Il s'est agi, pendant presque un an d'écrire au jour le jour des séries de textes "à chaud" sous
forme de journal intime. Je n'avais pas forcément l'idée d'en faire un livre. C'était plus pour essayer de
mettre à plat des évènements, des réflexions, des questions... A la relecture, tous avaient un point commun:
ils traitaient de l'interaction entre la vie quotidienne et le développement de mon travail artisitique.
A ce stade, il n'était pas question de mettre tout ce matériel d'introspection personnelle en forme.
L'idée de commencer un livre s'est faite presque par accident. J'ai commencé à imprimer ces textes rédigés
sur ordinateur puis à dessiner dessus. Je ne cherchais absolument pas à les illustrer, j'étais simplement
fasciné par le contraste entre les caractères imprimés, rigides, et la sensualité des traits que j'apposais
autour. Je me suis aperçu au bout de quelques pages noircies que certains dessins pouvaient faire écho au
texte sans que ce soit volontaire. Ce décalage de temps et d'humeur entre textes et dessins m'a semblé intéé
ressant à explorer.
J'ai alors extrait au hasard des "chapitres", je les ai mis en forme par ordinateur, ne me souciant
absolument pas de ce que ça racontait ni de la manière dont j'allais les dessiner. La seule contrainte que je
me suis fixé a été de garder sur l'ensemble des pages, une chronologie exacte. Quand tous les textes ont été
imprimés, je me suis mis à dessiner directement sur ces pages, abandonnant complètement mes soucis
habituels de lisibilité, de cohérence, de rythme, etc... Je n'ai retouché aucun texte et n'ai fait aucun crayonné
ou mise en place pour les dessins.
...Fou.
Aujourd’hui que je gagne de l’argent, je
ne suis plus tout ça. Je suis Artiste.
Avec tout ce que ça
trimballe de clichés
périmés.
Je dérive.
Je ne comprends pas ceux qui
vont faire des croquis dans des
pays extraordianires...
Je rentre donc.
Le représentant.
le 27 janvier 2001
Je regarde beaucoup la télé... Plus c'est mauvais,
plus ça me plaît. J'aime regarder les gens se
démener pour gagner des trucs débiles. Tout ça
sent la misère. Le sordide. On est rien, en somme.
Que des gagne-petits. Et l'Espoir? Fatigué,
l'Espoir. Tiraillés qu'on est entre nos aspirations
et nos besoins. Ca sent la mort lente, la maladie,
la pourriture... C'est sans fin, vingt quatre heures
sur vingt quatre, sept jours sur sept, les images
défilent. Pas de pause, pas d'arrêt. Je vous le dis:
ça sent la fin.
Toutes mes dents se cassent depuis
quelques mois... La jeunesse me
fout le camp par la gueule.
Quelqu'un m'appelle.
Je réalise qu'elle me parle:
-"Alors qu'est ce que tu deviens?"
Je lui demande si c'est bien elle. Elle dit que oui. Un silence.
Puis elle dit qu'elle sort tout juste de l'hôpital psychiatrique,
qu'elle n'a pas envie de se laisser baîllonner par le système,
qu'elle veut être libre, que la révolution viendra des femmes,
que la cocaïne est à la mode parce que tout le milieu
artistique en prend mais que l'héroïne c'est la drogue des
vrais punks, qu'elle attend sa mère qui est allée acheter du
parfum, qu'elle va bientôt hériter de sa grand mère, que la vie
chez ses parents est pénible, mais qