplois
de ce secteur à devenir un moteur de la pour l’agriculteur et les membres de sa
croissance, à faire reculer la pauvreté et famille (Sansoucy, 1995); un moyen de
à promouvoir la sécurité alimentaire à thésaurisation (CAST, 2001); et une forme
long terme pour les personnes les plus d’assurance (Fafchamps et Gavian, 1997); il
vulnĂ©rables. Il dĂ©taille les conditions favorise l’égalitĂ© entre les sexes en crĂ©ant
nécessaires pour que les petits exploitants des opportunités pour les femmes; il permet
puissent s’appuyer sur l’élevage pour le recyclage des dĂ©chets et rĂ©sidus de rĂ©colte
s’extraire de la pauvretĂ©. ou de l’agro-industrie (Ke, 1998; Steinfeld,
Les politiques visant ce secteur doivent 1998); il contribue Ă  l’amĂ©lioration de la
prendre en compte les disparités entre les structure et de la fertilité des sols (de Wit,
producteurs en termes de capacité à van de Meer et Nell, 1997); et il participe à
intĂ©grer des ïŹliĂšres industrialisĂ©es la lutte contre les ravageurs (Pelant et al.,
modernes, capacité qui est souvent 1999).
dĂ©terminĂ©e par les questions de paritĂ© entre Les dĂ©chets de l’élevage peuvent
les sexes et autres facteurs socioculturels; aussi servir de source d’énergie pour la
elles doivent aussi reconnaßtre la fonction préparation des aliments et à ce titre
cruciale que remplit l’élevage pour de contribuer Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire. Les
nombreux petits agriculteurs en tant que rĂ©sidus de l’élevage peuvent aussi servir
ïŹlet de sĂ©curitĂ©. comme source d’énergie pour cuisiner,
contribuant ainsi à la sécurité alimentaire.
L’élevage a aussi une dimension culturelle:
Élevage et moyens d’existence la possession de bĂ©tail peut ĂȘtre Ă  la base
de rites religieux (Horowitz, 2001; Ashdown,
L’élevage est un moyen d’existence 1992; Harris, 1978) ou reïŹ‚Ă©ter le statut
essentiel pour les plus pauvres. Il fait partie social de l’agriculteur (Birner, 1999). Les
intĂ©grante des systĂšmes de production fonctions non marchandes de l’élevage
mixtes, en contribuant Ă  l’augmentation de peuvent varier d’une rĂ©gion Ă  l’autre dans
la productivitĂ© sur la ferme et en assurant un mĂȘme pays, et bien entendu d’un pays Ă 
une source stable d’aliments et de revenus l’autre. Elles sont aussi susceptibles d’évoluer
pour les ménages. Toutefois, son rÎle et sa avec le temps, en fonction de la situation
contribution dans les pays en développement économique des éleveurs.

TABLEAU 10
Nombre et emplacement des éleveurs pauvres par catégorie et zone agro-écologique

ZONE AGRO-ÉCOLOGIQUE CATÉGORIE D’ÉLEVEURS

Pasteurs pratiquant un Fermiers pauvres Éleveurs sans-terre1


systĂšme extensif pratiquant un systĂšme
mixte pluvial
(Millions)

Aride ou semi-aride 87 336 ns

Tempérée (y compris les


régions montagneuses 107 158 107
tropicales)
Humide, subhumide et ns 192 ns
subtropicale
1
Personnes dans les ménages sans terre qui gardent le bétail: systÚme de production non industriel sans terre.
Note: ns = non signiïŹant
Source: Livestock in Development, 1999.
36 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

TABLEAU 11
Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, part des revenus provenant du
bĂ©tail et nombre de bĂȘtes par mĂ©nage par pays
PART DES PART DES PART DE LA NOMBRE
MÉNAGES REVENUS ISSUE PRODUCTION DE BÊTES
PAYS ET ANNÉE RURAUX DU BÉTAIL1 ANIMALE DÉTENUES PAR
POSSÉDANT DU VENDUE LES MÉNAGES
BÉTAIL RURAUX1

(Pourcentage) (UBT2)

Afrique

Ghana (1998) 50 4,4 23 0,7

Madagascar (1993) 77 13,2 47 1,6

Malawi (2004) 63 9,4 9 0,3

Nigéria (2004) 46 4,3 27 0,7

Asie

Bangladesh (2000) 62 6,8 28 0,5

Népal (1996) 88 17,7 41 1,7

Pakistan (2001) 47 11,4 nd nd

Viet Nam (1998) 82 14,8 62 1,1

Europe orientale

Albanie (2005) 84 23,3 59 1,5

Bulgarie (2001) 72 12,0 4 0,5

Amérique latine

Équateur (1995) 84 3,4 27 2,8

Guatemala (2000) 70 2,6 18 0,9

Nicaragua (2001) 55 14,3 14 2,1

Panama (2003) 61 2,0 17 2,0


Moyenne des pays 60 9,8 35 0,8
ci-dessus3
1
Comprend tous les mĂ©nages ruraux dans les Ă©chantillons, qu’ils possĂšdent des bĂȘtes ou non.
2
Le nombre de bĂȘtes est comptabilisĂ© Ă  l’aide de l’unitĂ© de bĂ©tail tropical (UBT), qui est l’équivalent d’un animal de
250 kg. Cette Ă©chelle varie seolon les rĂ©gions. Par exemple, en AmĂ©rique du Sud, l’échelle est comme suit: 1 bovin =
0,7 UBT, 1 cochon = 0,2, 1 mouton = 0,1, et 1 poulet = 0,01.
3
Moyenne pondérée totale par population rurale.
Note: nd = non disponible.
Source: FAO, 2009a.

Le nombre de pauvres dont les moyens base de données de la FAO sur les activités
d’existence reposent sur l’élevage n’est rurales gĂ©nĂ©ratrices de revenus (RIGA) (FAO,
pas connu avec certitude, mais l’estimation 2009a), qui recueille les donnĂ©es issues
la plus frĂ©quemment avancĂ©e fait Ă©tat de d’enquĂȘtes sur les mĂ©nages reprĂ©sentatives Ă 
987 millions (Livestock in Development, l’échelle nationale et provenant de 14 pays,
1999), soit environ 70 pour cent des indique que 60 pour cent des ménages
ĂȘtres humains vivant dans une «pauvretĂ© ruraux possĂšdent du bĂ©tail (tableau 11).
extrĂȘme»2 dont le nombre est estimĂ© Ă  Les donnĂ©es correspondant aux 14 pays
1,4 milliard. Le tableau 10 détaille cette RIGA sont présentées par quintile de dépenses
estimation, ventilĂ©e par zone agroĂ©cologique ïŹgures 11-14. La possession de bĂ©tail concerne
et par type de systĂšme de production. La toutes les tranches de revenus chez les
mĂ©nages ruraux (ïŹgure 11). Dans un tiers
environ des pays de l’échantillon, les mĂ©nages
2
DĂ©ïŹnies comme celles dont la consommation est
plus pauvres pratiquent l’élevage davantage
inférieure à 1,25 USD par personne et par jour, mesurée
en paritĂ© de pouvoir d’achat par rapport Ă  2005, annĂ©e de que les mĂ©nages plus aisĂ©s. MalgrĂ© l’absence
référence. de relation établie entre niveau de revenu et
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

37
FIGURE 11
Pourcentage des ménages ruraux possédant du bétail, par quintiles de dépenses

Albanie
2005

Bangladesh
2000

Bulgarie
2001

Équateur
1995

Ghana
1998

Guatemala
2000

Madagascar
1993

Malawi
2004

Népal
1996

Nicaragua
2001

Nigéria
2004

Pakistan
2001

Panama
2003

Viet Nam
1998

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Pourcentage

QUINTILE DE DÉPENSES DES MÉNAGES

Les plus pauvres 20% 2 3 4 Les plus riches 20%

Source: FAO, 2009a.

Ă©levage, il apparaĂźt clairement que dans tous Malawi. MĂȘme s’il n’existe pas de tendance
les pays, mĂȘme les mĂ©nages les plus pauvres systĂ©matique, dans plusieurs pays les
possĂšdent du bĂ©tail. personnes pauvres tirent de l’élevage une
La part de l’élevage dans les revenus des part plus importante de leur revenu que les
ménages varie selon les pays et les niveaux ménages plus aisés.
de revenus (ïŹgure 12). InfĂ©rieure Ă  5 pour Bien que la plupart des mĂ©nages ruraux
cent pour un grand nombre de mĂ©nages, de l’échantillon RIGA Ă©lĂšvent du bĂ©tail, la
elle atteint plus de 45 pour cent pour taille moyenne de leur cheptel reste faible,
les ménages ayant un revenu moyen au entre 0,3 unité de bétail tropical (UBT) au
38 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

Malawi jusqu’à 2,8 en Équateur. La taille La part de la production animale destinĂ©e


des troupeaux tend Ă  ĂȘtre plus faible dans Ă  la vente, en termes de valeur, varie
les pays d’Afrique et d’Asie, et Ă  augmenter fortement selon les pays de l’échantillon,
dans les pays d’AmĂ©rique latine (ïŹgure 13). mais pas entre les quintiles de dĂ©penses
En outre, bien que la proportion de (ïŹgure 14). Il ne semble pas exister de
ménages possédant du bétail ne semble pas corrélation entre le niveau de revenu et la
clairement liée au niveau de revenus, la taille part de la production animale destinée à la
moyenne des cheptels semble augmenter en vente. Dans plusieurs cas, cette derniĂšre est
proportion de la richesse dans 8 des 14 pays. plus faible pour les quintiles de dépenses

FIGURE 12
Part des revenus de l’élevage au sein des mĂ©nages ruraux, par quintile de dĂ©penses

Albanie
2005

Bangladesh
2000

Bulgarie
2001

Équateur
1995

Ghana
1998

Guatemala
2000

Madagascar
1993

Malawi
2004

Népal
1996

Nicaragua
2001

Nigéria
2004

Pakistan
2001

Panama
2003

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Pourcentage

QUINTILE DE DÉPENSES DES MÉNAGES

Les plus pauvres 20% 2 3 4 Les plus riches 20%

Source: FAO, 2009a.


L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

39
inférieurs par rapport aux quintiles de Dans tous les pays considérés, les hommes
dépenses supérieurs, ce qui tendrait à sont plus nombreux que les femmes à
indiquer que le bétail est destiné à une posséder du bétail, et les ménages ayant
consommation personnelle dans le cas Ă  leur tĂȘte un homme ont plus de bĂ©tail
des mĂ©nages moins favorisĂ©s, alors qu’il que ceux dirigĂ©s par une femme. Cela est
représente une source de revenu monétaire particuliÚrement vrai dans le cas des grands
pour les mĂ©nages plus aisĂ©s. Cependant, animaux (bovins, bufïŹ‚es). Les disparitĂ©s
cette tendance n’est pas homogùne, plusieurs au niveau de la taille des troupeaux sont
pays présentant des situations différentes. particuliÚrement accusées au Bangladesh,

FIGURE 13
Nombre de bĂȘtes dĂ©tenues par les mĂ©nages ruraux, par quintiles de dĂ©penses

Albanie
2005

Bangladesh
2000

Bulgarie
2001

Équateur
1995

Ghana
1998

Guatemala
2000

Madagascar
1993

Malawi
2004

Népal
1996

Nicaragua
2001

Nigéria
2004

Panama
2003

Viet Nam
1998

0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0
Nombre de bĂȘtes

QUINTILE DE DÉPENSES DES MÉNAGES

Les plus pauvres 20% 2 3 4 Les plus riches 20%

Note: Le nombre de bĂȘtes est calculĂ© Ă  l’aide de l’unitĂ© de bĂ©tail tropical (UBT) qui est l’équivalent d’un animal de 250 kg
Cette Ă©chelle varie seolon les rĂ©gions. Par exemple, en AmĂ©rique du Sud, l’échelle est comme suit: 1 bovin = 0,7 UBT,
1 cochon = 0,2, 1 mouton = 0,1, et 1 poulet = 0,01.
40 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 14
Pourcentage de la production totale de bétail des ménages ruraux qui est vendu,
par quintile de dépenses

Albanie
2005

Bangladesh
2000

Bulgarie
2001

Équateur
1995

Ghana
1998

Guatemala
2000

Madagascar
1993

Malawi
2004

Népal
1996

Nicaragua
2001

Nigéria
2004

Panama
2003

Viet Nam
1998

0 10 20 30 40 50 60 70
Pourcentage

QUINTILE DE DÉPENSES DES MÉNAGES

Les plus pauvres 20% 2 3 4 Les plus riches 20%

Source: FAO, 2009a.

au Ghana, à Madagascar et au Nigéria, de la production avicole en Asie relÚve de


pays dans lesquels les mĂ©nages ayant un l’élevage domestique, et ce sont surtout
homme Ă  leur tĂȘte possĂšdent trois fois plus les femmes qui possĂšdent et Ă©lĂšvent des
de bétail que les ménages dirigés par une volailles. En Indonésie, la production
femme (Anríquez, à paraßtre). Toutefois, industrielle représente 3,5 pour cent de
dans le cas des petits animaux, volailles la production avicole, contre 64,3 pour
en particulier, les femmes jouent un rĂŽle cent en basse-cour. L’élevage domestique
beaucoup plus important. Une grande part contrÎlé par les femmes est aussi important
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

41
au Cambodge, en République démocratique ses quatre dimensions: disponibilité, accÚs,
populaire lao et au Viet Nam (FAO, 2004b). stabilité et utilisation.
Dans de nombreux autres pays et régions, La disponibilité renvoie à la disponibilité
les femmes possÚdent des volailles, en physique de denrées alimentaires en quantité
nombre parfois supĂ©rieur Ă  celles dĂ©tenues sufïŹsante en un lieu donnĂ©. Les denrĂ©es
par les hommes, et contrairement à d’autres sont disponibles grñce à la production
productions, sont libres de disposer des domestique, aux marchés locaux et aux
volailles qu’elles Ă©lĂšvent sans consulter importations. L’accĂšs recouvre la capacitĂ©
un homme. Le fait que les femmes soient des individus à acquérir des aliments. En
responsables de la production avicole dans effet, mĂȘme si l’approvisionnement physique
ces régions a des implications également en produits alimentaires est assuré dans
pour les programmes de lutte contre la une région donnée, ces produits ne sont
grippe aviaire. pas nécessairement accessibles si leur prix
Les donnĂ©es provenant de la base est trop Ă©levĂ© ou si le pouvoir d’achat
RIGA conïŹrment de maniĂšre gĂ©nĂ©rale les des populations locales est insufïŹsant.
observations antĂ©rieures. Delgado et al. L’élevage domestique et l’élevage extensif
(1999) ont analysĂ© 16 pays diffĂ©rents pour Ă  l’herbe, qui reposent sur l’utilisation
comparer la dépendance au revenu tiré des déchets et des terres impropres à la
de l’élevage des mĂ©nages «trĂšs pauvres» culture, contribuent indiscutablement Ă 
et «moins pauvres». Ils ont observé que la la disponibilité alimentaire. Les systÚmes
majoritĂ© des mĂ©nages ruraux pauvres d’élevage intensifs dĂ©crits au Chapitre 2
dépend dans une certaine mesure de sont une source importante de produits
l’élevage, mais que les «moins pauvres» carnĂ©s abordables pour les consommateurs
dépendent plus fortement des revenus urbains. Grùce à une utilisation rationnelle
tirĂ©s de l’élevage que les «trĂšs pauvres». des ressources, ils assurent une offre de
À l’inverse, Quisumbing et al. (1995) ont produits alimentaires abondants et à faible
constaté que, dans de nombreux cas, les coût, contribuant ainsi à la disponibilité des
pauvres tirent de l’élevage une part plus denrĂ©es et Ă  leur accĂšs. Ils sont appelĂ©s Ă 
importante de leur revenu que les riches jouer un rĂŽle de plus en plus important Ă 
parce qu’ils peuvent utiliser pour la pñture l’avenir, sachant que la demande en produits
des terres communales, et bĂ©nĂ©ïŹcier ainsi de de l’élevage continuera de croĂźtre dans les
coĂ»ts de production faibles. annĂ©es qui viennent. Dans le mĂȘme temps,
la hausse rapide de la demande en produits
carnĂ©s signiïŹe qu’un tiers de l’ensemble des
Élevage et sĂ©curitĂ© alimentaire terres cultivĂ©es est aujourd’hui consacrĂ© Ă  la
production fourragÚre. Toutes choses étant
La dĂ©nutrition demeure un problĂšme majeur Ă©gales par ailleurs, ce conïŹ‚it d’usage sur des
dans de nombreux pays en dĂ©veloppement. terres traditionnellement affectĂ©es Ă  d’autres
Les derniĂšres statistiques de la FAO (FAO, cultures est responsable de la hausse des prix
2009c) indiquent que prùs d’un milliard des produits alimentaires de base et pourrait
d’ĂȘtres humains dans le monde souffrent de avoir des effets nĂ©gatifs sur l’accĂšs aux
sous-alimentation. La sĂ©curitĂ© alimentaire denrĂ©es. Ce sujet fait l’objet de l’encadrĂ© 4.
se dĂ©ïŹnit comme l’accĂšs de tous les ĂȘtres La plupart des mĂ©nages ruraux, y
humains, à tout moment, à une alimentation compris les trÚs pauvres, élÚvent du
sĂ»re, nutritive et sufïŹsante leur permettant bĂ©tail. L’élevage contribue directement
de mener une vie saine et active. Le secteur Ă  la disponibilitĂ© alimentaire et Ă  l’accĂšs
de l’élevage est crucial pour la sĂ©curitĂ© des petits exploitants Ă  l’alimentation,
alimentaire, non seulement pour les petits souvent par des mécanismes complexes.
agriculteurs en milieu rural qui dépendent Les petits agriculteurs consomment parfois
directement de l’élevage pour leur directement leur production mais choisissent
alimentation et leurs revenus, mais aussi pour le plus souvent de vendre leurs Ɠufs ou
les consommateurs urbains, qui bĂ©nĂ©ïŹcient leur lait Ă  haute valeur ajoutĂ©e, pour
de denrĂ©es d’origine animale de qualitĂ© Ă  pouvoir acheter des produits de base d’un
un prix abordable. L’élevage joue un rĂŽle moindre coĂ»t. La contribution indirecte de
important dans la sĂ©curitĂ© alimentaire sous l’élevage Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire Ă  travers
42 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 4
Alimentation humaine et animale: les animaux d’élevage rĂ©duisent-ils
les disponibilités alimentaires pour la consommation humaine?

Il n’est pas rare d’entendre qu’il sufïŹrait, pas concurrence aux ĂȘtres humains pour
pour remĂ©dier Ă  la pĂ©nurie d’aliments qui l’alimentation, les excĂ©dents de cĂ©rĂ©ales
frappe les pauvres et les sous-alimentés, ne seraient pas pour autant disponibles
de rĂ©duire la demande d’aliments pour l’alimentation humaine; au contraire,
fourragers. En réalité la relation entre par effet de la demande réduite, une
demande en aliments pour animaux grande partie de ces quantités ne seraient
et sĂ©curitĂ© alimentaire est complexe et pas produites. Toutefois, si Ă  l’heure
comporte des aspects à la fois matériels et actuelle les besoins alimentaires des
Ă©conomiques. animaux d’élevage ne concurrencent pas
Chaque année, le bétail consomme directement ceux des sous-alimentés,
77 millions de tonnes de protéines ils contribuent à faire monter la
contenues dans des aliments fourragers demande globale, et par conséquent
qui sont potentiellement aptes Ă  la les prix, des cultures et des intrants
consommation humaine, alors que les agricoles. Ce phénomÚne, qui favorise
produits destinés à la consommation plutÎt les producteurs nets, pénalise les
humaine et issus de l’élevage n’en consommateurs nets (des villes comme des
fournissent que 58 millions. (Steinfeld et zones rurales).
al., 2006). En termes d’apport Ă©nergĂ©tique Un aspect important souvent ignorĂ©
alimentaire la perte relative est beaucoup est que les produits fourragers destinés
plus importante. Elle rĂ©sulte, certes, Ă  l’élevage jouent en faveur des
de la tendance récente à utiliser des objectifs de la sécurité alimentaire, en
aliments contenant davantage de produits tant que mécanisme régulateur des
concentrés pour nourrir les animaux, marchés nationaux et internationaux,
mais il ne faut pas tomber dans des utile en cas de pénurie alimentaire.
simpliïŹcations excessives ni oublier que Lors des prĂ©cĂ©dentes crises mondiales
les protĂ©ines d’origine animale sont des prix en 1974/75 et 1981/82, les
d’une qualitĂ© plus Ă©levĂ©e que celle des approvisionnements cĂ©rĂ©aliers ont
protéines fourragÚres dont se nourrissent chuté de maniÚre considérable. Le
les animaux. secteur de l’élevage, moyennant la
Du point de vue Ă©conomique, il contraction de l’offre en produits
faut savoir que la faim et l’insĂ©curitĂ© fourragers ou le passage Ă  d’autres
alimentaire ne dĂ©coulent pas en gĂ©nĂ©ral sources d’approvisionnement, a exercĂ©
d’une limitation de l’offre mais plutĂŽt une fonction rĂ©gulatrice efïŹcace, faisant
d’une dĂ©faillance de la demande en raison baisser la demande de cĂ©rĂ©ales. Un effet
d’un pouvoir d’achat insufïŹsant. Si par tampon similaire a Ă©tĂ© observĂ© lors de la
hypothĂšse le secteur de l’élevage ne faisait rĂ©cente crise alimentaire en 2007 et 2008.

l’élĂ©vation des revenus et la rĂ©duction de pas nĂ©cessairement par une meilleure


la pauvreté est centrale pour les efforts nutrition, selon que ce sont les hommes
de développement global. Il est par ou les femmes qui ont la maßtrise du
ailleurs essentiel de prendre en compte les revenu ainsi généré. La nutrition se trouve
différences entre les hommes et les femmes améliorée uniquement lorsque la hausse
en termes d’opportunitĂ©s d’emploi et de du revenu entraĂźne une alimentation plus
contraintes associĂ©es Ă  l’élevage dans le diversiïŹĂ©e. À long terme, il existe une
calcul de la contribution Ă©conomique de corrĂ©lation vĂ©riïŹĂ©e entre hausse du revenu
l’élevage pour les mĂ©nages individuels. et amĂ©lioration de la nutrition, mais Ă  court
La vente des produits de l’élevage permet terme une intervention des pouvoirs publics
aux familles disposant de faibles ressources peut s’avĂ©rer nĂ©cessaire pour promouvoir
d’augmenter leur revenu, mais ne se traduit une augmentation de la part des produits
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

43
d’origine animale dans l’alimentation des mais elle s’accompagne Ă©galement d’un
pauvres. prix Ă©conomique Ă©levĂ©: chez l’adulte, elle
La stabilité est la troisiÚme dimension de réduit la productivité et la performance
la sĂ©curitĂ© alimentaire. L’élevage contribue au travail, elle limite le dĂ©veloppement
à la stabilité de la sécurité alimentaire des du capital humain et entrave le potentiel
mĂ©nages ruraux en ce qu’il constitue un de croissance Ă©conomique des pays (FAO,
actif, un moyen de thésaurisation et un 2004a). La dénutrition peut aussi accroßtre la
ïŹlet de sĂ©curitĂ©. Le bĂ©tail peut servir de vulnĂ©rabilitĂ© des femmes, des hommes et des
garantie pour l’obtention d’un crĂ©dit, il peut enfants Ă  des infections comme le paludisme,
ĂȘtre vendu pour augmenter un revenu ou la tuberculose et le VIH/SIDA.
directement consommĂ© en pĂ©riode de crise, Les produits d’origine animale apportent
amortissant ainsi les chocs externes liés par des protéines de haute qualité et divers
exemple Ă  la blessure ou Ă  la maladie d’un micronutriments qu’il est difïŹcile de trouver
membre productif de la famille. Le bĂ©tail en quantitĂ© sufïŹsante dans des aliments
reprĂ©sente aussi une force de travail, une d’origine exclusivement vĂ©gĂ©tale. MĂȘme si
source d’engrais et un instrument de lutte des minĂ©raux essentiels comme le zinc et
contre les ravageurs dans le cas des systÚmes le fer sont aussi présents dans les céréales,
mixtes d’exploitation, contribuant ainsi Ă  la ils ont une faible biodisponibilitĂ© dans les
productivitĂ© globale de l’exploitation et donc aliments d’origine vĂ©gĂ©tale en raison de
Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire. la prĂ©sence d’inhibiteurs de l’absorption
La quatriĂšme dimension de la comme les phytates; ils ont une meilleure
sĂ©curitĂ© alimentaire – l’utilisation – est biodisponibilitĂ© dans les produits d’origine
particuliĂšrement importante dans le cas animale.
des produits de l’élevage et des aliments La vitamine A, la vitamine B12, la
d’origine animale. La recherche conïŹrme riboïŹ‚avine, le calcium, le fer et le zinc sont
que ces produits sont une excellente six éléments nutritifs peu présents dans une
source de protéines de haute qualité et alimentation essentiellement végétarienne et
de micronutriments essentiels tels que la fournis par les produits d’origine animale. Les
vitamine B et des oligo-éléments hautement problÚmes de santé associés à des carences
biodisponibles3 tels que le fer et le zinc. Cette de ces nutriments incluent l’anĂ©mie, les
«biodisponibilité» revĂȘt une importance retards de croissance, l’altĂ©ration de la vision
particuliÚre pour les mÚres et les jeunes et la cécité, le rachitisme, les altérations des
enfants, qui ont du mal Ă  trouver dans performances cognitives et le risque accru de
une alimentation d’origine vĂ©gĂ©tale les morbiditĂ© et de mortalitĂ© liĂ©es aux maladies
micronutriments qui leur sont nécessaires. infectieuses, en particulier chez le nourrisson
La consommation en petites quantitĂ©s de et l’enfant. Les produits d’origine animale
produits d’origine animale apporte les sont une source particuliùrement riche de
éléments nutritifs essentiels nécessaires à la ces six nutriments, et leur consommation
santé maternelle et au bon développement en quantité relativement faible, conjuguée
physique et mental des jeunes enfants. à une alimentation végétarienne, peut
amĂ©liorer notablement l’état nutritionnel.
Élevage et nutrition La haute teneur en nutriments des
L’incidence nĂ©gative d’une mauvaise produits d’origine animale offre par ailleurs
nutrition sur la croissance et le un avantage particulier dans le cadre des
développement mental des enfants est interventions alimentaires ciblant des
bien documentée et inclut notamment les groupes vulnérables comme les nourrissons,
retards de croissance et le risque accru de les enfants et les personnes atteintes du VIH/
maladies infectieuses, de morbiditĂ© et de SIDA, qui peuvent avoir des difïŹcultĂ©s Ă 
mortalitĂ©. À terme, la dĂ©nutrition entrave ingĂ©rer les grandes quantitĂ©s de nourriture
le développement cognitif et les résultats nécessaires pour répondre à leurs besoins
scolaires. La dénutrition est non seulement nutritionnels.
inacceptable d’un point de vue moral, Les donnĂ©es disponibles indiquent
que, dans les pays les plus pauvres, oĂč les
3
La biodisponibilitĂ© se dit de l’absorption et de l’utilisation carences en micronutriments sont les plus
d’un nutriment par l’organisme. rĂ©pandues, une augmentation modĂ©rĂ©e
44 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

de la consommation de produits d’origine incidence nĂ©gative sur la santĂ©, du type


animale permettrait d’amĂ©liorer la qualitĂ© obĂ©sitĂ© et maladies chroniques associĂ©es,
nutritionnelle de l’alimentation et l’état notamment maladies cardiaques et diabĂšte
de santé des populations. Le Programme (OMS/FAO, 2003). Dans une étude récente
de soutien à la recherche collaborative en sur les liens entre l’alimentation, la nutrition,
nutrition fait Ă©tat d’étroites relations entre l’activitĂ© physique et le cancer, rĂ©alisĂ©e
la consommation de produits d’origine sous la direction du World Cancer Research
animale d’une part et l’amĂ©lioration du Fund et de l’American Institute for Cancer
dĂ©veloppement, des fonctions cognitives Research, un groupe d’experts international
et de l’activitĂ© physique chez les enfants, a jugĂ© «convaincants» les faits tendant Ă 
l’augmentation du nombre des naissances prouver que les viandes rouges (transformĂ©es
menĂ©es Ă  terme et la diminution de la ou non) Ă©taient Ă  l’origine de cancers
morbiditĂ© liĂ©e Ă  la maladie d’autre part, colorectaux (les viandes rouges dĂ©signant les
Ă  l’issue de trois Ă©tudes d’observation viandes de bovins, porcins, ovins et caprins
longitudinales parallĂšles menĂ©es dans d’élevage). Des donnĂ©es, limitĂ©es, tendaient
des rĂ©gions du monde Ă©cologiquement et Ă  indiquer qu’il y aurait une corrĂ©lation entre
culturellement diffĂ©rentes, Ă  savoir l’Égypte, la consommation de poisson et d’aliments
le Kenya et le Mexique (Neumann et al., contenant de la vitamine D (présente
2003). Ces relations restaient positives mĂȘme surtout dans les aliments enrichis et dans les
aprùs correction de facteurs tels que le statut aliments d’origine animale) et la diminution
socioéconomique, la morbidité, le niveau du risque de cancer colorectal. Toutefois le
d’alphabĂ©tisation des parents et la situation groupe d’experts a estimĂ© que le lait est une
nutritionnelle. protection contre le cancer colorectal. Le
Un meilleur accĂšs aux aliments d’origine groupe d’experts a Ă©galement notĂ© qu’il y
animale Ă  travers la promotion de l’élevage, avait quelques indications selon lesquelles les
conjuguée à une éducation à la nutrition, viandes rouges et les viandes transformées
apparaüt donc comme un moyen d’action seraient à l’origine d’autres cancers (WCRF/
stratĂ©gique pour Ă©chapper Ă  l’engrenage de AICR, 2007, p. 116, 129).
la pauvreté, des carences en micronutriments Une «transition nutritionnelle» est en
et de la malnutrition (Demment, Young et cours dans les pays Ă  forte croissance
Sensenig, 2003). Bien que peu nombreuses, du monde en développement (Popkin,
les analyses portant sur les interventions 1994). Du fait du changement rapide
publiques en matiĂšre d’élevage et leur d’alimentation et de la diminution de
contribution Ă  l’amĂ©lioration de la nutrition l’activitĂ© physique, une nouvelle forme de
et au recul de la pauvretĂ© montrent que malnutrition (l’obĂ©sitĂ©) se substitue Ă  une
l’élevage peut jouer un rĂŽle important autre (la dĂ©nutrition). Une consommation
au service de la nutrition et de la santĂ© croissante de produits d’origine animale
humaine et de la réduction de la pauvreté à teneur élevée en matiÚres grasses est
dans les pays en dĂ©veloppement (Randolph l’un des principaux facteurs dĂ©terminants.
et al., 2007). Ces actions doivent ĂȘtre Sur la base d’une Ă©tude effectuĂ©e en
sexospĂ©ciïŹques pour s’assurer de cibler Chine sur des adultes, Popkin et Du (2003)
efïŹcacement les groupes vulnĂ©rables ont montrĂ© qu’il existait un lien entre
et menacĂ©s par l’insĂ©curitĂ© alimentaire. la consommation croissante de matiĂšres
L’encadrĂ© 5 prĂ©sente l’exemple d’un projet grasses issue d’aliments d’origine animale
de dĂ©veloppement d’un Ă©levage de chĂšvres et la structure de morbiditĂ©. Parfois ces
laitiĂšres en Éthiopie, qui a permis d’amĂ©liorer changements diĂ©tĂ©tiques surviennent avec
signiïŹcativement l’accĂšs des mĂ©nages une rapiditĂ© telle que les deux formes de
pauvres Ă  des produits alimentaires d’origine malnutrition coexistent au sein d’une mĂȘme
animale. population. Ce phénomÚne a été désigné
Des arguments forts plaident donc en par l’expression «double fardeau de la
faveur de la promotion de l’élevage dans malnutrition» (Kennedy, Nantel et Shetty,
les pays en développement pour améliorer 2004).
la nutrition et la santé, mais il importe aussi En 2000, le nombre de personnes
de reconnaßtre que la consommation trÚs en surcharge pondérale était
élevée de produits carnés peut avoir une approximativement égal à celui des
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

45
ENCADRÉ 5
Le projet de dĂ©veloppement des caprins Ă  vocation laitiĂšre en Éthiopie

Food and Agricultural Research effectuait deux traites par jour, obtenant
Management (FARM)-Africa est une en moyenne 75 litres de lait de chĂšvre
organisation non gouvernementale par an. La consommation individuelle
internationale, spécialisée dans la gestion moyenne était passée à 15 litres/par
de la recherche alimentaire et agricole, personne et par an. En outre, les ménages
qui s’efforce de rĂ©duire la pauvretĂ© en se rĂ©servaient chacun entre 50 et 100 kg
favorisant l’amĂ©lioration durable des de cĂ©rĂ©ales de plus qu’avant, au lieu de les
conditions de vie des agriculteurs et vendre pour acheter du lait.
des éleveurs en Afrique, grùce à une Une intervention similaire de FARM-
gestion plus efïŹcace de leurs ressources Africa dans une autre rĂ©gion d’Éthiopie
naturelles renouvelables. Le projet de a augmenté la disponibilité de lait par
dĂ©veloppement des caprins Ă  vocation personne de 109 pour cent, l’apport
laitiĂšre a Ă©tĂ© lancĂ© en Éthiopie aïŹn Ă©nergĂ©tique d’origine animale de 39 pour
d’amĂ©liorer le bien-ĂȘtre des mĂ©nages cent, l’apport en protĂ©ines de 39 pour
en encourageant à la fois la création de cent et en lipides de 63 pour cent. La
revenus et la consommation de lait. Le proportion de protéines animales a atteint
projet visait en particulier l’accroissement 20 pour cent. Pendant l’étude d’une durĂ©e
de la productivité des chÚvres locales, de trois ans, 67 ménages (soit 63 pour
dont les troupeaux sont gérés par les cent) ont tué 77 chÚvres. La quantité de
femmes, grĂące Ă  des techniques d’élevage viande obtenue s’est Ă©levĂ©e en moyenne
amĂ©liorĂ©es alliĂ©es Ă  l’amĂ©lioration Ă  575 g par personne et par an. L’étude
génétique. a conclu que la possibilité offerte aux
Avant la mise en Ɠuvre du projet de mĂ©nages de ruraux pauvres de possĂ©der et
développement caprin, 21 pour cent de gérer un cheptel de petits ruminants,
des mĂ©nages bĂ©nĂ©ïŹciaires n’avaient pas tels que des chĂšvres laitiĂšres, inïŹ‚uait
accùs au lait; 67 pour cent d’entre eux directement sur leurs chances de sortir
achetaient du lait occasionnellement du cercle vicieux de la pauvreté et de la
pendant environ un trimestre par an. dénutrition tout en améliorant fortement
Quarante-deux pour cent des mĂ©nages l’accĂšs aux aliments d’origine animale
interrogés consommaient de la viande, ainsi que les taux de consommation de ces
pour une quantité moyenne de 1,3 kg par produits.
an et par personne. Les 58 pour cent de
ménages restants ne consommaient jamais
de viande. AprÚs le projet, chaque ménage Source: Ayele et Peacock, 2003.

personnes sous-alimentées (Gardner et environ du PIB (OMS, 2006). En Chine, le


Halwell, 2000). L’OMS estime aujourd’hui coĂ»t Ă©conomique des maladies chroniques
Ă  1,6 milliard le nombre de personnes liĂ©es Ă  l’alimentation a dĂ©passĂ© celui de la
en surcharge pondĂ©rale et d’aprĂšs les dĂ©nutrition – soit une perte de plus de 2 pour
prévisions, ce chiffre devrait atteindre cent du PIB (IFPRI, 2004; Banque mondiale,
2,3 milliards d’ici 2015 (OMS, 2006). 2006a). En AmĂ©rique latine et aux CaraĂŻbes,
Pour les pays en développement ce coût est estimé à 1 pour cent du PIB de la
confrontés à ce double fardeau de la région (OPS, 2006).
malnutrition, le coût est trÚs élevé. Le coût Ces problÚmes de santé liés à
humain et ïŹnancier de la prĂ©vention et du l’alimentation sont souvent considĂ©rĂ©s
traitement de l’obĂ©sitĂ© et des maladies non comme le rĂ©sultat de choix individuels de
contagieuses est élevé et pÚse lourdement vie sur lesquels les gouvernements ont peu
sur les systÚmes de santé en place. Dans de contrÎle. Toutefois, les pouvoirs publics
l’Union europĂ©enne (UE), le coĂ»t de l’obĂ©sitĂ© ont la possibilitĂ© d’inïŹ‚uer sur les modes
pour la sociĂ©tĂ© a Ă©tĂ© estimĂ© Ă  1 pour cent de consommation et s’y efforcent Ă  travers
46 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

l’éducation, des mesures d’incitation et d’une classe moyenne urbaine favorise


leurs politiques agricoles et alimentaires le dĂ©veloppement d’un marchĂ© formel
au sens large (Schmidhuber, 2007). Les pays embryonnaire qui fournit des produits
insulaires du PaciïŹque, qui enregistrent les certiïŹĂ©s, transformĂ©s et conditionnĂ©s.
taux d’obĂ©sitĂ© les plus Ă©levĂ©s du monde Dans tous les pays oĂč la pauvretĂ© rurale
(International Obesity Taskforce, 2009), ont persiste et oĂč les perspectives d’emploi hors
pris des mesures draconiennes pour traiter agriculture sont limitées, les systÚmes mixtes
les problĂšmes de santĂ© liĂ©s Ă  l’alimentation. associant culture et Ă©levage Ă  petite Ă©chelle
Le Gouvernement de Fidji, préoccupé par la restent prédominants. Selon les estimations,
teneur élevée en graisses de la poitrine de 90 pour cent de la production de lait et
mouton et des croupions de dinde et par 70 pour cent de la production de viande de
les rĂ©percussions sanitaires de l’importation ruminants sont le fait de ces systĂšmes mixtes
de ces produits, a dĂ©cidĂ© d’interdire d’exploitation; c’est le cas Ă©galement pour
l’importation de poitrine de mouton et la plus d’un tiers de la production de viande
vente de ces produits (qu’ils soient importĂ©s de porc et de volaille et d’Ɠufs. Dans ces
ou produits localement) (Nugent et Knaul, systĂšmes, l’élevage reprĂ©sente de maniĂšre
2006; Clarke et McKenzie, 2007). S’inspirant gĂ©nĂ©rale jusqu’à un tiers du revenu agricole.
de l’exemple de Fidji, le Gouvernement des Les systùmes mixtes d’exploitation apportent
Tonga a interdit l’importation de poitrine donc une contribution majeure aux moyens
de mouton. En 2007, le Gouvernement du d’existence, aux revenus et Ă  la sĂ©curitĂ©
Samoa a également imposé une interdiction alimentaire et nutritionnelle des populations
totale des importations de croupions de rurales pauvres (Costales, Pica-Ciamarra et
dinde pour appuyer des mesures visant Ă  Otte, 2007).
freiner le problÚme du développement Dans les pays pauvres comptant des
rapide de l’obĂ©sitĂ© et des maladies non communautĂ©s pastorales, les Ă©leveurs
contagieuses liĂ©es Ă  l’alimentation. traditionnels tirent de leur activitĂ© leurs
moyens d’existence et vendent leurs animaux
vivants sur les marchés locaux. Dans certains
Transformation du secteur pays de la Corne de l’Afrique et du Sahel,
de l’élevage et pauvretĂ© les Ă©leveurs nomades vendent aussi leurs
animaux vivants (bovins, ovins, chĂšvres et
La transformation en cours du secteur de chameaux) Ă  des exportateurs qui fournissent
l’élevage dĂ©crite au Chapitre 2 s’opĂšre des partenaires commerciaux traditionnels,
surtout dans les pays développés et dans essentiellement au Proche-Orient et dans les
les pays en développement qui connaissent centres urbains en développement des cÎtes
une forte croissance Ă©conomique. La d’Afrique occidentale. Toutefois, ce commerce
production animale demeure pratiquement est menacé par des normes sanitaires de plus
inchangĂ©e dans les pays les plus pauvres, oĂč en plus strictes. L’économie pastorale est
la production et la consommation de viande menacée partout dans le monde: la mobilité
et de lait ont trĂšs peu progressĂ©, voire pas et l’accĂšs aux pĂąturages traditionnels sont de
du tout, au cours des derniÚres décennies. plus en plus restreints du fait des contrÎles
L’élevage reste une activitĂ© pratiquĂ©e de frontaliers et de l’expansion des terres
maniĂšre traditionnelle par de petits paysans cultivĂ©es ou, dans certaines parties d’Afrique
pauvres, pour lesquels il reprĂ©sente un ïŹlet en particulier, du fait des activitĂ©s axĂ©es sur
de sécurité important en fournissant à la fois la conservation. En outre, le changement
des aliments de haute qualité nutritionnelle climatique a pour effet de rendre plus arides
et une source de revenus additionnels en encore des terres arides et semi-arides, et
pĂ©riode de besoin. Dans ces systĂšmes de d’augmenter la frĂ©quence de phĂ©nomĂšnes
production traditionnels, les produits et climatiques extrĂȘmes tels que sĂ©cheresses et
les fonctions non marchandes de l’élevage inondations. Les mĂ©canismes d’adaptation
conservent toute leur importance. Les traditionnels sont impuissants face Ă  ces
produits de l’élevage sont transformĂ©s et situations, et les Ă©leveurs nomades sont de
commercialisés principalement à travers plus en plus nombreux à abandonner la
des circuits informels. Toutefois, mĂȘme production animale, de façon volontaire ou
dans les pays les plus pauvres, l’émergence involontaire (Thornton et al., 2002).
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

47
Dans les pays en dĂ©veloppement oĂč la les rĂ©glementations locales le permettent, et
hausse des revenus et l’émergence d’une elle a des implications pour la santĂ© animale
classe moyenne urbaine ont stimulĂ© et humaine qui font l’objet du Chapitre 5.
la demande en produits de l’élevage, Dans les pays oĂč la consommation de volaille
les petits éleveurs traditionnels restent a peu ou pas augmenté, ce qui est le cas
prĂ©sents en milieu rural, mais les zones de la plupart des pays africains, l’essentiel
périurbaines voient se développer des de la production avicole provient toujours
opĂ©rateurs commerciaux, avec un Ă©levage Ă  d’élevages domestiques et villageois,
grande échelle plus intensif et des moyens fréquemment gérés par des femmes.
technologiques sophistiqués, en particulier
dans le secteur avicole. Des entreprises
intĂ©grĂ©es font aussi leur apparition, de Élevage et rĂ©duction de la
grandes entreprises ou coopératives pauvreté
fournissant les intrants et assurant des
dĂ©bouchĂ©s commerciaux Ă  des exploitations L’expansion des marchĂ©s des produits de
de petite ou moyenne taille sous contrat. l’élevage devrait normalement offrir des
Sous l’effet de la croissance Ă©conomique, possibilitĂ©s nouvelles d’amĂ©lioration de leurs
les perspectives d’emploi hors agriculture revenus pour les nombreux ruraux pauvres
se dĂ©veloppent, les salaires agricoles dont les moyens d’existence reposent sur
progressent, les supermarchĂ©s Ă©tendent l’élevage. Toutefois, si la croissance et la
leur inïŹ‚uence au-delĂ  des centres urbains transformation du secteur ont créé des
et la demande en produits de l’élevage opportunitĂ©s, il n’est pas certain qu’elles
s’intensiïŹe encore. Les petits Ă©leveurs puissent ĂȘtre pleinement exploitĂ©es par
commencent à se désengager de cette les personnes vivant dans la pauvreté et
activitĂ© dans la mesure oĂč ils ont moins dans des zones marginalisĂ©es. Du fait de
besoin d’avoir quelques tĂȘtes de bĂ©tail, et l’évolution rapide de la demande en produits
oĂč l’intĂ©rĂȘt et la viabilitĂ© de l’entreprise alimentaires dans certaines parties du monde
diminuent. La taille moyenne des Ă©levages en dĂ©veloppement, le secteur de l’élevage
de volailles et de porcs tend Ă  s’accroĂźtre, a Ă©tĂ© appelĂ© Ă  produire le plus possible, le
alors que celle des cheptels laitiers reste plus vite possible, au moindre coût et dans le
souvent limitĂ©e. MĂȘme sur des marchĂ©s respect de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments.
en forte croissance, la production et la L’accent placĂ© sur la vitesse, la quantitĂ©, le
commercialisation du lait restent parfois prix et la sécurité sanitaire a créé un biais en
dominés par le secteur informel. Les faveur de la production intensive à grande
opérateurs intégrés verticalement voient échelle, en particulier dans certains sous-
leur taille augmenter et acquiĂšrent secteurs comme la production avicole et
progressivement une position dominante, porcine. En revanche, la situation semble
alors que les petits Ă©leveurs de volailles ont ĂȘtre diffĂ©rente dans le sous-secteur laitier,
de plus en plus de difïŹcultĂ©s Ă  subsister – ce oĂč l’on a vu des petits agriculteurs jouer un
qui ne semble pas le cas des petits éleveurs rÎle prédominant pour satisfaire la demande
de porc. croissante (voir encadré 7).
Dans les Ă©conomies en plus forte La nature du secteur de l’élevage a
croissance, les petits éleveurs, en particulier radicalement changé dans certaines régions
les producteurs de volailles et de porcs, du monde, mĂȘme si les effets de cette
soit se tournent vers une agriculture de mutation varient selon les pays, les espĂšces
subsistance soit abandonnent l’élevage. Un et en fonction du sexe. Les pays dans lesquels
petit nombre d’entre eux peut Ă©voluer vers la consommation de produits de l’élevage
des opérations à grande échelle. Toutefois, par habitant a connu une forte hausse au
dans de nombreux autres pays, le secteur cours des derniÚres décennies, en particulier
avicole connaßt un développement «à deux les économies à forte croissance comme le
vitesses» qui voit coexister un Ă©levage BrĂ©sil, la Chine et l’Inde, prĂ©sentent une
domestique/villageois et une production situation trĂšs diffĂ©rente de celle des pays oĂč
industrielle (voir encadrĂ© 6 avec l’exemple de cette consommation reste statique ou recule,
la Chine). Cette situation est appelĂ©e Ă  durer comme c’est le cas pour une grande partie
tant que la pauvretĂ© rurale subsiste et que de l’Afrique subsaharienne. ParallĂšlement,
48 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 6
Un secteur en transition – l’élevage des volailles en Chine

Au cours des derniÚres décennies, la élevages moins nombreux, à plus grande


Chine a Ă©tĂ© le théùtre d’un accroissement Ă©chelle et privĂ©s. Entre 1996 et 2005,
spectaculaire de la production de volailles quelque 70 millions de petits éleveurs de
et d’Ɠufs, sous l’effet combinĂ© de volailles ont abandonnĂ© ce secteur, surtout
l’augmentation du nombre de volatiles et dans l’est du pays, Ă©conomiquement
de la productivité croissante par animal. plus développé, et à la périphérie des
Les taux de conversion alimentaire grandes villes. Pendant la mĂȘme pĂ©riode,
des poulets dans les gros élevages ont la part des gros élevages (produisant plus
sensiblement progressé entre 1985 et 2005 de 10 000 volatiles par an) est passée
et sont actuellement comparables Ă  ceux d’environ un quart Ă  la moitiĂ© de la
obtenus dans des exploitations de mĂȘme production nationale.
taille en Europe et en AmĂ©rique du Nord. Aujourd’hui, le marchĂ© du poulet de
Les améliorations radicales apportées chair est dominé par de grosses entreprises
aux infrastructures de transport depuis intĂ©grĂ©es qui contrĂŽlent toute la ïŹliĂšre
la moitié des années 80 ont accéléré de production et de commercialisation:
l’intensiïŹcation du secteur avicole. Les aliments destinĂ©s aux Ă©levages, sĂ©lection,
chemins de fer jouent un rÎle important élevage en batterie et transformation.
dans la distribution des aliments À titre d’exemple, l’une de ces grandes
destinés aux élevages et les routes dans exploitations intégrées dans la Province
l’acheminement de la production. de Fujian produit 50 millions de poulets
En 1985, le gros de la production par an et emploie 4 000 salariĂ©s – soit un
provenait de plus de 150 millions de petits emploi pour 12 500 volailles produites
Ă©leveurs, possĂ©dant chacun quelques chaque annĂ©e. ExtrapolĂ©s Ă  l’échelle
volatiles en complĂ©ment d’autres activitĂ©s nationale, ces chiffres indiqueraient
agricoles. Les Ă©levages Ă  grande Ă©chelle que la ïŹliĂšre intĂ©grĂ©e de la production
n’existaient pratiquement pas à cette volaillùre fournit approximativement
Ă©poque. Depuis lors, l’intensiïŹcation a Ă©tĂ© 800 000 emplois (Bingsheng et Yijun,
rapide et le secteur est caractĂ©risĂ© par des 2008). L’élevage sous contrat est la

dans les pays oĂč la transformation du secteur dans certains cas, leur sĂ©curitĂ© alimentaire.
est amorcĂ©e, un fossĂ© se creuse entre la L’expĂ©rience des pays de l’OCDE depuis
production traditionnelle Ă  petite Ă©chelle, les annĂ©es 50 montre qu’un changement
dans laquelle les femmes jouent un rĂŽle des structures de production requiert
actif, à une extrémité du spectre, et une un ajustement de la part du marché du
production à grande échelle, intensive, travail. Cependant, lorsque la transition
largement dominĂ©e par les hommes, Ă  l’autre est extrĂȘmement rapide, comme c’est le
extrĂ©mitĂ©. cas de l’élevage dans de nombreux pays
La croissance Ă©conomique continuant aujourd’hui, les implications pour la pauvretĂ©
d’avoir un effet d’entraĂźnement sur le et la sĂ©curitĂ© alimentaire peuvent se rĂ©vĂ©ler
dĂ©veloppement de l’élevage, la tendance dramatiques et justiïŹer l’intervention
à l’industrialisation de certains pans publique.
du secteur s’intensiïŹe. Globalement, si Ces 10 derniĂšres annĂ©es, les chercheurs
la forte croissance du secteur doit ĂȘtre et les dĂ©cideurs politiques sont partis de
considĂ©rĂ©e comme un signe positif pour l’hypothĂšse que la croissance du secteur de
le dĂ©veloppement Ă©conomique, la vitesse l’élevage Ă©tait principalement dĂ©terminĂ©e
du changement risque d’entraüner une par la demande (Delgado et al., 1999) et que
forte pression sur les petits agriculteurs. les politiques devaient avoir pour objectif
Certains Ă©leveurs auront vraisemblablement de soutenir l’augmentation de la demande
des difïŹcultĂ©s Ă  s’adapter sufïŹsamment et d’amĂ©liorer les opportunitĂ©s de marchĂ©
rapidement pour préserver leur revenu et, (Banque mondiale, 2007). Cependant, des
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

49

formule la plus rĂ©pandue: l’entreprise revenus est en effet tombĂ©e de 14 pour


fournit les aliments et les poussins, ainsi cent en 1990 Ă  9 pour cent en 2005 et
que divers services et conseils, et rachĂšte sa part est encore plus faible dans les
les volailles Ă  maturitĂ©. provinces plus dĂ©veloppĂ©es de l’est
Entre 1985 et 2005, la proportion des du pays. À mesure que s’ouvrent de
mĂ©nages d’agriculteurs qui possĂ©daient nouvelles possibilitĂ©s d’emploi dans le
des volailles est tombĂ©e de 44 pour cent secteur non agricole et qu’augmentent
à moins de 14 pour cent. Toutefois, plus les revenus ruraux, le petit élevage,
de 34 millions de ménages ruraux ont qui nécessite une forte intensité de
encore des oiseaux de basse-cour et les main-d’Ɠuvre, devient moins attrayant.
volailles restent une importante source De surcroĂźt, les populations rurales
de revenus et de nourriture pour les deviennent moins tolérantes à des
familles pauvres, surtout dans les régions nuisances telles que les mouches et les
occidentales du pays, moins développées. odeurs, occasionnées par les animaux de
Les petits éleveurs de basse-cour jouent basse-cour. Les ruraux travaillent de plus
toutefois un rĂŽle marginal, voire nul, en plus dans des entreprises villageoises
face à une demande en plein essor. Alors ou citadines. En outre, d’aprùs les
que les chaĂźnes de commercialisation de estimations, prĂšs de 140 millions
denrĂ©es alimentaires pĂ©nĂštrent de plus d’anciens habitants des zones rurales sont
en plus loin dans les zones rurales et que désormais des travailleurs migrants dans
les possibilitĂ©s d’emploi non agricole les villes. La tendance qui prĂ©domine
augmentent, la possession de volailles parmi les jeunes des provinces orientales
n’est plus aussi vitale pour les mĂ©nages est de quitter l’agriculture et de chercher
ruraux (Bingsheng et Yijun, 2008). du travail dans le secteur non agricole
En Chine, le secteur de l’élevage (Bingsheng et Yijun, 2008), bien que
devient dans l’ensemble moins important la rĂ©cente crise Ă©conomique ait ralenti
pour les petits agriculteurs en tant que ou renversé cette tendance, du moins
source de revenus. Sa contribution aux pendant un certain laps de temps.

travaux récents montrent que les facteurs puissent tirer parti de ces opportunités
liĂ©s Ă  l’offre jouent aussi un rĂŽle important. constitue un enjeu politique majeur et
Dans de nombreux pays en développement, implique de prendre soigneusement en
la croissance du secteur de l’élevage a de compte les questions de paritĂ© entre les
fait un effet d’entraünement sur la croissance sexes. Il importe d’aider les petits exploitants
du PIB (voir encadrĂ© 8). Il s’ensuit que les Ă  surmonter les contraintes liĂ©es Ă  l’offre et
politiques visant directement à promouvoir à améliorer leur productivité à la fois pour
la hausse de la productivitĂ© dans le secteur leur permettre de bĂ©nĂ©ïŹcier des gains induits
de l’élevage peuvent stimuler une croissance par la demande et pour permettre au secteur
économique plus large. La chaßne de valeur dans son ensemble de continuer à remplir
complexe qui caractérise les produits son rÎle de moteur de la croissance.
d’origine animale – depuis les aliments pour La hausse de la demande continuera
animaux et la production animale jusqu’à d’exercer une inïŹ‚uence dĂ©terminante sur
sa transformation et sa commercialisation l’évolution future du secteur de l’élevage.
– signiïŹe que la croissance du secteur Toutefois, les facteurs liĂ©s Ă  l’offre, y compris
peut gĂ©nĂ©rer d’importantes associations la compĂ©titivitĂ© relative des diffĂ©rents
Ă©conomiques et opportunitĂ©s d’emploi en systĂšmes de production et les contraintes
amont comme en aval, avec des répercussions rencontrées par les différents producteurs,
substantielles sur la croissance bĂ©nĂ©ïŹques contribueront aussi Ă  façonner le secteur et Ă 
pour les pauvres. Créer les conditions déterminer sa contribution à la réduction de
nécessaires pour que les petits agriculteurs la pauvreté.
50 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 7
Un secteur en transition – la production laitiùre en Inde et au Kenya

L’Inde, qui est aujourd’hui le plus gros des exploitations sont de petite taille,
producteur laitier du monde, a vu et 80 pour cent du cheptel national se
sa production de lait de vache et de trouve dans des exploitations possédant
bufïŹ‚onne quadrupler entre 1963 et au maximum huit animaux laitiers (Staal,
2003. Pendant la mĂȘme pĂ©riode, la taille Pratt et Jabbar, 2008a).
moyenne des troupeaux a baissé. Les Au Kenya aussi, la production laitiÚre
augmentations de production sont le a augmenté de quatre fois au cours
rĂ©sultat d’un accroissement de 40 pour des quatre derniĂšres dĂ©cennies. Tout
cent du nombre d’exploitations qui se comme en Inde, les petits exploitants
consacrent à la production laitiÚre et dominent la production et représentent
d’une proportion accrue, au sein du 85 pour cent de la production nationale
cheptel national, de vaches laitiÚres de lait. Deux millions de ménages
croisées. En 1982 moins de 5 pour cent élÚvent du cheptel laitier au Kenya
des animaux du troupeau laitier indien pour un troupeau national atteignant
étaient sélectionnés. DÚs 2003, cette quelque 5 millions de bovins à vocation
proportion avait presque triplé. Il a été laitiÚre, de races croisées ou exotiques.
estimé que 56 pour cent de la croissance Les exploitations sont généralement
de la production est due à l’augmentation petites – de 1 à 2,5 hectares selon qu’elles
du cheptel à vocation laitiÚre et 37 pour sont situées dans une zone à potentiel
cent Ă  l’amĂ©lioration de la productivitĂ© Ă©levĂ© ou moyen – et l’élevage laitier
des races obtenues par croisement. La est souvent intĂ©grĂ© Ă  d’autres activitĂ©s
production laitiĂšre des petits exploitants agricoles, notamment des cultures, au
a été stimulée grùce au soutien reçu sein de systÚmes mixtes de faire-valoir.
dans le cadre de programmes parrainés Les systÚmes de semi-pùturage ou de
par le Gouvernement, comme Operation non-pĂąturage sont courants et la culture
Flood, et à un effort important pour de plantes fourragÚres est pratiquée
commercialiser le lait dans les zones habituellement pour nourrir les animaux.
urbaines (Staal, Pratt et Jabbar, 2008a). Le lait est vendu le plus souvent sous
En 1999/2000, selon les estimations, forme de lait cru par le biais de petits
la ïŹliĂšre laitiĂšre en Inde – comprenant nĂ©gociants opĂ©rant dans des systĂšmes de
la production, le traitement et la commercialisation informels. La plupart
commercialisation – faisait travailler des consommateurs kĂ©nyans prĂ©fĂšrent
environ 18 millions de personnes, soit le lait cru, vendu moins cher, au lait
5,5 pour cent de la force de travail pasteurisé nettement plus coûteux.
nationale. Sur ces emplois, 92 pour Puisque la grande majorité des personnes
cent intéressaient les zones rurales, fait bouillir le lait avant de le boire, les
58 pour cent étaient occupés par des risques sanitaires liés à la consommation
femmes et 69 pour cent par des groupes de lait cru sont largement Ă©vitĂ©s. À
socialement et économiquement cÎté des systÚmes de commercialisation
dĂ©favorisĂ©s. Les revenus annuels de informels, le marchĂ© ofïŹciel, bien
la main-d’Ɠuvre employĂ©e dans les organisĂ© mais beaucoup plus restreint,
exploitations laitiÚres sont 2,5 fois fournit du lait traité et conditionné aux
supĂ©rieurs Ă  ceux de l’ensemble des consommateurs urbains plus nantis (Staal,
emplois agricoles. Pour 1 000 litres de Pratt et Jabbar, 2008b). La production
lait produits chaque jour, 230 emplois et la commercialisation du lait au Kenya
ont été créés par les exploitations les constitue une source importante de
plus petites contre moins de 18 emplois revenus grùce aux possibilités offertes en
créés par les grandes exploitations matiĂšre d’emplois salariĂ©s et de crĂ©ation
commerciales. Toutefois, la plupart de micro-entreprises familiales.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

51

Sur la base de donnĂ©es d’enquĂȘtes prĂ©dominent comme source de protĂ©ines


effectuées entre 1997 et 2000, ce secteur animales. Bien que la consommation
fournirait 841 000 emplois Ă  plein temps de viande augmente, surtout parmi les
au niveau des exploitations agricoles, jeunes Indiens, plus cosmopolites, des
y compris les emplois autonomes, centaines de millions d’Indiens restent
les salariés permanents et la main- végétariens (The Times of India, 2005).
d’Ɠuvre occasionnelle. En moyenne, Le secteur a bĂ©nĂ©ïŹciĂ© pendant plus de
77 emplois sont créés pour 1000 litres 50 ans d’un soutien ïŹnancier et politique:
de lait produit quotidiennement (contre la modernisation du secteur laitier a été
1 emploi seulement pour 2 500 litres de l’une des prioritĂ©s gouvernementales du
lait par jour produits aux Pays-Bas). Les tout premier Plan quinquennal, tandis
exploitations les plus petites, possédant que dans les années 70 le programme
au maximum deux vaches, créent deux Operation Flood visait le développement
fois plus d’emplois pour 1 000 litres de des coopĂ©ratives villageoises et
lait que les exploitations qui possÚdent des infrastructures matérielles et
six vaches ou davantage (Staal, Pratt et institutionnelles pour le ramassage, le
Jabbar, 2008b). Les revenus des salariés à traitement et la commercialisation du
l’exploitation, quatre fois supĂ©rieurs au lait au niveau des districts (Staal, Pratt et
PIB par habitant, indiquent que le secteur Jabbar, 2008a).
laitier est beaucoup plus rémunérateur Au Kenya, le secteur laitier a conservé
que ne le sont les travaux agricoles en une forte empreinte coloniale et bĂ©nĂ©ïŹciĂ©
gĂ©nĂ©ral. À cela s’ajoutent les 54 000 de conditions climatiques propices dans
emplois bien rémunérés du secteur de les hautes terres du pays, particuliÚrement
la commercialisation laitiĂšre; les salaires adaptĂ©es Ă  l’élevage des races laitiĂšres
moyens sont trois fois supérieurs au exotiques.
salaire minimum garanti (Staal, Pratt À l’échelle mondiale, la production et
et Jabbar, 2008b). L’exemple du Kenya le commerce du lait sont dominĂ©s par les
montre que l’essor et la rĂ©ussite du sous- rĂ©gions tempĂ©rĂ©es du monde dĂ©veloppĂ©.
secteur de l’élevage peuvent ĂȘtre dominĂ©s Le stress thermique dans les tropiques
par les producteurs à petite échelle et humides déprime la productivité des races
représentent une source importante bovines à haut rendement, telles que
d’emplois et de possibilitĂ©s pour les les Hoslstein, ce qui confĂšre l’avantage
petites entreprises. aux régions tempérées. La plupart des
Cependant, en Inde comme au Kenya, pays de la zone humide ne sont donc pas
le développement du sous-secteur de la traditionnellement des pays producteurs
production laitiÚre peut avoir été favorisé et consommateurs de lait.
par des circonstances nationales.
En Inde, la croissance du secteur laitier
a dĂ©pendu en grande partie de l’élevage
de bufïŹ‚onnes qui, contrairement aux
vaches laitiĂšres Ă  haut rendement, sont
bien adaptées aux conditions tropicales.
Aujourd’hui, dans toute l’Inde, le lait
de bufïŹ‚onne compte pour plus de la
moitié de la production laitiÚre. Le
nombre des bovins croisés augmente mais
représente encore moins de 14 pour cent
de la population bovine. Du point de
vue culturel, le lait et les produits laitiers
52 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 8
Secteur de l’élevage – l’inïŹ‚uence des facteurs liĂ©s Ă  l’offre

Une récente étude menée par Pica, Pica- de la croissance économique dans les
Ciamarra et Otte (2008) a constatĂ© une pays en dĂ©veloppement s’applique aussi
relation de cause Ă  effet statistiquement Ă  l’élevage. Il s’ensuit que la vision de
signiïŹcative entre la croissance ce secteur comme Ă©tant principalement
économique nationale et la croissance mû par des facteurs exogÚnes peut
de la productivité du secteur laitier donner lieu à des politiques erronées.
dans 36 des 66 pays en dĂ©veloppement Sans nier l’importance des politiques qui
examinés. Les 36 pays ont pour la plupart permettent aux petits exploitants de
une Ă©conomie fondĂ©e sur l’agriculture ou rĂ©aliser des bĂ©nĂ©ïŹces en vendant sur les
en cours de transformation. Dans 33 des marchés à forte valeur, celles qui tendent
36 pays, la productivité du secteur de à surmonter les principaux obstacles
l’élevage semble avoir Ă©tĂ© le moteur de auxquels se heurte le dĂ©veloppement de
la croissance du PIB par habitant. Dans la production animale sont probablement
neuf de ces pays, la relation de cause Ă  tout aussi indispensables. Ainsi, les
effet Ă©tait bidirectionnelle: la croissance politiques visant l’amĂ©lioration de la
du secteur de l’élevage stimulait l’essor productivitĂ© des petites exploitations
économique et ce dernier avait une devraient se concentrer non seulement
inïŹ‚uence positive sur la productivitĂ© de ce sur les cultures de base mais aussi sur les
secteur. Dans trois seulement des 36 pays, produits de l’élevage qui sont parfois des
le lien était à sens unique, se traduisant aliments de base et une source importante
par des augmentations de la productivité de revenus pour de nombreuses
du secteur de l’élevage en fonction de communautĂ©s rurales dans les pays en
l’accroissement du PIB par habitant. dĂ©veloppement.
Globalement, l’étude montre que
le paradigme classique du rĂŽle de la
productivité agricole en tant que moteur Source: Pica, Pica-Ciamarra et Otte, 2008.

Faire reculer la pauvreté rurale à services environnementaux (FAO, 2007a). La


travers le seul dĂ©veloppement agricole dimension sexospĂ©ciïŹque ne doit pas non plus
n’est pas chose aisĂ©e. L’enjeu pour le ĂȘtre nĂ©gligĂ©e pour s’assurer que les besoins,
dĂ©veloppement de l’élevage est de stimuler les prioritĂ©s et les contraintes que rencontrent
un développement des zones rurales qui les hommes, les femmes, les jeunes comme
bĂ©nĂ©ïŹcie Ă  l’ensemble des communautĂ©s les plus ĂągĂ©s, sont bien pris en compte dans la
rurales et non pas seulement à celles qui conception et la mise en Ɠuvre des politiques
pratiquent l’élevage. Les politiques de de dĂ©veloppement du secteur de l’élevage.
développement rural peuvent par ailleurs
faciliter la transformation du secteur en
crĂ©ant de nouvelles opportunitĂ©s en matiĂšre Élevage et compĂ©titivitĂ©
de revenus et d’emplois.
Les politiques visant le secteur de l’élevage Une sĂ©rie d’études de cas, centrĂ©es sur
doivent avoir pour objectif de renforcer la des pays dont l’économie enregistre une
compétitivité des petits producteurs autant forte croissance (Brésil, Inde, Philippines et
que possible, tout en accompagnant la ThaĂŻlande), s’est intĂ©ressĂ©e Ă  la question
transition du secteur et en protégeant les de la compétitivité des petits producteurs
ménages les plus pauvres, pour lesquels (Delgado, Narrod et Tiongco, 2008). Ces
l’élevage constitue un ïŹlet de sĂ©curitĂ©. Les Ă©tudes ont montrĂ© que les gains d’efïŹcience
pauvres doivent ĂȘtre apprĂ©hendĂ©s dans leur relative varient en fonction de l’échelle
globalitĂ©, en tant que consommateurs, agents d’exploitation, bien que de façon non linĂ©aire:
Ă©conomiques et travailleurs, mais aussi petits le passage d’un trĂšs petit Ă©levage domestique
producteurs et fournisseurs potentiels de Ă  une petite exploitation commerciale (par
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

53
exemple, de 15-20 porcelets par an à 150-200, constitue un avantage compétitif par
ou de 1-2 vaches laitiĂšres Ă  un troupeau de rapport aux grandes exploitations qui elles
15-30 tĂȘtes) entraĂźne des gains d’efïŹcience dĂ©pendent d’une main-d’Ɠuvre embauchĂ©e
signiïŹcatifs; il faut ensuite, pour rĂ©aliser aux prix du marchĂ©, mais il a des implications
des gains additionnels importants, une sociales importantes en ce qui concerne la
augmentation beaucoup plus substantielle de scolarisation des ïŹlles et des garçons.
l’échelle d’exploitation. L’intĂ©gration verticale, De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les petits agriculteurs
à travers les coopératives et différents ont des coûts de transaction supérieurs à
systùmes d’agriculture contractuelle, est ceux des grandes exploitations. L’accùs à
Ă©galement associĂ©e Ă  une efïŹcience accrue du des intrants de haute qualitĂ© (alimentation
fait de la réduction des coûts de transaction. pour le bétail en particulier), au crédit et à
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la capacitĂ© des la technologie leur est plus difïŹcile et plus
petites exploitations Ă  rĂ©aliser un bĂ©nĂ©ïŹce coĂ»teux. CĂŽtĂ© production, l’information sur
(mesure de l’efïŹcacitĂ© de l’utilisation des les marchĂ©s est particuliĂšrement importante
ressources), autrement dit leur efïŹcience, est sur les marchĂ©s haut de gamme, pour
infĂ©rieure Ă  celle des grandes exploitations, lesquels la qualitĂ© est importante. L’impact
mĂȘme lorsque les coĂ»ts de main-d’oeuvre des coĂ»ts de transaction varie selon les
familiale ne sont pas comptabilisĂ©s pays et les secteurs couverts dans l’étude
comme tels. Les études ont examiné (Delgado, Narrod et Tiongco, 2008). Dans le
diffĂ©rents dĂ©terminants de l’efïŹcience, secteur laitier, les coĂ»ts de transaction ont
y compris le traitement des externalitĂ©s peu d’incidence sur la rentabilitĂ© dans la
environnementales. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les mesure oĂč l’alimentation du bĂ©tail repose
petits agriculteurs consacrent plus d’efforts largement sur le fourrage et ne nĂ©cessite
Ă  l’attĂ©nuation des effets de leur Ă©levage sur donc pas d’avoir recours au crĂ©dit. Toutefois,
l’environnement, et donc enregistrent des dans la distribution et la transformation
coĂ»ts supĂ©rieurs. laitiĂšre, ces coĂ»ts peuvent ĂȘtre plus
Dans le cas des exploitations plus grandes, importants et sont généralement plus élevés
les données disponibles montrent que dans le cas des petites exploitations. Dans
celles qui consacrent le plus d’efforts Ă  certains pays, ce phĂ©nomĂšne amĂšne les
l’attĂ©nuation de l’impact environnemental petits producteurs Ă  abandonner l’élevage
sont aussi relativement plus rentables car les laiteries considĂšrent que travailler
par unité de ressource utilisée. La raison avec eux leur revient trop cher. Les coûts de
en est peut-ĂȘtre que les exploitations transaction ont une plus forte incidence sur
qui considĂšrent l’attĂ©nuation de l’impact la compĂ©titivitĂ© dans les secteurs avicole et
environnemental comme prioritaire ont aussi porcin que dans le secteur laitier, en raison
adoptĂ© d’autres meilleures pratiques, qui ont des besoins critiques de crĂ©dit pour l’achat
eu pour effet de stimuler leur productivitĂ©. des aliments pour le bĂ©tail et l’accĂšs Ă 
Deux facteurs semblent particuliĂšrement l’information sur les marchĂ©s.
importants pour la compétitivité relative des
petits agriculteurs: les coûts de transaction Réduire les coûts de transaction
et les coĂ»ts de main-d’Ɠuvre. D’un cĂŽtĂ©, les des petits producteurs
Ă©conomies d’échelle associĂ©es aux marchĂ©s Il est possible de rĂ©duire les coĂ»ts de
des intrants et des produits tendent à transaction élevés des petits producteurs à
favoriser les grandes unités de production travers des actions collectives telles que la
qui bĂ©nĂ©ïŹcient de coĂ»ts de transaction crĂ©ation de coopĂ©ratives et diverses formes
infĂ©rieurs Ă  ceux des petits producteurs. d’agriculture contractuelle. Les arrangements
L’écart est particuliĂšrement marquĂ© dans de ce type permettent aussi d’intĂ©grer les
le cas des productions avicole et porcine. petits producteurs Ă  des ïŹliĂšres Ă  haute
D’un autre cĂŽtĂ©, les petits producteurs valeur ajoutĂ©e dont ils se trouveraient sinon
font souvent appel Ă  une main-d’Ɠuvre exclus. Ils peuvent Ă©galement favoriser
familiale, dont le coĂ»t d’opportunitĂ© est l’égalitĂ© entre les sexes en garantissant un
vraisemblablement plus faible, au moins accÚs égal aux ressources, y compris aux
lorsque cette main-d’Ɠuvre est fournie par actions de dĂ©veloppement des capacitĂ©s qui
les femmes et les enfants et lorsque les autres s’adressent indistinctement aux femmes et
options d’emploi sont limitĂ©es. Cet Ă©lĂ©ment aux hommes. Les modalitĂ©s contractuelles
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sont variables mais, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, donnĂ©e est un objectif dĂ©clarĂ© de l’entreprise
l’entreprise contractante fournit des espĂšces d’intĂ©gration.
gĂ©nĂ©tiquement supĂ©rieures – en particulier En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les petits producteurs
pour la production avicole et porcine, ne sont pas sous contrat mais indépendants:
des aliments pour le bétail, des conseils ils produisent et vendent leur production sur
et un soutien, ainsi qu’une garantie de les marchĂ©s au comptant. Dans une Ă©tude
commercialisation du produit ïŹnal. portant sur diffĂ©rents types de contrat,
Les contrats formels passés avec les Costales et Catelo (2008) ont observé que
entreprises d’intĂ©gration concernent souvent l’analyse de «la capacitĂ© de l’agriculture
les grands producteurs implantĂ©s en zone contractuelle Ă  intĂ©grer efïŹcacement et
périurbaine plutÎt que les petits producteurs de maniÚre rentable les petits producteurs
ruraux. Ces contrats s’accompagnent ruraux dans des marchĂ©s Ă  haute valeur
frĂ©quemment d’un nantissement destinĂ© ajoutĂ©e dĂ©bouchait sur des rĂ©sultats mitigĂ©s,
Ă  garantir l’entreprise d’intĂ©gration avec quelques rĂ©ussites prometteuses et de
contre le risque initial qu’elle supporte en nombreux Ă©checs». Un exemple de rĂ©ussite
décidant de travailler avec un nouveau est celui des coopératives laitiÚres en Inde. Le
producteur. Ces contrats formels tendent succÚs du mouvement coopératif laitier dans
à favoriser les grandes exploitations du le Gujarat est à rapprocher de la Révolution
fait des Ă©conomies d’échelle que rĂ©alisent verte mise en Ɠuvre en Inde et du soutien Ă 
les entreprises d’intĂ©gration en traitant l’agriculture en gĂ©nĂ©ral, Ă  travers notamment
avec un petit nombre de producteurs les transferts de technologie (Staal,
capables de fournir de grandes quantitĂ©s, Pratt et Jabbar, 2008a). L’exemple indien
et des coĂ»ts de transaction Ă©levĂ©s qu’elles illustre l’importance de l’intĂ©gration et de
Ă©vitent ainsi et qui sont associĂ©s au fait de l’articulation du dĂ©veloppement sectoriel
traiter et de suivre un nombre important avec le développement agricole et rural plus
d’éleveurs ayant des capacitĂ©s de production large, au bĂ©nĂ©ïŹce des petits producteurs
différentes (Costales et Catelo, 2008). De plus, (voir encadré 9).
l’agriculture contractuelle n’a pas toujours L’analyse des avantages de l’agriculture
été bien accueillie par les petits producteurs, contractuelle pour les petits producteurs
parce qu’elle rĂ©duit leur marge et leur conclut donc Ă  des rĂ©sultats mitigĂ©s. Dans
indĂ©pendance (Harkin, 2004). En Chine, certains cas, l’agriculture contractuelle
certaines entreprises d’intĂ©gration honoraient s’avĂšre plus rentable que l’exploitation
leurs contrats uniquement lorsque les prix du indĂ©pendante, mais dans d’autres – dans
marché excédaient les prix du contrat, ce qui le cas par exemple des petits producteurs
a eu pour effet de dĂ©tourner les agriculteurs de porc aux Philippines – les exploitations
de ce type d’arrangements contractuels indĂ©pendantes sont plus rentables. Surtout,
(Zhang et al., 2004). l’agriculture contractuelle tend à favoriser la
Les petits producteurs sont plus compétitivité des grandes exploitations, et
gĂ©nĂ©ralement engagĂ©s dans des relations pour les entreprises d’intĂ©gration, il est plus
contractuelles informelles. L’établissement rentable en termes de coĂ»t et de contrĂŽle
d’un contrat informel requiert au prĂ©alable de la qualitĂ© de traiter avec un petit nombre
un capital social tel que l’appartenance de grands producteurs plutît qu’avec une
Ă  une organisation paysanne ou une myriade de petits producteurs.
rĂ©putation Ă©tablie, plutĂŽt qu’une garantie Il semble que les petits producteurs
matérielle (Costales et Catelo, 2008). Les peuvent rester en activité aussi longtemps
petits agriculteurs sont visĂ©s par des contrats que le coĂ»t d’opportunitĂ© de la main-
formels uniquement lorsqu’ils reprĂ©sentent d’Ɠuvre familiale reste faible et qu’ils
le systùme de production dominant et peuvent s’appuyer sur une quelconque forme
qu’ils sont les fournisseurs majoritaires d’organisation collective ou rĂ©seau de soutien
dans la rĂ©gion dans laquelle l’entreprise leur permettant de rĂ©duire leurs coĂ»ts de
d’intĂ©gration opĂšre, lorsqu’ils possĂšdent un transaction. Lorsque d’autres types d’emplois
capital humain sufïŹsant et lorsqu’ils sont offrent une meilleure rĂ©munĂ©ration, comme
rĂ©ceptifs Ă  des actions de formation au sein c’est le cas dans de nombreuses rĂ©gions
du systĂšme, ou encore lorsque l’intĂ©gration dĂ©veloppĂ©es en Chine, l’avantage compĂ©titif
des petits producteurs dans une région des petits producteurs tend à disparaßtre et
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

55
ENCADRÉ 9
Les poulets Kuroilerℱ – relier les Ă©levages de basse-cour au secteur privĂ©

Les partenaires du développement sont de réguliÚre de prÚs de 22 pour cent


plus en plus convaincus de l’importance pendant plus de 10 ans. Une Ă©tude de
des Ă©levages de volailles de basse-cour terrain sur la production de Kuroilerℱ
pour la sauvegarde et le renforcement (Ahuja et al., 2008) a montré que, dans
des moyens d’existence des pauvres dans l’échantillon choisi, une vaste proportion
les pays en développement. Les volailles de ceux qui élÚvent des oiseaux
Ă©levĂ©es en basse-cour pour ĂȘtre vendues domestiques sont des mĂ©nages sans terre
sur les marchés sont considérées comme ou des paysans marginaux possédant
un tremplin socioĂ©conomique permettant moins d’une acre de terre. En moyenne,
aux mĂ©nages les plus pauvres d’ouvrir les mĂ©nages Ă©levant des Kuroilerℱ en
une brÚche dans le cercle vicieux de la ont tiré des revenus plus de cinq fois
pauvretĂ© et de la misĂšre. De plus en plus, supĂ©rieurs Ă  ceux des possesseurs d’autres
les faits démontrent que la possession types de volailles.
de volailles peut améliorer la sécurité Plusieurs aspects de cette opération
alimentaire et nutritionnelle des ménages ont cependant nécessité une attention
les plus pauvres, en tant que facteur de particuliĂšre. Aucun suivi n’a Ă©tĂ© assurĂ© en
renforcement des moyens d’existence et matiĂšre de vaccinations, de mortalitĂ© et
de promotion de l’équitĂ© en matiĂšre de d’utilisation de produits pharmaceutiques
paritĂ© hommes/femmes (Ahuja et Sen, aux diverses Ă©tapes de la ïŹliĂšre. Cette
2008; Ahuja, 2004; Dolberg, 2004). question a des retombées importantes sur
Le secteur privé est conscient lui aussi du la réduction des risques et la diminution
potentiel commercial de ce type d’activitĂ©. des pertes dans la ïŹliĂšre. Les capacitĂ©s
Un reïŹ‚et de l’intĂ©rĂȘt du secteur privĂ© pour des mĂ©nages participants Ă  faire face aux
les petits élevages de volailles est constitué risques sont trÚs faibles et tout signe de
par la race Kuroilerℱ, mise au point en risque inhĂ©rent – sous forme de foyer de
Inde par Kegg Farms Private Ltd en 1993. maladie, par exemple – pourrait avoir un
Cette race, sĂ©lectionnĂ©e pour les marchĂ©s effet dĂ©stabilisant. L’étude a suggĂ©rĂ© que
ruraux indiens, est fournie aux agriculteurs pour répondre à ces questions, il faut des
à travers un réseau de fournisseurs locaux. investissements publics ou privés pour le
La premiÚre année, la société a vendu renforcement des compétences pour la
plus de 1 million de poussins Kuroilerℱ gestion des Ă©levages, l’analyse des moyens
d’un jour. En 2005-06, elle en a vendu d’existence et la certiïŹcation des intrants
14 millions – soit une croissance annuelle utilisĂ©s Ă  toutes les Ă©tapes de la ïŹliĂšre.

la probabilitĂ© d’un dĂ©sengagement massif du difïŹciles de la part des dĂ©cideurs politiques.


secteur est forte lorsque les agriculteurs sont Les maigres ressources publiques et l’aide
attirés par des emplois mieux rémunérés. Cela des bailleurs de fonds ne doivent pas
Ă©tant, le fait que ces paysans abandonnent ĂȘtre employĂ©es Ă  rĂ©sister aux forces du
l’élevage pour occuper des emplois mieux changement; elles devraient plutĂŽt viser Ă 
payĂ©s peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une accompagner le changement pour en tirer le
évolution positive. meilleur parti possible pour tous les membres
de la société.
La croissance du secteur de l’élevage
Politiques de l’élevage pour offre des opportunitĂ©s importantes pour
un secteur en transition améliorer la sécurité alimentaire et réduire la
pauvreté, mais une aide concertée, prenant
La croissance rapide et la mutation du en compte la question de la parité entre les
secteur de l’élevage prĂ©sentent Ă  la fois des sexes, est nĂ©cessaire pour aider les petits
dĂ©ïŹs et des opportunitĂ©s pour les petits producteurs qui peuvent ĂȘtre compĂ©titifs
producteurs et nécessitent des arbitrages à tirer parti de ces opportunités nouvelles.
56 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

Sans soutien adĂ©quat en termes d’innovation bien-ĂȘtre (Hall et Dijkman, 2008). L’innovation
institutionnelle et technologique, de dans le domaine de la production animale,
nombreux petits agriculteurs seront de la transformation, de l’utilisation et de
incapables d’exploiter ces opportunitĂ©s la distribution des produits de l’élevage
pour approvisionner de nouveaux marchés, survient habituellement lorsque les différents
et l’écart risque de se creuser entre ceux acteurs de la ïŹliĂšre sont organisĂ©s en rĂ©seau
qui rĂ©ussissent Ă  nĂ©gocier avec succĂšs le efïŹcace, ce qui leur permet d’exploiter de
changement et ceux qui n’y parviennent pas. maniĂšre crĂ©ative les idĂ©es, technologies et
Certains petits producteurs seront contraints informations émanant de différentes sources,
d’abandonner le secteur à mesure que y compris de la recherche.
les forces de la concurrence érodent leur La viabilité des petits agriculteurs en
compĂ©titivitĂ© et que le coĂ»t d’opportunitĂ© de gĂ©nĂ©ral – et non pas seulement dans le
leur main-d’Ɠuvre augmente. Pour nombre secteur de l’élevage – reste un sujet de dĂ©bat
d’autres, l’élevage continuera de reprĂ©senter important. S’agissant de gĂ©rer la transition
une part importante de leur subsistance ou du secteur, une difïŹcultĂ© substantielle
de leur stratĂ©gie de survie. La fonction de tient Ă  l’identiïŹcation des politiques
ïŹlet de sĂ©curitĂ© que remplit l’élevage pour qui donnent de bons rĂ©sultats dans des
ceux-lĂ  doit ĂȘtre prise en compte, sans pour contextes diffĂ©rents. Trois catĂ©gories de
autant ĂȘtre confondue avec une stratĂ©gie de petits Ă©leveurs doivent ĂȘtre pris en compte:
développement. i) les petits opérateurs commerciaux qui sont
Une stratĂ©gie mĂȘlant changement de compĂ©titifs et qui peuvent le rester avec
politique, innovation institutionnelle des politiques, un soutien institutionnel et
et technologique et investissements est des investissements appropriés; ii) les petits
nécessaire. Le développement de capacités producteurs qui pratiquent un élevage
locales spĂ©ciïŹques capables de rĂ©pondre domestique uniquement Ă  cause de l’absence
au changement revĂȘt une importance d’opportunitĂ©s alternatives; et iii) les
particuliÚre. En tout état de cause, il est ménages trÚs pauvres qui élÚvent du bétail
impĂ©ratif d’envisager la gestion du secteur principalement comme une sorte d’assurance
de l’élevage dans le contexte plus large ou de ïŹlet de sĂ©curitĂ©. Les gouvernements
du développement rural, autrement dit de devraient aider les petits producteurs qui
créer un secteur rural aussi dynamique que sont capables de développer leur activité
l’industrie manufacturiùre et le secteur des tout en ayant conscience que certains d’entre
services, et Ă  mĂȘme d’offrir un large Ă©ventail eux seront obligĂ©s de se dĂ©sengager du
d’activitĂ©s rĂ©munĂ©ratrices dans et en dehors secteur et auront besoin d’aide dans cette
du secteur de la production animale en soi transition. Des politiques plus étendues de
(PPLPI, 2008). développement rural visant à la création
Une innovation forte et soutenue dans les d’emplois hors agriculture, pour les femmes
systĂšmes agricoles et alimentaires nationaux, comme pour les hommes, le long de la
rĂ©gionaux et mondiaux sera nĂ©cessaire chaĂźne de valeur de la ïŹliĂšre ou en dehors
pour appuyer le développement rural. Dans du secteur, peuvent offrir des revenus plus
le cas de l’élevage, la notion de capacitĂ© stables Ă  terme aux mĂ©nages qui Ă©lĂšvent
d’innovation doit ĂȘtre Ă©tendue pour englober aujourd’hui du bĂ©tail Ă  des ïŹns de survie
l’ensemble complexe d’activitĂ©s, d’acteurs plutĂŽt que de production.
et de politiques qui interviennent dans Certains petits producteurs commerciaux
l’élaboration, l’accĂšs et l’utilisation du savoir sont compĂ©titifs et Ă  mĂȘme de tirer parti
et de la technologie en faveur de l’innovation des opportunitĂ©s liĂ©es Ă  la croissance.
dans le domaine agricole et alimentaire Dans une économie en forte croissance
(Banque mondiale, 2006b). La recherche doit dans laquelle le secteur de l’élevage ne
prĂȘter plus d’attention Ă  la demande des fait qu’amorcer sa transition, les petits
utilisateurs en matiùre de technologie, en producteurs ont besoin d’aide pour pouvoir
particulier celle des femmes et des hommes participer Ă  cette transition. Des mesures
pauvres, mais aussi celle d’autres acteurs d’intervention appropriĂ©es incluent: le
Ă©conomiques clĂ©s, comme les entrepreneurs soutien Ă  l’innovation technologique pour
et les industriels, qui peuvent créer de améliorer la productivité et satisfaire à des
nouvelles opportunités de croissance et de normes de plus en plus strictes en matiÚre de
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

57
santé et de sécurité sanitaire des aliments;
l’accĂšs aux capitaux et au crĂ©dit pour Principaux messages de ce chapitre
ïŹnancer l’investissement; l’accĂšs aux services
et aux marchĂ©s d’intrants et de produits; v L’élevage reprĂ©sente un moyen
et l’amĂ©lioration des infrastructures de d’existence important pour un grand
transport et de communication. La capacitĂ© nombre de femmes, d’hommes et
d’adaptation aux changements de contexte d’enfants en milieu rural qui vivent
et de conditions est cruciale pour l’avenir des dans la pauvretĂ©. Il remplit un certain
petits producteurs. Cette capacité ne se limite nombre de fonctions différentes, depuis
pas aux moyens ïŹnanciers, techniques et aux la crĂ©ation de revenus et la fourniture
infrastructures; elle implique Ă©galement la d’intrants dans les systĂšmes de production
mise en place de procĂ©dures et de rĂ©seaux mixtes jusqu’à l’amortissement des chocs
qui, conjugués aux politiques, permettront environnementaux et économiques. Les
d’utiliser Ă  des ïŹns productives la technologie dĂ©cideurs politiques doivent prendre
et d’autres formes de savoir et d’information en compte les multiples fonctions que
(Banque mondiale, 2007). remplit l’élevage dans les moyens
Certains petits producteurs ne parviendront d’existence et la sĂ©curitĂ© alimentaire des
sans doute pas à rester compétitifs du fait pauvres.
de la concentration croissante de la ïŹliĂšre et v Les petits producteurs ont besoin de
de son rapprochement des circuits modernes soutien pour tirer parti des opportunités
de transformation et de commercialisation. offertes par la croissance du secteur
Ces producteurs auront besoin d’aide pour et maĂźtriser les risques associĂ©s Ă  une
changer d’activitĂ©. De nombreux producteurs concurrence accrue et Ă  un rapprochement
abandonnent l’élevage lorsque le coĂ»t avec les chaĂźnes de valeur modernes. Il
d’opportunitĂ© de la main-d’Ɠuvre familiale faut pour cela des innovations fortes et
augmente. Le dĂ©veloppement d’opportunitĂ©s soutenues dans les systĂšmes agricoles
d’emploi rural hors agriculture, en et alimentaires nationaux, rĂ©gionaux
amĂ©liorant la qualitĂ© et l’accĂšs Ă  l’éducation et mondiaux et une stratĂ©gie mĂȘlant
pour les ïŹlles et les garçons, peut aider ces changement politique et institutionnel,
ménages à trouver de nouveaux moyens développement des capacités, innovation
d’existence plus viables. Dans ce scĂ©nario, technologique et investissements qui
les politiques de développement en faveur prennent en compte la parité hommes-
des pauvres qui visent le secteur de l’élevage femmes et qui soit rĂ©active.
doivent avoir pour objectif d’accompagner v Les dĂ©cideurs politiques doivent tenir
la transition, en appréhendant de maniÚre compte des différences entre les petits
large le rÎle des femmes, des hommes et producteurs en termes de capacités
des jeunes pauvres, notamment dans leur d’adaptation au changement. Certains
fonction de consommateurs, d’agents petits Ă©leveurs ne pourront sans doute
économiques et de travailleurs comme de pas rester compétitifs dans un secteur
petits producteurs. qui se modernise rapidement et devront
Les ménages trÚs pauvres, pour qui renoncer à leur élevage, du fait de
l’élevage sert avant tout de ïŹlet de sĂ©curitĂ©, l’augmentation du coĂ»t d’opportunitĂ© de
ont besoin de politiques et de dispositions la main-d’Ɠuvre familiale. Des stratĂ©gies
institutionnelles qui diminuent leur plus larges de développement rural visant
vulnérabilité. La production animale risque à créer des emplois hors agriculture pour
de rester un moyen d’existence et un ïŹlet de les femmes, les hommes et les jeunes
sécurité essentiels pour les ménages pauvres peuvent faciliter leur désengagement du
pendant de nombreuses années encore. secteur.
Comme le rappellent les Chapitres 4 et 5, v Les décideurs politiques doivent
il est nĂ©cessaire de rĂ©duire le plus possible apprĂ©cier et prĂ©server la fonction de ïŹlet
les risques de zoonoses et de maladies de sĂ©curitĂ© que remplit l’élevage pour les
d’origine alimentaire ainsi que les risques trĂšs pauvres. Dans le secteur de l’élevage,
environnementaux dans l’intĂ©rĂȘt mĂȘme de les pauvres sont particuliĂšrement
ces éleveurs et de la communauté dans son vulnérables aux zoonoses et aux risques
ensemble (Sones et Dijkman, 2008). environnementaux.
58 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

4. Élevage et environnement

L’intervention publique est nĂ©cessaire de maniĂšre signiïŹcative Ă  l’attĂ©nuation


pour attĂ©nuer l’impact de l’élevage sur des effets du changement climatique. La
l’environnement et s’assurer que ce secteur rĂ©alisation de ces objectifs suppose une
fournit une contribution durable à la sécurité action concertée au niveau politique,
alimentaire et à la réduction de la pauvreté. institutionnel et technique.
La production animale, comme toute autre
activitĂ© Ă©conomique, peut ĂȘtre associĂ©e
Ă  des dommages environnementaux. Le SystĂšmes de production animale
manque de clarté des droits de propriété et écosystÚmes
et d’accùs aux ressources et l’absence de
bonne gouvernance du secteur contribuent Les interactions entre l’élevage et les
Ă  l’épuisement et Ă  la dĂ©gradation des Ă©cosystĂšmes sont complexes et dĂ©pendent
terres, de l’eau et de la biodiversitĂ©. Dans du lieu et des pratiques de gestion. La
le mĂȘme temps, l’élevage est affectĂ© par la plupart des systĂšmes de production animale
dégradation des écosystÚmes et se heurte à traditionnels sont déterminés par les
la concurrence croissante d’autres secteurs ressources, en ce sens qu’ils utilisent des
en ce qui concerne l’accĂšs Ă  ces mĂȘmes ressources localement disponibles dont les
ressources. Le changement climatique usages alternatifs sont limités ou, en termes
reprĂ©sente une «boucle de rĂ©troaction» Ă©conomiques, dont les coĂ»ts d’opportunitĂ©
spĂ©ciale, puisque la production animale sont faibles. C’est le cas par exemple des
contribue au problĂšme en mĂȘme temps rĂ©sidus de rĂ©colte et des pĂąturages extensifs
qu’elle en subit les effets. Si des mesures impropres à la culture ou à d’autres usages.
adĂ©quates ne sont pas prises pour amĂ©liorer Dans le mĂȘme temps, dans les systĂšmes
la viabilitĂ© de l’élevage, les moyens d’exploitation mixtes, l’élevage gĂ©rĂ© de
d’existence de millions de personnes seront maniùre traditionnelle fournit souvent des
menacés. intrants précieux à la culture, avec une forte
Le secteur de l’élevage souffre des intĂ©gration entre les deux activitĂ©s.
dysfonctionnements des marchés et La demande croissante en produits de
des politiques Ă  de multiples niveaux, l’élevage transforme la relation entre
notamment en raison des problĂšmes l’élevage et les ressources naturelles.
associés aux ressources en accÚs libre, aux Les systÚmes modernes de production
externalités et à des mesures incitatives industrielle ont trÚs largement perdu leur
aux effets pervers. Certains pays ont fait lien direct avec les ressources locales et
des progrÚs pour réduire la pollution et reposent sur une alimentation animale
le dĂ©boisement associĂ©s Ă  la production achetĂ©e Ă  l’extĂ©rieur. ParallĂšlement, certaines
animale, mais beaucoup d’autres ont besoin ressources autrefois disponibles Ă  bas coĂ»t
de politiques appropriées et des moyens deviennent de plus en plus coûteuses, soit
de les mettre en Ɠuvre. Sachant que la en raison de conïŹ‚its d’usage accrus avec
demande mondiale de produits de l’élevage d’autres secteurs et activitĂ©s Ă©conomiques
est appelée à poursuivre sa croissance et que (comme la production de biocarburants; voir
de nombreuses personnes dépendent de encadré 10) soit parce que la société attache
l’élevage comme moyen d’existence, il est une plus grande valeur aux services non
absolument crucial d’amĂ©liorer l’efïŹcacitĂ© marchands fournis par ces ressources (comme
d’utilisation des ressources naturelles la qualitĂ© de l’air et de l’eau).
dans le secteur et de rĂ©duire l’empreinte La dissociation entre la production animale
environnementale de la production animale. industrialisée et la terre utilisée pour nourrir
Avec de meilleures pratiques de gestion, le le bétail entraßne également une importante
secteur de l’élevage peut aussi contribuer concentration d’efïŹ‚uents animaux qui peut
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

59
ENCADRÉ 10
L’essor de la production des biocarburants

L’utilisation croissante de cĂ©rĂ©ales et de produits fourragers, ces sous-produits sont


graines oléagineuses pour la fabrication de plus en plus utilisés comme aliments
de produits de remplacement des pour animaux dans certains pays ou
combustibles fossiles – l’éthanol et le systĂšmes de production.
biodiĂ©sel – constitue un dĂ©ïŹ important Ainsi, les sous-produits des
pour le secteur de la production animale, biocarburants ont probablement
forcĂ© Ă  rivaliser pour l’accĂšs aux mĂȘmes contribuĂ© Ă  compenser certaines des
matiĂšres premiĂšres. L’industrie mondiale incidences nĂ©gatives de la percĂ©e des
des biocarburants a connu une pĂ©riode biocarburants sur les coĂ»ts de l’industrie
de croissance exceptionnelle, motivĂ©e par de l’élevage. En mĂȘme temps, ces sous-
l’effet conjuguĂ© de la hausse des prix du produits reprĂ©sentent un Ă©lĂ©ment
pĂ©trole, d’objectifs ambitieux en matiĂšre important des revenus de l’industrie des
d’énergies renouvelables ïŹxĂ©s par les biocarburants. Si l’industrie de l’élevage
gouvernements dans le monde et des ne les absorbait pas en totalité, leur prix
subventions accordées par de nombreux chuterait et la viabilité économique des
pays de l’OCDE. biocarburants diminuerait.
Cette croissance accĂ©lĂ©rĂ©e a eu des L’impact de la production de
conséquences importantes sur les prix et les biocarburants à grande échelle sur
approvisionnements de denrĂ©es telles que l’industrie zootechnique varie selon
le maïs et les graines de colza, qui entrent les régions et les types de cheptel. Les
dans la fabrication des biocarburants. La effets sont plus marqués dans les pays
plupart des études se sont concentrées qui mÚnent une politique volontariste
jusqu’à prĂ©sent sur les effets subis par le d’utilisation accrue des biocarburants
secteur des cultures. Toutefois, l’élevage (comme les États-Unis d’AmĂ©rique et
a Ă©tĂ©, lui aussi, touchĂ©. La rĂ©percussion la certains pays de l’Union europĂ©enne)
plus évidente de la production massive de ainsi que dans les pays qui dépendent
biocarburants liquides sur l’industrie de plus directement de l’économie agricole
l’élevage est la hausse des prix des cultures mondiale. Dans le domaine de l’élevage,
qui fait grimper les prix des aliments pour les répercussions sont également
animaux. La production de biocarburants trÚs différentes selon le sous-secteur
augmente aussi la rentabilité des terres concerné. Les éleveurs industriels de
agricoles, ce qui encourage la conversion bovins, qu’ils produisent du lait ou de la
des pĂąturages en terres arables. viande, nourrissent traditionnellement
Par ailleurs, la production de les animaux avec des rations contenant
biocarburants engendre des sous-produits des DDGS qui sont Ă  la fois digestes et
prĂ©cieux, tels que la drĂȘche de distillerie bien acceptĂ©s. Ils sont donc bien placĂ©s
avec solubles (DDGS) et les farines pour tirer parti d’une augmentation
d’olĂ©agineux qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©es des disponibilitĂ©s de DDGS alors que
comme aliments fourragers et remplacent les producteurs d’autres sous-secteurs
Ă©ventuellement les cĂ©rĂ©ales dans les peuvent Ă©prouver des difïŹcultĂ©s Ă  ajuster
rations pour animaux. Le volume des sous- leurs rations en présence de disponibilités
produits obtenus a augmenté brutalement accrues de DDGS.
ces derniĂšres annĂ©es avec l’accĂ©lĂ©ration de
la production de biocarburants. Leur prix Sources: Taheripour, Hertel et Tyner, 2008a
ayant baissé par rapport à ceux des autres et 2008b.

mettre Ă  l’épreuve la capacitĂ© d’absorption plutĂŽt fermĂ©s, dans lesquels les dĂ©chets
des nutriments de l’environnement. d’une activitĂ© productive (fumier, rĂ©sidus de
À l’inverse, la pĂąture et les systĂšmes rĂ©colte) sont utilisĂ©s comme ressources ou
d’exploitation mixtes sont des systĂšmes intrants par l’autre activitĂ©.
60 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

L’élevage est aussi source d’émissions 0,5 milliard d’hectares plantĂ©s en cultures
gazeuses qui polluent l’atmosphùre et fourragùres (Steinfeld et al., 2006), ce
contribuent à l’effet de serre. La croissance dernier chiffre correspondant à un tiers de la
continue de la production animale va superïŹcie cultivĂ©e totale.
exacerber les pressions sur l’environnement La superïŹcie totale affectĂ©e aux pĂąturages
et les ressources naturelles, d’oĂč la nĂ©cessitĂ© Ă©quivaut Ă  26 pour cent des terres Ă©mergĂ©es
d’une approche conciliant augmentation du globe libres de glace, dont une grande
de la production et rĂ©duction de la charge partie trop sĂšche ou trop froide pour ĂȘtre
environnementale. cultivée et trÚs faiblement peuplée. Les
pratiques de gestion et d’utilisation des
Élevage et terres pĂąturages varient largement, de mĂȘme que
L’élevage est le premier utilisateur des la productivitĂ© de l’élevage Ă  l’hectare. Sur
ressources terrestres de la planĂšte, les les terres de parcours arides et semi-arides,
pùturages et les terres cultivées affectées à la qui représentent la majeure partie des
production de fourrage reprĂ©sentant prĂšs de pĂąturages de la planĂšte, l’intensiïŹcation
80 pour cent de la superïŹcie agricole totale. de la pĂąture est souvent techniquement
Le secteur utilise 3,4 milliards d’hectares impossible ou non rentable. De surcroüt, dans
sous forme de pñturages (tableau 12) et une grande partie de l’Afrique et de l’Asie,

TABLEAU 12
Utilisation des terres par région et groupe de pays, 1961, 1991 et 2007
RÉGION/GROUPEMENT
TERRES ARABLES PÂTURAGE FORÊT1
DE PAYS

Zone Part du Zone Part du Zone Part du


total des total des total des
terres terres terres

1961 1991 2007 2007 1961 1991 2007 2007 1991 2007 2007
(Millions ha) (Pourcentage) (Millions ha) (Pourcentage) (Millions ha) (Pourcentage)

États Baltes et CEI2 235,4 224,4 198,5 9,2 302,0 326,5 362,1 16,9 848,8 849,9 39,6

Europe orientale 48,7 45,0 39,7 34,9 20,0 20,4 16,6 14,6 34,7 35,9 31,6

Europe occidentale 89,0 78,6 72,8 20,4 69,7 60,7 58,9 16,5 122,5 132,9 37,2

Asie en développement 404,4 452,5 466,4 17,6 623,4 805,1 832,8 31,5 532,8 532,6 20,1

Afrique du Nord 20,4 23,0 23,1 3,8 73,4 74,4 77,3 12,9 8,1 9,1 1,5

Afrique subsaharienne 133,8 161,3 196,1 8,3 811,8 823,8 833,7 35,3 686,8 618,2 26,2

Amérique latine 88,7 133,6 148,8 7,3 458,4 538,5 550,1 27,1 988,3 914,6 45,1
et CaraĂŻbes

Amérique du Nord 221,5 231,3 215,5 11,5 282,3 255,4 253,7 13,6 609,2 613,5 32,9

Océanie 33,4 48,5 45,6 5,4 444,5 431,4 393,0 46,3 211,9 205,5 24,2

PAYS DÉVELOPPÉS 633,8 632,4 576,2 10,9 1 119,0 1 094,1 1 083,4 20,5 1 815,7 1 829,0 34,7

PAYS EN 647,6 770,9 834,9 10,8 1 967,8 2 242,6 2 294,8 29,7 2 252,6 2 108,4 27,3
DÉVELOPPEMENT

MONDE 1 281,3 1 403,2 1 411,1 10,8 3 086,7 3 336,8 3 378,2 26,0 4 068,3 3 937,3 30,3

1
Données forestiÚres disponibles depuis 1991 seulement.
2
CEI = CommunautĂ© des États indĂ©pendants.
Source: FAO, 2009b.
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61
les pñturages relùvent traditionnellement climats secs. Mais du fait de l’affaiblissement
d’une propriĂ©tĂ© collective. Du fait des institutions traditionnelles, de
de l’affaiblissement des institutions l’augmentation de la pression sur les
traditionnelles et de la pression accrue sur les ressources et des obstacles croissants aux
terres, une grande partie de ces pùturages mouvements du bétail, souvent de tels
sont devenus des ressources en accĂšs libre. ajustements ne sont pas possibles. Cela vaut
Là comme ailleurs, il faudrait qu’il y ait en particulier dans les aires communales de
des mesures d’incitation pour amĂ©liorer la pĂąturage arides et semi-arides du Sahel et
gestion des terres et il faudrait disposer des d’Asie centrale. Dans ces rĂ©gions, la pression
techniques voulues; en leur absence, il y a dĂ©mographique et l’empiĂštement des
une perte de gains de productivité potentiels cultures sur les pùturages ont sévÚrement
et de services écosystémiques. restreint la mobilité des troupeaux et limité
Trois grandes tendances se dégagent en les options de gestion. La dégradation
ce qui concerne les pùturages: la conversion des pùturages a des conséquences sur
d’importants Ă©cosystĂšmes en pĂąturages (par l’environnement, parmi lesquelles l’érosion
exemple, dĂ©frichement des forĂȘts pour mise des sols, la dĂ©gradation de la vĂ©gĂ©tation,
en pĂąture); la conversion des pĂąturages l’émission de carbone par les dĂ©pĂŽts de
Ă  d’autres usages (terres cultivĂ©es, zones matiĂšre organique, la perte de biodiversitĂ©
urbaines et forĂȘts); et la dĂ©gradation des et l’altĂ©ration des cycles de l’eau.
pĂąturages. Il est possible d’enrayer la dĂ©tĂ©rioration
Le déboisement lié au pùturage extensif des pùturages dans une certaine mesure,
est un phénomÚne courant en Amérique mais il reste à établir quels seraient les
centrale et du Sud (Wassenaar et al., 2006). délais nécessaires et les méthodes les mieux
Dans le mĂȘme temps, les pĂąturages sont de adaptĂ©es pour y parvenir. En tout Ă©tat
plus en plus fragmentés et les terres cultivées de cause, il ne fait guÚre de doute que la
comme les zones urbaines ne cessent productivité actuelle est contrainte par
d’empiĂ©ter sur les parcours. White, Murray une charge animale Ă©levĂ©e dans certaines
et Rohweder (2000) estiment que plus de rĂ©gions d’Afrique et d’Asie, oĂč les terres de
90 pour cent des prairies d’herbes hautes pacage sont surexploitĂ©es. Dans un systĂšme
d’AmĂ©rique du Nord et prĂšs de 80 pour oĂč ils sont un bien commun, les pĂąturages
cent du cerrado d’AmĂ©rique du Sud ont Ă©tĂ© peuvent ĂȘtre gĂ©rĂ©s de maniĂšre Ă  pouvoir ĂȘtre
convertis en terres cultivées et urbanisées. durablement exploités, et lorsque ce systÚme
Par contraste, la steppe daurienne d’Asie s’est disloquĂ©, la surexploitation est souvent
et les terres boisées du Mopane et du observée. La logique économique qui pousse
Miombo dans l’est et le sud de l’Afrique les Ă©leveurs individuellement Ă  tenter de
subsaharienne sont relativement intactes, la maximiser leur proïŹt personnel lorsque les
part des terres converties Ă  d’autres usages systĂšmes de propriĂ©tĂ© commune se divisent
reprĂ©sentant moins de 30 pour cent. est simple: maximiser les nombre d’animaux
Environ 20 pour cent des pñturages par hectare permet d’exploiter davantage
et des terres de parcours de la planĂšte de ressources pour le proïŹt individuel. Ce
se sont dégradées, et ce pourcentage systÚme encourage la surexploitation de la
pourrait atteindre jusqu’à 73 pour cent ressource au dĂ©triment de la productivitĂ©
dans les zones sĂšches (PNUE, 2004). globale.
L’Évaluation des Ă©cosystĂšmes Ă  l’aube du
millénaire a estimé que 10 à 20 pour cent Terres affectées à la production fourragÚre
des prairies étaient dégradés, en raison La plupart des terres affectées à la
principalement du surpùturage. De façon production fourragÚre se trouvent dans
gĂ©nĂ©rale, la dĂ©gradation des pĂąturages les pays de l’OCDE, mais certains pays en
est la consĂ©quence d’un dĂ©calage entre dĂ©veloppement intensiïŹent rapidement
la densitĂ© d’élevage et la capacitĂ© des leur production de cultures fourragĂšres,
pùturages dégradés par la pùture et le principalement de maïs et soja en Amérique
piétinement des animaux de se régénérer. du Sud.
Idéalement, le ratio animaux-terre devrait La production intensive de cultures
ĂȘtre ajustĂ© en permanence en fonction de fourragĂšres se traduit souvent par une
l’état des pĂąturages, en particulier sous les dĂ©gradation importante des terres, la
62 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

pollution de l’eau et la perte de biodiversitĂ©, Ă  l’irrigation des cultures fourragĂšres. La


tandis que l’empiùtement des surfaces croissance des systùmes de production
cultivées sur les écosystÚmes naturels a aussi industriels augmente les besoins en eau
des consĂ©quences Ă©cologiques dramatiques, d’irrigation pour la production fourragĂšre.
notamment la perte de biodiversitĂ© et de L’eau directement utilisĂ©e pour la production
services écosystémiques tels que la régulation animale et la transformation des produits
du cycle de l’eau et le contrĂŽle de l’érosion de l’élevage reprĂ©sente moins de 1 pour
des sols. cent de la consommation mondiale, mais
S’il est vrai que l’augmentation de la cette proportion est souvent beaucoup plus
production cĂ©rĂ©aliĂšre est due principalement Ă©levĂ©e dans les zones sĂšches. C’est ainsi que
Ă  l’intensiïŹcation de la culture sur la consommation directe d’eau par l’élevage
les superïŹcies existantes, celle de la reprĂ©sente 23 pour cent de la consommation
production de soja s’explique largement par totale au Botswana (Steinfeld et al., 2006).
l’empiĂštement des cultures sur les habitats Le secteur de l’élevage peut altĂ©rer la
naturels. La pression sur les ressources en qualitĂ© de l’eau Ă  travers les rejets dans les
terre pour la production fourragĂšre a pu ĂȘtre cours d’eau et les eaux souterraines d’azote,
atténuée au cours des derniÚres décennies de phosphore et autres nutriments ainsi que
par l’évolution de l’élevage qui a dĂ©laissĂ© d’agents pathogĂšnes et autres substances
les ruminants au proïŹt des porcs et de la provenant principalement des efïŹ‚uents
volaille, qui ont une meilleure «conversion d’élevage dans les exploitations intensives.
alimentaire», de races Ă  plus haut rendement La mauvaise gestion des efïŹ‚uents contribue
et de meilleures pratiques de gestion. à la pollution et à l’eutrophisation des
Toutefois, répondre à la demande future en eaux de surface, des eaux souterraines et
produits de l’élevage exigera de nouvelles des Ă©cosystĂšmes marins cĂŽtiers ainsi qu’à
amĂ©liorations de la productivitĂ© des terres l’accumulation de mĂ©taux lourds dans le sol.
et de l’élevage ainsi que l’expansion des Ces processus peuvent prĂ©senter des risques
surfaces plantées en cultures fourragÚres, pour la santé humaine et la biodiversité
au détriment des pùturages et des habitats et contribuer au changement climatique,
naturels. Ă  l’acidiïŹcation des sols et de l’eau et Ă  la
dégradation des écosystÚmes.
Élevage et eau La dissociation physique entre l’élevage
Les systÚmes de production animale industriel et la ressource dont il dépend
diffĂšrent par la quantitĂ© d’eau consommĂ©e entraĂźne une rupture des transferts de
par animal et la maniÚre dont ces besoins nutriments entre la terre et le bétail. Il en
sont satisfaits. Dans les systĂšmes d’élevage rĂ©sulte des problĂšmes d’épuisement des
extensifs, l’énergie dĂ©pensĂ©e par les animaux nutriments Ă  la source (terre, vĂ©gĂ©tation
en quĂȘte de fourrage et d’eau augmente et sols) et des problĂšmes de pollution Ă 
considĂ©rablement leurs besoins en eau l’arrivĂ©e (efïŹ‚uents d’élevage, de plus en
par comparaison avec l’élevage intensif plus rejetĂ©s dans les cours d’eau au lieu
et industrialisĂ©. Toutefois, la production d’ĂȘtre rendus Ă  la terre). L’ampleur du
intensive a des besoins supplémentaires en problÚme est illustrée par le fait que les
eau pour les équipements de refroidissement quantités totales de nutriments présents
et de nettoyage, ce qui entraßne une dans les déjections animales sont égales ou
consommation globale d’eau trĂšs largement supĂ©rieures Ă  celles contenues dans tous
supérieure à celle des systÚmes extensifs. Les les engrais chimiques utilisés chaque année
uns et les autres contribuent Ă  la pollution (Menzi et al., 2009).
du fait du ruissellement des efïŹ‚uents Il existe un certain nombre d’options
animaux, mĂȘme si la concentration du bĂ©tail pour rĂ©duire l’impact de l’élevage sur les
associé aux systÚmes intensifs a pour effet ressources en eau, notamment en diminuant
d’exacerber le problùme. La transformation la consommation d’eau (à travers des
des produits de l’élevage est elle aussi grande mĂ©thodes d’irrigation et des systĂšmes de
consommatrice d’eau. refroidissement plus efïŹcaces par exemple),
Le secteur de l’élevage reprĂ©sente en limitant l’épuisement ou la pollution de
environ 8 pour cent de la consommation l’eau (Ă  travers une meilleure efïŹcacitĂ© de
mondiale d’eau, destinĂ©e principalement l’utilisation d’eau, une meilleure gestion des
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

63
efïŹ‚uents et des techniques de fertilisation les structures sociales et n’est pas Ă©galement
des cultures fourragÚres) et en favorisant la partagée ou nécessairement accessible à
reconstitution des réserves en eau grùce à des groupes extérieurs, notamment groupes
une meilleure gestion des terres. ethniques, clans, groupes d’hommes/femmes
À propos du traitement des efïŹ‚uents ou groupes Ă©conomiques (FAO, 2004b).
d’élevage en particulier, il existe tout Les femmes qui transforment la laine, par
un éventail de techniques éprouvées, exemple, peuvent avoir du fait de leur
notamment les techniques de sĂ©paration, activitĂ© spĂ©ciïŹque des connaissances sur les
le compost et la digestion anaĂ©robie ou caractĂ©ristiques d’une race trĂšs diffĂ©rentes
méthanisation. Ces pratiques offrent de celles des hommes qui conduisent les
un certain nombre d’avantages, parmi troupeaux et s’attachent davantage à leur
lesquels l’application sans danger des alimentation et à leur consommation d’eau
efïŹ‚uents pour la fertilisation des cultures ou Ă  leur rĂ©sistance aux maladies.
vivriĂšres et fourragĂšres; l’amĂ©lioration de Les systĂšmes de production animale ont
l’assainissement; le contrĂŽle des odeurs; un impact variable sur la biodiversitĂ©. Les
la production de biogaz; et la valorisation systĂšmes intensifs reposent sur un nombre
des efïŹ‚uents comme fertilisants. Surtout, le limitĂ© de cultures et de races animales,
fait de remplacer les engrais minĂ©raux par mĂȘme si chacune peut ĂȘtre trĂšs riche en
des efïŹ‚uents d’élevage aurait pour effet termes de patrimoine gĂ©nĂ©tique. Ces
d’abaisser l’impact environnemental de la systĂšmes dĂ©pendent de cultures fourragĂšres
production alimentaire (Menzi et al., 2009). gérées de maniÚre intensive et souvent
L’accroissement des effectifs nĂ©cessaire rendues responsables de la dĂ©gradation
pour satisfaire la croissance projetĂ©e de des Ă©cosystĂšmes. Cependant, l’utilisation
la demande en produits de l’élevage aura intensive des terres peut de fait protĂ©ger
d’importantes rĂ©percussions sur la ressource la biodiversitĂ© non agricole en rĂ©duisant
hydrique et ne manquera pas d’entraĂźner la pression visant Ă  Ă©tendre les terres
des conïŹ‚its d’usage. Cependant, la recherche cultivĂ©es et les pĂąturages. Les systĂšmes
et la planiïŹcation visant Ă  la fois l’eau extensifs pour leur part abritent un plus
et l’élevage ont trĂšs largement ignorĂ© grand nombre d’espĂšces et utilisent un plus
jusqu’ici les interactions entre l’élevage et large Ă©ventail de ressources vĂ©gĂ©tales pour
l’eau (Peden, Tadesse et Misra, 2007). Cette l’alimentation du bĂ©tail, mais leur plus faible
lacune devra ĂȘtre comblĂ©e pour que le productivitĂ© peut accroĂźtre la pression sur
secteur de l’élevage puisse continuer Ă  se les habitats naturels. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale,
dĂ©velopper sans causer de dommage grave Ă  l’impact de l’élevage sur la biodiversitĂ©
l’environnement. dĂ©pend de l’ampleur de ses effets ou du
degrĂ© d’exposition de la biodiversitĂ© Ă  ces
Élevage et biodiversitĂ© impacts, de la sensibilitĂ© de la biodiversitĂ©
La biodiversitĂ© dĂ©signe l’ensemble des en question Ă  l’élevage et des modalitĂ©s de
espÚces animales, végétales et microbiennes réponse à ces impacts (Reid, et al., 2009).
(biodiversitĂ© interspĂ©ciïŹque) de la planĂšte De nombreuses races d’élevage – qui sont
ainsi que la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique au sein d’une une composante de la biodiversitĂ© agricole
mĂȘme espĂšce (biodiversitĂ© intraspĂ©ciïŹque). – sont menacĂ©es de disparition, en raison
Elle englobe la variabilitĂ© gĂ©nĂ©tique entre principalement de l’utilisation croissante
individus d’une mĂȘme population et d’un nombre rĂ©duit d’espĂšces dans les
entre populations diffĂ©rentes. La diversitĂ© systĂšmes intensifs. L’encadrĂ© 11 traite de la
écosystémique est une autre dimension de la nécessité de préserver la diversité animale
biodiversité. domestique.
La biodiversitĂ© agricole est un cas D’aprĂšs l’Évaluation des Ă©cosystĂšmes
particulier de diversitĂ© intraspĂ©ciïŹque qui en dĂ©but de millĂ©naire (MEA, 2005),
rĂ©sulte de l’activitĂ© humaine. Elle inclut les les principaux facteurs directement
espÚces animales et végétales domestiquées responsables de la perte de biodiversité
ainsi que les espÚces non cultivées qui et des changements dans les services
sont une source d’alimentation dans les Ă©cosystĂ©miques sont: la transformation des
agroĂ©cosystĂšmes agricoles. La connaissance habitats (changements d’utilisation des
de la biodiversitĂ© est souvent enracinĂ©e dans terres, modiïŹcation physique des cours d’eau
64 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ou des prĂ©lĂšvements d’eau, disparition des dĂ©gradation environnementale. Il est donc


rĂ©cifs coralliens et dĂ©gradation des fonds difïŹcile d’isoler la part de l’élevage dans ce
marins due au chalutage); le changement phĂ©nomĂšne. L’analyse se complique encore
climatique; les espÚces exotiques du fait des nombreuses étapes de la chaßne
envahissantes; la surexploitation; et la de production animale qui ont des effets sur
pollution. L’élevage contribue directement l’environnement.
ou indirectement à tous ces facteurs L’occupation des sols et les changements
responsables de la perte de biodiversitĂ©, d’utilisation liĂ©s Ă  l’élevage modiïŹent ou
Ă  l’échelle locale comme mondiale. De dĂ©truisent des Ă©cosystĂšmes qui abritent
fait, la perte de biodiversitĂ© rĂ©sulte de des espĂšces donnĂ©es. L’élevage contribue
la combinaison de divers processus de au changement climatique (voir ci-aprĂšs

ENCADRÉ 11
La conservation des ressources zoogénétiques

Les espĂšces d’élevage qui contribuent Ă  l’alimentation et l’agriculture (http://


l’agriculture et à la production alimentaire dad.fao.org) est la source mondiale la
de l’époque moderne sont la rĂ©sultante plus complĂšte sur la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique
d’une longue histoire de domestication et des races d’élevage. Au total, 7 616 races
de sĂ©lection. L’évolution de la ïŹn du XXe y sont rĂ©pertoriĂ©es, dont 6 536 races
siĂšcle – notamment la gĂ©nĂ©ralisation des locales et 1 080 races transfrontiĂšres. Sur
Ă©levages commerciaux, l’accroissement cet ensemble, 1 491 races sont classĂ©es
de la demande en produits animaux dans comme étant «à risque»1 et le chiffre est
le monde en développement, les écarts sans doute plus élevé car on ne dispose de
de production entre pays développés données de population que pour 36 pour
et en développement, la percée des cent des races. Les régions présentant la
biotechnologies reproductives qui plus forte proportion de races classées à
facilitent les mouvements de matĂ©riel risque sont l’Europe et le Caucase (28 pour
génétique et donnent les moyens de cent de mammifÚres et 49 pour cent
contrĂŽler l’environnement de production d’oiseaux) et l’AmĂ©rique du Nord (20 pour
indĂ©pendamment de l’emplacement cent et 79 pour cent respectivement). Dans
gĂ©ographique – a conduit Ă  une ces deux rĂ©gions, l’industrie zootechnique
nouvelle phase dans l’histoire des ïŹ‚ux est hautement spĂ©cialisĂ©e et dominĂ©e par
internationaux de gÚnes. Le transfert un petit nombre de races. Pour la région
international de matériel génétique Amérique latine et Caraïbes, 68 pour cent
s’effectue Ă  une trĂšs vaste Ă©chelle, aussi des races de mammifĂšres et 81 pour cent
bien dans le monde développé que des espÚces aviaires sont classées comme
des pays développés vers les pays en ayant un niveau de risque indéterminé.
dĂ©veloppement. Ces ïŹ‚ux sont limitĂ©s Ă  Ces mĂȘmes chiffres pour l’Afrique sont
un petit nombre de races. Des ressources de 59 pour cent pour les mammifĂšres et
génétiques circulent aussi en sens inverse, 60 pour cent pour les oiseaux. Le manque
des pays en développement vers les pays de données compromet gravement
dĂ©veloppĂ©s, mais en petites quantitĂ©s et l’efïŹcacitĂ© des efforts de sĂ©lection des
principalement aux ïŹns de la recherche. prioritĂ©s et de planiïŹcation dĂ©ployĂ©s en
Actuellement, la race bovine la plus faveur de la conservation des races. Il
rĂ©pandue dans le monde, la Holstein- est nĂ©cessaire d’amĂ©liorer les systĂšmes
Frisonne, est prĂ©sente dans au moins d’investigation et de notiïŹcation sur la
128 pays. Parmi les autres espĂšces d’élevage taille et la structure des populations et
ïŹgurent les porcs Large White dans autres informations spĂ©ciïŹques Ă 
117 pays, les chĂšvres Saanen dans 81 pays la race.
et les moutons Suffolk dans 40 pays. La diffusion rapide des modes d’élevage
La banque de données de la FAO intensif qui utilise une gamme réduite
sur les ressources zoogénétiques pour de races a contribué à la marginalisation
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

65
«Élevage et changement climatique») pollution due aux Ă©levages industriels, ainsi
lequel Ă  son tour affecte les Ă©cosystĂšmes et que la surpĂȘche liĂ©e Ă  la production de farine
les espĂšces. Il affecte aussi la biodiversitĂ© de poisson pour l’alimentation animale,
directement Ă  travers l’introduction d’espĂšces rĂ©duit la biodiversitĂ© des Ă©cosystĂšmes marins
exotiques envahissantes et la surexploitation, (Reid et al., 2009).
Ă  travers par exemple le surpĂąturage de la L’élevage affecte la biodiversitĂ© depuis
ressource vĂ©gĂ©tale. La pollution de l’eau et la domestication des animaux il y a de cela
les Ă©missions d’ammoniac, essentiellement plusieurs millĂ©naires et il a fourni Ă  l’ĂȘtre
dues Ă  l’élevage industriel, rĂ©duisent la humain un moyen d’exploiter de nouvelles
biodiversité, souvent de façon dramatique ressources et des territoires jusque-là
dans le cas des écosystÚmes aquatiques. La inaccessibles. Les processus de dégradation

des systĂšmes traditionnels de production locales des hommes et des femmes


animale et des ressources gĂ©nĂ©tiques continuent d’ĂȘtre un atout important
animales qui y sont associées. La pour les personnes pauvres en ressources,
production mondiale de viande, de lait et surtout en termes d’amĂ©lioration de la
d’Ɠufs repose de plus en plus sur un petit sĂ©curitĂ© alimentaire et de la santĂ©.
nombre de races hautement productives – En septembre 2007, pour la premiùre
celles qui dans les conditions actuelles de fois, la communauté internationale
gestion et de commercialisation sont les a adoptĂ© un Plan d’action mondial
plus rentables dans le cadre de systÚmes pour les ressources zoogénétiques
de production industrialisés. Des politiques (FAO, 2007b), composé de 23 priorités
sont nécessaires pour minimiser la perte stratégiques axées sur la lutte contre
de biens publics mondiaux entraĂźnĂ©e par l’érosion de la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique animale
l’érosion de la diversitĂ© zoogĂ©nĂ©tique. et l’utilisation durable des ressources
Des menaces graves, telles que les génétiques. Elle a également adopté la
grandes Ă©pidĂ©mies et les catastrophes de DĂ©claration d’Interlaken sur les ressources
natures diverses (sécheresse, inondations, zoogénétiques. Cette déclaration prend
conïŹ‚its armĂ©s, etc.) sont Ă©galement une acte des nombreuses lacunes et faiblesses
source d’inquiĂ©tude – surtout dans le cas des capacitĂ©s nationales et internationales
de populations exiguës et concentrées en matiÚre de recensement, de suivi, de
gĂ©ographiquement. La portĂ©e globale de caractĂ©risation, d’utilisation durable,
ces menaces est difïŹcile Ă  chiffrer. de dĂ©veloppement et de conservation
Si les menaces de ce type sont des ressources zoogĂ©nĂ©tiques et afïŹrme
impossibles Ă  Ă©liminer, les effets peuvent qu’il est urgent d’y remĂ©dier. Elle insiste
en ĂȘtre attĂ©nuĂ©s. La prĂ©paration est aussi sur la mobilisation de ressources
essentielle dans ce contexte et toute ïŹnanciĂšres et d’un soutien Ă  long terme
mesure improvisĂ©e dans l’urgence en faveur des programmes nationaux
est généralement beaucoup moins et internationaux dans le domaine des
efïŹcace qu’une intervention planiïŹĂ©e. ressources zoogĂ©nĂ©tiques.
Des connaissances sur les races et les
caractéristiques qui les rendent prioritaires
aux ïŹns de la protection, sur leur aire de
1
répartition, géographique et par systÚme Une race est reconnue à risque si le nombre total
de femelles reproductrices est inférieur ou égal à
de production, sont fondamentales pour 1 000 ou si le nombre total de mĂąles reproducteurs
le bon fonctionnement de ces plans est inférieur ou égal à 20, ou lorsque, pour un
d’intervention, et plus gĂ©nĂ©ralement effectif total supĂ©rieur Ă  1 000 mais infĂ©rieur ou
égal à 1 200 ou en baisse ou si le pourcentage des
pour une gestion durable de la diversité femelles accouplées en race pure est inférieur à
des races d’élevage. Du point de vue des 80 pour cent.
moyens d’existence, les connaissances Sources: FAO, 2007b et 2007c.
66 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

actuels se superposent à ces changements Le cheptel laitier a besoin d’importantes


historiques, qui continuent d’affecter la quantitĂ©s de ïŹbres dans son alimentation.
biodiversité. De ce fait, les troupeaux doivent rester à
proximité de leur source de nourriture,
DiffĂ©rences d’impact entre les espĂšces et beaucoup plus encore que dans les autres
les systĂšmes de production formes de production animale Ă  vocation
Il existe des diffĂ©rences importantes d’impact commerciale. Le cycle des nutriments s’en
sur l’environnement selon les espĂšces, et trouve grandement amĂ©liorĂ©, ce qui est
selon les diffĂ©rents types de production bĂ©nĂ©ïŹque pour l’environnement. Toutefois,
animale. Les systĂšmes de production l’utilisation excessive d’engrais azotĂ©s dans
intensifs comme les systùmes extensifs les exploitations laitiùres est l’une des
peuvent avoir des effets dommageables sur principales causes de la pollution des eaux
l’environnement mais de maniĂšre diffĂ©rente. de surface par les nitrates dans les pays de
La tendance à la hausse de la production à l’OCDE (Tamminga, 2003). Le ruissellement
travers son intensiïŹcation (augmentation et les inïŹltrations d’efïŹ‚uents provenant des
de la production par unité de terre grùce grandes exploitations laitiÚres peuvent aussi
à l’utilisation accrue d’autres intrants) ou contaminer les sols et l’eau.
l’extension des surfaces (extension des La production de bƓuf repose sur un large
terres en production sans changement dans Ă©ventail de systĂšmes d’exploitation, dont
l’utilisation des autres intrants) peut avoir des l’échelle et l’intensitĂ© de production varient.
consĂ©quences nĂ©gatives sur l’environnement À chacune des extrĂ©mitĂ©s du spectre, les
si la valeur des ressources communales et le dommages pour l’environnement peuvent
coĂ»t des externalitĂ©s nĂ©gatives ne sont pas ĂȘtre considĂ©rables. Dans le cas de l’élevage
pleinement pris en compte. extensif, les troupeaux sont responsables
de la dégradation de vastes prairies et
Les espĂšces contribuent au dĂ©frichement des forĂȘts pour
Les bovins fournissent de nombreux mise en pùture (tableau 13). Les émissions
produits et services, notamment viande de carbone qui en résultent, la perte de
de bƓuf, lait et force de traction. Dans de biodiversitĂ© et les effets nĂ©gatifs sur la qualitĂ©
nombreux systĂšmes d’exploitation mixtes, et les dĂ©bits des cours d’eau constituent des
ils sont habituellement bien intégrés dans impacts environnementaux majeurs. En ce qui
les transferts de nutriments et peuvent concerne l’élevage intensif, la concentration
avoir un effet positif sur l’environnement des animaux dans les parcs d’engraissement
(Steinfeld, de Haan et Blackburn, 1998) se traduit souvent par la pollution des sols
(voir tableau 13). Dans nombre de pays en et de l’eau, dans la mesure oĂč les quantitĂ©s
dĂ©veloppement, les bovins et les bufïŹ‚es sont d’efïŹ‚uents et d’urine produites excĂšdent
utilisĂ©s comme animaux de trait dans les trĂšs largement la capacitĂ© d’absorption des
champs; dans certaines régions, en particulier nutriments des terres environnantes. De
en Afrique subsaharienne, le recours à la plus, les bovins à l’embouche ont besoin de
traction animale progresse et se substitue plus d’aliments concentrĂ©s par kilogramme
Ă  la consommation de carburants fossiles. de production que les volailles ou les porcs;
Le fumier est un bon engrais car il présente leurs besoins en ressources sont donc
un faible risque de fertilisation excessive. substantiellement supérieurs et expliquent
Toutefois, dans les pays en développement, leur impact environnemental plus élevé. Les
l’élevage extensif de bovins n’a souvent Ă©missions de gaz Ă  effet de serre des systĂšmes
qu’une productivitĂ© limitĂ©e. De ce fait, une de production animale en gĂ©nĂ©ral sont aussi
grande partie de l’alimentation animale trĂšs Ă©levĂ©es. Dans les systĂšmes extensifs,
sert à maintenir les animaux plutît qu’à la plus grande partie de ces gaz à effet de
fournir des produits et services utiles à serre est le résultat de la dégradation des
la communauté. Il en résulte un manque terres et de la fermentation entérique,
d’efïŹcacitĂ© dans l’utilisation des ressources et tandis que dans les systĂšmes de production
des dommages environnementaux souvent intensifs les efïŹ‚uents d’élevage sont la
importants par unité de produit animal, en principale source de gaz à effet de serre. La
particulier dans le cas des terres de parcours productivité relative plus élevée des animaux
surexploitĂ©es. et la moindre teneur en ïŹbres de leur
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

67
alimentation dans les exploitations intensives production industrielle est donc le mode
limitent les Ă©missions de mĂ©thane dues Ă  la de production le plus efïŹcace, malgrĂ© sa
fermentation entérique par unité de produit dépendance des céréales fourragÚres et
animal. autres aliments Ă  haute valeur nutritionnelle.
La production ovine et caprine est Le fumier de volaille a une teneur élevée
généralement extensive, exception faite de en nutriments, il est relativement aisé à
quelques poches de parcs d’engraissement gĂ©rer et largement utilisĂ© comme engrais; il
au Proche-Orient, en Asie de l’Ouest et est aussi parfois utilisĂ© dans l’alimentation
en Amérique du Nord. Du fait de leur des ruminants. En dehors de son incidence
capacité à grandir et à se reproduire dans sur la production fourragÚre, le secteur
des conditions impropres Ă  toute autre avicole cause beaucoup moins de dommages
forme de production agricole, les petits à l’environnement que d’autres espùces,
ruminants, les chĂšvres en particulier, sont une mĂȘme si ses effets sont parfois importants Ă 
ressource utile voire trĂšs souvent essentielle l’échelle locale.
pour les agriculteurs pauvres contraints de
subsister dans ce type d’environnement, Les systùmes de production
du fait de l’absence de moyens d’existence Comme on a pu le voir au Chapitre 2,
alternatifs. Cependant, les moutons et les pour répondre à la demande croissante
chĂšvres peuvent causer une rĂ©duction grave de produits d’élevage, le secteur connaĂźt
du couvert végétal et de la capacité de actuellement une transformation structurelle
régénération des terres boisées. En cas de qui privilégie des systÚmes de production
densité excessive, ces animaux causent des à forte intensité de capitaux, des unités de
dommages particuliÚrement importants à production à grande échelle et spécialisées
l’environnement en dĂ©gradant le couvert qui reposent sur l’achat d’intrants,
vĂ©gĂ©tal et les sols. l’augmentation de la productivitĂ© animale
Dans les systÚmes mixtes traditionnels, et une concentration géographique accrue.
les porcs nourris de déchets domestiques Cette mutation a changé les impacts
et de sous-produits de l’agro-industrie, environnementaux du secteur. Elle lui fournit
transforment en protĂ©ines animales Ă  haute aussi de nouvelles options pour l’attĂ©nuation
valeur nutritionnelle une biomasse qui serait de ces effets, avec des implications
sinon perdue. Par ailleurs, leurs besoins diverses en termes de coĂ»ts, d’aspects
alimentaires par unitĂ© de produit animal sont socioĂ©conomiques et sexospĂ©ciïŹques.
infĂ©rieurs Ă  ceux des ruminants. De ce fait, L’évolution structurelle constatĂ©e dans
l’élevage porcin reprĂ©sente une demande l’élevage est souvent source de dommages
moindre en terres affectĂ©es Ă  la production environnementaux mais, sur d’autres plans,
fourragÚre. Toutefois, selon les estimations offre aussi des possibilités. Le tableau 13 rend
les plus rĂ©centes, les porcs Ă©levĂ©s dans compte d’observations prĂ©liminaires sur la
des systÚmes mixtes représentent à peine relation entre les impacts environnementaux
35 pour cent de la production mondiale. Le et les diffĂ©rents niveaux d’intensitĂ© de
lisier de porc est un engrais précieux mais production (voir ci-dessous). La spécialisation
les cultivateurs préfÚrent généralement les et son corollaire et la concentration de
fumiers de bovins et de volailles parce que le déjections animales dans certaines régions,
lisier a une odeur forte et qu’il se prĂ©sente ont pour effets de rompre les cycles nutritifs
souvent sous forme liquide. Il est en revanche qui se produisent traditionnellement dans
bien adapté aux biodigesteurs. les systÚmes associant culture et élevage. Les
La production avicole est le sous-secteur coĂ»ts de transport des nutriments jusqu’aux
qui a subi les changements structurels les terres cultivées sont souvent prohibitifs (en
plus importants. Dans les pays de l’OCDE, particulier dans le cas des efïŹ‚uents Ă  forte
elle est quasiment entiĂšrement industrielle, teneur en eau), et les efïŹ‚uents sont rejetĂ©s
tandis que dans de nombreux pays en dans l’environnement local, dont ils excùdent
dĂ©veloppement, l’élevage industriel est bien souvent la capacitĂ© d’absorption. Cela
déjà prédominant. De toutes les espÚces se traduit par une grave pollution des sols et
traditionnellement exploitĂ©es (Ă  l’exception de l’eau, en particulier dans les zones Ă  forte
des poissons), ce sont les volailles qui ont densitĂ© de population. Toutefois, sous l’angle
la plus grande efïŹcacitĂ© alimentaire, et la positif, la concentration gĂ©ographique et
68 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

TABLEAU 13
Principaux impacts environnementaux causés par les différents systÚmes de production1

RUMINANTS ANIMAUX MONOGASTRIQUES


(BOVINS, MOUTONS, ETC.) (PORCS, VOLAILLE)

PĂąturage SystĂšmes SystĂšmes SystĂšmes


extensif2 intensifs3 traditionnels4 industriels

ÉMISSIONS DE GAZ
À EFFET DE SERRE
Émissions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par l’utilisation
des terres et du passage au pĂąturage et Ă  la --- - ns --
production de plantes fourragĂšres
Émissions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par l’utilisation
d’énergie et d’intrants
ns -- ns --
Séquestration du carbone dans les terrains
de pĂąturage ++ ns ns ns

Émissions de mĂ©thane issues de la digestion --- -- ns ns

Oxyde nitreux issu du fumier - --- ns --

DÉGRADATION DES TERRES

DĂ©veloppement au dĂ©triment de l’habitat


naturel --- ns ns --
Surpùturage (évolution de la végétation,
tassement des sols) --- ns ns ns

Fabrication intensive d’aliments (Ă©rosion des


sols)
ns -- ns --
Fertilisation des sols + + + ++

TARISSEMENT ET POLLUTION DE L’EAU

AltĂ©ration du cycle de l’eau -- - ns ns

Pollution par les nutriments, les pathogĂšnes


et les résidus de médicaments
ns -- ns ---

BIODIVERSITÉ

Destruction de l’habitat causĂ©e par la


production de plantes fourragĂšres et les --- - ns ---
dĂ©chets d’origine animale
Pollution de l’habitat causĂ©e par la
production de plantes fourragĂšres et les ns -- ns ---
dĂ©chets d’origine animale
Perte de la diversité génétique des animaux
d’élevage
ns -- ns ---
Maintenance de l’écosystĂšme ++ ns ns

1
Relations observées dans le cadre des pratiques de gestion courantes.
2
Les systĂšmes de pĂąturage extensif pour les ruminants reposent principalement sur les prairies naturelles et les environnements marginaux.
3
Les systĂšmes intensifs pour les ruminants reposent gĂ©nĂ©ralement sur les prairies amĂ©liorĂ©es (ayant recours Ă  l’irrigation, aux fertilisants, aux
variĂ©tĂ©s amĂ©liorĂ©es et aux pesticides), avec une alimentation complĂ©mentaire ou Ă  l’étable composĂ©e de graines et d’ensilage.
4
Les systĂšmes traditionnels pour les animaux monogastriques comprennent des systĂšmes d’exploitation mixtes ou des systĂšmes d’élevage en
divagation.
Note: ns = non signiïŹant.
Source: FAO.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

69
l’augmentation de l’échelle de production des races Ă  haut rendement, la concentration
facilitent la mise en Ɠuvre des politiques des effectifs animaux au sein de grandes
environnementales en entraĂźnant une baisse unitĂ©s de production et la nĂ©cessitĂ© d’éviter
de leurs coĂ»ts d’application. La meilleure les Ă©pisodes infectieux ont conduit les
rentabilité des unités de production permet producteurs à utiliser des médicaments en
d’abaisser les coĂ»ts de conformitĂ©, tandis que grande quantitĂ©, souvent comme mesures
la concentration de la production au sein de prévention de routine. Les résidus
d’un plus petit nombre d’unitĂ©s d’accĂšs aisĂ© de ces mĂ©dicaments se retrouvent dans
rĂ©duit les coĂ»ts de contrĂŽle et de surveillance. l’environnement, avec des consĂ©quences
Sous l’angle nĂ©gatif, le pouvoir de lobbying prĂ©judiciables pour les Ă©cosystĂšmes et la
des grands producteurs est souvent perçu santĂ© humaine. En particulier, l’utilisation
comme un frein au développement des parfois aveugle des antibiotiques a entraßné
politiques environnementales. l’apparition de souches bactĂ©riennes
Étant donnĂ© l’allongement des chaĂźnes rĂ©sistantes aux antibiotiques, qui constituent
alimentaires, qui rĂ©sulte de la concentration aujourd’hui une menace pour la santĂ©
des consommateurs dans les centres urbains, humaine en Europe et en Amérique du
les systĂšmes de production doivent couvrir Nord (Johnson et al., 2009). Les races Ă 
d’importantes distances gĂ©ographiques haut rendement demandent par ailleurs
entre les sites de production fourragĂšre et un environnement plus strictement
le consommateur. La baisse des coûts de contrÎlé (température, lumiÚre) que les
transport a favorisĂ© la dĂ©localisation des races traditionnelles, d’oĂč une hausse de la
activitĂ©s de production et de transformation consommation d’eau et d’énergie.
dans le but de réduire au minimum les La déforestation et la dégradation des
coĂ»ts de production. À l’échelle mondiale, terres sont les principaux processus par
cette évolution a permis de surmonter lesquels les systÚmes de pùturage extensifs
les contraintes rencontrées localement émettent des gaz à effet de serre. On
au niveau des ressources disponibles et pourrait améliorer la gestion des parcours de
de nourrir les populations vivant dans maniĂšre Ă  empĂȘcher les pertes de carbone
des rĂ©gions souffrant de dĂ©ïŹcit vivrier. et Ă  ïŹxer celui-ci, en transformant des
Toutefois, elle implique également des systÚmes extensifs en systÚmes permettant
prélÚvements et des transferts à grande une réduction nette des gaz à effet de serre.
Ă©chelle des nutriments et de l’eau contenus Un usage plus intensif des pĂątures, la remise
dans les aliments pour animaux et les en valeur des pĂąturages et la production
produits de l’élevage, avec des consĂ©quences fourragĂšre, stimulĂ©es par la hausse des
dommageables à terme pour les écosystÚmes prix du foncier, ont souvent un effet positif
et la fertilitĂ© des sols. sur l’environnement car ils permettent de
L’amĂ©lioration de la productivitĂ© animale limiter l’expansion des terres agricoles et
et de l’efïŹcacitĂ© alimentaire a Ă©tĂ© obtenue d’amĂ©liorer la qualitĂ© des aliments pour
grñce à l’application de technologies animaux. Cette derniùre à son tour contribue
variées, notamment dans les domaines de à la réduction des émissions de méthane dues
l’alimentation, de la gĂ©nĂ©tique, de la santĂ© Ă  la fermentation entĂ©rique. La surcharge
animale et des bĂątiments d’élevage. La en nutriments des zones de production
transition vers des espÚces monogastriques, laitiÚre est généralement attribuée aux
avicoles en particulier, a par ailleurs apports extérieurs de nutriments à travers les
contribuĂ© Ă  amĂ©liorer encore l’efïŹcacitĂ© complĂ©ments alimentaires et Ă  l’utilisation
alimentaire du secteur, ce qui s’est traduit d’engrais pour la production d’ensilage
par une rĂ©duction substantielle des besoins plutĂŽt qu’à une mauvaise gestion des
en terre et en eau pour produire les aliments pĂąturages.
nécessaires pour atteindre des niveaux Globalement, le passage de systÚmes
de production permettant de satisfaire la traditionnels mixtes et extensifs Ă  des
demande actuelle. systĂšmes de production plus intensifs a sans
Cependant ces gains de productivitĂ© doute eu un effet positif sur l’amĂ©lioration
sont aussi associĂ©s Ă  un certain nombre de l’efïŹcacitĂ© d’utilisation des terres et de
de prĂ©occupations environnementales. La l’eau mais des effets nĂ©gatifs sur la pollution
rĂ©sistance aux maladies relativement faible de l’eau, la consommation d’énergie et la
70 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

diversité génétique. De surcroßt, les systÚmes Les systÚmes de production intensifs ont
mixtes et traditionnels n’ont pas rĂ©ussi Ă  par ailleurs un potentiel d’amĂ©lioration
satisfaire la demande naissante en produits de leur impact environnemental supérieur
d’élevage dans de nombreux pays en Ă  celui des systĂšmes traditionnels et
dĂ©veloppement, non seulement en termes extensifs. L’expĂ©rience montre qu’en
de volume mais aussi de normes sanitaires et prĂ©sence d’incitations Ă©conomiques
de qualitĂ©. L’intensiïŹcation de la production adĂ©quates, les gains de productivitĂ©
apparaĂźt donc comme indispensable, associĂ©s Ă  l’intensiïŹcation de capitaux et
mais il faut en mĂȘme temps Ă©viter une de main-d’Ɠuvre permettent d’amĂ©liorer
concentration gĂ©ographique excessive des notablement l’utilisation rationnelle des
animaux. ressources naturelles; lorsque les ressources

ENCADRÉ 12
Évaluer la contribution de l’élevage aux Ă©missions de gaz Ă  effet de serre

Le QuatriĂšme rapport du Groupe d’experts de 9 pour cent des Ă©missions anthropiques


intergouvernemental sur l’évolution de dioxyde de carbone, 37 pour cent de
du climat (GIEC) présente des niveaux méthane et 65 pour cent des émissions
convenus d’émissions anthropiques de d’oxyde nitreux (FAO, 2006). ExprimĂ©es en
gaz à effet de serre pour des catégories équivalents de CO2, les émissions produites
dĂ©ïŹnies reprĂ©sentant des secteurs par l’élevage s’élĂšvent au total Ă  environ
Ă©conomiques (par exemple l’industrie, 18 pour cent des Ă©missions anthropiques
19,4 pour cent; l’agriculture, 13,5 pour de gaz à effet de serre.
cent; la foresterie, 17,4 pour cent; le Le long de la chaĂźne alimentaire
transport, 13,1 pour cent) (Barker et al., animale, les principales sources d’émission
2007). Le GIEC suggÚre que ces chiffres et les quantités émises sont:
ne soient pris en considĂ©ration qu’à v Occupation des sols et changements:
titre indicatif, vu que les Ă©missions de 2,5 gigatonnes d’équivalent CO2,
CH4, N2O et CO2 ne sont encore pas trÚs incluant les émissions de CO2 des
bien connues. En outre, pour ce qui forĂȘts et autres formes de vĂ©gĂ©tation
est de l’agriculture et de la foresterie, naturelle remplacĂ©es par les pĂąturages
les chiffres ci-dessus sont exprimés en et les cultures fourragÚres dans les
tant qu’émissions brutes et ne tiennent nĂ©otropiques ainsi que les Ă©missions
pas compte de la ïŹxation actuelle de carbone en provenance du sol,
du gaz carbonique qui est Ă  la base notamment pĂąturages et terres
de la photosynthÚse. Les émissions arables dédiées à la production
associĂ©es aux produits d’origine animale fourragĂšre.
recouvrent plusieurs de ces catégories. La v Production fourragÚre (hors émissions
production d’aliments pour animaux est de carbone provenant du sol et des
Ă  l’origine d’émissions dans les catĂ©gories plantes): 0,4 gigatonne d’équivalent
comprenant l’agriculture, la foresterie CO2 incluant les Ă©missions de CO2 des
(par le biais de la conversion des terres), combustibles fossiles utilisés dans la
le transport et l’énergie. Les activitĂ©s production des engrais chimiques
d’élevage, notamment la fermentation destinĂ©s Ă  la production fourragĂšre
entérique et la gestion des fumiers, et les émissions de N2O et ammoniac
produisent des Ă©missions d’oxyde nitreux (NH3) dues Ă  l’application d’engrais
et de méthane qui sont comptabilisées chimiques aux cultures fourragÚres et
dans l’agriculture. L’abattage, la aux lĂ©gumineuses fourragĂšres.
transformation et la distribution sont v Production animale: 1,9 gigatonne
la cause d’émissions classĂ©es dans les d’équivalent CO2, incluant les
catĂ©gories de l’industrie, de l’énergie et Ă©missions de CH4 dues Ă  la
du transport. Dans l’ensemble de la chaĂźne fermentation entĂ©rique et les
alimentaire, l’élevage produit donc prĂšs Ă©missions de CO2 rĂ©sultant de
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

71
et la pollution sont évaluées à leur juste
prix, l’intensiïŹcation de la production Élevage et changement climatique
s’accompagne d’une amĂ©lioration de
l’efïŹcacitĂ© environnementale (baisse de la Les tempĂ©ratures de la surface du globe
consommation de ressources naturelles et ont augmentĂ© d’environ 0,7 oC en moyenne
réduction des émissions par unité de produit au cours du siÚcle dernier (GIEC, 2007). La
animal). Cela est dĂ©jĂ  vrai pour ce qui est de tempĂ©rature des ocĂ©ans s’est Ă©levĂ©e, la
l’occupation des sols Ă  l’échelle mondiale, fonte des neiges et des glaces observĂ©e
mais aussi de la consommation d’eau et de dans les rĂ©gions polaires est signiïŹcative
nutriments dans un nombre croissant de pays et les experts prévoient une élévation
de l’OCDE. du niveau des mers. Le Groupe d’experts

l’utilisation de combustibles fossiles à celle des porcs et des volailles (voir


sur l’exploitation. tableau). Les Ă©missions associĂ©es aux
v Gestion des efïŹ‚uents: 2,2 gigatonnes gros ruminants sont principalement
d’équivalent CO2, incluant les liĂ©es aux changements d’affectation des
émissions de CH4, de N2O et de sols (notamment déforestation), à la
NH3 provenant principalement du gestion des pĂąturages, Ă  la fermentation
stockage, de l’épandage et du dĂ©pĂŽt entĂ©rique et Ă  la gestion des efïŹ‚uents.
des efïŹ‚uents. Les bovins et les bufïŹ‚es sont responsables
v Transformation et transport d’une fraction particuliĂšrement Ă©levĂ©e
international: 0,03 gigatonne des Ă©missions liĂ©es Ă  l’élevage en
d’équivalent CO2. AmĂ©rique latine et en Asie du Sud, oĂč leur
Lorsque l’on compare les espĂšces, contribution est estimĂ©e Ă  85 pour cent
la contribution des bovins et des des émissions du secteur, essentiellement
bufïŹ‚es Ă  ces Ă©missions est supĂ©rieure sous la forme de mĂ©thane.

Émissions de gaz à effet de serre au sein de la chaüne alimentaire animale


et contribution relative estimée des principales espÚces
ÉTAPE DANS LA CHAÎNE
ÉMISSIONS ESTIMÉES1 CONTRIBUTION ESTIMÉE PAR ESPÈCE2
ALIMENTAIRE ANIMALE
Bovins et Petits
Porcs Volaille
bufïŹ‚es ruminants
(Gigatonnes) (Pourcentage des
émissions totales dans
le secteur de l’élevage)

Utilisation des terres


et changement de leur 2,50 36 NNN N N ns
affectation

Production d’aliments3 0,40 7 N NN NN ns

Production animale4 1,90 25 NNNN N N NN

Gestion du fumier 2,20 31 NN NNN ns ns

Traitement et transport 0,03 1 N N NNN ns


1
QuantitĂ© estimĂ©e d’émissions exprimĂ©e en Ă©quivalent CO2.
2
N = la plus faible à N N N N = la plus élevée.
3
Exclut les stocks de carbone ïŹxĂ©s dans les sols et par les plantes.
4
Inclut le méthane entérique, les machines et les bùtiments.
Note: ns = non signiïŹant.
Source: adapté de Steinfeld et al., 2006.
72 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

TABLEAU 14
Impacts directs et indirects du changement climatique sur les systĂšmes de production animale

PÂTURAGE AUTRES SYSTÈMES QUE LE PÂTURAGE

v Augmentation de la frĂ©quence des Ă©vĂ©nements v Évolution de la disponibilitĂ© de l’eau (peut


mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes augmenter ou baisser, selon la rĂ©gion)
v Augmentation de la frĂ©quence et de l’ampleur des v Augmentation de la frĂ©quence des Ă©vĂ©nements
IMPACTS DIRECTS sĂ©cheresses et des inondations mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes (impact moins prĂ©cis que
v Pertes de productivité (stress physiologique) dues à pour les systÚmes extensifs)
la hausse de la température
v Évolution de la disponibilitĂ© de l’eau (peut
augmenter ou baisser, selon la région)

v Évolutions agro-Ă©cologiques et transformation des v Augmentation des prix des ressources, par exemple,
Ă©cosystĂšmes entraĂźnant: les aliments, l’eau et l’énergie
une altĂ©ration de la qualitĂ© et de la quantitĂ© du v ÉpidĂ©mies de maladies
fourrage v Augmentation du coût des logements
IMPACTS INDIRECTS
des évolutions au niveau des interactions hÎte- pour animaux, par exemple les systÚmes de
pathogĂšne entraĂźnant une incidence accrue des refroidissement
maladies naissantes
des épidémies de maladies

Source: FAO.

intergouvernemental sur l’évolution du Ă  l’application d’engrais et de pesticides


climat (GIEC) est parvenu à la conclusion que chimiques, à l’appauvrissement des sols
les gaz Ă  effet de serre produits par l’activitĂ© en matiĂšre organique et aux transports.
humaine, notamment le dioxyde de carbone Le dĂ©frichement des forĂȘts pour mise en
(CO2), le mĂ©thane (CH4), l’oxyde nitreux pĂąture et production fourragĂšre libĂšre
(N2O) et les halocarbones, sont responsables Ă©galement dans l’atmosphĂšre d’importantes
de la plus grande partie des hausses de quantités de carbone jusque-là stocké dans
tempĂ©rature observĂ©es depuis le milieu du la vĂ©gĂ©tation et dans le sol. À l’inverse,
XXe siĂšcle. lorsque de bonnes pratiques de gestion
Parmi les préoccupations croissantes sont appliquées à des terres dégradées, les
liées au changement climatique, la part de pùturages et les terres cultivées peuvent
l’élevage dans ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© mise devenir des puits nets de carbone, piĂ©geant
en Ă©vidence: il apparaĂźt Ă  la fois comme le carbone prĂ©sent dans l’atmosphĂšre. Au
un facteur contribuant au processus et niveau des exploitations, les émissions de
comme une victime potentielle. Des actions mĂ©thane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O) sont
publiques et des solutions techniques sont le produit de la fermentation entérique
nĂ©cessaires pour traiter l’impact de l’élevage et des efïŹ‚uents animaux. Dans la panse
sur le changement climatique et les effets du de l’animal, la fermentation microbienne
changement climatique sur l’élevage. transforme les ïŹbres et la cellulose en
produits qui peuvent ĂȘtre digĂ©rĂ©s et utilisĂ©s
Impact de l’élevage sur le changement par l’animal. Le mĂ©thane est un sous-
climatique produit de cette fermentation exhalé par
L’élevage contribue au changement les espĂšces ruminantes, bovins, bufïŹ‚es,
climatique par les Ă©missions de gaz Ă  effet chĂšvres et moutons inclus. L’oxyde nitreux
de serre, soit directement (par exemple, est rejetĂ© durant le stockage et l’épandage
Ă©missions liĂ©es Ă  la fermentation entĂ©rique) des efïŹ‚uents d’élevage, et lorsque ces
soit indirectement (par exemple, production efïŹ‚uents sont stockĂ©s dans des conditions
fourragĂšre, dĂ©frichement des forĂȘts pour anaĂ©robies et Ă  la chaleur, ils produisent
mise en pĂąture, etc.). Ă©galement du mĂ©thane. EnïŹn, l’abattage,
Les émissions de gaz à effet de serre la transformation et le transport des
surviennent à chacune des principales produits animaux entraßnent des émissions
étapes du cycle de production animale. Les liées principalement à la consommation de
émissions liées à la production fourragÚre carburants fossiles et au développement des
et à la pùture sont liées à la production et infrastructures.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

73
Impact du changement climatique sur Le changement climatique jouera un rĂŽle
l’élevage signiïŹcatif dans la propagation des maladies
Le tableau 14 résume les impacts directs à transmission vectorielle et des parasites
et indirects du changement climatique sur animaux, lesquels auront des répercussions
les systĂšmes de production traditionnels et inïŹniment plus graves pour les hommes et
industriels. Selon toute probabilité, certains les femmes les plus vulnérables engagés
de ces impacts seront plus marquĂ©s pour dans le secteur de l’élevage. Avec la hausse
les systÚmes de pùture en zones arides des températures et la variabilité accrue des
et semi-arides, particuliÚrement sous des précipitations, de nouvelles maladies risquent
latitudes basses (Hoffman et Vogel, 2008). Le d’apparaütre ou des maladies connues
changement climatique aura de trÚs larges toucher des régions jusque-là préservées.
répercussions sur la production animale en De plus, le changement climatique pourrait
raison de son incidence sur l’alimentation favoriser le dĂ©veloppement de nouveaux
du bétail et sa productivité. La hausse mécanismes de transmission et de nouvelles
des températures et la diminution des espÚces hÎtes. Tous les pays seront
prĂ©cipitations entraĂźnent une diminution vraisemblablement affectĂ©s par l’incidence
du rendement des terres de parcours et accrue des maladies animales mais les pays
contribuent à leur dégradation. La hausse pauvres sont particuliÚrement vulnérables
des tempĂ©ratures a Ă©galement pour effet face Ă  l’émergence de nouvelles maladies
de réduire les quantités ingérées par les du fait des faibles moyens de leurs services
animaux et d’abaisser les taux de conversion vĂ©tĂ©rinaires.
alimentaire (Rowlinson, 2008). La diminution Le changement climatique peut-il ĂȘtre
des prĂ©cipitations et la frĂ©quence accrue des bĂ©nĂ©ïŹque pour l’élevage? Il se peut que
sécheresses entraßneront une baisse de la le réchauffement des températures ait
productivitĂ© primaire des parcours, avec un des effets positifs sur l’élevage, mais cela
risque de surpùturage et de dégradation des dépendra largement du lieu et du moment
sols; elles pourraient aggraver l’insĂ©curitĂ© oĂč se produiront ces changements. Le
alimentaire et ĂȘtre Ă  l’origine de conïŹ‚its relĂšvement des tempĂ©ratures en hiver,
pour l’accĂšs Ă  des ressources rarĂ©ïŹĂ©es. Les par exemple, peut rĂ©duire le stress liĂ© au
données montrent également que la période froid du bétail élevé en plein air. Il peut
de croissance végétale pourrait se raccourcir par ailleurs entraßner une diminution des
sur de nombreux pùturages, en particulier besoins énergétiques des animaux et réduire
en Afrique subsaharienne. La probabilité les besoins en chauffage dans les bùtiments
d’évĂ©nements climatiques extrĂȘmes devrait d’élevage.
augmenter.
Dans les systĂšmes de production hors
pĂąturages, qui se caractĂ©risent par le AmĂ©liorer l’utilisation des
conïŹnement des animaux, souvent dans ressources naturelles dans
des bùtiments climatisés, le changement la production animale
climatique devrait avoir peu d’impacts
directs et des effets principalement indirects Il est nĂ©cessaire d’adopter des mesures
(tableau 14). La diminution des rendements appropriĂ©es pour traiter l’impact de la
agricoles et la concurrence accrue d’autres production animale sur les Ă©cosystĂšmes, qui
secteurs auront probablement pour effet pourraient sinon subir des dégradations
d’entraĂźner Ă  la hausse le prix des cĂ©rĂ©ales dramatiques Ă©tant donnĂ© les prĂ©visions
et des tourteaux olĂ©agineux, qui sont les d’expansion du secteur. Un Ă©quilibre doit
principales sources d’alimentation animale ĂȘtre trouvĂ© entre la demande en produits
dans ces systĂšmes (OCDE-FAO, 2008). La mise d’élevage et la demande croissante de
en Ɠuvre de programmes et politiques de services environnementaux, notamment d’air
rĂ©duction de la consommation Ă©nergĂ©tique et d’eau pure et d’aires de loisir.
favorisant l’énergie propre pourrait aussi Les prix actuels des terres, de l’eau et de
entraĂźner une hausse des prix de l’énergie. l’alimentation du bĂ©tail qui entrent dans
EnïŹn, le rĂ©chauffement climatique risque la production animale souvent ne reïŹ‚Ăštent
aussi d’augmenter le coĂ»t du refroidissement pas la vraie valeur rare de ces ressources,
des animaux. ce qui entraĂźne leur surconsommation et
74 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

des inefïŹciences majeures au niveau des La correction des externalitĂ©s, tant


processus de production. Les politiques positives que négatives, conduira les
visant Ă  protĂ©ger l’environnement doivent producteurs Ă  des choix de gestion moins
introduire des mĂ©canismes adĂ©quats faisant coĂ»teux pour l’environnement et pour la
appel aux lois du marché pour les principaux société dans son ensemble.
intrants, par exemple la méthode du coût Les éleveurs qui génÚrent des externalités
complet de l’eau et des pĂąturages. DĂ©ïŹnir les positives doivent ĂȘtre dĂ©dommagĂ©s soit par
droits de propriĂ©tĂ© et d’accĂšs Ă  des ressources le bĂ©nĂ©ïŹciaire immĂ©diat (les utilisateurs
collectives rares est un autre facteur en aval dans le cas de l’amĂ©lioration de
dĂ©terminant pour garantir l’utilisation la quantitĂ© et de la qualitĂ© de l’eau), soit
rationnelle des ressources et la conservation par le grand public (pour la séquestration
des ressources naturelles. du carbone lorsque la dégradation des
Il existe une myriade d’options techniques pĂąturages est enrayĂ©e).
Ă©prouvĂ©es et efïŹcaces permettant d’attĂ©nuer Si la rĂ©glementation reste un outil
les impacts des activités agricoles sur important de contrÎle des externalités
l’environnement (Steinfeld et al., 2006). nĂ©gatives, la taxation des dommages
Ces mesures peuvent ĂȘtre introduites dans environnementaux et la mise en place
la gestion des ressources, la production d’incitations ïŹnanciĂšres en faveur des
fourragĂšre et animale et la rĂ©duction des bĂ©nĂ©ïŹces environnementaux se dĂ©veloppent
pertes post-récolte. Toutefois, leur adoption actuellement. Cette tendance pourrait se
et leur mise en Ɠuvre sur une grande Ă©chelle dĂ©velopper Ă  l’avenir, pour s’attaquer dans
nécessitent des signaux appropriés en termes un premier temps aux externalités locales
de prix qui reïŹ‚Ăštent plus ïŹdĂšlement la vraie avant de progressivement prendre en
rareté des facteurs de production, ainsi que compte les impacts transfrontaliers en faisant
la correction des distorsions qui fournissent appel à des traités internationaux, cadres
actuellement des incitations insufïŹsantes rĂ©glementaires et mĂ©canismes de marchĂ©.
en faveur d’une utilisation rationnelle. Le À cet effet, des politiques publiques seront
dĂ©veloppement rĂ©cent de marchĂ©s de l’eau peut-ĂȘtre requises pour mettre en place des
et une tariïŹcation plus adaptĂ©e dans certains mesures en faveur de l’innovation.
pays, en particulier dans les pays confrontĂ©s Ă  Le coĂ»t d’opportunitĂ© d’utilisation de
la raretĂ© de la ressource, vont dans ce sens. terres marginales pour l’élevage change.
Dans de nombreuses rĂ©gions, l’élevage
Corriger les externalitĂ©s occupe des terres pour lesquelles il n’existe
environnementales pas d’autre option viable. Mais de plus en
L’élimination des distorsions de prix au plus, d’autres utilisations (par exemple,
niveau des intrants et des produits, mĂȘme la conservation de la biodiversitĂ©, la
si elle représente un grand progrÚs dans séquestration du carbone, la production de
le sens de l’amĂ©lioration de l’efïŹcacitĂ© matiĂšres premiĂšres pour les biocarburants)
technique de l’utilisation des ressources, ne entrent en conïŹ‚it avec la pĂąture et dans
sera souvent pas sufïŹsante pour maĂźtriser les certaines rĂ©gions, la production d’éthanol de
impacts environnementaux de l’élevage. Les prochaine gĂ©nĂ©ration Ă  partir de cellulose
externalitĂ©sÄ”, tant nĂ©gatives que positives, pourrait aussi crĂ©er des conïŹ‚its d’usage
doivent ĂȘtre explicitement incorporĂ©es dans des parcours. Les services liĂ©s Ă  l’eau seront
les politiques de l’élevage aïŹn de prendre probablement les premiers Ă  prendre
en compte le coût intégral de la pollution et une importance croissante, avec la mise
autres impacts environnementaux négatifs. en place généralisée de systÚmes locaux
Le principe du «pollueur payeur» peut d’approvisionnement en eau. Les services liĂ©s
ĂȘtre utile, mais l’enjeu pour la sociĂ©tĂ© est Ă  la biodiversitĂ© (conservation des espĂšces
de déterminer qui a le droit de polluer et et des paysages, par exemple) sont plus
jusqu’à quel point. complexes Ă  gĂ©rer en raison des problĂšmes
de mĂ©thodologie que pose l’évaluation de
la biodiversité, mais ils rencontrent déjà
4
Une externalité est un effet secondaire non voulu ou non
une forte adhĂ©sion lorsqu’ils peuvent ĂȘtre
souhaitĂ© d’une activitĂ© Ă©conomique susceptible de porter
prĂ©judice (externalitĂ© nĂ©gative) ou de bĂ©nĂ©ïŹcier (externalitĂ© ïŹnancĂ©s sur les recettes du tourisme. Les
positive) à une autre partie. services liés à la séquestration du carbone,
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

75
à travers des ajustements dans la gestion les niveaux techniquement réalisables, ce qui
de la pĂąture ou l’abandon des pĂąturages, tendrait Ă  indiquer que des gains d’efïŹcience
sont aussi appelĂ©s Ă  jouer un rĂŽle important. considĂ©rables pourraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s grĂące Ă 
Étant donnĂ© le potentiel que reprĂ©sentent une meilleure gestion. Cependant, c’est lĂ  un
les immenses pĂąturages de la planĂšte de ce objectif difïŹcile Ă  atteindre dans les rĂ©gions
point de vue, des mécanismes sont en cours pauvres en ressources, qui sont souvent
d’élaboration en vue d’exploiter cette piste aussi des zones plus marginales sur le plan
prometteuse en termes de coĂ»t-efïŹcacitĂ© Ă©cologique.
face au changement climatique. Il existe des technologies améliorées
La transition des systĂšmes actuels et efïŹcaces pour tous les systĂšmes de
de pĂąture dite «extractive» vers des production animale. Mais l’accĂšs Ă 
pratiques privilĂ©giant la fourniture de l’information pertinente et la capacitĂ© de
services environnementaux pose deux choisir et d’appliquer les technologies les
questions fondamentales: Comment mieux adaptĂ©es sont autant d’obstacles
rĂ©partir les bĂ©nĂ©ïŹces dĂ©rivĂ©s des services qu’il serait possible de rĂ©duire grĂące Ă  une
environnementaux? Et comment permettre gestion interactive des connaissances, au
aux agriculteurs pauvres dont les moyens développement des capacités et à une
d’existence reposent sur l’élevage extensif prise de dĂ©cisions informĂ©e au niveau
d’en bĂ©nĂ©ïŹcier? La situation mondiale des politiques, des investissements, du
de l’alimentation et de l’agriculture 2007 dĂ©veloppement rural et des producteurs. Les
examine en détail la question du paiement avancées technologiques doivent tendre vers
des services environnementaux (FAO, 2007a). l’optimisation de l’utilisation intĂ©grĂ©e des
ressources en terre, en eau, en capital humain,
Accélérer le changement technologique en animaux et en alimentation pour le bétail.
Un certain nombre d’options techniques
pourraient permettre d’attĂ©nuer les impacts RĂ©duire les impacts nĂ©gatifs de l’élevage
de la production animale intensive. De intensif sur l’environnement
bonnes pratiques agricoles peuvent rĂ©duire En dehors des inefïŹciences inhĂ©rentes Ă 
la consommation d’engrais et de pesticides l’élevage intensif, les problĂšmes causĂ©s
dans la production fourragùre et la gestion à l’environnement par les systùmes
des pùturages intensifs. La combinaison de de production industriels découlent
systĂšmes et de technologies de production essentiellement de leur localisation
respectueux de l’environnement permet de gĂ©ographique et de leur concentration. Dans
restaurer des habitats importants et d’enrayer les cas extrĂȘmes, la taille des exploitations
la dĂ©gradation des sols. L’amĂ©lioration peut constituer un problĂšme: ces unitĂ©s
des systĂšmes d’élevage intensif peut sont parfois si importantes (des centaines
aussi contribuer Ă  la conservation de la de milliers de porcs par exemple) que
biodiversitĂ©, Ă  travers notamment l’adoption l’élimination des efïŹ‚uents d’élevage restera
de techniques sylvopastorales et de systĂšmes toujours un problĂšme, quelle que soit
de gestion ïŹ‚exible des pĂąturages qui ont l’implantation gĂ©ographique de ces unitĂ©s de
effectivement pour effet d’accroütre la production.
biodiversité, les quantités de fourrage, le Il est donc indispensable de faire
couvert vĂ©gĂ©tal et la teneur des sols en correspondre la quantitĂ© d’efïŹ‚uents
matiĂšre organique, et partant de rĂ©duire les gĂ©nĂ©rĂ©s avec la capacitĂ© d’absorption de
pertes d’eau et l’impact des sĂ©cheresses, et de l’environnement local. L’élevage industriel
favoriser la sĂ©questration du CO2. Combiner doit, autant que faire se peut, ĂȘtre implantĂ©
ce type d’amĂ©liorations avec la restauration Ă  proximitĂ© de terres arables pouvant ĂȘtre
ou la conservation des infrastructures utilisĂ©es pour l’élimination des efïŹ‚uents
Ă©cologiques au niveau des bassins versants d’élevage, sans crĂ©er de problĂšmes de
peut ĂȘtre un bon moyen de rĂ©concilier surcharge en nutriments, plutĂŽt que
fonction écosystémique et expansion de la géographiquement concentré dans certaines
production agricole. zones pour des raisons d’accĂšs aux marchĂ©s et
Dans les systÚmes de production mixtes de disponibilité des aliments pour bétail
et industriels, il existe un Ă©cart important comme c’est le cas actuellement. Les options
entre les niveaux de productivité actuels et politiques permettant de contrebalancer les
76 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 13
L’Union europĂ©enne – l’intĂ©gration des impĂ©ratifs de protection environnementale
dans la Politique agricole commune

Depuis la rĂ©forme de l’Agenda 2000 conditionnĂ© aux Ă©lĂ©ments suivants:


(mars 2009), la Politique agricole exigences réglementaires en
commune (PAC) de l’Union europĂ©enne matiĂšre de gestion (relatives Ă 
(UE) s’appuie sur deux grands axes: une l’environnement, au bien-ĂȘtre des
politique des marchés et des revenus animaux et à la santé des personnes,
(premier pilier) et une politique visant Ă  des animaux et des plantes), y
promouvoir le développement durable compris celles qui sont imposées par
des zones rurales (deuxiĂšme pilier). les cinq Directives environnementales;
Plusieurs mesures adoptées avec la normes minimales relatives aux
réforme de la PAC de 2003 (en vigueur à bonnes conditions agricoles et
partir de janvier 2005) et la politique de environnementales (BCAE); et
développement rural 2007-2013 devraient obligation de maintenir les terres en
permettre d’attĂ©nuer l’impact de la rĂ©gime de pĂąturages permanents.
production animale sur l’environnement Ces Ă©lĂ©ments constituent pour
grùce aux éléments suivants: les producteurs une incitation
v Découplage. Le Régime de paiement supplémentaire à se conformer à
unique découplé de la production a la législation environnementale,
remplacé la plupart des paiements notamment à la Directive sur les
directs effectuĂ©s dans le cadre des nitrates (rĂ©duction de l’utilisation
diffĂ©rentes organisations du MarchĂ© d’engrais et amĂ©lioration des
commun. Cela implique de réduire pratiques, par exemple pour la
un grand nombre des dispositions gestion du fumier). Les BCAE doivent
incitatives en faveur de la production comprendre, entre autres, des
intensive associĂ©es avec l’accroissement dispositions relatives Ă  la conservation
des risques environnementaux et du taux de matiĂšre organique dans le
d’encourager ainsi l’extensiïŹcation, la sol (par exemple rotation des cultures
diminution des cheptels, la réduction et gestion des chaumes arables), la
de l’utilisation d’engrais, etc. Toutefois, protection des sols contre l’érosion et
les États Membres ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  l’entretien des rĂ©servoirs de carbone
conserver une partie des paiements (par exemple moyennant l’obligation
couplés, entre autres la prime à la de maintenir des pùturages
vache allaitante (jusqu’à 100 pour permanents).
cent), la prime spéciale à la viande v Aide aux secteurs connaissant des
bovine (jusqu’à 75 pour cent), la prime problùmes particuliers (mesures dites
d’abattage pour les bovins (jusqu’à de l’Article 69). Les États Membres
40 pour cent pour les bĂȘtes adultes peuvent retenir jusqu’à 10 pour cent
et 100 pour cent pour les veaux) et des plafonds du budget national
la prime pour les ovins et les caprins par secteur (par exemple secteur
(jusqu’à 50 pour cent). de l’élevage) pour les paiements
v ConditionnalitĂ©. L’octroi intĂ©gral directs. Les paiements sont effectuĂ©s
d’une aide au revenu est Ă  prĂ©sent au proïŹt des agriculteurs du/

facteurs Ă©conomiques qui sont Ă  l’origine de contractuels entre Ă©leveurs et cultivateurs


la concentration des unitĂ©s de production (voir l’encadrĂ© 14). En ThaĂŻlande, de lourdes
en milieu périurbain incluent notamment taxes sont imposées sur la volaille et la
le zonage, les plans obligatoires de gestion production porcine dans un rayon de 100 km
des nutriments, les mesures d’incitation autour de Bangkok, les zones les plus
ïŹnanciĂšres et la facilitation des arrangements Ă©loignĂ©es jouissant au contraire d’un rĂ©gime
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

77

des secteur(s) concerné(s) par la En 2008, la PAC a entrepris une


rétention. Les sommes versées réforme dite «bilan de santé». Cette
peuvent ĂȘtre dĂ©pensĂ©es dans certains rĂ©forme, outre qu’elle supprimait ou
types spĂ©ciïŹques d’agriculture rĂ©duisait progressivement certaines
importants pour la protection ou mesures (abolition des retraits des terres
l’amĂ©lioration de l’environnement ou arables et suppression progressive des
dans l’amĂ©lioration de la qualitĂ© et quotas laitiers), a renforcĂ© certains des
de la commercialisation des produits instruments mentionnés plus haut. Il est
agricoles. prévu que les paiements pour la viande
v Modulation. La rĂ©forme de de bƓuf et de veau, hors prime Ă  la vache
l’Agenda 2000 a introduit la allaitante, seront intĂ©gralement dĂ©couplĂ©s
possibilité de rediriger le soutien en 2012 au plus tard. La conditionnalité a
aux politiques relatives aux marchés été étoffée avec une nouvelle norme BCAE
au proïŹt des mesures contribuant concernant l’établissement de cultures
aux pratiques ayant une incidence en bandes tampons le long des cours
nĂ©gligeable sur l’environnement d’eau. Les mesures visant Ă  remĂ©dier aux
(on désigne ce concept par le terme inconvénients pour les agriculteurs dans
«modulation»). La rĂ©forme de la PAC certaines rĂ©gions (mesures de l’Article 68
de 2003 a fait de la modulation une [anciennement Article 69]) ont été
mesure obligatoire et les paiements assouplies et concernent les agriculteurs
directs ont dĂ» ĂȘtre rĂ©duits (de 3 pour des secteurs laitier et de la viande bovine,
cent en 2005, 4 pour cent en 2006 ovine et caprine (et du secteur rizicole)
et 5 pour cent à partir de 2007). Les dans les zones défavorisées, ainsi que
crĂ©dits sont en train d’ĂȘtre rĂ©orientĂ©s les types d’agriculture Ă©conomiquement
au proïŹt du dĂ©veloppement rural, vulnĂ©rables dans ces secteurs. Le taux de
ce qui augmente la possibilité de modulation a été augmenté de 5 pour
stimuler l’adoption de techniques cent, en quatre Ă©tapes entre 2009 et
de production respectueuses de 2012, et une réduction supplémentaire
l’environnement. des paiements de 4 pour cent est
La réglementation relative au appliquée sur les paiements dépassant
dĂ©veloppement rural pour la pĂ©riode 300 000€ (soit environ 425 000 USD). Les
2007-2013 offre des possibilités crédits ainsi obtenus ont été transférés
supplémentaires de renforcer la au domaine du développement rural
contribution de la PAC Ă  l’amĂ©lioration pour ïŹnancer de nouvelles opĂ©rations
de l’environnement. Trois domaines (biodiversitĂ©, gestion de l’eau, Ă©nergies
prioritaires clés en rapport avec renouvelables, changement climatique,
l’environnement ont Ă©tĂ© dĂ©ïŹnis dans les mesures d’accompagnement relatives Ă  la
directives stratégiques communautaires production laitiÚre et innovation).
applicables au développement rural: le
changement climatique, la biodiversitĂ© et Source: Site Web de la Commission de l’UE
l’eau. (ec.europa.eu/agriculture/index_fr.htm).

d’exemption ïŹscale. De ce fait, de nombreuses pharmaceutiques au niveau de l’alimentation


exploitations s’ouvrent Ă  prĂ©sent loin des et des efïŹ‚uents d’élevage, ainsi que d’autres
grands pÎles de consommation (Steinfeld questions de santé publique comme les
et al., 2006). Des rĂ©glementations sont aussi germes pathogĂšnes d’origine alimentaire.
nécessaires pour traiter les problÚmes de Les systÚmes de production tant
résidus de métaux lourds et de produits industrialisés que plus extensifs doivent
78 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 14
La réduction de la pollution aux nitrates au Danemark

Au Danemark, l’intensiïŹcation de amĂ©liorĂ©e de ces derniĂšres, la couverture


l’agriculture pendant les 50 derniùres obligatoire des tas de fumier, le respect
annĂ©es a perturbĂ© le cycle naturel de l’interdiction d’épandage de lisier par
de l’azote, entraĂźnant des Ă©missions aspersion et de l’obligation d’enfouir le
importantes d’ammoniac dans lisier dans le sol dans les 6 heures suivant
l’atmosphùre et une pollution des eaux l’application.
par les nitrates. De fortes concentrations Les principaux instruments de la
de nitrates dans les nappes phrĂ©atiques rĂ©glementation danoise sur l’azote
et les eaux de surface ont compromis sont les plans obligatoires concernant
la qualitĂ© de l’eau potable (AEE, 2003) l’application d’engrais et la rotation
et entraĂźnĂ© l’eutrophisation des lacs et des cultures, qui Ă©tablissent pour
des zones marines cÎtiÚres. Au début chaque culture les quantités maximales
des annĂ©es 80, la sensibilisation du applicables d’azote disponible pour
public au problùme de l’eutrophisation la plante ainsi que des normes
des eaux cĂŽtiĂšres danoises a poussĂ© le contraignantes relatives Ă  l’utilisation
Gouvernement danois Ă  rĂ©glementer les de l’azote contenu dans le fumier. Les
Ă©missions d’azote d’origine agricole Ă  normes se fondent sur une estimation de
l’échelle nationale. la quantitĂ© d’azote prĂ©sente dans le
À partir de 1985, le Danemark a fumier rĂ©putĂ©e disponible pour la plante
adoptĂ© une sĂ©rie de plans d’action et de cultivĂ©e. De ce fait, elles imposent une
mesures rĂ©gulatrices qui ont radicalement limite Ă  la quantitĂ© d’engrais minĂ©raux
augmentĂ© l’efïŹcacitĂ© d’utilisation de utilisables par chaque agriculteur. Chaque
l’azote dans l’agriculture et rĂ©duit la annĂ©e, les agriculteurs sont tenus de
pollution azotĂ©e. (Mikkelsen et al., notiïŹer au MinistĂšre de l’alimentation
2009). Entre autres mesures, ces plans les quantitĂ©s d’engrais minĂ©raux azotĂ©s
obligeaient les éleveurs à augmenter la achetées. Pour chaque exploitation,
capacitĂ© des installations de stockage l’application totale d’azote provenant
du fumier et du lisier, Ă  interrompre du fumier et d’engrais azotĂ©s ne peut
l’épandage du lisier pendant les dĂ©passer les limites prescrites par la norme
mois d’hiver, à respecter des contrats la concernant.
d’application d’engrais aïŹn d’adapter La rĂ©glementation a rĂ©duit trĂšs
la quantitĂ© de nutriments aux capacitĂ©s efïŹcacement le lessivage d’azote.
d’absorption de l’exploitation, à couvrir Toutefois, le lessivage demeure important
les réservoirs à lisier et à réduire la densité dans certains bassins hydrographiques,
des troupeaux dans certaines zones. En et il faudra sans doute obtenir de plus
2001, des subventions ont Ă©tĂ© versĂ©es au fortes rĂ©ductions Ă  l’échelle rĂ©gionale
titre du Plan d’action sur l’ammoniac, pour parvenir Ă  une qualitĂ© Ă©cologique
dans le but d’encourager la bonne gestion satisfaisante de toutes les eaux cîtiùres
du fumier dans les étables, la conception (Dalgaard et al., 2004).

s’efforcer de rĂ©duire le plus possible leurs environnementaux doivent recevoir une


Ă©missions, avec une gestion des efïŹ‚uents application trĂšs large.
adaptée au contexte local. ParallÚlement,
il est nécessaire de traiter les impacts
environnementaux de la production de Affronter le changement
cĂ©rĂ©ales fourragĂšres et d’autres concentrĂ©s. climatique et l’élevage
Cette production est généralement le fait
de systĂšmes d’exploitation intensifs, et L’élevage peut jouer un rĂŽle important Ă 
les principes et instruments qui ont Ă©tĂ© la fois dans l’adaptation au changement
dĂ©veloppĂ©s pour maĂźtriser les problĂšmes climatique et l’attĂ©nuation des effets
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

79
du changement climatique sur la L’élevage reprĂ©sente une ressource
santé humaine. En ce qui concerne cruciale pour les personnes pauvres, en
l’attĂ©nuation des effets de l’élevage sur particulier dans les systĂšmes pastoraux
le changement climatique, les efforts ou sylvopastoraux: il remplit de multiples
portent essentiellement sur la réduction fonctions économiques, sociales et de gestion
des émissions de gaz à effet de serre. des risques. Il représente aussi un mécanisme
L’élevage peut aussi aider les pauvres crucial d’adaptation Ă  un environnement
Ă  s’adapter aux effets du changement changeant, et il est appelĂ© Ă  prendre plus
climatique. La capacitĂ© des communautĂ©s d’importance encore Ă  mesure que cette
Ă  s’adapter et Ă  attĂ©nuer ces effets dĂ©pend variabilitĂ© augmente. Pour de nombreux
de leurs conditions socioĂ©conomiques et ĂȘtres humains vivant dans la pauvretĂ©, la
environnementales ainsi que de leur accĂšs perte de cette ressource est synonyme de
Ă  l’information et Ă  la technologie qui plongĂ©e dans une pauvretĂ© chronique, avec
répondent à leurs besoins. des effets à long terme sur leurs moyens
Une question importante mĂ©rite rĂ©ïŹ‚exion: d’existence.
comment combiner stratĂ©gies d’adaptation Il existe un certain nombre de mĂ©canismes
et stratĂ©gies d’attĂ©nuation? La rĂ©ponse permettant d’augmenter la capacitĂ©
à cette question implique une analyse d’adaptation des producteurs traditionnels
approfondie des équilibres à réaliser entre dans les systÚmes extensifs (Sidahmed, 2008),
croissance économique, équité et protection et notamment:
durable de l’environnement. Le changement v Les ajustements de production:
climatique soulĂšve des enjeux importants en i) diversiïŹcation, intensiïŹcation et
termes de croissance et de développement, intégration de la gestion des pùturages,
en particulier dans les pays Ă  faible revenu, de l’élevage et des cultures, changement
mais il existe Ă©galement des synergies d’utilisation des terres et irrigation,
importantes entre stratĂ©gies d’adaptation modiïŹcation des opĂ©rations dans le
et d’attĂ©nuation, comme le fait qu’une temps, conservation de la nature et
amélioration de la gestion des parcours des écosystÚmes; et ii) introduction de
peut contribuer à la fois à la séquestration systÚmes mixtes de production animale,
du carbone et à l’augmentation de la c’est-à-dire pñture et engraissement à
productivitĂ© des pĂąturages. l’étable.
v Les stratĂ©gies d’élevage: i) accent mis
StratĂ©gies d’adaptation sur les races locales, adaptĂ©es au stress
Il est absolument urgent d’adopter des climatique et aux sources d’alimentation
stratĂ©gies efïŹcaces d’adaptation au locales; et ii) amĂ©lioration des races
changement climatique, sachant que locales par croisement avec des races
ce changement prend de vitesse nos résistantes à la chaleur et aux
capacitĂ©s d’adaptation. Il peut aggraver maladies.
les vulnérabilités existantes et accroßtre v Les réponses du marché à travers la
l’impact d’autres stress tels que catastrophes promotion des Ă©changes interrĂ©gionaux,
naturelles, pauvretĂ©, inĂ©galitĂ© d’accĂšs aux le crĂ©dit et l’accĂšs aux marchĂ©s.
ressources, insécurité alimentaire et incidence v Les changements politiques et
des maladies. institutionnels, par exemple
Les Ă©leveurs de bĂ©tail se sont de l’introduction de dispositifs d’alerte
tous temps adaptĂ©s aux changements rapide pour le bĂ©tail, ainsi que d’autres
environnementaux et climatiques. Mais la systÚmes de prévision et de préparation
pression dĂ©mographique, l’urbanisation, la aux situations de crise.
croissance Ă©conomique, la consommation v La recherche scientiïŹque et
croissante de produits d’origine animale technologique, pour mieux comprendre
et leur commercialisation réduisent les causes du changement climatique et
l’efïŹcacitĂ© des mĂ©canismes d’adaptation son incidence sur l’élevage, pour faciliter
traditionnels (Sidahmed, 2008). Des stratégies le développement de nouvelles races
d’adaptation et de gestion des risques et types gĂ©nĂ©tiques et pour amĂ©liorer
doivent absolument ĂȘtre mises en Ɠuvre sans la santĂ© animale ainsi que la gestion de
attendre. l’eau et des sols.
80 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

v Les systĂšmes de gestion de l’élevage, «L’impact de l’élevage sur le changement


pour faciliter le développement de climatique», ci-dessus). Il est possible de
pratiques d’adaptation efïŹcaces et rĂ©duire ces Ă©missions en amĂ©nageant la
abordables pour des communautĂ©s gestion de l’alimentation animale, des
rurales pauvres qui n’ont pas les moyens efïŹ‚uents d’élevage et de la production
d’acheter des technologies d’adaptation fourragùre:
coĂ»teuses. Ces systĂšmes devraient: v AmĂ©liorer la gestion de l’alimentation.
i) fournir ombre et eau pour réduire le La composition des aliments pour
stress thermique dĂ» Ă  l’élĂ©vation des bĂ©tail a des effets sur la fermentation
températures, une alternative à bas coût entérique et les émissions de méthane
Ă  la climatisation; ii) rĂ©duire la charge provenant du rumen ou de l’intestin
animale, en faisant appel à des animaux postérieur (Dourmad, Rigolot et van der
plus productifs pour accroĂźtre l’efïŹcience Werf, 2008). Par ailleurs, la quantitĂ© de
de production tout en réduisant les nourriture ingérée est directement liée
émissions de gaz à effet de serre; et à la quantité de déchets produits. Une
iii) ajuster la taille et la composition des augmentation de la part des concentrés
troupeaux pour optimiser l’utilisation dans l’alimentation du bĂ©tail entraĂźne
des ressources alimentaires. une réduction des émissions de méthane
On dispose d’informations relativement (Lovett et al., 2005).
complÚtes sur les différentes composantes v Réduire la production de méthane au
de l’élevage et les effets possibles du cours de la digestion. La production
changement climatique. En revanche, de méthane dans le systÚme digestif
au niveau des systùmes, on a trùs peu de l’animal (particuliùrement chez les
d’élĂ©ments sur les interactions entre ces ruminants) peut ĂȘtre rĂ©duite grĂące Ă 
changements et leur incidence sur les l’utilisation d’additifs alimentaires,
moyens d’existence. Il est nĂ©cessaire de d’antibiotiques ou de vaccins (CCCC,
comprendre ces interactions au niveau micro 2008).
pour Ă©laborer des stratĂ©gies d’adaptation. v AmĂ©liorer la conversion des aliments.
Dans le mĂȘme temps, il faut impĂ©rativement RĂ©duire la quantitĂ© d’aliments requis
identiïŹer les populations vulnĂ©rables avec par unitĂ© de produit animal (bƓuf,
plus de précision pour pouvoir évaluer lait, etc.) peut permettre à la fois de
les besoins en matiĂšre d’adaptation. Des rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de
programmes de recherche doivent ĂȘtre serre et d’accroĂźtre les bĂ©nĂ©ïŹces de
engagĂ©s de toute urgence pour appuyer l’exploitation. L’efïŹcacitĂ© alimentaire
l’élaboration des politiques nationales et peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e en dĂ©veloppant
régionales. des races à croissance plus rapide,
avec de meilleures caractéristiques en
StratĂ©gies d’attĂ©nuation termes de vigueur, de gain de poids
De nombreux effets du changement et de production d’Ɠufs ou de lait.
climatique peuvent ĂȘtre Ă©vitĂ©s, rĂ©duits ou AmĂ©liorer la santĂ© des troupeaux grĂące
retardés. Il faut souligner toutefois que les à de meilleurs services vétérinaires, à des
efforts d’attĂ©nuation et d’adaptation ne programmes de santĂ© prĂ©ventifs ou Ă 
permettront pas de les Ă©liminer tous et que l’amĂ©lioration de la qualitĂ© de l’eau peut
parfois ils sont en conïŹ‚it. En ce qui concerne aussi contribuer Ă  la hausse du taux de
les stratĂ©gies d’attĂ©nuation, il est essentiel de conversion alimentaire.
ne pas perdre de vue la question des coĂ»ts v AmĂ©liorer la gestion des efïŹ‚uents
de mise en Ɠuvre et les choix Ă©conomiques d’élevage. La majeure partie des
potentiels avec l’adaptation aux besoins. Le Ă©missions de mĂ©thane dues aux efïŹ‚uents
reboisement prĂ©sente un bon rapport coĂ»t- d’élevage concerne les Ă©levages de
efïŹcacitĂ©, mais d’autres stratĂ©gies pourraient porcs, les parcs d’engraissement de
ne pas ĂȘtre aussi aisĂ©es Ă  mettre en Ɠuvre ou bovins et les exploitations laitiĂšres,
aussi rentables. oĂč la production est concentrĂ©e sur
L’impact de l’élevage sur le changement une grande Ă©chelle et oĂč les efïŹ‚uents
climatique prend essentiellement la forme sont stockés dans des conditions
d’émissions de gaz Ă  effet de serre (voir anaĂ©robies. Les options techniques
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

81
ENCADRÉ 15
Atténuation des effets du changement climatique: exploiter les chances offertes
par la gestion amĂ©liorĂ©e des sols dans les systĂšmes d’élevage

Les systĂšmes agricoles qui combinent sols dans les dispositifs compensatoires
la gestion améliorée des pùturages et envisagés par le Protocole de Kyoto.
l’amĂ©lioration des sols (rĂ©duction des Jusqu’à prĂ©sent, seule la gestion des
perturbations du sol et amélioration déchets animaux (capture et combustion
de la couverture pédologique) peuvent du méthane) et les activités de plantation
piéger davantage de carbone dans les forestiÚre ou de reboisement ont une
sols et la biomasse, émettre moins de valeur de compensation sur le marché du
méthane (CH4) par unité produite et carbone. De tels efforts ne représentent
libĂ©rer moins d’oxyde nitreux (N2O) que qu’environ 1 pour cent de la valeur totale
des systÚmes moins aménagés. Nombre de des crédits carbone octroyés au titre du
ces mesures peuvent également accroßtre Mécanisme du développement propre en
la productivitĂ© en augmentant les 2007, soit environ 140 millions d’USD sur
quantitĂ©s de fourrages disponibles et en un total de quelque 14 milliards d’USD de
augmentant la capacitĂ© de rĂ©tention d’eau crĂ©dits mis Ă  disposition par le MĂ©canisme.
des sols. En AmĂ©rique latine, un projet qui Les mesures d’attĂ©nuation axĂ©es sur la
introduisait des mesures sylvopastorales gestion des sols sont plus représentées
(pratiques d’alimentation animale sur les marchĂ©s volontaires du carbone.
amĂ©liorĂ©es associĂ©es Ă  des pĂ©rimĂštres Il existe Ă  l’heure actuelle deux marchĂ©s
d’arbres et d’arbustes) pour accroĂźtre la volontaires pour la certiïŹcation des
biodiversitĂ© et le piĂ©geage du carbone rĂ©ductions d’émissions liĂ©es Ă  la gestion
a eu pour effet accessoire d’accroütre le des pñturages, celui de la Norme
stockage du carbone et de réduire les volontaire sur le carbone (VCS) et celui
émissions de CH4 et de N2O (de 21 pour de la bourse du climat de Chicago (CCX).
cent et de 36 pour cent respectivement) La norme VCS a récemment promulgué
(Banque mondiale, 2008b). Les des directives relatives aux activités
modiïŹcations de l’utilisation des sols se gĂ©nĂ©ratrices de crĂ©dits de carbone dans
sont également traduites par une hausse le cadre de la gestion améliorée des
des revenus de 55,5 pour cent au Costa pùturages. Les pratiques améliorées
Rica et de 66,9 pour cent au Nicaragua visent l’accroissement des stocks de
(Banque mondiale, 2008b). carbone à travers l’augmentation des
Actuellement, la gĂ©nĂ©ralisation des quantitĂ©s d’intrants enfouis dans le sol
techniques de gestion améliorée des ou le ralentissement de la décomposition,
sols pour lutter contre les effets des gaz l’optimisation de l’efïŹcacitĂ© d’utilisation
Ă  effet de serre est freinĂ©e, en partie, de l’azote pour certaines cultures, la
par les coĂ»ts Ă©levĂ©s encourus par un gestion des incendies, l’amĂ©lioration
producteur qui s’efforce d’accĂ©der au des cultures fourragĂšres, l’amĂ©lioration
marchĂ© du carbone. AccĂ©der au marchĂ© gĂ©nĂ©tique des races d’élevage et la
du carbone demeure un processus gestion améliorée des taux de charge
coûteux et complexe, qui nécessite un (VCS, 2008). Les crédits de carbone
investissement initial important pour générés par la gestion des sols
l’analyse ïŹnanciĂšre et biophysique avant reprĂ©sentent environ la moitiĂ© des crĂ©dits
de parvenir Ă  la certiïŹcation de rĂ©duction Ă©changĂ©s au CCX, et prĂšs de 20 pour
d’émissions. Des doutes concernant la cent des crĂ©dits Ă©changĂ©s sur l’ensemble
permanence et l’additionalitĂ©1 de ce type des marchĂ©s volontaires du carbone.
d’activitĂ© de renforcement des puits de Le marchĂ© volontaire est relativement
carbone, les risques d’investissement et les restreint mais enregistre une croissance
incertitudes comptables ont empĂȘchĂ© la rapide – de 97 millions d’USD en 2006
prise en compte de la plupart des mesures à 331 millions d’USD en 2007 (Hamilton
d’attĂ©nuation axĂ©es sur la gestion des et al., 2008).
82 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 15 (ïŹn)
Atténuation des effets du changement climatique: exploiter les chances offertes
par la gestion amĂ©liorĂ©e des sols dans les systĂšmes d’élevage

Les coĂ»ts Ă©levĂ©s supportĂ©s par les le changement climatique Ă  l’approche


producteurs individuels pour accĂ©der des nĂ©gociations de l’Accord sur le climat
aux marchĂ©s du carbone ont fait pour l’aprĂšs 2012 de la Convention cadre
naßtre un débat sur la question de des Nations Unies sur les changements
savoir si le systÚme actuel de crédits climatiques (CCCC), qui auront lieu à
compensatoires, avec ses rĂ©gimes stricts de Copenhague Ă  la ïŹn de 2009.
comptabilisation, est adapté aux activités
agricoles. De telles activités pourraient
1
en effet relever de mĂ©canismes moins L’additionalitĂ© caractĂ©rise les projets de
compensation carbone dont on peut prouver que
exigeants du point de vue du suivi, à sans eux: i) les mesures volontaires proposées
l’échelle du secteur ou de la rĂ©gion. ne seraient pas appliquĂ©es, ou ii) les politiques
et réglementations obligatoires seraient
Une prise de conscience plus large du
systématiquement ignorées, avec une non-
rÎle de la gestion des sols dans la lutte conformité diffuse dans le pays ou la région
contre les émissions de gaz à effet de concernés, ou iii) les projets dont il est certain
qu’ils entraüneront une application plus large des
serre et des avantages économiques et politiques et réglementations en vigueur. (Adapté
environnementaux associés à certaines du Glossaire du Mécanisme du développement
propre de la CCCC des Nations Unies, disponible Ă 
options d’attĂ©nuation rehaussent le l’adresse suivante: http://cdm.unfccc.int/Reference/
proïŹl de l’agriculture dans le dĂ©bat sur Guidclarif/glos_CDM_v04.pdf.)

incluent la capture du méthane par pùturages et de la production fourragÚre


des installations de stockage couvertes peut contribuer à réduire les besoins
(collecteurs de biogaz). Le méthane en terre par unité de produit animal et
captĂ© peut ĂȘtre brĂ»lĂ© ou utilisĂ© comme ainsi freiner l’expansion de l’occupation
source d’énergie pour les gĂ©nĂ©rateurs des sols. Toutefois, l’intensiïŹcation
Ă©lectriques, le chauffage ou l’éclairage seule ne peut sufïŹre, et des mesures
(et compenser ainsi les émissions de CO2 complémentaires sont nécessaires pour
des combustibles fossiles). traiter les autres causes du déboisement,
v Gestion des pĂąturages. L’augmentation notamment le manque de clartĂ©
de l’utilisation des pĂąturages pour du rĂ©gime foncier et l’exploitation
l’alimentation animale et leur bonne commerciale du bois.
gestion en pĂąturage rotatif sont v Changer la consommation des produits
potentiellement le moyen le plus rentable d’élevage. RĂ©duire la consommation de
de rĂ©duire et compenser les Ă©missions de produits d’origine animale auxquels sont
gaz Ă  effet de serre (voir encadrĂ© 15). La associĂ©s des niveaux Ă©levĂ©s d’émission
rĂ©gĂ©nĂ©ration du couvert vĂ©gĂ©tal et de de gaz Ă  effet de serre (viande de bƓuf
la teneur des sols en matiĂšre organique et de mouton) au proïŹt de produits
favorise la sĂ©questration du carbone, qui s’accompagnent de plus faibles
tandis que l’incorporation de fourrage de taux d’émission (comme la volaille et
haute qualitĂ© dans l’alimentation animale les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales) permettrait de
contribue à la réduction des émissions réduire le niveau mondial des émissions
de méthane par unité de produit animal. de gaz à effet de serre. Donner aux
La gestion amĂ©liorĂ©e de la pĂąture a consommateurs pauvres qui n’ont qu’un
gĂ©nĂ©ralement aussi des effets positifs sur accĂšs rĂ©duit aux produits d’origine
la rentabilitĂ© de l’exploitation. animale, voire qui n’y ont pas accĂšs, la
v Réduire le déboisement. Le défrichement possibilité de consommer davantage de
des forĂȘts pour mise en pĂąture ou ces produits peut procurer des avantages
production fourragÚre libÚre plus de importants pour la santé humaine,
CO2 que toute activitĂ© liĂ©e Ă  l’élevage. mais diminuer les niveaux Ă©levĂ©s de
L’intensiïŹcation de la gestion des consommation pourrait contribuer
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

83
à réduire les émissions sans effets le déboisement, la surexploitation des
préjudiciables sur la santé (McMichael ressources en eau ou les émissions de
et al., 2007). gaz Ă  effet de serre devraient ĂȘtre
réduites ou éliminées. Des politiques
Les contraintes qui pÚsent sur faisant appel aux lois du marché, comme
l’adaptation et l’attĂ©nuation les taxes ou droits d’utilisation des
Il subsiste de trĂšs nombreuses incertitudes ressources naturelles, devraient amener
encore quant à la maniÚre dont le les producteurs à internaliser les coûts
changement climatique affectera la des dommages environnementaux causés
production animale. Il nous faut en particulier par la production animale.
mieux connaĂźtre les effets du climat sur les v Certains effets nĂ©gatifs de l’élevage sur
pĂąturages et la composition des terres de l’environnement dĂ©coulent de problĂšmes
parcours, ainsi que les conséquences pour associés à des ressources collectives
l’élevage. L’Organisation mondiale de la santĂ© en accĂšs libre. ClariïŹer les droits de
animale (OIE) estime qu’à ce jour, 70 pour propriĂ©tĂ© fonciĂšre et promouvoir des
cent de toutes les maladies infectieuses mécanismes de coopération sont une
humaines Ă©mergentes sont d’origine animale exigence absolue pour une gestion
(OIE, 2008a). Ce que l’on sait moins, c’est durable des biens collectifs.
dans quelle mesure exactement la chaleur v L’application de technologies au service
affecte la biologie des animaux et favorise de l’emploi rationnel des terres et des
l’apparition de nouvelles maladies. Nous aliments pour bĂ©tail peut attĂ©nuer
avons aujourd’hui une bonne comprĂ©hension les effets nĂ©gatifs de l’élevage sur
des effets du changement climatique sur de la biodiversité, les écosystÚmes et
vastes régions, en revanche nous ne savons le réchauffement planétaire. Les
pas grand-chose de ses effets Ă  l’échelle locale, technologies visant Ă  amĂ©liorer le
sur les communautĂ©s et les mĂ©nages pauvres. rendement de l’élevage incluent
L’incidence du changement climatique sur la l’amĂ©lioration des races animales, de
relation fragile entre moyens d’existence et la gestion des pĂąturages, de la santĂ©
production tributaire des ressources naturelles animale et le sylvopastoralisme.
est particuliÚrement mal connue. v La rémunération des services
environnementaux par des sources
publiques ou privĂ©es peut ĂȘtre un moyen
Principaux messages efïŹcace de promouvoir de meilleurs
de ce chapitre résultats, en termes notamment de
conservation des sols, de conservation
v Les gouvernements et les institutions de la ïŹ‚ore et de la faune sauvages ainsi
doivent sans délai élaborer et mettre en que des paysages, et de séquestration du
Ɠuvre des politiques appropriĂ©es, aux carbone.
niveaux national et international, pour v Le secteur de l’élevage a un potentiel
traiter les interactions entre l’élevage et Ă©norme en matiĂšre de contribution Ă 
l’environnement. La hausse constante l’attĂ©nuation des effets du changement
de la production animale se traduira climatique. Réaliser ce potentiel implique
sinon par d’énormes pressions sur la des initiatives nouvelles et ambitieuses
santĂ© des Ă©cosystĂšmes, la biodiversitĂ©, Ă  l’échelle nationale et internationale,
les ressources en terres et forĂȘts ainsi notamment la promotion de la recherche
que la qualitĂ© de l’eau, et contribuera de et du dĂ©veloppement dans le domaine
maniĂšre substantielle au rĂ©chauffement des technologies d’attĂ©nuation; des
de la planĂšte. moyens efïŹcaces et renforcĂ©s pour
v Les politiques doivent viser avant tout Ă  ïŹnancer les activitĂ©s d’élevage; le
corriger les distorsions du marché et les déploiement, la diffusion et le transfert
dysfonctionnements qui encouragent des technologies visant à réduire les
la dĂ©gradation de l’environnement. Les Ă©missions des gaz Ă  effet de serre; et
aides ou subventions qui encouragent le développement des capacités pour
directement ou indirectement le contrĂŽler, documenter et vĂ©riïŹer le
surpĂąturage, la dĂ©gradation des terres, niveau des Ă©missions liĂ©es Ă  l’élevage.
84 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

5. L’élevage et la santĂ© animale


et humaine

Les risques que les maladies animales Ă  de nouveaux dĂ©ïŹs. SimultanĂ©ment, les
prĂ©sentent pour l’économie et la santĂ© rĂ©glementations relatives Ă  la santĂ© animale
humaine appellent des stratégies et des et à la sécurité des aliments ainsi que les
solutions novatrices. Le risque le plus grave normes du secteur privé visant à promouvoir
pour la santĂ© humaine est celui d’une le bien-ĂȘtre du consommateur deviennent
pandĂ©mie, comme l’a rĂ©cemment montrĂ© de plus en plus contraignantes, crĂ©ant des
l’apparition de la nouvelle souche de grippe difïŹcultĂ©s pour les producteurs, spĂ©cialement
A(H1N1), composĂ©e de matĂ©riel gĂ©nĂ©tique les petits exploitants qui n’ont pas la capacitĂ©
viral d’origine humaine, porcine et aviaire. technique et ïŹnanciĂšre nĂ©cessaire pour s’y
Les risques économiques liés aux maladies adapter.
animales, pour ĂȘtre moins graves, n’en sont De nombreux organismes nationaux de
pas moins trÚs coûteux en termes de bien- lutte contre les maladies sont contraints
ĂȘtre humain et peuvent menacer les moyens de rĂ©agir Ă  un nombre croissant de crises
de subsistance des petits producteurs. au lieu de se concentrer sur la prévention,
Les humains, les animaux et leurs la maĂźtrise progressive des maladies ou
pathogĂšnes coexistent depuis des l’élimination des maladies nouvelles
millĂ©naires, mais l’évolution rĂ©cente dans Ă©mergentes avant qu’elles ne se propagent.
les domaines Ă©conomique, institutionnel et Le rĂ©sultat est que l’incidence Ă©conomique
environnemental crée des risques nouveaux des maladies et le coût des mesures de lutte
et aggrave ceux qui existaient déjà. Des sont élevés et iront croissant. Par ailleurs,
risques systémiques font leur apparition par des mesures de lutte qui sont parfois
suite de la conjugaison d’un changement nĂ©cessaires, comme l’élimination prĂ©ventive,
structurel rapide dans le secteur de peuvent avoir un impact important sur
l’élevage, de la concentration gĂ©ographique l’ensemble du secteur de la production
d’unitĂ©s de production animale intensive et se rĂ©vĂ©ler dĂ©sastreuses pour les mĂ©nages
Ă  proximitĂ© des centres urbains et du les plus pauvres pour lesquels l’élevage
mouvement des animaux, des personnes est Ă  la fois un actif essentiel et un ïŹlet de
et des pathogÚnes entre les systÚmes de sécurité.
production traditionnels et intensifs. Du fait On examine dans le présent chapitre
que ces systĂšmes de production mettent en quelques-uns des principaux problĂšmes
Ɠuvre des stratĂ©gies diffĂ©rentes de lutte et controverses relatifs aux questions de
contre les maladies, l’échange de pathogĂšnes santĂ© animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des
de l’un Ă  l’autre peut causer des Ă©pidĂ©mies aliments ainsi que les solutions de rechange
d’une certaine ampleur. Entre-temps, le disponibles pour lutter contre les maladies
changement climatique modiïŹe la structure animales et en attĂ©nuer les effets. On y met
de l’incidence des maladies animales, à en relief le fait que les interventions, les
mesure que les pathogĂšnes, les insectes investissements et les institutions se sont
et les autres vecteurs responsables de leur concentrés principalement sur le commerce
transmission gagnent de nouvelles zones et les systĂšmes alimentaires mondiaux,
écologiques. négligeant les préoccupations des pauvres
En raison de l’allongement des ïŹliĂšres ainsi que les maladies endĂ©miques et les
d’approvisionnement du secteur de l’élevage problĂšmes de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
et de leur complexité croissante, favorisés non enregistrés, qui affectent leurs moyens
par la mondialisation et la libĂ©ralisation du de subsistance. Le dĂ©ïŹ consiste Ă  gĂ©rer les
commerce, les systĂšmes de santĂ© animale maladies animales et les maladies d’origine
et de sécurité des aliments sont confrontés alimentaire de maniÚre à optimiser les effets
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

85
sur l’économie et la santĂ© humaine dans
les divers systĂšmes, partout et pour tout le Risques pour l’économie
monde. et la santé humaine liés
Les décideurs politiques devraient arbitrer aux maladies animales
entre les besoins des producteurs au regard
de ceux des consommateurs, entre les besoins Les maladies animales posent aux humains
des petits exploitants au regard de ceux des les deux principaux types de problĂšmes
producteurs commerciaux, et enïŹn entre suivants: des problĂšmes socioĂ©conomiques et
les problĂšmes courants de santĂ© animale et des problĂšmes sanitaires. La ïŹgure 15 montre
de sécurité sanitaire des aliments au regard par quelles voies les maladies animales et le
des risques potentiellement catastrophiques. risque de maladie animale ont une incidence
Ils devront peut-ĂȘtre prendre des mesures sur le bien-ĂȘtre humain.
destinées à encourager le départ des unités Les risques économiques et
d’élevage intensif situĂ©es Ă  proximitĂ© des socioĂ©conomiques prĂ©sentĂ©s par les maladies
centres urbains et à réduire les possibilités animales se divisent en deux grandes
de mouvement des pathogÚnes entre les catégories: i) les pertes de production,
systÚmes. La gestion des risques liés aux de productivité et de rentabilité causées
maladies animales devrait ĂȘtre soucieuse par les agents pathogĂšnes et le coĂ»t
d’amĂ©liorer les systĂšmes d’information et de leur traitement; ii) la perturbation
d’alerte rapide et de favoriser la participation des marchĂ©s locaux, du commerce
de toutes les parties prenantes, y compris international et des économies rurales
les pauvres, aux processus de décision. Pour imputable aux maladies et aux mesures
cela il faudra aussi renforcer les capacités prises pour en endiguer la propagation,
locales, amĂ©liorer la collaboration entre telles que l’abattage sĂ©lectif, l’isolement et
les autoritĂ©s nationales et internationales l’interdiction des dĂ©placements; et iii) les
compétentes en matiÚre de santé animale risques pour les moyens de subsistance
et de sécurité sanitaire des aliments (et des pauvres. Ces derniers découlent des
notamment accroßtre la transparence relative deux premiÚres catégories de risques. En
à l’occurrence des maladies animales) et raison des multiples fonctions que remplit
investir dans les technologies nécessaires le bétail dans la subsistance des pauvres,
pour atténuer les risques. les maladies animales ne touchent pas les

FIGURE 15
ConsĂ©quences des Ă©pizooties sur le bien-ĂȘtre des personnes

ÉPIZOOTIES

Risques économiques MIXED FARMING SYSTEMS Risques pour la santé humaine

Pertes de productivité Pandémie


Perturbations du marché Endémie
Risques pour les moyens de subsistance Maladies d’origine alimentaire

Bien-ĂȘtre humain

Source: FAO.
86 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

Ă©leveurs pauvres de la mĂȘme façon que points d’intersection entre l’ĂȘtre humain,
les producteurs commerciaux. Les pauvres l’animal et l’écosystĂšme.
rĂ©pondent Ă  diffĂ©rentes incitations et n’ont Il n’y a pas de «remĂšde unique» sur les
pas la mĂȘme capacitĂ© de rĂ©action face mesures qui conviennent face aux maladies
aux maladies. Ce qui pour les uns est un parce que les conséquences de ces derniÚres
problĂšme Ă©conomique peut signiïŹer la ruine sur les personnes et les pays diffĂšrent selon
pour les autres. leur niveau Ă©conomique. L’impact d’une
Les risques que prĂ©sente le bĂ©tail pour maladie varie avec l’échelle et l’intensitĂ©
la santĂ© humaine revĂȘtent principalement de la production, et avec l’importance
les deux formes suivantes: i) les maladies des débouchés commerciaux. De ce fait,
zoonotiques, et ii) les maladies d’origine les coĂ»ts et les incitations sont diffĂ©rents
alimentaire. Les premiĂšres sont celles suivant les pays, de mĂȘme que les capacitĂ©s
qui naissent chez les animaux mais sont de mise en Ɠuvre des mesures de lutte.
transmissibles aux humains. Les virus Ă  Nombre de ces diffĂ©rences s’expliquent par
potentiel pandĂ©mique tels que celui de la l’évolution des systĂšmes de production et
grippe sont les plus connus, mais il en existe de commercialisation, par la coexistence
beaucoup d’autres, par exemple, ceux de persistante des systùmes traditionnels et
la rage, de la brucellose ou du charbon. Les industriels et par les déséquilibres qui en
maladies d’origine alimentaire proviennent dĂ©coulent pour les systĂšmes nationaux de
d’agents pathogĂšnes tels que salmonella et santĂ© animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des
E. coli ou de contaminants introduits dans aliments. Bien que l’objectif des mesures de
la chaßne alimentaire au cours du processus lutte contre les épizooties soit la protection de
de production ou de transformation des la santé humaine et animale, les responsables
produits d’origine animale. Ces maladies et la politiques devraient prendre en compte
façon de les gérer créent des problÚmes pour la diversité des impacts et des stimulants
tous, mais les petits exploitants sont souvent auxquels sont confrontés les différents acteurs
particuliÚrement vulnérables en raison de du secteur et adapter les interventions et les
leur plus grande exposition au risque et mesures compensatoires en conséquence.
de leur moindre capacité de réaction et de Des mesures rigoureuses de biosécurité et
rĂ©tablissement. de sĂ©curitĂ© des aliments sont mises en Ɠuvre
Les spĂ©cialistes des maladies animales pour limiter l’apparition et la propagation
ont des opinions divergentes quant Ă  la des maladies dans les pays oĂč le secteur
prĂ©valence et l’impact des maladies, en de l’élevage est dominĂ© par de grands
partie à cause du manque d’informations. systùmes de production intensive et par
Dans certaines régions, par exemple, il est des processus complexes de transformation
difïŹcile de savoir s’il y a augmentation et de commercialisation. Ces systĂšmes de
effective de la prĂ©valence d’une maladie production et les ïŹliĂšres qui en dĂ©pendent
animale ou si le nombre de cas détectés correspondent grossiÚrement aux systÚmes
s’accroĂźt du fait d’une amĂ©lioration des de production «industrielle» dĂ©crits dans les
capacités de veille et de diagnostic. Il semble, chapitres précédents. Ils sont généralement
d’aprĂšs les Ă©lĂ©ments dont on dispose, qu’il appuyĂ©s par des systĂšmes solides de santĂ©
y ait eu, dans les pays développés, une animale et de sécurité des aliments et par
diminution rĂ©guliĂšre de la prĂ©valence de de puissants groupes d’intĂ©rĂȘt public, de
nombreuses maladies animales, bien qu’ils consommateurs et de dĂ©taillants du secteur
soient encore périodiquement sujets à alimentaire, soucieux de disposer de normes
certaines épidémies et que la prévalence élevées en matiÚre de santé publique, de
des maladies liées au stress causé par les sécurité sanitaire des aliments et de qualité.
systÚmes de production intensive y soit en La stratégie des systÚmes industriels
hausse. En revanche, il semble qu’il n’y ait consiste essentiellement à lutter contre les
guÚre eu de changement dans la prévalence agents pathogÚnes en les éliminant de la
des maladies animales endĂ©miques dans les chaĂźne alimentaire: de l’alimentation des
pays en développement, en particulier dans animaux à la vente au détail des aliments,
beaucoup de pays d’Afrique. Cependant, en passant par la production animale et la
au niveau mondial, il semble établi que de transformation des produits. Des mesures
nouveaux pathogÚnes apparaissent aux de biosécurité et des procédures de
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

87
TABLEAU 15
Quelques coûts estimés concernant les foyers de maladies animales dans les pays développés et en
développement

PAYS INCIDENCE COÛT ESTIMÉ

De 3 milliards de GBP dans le secteur public + 5 milliards de GBP dans


Royaume-Uni FA en 2001 le secteur privé à 20 milliards de GBP au total (Direction nationale du
contrĂŽle de la gestion publique, 2002; Bio-Era, 2005)
CoĂ»t direct Ă  l’agriculture de 231 millions de GBP. Perte de revenus
Écosse, Royaume-Uni FA en 2001 bruts pour le tourisme s’élevant Ă  250 millions de GBP (Royal Society of
Edinburgh, 2002)

États-Unis d’AmĂ©rique AHP en 1983-1984 65 millions d’USD (USDA, 2005)

Pays-Bas PPC en 1997-1998 2,34 milliards d’USD (Meuwissen et al., 1999)

AmĂ©rique du Nord Maladie de Lyme (endĂ©mique) Environ 20 millions d’USD par an (Maes, Lecomte et Ray, 1998)

Peste équine en 1967, 1987,


Espagne et 1988-90
US$20 million (Mellor and Boorman, 1995)

Union europĂ©enne ESB dans les annĂ©es 90 CoĂ»t Ă  long terme de 92 millions d’euros (Cunningham, 2003)

États-Unis d’AmĂ©rique ESB en 2003 11 milliards d’USD Ă  cause des restrictions Ă  l’exportation (USITC, 2008)

Afrique PPCB annuellement 44,8 millions d’euros (Tambi, Maina et Ndi, 2006)

Theileria annulata annuellement


Inde au sein du bétail traditionnel
384,3 millions d’USD par an (Minjauw et McLeod, 2003)

Afrique orientale, Theileria annulata annuellement


168 millions d’USD par an (Minjauw et McLeod, 2003)
centrale et australe au sein du bétail traditionnel

Tiques et maladies qu’elles


Monde transmettent au sein du bétail
13,9 à 18,7 milliards d’USD par an (de Castro, 1997)

7 à 9 millions d’USD par an avant la vaccination contre la FA et avant


Uruguay FA
l’éradication en 1997 (Leslie, Barozzi et Otte, 1997)

Notes: ESB = encéphalopathie spongiforme bovine; PPCB = pleuropneumonie contagieuse des bovins;
PPC = peste porcine classique; FA = ïŹĂšvre aphteuse; IAHP = InïŹ‚uenza aviaire hautement pathogĂšne.

manipulation des aliments sont appliquées De nombreuses maladies animales sont


avec rigueur Ă  tous les stades de la ïŹliĂšre. En toujours prĂ©sentes dans certains systĂšmes,
gĂ©nĂ©ral, ces systĂšmes assurent avec efïŹcacitĂ© en particulier lorsque le secteur de l’élevage
des niveaux élevés de santé publique et est dominé par de petits systÚmes de
de sécurité sanitaire des aliments mais ils production «traditionnels» extensifs ou
sont vulnĂ©rables lorsque des pathogĂšnes associant l’agriculture et l’élevage. Les
rĂ©ussissent Ă  s’y introduire. Par exemple, maladies endĂ©miques sont gĂ©nĂ©ralement
au Royaume-Uni, une Ă©pidĂ©mie de ïŹĂšvre tolĂ©rĂ©es dans les pays oĂč dominent les
aphteuse qui s’est dĂ©clarĂ©e en 2001 a peut- systĂšmes traditionnels, mĂȘme si ces maladies
ĂȘtre coĂ»tĂ© depuis, directement (mesures de ont des consĂ©quences Ă©conomiques et
lutte) et indirectement (pertes de revenus), sanitaires néfastes pour les producteurs et les
prĂšs de 30 milliards de GBP (tableau 15). consommateurs. Les pays en cause disposent
De mĂȘme, aux États-Unis d’AmĂ©rique, les de systĂšmes de santĂ© animale et de sĂ©curitĂ©
maladies d’origine alimentaire liĂ©es Ă  des des aliments moins solides; ils consacrent
sources animales coûtent chaque année souvent leurs ressources limitées sur les
plus de 8 milliards d’USD en maladies, morts problùmes que connaüt le petit segment du
prĂ©maturĂ©es et pertes de productivitĂ© secteur de l’élevage orientĂ© vers le commerce
(tableau 16). international, négligeant les besoins des
88 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

TABLEAU 16
Quelques coĂ»ts estimĂ©s concernant les maladies d’origine alimentaire dans les pays dĂ©veloppĂ©s

PAYS CAUSE COÛT ESTIMÉ

Le coĂ»t annuel de cette maladie causĂ©e par O157 STEC Ă©tait de 405 millions d’USD
Shiga-toxines productrices
États-Unis d’Escherichia coli O157
(en USD de 2003), Ă  savoir 370 millions d’USD pour les dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s,
d’AmĂ©rique (O157 STEC)
30 millions d’USD pour les soins mĂ©dicaux et 5 millions d’USD pour la productivitĂ©
perdue (Frenzen, Drake and Angulo, 2005)

État de l’Ohio, Toutes les maladies


États-Unis d’origine alimentaire
Entre 1,0 et 7,1 milliards d’USD par an (Scharff, McDowell et Medeiros, 2009)
d’AmĂ©rique

8,4 milliards d’USD: salmonellose 4 milliards d’USD; intoxication staphylococcique


1,5 milliard d’USD; toxoplasmose 445 millions d’USD; listĂ©riose 313 millions d’USD;
États-Unis Espùces multiples
campylobactĂ©riose 156 millions d’USD; trichinose 144 millions d’USD; entĂ©rites Ă 
d’AmĂ©rique annuellement
Clostridium perfringens 123 millions d’USD; E. coli notamment colite hĂ©morragique
223 millions d’USD; le botulisme 87 millions d’USD (Archer et Kvenberg, 1985)

82 686 000 de JPY. Frais de laboratoire, environ 21 204 000 de JPY. Mais également
le coût des denrées alimentaires non achetées pendant la suspension du service de
restauration (environ 19 pour cent), frais de personnel versés aux salariés du service
Japon Foyer d’E. coli O157-H7
de restauration (environ 17 pour cent), coûts engendrés par les maladies humaines
(environ 15 pour cent) et frais de réparation des installations (environ 15 %) (Abe,
Yamamoto et Shinagawa, 2002)

Belgique CampylobactĂ©riose 10,9 millions d’euros par an (Gellynck et al., 2008)

éleveurs pauvres. Bien que les systÚmes Lorsque les systÚmes traditionnels et
Ă  petite Ă©chelle soient moins vulnĂ©rables les systĂšmes industriels s’entrecroisent, Ă 
aux graves Ă©pidĂ©mies que les systĂšmes l’occasion du commerce ou des mouvements,
industriels, les maladies n’en n’ont pas moins des problùmes peuvent surgir. Les systùmes
des coûts importants, rarement mesurés, industriels sont toujours vulnérables à
pour les producteurs et les consommateurs. l’apparition ou Ă  la rĂ©apparition d’agents
En Afrique, par exemple, il existe plusieurs pathogĂšnes, auxquels les pays Ă  faibles
parasitoses animales tropicales qui ne se systÚmes de santé animale servent souvent
développent que dans cette région, comme de réservoirs. Simultanément, les normes
la ïŹĂšvre de la cĂŽte orientale (Theileria Ă©levĂ©es de santĂ© animale et de sĂ©curitĂ©
parva), propagée par une tique, et le sanitaire des aliments nécessaires pour
trypanosome transmis par la mouche tsé-tsé. protéger les animaux et les consommateurs
Ces deux parasitoses ont une distribution des pays dotĂ©s de systĂšmes d’élevage
sous-continentale ainsi qu’une incidence industriel, peuvent reprĂ©senter un obstacle
particuliĂšrement nĂ©gative sur l’élevage et insurmontable au commerce des produits en
les moyens d’existence, mĂȘme s’il n’existe provenance de pays Ă  systĂšmes plus faibles,
pas d’estimations de coĂ»ts les concernant. limitant les possibilitĂ©s d’exportation des
La pleuropneumonie contagieuse du bƓuf pays pauvres.
coûte selon les estimations prÚs de 45 millions
d’euros par an en pertes de productivitĂ©. Risques Ă©conomiques
Le tableau 15 compare les estimations de Du point de vue des producteurs, les
coût des foyers de diverses maladies dans maladies animales sont essentiellement
les pays développés et en développement. un problÚme économique. Les maladies
La variabilitĂ© exprime l’ampleur des rĂ©duisent la production et la productivitĂ©,
phĂ©nomĂšnes observĂ©s ainsi que la difïŹcultĂ© perturbent le commerce ainsi que les
de comparer des pays, des maladies et leur économies locales et régionales, et
incidence. Le coĂ»t des maladies d’origine exacerbent la pauvretĂ©. Au niveau
alimentaire n’est pas connu avec prĂ©cision biologique, les pathogĂšnes se disputent le
dans les pays en développement car les cas y potentiel productif des animaux et réduisent
sont rarement dĂ©clarĂ©s. la part qui peut ĂȘtre exploitĂ©e au proïŹt
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

89
des humains. Un animal malade produit animale sont de qualité médiocre ou si le
moins de viande, moins de lait ou moins traitement n’est pas appliquĂ© correctement.
d’Ɠufs. Il a une moindre puissance de trait C’est un grave problùme dans beaucoup de
et fournit de la viande et des ïŹbres de moins rĂ©gions reculĂ©es des pays en dĂ©veloppement,
bonne qualitĂ©. En termes Ă©conomiques, la oĂč les services vĂ©tĂ©rinaires sont rares.
production diminue, les coûts augmentent et Dans les pays en développement, le bétail
les proïŹts baissent. est exposĂ© Ă  une multitude de maladies qui
Dans les systÚmes traditionnels, le coût nuisent à la productivité. En Afrique, par
des maladies animales est considérable mais exemple, la pleuropneumonie contagieuse
rarement calculĂ© explicitement. Souvent, les du bƓuf et la peste des petits ruminants
services vétérinaires ne sont pas disponibles (PPR) affectent les bovins et les ovins,
ou bien ils sont trop chers, si bien que respectivement; ces deux maladies semblent
les dépenses courantes de maßtrise et de actuellement se propager, causant la mort
traitement des maladies sont faibles dans ces du bétail local. Au Viet Nam, la peste
systĂšmes; cependant, la ponction continue porcine classique (PPC) cause de lourdes
exercée par les maladies infectiueses et pertes aux petits élevages de porcins mais
parasitaires endémiques sur la production et a peu de répercussions sur le commerce
la productivitĂ© rĂ©duit la capacitĂ© des petits d’exportation car le pays n’exporte que
exploitants à sortir de la pauvreté. de faibles quantités de viande porcine. En
Dans les systĂšmes industriels, les Inde et dans d’autres pays d’Asie, la ïŹĂšvre
producteurs considÚrent que les dépenses aphteuse (FA) est responsable de pertes de
de maßtrise et de traitement des maladies production considérables; le problÚme est
animales font partie du coĂ»t Ă©conomique particuliĂšrement grave lorsqu’elle infecte
de la production. Le poids des maladies en les animaux de trait pendant la saison des
soi est relativement faible, mais les dépenses labours, limitant leur capacité de travail. Les
nécessaires pour assurer la biosécurité des revenus des paysans qui louent leurs animaux
unitĂ©s de production, et le coĂ»t des services de trait s’en trouvent rĂ©duits, tandis que la
vĂ©tĂ©rinaires et des mĂ©dicaments peuvent ĂȘtre superïŹcie des terres ensemencĂ©es en cultures
importants. Ces coûts pÚsent sur la rentabilité vivriÚres de base se rétrécit.
globale de l’entreprise.
Marchés, commerce et économies rurales
Production, productivité et rentabilité Les maladies animales qui provoquent une
Nombre de maladies inïŹ‚uent sur la forte mortalitĂ© animale et se rĂ©pandent
productivitĂ© de l’élevage. On en examinera rapidement Ă  l’échelle nationale et
quelques-unes ci-dessous avec les maladies internationale dans des zones indemnes de
transfrontiÚres et émergentes ou avec les maladies peuvent avoir un coût économique
maladies d’origine alimentaire, mais les particuliĂšrement Ă©levĂ©. Ces maladies, dites
mĂȘmes maladies peuvent aussi persister sous transfrontiĂšres et Ă©mergentes, peuvent
forme endĂ©mique, pesant en permanence ĂȘtre transmises par les oiseaux, les rongeurs
sur la productivité. Parmi les causes des et les insectes et transportées par des
pertes de productivitĂ© ïŹgurent la mort animaux vivants ou des produits animaux
de l’animal ou la maladie conduisant Ă  la ou par les vĂȘtements, les chaussures et
dĂ©cision d’abattage, la rĂ©duction du gain de les pneus des vĂ©hicules de personnes qui
poids, du rendement laitier, de la conversion traversent une zone infestĂ©e. L’apparition
des aliments, ainsi que de la capacité de de nouvelles maladies qui ne sont pas
reproduction et de travail pour le labour ou comprises ou pour lesquelles on ne dispose
le transport. pas des techniques nécessaires à leur
Le coût du traitement, lorsque des services maßtrise, est particuliÚrement préoccupante.
vétérinaires sont disponibles, comprend le En raison de leurs effets spectaculaires
coĂ»t ïŹnancier direct et le coĂ»t indirect du sur la mortalitĂ© animale et de leur coĂ»t
temps passé à chercher ou à administrer un économique élevé, ces maladies occupent
traitement. L’alourdissement des coĂ»ts de en gĂ©nĂ©ral une place privilĂ©giĂ©e dans les
production est censĂ© ĂȘtre compensĂ© par la programmes publics de santĂ© animale ainsi
réduction des pertes de productivité, mais ce que dans les réglementations nationales et
n’est pas toujours le cas si les services de santĂ© internationales.
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ENCADRÉ 16
SantĂ© et bien-ĂȘtre des animaux

La maniĂšre dont les personnes traitent sur ceux des animaux a plus de chances
les animaux dépend de leurs croyances de réussir, notamment dans les régions
et leurs valeurs, mais Ă©galement de la du monde oĂč de nombreuses personnes
nature des animaux et de l’importance souffrent de la pauvretĂ© et d’inanition.
morale qu’ils leur accordent. Or ces deux Un large Ă©ventail de normes et de
concepts varient d’une culture Ă  l’autre. programmes a Ă©tĂ© créé pour veiller Ă 
La perception de l’animal en tant qu’«ĂȘtre la mise en Ɠuvre des bonnes pratiques
sensible» se rĂ©pand dans la communautĂ© en matiĂšre de bien-ĂȘtre animal, telles
scientiïŹque et vĂ©tĂ©rinaire, imprimant un que des codes volontaires de bien-ĂȘtre,
nouvel élan en faveur de la protection du souvent créés par les organisations
bien-ĂȘtre des animaux. sectorielles, des programmes d’entreprise,
Une bonne gestion du bien-ĂȘtre des programmes de diffĂ©renciation
animal passe par la mise en Ɠuvre de des produits qui permettent aux
pratiques qui empĂȘchent et attĂ©nuent consommateurs d’acheter de maniĂšre
les souffrances et la détresse animales, sélective, des normes réglementaires et
préviennent et prennent en charge les des accords internationaux élaborés dans
maladies et les blessures, et aménagent le cadre de traités ou par des organisations
des conditions de vie qui permettent intergouvernementales. Les différents
aux animaux d’avoir un comportement types de programmes servent divers
naturel. De telles pratiques sont bien objectifs politiques et commerciaux et
souvent bĂ©nĂ©ïŹques pour les personnes prĂ©sentent chacun leurs avantages et leurs
comme pour les animaux: elles peuvent faiblesses; une approche réglementaire,
contribuer Ă  amĂ©liorer la productivitĂ©, par exemple, sera efïŹcace uniquement si
le niveau de vie, la sĂ©curitĂ© et la sĂ»retĂ© des ressources sufïŹsantes sont allouĂ©es Ă 
alimentaires, la santĂ© mais Ă©galement le sa gestion et Ă  sa mise en Ɠuvre.
bien-ĂȘtre psychologique des personnes. Le bien-ĂȘtre animal est de plus en
Cependant, elles peuvent également plus lié aux échanges commerciaux et
entraĂźner des frais, sous la forme Ă  l’accĂšs au marchĂ©. Certains pays en
d’investissements dans des Ă©quipements dĂ©veloppement redoutent de voir un jour
d’accueil respectueux du bien-ĂȘtre animal, le bien-ĂȘtre des animaux devenir une
de la formation du personnel, d’un barriùre non tarifaire limitant leur accùs
allongement des périodes de production aux marchés.
ou d’une diminution de la production par Les producteurs des pays dĂ©veloppĂ©s,
unitĂ© de surface allouĂ©e aux animaux. Une par ailleurs, s’inquiĂštent de voir les coĂ»ts
approche du bien-ĂȘtre animal axĂ©e sur supplĂ©mentaires de mise en conformitĂ© Ă 
les bĂ©nĂ©ïŹces de la population plutĂŽt que la rĂ©glementation et aux normes sur leur

La principale stratĂ©gie utilisĂ©e pour sur l’application des mesures sanitaires et


rĂ©duire l’impact des maladies transfrontiĂšres phytosanitaires. Le cadre du commerce
et émergentes consiste à les éliminer international des animaux et des produits
d’une population et Ă  Ă©viter ensuite leur animaux ainsi constituĂ© permet aux
rĂ©introduction, par exemple par des mesures pays qui sont indemnes d’une maladie Ă 
sanitaires et des programmes de vaccination dĂ©claration obligatoire donnĂ©e, d’exiger
visant à protéger des espÚces susceptibles que leurs partenaires commerciaux aient un
d’ĂȘtre en contact avec des populations statut d’indemnitĂ© Ă©quivalent. Ce systĂšme,
infectĂ©es. Les institutions internationales fondĂ© sur des dĂ©ïŹnitions et des preuves
les plus directement intéressées à cet égard rigoureuses, offre une bonne protection au
sont l’Organisation mondiale du commerce commerce mais crĂ©e un obstacle important
(OMC) et l’Organisation mondiale de la aux Ă©changes des pays dotĂ©s de faibles
santĂ© animale (OIE), au titre de l’Accord systĂšmes de santĂ© animale. En effet, ces pays
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

91

marché intérieur nuire à la compétitivité 2001 et établi un ensemble de normes en


de leurs produits par rapport aux matiùre de transport et d’abattage des
importations. Cependant, la viande, les animaux en 2008 (OIE, 2008b). Un projet
Ɠufs et les produits laitiers respectueux est en cours pour Ă©tendre ces normes
des normes strictes en matiĂšre de bien- au bien-ĂȘtre des animaux en Ă©levage.
ĂȘtre animal peuvent donner lieu Ă  des L’adoption de ces normes par la DeuxiĂšme
perspectives de marchĂ© nouvelles et ConfĂ©rence mondiale sur le bien-ĂȘtre
fructueuses. Le renforcement des capacités animal, tenue au Caire en octobre 2008
des pays à faible revenu est nécessaire constitue une étape cruciale vers la prise
pour permettre Ă  leurs producteurs d’ĂȘtre de conscience au niveau mondial de la
mieux placĂ©s pour participer Ă  de tels question du bien-ĂȘtre animal. NĂ©anmoins,
échanges. Il est également indispensable des efforts restent nécessaires pour
pour Ă©viter que les producteurs de petite assurer la mise en Ɠuvre, le respect et
et de moyenne taille ne se trouvent l’application de ces normes.
dĂ©savantagĂ©s sur le plan concurrentiel par La FAO s’engage Ă  amĂ©liorer la prise de
rapport aux grands producteurs des pays conscience sur ce thĂšme, Ă  poursuivre les
industrialisés. synergies et promouvoir les partenariats,
À l’heure actuelle, les normes Ă  renforcer les capacitĂ©s mais Ă©galement
s’adressent essentiellement aux à produire et diffuser des informations
grandes exploitations intensives, sur le bien-ĂȘtre animal. Pour commencer,
l’élevage des volailles et des porcs Ă©tant elle a lancĂ© en mai 2009, en collaboration
particuliÚrement ciblé pour ce qui est de avec les principaux partenaires
l’amĂ©lioration des techniques utilisĂ©es. internationaux dans le domaine du bien-
Cependant, les inquiĂ©tudes exprimĂ©es ĂȘtre animal, notamment la Commission
en matiĂšre de bien-ĂȘtre concernent europĂ©enne, l’OIE, les organisations non
également les animaux des petites gouvernementales de lutte en faveur du
exploitations. L’évolution croissante bien-ĂȘtre animal, les producteurs et les
vers un élevage à grande échelle dans associations professionnelles, un portail
les Ă©conomies en dĂ©veloppement et participatif pour faciliter l’échange
Ă©mergentes s’accompagne de la nĂ©cessitĂ© d’informations et amĂ©liorer l’accĂšs aux
urgente de travailler avec les producteurs outils de renforcement des connaissances
et les gouvernements de ces pays aïŹn et des capacitĂ©s (www.fao.org/ag/
d’amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre des animalwelfare.html).
animaux. L’Organisation mondiale de la
santĂ© animale (OIE) a Ă©rigĂ© le bien-ĂȘtre
animal au rang de priorité stratégique en Source: FAO, 2008a; OIE, 2008b.

sont rarement, voire jamais, indemnes de santé humaine. De fortes baisses de


toutes les maladies à déclaration obligatoire. la consommation peuvent toucher les
La dĂ©couverte d’une maladie Ă  dĂ©claration producteurs et les nĂ©gociants Ă  trĂšs grande
obligatoire dans un pays qui exporte des distance du foyer de la maladie (Yalcin, 2006;
animaux ou des produits animaux peut Hartono, 2004). Les mesures de lutte peuvent
gravement perturber les marchĂ©s. Les aussi ruiner le tourisme et les activitĂ©s qui s’y
mesures de lutte comprennent généralement rattachent. Le rétablissement des cycles de
l’embargo commercial, les restrictions de production et des marchĂ©s peut prendre des
mouvements du bĂ©tail et l’abattage des semaines, voire des mois, et, entre-temps,
troupeaux infectés. Les consommateurs les producteurs peuvent perdre des parts de
peuvent aussi éviter les produits animaux marché.
en cause si la maladie est perçue comme La ïŹĂšvre aphteuse, maladie des ruminants
pouvant présenter des risques pour la et des porcins bien connue, a gravement
92 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

perturbĂ© le commerce dans plusieurs certiïŹĂ©e. En thĂ©orie, au moins, les animaux


pays exportateurs de viande d’Europe et d’un compartiment indemne de maladies
d’AmĂ©rique du Sud au cours des 20 derniĂšres peuvent ĂȘtre commercialisĂ©s mĂȘme si le reste
annĂ©es, mais la plupart des pays en cause ont du pays ne l’est pas. Le «commerce fondĂ©
rĂ©ussi Ă  recouvrer leur statut d’indemnitĂ©. sur les produits» est une idĂ©e encore plus
Toutefois, le coĂ»t des Ă©pidĂ©mies de ïŹĂšvre rĂ©cente, selon laquelle un produit animal
aphteuse et des mesures de lutte est peut ĂȘtre certiïŹĂ© salubre en raison des
Ă©levĂ©, atteignant peut-ĂȘtre 90 milliards conditions particuliĂšres dans lesquelles il a
d’euros pour les pays de l’UE depuis 2001 Ă©tĂ© produit et transformĂ©, indĂ©pendamment
(tableau 15). Dans une grande partie de de l’état gĂ©nĂ©ral de la maladie dans le pays.
l’Afrique et de l’Asie, la ïŹĂšvre aphteuse
est endémique et demeure un obstacle Moyens de subsistance
perpĂ©tuel Ă  l’exportation de viande et Les maladies animales touchent tous les
d’autres produits animaux. D’autres maladies mĂ©nages propriĂ©taires de bĂ©tail par la
transfrontiùres peuvent avoir des effets tout menace qu’elles font peser sur leurs biens
aussi dévastateurs. La Thaïlande a perdu et sur la sécurité de leurs revenus. Pour
ses marchĂ©s d’exportation pour la viande de nombreuses familles du quintile le
de volaille non transformée en 2004 lors plus pauvre, les maladies animales sont
de la premiĂšre ïŹ‚ambĂ©e de grippe aviaire particuliĂšrement dommageables parce
hautement pathogĂšne. Elle a rĂ©cupĂ©rĂ© qu’elles menacent le bien mĂȘme qui leur
depuis certains dĂ©bouchĂ©s en exportant de sert Ă  faire face Ă  d’autres crises. Elles
la viande de volaille transformée. Certains touchent aussi les employés du secteur de
pays de la Corne de l’Afrique dĂ©pendent l’élevage, les petits marchands de bĂ©tail et les
des exportations de viande vers le Proche- consommateurs pauvres. Les mesures prises
Orient, mais les ïŹ‚ambĂ©es pĂ©riodiques de par les autoritĂ©s vĂ©tĂ©rinaires pour lutter
ïŹĂšvre de la VallĂ©e du Rift et les embargos contre les maladies peuvent avoir de lourdes
commerciaux qu’elles entraĂźnent peuvent consĂ©quences pour ceux qui vivent dans la
causer un trÚs grave préjudice aux éleveurs. pauvreté, notamment les producteurs pauvres
L’encĂ©phalopathie spongiforme bovine qu’elles privent de leur moyen de subsistance
a infectĂ© un nombre relativement faible en cas d’abattage, et les consommateurs
d’animaux, mais son association avec pauvres par la hausse des coĂ»ts des produits
la variante humaine de la maladie de animaux qu’elles entraünent.
Creutzfeldt-Jakob a eu un impact énorme Les éleveurs riches peuvent prévenir ou
sur le commerce international de la viande maĂźtriser certaines maladies qui restent un
bovine, estimĂ© Ă  11 milliards d’USD pour problĂšme permanent pour les troupeaux des
les seules exportations des États-Unis mĂ©nages pauvres. Par exemple, la brucellose
d’AmĂ©rique (voir tableau 15). Les mesures est souvent prĂ©sente dans les troupeaux
visant le dĂ©pistage et l’élimination des d’ovins et de caprins vouĂ©s Ă  l’élevage extensif
animaux infectĂ©s par l’encĂ©phalopathie dans de nombreuses parties du monde, mais
spongiforme bovine ont donnĂ© lieu Ă  des la vaccination n’est pas trĂšs rĂ©pandue en
réglementations que les pays pauvres élevage extensif à cause de son prix élevé.
peinent Ă  appliquer. De mĂȘme, la maladie de Newcastle
L’OIE a rĂ©cemment adoptĂ© la notion de chez les volailles est maĂźtrisĂ©e au moyen
«compartiments» visant Ă  aider les pays Ă  de l’isolement et de la vaccination des
surmonter les obstacles commerciaux liés troupeaux commerciaux, mais aucun systÚme
aux maladies Ă  dĂ©claration obligatoire de maĂźtrise Ă©conomiquement viable n’a
(OIE, 2008a). Certains pays ne sont pas en encore été trouvé pour les volailles en
mesure de devenir complÚtement indemnes, liberté. La peste des petits ruminants (PPR)
mais peuvent nĂ©anmoins rĂ©ussir Ă  Ă©liminer est cause d’une forte mortalitĂ© chez les ovins
des maladies à déclaration obligatoire au et les caprins, et bien que la prévention soit
sein de sous-populations d’animaux. Un possible par vaccination ou par isolement
compartiment est une sous-population des troupeaux infectés, elle peut prendre
animale qui relĂšve d’un systĂšme commun de les communautĂ©s par surprise comme l’ont
gestion reposant sur la biosĂ©curitĂ© et pour montrĂ©, en 2007-08, les ïŹ‚ambĂ©es de la
laquelle l’indemnitĂ© de maladies peut-ĂȘtre maladie en Afrique du Nord et de l’Est.
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93
D’autres maladies frappent indistinctement matiĂšre de santĂ© animale, propres Ă  rĂ©duire
les riches et les pauvres, mais leurs effets le risque de maladie. Elles ne répondent
sur les pauvres sont trĂšs particuliers. Par toutefois pas aux besoins spĂ©ciïŹques des
exemple, la ïŹĂšvre aphteuse, maladie qui Ă©leveurs pauvres des pays en dĂ©veloppement.
perturbe le commerce international, n’est pas En outre, leur mise à la disposition des petits
habituellement une source de préoccupation producteurs se heurte à des contraintes
importante pour les Ă©leveurs extensifs et les ïŹnanciĂšres et institutionnelles.
éleveurs-agriculteurs, mais elle a un impact Les pays en développement et
considérable quand elle frappe les animaux particuliÚrement leurs agriculteurs pauvres
de trait en période de travail du sol (Thuy, sont pénalisés par la contraction, depuis
2001). La ïŹĂšvre porcine classique pose un deux ou trois dĂ©cennies, des services et des
problĂšme aux Ă©leveurs orientĂ©s vers les interventions de l’État. Ainsi, le ïŹnancement
marchés internationaux, mais à trÚs faible des services vétérinaires publics est trÚs
niveau d’incidence, c’est un risque acceptable insufïŹsant, la lĂ©gislation rĂ©gissant le secteur
pour les petits Ă©leveurs. de l’élevage est souvent pĂ©rimĂ©e, tandis que
Les maladies ont un impact sur le montant, les services de santé animale privés y sont
la régularité et la certitude des revenus des trÚs limités. Rares sont les agriculteurs qui
élevages, et privent notamment les petits ont recours au vétérinaire, surtout dans les
producteurs de l’accĂšs au crĂ©dit nĂ©cessaire Ă  zones rurales reculĂ©es. En outre, ils doivent
l’achat des aliments du bĂ©tail et des animaux parcourir de grandes distances pour avoir
ou au remplacement de ces derniers. Les accÚs aux médicaments ou aux vaccins.
pauvres ont plus de probabilités de souffrir Par conséquent, en cas de crise appelant
de problĂšmes de santĂ© chroniques contractĂ©s l’intervention des services vĂ©tĂ©rinaires
au contact d’animaux malades, comme la de l’État, ceux-ci peinent à mobiliser les
brucellose et les parasites endodermes. personnes, les transports et le matériel
De nombreux travailleurs gagnent leur vie nĂ©cessaire pour y remĂ©dier. De mĂȘme, les
dans des entreprises de production animale pays qui disposent de peu de ressources
intensive ou de commercialisation. Les et concentrent leurs efforts sur le soutien
maladies animales peuvent mettre en danger aux exportations de produits alimentaires,
cette source de revenus. peuvent nĂ©gliger l’infrastructure
Pour toutes ces raisons, la réduction de indispensable aux systÚmes nationaux de
l’incidence des maladies animales peut sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. Pour ĂȘtre
contribuer Ă  l’attĂ©nuation de la pauvretĂ©. en mesure d’entretenir l’infrastructure
Cependant, comme noté précédemment, nécessaire à la sécurité sanitaire globale
les Ă©leveurs ont diffĂ©rents objectifs et sont des aliments, les pays doivent ĂȘtre dotĂ©s
confrontés à des incitations et des risques de systÚmes de sécurité des aliments
différents. Les responsables politiques adaptés aux marchés à la fois locaux et
doivent tenir compte de ces diffĂ©rences en d’exportation.
formulant des rĂ©ponses, mĂȘme si les objectifs MalgrĂ© le changement mondial en
sanitaires demeurent prioritaires. Il convient faveur de la production animale intensive,
de reconnaĂźtre que des mesures planiïŹĂ©es les nombreux pauvres qui continueront Ă 
et exécutées de maniÚre médiocre peuvent dépendre de petits élevages de volaille ou
porter de graves prĂ©judices aux Ă©leveurs d’autres animaux pour diversiïŹer et sĂ©curiser
pauvres sans parvenir à réaliser les objectifs leurs revenus auront toujours besoin de
de santé visés en matiÚre de santé animale. meilleurs services de santé animale que
Par exemple, l’interdiction, dĂ©cidĂ©e dans la ceux qui existent actuellement. L’une des
hĂąte, d’élever de la volaille dans une capitale principales difïŹcultĂ©s sera de trouver les
de l’Asie du Sud-Est a entraĂźnĂ© une perte de moyens de soutenir ces services dans les pays
revenus dans de nombreuses familles sans oĂč l’investissement qui leur est consacrĂ© est
toutefois faire disparaßtre la volaille de la en baisse depuis de nombreuses années.
ville, la mesure n’ayant pas Ă©tĂ© totalement RĂ©cemment, par exemple, les fonds destinĂ©s
respectée (ICASEPS, 2008). à la lutte contre la grippe aviaire hautement
Au cours des derniÚres années, la pathogÚne ont contribué, dans un certain
communautĂ© scientiïŹque a mis au point nombre de pays, Ă  renforcer le soutien aux
diverses technologies et interventions en services communautaires de santé animale
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en offrant une formation et des programmes immédiat de grandes populations humaines.


d’appui aux agents de ces services. Cependant, Une telle situation prĂ©sente des risques
si le soutien ïŹnancier n’est pas pĂ©rennisĂ©, ces Ă  la fois pour la santĂ© humaine et pour
progrĂšs pourraient se rĂ©vĂ©ler Ă©phĂ©mĂšres. l’environnement. Une proportion notable
En Afrique, oĂč la pĂ©nurie de crĂ©dits des habitants de certaines villes des pays
publics destinés aux services agricoles est pauvres élÚve des animaux, souvent dans
particuliĂšrement aiguĂ«, la mise en place des conditions d’exiguĂŻtĂ© et d’insalubritĂ©,
de programmes d’ajustement structurel et Ă  proximitĂ© immĂ©diate des humains. Ces
a conduit à la suppression de services de conditions sont propices à l’apparition et à la
santé animale fortement subventionnés tels propagation de maladies affectant à la fois les
que les bains antiparasitaires communaux animaux et les humains (Waters-Bayer, 1995).
ou la fourniture de services cliniques et
de médicaments. Le réseau des services Maladies zoonotiques et risques de pandémies
cliniques vĂ©tĂ©rinaires s’est rĂ©trĂ©ci, et ceux-ci Les nouvelles zoonoses (transmises par
ont disparu en particulier des zones reculées des animaux sauvages ou domestiques)
et marginales des terres arides et semi- peuvent quitter leur écosystÚme naturel
arides, oĂč vivent la plupart des pasteurs. pour de nombreuses raisons, comme les
Les prix des médicaments vétérinaires variations des populations humaines
ont augmentĂ© et les services de soutien et animales, l’empiĂ©tement sur les
fournis antĂ©rieurement par l’État en Ă©cosystĂšmes, les variations climatiques et
pĂ©riode de sĂ©cheresse ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. les ïŹ‚ux commerciaux. Ces maladies, qui sont
Les organisations Ă  assise communautaire pathogĂšnes et mortelles pour les humains,
et les organisations non gouvernementales sont un problÚme qui préoccupe de plus en
se sont souvent chargées de remplir le vide plus les autorités médicales et vétérinaires.
institutionnel laissé par le retrait des services Un trÚs grand nombre de nouvelles maladies
publics. L’intĂ©gration plus complĂšte de ces animales peuvent infecter ou toucher
organisations dans les systÚmes nationaux de autrement les humains. La moitié au moins
santĂ© animale prĂ©sente un nouveau dĂ©ïŹ qu’il des 1 700 causes connues de maladies
importe de relever. infectieuses des humains renvoient Ă  un
La compréhension de la relation qui réservoir animal et beaucoup de nouvelles
existe entre la santé/les maladies animales infections sont des maladies zoonotiques.
et les moyens de subsistance des éleveurs Plus de 200 maladies zoonotiques, causées
pauvres doit ĂȘtre une tĂąche prioritaire du par des bactĂ©ries, des parasites, des virus,
développement. De plus, les préoccupations des champignons ou des agents entiÚrement
relatives Ă  la santĂ© animale doivent ĂȘtre nouveaux (par exemple, les prions) ont Ă©tĂ©
intégrées dans la politique générale de décrites. Environ 75 pour cent des nouvelles
dĂ©veloppement rural, car l’absence de prise maladies qui ont affectĂ© les humains depuis
en compte des maladies peut fortement 10 ans sont causées par des pathogÚnes
rĂ©duire la croissance rurale. provenant d’animaux ou de produits
d’origine animale. Nombre de ces maladies
Risques pour la santé humaine ont le pouvoir de se propager par divers
Les menaces que représentent les animaux moyens sur de grandes distances, posant
pour la santé humaine proviennent ainsi un problÚme mondial. Le traitement
essentiellement des zoonoses (maladies peut ĂȘtre coĂ»teux ou de longue durĂ©e.
animales transmissibles Ă  l’ĂȘtre humain) Certaines, telles que la nouvelle variante de
nouvelles ou existantes, des maladies la maladie de Creutzfeldt-Jakob et la rage,
d’origine alimentaire et des dĂ©chets rĂ©sultant sont incurables. Les maladies zoonotiques
d’un usage impropre des mĂ©dicaments hautement infectieuses ont fait l’objet
vĂ©tĂ©rinaires (par exemple les antibiotiques), d’une attention considĂ©rable en raison de la
des hormones et des substances toxiques. soudainetĂ© de leur apparition et de l’ampleur
Aux premiers stades de l’intensiïŹcation de de leur impact potentiel, mais des vaccins et
la production animale, les grands Ă©levages des traitements efïŹcaces peuvent ne pas ĂȘtre
s’installent gĂ©nĂ©ralement Ă  proximitĂ© des disponibles.
centres urbains en expansion, ce qui place Le monde a connu au cours des derniĂšres
de grandes populations animales au contact annĂ©es l’apparition du syndrome respiratoire
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

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aigu sévÚre (SRAS), de la grippe aviaire souvent dans les populations les plus pauvres
hautement pathogÚne (causée par le virus et les plus vulnérables. Le manque de
A[H5N1]) et la grippe porcine (causée par le sensibilisation et de volonté des pouvoirs
virus A[H1N1]), maladies qui ont suscité une publics aggrave généralement la situation.
inquiétude considérable dans le public quant
au risque d’une pandĂ©mie mondiale majeure. Maladies d’origine alimentaire
Des efforts nationaux et internationaux Si plusieurs des maladies mentionnées
considĂ©rables ont permis d’endiguer prĂ©cĂ©demment peuvent ĂȘtre transmises
efïŹcacement le SRAS. Toutefois, mĂȘme si par les aliments, les maladies d’origine
la grippe aviaire hautement pathogÚne alimentaires sont toutefois considérées
H5N1 a disparu de la plupart des pays, elle comme un groupe Ă  part. Des organismes tels
persiste obstinément dans plusieurs pays. La que salmonella (en particulier S. enteritidis
grippe porcine a récemment été déclarée et S. typhimurium), Campylobacter et E. coli
pandĂ©mie mondiale par l’Organisation O157:H7 sont d’importantes causes de
mondiale de la santĂ© (OMS). Les infections maladies d’origine alimentaire, qui affectent
et les décÚs continuent de croßtre. La chaque année dans le monde des millions de
propagation mondiale de l’encĂ©phalopathie personnes.
spongiforme bovine a Ă©tĂ© Ă©vitĂ©e, mais des Il est difïŹcile d’estimer l’incidence
cas continuent d’ĂȘtre dĂ©pistĂ©s de temps Ă  mondiale des maladies causĂ©es par des
autre en dehors des Ăźles Britanniques. La ïŹn aliments d’origine animale. Maxwell et
de 2008 a Ă©tĂ© marquĂ©e par le dĂ©pistage du Slater (2003) ont constatĂ© que jusqu’à
virus Ebola Reston, circulant chez les porcins 30 pour cent de la population des pays
et les travailleurs des élevages porcins aux industrialisés souffraient chaque année de
Philippines. En outre, des ïŹ‚ambĂ©es du virus maladies d’origine alimentaire. L’attitude
Ebola se produisent de temps Ă  autre en des consommateurs Ă  l’égard du risque
République démocratique du Congo, en et le degré de risque lié à la salubrité des
Ouganda et dans d’autres pays d’Afrique, aliments, ainsi que les prioritĂ©s et les mesures
provoquant la mort d’ĂȘtres humains et de en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de qualitĂ© des
nombreux grands singes. aliments varient beaucoup entre les pays
Certaines maladies zoonotiques sont développés et les pays en développement.
maßtrisées dans certains pays alors que dans Les pays réagissent différemment face
d’autres elles sont en expansion. La rage est aux prĂ©occupations croissantes des
en grande partie maĂźtrisĂ©e en Europe depuis consommateurs Ă  l’égard de la sĂ©curitĂ©
l’introduction de vaccins oraux permettant sanitaire des aliments. Certains abordent
de lutter contre la maladie chez les renards, le problĂšme sous l’angle du bien-ĂȘtre
principal rĂ©servoir du virus. En France, par des consommateurs nationaux, d’autres
exemple, le nombre de cas de rage chez les fortement orientĂ©s vers l’exportation y voient
animaux domestiques est tombé de 463 en une menace pour leurs débouchés extérieurs.
1990 à un seul en 2007. Par contre, la rage Le risque principal concernant la sécurité
est en expansion dans nombre de pays en sanitaire des produits animaux est imputable
développement. Une récente épidémie à à des contaminants biologiques ou chimiques.
Bali (IndonĂ©sie), semble difïŹcile Ă  contrĂŽler Ces contaminants peuvent provenir de l’air,
Ă  cause d’un manque de sensibilisation du sol, de l’eau, des aliments du bĂ©tail, des
générale aux effets de cette poussée engrais (y compris les engrais naturels), des
Ă©pidĂ©mique et d’une incapacitĂ© Ă  s’accorder produits phytosanitaires, des mĂ©dicaments
sur une stratĂ©gie efïŹcace, par exemple le vĂ©tĂ©rinaires ou de tout autre agent
choix du vaccin qui convient ou la décision de intervenant dans le processus de production
savoir s’il faut, ou non, vacciner, stĂ©riliser ou primaire, ou encore d’animaux malades.
éliminer les chiens errants. Les contaminants biologiques des produits
Un autre groupe de maladies zoonotiques, animaux comprennent des protéines
celui des maladies souvent dites anormales, comme celles qui sont associées
«nĂ©gligĂ©es» en raison de leur caractĂšre Ă  l’ESB; des bactĂ©ries telles que Salmonella
endémique, comprend les cysticercoses, les et Brucella spp. et certains types de E. coli;
échinococcoses et les brucelloses. On leur et des parasites, comme Echinococcus spp.
prĂȘte peu d’attention et elles persistent Les contaminants chimiques et biologiques
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comprennent: les résidus de médicaments Le but ultime des systÚmes de gestion


vétérinaires, tels que les produits de la sécurité sanitaire des aliments est
antimicrobiens et phytosanitaires; les d’empĂȘcher les aliments insalubres d’entrer
produits chimiques; les métaux lourds; les dans la chaßne alimentaire. On y parvient en
mycotoxines d’origine naturelle et les toxines appliquant, à tous les stades de la chaüne, de
bactĂ©riennes. bonnes pratiques d’hygiĂšne. Les autoritĂ©s
Dans les pays en dĂ©veloppement, la nationales ont pour rĂŽle de dĂ©ïŹnir les
qualité et la sécurité sanitaire des aliments normes de sécurité sanitaire des aliments
sont menacĂ©es par la nĂ©cessitĂ© d’accroĂźtre que l’industrie doit respecter et assurer la
l’offre de produits alimentaires peu coĂ»teux, surveillance nĂ©cessaire pour que ces normes
dĂ©coulant de l’augmentation de la population soient appliquĂ©es. L’élaboration de stratĂ©gies
et de l’urbanisation croissante, jointe au relatives Ă  la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
manque de ressources nĂ©cessaires pour et Ă  l’information dĂ©pend aussi d’une
traiter les problÚmes de sécurité sanitaire connaissance approfondie du marché et des
des aliments ainsi qu’à la faiblesse des forces qui conditionnent le comportement
normes réglementaires ou à leur application et les choix des parties prenantes. La
peu rigoureuse. Les ressources humaines mesure dans laquelle les secteurs public et
et ïŹnanciĂšres que les pouvoirs publics privĂ© peuvent remplir efïŹcacement leur
consacrent au soutien des programmes de rĂŽle dĂ©pend de l’existence d’installations
rĂ©glementation ou d’autres mesures relatives adĂ©quates de transformation et de
à la sécurité sanitaire des aliments sont manutention des produits alimentaires ainsi
gĂ©nĂ©ralement bien infĂ©rieures aux besoins. que d’une main-d’Ɠuvre ayant un niveau de
Habituellement une grande partie des formation sufïŹsant.
ressources disponibles est destinée au contrÎle La Commission FAO/OMS du Codex
de la qualité des produits alimentaires Alimentarius élabore des normes et des
exportĂ©s, plutĂŽt qu’à celui des produits pour directives, adoptĂ©es d’un commun accord
la consommation intérieure, laissant le marché au niveau international, qui servent de
intĂ©rieur exposĂ© Ă  des niveaux inacceptables rĂ©fĂ©rence aux ïŹns de rĂ©glementation de
de risques liés à la sécurité sanitaire des la sécurité des aliments dans le commerce
aliments. Il existe dans beaucoup de pays international. Cependant, les États ne
en dĂ©veloppement un important marchĂ© s’investissent pas tous au mĂȘme degrĂ©
informel qui Ă©chappe gĂ©nĂ©ralement Ă  tout dans l’élaboration de systĂšmes de sĂ©curitĂ©
contrÎle de la sécurité sanitaire des aliments. sanitaire des aliments acceptables au
Les systĂšmes informels de production, plan international. Nombre de pays en
comme l’abattage non rĂ©glementĂ© des dĂ©veloppement, motivĂ©s par le souci de
animaux dans les pays en dĂ©veloppement, maximiser leurs recettes d’exportation et
fournissent des produits alimentaires qui ne leur croissance induite par les échanges
satisfont pas aux normes de sécurité sanitaire commerciaux, axent leurs efforts sur les
des aliments. Nombreux sont les pauvres, en exigences des pays importateurs de produits
milieu rural et urbain, qui s’approvisionnent d’exportation clĂ©s. Or la nĂ©gligence de
sur les marchés informels sans contrÎles, la sécurité sanitaire des aliments sur les
courant ainsi un risque accru de contracter marchés intérieurs a son propre coût. Les
des maladies zoonotiques ou des maladies craintes concernant les produits échangés
d’origine alimentaire, qui entraĂźneront des sur le marchĂ© intĂ©rieur peuvent conduire les
arrĂȘts de travail, des pertes de revenus et importateurs Ă  douter de la capacitĂ© du pays
des dépenses médicales pour soigner les à imposer et à faire respecter des normes
maladies (FAO, 2005). De plus, les maladies acceptables de sécurité sanitaire des aliments
d’origine alimentaire frappent souvent le pour un quelconque produit alimentaire.
plus gravement les personnes ùgées, les Les acheteurs imposent de plus en plus
jeunes et les personnes sous-alimentées. des normes privées en matiÚre de sécurité
L’incapacitĂ© des gouvernements des pays en sanitaire des aliments. Celles-ci prescrivent
dĂ©veloppement Ă  investir sufïŹsamment dans des procĂ©dures de gestion de la sĂ©curitĂ©
les systÚmes de sécurité sanitaire des aliments sanitaire des aliments conformes aux
a une plus forte incidence sur les pauvres que principes énoncés dans les codes et les
sur la population aisée. normes du Codex, mais en général elles vont
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97
plus loin. Bien que ces normes privées soient secteur, surtout quand on est mal renseigné
«volontaires», la concentration est telle dans sur l’ampleur des problĂšmes. S’il est
le secteur de la distribution que beaucoup possible de réduire au minimum les risques
de producteurs des pays en développement relatifs à la sécurité sanitaire des aliments,
sont obligĂ©s de les appliquer pour pouvoir l’élimination complĂšte du risque n’existe
exporter. pas en matiÚre de sécurité des aliments, de
À mesure que l’économie se dĂ©veloppe, sorte que les dĂ©cideurs politiques, ainsi que
la transformation et la prĂ©paration des les scientiïŹques et l’industrie alimentaire,
aliments a tendance Ă  quitter le foyer devront dĂ©ïŹnir des niveaux acceptables de
domestique, tandis que les supermarchés risque.
dominent de plus en plus la vente au détail
des produits alimentaires en milieu urbain.
Dans de nombreux pays en développement, Lutte contre les maladies
cette évolution a conduit la classe moyenne et gestion du risque
aisée de plus en plus nombreuse à réclamer
des améliorations de la sécurité sanitaire des La gestion des maladies animales et
aliments. l’amĂ©lioration du bien-ĂȘtre social exige une
Par exemple, le Gouvernement chinois a action sur plusieurs fronts. La lutte contre
établi un label «aliment vert» pour une vaste les maladies transfrontiÚres passe par une
gamme de produits, notamment la viande coopération régionale ou par des approches
bovine, en réponse aux préoccupations groupées prenant en considération la
exprimĂ©es par les consommateurs urbains propagation et l’évolution rapides de ces
aisĂ©s. Une enquĂȘte a rĂ©vĂ©lĂ© que les maladies. Les moyens propres Ă  rĂ©duire les
consommateurs riches sont prĂȘts Ă  payer risques prĂ©sentĂ©s par les maladies animales
de 20 à 30 pour cent plus cher les «aliments comprennent la relocalisation des unités
verts». Au niveau de la production, le label de production animale intensive à grande
interdit les activateurs de croissance, impose distance des centres urbains de population;
un délai de commercialisation visant certains le renforcement des systÚmes de santé
produits vĂ©tĂ©rinaires et ïŹxe des normes animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments,
nationales relatives à l’utilisation des additifs y compris en matiùre d’information et
fourragers et des antibiotiques (Brown et d’alerte rapide; la participation de tous
Waldron, 2003). les acteurs, y compris les pauvres, aux
Les pays en dĂ©veloppement n’ont dĂ©cisions relatives aux programmes de santĂ©
gĂ©nĂ©ralement pas la capacitĂ© technique et animale; l’élaboration de stratĂ©gies de santĂ©
institutionnelle (laboratoires d’analyse des animale adaptĂ©es aux conditions locales;
aliments, ressources humaines et ïŹnanciĂšres, l’amĂ©lioration de la collaboration entre
législation et réglementation nationales, les autorités nationales et internationales
capacitĂ© d’action coercitive, gestion et responsables de la santĂ© animale et de
coordination) nécessaire pour assurer la la sécurité sanitaire des aliments; et
conformitĂ© aux normes internationales, l’investissement dans des technologies
au préjudice de la sécurité sanitaire des destinées à réduire les risques.
aliments. Ces faiblesses systémiques non
seulement menacent la santé publique, Localisation de la production
mais elles peuvent aussi avoir pour effet La concentration géographique de la
de rĂ©duire l’accĂšs aux marchĂ©s alimentaires production Ă  proximitĂ© des centres urbains
mondiaux. Umali-Deininger et Sur (2007) accroĂźt les risques d’épidĂ©mies au sein
ont aussi noté que des facteurs culturels, de la population animale, en particulier
tels que les croyances religieuses, peuvent lorsqu’il y a mouvement des humains et des
entraver l’adoption de mesures appropriĂ©es animaux entre les systĂšmes traditionnels et
en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sanitaire des les systĂšmes intensifs, ainsi que l’exposition
aliments. de la population urbaine aux maladies
En raison de la complexité des questions animales. La protection de la santé animale
de sécurité sanitaire des aliments, il est au sein de grandes unités de production
difïŹcile de dĂ©terminer les bonnes politiques concentrĂ©es est simple Ă  certains Ă©gards. Il y
Ă  suivre pour rĂ©duire les problĂšmes du a peu d’unitĂ©s Ă  surveiller, et les vĂ©tĂ©rinaires
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peuvent les inspecter ou y travailler de des maladies animales et les problĂšmes de


façon rentable. En cas d’épidĂ©mie, les sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments ni d’une forme
points critiques oĂč il faut intervenir Ă  quelconque de systĂšme d’alerte rapide en cas
temps et exercer une veille appropriĂ©e sont d’épidĂ©mie. Leur capacitĂ© de diagnostiquer
relativement peu nombreux. Les éleveurs et de hiérarchiser les problÚmes de santé
ont aussi fortement intĂ©rĂȘt Ă  investir dans animale et de prendre les mesures voulues
la prĂ©vention des maladies rĂ©duisant ainsi s’en trouve limitĂ©e.
l’éventail des risques liĂ©s aux maladies Un grand nombre des Ă©lĂ©ments de base
animales. Il conviendrait, cependant, d’un systùme mondial d’information existent
pour des raisons de santĂ© humaine, dĂ©jĂ . Les organisations rĂ©gionales d’Asie du
d’encourager la relocalisation de ces unitĂ©s Sud-Est et d’AmĂ©rique du Sud, par exemple,
loin des centres urbains. Il est important de ont joué un rÎle important dans la promotion
rappeler que les pathogĂšnes qui circulent de programmes de veille transfrontiĂšre et
dans les élevages des petits exploitants, y régionale de la santé animale. Le systÚme
compris dans les Ă©levages de volailles qui se mondial d’alerte prĂ©coce et d’action pour
nourrissent de déchets, ne sont pas censés, les maladies animales transfrontiÚres géré
en gĂ©nĂ©ral, passer Ă  un niveau supĂ©rieur par la FAO, l’OIE et l’OMS, fournit des
de virulence. Une mutation en un agent avertissements fondés sur les informations
pathogĂšne plus agressif est inïŹniment plus scientiïŹques les plus rĂ©centes. Les dĂ©cideurs
probable lorsque les pathogĂšnes peuvent nationaux et la communautĂ© scientiïŹque
entrer en contact avec de trĂšs nombreux internationale sont ainsi en mesure
animaux hĂŽtes sensibles, comme cela peut d’évaluer avec une plus grande prĂ©cision les
se produire dans les plantes commerciales risques d’épidĂ©mie. Les rĂ©seaux mondiaux
qui sont cultivĂ©es Ă  moyenne et grande et rĂ©gionaux d’experts de laboratoire et
Ă©chelle si des mesures de biosĂ©curitĂ© sont d’épidĂ©miologistes, par exemple le RĂ©seau
insufïŹsamment appliquĂ©es. La production de laboratoires de rĂ©fĂ©rence et d’expertise
animale la plus extensive est caractĂ©risĂ©e par pour la grippe aviaire de l’OIE/FAO, ainsi
des troupeaux et des Ă©levages d’assez petites que les rĂ©seaux rĂ©gionaux de laboratoires
dimensions composĂ©s d’animaux qui sont et d’épidĂ©miologie d’Afrique et d’Asie, ont
plus diversiïŹĂ©s gĂ©nĂ©tiquement, plus robustes aussi Ă©tĂ© créés pour faciliter les Ă©changes
et plus rĂ©sistants aux maladies. d’informations et d’échantillons.
Entre-temps, l’élevage de basse-cour se Toutefois, ces systĂšmes ne fonctionnent
poursuit dans de nombreuses zones urbaines que si l’on dispose d’informations locales
et pĂ©riurbaines. Parfois, les pouvoirs publics ïŹables. Le rassemblement de ce type
tentent d’interdire ces activitĂ©s dans un d’informations exige un systĂšme de veille
souci de santĂ© humaine. Tel est le cas, par efïŹcace reposant sur une communautĂ©
exemple, des récents efforts qui ont été sensibilisée, alerte et engagée, un personnel
déployés pour maßtriser la grippe aviaire convenablement formé et des laboratoires
hautement pathogÚne (ICASEPS, 2008). bien équipés. Malheureusement, peu de
Entrepris sans consultation minutieuse pays en développement sont dotés de tels
avec les producteurs, ces efforts ont été systÚmes. Quelques pays en développement
préjudiciables aux moyens de subsistance et ont appliqué avec succÚs une méthode de
se sont heurtés à la résistance des intéressés. surveillance des maladies animales, mettant
Certains gouvernements ont modiïŹĂ© ou levĂ© en jeu la participation des villageois ou des
ces interdictions, essayant plutÎt de mettre agents de santé animale des communautés,
en place des mesures d’incitation visant Ă  par exemple en Afrique durant les annĂ©es 90
encourager des pratiques de production plus aïŹn de dĂ©tecter les poches rĂ©siduelles
sûres. de peste bovine (Mariner et Roeder,
2003), et en IndonĂ©sie en 2004-05 aïŹn de
SantĂ© animale, sĂ©curitĂ© sanitaire dĂ©terminer l’ampleur de l’infection de
des aliments et systùmes d’alerte grippe aviaire hautement pathogùne H5N1
rapide (Alders et al., sous presse). Toutefois, un
De nombreux pays en développement ne investissement soutenu et un engagement
disposent pas de mécanismes permettant du gouvernement sont indispensables à la
de recueillir des informations sur l’incidence crĂ©ation de tels systĂšmes, et en raison de
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

99
la contribution qu’une bonne information et de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. Les
sur les maladies apporte aux biens publics pays doivent poursuivre l’élaboration de
mondiaux, une part au moins de cet mĂ©thodes/techniques d’analyse simples et
investissement devrait provenir de la peu coûteuses pour toutes les substances
communauté internationale. et microorganismes dangereux. Elles
Le renforcement des systĂšmes de santĂ© devraient ĂȘtre applicables dans un contexte
animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments communautaire plus large aïŹn d’ĂȘtre
exige un ïŹnancement rĂ©gulier et soutenu, qui bĂ©nĂ©ïŹques sur les plans tant culturel
devra provenir de sources locales et nationales qu’économique.
ainsi que de la communautĂ© internationale. Les efforts visant Ă  rĂ©duire l’impact des
Une planiïŹcation, un plaidoyer et un suivi maladies animales sur les personnes vivant
renforcĂ©s de l’impact seront importants, de dans la pauvretĂ© doivent prendre en compte
mĂȘme qu’une coopĂ©ration plus Ă©troite entre la vaste gamme de maladies qui affectent
les secteurs public et privé dans les pays la vie des pauvres, y compris celles qui sont
oĂč le secteur privĂ© est sufïŹsamment fort. Il actuellement nĂ©gligĂ©es. Ils doivent aussi
existe quelques exemples de ïŹnancements avoir pour but de rĂ©duire au minimum les
mixtes publics et privés, mais aucun dans dommages causés par les mesures de lutte
les pays en dĂ©veloppement. L’exemple mises en Ɠuvre pour endiguer les poussĂ©es
le plus connu provient d’Australie, oĂč le de maladies zoonotiques et transfrontiĂšres.
gouvernement central, les gouvernements Leur rĂ©ussite dĂ©pendra de l’association
des États et les collectivitĂ©s territoriales ainsi Ă©troite des pauvres et de leurs reprĂ©sentants
que les principales organisations nationales Ă  la planiïŹcation et Ă  la mise en Ɠuvre
du secteur de la production animale ont des mesures de prévention et de maßtrise
créé une société publique à but non lucratif des maladies. De la sorte, un plus grand
chargée de gérer au nom de ses membres les nombre des solutions proposées pourront
programmes de santĂ© animale (AHA, 2009). ĂȘtre appropriĂ©es et acceptĂ©es par les
Un comportement individuel responsable est communautés.
nĂ©cessaire aïŹn de rĂ©duire les coĂ»ts externes Une telle approche est essentielle Ă  la fois
et un fonds mixte public-privé permet pour protéger les moyens de subsistance
d’assurer le partage à la fois des risques et des pauvres et pour renforcer les chances
des responsabilités. Nombre de problÚmes de succÚs des efforts de maßtrise des
de lutte contre les maladies renvoient à un maladies. On a cité ci-dessus plusieurs
mĂ©lange d’intĂ©rĂȘts publics et privĂ©s. Les exemples des problĂšmes qui peuvent se
actions privées prises par des éleveurs pour poser quand les pauvres ne sont pas associés
protĂ©ger leurs propres troupeaux, telles que Ă  la planiïŹcation et Ă  la mise en Ɠuvre
la vaccination volontaire ou l’application des mesures de lutte contre les maladies,
de mesures de biosécurité, peuvent aussi du non-respect de celles-ci à la création de
prĂ©senter un intĂ©rĂȘt public en limitant la problĂšmes de sĂ©curitĂ© alimentaire au niveau
propagation de la maladie aux animaux ou des ménages.
aux humains. Force est, toutefois, de reconnaĂźtre que
cette approche est particuliĂšrement difïŹcile
Participation des pauvres aux à mettre en Ɠuvre face à une menace de
programmes de santé animale progression rapide de la maladie, en raison
Des processus consultatifs sont nĂ©cessaires de la nĂ©cessitĂ© de traiter d’urgence un
pour faire en sorte que l’État, les problùme en voie d’expansion avant qu’il
organisations non gouvernementales, les n’ait pris trop d’ampleur. Par exemple, les
milieux universitaires et les groupes du Ă©leveurs pauvres n’ont pratiquement pas Ă©tĂ©
secteur privĂ© qui participent Ă  l’élaboration associĂ©s aux mesures de planiïŹcation et de
de programmes Ă  assise communautaire, mise en Ɠuvre des politiques adoptĂ©es pour
apportent collectivement leur contribution lutter contre la grippe aviaire hautement
au processus de gestion de la santé animale pathogÚne, mais à présent un important
et de la sécurité sanitaire des aliments. Il effort est déployé pour trouver des moyens
faut accorder un degrĂ© Ă©levĂ© de prioritĂ© de se prĂ©parer aux situations d’urgence
à la recherche axée sur les aspects tant permettant de prendre en considération
fondamentaux qu’appliquĂ©s de la qualitĂ© les conditions locales et de repasser de
100 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 17
Programme mondial d’éradication de la peste bovine – Ă©lĂ©ments
d’une initiative rĂ©ussie

Le virus de la peste bovine est Ă  l’origine ait Ă©tĂ© atteint. Cependant, le processus
de la maladie bovine sans doute la plus de reconnaissance internationale doit
terrible d’une sĂ©rie d’épidĂ©mies qui ont ĂȘtre encouragĂ© et les processus observĂ©s
décimé le bétail et la faune sauvage sur pour garantir que les dossiers des pays
trois continents et qui ont provoquĂ© soient transmis pour ĂȘtre Ă©valuĂ©s par la
plusieurs famines chez des populations communauté internationale comme établi
d’agriculteurs au cours des XVIIIe, XIXe par l’OIE. Une dĂ©claration internationale
et XXe siĂšcles. En lançant en 1994 le relative Ă  l’éradication de la peste bovine
Programme mondial d’éradication de au plan mondial devrait ĂȘtre formulĂ©e
la peste bovine, la FAO a pris la tĂȘte en 2010. Ce serait seulement la deuxiĂšme
d’une initiative visant Ă  consolider les maladie Ă©radiquĂ©e dans le monde (la
avancĂ©es obtenues dans la maĂźtrise de premiĂšre Ă©tant la variole chez l’ĂȘtre
la peste bovine et pour progresser dans humain).
l’éradication de ce ïŹ‚Ă©au. En Ă©troite
association avec l’Organisation mondiale Partenariats et soutien des donateurs.
de la santĂ© animale (OIE), l’Agence Le Programme mondial d’éradication
internationale de l’énergie atomique de la peste bovine a pu compter sur le
(AIEA), le Bureau interafricain pour les partenariat de l’OIE, des blocs Ă©conomiques
ressources animales de l’Union africaine et des organisations spĂ©cialisĂ©es rĂ©gionales
(UA/BIRA) et d’autres partenaires, le (par exemple l’Union africaine et
Programme mondial d’éradication de l’Association sud-asiatique de coopĂ©ration
la peste bovine, unité clé au sein du régionale [ASACR]) et de nombreuses
SystÚme de prévention et de réponse institutions donatrices, telles que la
rapide contre les ravageurs et les maladies Commission europĂ©enne, l’Agence
transfrontiĂšres des animaux et des plantes des États-Unis pour le dĂ©veloppement
(EMPRES), a été conçu comme mécanisme international, le Département du
de coordination international visant développement international du Royaume-
Ă  promouvoir l’éradication mondiale Uni et les Gouvernements irlandais et
de la peste bovine et la vĂ©riïŹcation de italien. Toutefois, les partenaires les plus
l’éradication de cette maladie, tout en importants du Programme sont les pays
fournissant des indications techniques eux-mĂȘmes. Dans plusieurs situations,
pour atteindre ces objectifs. Depuis le ïŹnancement de projets au titre du
le début, le Programme mondial Programme de coopération technique
d’éradication de la peste bovine est un de la FAO a Ă©tĂ© utilisĂ© pour maĂźtriser
programme Ă  durĂ©e limitĂ©e se rĂ©fĂ©rant rapidement des ïŹ‚ambĂ©es de peste bovine
à une déclaration mondiale visant ou pour entreprendre des activités
l’éradication de cette maladie en 2010. visant Ă  promouvoir le renforcement
des laboratoires de diagnostic, la
Objectif atteint. La derniĂšre ïŹ‚ambĂ©e planiïŹcation des interventions dans
Ă©pidĂ©mique de peste bovine avĂ©rĂ©e a eu l’éventualitĂ© d’une situation d’urgence,
lieu au Kenya en 2001 et c’est en 2007 la veille et le renforcement des capacitĂ©s.
qu’on a fait usage pour la derniĂšre fois Le Programme mondial d’éradication
de la vaccination contre cette maladie. de la peste bovine a par ailleurs joué un
Non seulement il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que rĂŽle dĂ©terminant s’agissant de dĂ©ïŹnir et
l’éradication Ă©tait un objectif rĂ©aliste, mais rĂ©viser les Orientations de l’OIE (activitĂ©
il est en outre probable que cet objectif normative visant à déterminer la situation
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

101

internationale de la maladie en rapport 1994. La Campagne panafricaine de lutte


avec l’activitĂ© virale de la peste bovine), contre la peste bovine a Ă©tĂ© suivie par le
les stratĂ©gies de veille et d’autres Ă©lĂ©ments Programme panafricain pour le contrĂŽle
d’orientation qui ont conduit Ă  conïŹrmer des Ă©pizooties (30 pays), et l’UnitĂ© de
l’éradication. coordination sur l’éradication de la
peste bovine dans l’écosystĂšme somalien
Promouvoir la vaccination. La stratĂ©gie regroupait l’Éthiopie, le Kenya et la
adoptĂ©e auparavant pour Ă©radiquer la Somalie, pays constituant une zone oĂč il
peste bovine au plan mondial consistait est possible qu’une activitĂ© virale persiste.
à mettre en Ɠuvre des campagnes de Ces efforts consistaient notamment en
grande envergure de vaccination des un appui épidémiologique et une aide
bovins et des bufïŹ‚es; on a eu recours, Ă  cet technique en collaboration avec le Centre
effet, à des vaccins thermostables et, plus panafricain de vaccins vétérinaires situé
important encore, Ă  la dĂ©termination de Ă  Debre Zeit (Éthiopie), ainsi que dans le
l’immunitĂ© consĂ©cutive Ă  l’administration soutien de la Division mixte FAO/AIEA Ă 
du vaccin, qui a Ă©tĂ© l’objet d’un suivi visant Vienne (Autriche).
à s’assurer que les campagnes couvraient la
proportion voulue des populations bovines. RĂ©seau d’épidĂ©miologie et laboratoires.
Seule une coordination internationale
CaractĂ©risation du virus. Suite aux permettra d’éliminer des maladies
analyses moléculaires, les souches de virus animales transfrontiÚres telles que la
de la peste bovine ont été regroupées en peste bovine. Ce sont les efforts concertés
trois lignages distincts: lignages I et II en consentis par les pouvoirs publics qui
Afrique et lignage III consistant en souches ont permis d’entrevoir l’éradication de
virales isolĂ©es en Asie et au Proche-Orient. cette maladie Ă  l’échelle mondiale. Leurs
efforts ont bĂ©nĂ©ïŹciĂ© de l’assistance de
Coordination des campagnes laboratoires de référence (pour des
d’éradication de la peste bovine. Il a diagnostics de conïŹrmation, la mise
été convenu, au cours de la réunion de au point de vaccins et le contrÎle de
consultation d’experts de la FAO organisĂ©e la qualitĂ©) et des investissements de
à Rome en 1992, que la coordination la communauté internationale (pour
rĂ©gionale des campagnes Ă©tait la seule l’établissement d’approches rĂ©gionales
approche rĂ©aliste pour maĂźtriser la peste et de rĂ©seaux de laboratoires et d’unitĂ©s
bovine, car des interventions nationales épidémiologiques).
isolĂ©es ne donneraient lieu qu’à des
améliorations sporadiques et éphémÚres Surveillance des maladies et recherche
ou peu durables. Le Programme mondial participative sur les maladies. Des aspects
d’éradication de la peste bovine englobait de l’épidĂ©miologie, de la veille fondĂ©e sur
la Campagne panafricaine de lutte contre l’analyse des risques et des techniques de
la peste bovine, qui a couvert 34 pays recherche participative sur les maladies
d’Afrique jusqu’en 1999, et la campagne ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s et se sont rĂ©vĂ©lĂ©s
d’éradication de la peste bovine en Asie essentiels pour dĂ©tecter les derniers
occidentale, qui a couvert 11 pays de foyers de peste bovine, pour apporter
la région Proche-Orient. La campagne un éclairage épidémiologique sur la
d’éradication en Asie occidentale a persistance de la maladie et pour s’assurer
coordonné des activités entre 1989 et de sa disparition ou de son éradication.
102 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

façon plus harmonieuse des mesures de DĂ©veloppement d’une protection de la


traitement immédiat de la crise aux efforts santé animale adaptée aux conditions
de développement. locales
Les mesures visant à aider les éleveurs La protection de la santé animale doit
pauvres sont notamment les suivantes: ĂȘtre adaptĂ©e aux conditions locales. Les
atténuation du choc des mesures de lutte, solutions générales fonctionnent bien
par exemple en Ă©vitant autant que possible dans certains cas mais pas dans d’autres,
les abattages massifs; dédommagement engendrant des tensions et favorisant le
des personnes lésées; et investissement plus non-respect. La vaccination, par exemple,
important dans les institutions locales, ce qui est une mesure relativement simple Ă 
contribuera Ă  l’amĂ©lioration des mĂ©canismes appliquer dans de grands Ă©levages intensifs,
permettant de faire face aux crises. Les mais elle est généralement beaucoup
partenariats publics-privés doivent offrir plus onéreuse dans les petits systÚmes
un espace aux pauvres pour qu’ils puissent en raison du coĂ»t de son application Ă 
s’engager davantage de maniĂšre Ă  mettre un trop grand nombre de petites unitĂ©s
Ă  proïŹt les savoirs locaux concernant les de production. Les petits producteurs
maladies et les rĂ©percussions existantes, peuvent ĂȘtre rĂ©ticents Ă  participer Ă  des
et pour les encourager dans la mesure du programmes de vaccination lorsqu’ils n’en
possible Ă  Ă©laborer leurs propres mesures de voient pas l’avantage immĂ©diat. Une grande
prĂ©vention et de maĂźtrise des poussĂ©es de partie de l’information actuellement
maladies animales. disponible sur les mesures de protection

ENCADRÉ 18
Un monde, une santé

Le concept «Un monde, une santé» et les rĂ©actions aux situations d’urgence,
illustre une approche interdisciplinaire au travers du renforcement des
et intersectorielle visant à promouvoir systÚmes de santé publique et de santé
et Ă  amĂ©liorer la comprĂ©hension des animale. L’approche appelle Ă  une plus
facteurs et des causes de l’émergence et large coopĂ©ration interdisciplinaire
de l’expansion des maladies infectieuses et intersectorielle, et s’intĂ©resse en
(www.oneworldhealth.org). Ce concept, priorité aux nouveaux foyers de maladies
une marque déposée de la Wildlife infectieuses.
Conservation Society, a été adopté en Le cadre stratégique est principalement
octobre 2008 comme fondement du cadre consacré aux maladies infectieuses
stratĂ©gique pour la rĂ©duction des risques associĂ©es aux interactions entre les ĂȘtres
de maladies infectieuses associés aux humains, les animaux et les écosystÚmes,
interactions entre les ĂȘtres humains, les lorsqu’une Ă©pidĂ©mie ou une pandĂ©mie
animaux et les écosystÚmes par un groupe peut potentiellement avoir un impact
d’organismes internationaux, dont la signiïŹcatif aux niveaux national, rĂ©gional
FAO, l’Organisation mondiale de la santĂ© et international. L’objectif de ce cadre
animale (OIE), l’Organisation mondiale stratĂ©gique est de trouver les moyens de
de la SantĂ© (OMS), le Fonds des Nations rĂ©duire le risque et l’impact Ă  l’échelle
Unies pour l’enfance (UNICEF), la Banque mondiale des Ă©pidĂ©mies et des pandĂ©mies
mondiale et le Coordonnateur du systĂšme de nouvelles maladies infectieuses.
des Nations Unies pour la grippe (UNSIC) Pour ce faire, il est indispensable de
(FAO et al., 2008). renforcer la connaissance des maladies,
Le principal objectif de l’approche leur surveillance ainsi que les systùmes de
«Un monde, une santé» est de rĂ©duire rĂ©action d’urgence Ă  tous les niveaux, ce
le risque et l’impact mondial des qui appelle à son tour la consolidation des
foyers infectieux en améliorant les services de santé publique et animale mais
connaissances sur les animaux tant Ă©galement de l’efïŹcacitĂ© des stratĂ©gies de
d’élevage que sauvages, leur surveillance communication.
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103
ïŹnanciĂšrement viables ne concernent acteurs des systĂšmes de santĂ© animale, Ă 
que les grands élevages intensifs, lacune partir de leur expérience.
que la communauté internationale tente Dans tous ces efforts, il est essentiel
de combler, par exemple Ă  la suite de d’établir une communication Ă  double
l’épidĂ©mie de grippe aviaire hautement sens. Les stratĂ©gies de communication
pathogĂšne H5N1 (FAO, Banque mondiale et visant Ă  promouvoir, aux niveaux des
OIE, 2008). communautés et des ménages, des
Il faut disposer d’un ensemble plus comportements aptes Ă  prĂ©venir et Ă 
nuancé de solutions tenant compte maßtriser les poussées de maladies animales
des besoins et des atouts des grands, sont notamment les suivantes: informer
moyens et petits producteurs dans les les communautés des risques sanitaires
diffĂ©rentes ïŹliĂšres de production et nouveaux ou Ă©mergents et leur enseigner
de commercialisation. En matiÚre de la façon de les reconnaßtre; engager les
santé animale, les solutions doivent populations locales à réagir à ces risques et
ĂȘtre Ă©laborĂ©es sur place et adaptĂ©es aux Ă  Ă©laborer des mesures de prĂ©vention des
conditions locales, et elles doivent ĂȘtre maladies nouvelles; lancer des campagnes
envisagĂ©es dans le contexte plus large du publiques nationales d’éducation aïŹn de
dĂ©veloppement du secteur de l’élevage sensibiliser le public Ă  l’impact des maladies
et au-delĂ . L’expĂ©rience met aussi en animales et de lui apprendre ce qu’il peut
Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© d’une Ă©valuation et faire pour aider Ă  prĂ©venir et Ă  maĂźtriser les
d’un apprentissage constants de la part des infections.

Les autorités nationales jouent un v le soutien à la collaboration


rĂŽle essentiel dans la conception, le intersectorielle et interdisciplinaire Ă 
ïŹnancement et la mise en Ɠuvre de ces grande Ă©chelle;
stratégies. v le développement de programmes
Le cadre stratĂ©gique s’articule autour de logiques et ciblĂ©s pour le contrĂŽle des
cinq axes: maladies, au moyen de la recherche
v la création de systÚmes de santé stratégique.
publique et de santé animale Le cadre stratégique a pour objectif
solides et bien gĂ©rĂ©s, conformes aux global d’apporter un bĂ©nĂ©ïŹce public
RĂšglement sanitaire international international. S’il ne donne pas la prioritĂ©
de l’OMS (OMS, 2005) et aux normes aux maladies Ă  cibler, il vise nĂ©anmoins
internationales de l’OIE, favorisant les clairement à favoriser les plus pauvres
réactions à long-terme; en contribuant à réduire les risques de
v la prévention des crises régionales maladies infectieuses trÚs répandues
et internationales, par le contrĂŽle localement, telles que la ïŹĂšvre de la vallĂ©e
des foyers infectieux, au travers de du Rift, la tuberculose, la brucellose, la
meilleures capacitĂ©s nationales et rage, la ïŹĂšvre aphteuse, la peste porcine
internationales de réaction africaine et la peste des petits ruminants.
d’urgence; Le paradigme «Un monde, une santé» a
v la volontĂ© de privilĂ©gier les Ă©conomies pour but d’amĂ©liorer la santĂ© publique,
en développement par rapport la sûreté et la sécurité alimentaires,
aux économies développées et les ainsi que les moyens de subsistance
problĂšmes rĂ©els par rapport aux des communautĂ©s d’éleveurs pauvres
risques potentiels, mais également aux niveaux international, national et
un intĂ©rĂȘt accru pour les facteurs local, tout en prĂ©servant les Ă©cosystĂšmes
favorisant le développement des fragiles.
maladies ayant une incidence locale
importante; Source: FAO et al., 2008.
104 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

Amélioration de la collaboration Au niveau mondial, de nombreuses


entre les autorités nationales et organisations ou institutions collaborent,
internationales responsables de la par exemple, l’OMS, la FAO, l’UNICEF, l’OIE,
santĂ© animale et de la sĂ©curitĂ© sanitaire le WWF, la WCS et l’UICN6) ainsi que des
des aliments. instituts et des laboratoires de recherche
Les efforts déployés pour maßtriser les avancée, dont ceux qui relÚvent du systÚme
maladies zoonotiques et remédier aux du Groupe consultatif pour la recherche
problÚmes de sécurité sanitaire des aliments agricole internationale (GCRAI). La FAO,
en rapport avec la production animale, l’Agence internationale de l’énergie
doivent mettre en jeu les secteurs Ă  la fois de atomique (AIEA), les laboratoires de
la santé animale et de la santé humaine. Il est référence et les centres collaborateurs de
aussi nĂ©cessaire d’établir une collaboration l’OIE soutiennent les services de diagnostic,
avec les experts de l’environnement ou de la la recherche Ă©pidĂ©miologique et la
faune sauvage pour connaütre les origines et production de vaccins. L’OIE et la FAO ont
les réservoirs des maladies. Pour cette raison, appuyé les Centres régionaux communs de
de nombreux efforts sont actuellement santé animale pour soutenir les stratégies
axĂ©s sur l’amĂ©lioration des dispositifs de et approches harmonisĂ©es de lutte contre
collaboration aux niveaux national et les maladies animales transfrontiĂšres et les
international. maladies infectieuses émergentes dans les
L’approche «un monde, une santé» est une pays appartenant Ă  des rĂ©gions confrontĂ©es Ă 
dĂ©marche interdisciplinaire et intersectorielle des problĂšmes et Ă  des dĂ©ïŹs identiques.
Ă©laborĂ©e par la Wildlife Conservation Society Les problĂšmes de santĂ© humaine d’origine
(voir encadrĂ© 18) en vue de s’attaquer aux animale, endĂ©miques ou localisĂ©s, n’ont
maladies infectieuses Ă©mergentes. Elle a Ă©tĂ© pas bĂ©nĂ©ïŹciĂ© jusqu’à prĂ©sent de la mĂȘme
mise en Ɠuvre dans le cadre d’un certain attention, bien qu’il y ait une prise de
nombre d’initiatives rĂ©centes contre les conscience croissante du fait que la maĂźtrise
maladies zoonotiques rĂ©unissant un large des maladies humaines endĂ©miques d’origine
Ă©ventail d’acteurs des secteurs de la santĂ© animale pourrait contribuer de façon peu
animale et humaine, du corps mĂ©dical et coĂ»teuse Ă  l’attĂ©nuation de la pauvretĂ©. La
vétérinaire, des organisations à vocation maßtrise des maladies zoonotiques négligées
environnementale ou des spécialistes de exige une coordination entre les services
la faune sauvage, le secteur privé, et des vétérinaires et les services de santé humaine.
instituts de recherche avancĂ©e, aux niveaux Quand il n’est pas possible de recouvrer
national, régional et mondial (encadré 18). les coûts et que les maladies touchent
Dans la plupart des pays, les institutions particuliĂšrement la population pauvre,
sectorielles ont des rÎles et des des fonds publics sont nécessaires pour en
responsabilitĂ©s clairement dĂ©ïŹnis, mais les ïŹnancer la prĂ©vention, la dĂ©tection et la
mécanismes de collaboration intersectorielle maßtrise.
sont ïŹ‚ous ou inexistants. Des progrĂšs Une approche de la gestion des risques en
importants ont toutefois été accomplis en matiÚre de sécurité sanitaire des aliments est
matiĂšre de collaboration intersectorielle indispensable Ă  l’allocation efïŹcace des fonds
au niveau régional et mondial. Au niveau limités qui sont disponibles pour les systÚmes
régional, la collaboration se fait par de sécurité sanitaire des aliments. La
l’intermĂ©diaire d’institutions telles que participation de tous les acteurs de la chaĂźne
l’ANASE, l’OCE, l’OIRSA, l’IICA, l’OAPEP, alimentaire Ă  la comprĂ©hension du risque
l’ASACR et l’OUA/BIRA5), notamment. et Ă  la dĂ©ïŹnition des domaines prioritaires
en matiĂšre de contrĂŽle et d’attĂ©nuation
contribuera beaucoup à assurer l’acceptation
5
ANASE: Association des Nations de l’Asie du Sud-Est; et la responsabilitĂ© sociales de la sĂ©curitĂ©
OCE: Organisation de coopération économique; OIRSA:
Organisme international régional contre les maladies sanitaire des aliments à tous les stades de
des plantes et des animaux; IICA: Institut interaméricain
de coopĂ©ration pour l’agriculture; APEC Organisation
6
de coopĂ©ration Ă©conomique Asie-PaciïŹque; ASACR: UNICEF: Fonds des Nations Unies pour l’enfance;
Association sud-asiatique de coopération régionale; OUA/ WWF: Fonds mondial pour la nature; WCS: Société
BIRA: Bureau interafricain des ressources animales de pour la conservation de la faune sauvage; UICN: Union
l’Organisation de l’Union africaine. internationale pour la conservation de la nature.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

105
la chaĂźne alimentaire. Cette participation mobilisant les groupes de pays qui partagent
intersectorielle permet de remĂ©dier aux les dĂ©ïŹs posĂ©s par la production animale et
pratiques professionnelles susceptibles de les risques de maladies. Dans ce contexte, il
présenter un risque pour la sécurité sanitaire faut souvent recourir à des vaccins adaptés à
des aliments. plusieurs maladies animales transfrontiĂšres.
Ces vaccins peuvent ĂȘtre fabriquĂ©s par
Innovation technologique l’industrie sur une base durable, à condition
Les nouvelles technologies peuvent favoriser qu’un accord public soit conclu par les pays
une meilleure gestion des risques en rapport concernés visant à maßtriser et éliminer
avec la santé animale. Les progrÚs de la progressivement la maladie concernée.
protéomique, de la transcriptomique et de
la génomique mÚneront probablement, au
cours des prochaines années, à la création Principaux messages de ce chapitre
de nombreux produits nouveaux. La récente
course à la mise au point d’un vaccin suivant v Parce qu’elles peuvent mettre en
l’apparition et la propagation en Allemagne, danger la santĂ© humaine, perturber
en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au les marchés et le commerce, réduire la
Royaume-Uni, en 2006, du sérotype 8 de la productivité et aggraver la pauvreté,
ïŹĂšvre catarrhale du mouton, (jamais vu en les maladies animales ainsi que les
Europe auparavant) a montrĂ© que l’industrie maladies d’origine alimentaire causĂ©es
pharmaceutique pouvait rĂ©agir rapidement par le manque d’hygiĂšne alimentaire,
quand des incitations appropriées étaient en posent un problÚme à tout un chacun.
place. Le Gouvernement du Royaume-Uni a L’amĂ©lioration de la gestion de l’élevage,
lancĂ© en novembre 2007 un appel d’offres en vue de prĂ©venir et de maĂźtriser ces
pour la production et la fourniture de maladies peut ĂȘtre porteuse de bienfaits
22,5 millions de doses de vaccin contre cette économiques, sociaux et sanitaires pour
maladie. La sociĂ©tĂ© qui a remportĂ© le marchĂ© les pauvres et pour l’ensemble de la
a mis exactement deux ans à fabriquer le société.
vaccin. v L’évolution des pathogĂšnes est
Le marché des produits de santé animale, imprévisible; il est donc impossible
tels que vaccins et produits pharmaceutiques, de se prémunir. De nouveaux agents
est restreint dans les pays en dĂ©veloppement. pathogĂšnes continueront d’apparaĂźtre
Cela n’a rien de surprenant, vu les faibles et le risque de propagation doit ĂȘtre
revenus de la majorité des éleveurs. En traité au cas par cas. Un cadre mondial
conséquence, les sociétés pharmaceutiques approprié est nécessaire pour lutter
internationales ne sont guÚre incitées à contre les zoonoses et les maladies
élaborer de nouvelles technologies destinées animales transfrontiÚres apparues
à résoudre les problÚmes de santé animale récemment.
de ces pays. v Les systÚmes publics de santé animale
Cet état de choses soulÚve une double et de sécurité sanitaire des aliments
question. Premiùrement, comment persuader doivent tenir compte du fait que l’impact
les sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques d’investir dans des maladies animales et des maladies
la fabrication de nouveaux produits adaptĂ©s d’origine alimentaire varie d’un pays et
aux Ă©leveurs pauvres dont les ressources sont d’un systĂšme de production Ă  l’autre,
limitées? DeuxiÚmement, que peuvent faire selon le niveau économique. La capacité
les gouvernements pour favoriser la diffusion des différents groupes à relever ces
des technologies de lutte contre les maladies dĂ©ïŹs et les incitations nĂ©cessaires Ă 
prioritaires pour les pauvres? La mise en les encourager Ă  le faire, doivent ĂȘtre
place de solutions efïŹcaces, en rĂ©ponse Ă  ces prises en compte dans la conception des
questions, est essentielle Ă  l’amĂ©lioration des stratĂ©gies de gestion des risques et de
services de santé animale pour tous. lutte contre les maladies.
Dans de vastes étendues du monde v Un investissement important, stratégique
en dĂ©veloppement, par exemple, il est et soutenu dans l’infrastructure
possible de contenir des maladies animales nationale de santé animale et de sécurité
transfrontiÚres au niveau régional, en sanitaire des aliments est nécessaire
106 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

dans les pays en dĂ©veloppement aïŹn de d’amĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© sanitaire


réduire les risques pour la santé humaine des aliments. Les éleveurs pauvres
et de permettre la croissance du doivent participer davantage Ă  la lutte
commerce et des marchĂ©s, d’une façon contre les maladies, dans leur propre
qui permette aux petits Ă©leveurs de sortir intĂ©rĂȘt et dans celui de tous.
de la pauvreté. v La concentration de systÚmes de
v La capacité des pays plus pauvres à production intensive à proximité
participer à la conception des normes immédiate des centres de population
relatives Ă  la santĂ© animale et Ă  la urbaine accroĂźt le risque d’apparition
sécurité sanitaire des aliments devrait et de transmission des maladies au sein
ĂȘtre renforcĂ©e de maniĂšre Ă  leur des populations animales et humaines.
permettre d’amĂ©liorer leurs systĂšmes de C’est le cas en particulier lorsqu’il y
santé animale et de sécurité sanitaire des a mouvement des personnes et des
aliments et d’élargir l’accĂšs aux marchĂ©s animaux entre les systĂšmes traditionnels
de leurs produits animaux. et les systĂšmes industriels. Des incitations
v Indépendamment de leur niveau et de et des réglementations peuvent alors
leurs capacitĂ©s, les producteurs doivent ĂȘtre nĂ©cessaires pour encourager
ĂȘtre associĂ©s Ă  la conception et Ă  la mise l’implantation des unitĂ©s de production
en Ɠuvre des programmes de prĂ©vention animale dans des zones Ă  plus faible
et de maßtrise des maladies animales et densité de population.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

107
6. Conclusions: équilibre entre
les objectifs de la société en
matiĂšre d’élevage

Le secteur de l’élevage fait vivre prĂšs de politique et d’innovation technologique et


1 milliard des personnes les plus pauvres du institutionnelle.
monde et il est probable qu’il continuera
d’en ĂȘtre ainsi pendant encore des dĂ©cennies.
Nombre de ceux dont la subsistance et les Équilibre entre opportunitĂ©s
moyens d’existence dĂ©pendent de l’élevage et risques
subissent la pression extrĂȘme des forces
mondiales de croissance Ă©conomique, de La croissance rapide du secteur de l’élevage
concurrence et d’intĂ©gration, qui conduisent offre des opportunitĂ©s Ă©videntes de
Ă  un changement structurel rapide. Dans rĂ©duction de la pauvretĂ©; l’agriculture est
ces conditions, les risques que prĂ©sente la la clĂ© d’un dĂ©veloppement Ă©conomique
production animale pour la santé humaine favorable aux pauvres et le secteur de
et l’environnement prennent une dimension l’élevage est l’une des activitĂ©s agricoles
systémique. qui connaßt la croissance la plus rapide.
La sensibilisation quant aux dĂ©ïŹs Cependant, l’élevage prĂ©sente des risques
auxquels est exposĂ© le secteur de l’élevage pour la santĂ© et l’environnement qui doivent
offre l’occasion d’un changement. Les ĂȘtre mitigĂ©s. Le secteur consomme une part
gouvernements et les donateurs prennent importante des ressources mondiales et
de plus en plus conscience de l’importance est responsable d’une portion Ă©levĂ©e des
de l’agriculture dans le dĂ©veloppement Ă©missions de gaz Ă  effet de serre.
rural et la réduction de la pauvreté, ainsi Il faut de prendre des mesures pour
que du rĂŽle capital de l’élevage dans les amĂ©liorer la performance environnementale
moyens de subsistance des femmes et des du secteur de l’élevage. Celui-ci doit utiliser
hommes pauvres. Par ailleurs, les rĂ©centes les ressources plus efïŹcacement et rĂ©cupĂ©rer
craintes pour la santĂ© humaine suscitĂ©es par les dĂ©chets qu’il produit pour les recycler. Du
les poussées potentiellement pandémiques point de vue économique, les externalités
de maladies zoonotiques ont accaparé positives et négatives que le secteur de
l’attention des mĂ©dias et effrayĂ© les voyageurs l’élevage produit depuis longtemps devraient
dans le monde entier. ParallĂšlement, des ĂȘtre internalisĂ©es aïŹn que les producteurs
programmes d’intervention ont Ă©tĂ© prĂ©parĂ©s et les consommateurs paient le prix rĂ©el de
dans un grand nombre de pays. Au sein des l’impact de la production animale sur les
gouvernements, de la sociĂ©tĂ© civile et de ressources naturelles et l’environnement.
la communautĂ© scientiïŹque, le consensus Les systĂšmes de santĂ© animale devraient
croissant sur la réalité du changement contribuer à la réduction du risque croissant
climatique motive la recherche de moyens de pandémies humaines ayant pour origine
efïŹcaces en vue d’attĂ©nuer les effets du les animaux et Ă  une meilleure maĂźtrise
changement climatique et de s’y adapter. des maladies endĂ©miques qui mettent
La reconnaissance du caractĂšre urgent de la constamment en danger les moyens de
situation est le premier pas vers une solution subsistance des pauvres. En matiÚre de santé
(Kotter, 2005). animale, les producteurs riches ne sont pas
Pour rĂ©pondre aux besoins multiples exposĂ©s aux mĂȘmes risques et n’obĂ©issent pas
et souvent concurrents de la sociĂ©tĂ©, le aux mĂȘmes incitations que les producteurs
secteur de l’élevage nĂ©cessite un dosage pauvres. Les mesures prises pour maĂźtriser
soigneusement Ă©quilibrĂ© d’intervention les maladies transfrontiĂšres peuvent
108 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ĂȘtre d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en endiguant des Ă  la petite Ă©chelle de la production. Ces


pandĂ©mies potentielles, mais, Ă  moins d’ĂȘtre institutions devraient les aider Ă  accĂ©der aux
élaborées de façon judicieuse, elles peuvent intrants à des conditions plus favorables et
aussi avoir un effet dĂ©vastateur sur les servir de trait d’union avec les grossistes et
moyens de subsistance, les biens et les ïŹlets les dĂ©taillants aïŹn qu’ils puissent surmonter
de sĂ©curitĂ© de millions de petits producteurs. les obstacles techniques bloquant l’accĂšs
Cet aspect doit ĂȘtre pris en considĂ©ration des petits exploitants aux marchĂ©s urbains
lors de l’élaboration et l’application de telles et internationaux en expansion. Le soutien
mesures. politique devrait promouvoir la croissance
de la productivitĂ© et l’accĂšs aux marchĂ©s
des petits exploitants. L’élaboration et la
Équilibre entre les besoins diffusion de nouvelles technologies adaptĂ©es
des différentes catégories aux petits producteurs, ainsi que la création
de petits exploitants d’une infrastructure de marchĂ©s et de
communications et de systÚmes de santé
La croissance du secteur de l’élevage peut animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
favoriser la croissance économique générale, aideraient les petits exploitants à surmonter
attĂ©nuer la pauvretĂ© et rĂ©duire l’insĂ©curitĂ© les difïŹcultĂ©s dans le paysage changeant oĂč
alimentaire, mais il manque aujourd’hui ils exercent leur activitĂ©.
plusieurs Ă©chelons Ă  l’«échelle» que les petits La plupart des petits Ă©leveurs ïŹniront par
exploitants gravissaient autrefois pour se quitter le secteur, comme on l’a vu dans les
soustraire Ă  la pauvretĂ©. La concurrence pays de l’OCDE et dans beaucoup de pays en
croissante, les Ă©conomies d’échelle et les dĂ©veloppement et en transition Ă  croissance
normes plus rigoureuses de santĂ© et de Ă©conomique rapide. C’est une consĂ©quence
sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments, font que les naturelle de l’évolution du secteur agricole,
petits exploitants ont d’énormes difïŹcultĂ©s qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un signe de
Ă  demeurer compĂ©titifs face aux grands progrĂšs. Quand et oĂč les petits Ă©leveurs sont
systĂšmes de production intensive, si bien que confrontĂ©s Ă  des coĂ»ts d’opportunitĂ© Ă©levĂ©s
l’écart se creuse entre ceux qui rĂ©ussissent dans leur travail, ils quittent naturellement le
Ă  mettre Ă  proïŹt l’accroissement de la secteur pour trouver ailleurs un emploi plus
demande de produits animaux et ceux qui y rémunérateur. Les politiques générales de
échouent. Les décideurs politiques doivent développement rural peuvent promouvoir
reconnaĂźtre que tous les petits exploitants une Ă©conomie dynamique offrant d’autres
ne seront pas capables de proïŹter des possibilitĂ©s intĂ©ressantes aux Ă©leveurs
opportunités offertes par la croissance, et incapables de résister à la concurrence dans
que les risques et les opportunités peuvent leur secteur.
ne pas ĂȘtre les mĂȘmes pour les hommes Il y a lieu de se prĂ©occuper, en revanche,
et pour les femmes. Ils devraient utiliser lorsque les forces de la concurrence chassent
les ressources publiques limitées non pas les travailleurs du secteur avant que
pour lutter contre les forces inexorables l’économie gĂ©nĂ©rale ait pu crĂ©er d’autres
du changement mais pour aider les petits possibilitĂ©s d’emploi. Le rythme trĂšs rapide
exploitants Ă  changer, de maniĂšre Ă  du changement dans le secteur de l’élevage
produire de meilleurs résultats sociaux. Des de nombreux pays provoque dans certaines
interventions spĂ©ciïŹques, soucieuses de rĂ©gions un exode si massif que le reste de
l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes, l’économie ne peut l’absorber.
peuvent efïŹcacement et effectivement Les plus petits Ă©leveurs, pour lesquels
rĂ©pondre aux besoins des diffĂ©rentes l’élevage est principalement un ïŹlet de
catĂ©gories de petits exploitants. sĂ©curitĂ©, doivent faire l’objet d’une attention
Certains petits exploitants sont compétitifs particuliÚre reconnaissant les multiples
dans l’environnement Ă©conomique rĂŽles que joue le bĂ©tail dans leurs moyens
changeant et ils peuvent le rester s’ils d’existence. Au minimum, la fonction de ïŹlet
bĂ©nĂ©ïŹcient du soutien politique, ïŹnancier de sĂ©curitĂ© que remplit l’élevage ne doit pas
et institutionnel adĂ©quat. Ils ont besoin ĂȘtre dĂ©truite sans dĂ©dommagement ou sans
d’innovations institutionnelles pour la crĂ©ation de ïŹlets protection sociale de
supporter les coûts de transaction associés remplacement.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

109
la politique agricole vise Ă  accroĂźtre la
Équilibre entre sĂ©curitĂ© alimentaire disponibilitĂ© et l’accessibilitĂ© des produits
et nutrition alimentaires, mais il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de
promouvoir un meilleur équilibre dans les
Les produits animaux apportent une choix offerts Ă  la population.
contribution importante à la sécurité
alimentaire des ménages et sont
particuliùrement utiles à la satisfaction Équilibre des choix entre systùmes,
des besoins en micronutriments des espĂšces, objectifs et impacts
femmes et des jeunes enfants. Ajoutée à
un régime alimentaire à base de végétaux, Il faut tenir compte des choix concernant
une petite quantitĂ© d’aliments d’origine l’utilisation de divers systĂšmes de production
animale peut améliorer beaucoup la et espÚces animales, les objectifs assignés
santé maternelle et le développement des au secteur et les impacts sociaux et
enfants. La dĂ©nutrition, notamment le environnementaux de l’élevage. Les systĂšmes
manque d’aliments d’origine animale, est de production intensive sont extrĂȘmement
un problĂšme Ă©norme et persistant dans efïŹcaces dans la transformation des
les pays en développement. Des régimes ressources (aliments du bétail, eau, etc.)
alimentaires inappropriĂ©s entravent le en produits, tels que viande, lait et Ɠufs,
développement physique et mental de peu chers et de haute qualité. Cela vaut en
l’enfant, et entraĂźne une morbiditĂ© et une particulier pour la volaille et les porcins.
mortalité accrue des maladies infectieuses. Les systÚmes de production intensive
Elle a aussi un coût économique important peuvent aussi produire moins de gaz à
qui se manifeste sous la forme d’une effet de serre par unitĂ© de produit que les
réduction de la performance professionnelle systÚmes extensifs. Ils peuvent satisfaire
et de la productivitĂ© du travail des adultes. la demande d’aliments d’origine animale,
L’augmentation du revenu peut contribuer en augmentation rapide dans les pays en
Ă  l’amĂ©lioration de la nutrition: Ă  mesure dĂ©veloppement, avec le plus d’efïŹcacitĂ© et
que croüt leur revenu, les pauvres achùtent avec le moins d’impacts sur le changement
généralement une nourriture plus abondante climatique. Mais la production intensive à
et de meilleure qualité, notamment des aussi son coût.
produits d’origine animale. Attendre que Les systùmes intensifs produisent de
la croissance économique vienne améliorer grandes quantités de déchets qui excÚdent
la nutrition ne saurait toutefois ĂȘtre une la capacitĂ© d’absorption nutritionnelle des
solution acceptable. Il faut agir pour assurer lieux oĂč ils sont implantĂ©s. Des mesures
dans l’immĂ©diat l’accĂšs Ă  une alimentation rigoureuses sont nĂ©cessaires pour imposer
adéquate. On pourra ainsi apporter une la récupération de ces déchets et leur
contribution indispensable pour aider restitution à la terre sous forme d’engrais ou
les pauvres Ă  sortir du piĂšge de la sous- leur utilisation Ă  d’autres ïŹns productives.
alimentation/dénutrition-pauvreté. La quantité de ressources utilisées par
D’un autre cĂŽtĂ©, de nombreux les systĂšmes de production intensive et
pays du monde, y compris les pays en extensive dépend des animaux et des
dĂ©veloppement, connaissent une Ă©pidĂ©mie lieux, mais partout la mise en Ɠuvre de
d’obĂ©sitĂ© et de maladies non transmissibles pratiques amĂ©liorĂ©es de gestion peut rĂ©duire
liĂ©es au rĂ©gime alimentaire, qui coĂ»tent l’impact de la production animale sur
cher Ă  l’économie et Ă  la santĂ© nationales. l’environnement.
La consommation excessive de produits La concentration géographique des
animaux contribue Ă  ce problĂšme bien que systĂšmes de production animale intensive Ă 
d’autres choix en matiĂšre d’alimentation proximitĂ© des centres urbains peut offrir un
et de style de vie soient Ă©videmment terreau extrĂȘmement fertile aux maladies
aussi en cause. Les politiques agricoles et nouvelles, en particulier lorsque de petits
commerciales peuvent avoir une inïŹ‚uence Ă©levages traditionnels subsistent dans le
sur les choix alimentaires en agissant sur voisinage. Elle accroüt aussi l’exposition
la plus ou moins grande disponibilité de de la population urbaine aux maladies
certains produits. De maniÚre générale, animales, ce qui aggrave le risque de
110 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

transmission de maladies zoonotiques Ă  faire surtout Ă  court terme, exigeant une


la population humaine. Des systÚmes de hiérarchisation des objectifs. La promotion
santé animale beaucoup plus solides sont de la production animale et des revenus peut
nĂ©cessaires aïŹn de permettre l’attĂ©nuation avoir pour consĂ©quence une pression accrue
de ces risques sanitaires et leur gestion. Une sur les ressources naturelles. La mise en place
premiĂšre mesure consisterait Ă  encourager de mesures environnementales plus strictes
la relocalisation les unités de production peut entraßner une hausse des coûts de
animale intensive Ă  distance des zones production des produits animaux, qui les rend
urbaines et à réduire le risque de mouvement moins accessibles à la population pauvre.
des pathogÚnes entre les systÚmes. Différents pays et différentes sociétés
peuvent accorder des priorités différentes
aux objectifs, selon le niveau des revenus,
Équilibre entre les objectifs la place relative des petits exploitants dans
de sociĂ©tĂ©s diffĂ©rentes le secteur, l’importance des exportations
et leurs perspectives, ainsi que le degré de
On a examiné dans le présent rapport le rÎle pression exercé sur les ressources naturelles
de l’élevage dans la rĂ©alisation des objectifs et l’état de dĂ©gradation de celles-ci. D’une
de la société en matiÚre de fourniture de maniÚre générale, la hiérarchie des objectifs
biens privés et publics. Souvent, les multiples varie avec le niveau de développement
objectifs de la sociĂ©tĂ© sont interdĂ©pendants. Ă©conomique du pays (ïŹgure 16). Les pays Ă 
La gestion des maladies animales, par faible développement économique mettent
exemple, peut ĂȘtre essentielle Ă  la sĂ©curitĂ© l’accent sur le rĂŽle de l’élevage dans le
des moyens de subsistance des personnes développement économique et social,
qui vivent dans la pauvretĂ©. L’amĂ©lioration et dans l’attĂ©nuation de la pauvretĂ©, et
de la nutrition humaine, notamment par un conçoivent leurs politiques en conséquence.
apport approprié des produits animaux au Le renforcement de la contribution de
rĂ©gime alimentaire, peut aussi contribuer l’élevage aux revenus, Ă  l’emploi et Ă  la
à la promotion du développement social. protection contre les risques pour les groupes
Fréquemment, il y a toutefois des choix à pauvres de la population qui disposent de

FIGURE 16
Répartition des objectifs politiques

SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ENVIRONNEMENT

MOYENS DE SUBSISTANCE

Faible développement, Industrialisation lente


nombreux petits propriétaires
Industrialisation rapide Post-industriel

Source: FAO.
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

111
peu d’autres possibilitĂ©s, sera probablement Pour relever les dĂ©ïŹs et surmonter les
un objectif primordial dans ces pays. Les pays contraintes auxquels il est confronté, le
Ă  bas revenus peuvent devoir aussi prendre secteur de l’élevage a besoin d’un regain
en considĂ©ration d’autres facteurs, tels que la d’attention et d’investissements de la part de
gestion des maladies animales, pour soutenir la recherche agricole et de la communauté
la durabilité des moyens de subsistance. du développement, ainsi que de solides
À des stades ultĂ©rieurs de dĂ©veloppement, mĂ©canismes institutionnels et de gouvernance
il est probable que les politiques seront reïŹ‚Ă©tant la diversitĂ© de ce secteur et les
axĂ©es sur des objectifs diffĂ©rents, tels que nombreuses exigences qu’il doit satisfaire.
les suivants: ravitaillement de populations, Une action est nécessaire à tous les
en particulier urbaines, croissantes; niveaux: du niveau local, en passant par les
rĂ©duction des risques pour la santĂ© humaine niveaux rĂ©gional et national jusqu’au niveau
des maladies animales; et protection international. Les institutions multilatérales
de l’environnement et des ressources doivent y participer, de mĂȘme que la sociĂ©tĂ©
naturelles. Dans les Ă©conomies avancĂ©es, civile. Cependant, aucune institution n’est
oĂč la production animale ne reprĂ©sente en mesure d’accomplir sa tĂąche isolĂ©ment. Il
qu’une petite part de l’économie globale, les est par consĂ©quent indispensable de rĂ©unir
préoccupations de la société se concentreront les multiples parties prenantes, y compris le
probablement avant tout sur la santĂ© secteur privĂ©, au sein d’un effort coordonnĂ©.
humaine, la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments et Il est Ă©vident qu’au niveau international,
l’environnement. le secteur de l’élevage et les enjeux auxquels
Il est important de reconnaĂźtre au niveau il est confrontĂ© doivent focaliser l’attention.
international la lĂ©gitimitĂ© de ces diffĂ©rences L’élaboration d’un programme d’action
de prioritĂ©s et de veiller Ă  ce que les politiques visant le secteur de l’élevage, appuyĂ©
et les accords internationaux ne soient pas par les gouvernements, les institutions
conçus exclusivement en fonction des priorités internationales, multilatérales aussi bien
d’un groupe restreint de pays riches. que bilatĂ©rales, les bailleurs de fonds et les
acteurs de la société civile, est un premier
pas essentiel vers l’instauration d’un secteur
La voie Ă  suivre: un programme de l’élevage prĂ©sentant les caractĂ©ristiques
d’action pour le secteur de suivantes: une meilleure gouvernance; une
l’élevage plus grande attention aux problĂšmes et aux
enjeux; un processus de développement plus
Le secteur de l’élevage est censĂ© fournir des intĂ©grateur; des niveaux d’investissements
aliments salubres, peu coĂ»teux et abondants proportionnels Ă  l’importance du secteur
aux populations urbaines croissantes et aux dĂ©ïŹs qu’il doit relever; et une
ainsi que des moyens de subsistance aux coopération internationale améliorée.
producteurs; prĂ©server les ressources De fait, si l’on considĂšre les effets
naturelles tout en les exploitant avec négatifs et positifs trÚs importants du
efïŹcacitĂ©; et rĂ©duire au minimum les risques secteur de l’élevage sur les objectifs sociaux,
sanitaires pour la population humaine. environnementaux et de santé publique, et
On soutient, dans la prĂ©sente Ă©dition de l’importance de la gouvernance mondiale
La situation mondiale de l’alimentation et de pour l’agriculture dans son ensemble,
l’agriculture, que le secteur de l’élevage ne un tel cadre pourrait ouvrir la voie Ă  une
contribue pas aussi bien qu’il le pourrait Ă  la action internationale concertĂ©e visant Ă 
fourniture des biens privĂ©s et publics qu’on accompagner le dĂ©veloppement du secteur
attend de lui, principalement faute d’avoir de l’élevage.
réalisé les réformes et les investissements
nécessaires. La croissance rapide de ce
secteur, sur fond de faiblesse des institutions Principaux messages du rapport
et de la gouvernance, a engendré des
risques systĂ©miques qui pourraient avoir v L’élevage: un secteur en pleine
des consĂ©quences catastrophiques pour les Ă©volution. Le secteur de l’élevage est
moyens de subsistance, ainsi que pour la santé un des éléments les plus dynamiques
humaine et animale et pour l’environnement. de l’économie agricole. Son expansion
112 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

a été rapide au cours des derniÚres interconnectée tout au long de la


dĂ©cennies et on prĂ©voit que, tirĂ©e par chaĂźne d’approvisionnement, ce qui a
l’augmentation de la population, la augmentĂ© l’efïŹcacitĂ© de la production
hausse des revenus et l’urbanisation, tout en crĂ©ant des problĂšmes liĂ©s Ă 
la demande de produits animaux l’usage des ressources naturelles.
poursuivra sa forte croissance jusqu’au – La concentration croissante de la
milieu du siĂšcle. Une action urgente production et du commerce pose de
s’impose donc pour que le secteur puisse nouveaux dĂ©ïŹs Ă  relever en matiĂšre de
rĂ©pondre Ă  cette demande d’une façon gestion des maladies animales.
qui contribue Ă  la fois Ă  la rĂ©duction de v Le secteur de l’élevage contribue Ă  la
la pauvreté, à la sécurité alimentaire, sécurité alimentaire et à la réduction
Ă  la durabilitĂ© de l’environnement et de la pauvretĂ©. Toutefois, il pourrait
à la santé humaine. Les opportunités y contribuer davantage par des
et les contraintes présentées par ce réformes politiques et institutionnelles
secteur devraient ĂȘtre soigneusement judicieuses et par des investissements
équilibrées. publics et privés importants poursuivant
– Le potentiel de dĂ©veloppement de les trois objectifs suivants: i) renforcer la
la demande de produits de l’élevage capacitĂ© des petits exploitants Ă  mettre
est trĂšs grand, ce qui prĂ©sente des Ă  proïŹt les opportunitĂ©s offertes par la
dĂ©ïŹs dans l’utilisation des ressources croissance du secteur; ii) protĂ©ger les
naturelles, la gestion des risques ménages les plus pauvres pour lesquels
pour la santĂ© animale et humaine, l’élevage reprĂ©sente un ïŹlet de sĂ©curitĂ©
l’attĂ©nuation de la pauvretĂ© et la essentiel; et iii) appliquer des politiques
réalisation de la sécurité alimentaire. de développement rural général
– La demande croissante de produits permettant de faciliter le retrait
de l’élevage et la mise en Ɠuvre des de nombreux mĂ©nages ruraux du
changements technologiques dans secteur.
l’ensemble de la chaĂźne alimentaire – L’élevage reprĂ©sente un moyen
ont profondĂ©ment modiïŹĂ© certains d’existence important pour un grand
systùmes de production animale. Les nombre de femmes, d’hommes et
systùmes de production mixtes de d’enfants en milieu rural qui vivent
petites dimensions sont aux prises dans la pauvreté. Il remplit un certain
avec la concurrence accrue de vastes nombre de fonctions différentes,
unités de production spécialisées qui depuis la création de revenus et
s’appuient sur des intrants achetĂ©s la fourniture d’intrants dans les
auprÚs de fournisseurs extérieurs. systÚmes de production mixtes
Ces tendances sont autant de dĂ©ïŹs jusqu’à l’amortissement des chocs
considérables à relever pour les petits environnementaux et économiques. Les
exploitants et ont des conséquences décideurs politiques doivent prendre
sur la capacité du secteur à réduire la en compte les multiples fonctions que
pauvretĂ©. remplit l’élevage dans les moyens
– Le passage des systĂšmes de production d’existence et la sĂ©curitĂ© alimentaire
mixtes de petites dimensions, fondés des pauvres.
sur des ressources disponibles – Les petits producteurs ont besoin
localement, Ă  des systĂšmes industriels de soutien pour tirer parti des
de grandes dimensions, a aussi opportunités offertes par la croissance
dĂ©placĂ© les lieux d’implantation des du secteur et maĂźtriser les risques
unitĂ©s de production animale. À associĂ©s Ă  une concurrence accrue
mesure que les contraintes liées à et à un rapprochement avec les
la disponibilité locale des ressources chaßnes de valeur modernes. Il faut
naturelles sont levées, la distribution pour cela des innovations fortes et
spatiale des unités de production soutenues dans les systÚmes agricoles
animale ressemble de plus en plus à et alimentaires nationaux, régionaux
des pÎles fonctionnant de maniÚre et mondiaux et une stratégie
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

113
mĂȘlant changement politique et peut rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet
institutionnel, développement des de serre.
capacitĂ©s, innovation technologique et – Les gouvernements et les institutions
investissements qui prennent en compte doivent sans délai élaborer et mettre
la paritĂ© hommes-femmes et qui soit en Ɠuvre des politiques appropriĂ©es,
réactive. aux niveaux national et international,
– Les dĂ©cideurs politiques doivent tenir pour traiter les interactions entre
compte des diffĂ©rences entre les petits l’élevage et l’environnement. La
producteurs en termes de capacités hausse constante de la production
d’adaptation au changement. Certains animale se traduira sinon par
petits Ă©leveurs ne pourront sans d’énormes pressions sur la santĂ©
doute pas rester compétitifs dans un des écosystÚmes, la biodiversité, les
secteur qui se modernise rapidement ressources en terres et forĂȘts ainsi
et devront renoncer Ă  leur Ă©levage, que la qualitĂ© de l’eau, et contribuera
du fait de l’augmentation du coĂ»t de maniĂšre substantielle au
d’opportunitĂ© de la main-d’Ɠuvre rĂ©chauffement de la planĂšte.
familiale. Des stratĂ©gies plus larges de – Les politiques doivent viser avant
développement rural visant à créer tout à corriger les distorsions du
des emplois hors agriculture pour les marché et les dysfonctionnements
femmes, les hommes et les jeunes qui encouragent la dégradation
peuvent faciliter leur dĂ©sengagement de l’environnement. Les aides
du secteur. ou subventions qui encouragent
– Les dĂ©cideurs politiques doivent directement ou indirectement le
apprécier et préserver la fonction surpùturage, la dégradation des terres,
de ïŹlet de sĂ©curitĂ© que remplit le dĂ©boisement, la surexploitation
l’élevage pour les trĂšs pauvres. Dans des ressources en eau ou les Ă©missions
le secteur de l’élevage, les pauvres de gaz Ă  effet de serre devraient
sont particuliĂšrement vulnĂ©rables ĂȘtre rĂ©duites ou Ă©liminĂ©es. Des
aux zoonoses et aux risques politiques faisant appel aux lois du
environnementaux. marché, comme les taxes ou droits
v Le secteur de l’élevage doit amĂ©liorer d’utilisation des ressources naturelles,
sa performance environnementale. Il devraient amener les producteurs Ă 
conviendrait de renforcer la internaliser les coûts des dommages
gouvernance du secteur de l’élevage environnementaux causĂ©s par la
pour assurer une croissance continue production animale.
respectueuse de l’environnement. La – Certains effets nĂ©gatifs de l’élevage
production animale exerce une pression sur l’environnement dĂ©coulent de
croissante sur la terre, l’air, l’eau et la problĂšmes associĂ©s Ă  des ressources
biodiversitĂ©. Une action corrective est collectives en accĂšs libre. ClariïŹer
nécessaire pour encourager la mise à les droits de propriété fonciÚre et
disposition de biens publics, tels que les promouvoir des mécanismes de
services écosystémiques et la protection coopération sont une exigence absolue
de l’environnement. Il conviendra à pour une gestion durable des biens
cette ïŹn de s’intĂ©resser aux prĂ©cĂ©dents collectifs.
Ă©checs politiques et dysfonctionnements – L’application de technologies au
de marchĂ©, et d’élaborer et d’appliquer service de l’emploi rationnel des
des incitations ou des sanctions. terres et des aliments pour bétail
L’élevage contribue aux changements peut attĂ©nuer les effets nĂ©gatifs
climatiques mais en subit Ă©galement de l’élevage sur la biodiversitĂ©, les
les conséquences. Il peut jouer un écosystÚmes et le réchauffement
rÎle essentiel pour les atténuer: par planétaire. Les technologies visant
exemple, l’utilisation de technologies Ă  amĂ©liorer le rendement de
plus performantes, encouragĂ©es par des l’élevage incluent l’amĂ©lioration des
incitations économiques appropriées, races animales, de la gestion des
114 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

pùturages, de la santé animale et le aux maladies animales et à la sécurité


sylvopastoralisme. sanitaire des aliments.
– La rĂ©munĂ©ration des services – Parce qu’elles peuvent mettre en
environnementaux par des sources danger la santé humaine, perturber les
publiques ou privĂ©es peut ĂȘtre un marchĂ©s et le commerce, rĂ©duire
moyen efïŹcace de promouvoir la productivitĂ© et aggraver la pauvretĂ©,
de meilleurs résultats, en termes les maladies animales ainsi que les
notamment de conservation des sols, maladies d’origine alimentaire causĂ©es
de conservation de la ïŹ‚ore et de la par le manque d’hygiĂšne alimentaire,
faune sauvages ainsi que des paysages, posent un problĂšme Ă  tout un
et de sĂ©questration du carbone. chacun. L’amĂ©lioration de la gestion
– Le secteur de l’élevage a un potentiel de l’élevage, en vue de prĂ©venir et
Ă©norme en matiĂšre de contribution Ă  de maĂźtriser ces maladies peut ĂȘtre
l’attĂ©nuation des effets du changement porteuse de bienfaits Ă©conomiques,
climatique. Réaliser ce potentiel sociaux et sanitaires pour les pauvres
implique des initiatives nouvelles et pour l’ensemble de la sociĂ©tĂ©.
et ambitieuses Ă  l’échelle nationale – L’évolution des pathogĂšnes est
et internationale, notamment la imprévisible; il est donc impossible
promotion de la recherche et du de se prémunir. De nouveaux agents
dĂ©veloppement dans le domaine pathogĂšnes continueront d’apparaĂźtre
des technologies d’attĂ©nuation; des et le risque de propagation doit ĂȘtre
moyens efïŹcaces et renforcĂ©s pour traitĂ© au cas par cas. Un cadre mondial
ïŹnancer les activitĂ©s d’élevage; le appropriĂ© est nĂ©cessaire pour lutter
déploiement, la diffusion et le transfert contre les zoonoses et les maladies
des technologies visant à réduire les animales transfrontiÚres apparues
émissions des gaz à effet de serre; et récemment.
le dĂ©veloppement des capacitĂ©s pour – Les systĂšmes publics de santĂ© animale
contrĂŽler, documenter et vĂ©riïŹer le et de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments
niveau des Ă©missions liĂ©es Ă  l’élevage. doivent tenir compte du fait que
v Les maladies animales prĂ©sentent l’impact des maladies animales et
des risques systĂ©miques auxquels il des maladies d’origine alimentaire
importe de remĂ©dier. Certains services varie d’un pays et d’un systĂšme
de santĂ© animale constituent des biens de production Ă  l’autre, selon le
publics en cela qu’ils protĂšgent la niveau Ă©conomique. La capacitĂ© des
santĂ© humaine et animale et proïŹtent diffĂ©rents groupes Ă  relever ces dĂ©ïŹs
donc à la société dans son ensemble. et les incitations nécessaires à les
Les maladies animales diminuent encourager Ă  le faire, doivent ĂȘtre
la production et la productivité, prises en compte dans la conception
bouleversent les économies locales des stratégies de gestion des risques et
et nationales, menacent la santé de lutte contre les maladies.
humaine et aggravent la pauvretĂ©, – Un investissement important,
mais les producteurs doivent affronter stratégique et soutenu dans
plusieurs risques et ils ne bĂ©nĂ©ïŹcient l’infrastructure nationale de santĂ©
pas des mĂȘmes mesures incitatives animale et de sĂ©curitĂ© sanitaire des
ni ne possĂšdent les mĂȘmes moyens aliments est nĂ©cessaire dans les pays
pour y rĂ©pondre. Dans de nombreuses en dĂ©veloppement aïŹn de rĂ©duire les
régions du monde, les systÚmes de santé risques pour la santé humaine et de
animale ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©s, d’oĂč des permettre la croissance du commerce
faiblesses institutionnelles, des dĂ©ïŹcits et des marchĂ©s, d’une façon qui
d’information et des investissements permette aux petits Ă©leveurs de sortir
inadaptés dans les biens publics liés de la pauvreté.
Ă  la santĂ© animale. Les producteurs – La capacitĂ© des pays plus pauvres Ă 
Ă  tous les niveaux, y compris les participer Ă  la conception des normes
éleveurs pauvres, doivent participer à relatives à la santé animale et à la
l’élaboration de programmes relatifs sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments devrait
L E P O I N T S U R L' É L E VAG E

115
ĂȘtre renforcĂ©e de maniĂšre Ă  leur – La concentration de systĂšmes de
permettre d’amĂ©liorer leurs systĂšmes production intensive Ă  proximitĂ©
de santé animale et de sécurité immédiate des centres de population
sanitaire des aliments et d’élargir urbaine accroĂźt le risque d’apparition
l’accĂšs aux marchĂ©s de leurs produits et de transmission des maladies au
animaux. sein des populations animales et
– IndĂ©pendamment de leur niveau et humaines. C’est le cas en particulier
de leurs capacitĂ©s, les producteurs lorsqu’il y a mouvement des
doivent ĂȘtre associĂ©s Ă  la conception personnes et des animaux entre
et à la mise en Ɠuvre des programmes les systùmes traditionnels et les
de prévention et de maßtrise des systÚmes industriels. Des incitations
maladies animales et d’amĂ©lioration et des rĂ©glementations peuvent alors
de la sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments. ĂȘtre nĂ©cessaires pour encourager
Les Ă©leveurs pauvres doivent participer l’implantation des unitĂ©s de
davantage Ă  la lutte contre les production animale dans des zones Ă 
maladies, dans leur propre intĂ©rĂȘt et plus faible densitĂ© de population.
dans celui de tous.
DeuxiĂšme partie
TOUR D’HORIZON DE LA
SITUATION MONDIALE
DE L’ALIMENTATION
ET DE L’AGRICULTURE
p
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

119
Tour d’horizon de la situation mondiale
de l’alimentation et de l’agriculture

Le sort des centaines de millions de d’éviter une diminution excessive de la


personnes qui souffrent de la pauvreté et de consommation.
la faim dans le monde suscite de profondes DĂšs la mi-2009, l’étendue de la crise,
inquiétudes. Pendant la préparation de son acuité et sa gravité compromettaient
l’édition 2008 de la Situation mondiale toute chance de reprise rapide. En avril
de l’alimentation et de l’agriculture (FAO, 2009, le Fonds monĂ©taire international
2008b) la crise alimentaire mondiale (FMI, 2009) a projeté une baisse générale
monopolisait l’attention alors que du produit national brut (PIB) en 2009 et
l’augmentation rapide des prix des denrĂ©es le retour Ă  une croissance positive Ă  partir
alimentaires menaçait gravement la sécurité de 2010 seulement, tout en prévenant que
alimentaire mondiale. Au Sommet du G8 celle-ci serait lente par rapport aux reprises
au Japon en juillet 2008, les dirigeants des économiques du passé. Le FMI a également
pays les plus industrialisés du monde se sont souligné la grande incertitude entourant
déclarés vivement préoccupés du fait que les perspectives futures et la crainte que les
«l’escalade des prix alimentaires Ă  l’échelle politiques Ă©conomiques ne sufïŹsent pas pour
mondiale, couplĂ©e Ă  des problĂšmes d’offre briser le cercle vicieux de la dĂ©tĂ©rioration des
dans plusieurs pays en dĂ©veloppement, conditions ïŹnanciĂšres et de l’affaiblissement
menacent la sécurité alimentaire mondiale». des économies.
Les effets dĂ©vastateurs de la hausse des prix Qu’il s’agisse de reprise aprĂšs la crise
des denrĂ©es alimentaires ont exacerbĂ© la Ă©conomique ou d’évolution de la situation
tendance, dĂ©jĂ  alarmante, Ă  l’augmentation des marchĂ©s agricoles, les perspectives
du nombre des personnes souffrant de sous- revĂȘtent une importance critique non
alimentation partout dans le monde. seulement pour les pauvres et les affamés
À l’épisode de la Â«ïŹ‚ambĂ©e des prix» du monde mais aussi pour envisager des
a rapidement succédé la plus grave crise progrÚs rapides et soutenus en matiÚre de
ïŹnanciĂšre et la rĂ©cession Ă©conomique la rĂ©duction de la faim. Alors que les pronostics
plus profonde que le monde ait traversĂ©es sur l’économie mondiale demeurent ïŹ‚ous,
depuis 70 ans. La crise a frappé de vastes la situation des marchés agricoles est
régions simultanément, faisant tomber devenue encore plus incertaine pendant
des millions de personnes dans la faim l’annĂ©e Ă©coulĂ©e de sorte que les perspectives
et la sous-alimentation. Son impact a Ă©tĂ© agricoles sont particuliĂšrement difïŹciles Ă 
particuliÚrement rude car elle se greffait sur cerner. Les causes et les risques associés à la
l’augmentation des cours des denrĂ©es de ïŹ‚ambĂ©e des prix des denrĂ©es alimentaires
base liée à la crise alimentaire des années de 2006-08 restent latents en 2009. Les prix
2006-08, qui les avait rendues inaccessibles rĂ©els de l’énergie sont encore au-dessus
pour des millions de pauvres. Tandis que de la tendance tandis que la reprise de la
les prix des produits alimentaires sur les croissance des revenus dans les pays en
marchés mondiaux ont nettement reculé sous développement pourrait se traduire par une
l’inïŹ‚uence de la crise ïŹnanciĂšre, la baisse nouvelle pression Ă  la hausse sur les prix
des prix des produits alimentaires sur les des produits alimentaires. La demande de
marchés intérieurs est souvent intervenue matiÚres premiÚres pour biocombustibles
plus lentement. L’augmentation inhabituelle est soutenue, si ce n’est pas par des concepts
et persistante des prix des aliments et des économiques fondamentaux, du moins
carburants a Ă©prouvĂ© jusqu’à la limite les par l’abondance de mesures telles que les
mécanismes de survie de nombreux ménages incorporations obligatoires de biocarburants
pauvres qui ont Ă©tĂ© forcĂ©s d’entamer leurs – ou les subventions et crĂ©dits d’impĂŽts
actifs (ïŹnanciers, matĂ©riels et humains) dans favorisant leur consommation – appliquĂ©es
la tentative, pas toujours garantie de succĂšs, dans de nombreux pays (les relations entre
120 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

les biocarburants et l’agriculture ont Ă©tĂ©


approfondies dans l’édition 2008 de La SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
situation mondiale de l’alimentation et MONDIALE: LES TENDANCES7
de l’agriculture [FAO, 2008b]). Si les cours Les chiffres de la faim et de la sous-
des produits ont considérablement baissé alimentation dans le monde ont été
par rapport au pic atteint Ă  la mi-2008, la radicalement inïŹ‚uencĂ©s par les deux crises
plupart s’établissent au niveau de tendance consĂ©cutives. D’aprĂšs les estimations actuelles
ou au-dessus. Il convient surtout de noter de la FAO, le nombre de personnes sous-
que malgré la chute des prix indicatifs sur alimentées dans le monde en 2008 atteignait
le marché mondial, la diminution des prix 915 millions (FAO, 2009c), soit le nombre le
intérieurs des produits dans de nombreux plus élevé estimé au cours des trois ou quatre
pays est restĂ©e lente – en particulier pour derniĂšres dĂ©cennies (bien qu’en pourcentage
les prix des aliments de détail. En dépit de de la population mondiale, la proportion
l’accalmie des augmentations de prix des des personnes qui souffrent de la faim soit
denrées alimentaires, les prix des aliments encore bien inférieure à celle de 1970).
de dĂ©tail n’ont pas enregistrĂ© une baisse Selon les projections de la FAO basĂ©es sur le
Ă©quivalente Ă  celle d’autres produits. En travail du Service des Ă©tudes Ă©conomiques du
outre, la plupart des politiques mises en DĂ©partement de l’agriculture des États-Unis,
Ɠuvre dans de nombreux pays dans le il faut s’attendre à ce que le nombre des
but de protéger les consommateurs, dont personnes sous-alimentées dans le monde
plusieurs ont fait Ă©cran Ă  une Ă©ventuelle passe Ă  1,02 milliard en 2009. La ïŹgure 17
reprise de l’offre, n’ont Ă©tĂ© supprimĂ©es que prĂ©sente la ventilation de ce chiffre par
lentement. Les questions concernant les région.
politiques Ă  mettre en Ɠuvre pour prĂ©venir Cette brusque accĂ©lĂ©ration se greffe sur
les crises alimentaires restent entiÚres. une tendance déjà alarmante, observée
L’incertitude est encore considĂ©rable ces derniĂšres annĂ©es, d’augmentation
concernant les marchés agricoles partout du nombre estimé des personnes sous-
dans le monde. alimentées. Le nombre des sous-alimentés
En dehors de la question de savoir Ă  quel avait connu une baisse signiïŹcative dans
moment s’enclenchera la reprise au sortir de les annĂ©es 70 et 80 ainsi qu’au dĂ©but des
la rĂ©cession Ă©conomique profonde et Ă  quel annĂ©es 90, en dĂ©pit d’une croissance rapide
rythme elle s’effectuera, un certains nombre de la population, tandis que pour les pays en
de problĂšmes spĂ©ciïŹques Ă  l’agriculture et dĂ©veloppement, la proportion de personnes
aux marchés agricoles apparaissent comme sous-alimentées passait de un tiers en 1970
critiques pour l’avenir de l’agriculture Ă  moins de 20 pour cent dans les annĂ©es 90.
et de la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiales Depuis la seconde moitiĂ© de cette mĂȘme
en 2009-2010 et au-delà. Dans quelle décennie, le nombre des sous-alimentés
mesure les prix des denrĂ©es alimentaires n’a cessĂ© de croĂźtre malgrĂ© une baisse
qui prévalent sur le marché mondial et les continue de la proportion des personnes
marchés intérieurs constituent-il un signal sous-alimentées, réduite à 16 pour cent de
pour les producteurs et les consommateurs? la population des pays en développement
La relance de la croissance de l’économie et Ă  13 pour cent de la population mondiale
mondiale débouchera-t-elle sur une en 2004-06. De plus, pour la premiÚre fois
nouvelle phase d’augmentation des prix depuis des dĂ©cennies, la crise rĂ©cente a
des produits alimentaires? De quel essor provoqué un accroissement du nombre des
l’agriculture mondiale est-elle capable sous-alimentĂ©s aussi bien en termes absolus
face à une augmentation des prix des qu’en termes de proportion.
produits agricoles? Dans quelle mesure les La crise touche de vastes segments de
politiques adoptées dans le but de protéger la population. Ceux qui ont été le plus
les consommateurs nationaux contre durement touchés par la hausse des prix des
l’effet de la hausse des prix des aliments denrĂ©es alimentaires – les ruraux sans terre,
ont-elles faussé les marchés internationaux,
exacerbant ainsi le problĂšme et 7
La FAO (2009c) fournit une analyse plus approfondie des
barrant toute rĂ©ponse efïŹcace du cĂŽtĂ© tendances de la sous-alimentation Ă  l’échelle mondiale et
de l’offre? de l’impact de la crise sur la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale.
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

121
FIGURE 17
Estimations de la FAO du nombre de personnes sous-alimentées en 2009,
par région (en millions de personnes)

Économies de marchĂ© dĂ©veloppĂ©es 15

Proche-Orient et Afrique du Nord 42

Amérique latine et Caraïbes 53

Afrique subsaharienne 265

Asie et PaciïŹque 642

Source: FAO, 2009c.

les mĂ©nages dirigĂ©s par des femmes et les consommation n’ont cĂ©dĂ© que lentement. Les
pauvres des zones urbaines (FAO, 2008c) – prix ont entamĂ© une lente ascension pendant
sont dans des conditions particuliÚrement les premiÚres années de la présente décennie,
prĂ©caires. Leur capacitĂ© de rĂ©sistance est le qui s’est brusquement accĂ©lĂ©rĂ©e Ă  la ïŹn
plus souvent Ă©puisĂ©e ou rĂ©duite Ă  l’extrĂȘme. 2006. L’indice de la FAO relatif aux prix des
Les zones rurales comme les zones urbaines denrĂ©es alimentaires de base faisant l’objet
sont touchĂ©es par une baisse importante d’échanges internationaux calculĂ© par la
des sources de revenus, notamment celle FAO (base = 100 en 2002-04) a atteint un pic
des envois de fonds. Les pauvres des zones historique de 214 en juin 2008, soit plus du
urbaines risquent d’ĂȘtre particuliĂšrement double par rapport Ă  la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence
touchés car les villes sont plus sensibles aux et 139 pour cent de plus que la moyenne
cours des marchĂ©s mondiaux et subissent de l’annĂ©e 2000. De juin 2008 Ă  la ïŹn du
plus directement le contrecoup d’un premier trimestre de 2009, l’indice a chutĂ© de
ïŹ‚Ă©chissement de la demande d’exportation 35 pour cent, revenant au niveau enregistrĂ©
et d’un recul des investissements directs à au premier trimestre de 2007. En mai 2009,
l’étranger. Les zones rurales sont toutefois aprĂšs une nouvelle poussĂ©e internationale
exposées aux effets du ralentissement des prix de certains produits alimentaires de
Ă©ventuel des activitĂ©s agro-industrielles et du base importants (Ă  l’exclusion du riz et de
retour des Ă©migrĂ©s. la viande), l’indice afïŹchait une valeur de
152, prÚs de 30 pour cent en deçà du niveau
record de juin 2008. Encore faut-il préciser
que ce chiffre dépassait encore de 152 pour
ÉVOLUTION DES PRIX AGRICOLES cent la valeur de rĂ©fĂ©rence et de prĂšs de
– LA FORTE VARIABILITÉ DES PRIX 70 pour cent le niveau enregistrĂ© en 2000.
DES DENRÉES DE BASE Pour la plupart des produits agricoles,
AprĂšs une pĂ©riode de hausse gĂ©nĂ©rale des l’augmentation des prix a Ă©tĂ© encore plus
prix, les cours des denrées alimentaires sur marquée lors de la période de hausse
les marchés internationaux ont amorcé généralisée mais le fait que les denrées
une baisse (ïŹgure 18, page 121). Ils restent de base, en particulier les cĂ©rĂ©ales et
néanmoins élevés, au regard des tendances les huiles végétales, aient présenté à
historiques, souvent, les prix intĂ©rieurs Ă  la la fois l’augmentation la plus forte et
122 la situation mondiale de l ‘ alimentation et de l ‘ agriculture 2 0 0 9

encadré 19
Les crises alimentaires

Le nombre de pays en crise qui nécessitent une aide extérieure est un indicateur de
vulnérabilité. Depuis avril 2009, 31 pays se trouvent dans cette situation, dont 20 en
Afrique, 9 en Asie et au Proche-Orient, et 2 en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Ces pays devraient manquer des ressources nécessaires pour gérer des situations graves
d’insĂ©curitĂ© alimentaire. Les crises alimentaires sont toujours le rĂ©sultat d’un ensemble
de paramÚtres. Cependant, pour pouvoir leur apporter une réponse planifiée, il
convient de déterminer si la nature des crises alimentaires est liée principalement à la
faible disponibilité des produits alimentaires, à un accÚs limité à ces produits ou à des
problÚmes graves mais localisés (voir la carte).

DĂ©ficit de la production/l’approvisionnement alimentaire agrĂ©gĂ©

Manque d’accĂšs gĂ©nĂ©ralisĂ©

Grave insécurité alimentaire localisée

Source: FAO, 2009d.

les fluctuations les plus prononcées a des cuirs et peaux utilisés dans la fabrication
particuliùrement retenu l’attention compte de biens de consommation durables tels que
tenu du rÎle essentiel de ces denrées, tant les véhicules automobiles en est un exemple.
dans la production des revenus ruraux que Depuis le début de la crise mondiale, la
dans l’alimentation des populations pauvres demande relative Ă  ces produits a chutĂ© de
des pays en développement. Les autres prix façon spectaculaire.
agricoles ont également fluctué mais, à La baisse des prix a été largement imputée
l’exception des produits laitiers, dans une aux dĂ©faillances de la demande, du cĂŽtĂ©
bien moindre mesure. C’est à peine si les de la consommation et des importations
matiùres premiùres, qui sont importantes en raison de la crise mondiale ainsi qu’à
pour l’économie de certains pays en la faible disponibilitĂ© de crĂ©dit et Ă  une
développement, ont augmenté pendant contraction de la demande de matiÚres
la période critique de 2006-08. En outre, premiÚres pour les biocombustibles résultant
en termes relatifs, ces prix ont Ă©tĂ© le plus de la diminution des prix de l’énergie. Les
durement touchĂ©s pendant la rĂ©cession, vu indicateurs relatifs Ă  l’offre ont toutefois
leur grande dépendance vis-à-vis de secteurs joué un rÎle important dans la baisse des prix
qui sont trùs sensibles aux revenus. Le secteur compte tenu, en particulier, de l’abondance
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

123
FIGURE 18
Indices des prix agricoles

Indice (2002-04 = 100)


250 Boissons
Aliments de base

200 Fruits
MatiĂšres premiĂšres

150

100

50

0
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09

Indice (2002-04 = 100)


300
Sucre
Céréales
250
Huiles
200 Produits laitiers
Viandes
150

100

50

0
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09

Source: Indices FAO des prix des produits alimentaires; indices FMI des matiÚres premiÚres et des boissons (actualisés); indice FAO des fruits.

de la production vĂ©gĂ©tale en 2008 et semble ne s’ĂȘtre rĂ©percutĂ©e que faiblement


d’intrants Ă  meilleur marchĂ©, notamment et tardivement dans bon nombre de pays
pour les transports. La plus grande en développement et pays à faible revenu
incertitude demeure concernant l’évolution Ă  et Ă  dĂ©ïŹcit vivrier, en particulier en Afrique
court terme de ces facteurs et leur inïŹ‚uence subsaharienne. Le plus souvent, les prix
à venir sur les marchés agricoles. intérieurs dépassaient encore, début 2009,
le niveau enregistré un an plus tÎt et, dans
le cas contraire, les diminutions avaient été
relativement modestes par rapport Ă  celles
LES PRIX DES PRODUITS des marchés internationaux (voir encadré 19,
ALIMENTAIRES DANS LES PAYS page 124). Le transfert des prix, quand il
EN DÉVELOPPEMENT est aussi faible, trahit une inefïŹcacitĂ© des
La baisse des prix des produits agricoles marchĂ©s qui tend Ă  accentuer les ïŹ‚uctuations
enregistrée sur les marchés internationaux des marchés internationaux.
124 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 19
InïŹ‚ation des prix Ă  la consommation des produits alimentaires, 2007-2009, pays choisis

FĂ©vr. 07 – fĂ©vr. 08
Bangladesh
FĂ©vr. 08 – fĂ©vr. 09

Sept. 08 – sept. 09
Brésil

DĂ©c. 08 – dĂ©c. 09

Burkina Faso

Chine

Guatemala

Inde

Indonésie

Kenya

Pakistan

Fédération
de Russie

Afrique
du Sud

Sri Lanka

-10 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 40

Pourcentage
Source: OCDE-FAO, 2009.

C’est Ă  partir de 2008 que l’augmentation et n’ont baissĂ© que marginalement dans
des prix au dĂ©tail des denrĂ©es alimentaires d’autres (ïŹgure 19). La «viscosité» des
a suscité des inquiétudes graves dans prix de détail, qui est une caractéristique
les économies en développement et commune des marchés alimentaires, est
dĂ©veloppĂ©es. Tout semble indiquer que liĂ©e Ă  l’inïŹ‚uence accrue sur les prix des
l’inïŹ‚ation des prix des denrĂ©es alimentaires produits de divers facteurs qui entrent en
a marquĂ© un sĂ©rieux coup d’arrĂȘt aprĂšs jeu au moment de la transformation et de la
la chute des prix des denrées de base à la distribution.
mi-2008. Toutefois les prix de dĂ©tail ont Au moment oĂč la crise Ă©conomique rĂ©duit
continué à augmenter dans certains pays les revenus de maniÚre radicale, la hausse
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

125
persistante des prix alimentaires continue de leurs matiĂšres premiĂšres (FAO, 2008b).
par consĂ©quent Ă  compromettre l’accĂšs Ă  En deuxiĂšme lieu, tandis que le niveau
la nourriture de trùs nombreux groupes de actuel des prix du brut n’est pas de nature à
population Ă  faible revenu, ceux-lĂ  mĂȘmes entraĂźner une nouvelle augmentation de la
qui dépensent habituellement une large part production de biocarburants à court terme,
de leurs revenus pour acheter des aliments. les prix resteront élevés en termes réels,
Les plus gravement touchés sont les pauvres au regard des tendances historiques. Cette
des zones urbaines et les acheteurs nets situation continuera de se traduire par le
d’aliments dans les zones rurales. renchĂ©rissement des engrais chimiques et
organiques, et par des coûts de transport
Ă©levĂ©s. EnïŹn, le ralentissement qui semble
frapper la productivité agricole suppose que
LES PRIX MONDIAUX DES toute augmentation de la production aura
PRODUITS AGRICOLES: pour corollaire une majoration des coûts
PERSPECTIVES À MOYEN TERME unitaires rĂ©els. L’analyse de l’évolution de la
Bien que nettement inférieurs aux niveaux situation des prix réels des produits cultivés
records de juin 2008, les prix des produits montre que la tendance Ă  long terme Ă  la
alimentaires restent élevés en 2009 par baisse, évidente depuis plusieurs décennies,
rapport aux tendances des 10 derniĂšres pourrait avoir pris ïŹn en 2000 et que les
annĂ©es. Les projections de l’Organisation projections ne laissent prĂ©voir aucune reprise
de coopération et de développement de la tendance à la baisse à moyen terme.
Ă©conomiques (OCDE) et de la FAO indiquent (voir la ïŹgure 20, page 126).
que les prix des denrées alimentaires
se maintiendront Ă  ces niveaux, voire
augmenteront Ă  moyen terme, continuant
ainsi à dépasser en termes réels les niveaux LA PRODUCTION AGRICOLE
antĂ©rieurs aux ïŹ‚ambĂ©es de 2007-08 (OCDE- Comment l’agriculture s’est-elle comportĂ©e
FAO, 2009). face Ă  la crise des prix de 2007-08 et
Les projections de l’OCDE-FAO indiquent comment peut-elle rĂ©agir dans le contexte
que ces conditions sont relativement blindĂ©es de la rĂ©cession mondiale et au-delĂ ? D’aprĂšs
contre la crise gĂ©nĂ©ralisĂ©e mĂȘme si certains les estimations reposant sur les chiffres8 de
produits plus sensibles aux revenus, tels que production issus de l’indice de la FAO et de
les huiles vĂ©gĂ©tales et les produits carnĂ©s l’estimation OCDE-FAO (2009), la production
et laitiers, pourraient ĂȘtre plus touchĂ©s si agricole mondiale a augmentĂ© en 2008 de
la situation économique devait encore se 3,9 pour cent par rapport à 2007, un certain
dégrader. nombre de pays ayant accru la production
Le maintien des prix rĂ©els des produits en rĂ©ponse Ă  l’augmentation des prix de
agricoles Ă  un niveau plus Ă©levĂ© Ă  moyen 2007 et mĂȘme de meilleures perspectives de
terme dĂ©pend essentiellement de trois prix pour 2008 (ïŹgure 21, page 127). Cette
facteurs importants. Tout d’abord, les expansion de la production faisait suite à
objectifs de consommation de biocarburants deux années consécutives (2006 et 2007) de
dans plusieurs pays – qui dĂ©ïŹnissent les taux performances infĂ©rieures Ă  la tendance de
d’incorporation d’éthanol et de biodiesel la croissance mondiale pour la dĂ©cennie, soit
dans la consommation totale de carburant, environ 2,2 pour cent.
indĂ©pendamment des conditions du marchĂ© Les rĂ©ponses de l’offre agricole en 2008
– ainsi que divers types de subventions ont variĂ© selon les rĂ©gions. Dans ce domaine,
et d’incitations ïŹscales semblent devoir ce sont surtout les pays europĂ©ens et de la
entretenir l’inïŹ‚uence de la production CommunautĂ© des États indĂ©pendants (CEI)
de biocarburants sur les prix agricoles, et et les pays industrialisés en général qui ont
cela, bien que les perspectives relatives rĂ©agi. L’accroissement de l’offre dans le
au prix du brut semblent plus modestes premier groupe est estimé à 13 pour cent,
qu’au dĂ©but de 2008. Les marchĂ©s de mĂȘme si ce taux Ă©levĂ© est essentiellement
l’énergie Ă©tant plus vastes que les marchĂ©s
agricoles, les prix de l’énergie tendent Ă  8
Indices FAOSTAT de la production agricole: chiffres de la
déterminer les prix des biocarburants et production agricole nette (FAO, 2009b).
126 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 20
Les prix des produits alimentaires sur le marché intérieur des pays en développement
restent élevés

Dans le cadre de l’Initiative de la FAO rĂ©vĂšlent une hausse par rapport Ă  l’annĂ©e
contre la ïŹ‚ambĂ©e des prix des denrĂ©es prĂ©cĂ©dente. Entre 35 et 65 pour cent
alimentaires qui vise à contribuer des pays, selon le type de céréales, ont
au suivi et Ă  l’analyse des tendances enregistrĂ© une augmentation par rapport
des prix des produits alimentaires Ă  trois mois plus tĂŽt, et les derniers prix
sur le marché intérieur des pays en des aliments disponibles dans la base
développement, le SystÚme mondial SMIAR, à savoir du mois de mars 2009,
d’information et d’alerte rapide dans 10 à 30 pour cent des pays ils sont les
(SMIAR) de la FAO a lancé le projet plus élevés jamais enregistrés.
«Prix nationaux des aliments – base de La situation est encore plus grave en
donnĂ©es et outil d’analyse»1. Cette base Afrique subsaharienne. Les prix du riz sur
de données couvre prÚs de 800 séries le marché intérieur sont beaucoup plus
mensuelles des prix du commerce de Ă©levĂ©s qu’il y a 12 mois dans l’ensemble
détail et du commerce de gros des des pays recensés dans la base de données,
principaux aliments2 consommés dans tandis que les prix du maïs, du millet et
58 pays en développement, ainsi que les du sorgho ont progressé dans 89 pour
prix Ă  l’exportation des cĂ©rĂ©ales. cent de ces pays. S’agissant du blĂ© et de
Une premiÚre analyse (en avril 2009) ses produits dérivés, 71 pour cent des
des donnĂ©es a conïŹrmĂ© que les pays Ă©tudiĂ©s ont enregistrĂ© des prix plus
prix sur le marchĂ© intĂ©rieur des Ă©levĂ©s que 12 mois plus tĂŽt. À l’exception
pays en développement sont restés du millet, les derniers prix pour les autres
globalement trÚs élevés, bien que céréales ont largement dépassé leur
les prix sur le marchĂ© international niveau record de 2008 dans prĂšs d’un
aient considérablement reculé par tiers des pays, dont la plupart en Afrique
rapport à 2008. Les prix sur le marché orientale et australe. Cependant, les prix
international de l’exportation du des aliments demeurent Ă©galement Ă©levĂ©s
maĂŻs, du sorgho, du blĂ© et du riz ont dans d’autres rĂ©gions, notamment ceux
diminué respectivement de 31, 38, 39 du riz en Asie et du maïs et du blé en
et 30 pour cent par rapport à 12 mois Amérique centrale et du Sud.
plus tĂŽt et entre 37 et 53 pour cent
par rapport Ă  leur niveau record de
2008. La situation des prix des céréales
1
Disponible à l’adresse suivante: www.fao.org/
giews/pricetool
sur le marché intérieur des pays en 2
Principalement les céréales et les produits à
développement contraste fortement base de céréales, mais également les haricots, le
manioc, les pommes de terre et certains produits
avec ce constat. Dans environ 80 pour de l’élevage.
cent des pays recensés dans la base de 3
L’estimation des prix la plus rĂ©cente se rapporte, Ă 
quelques exceptions prÚs, à la période entre janvier
données, les derniÚres estimations des
et avril 2009.
prix nominaux3 sur le marché intérieur Source: FAO, 2009d.

dû à des récoltes excellentes aprÚs plusieurs une reprise aprÚs la croissance négative de
annĂ©es de croissance au ralenti. L’apport 2007.
quantitatif le plus signiïŹcatif est celui des Les estimations relatives au groupe
pays industrialisés, qui dominent aussi les des pays en développement excluent
marchĂ©s d’exportation. La production en pratiquement toute production supĂ©rieure
provenance de ce groupe a augmenté de à la tendance, avec une croissance en deçà
prÚs de 6 pour cent en 2008. des valeurs de référence en Amérique
Parmi les pays en développement, la latine et une légÚre diminution de la
croissance Ă©tĂ© importante en Afrique oĂč le production en Asie. En raison de la faible
taux de 4 pour cent traduit essentiellement transmission des prix dans les pays en
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

127

Pourcentage des pays de la base de données dont les derniÚres estimations des prix
sont supĂ©rieures Ă  la pĂ©riode spĂ©ciïŹĂ©e ou au maximum enregistrĂ©

dernier prix > 12 mois auparavant

MaĂŻs

Millet et sorgho

Riz
Blé et produits

dernier prix > 3 mois auparavant

MaĂŻs

Millet et sorgho

Riz
Blé et produits

dernier prix est le maximum enregistré

MaĂŻs

Millet et sorgho

Riz
Blé et produits

0 20 40 60 80 100
Pourcentage des pays

Tous les pays Afrique subsaharienne

développement, couplée à des contraintes modeste et presque entiÚrement limitée à un


du cÎté des disponibilités, en particulier de petit nombre de pays qui sont exportateurs
la disponibilitĂ© et de l’utilisation limitĂ©es traditionnels de cĂ©rĂ©ales Ă  destination
d’intrants modernes, aux difïŹcultĂ©s d’accĂšs du marchĂ© mondial. Les perspectives de
aux marchés et aux infrastructures peu croissance de la production agricole en
solides constatées dans de nombreux pays, 2009 apparaissent elles aussi limitées, en
l’offre ne rĂ©agit qu’en prĂ©sence de dispositifs particulier dans le contexte de la rĂ©cession
d’incitation renforcĂ©s. Ă©conomique grave, marquĂ©e par une
Si l’agriculture mondiale a connu une demande faible et la difïŹcultĂ© Ă©prouvĂ©e
expansion en 2008, celle-ci a été relativement par les pays en développement à renouveler
128 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 20
Prix réels des céréales

USD/tonne
1 600 Riz
MaĂŻs
1 400
Blé
1 200

1 000

800

600

400

200

0
70 75 80 85 90 95 00 05 10 15

Note: BlĂ© des États-Unis, HRW no 2; maĂŻs des États-Unis, no 2; riz usinĂ©, grade B, Bangkok. Source: OCDE-FAO, 2009,
CorrigĂ© avec le PIB des États-Unis comme dĂ©ïŹ‚ateur. pour des projections de 2009 Ă  2018.

leurs performances de 2008. De plus, les agricole aux États-Unis d’AmĂ©rique n’a
dĂ©rogations aux obligations de mise hors- augmentĂ© que d’environ 12 pour cent
culture au sein de l’Union europĂ©enne (UE) pendant la mĂȘme pĂ©riode. De plus, pendant
ont jouĂ© pour beaucoup dans l’augmentation les 10 prochaines annĂ©es, la croissance de
de la production. La production dans la CEI la production agricole devrait ĂȘtre plus
et les pays industrialisĂ©s n’atteindra pas le lente dans les pays industrialisĂ©s, tandis que
niveau de 2008. En revanche, elle sera sans les pays d’AmĂ©rique latine, d’Asie et de la
doute plus réactive dans de nombreux pays CEI connaßtront une croissance beaucoup
en dĂ©veloppement si les prix restent Ă©levĂ©s plus rapide. D’ici 2018, la production
dans ces rĂ©gions. agricole dans ces rĂ©gions devrait s’accroĂźtre
À moyen terme, les estimations OCDE- respectivement de 75,53 et 58 pour cent par
FAO (2009) indiquent que la croissance rapport Ă  2000, contre une augmentation de
de la production agricole pendant les 12 pour cent seulement pour les économies
10 prochaines annĂ©es n’égalera pas celle de industrialisĂ©es. Il se peut que la production
la décennie écoulée, la croissance annuelle agricole du Brésil, pour laquelle les
moyenne passant de 2,0 pour cent en estimations font Ă©tat d’un remarquable bond
1999-2008 Ă  1,7 pour cent en 2009-2018. de 50 pour cent depuis 2000, bĂ©nĂ©ïŹcie d’une
En conséquence, les taux de croissance par nouvelle expansion de 50 pour cent au cours
habitant devraient ĂȘtre identiques (soit des 10 annĂ©es Ă  venir.
0,6 pour cent). Les chances de croissance Ă  plus long
Dans les pays industrialisés, la production terme dans le domaine agricole semblent
agricole a connu la plus faible croissance au résider dans les régions situées en dehors
cours des 10 derniĂšres annĂ©es, en particulier des pays industriels (ïŹgure 22, page 128). À
en raison de la stagnation des taux de cet égard, des investissements sont réalisés
croissance en Europe. De fait, en 2009, la dans ces régions de développement potentiel
production agricole de l’Europe Ă  27 s’établit de l’offre, par des pays en dĂ©veloppement
selon les estimations à un niveau plus bas à revenu plus élevé soucieux de leur
qu’en 2000. MalgrĂ© la dĂ©prĂ©ciation du taux propre sĂ©curitĂ© alimentaire Ă  long terme.
de change qui a généralement pour effet Ces investissements peuvent favoriser le
de stimuler la demande Ă  l’exportation, dĂ©veloppement du secteur agricole et,
les prĂ©visions indiquent que la production dans la foulĂ©e, modiïŹer Ă  long terme
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

129
FIGURE 21
Croissance de la production agricole, par région

Afrique

Asie-PaciïŹque
1998-2007
CEI
Pays en
développement

Pays
2006 industrialisés
Amérique latine

PMA

Monde
2007

2008

2009

2010

-6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14

Pourcentage
Source: Indice FAOSTAT de la production agricole nette jusqu’en 2007 (FAO, 2009b). Extrapolation d’aprùs OCDE-FAO, 2009.

la géographie des activités agricoles.


Toutefois, dans le contexte des marchés LE COMMERCE DES PRODUITS
fonciers non encore développés, pour que AGRICOLES
ces investissements soient durables et se À court terme, les volumes commerciaux sont
traduisent par des résultats équitables, ils trÚs sensibles aux conditions économiques
exigeront une nette amélioration des cadres et aux variations de la production par
garantissant la protection des ressources région, en particulier dans les régions
nationales et des populations locales face exportatrices nettes. Au moment de la
au risque d’exploitation (FAO, IIED et FIDA, rĂ©daction du prĂ©sent rapport (juin 2009),
2009). peu d’informations Ă©taient disponibles
130 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

FIGURE 22
Tendances à long terme de la production agricole, par région

Indice (1998-2000 = 1,0)


2.0 Afrique
Asie-PaciïŹque
1.8
CEI
1.6
Pays
1.4 industrialisés
Amérique latine
1.2
PMA
1.0
Monde
0.8

0.6

0.4

0.2

0
95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15 17 19

Source: Indice FAOSTAT de la production agricole nette jusqu’en 2007 (FAO, 2009b). Extrapolation d’aprùs OCDE-FAO, 2009.

FIGURE 23
Évolution des exportations rĂ©elles mondiales de produits alimentaires

Indice (1999-2001 = 100)


170 Exportations réelles
de produits alimentaires
150

130

110

90

70

50
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18

Note: L’indice des exportations rĂ©elles, qui utilise des prix de rĂ©fĂ©rence 1999-2001 pour pondĂ©rer les exportations Source: OCDE-FAO, 2009.
par produit, mesure les variations des exportations en USD constants.
TO U R D ’ H O R I ZO N D E L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L’A L I M E N TAT I O N E T D E L’AG R I C U LT U R E

131
FIGURE 24
Évolution du commerce net rĂ©el des produits alimentaires par rĂ©gion

Indice (1999-2001 = 100)


500 Afrique
PMA d’Afrique
400
Asie-PaciïŹque
300
CEI
200
Pays en
100 développement
Pays
0
industrialisés
-100 Amérique latine
-200 PMA

-300

-400
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18

Note: Indice des exportations nettes rĂ©elles par rĂ©gion, Ă  l’aide des prix de rĂ©fĂ©rence 2000 Source: OCDE-FAO, 2009.
comme pondération des exportations nettes par produit.

Ă  l’échelle mondiale concernant les production agricole et Ă  la stagnation de


modiïŹcations des Ă©changes agricoles la demande alimentaire, les exportations
pendant la crise des prix de 2008. Les effets réelles nettes de produits alimentaires des
éventuels de la récession sur le commerce pays industrialisés ont stagné ces derniÚres
en 2009 et 2010 sont difïŹciles Ă  cerner, annĂ©es et un tel schĂ©ma ne devrait pas se
d’autant que la disponibilitĂ© de crĂ©dit pour modiïŹer Ă  moyen terme. En tant que groupe,
les importateurs, particuliĂšrement dans les les pays industriels resteront fournisseurs
pays en dĂ©veloppement, est une contrainte excĂ©dentaires et continueront d’exporter
importante. Pour le moyen terme, les vers les pays tiers tandis que les pays en
projections fondĂ©es sur l’étude OCDE-FAO dĂ©veloppement resteront, collectivement,
(2009) indiquent que pour les produits acheteurs nets de denrées alimentaires.
vivriers, la croissance des échanges réels se Cependant, parmi les pays en
poursuivra lentement (ïŹgure 23)9. dĂ©veloppement, une expansion Ă  la fois
Les tendances à moyen terme du commerce importante et continue des échanges nets
des denrĂ©es alimentaires laissent entrevoir est projetĂ©e pour les pays d’AmĂ©rique
une modiïŹcation des schĂ©mas relatifs aux latine, notamment l’Argentine et le BrĂ©sil,
Ă©changes internationaux. (ïŹgure 24). Face tandis qu’un plus grand nombre de pays
Ă  une croissance relativement lente de la de la rĂ©gion Asie PaciïŹque et d’Afrique
rejoindront les rangs des importateurs
nets. L’excĂ©dent alimentaire net du BrĂ©sil a
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La valeur des indices relatifs aux échanges réels
de produits alimentaires (comme les indices nets de
presque quadruplé depuis 2000 et devrait
la production agricole) indiquent le niveau relatif des encore augmenter de 50 pour cent en 10 ans.
échanges globaux de denrées alimentaires de base à prix Les pays de la CEI devraient émerger comme
constants, sur la base de la moyenne pour la pĂ©riode fournisseurs nets d’aliments, passant Ă 
de référence 1999-2001. Les chiffres du commerce
annuel Ă  partir de ces estimations sont approximatifs moyenne Ă©chĂ©ance du statut d’importateurs
car ils conjuguent les donnĂ©es de la campagne de nets Ă  celui d’exportateurs nets. Le dĂ©ïŹcit
commercialisation pour les produits récoltés avec les alimentaire important qui persiste dans les
donnĂ©es de l’annĂ©e civile pour d’autres catĂ©gories de
pays les moins avancés (PMA), en particulier
produits. Ces estimations sont utilisées pour dégager les
tendances rĂ©centes et non pour Ă©tablir les performances ceux d’Afrique, suscite l’inquiĂ©tude d’autant
commerciales annuelles. qu’il devrait augmenter de 50 pour cent en
132 L A S I T UAT I O N M O N D I A L E D E L‘A L I M E N TAT I O N E T D E L‘AG R I C U LT U R E 2 0 0 9

ENCADRÉ 21
Le retour des prix élevés pour les produits agricoles?

Les prix des produits agricoles ont de la croi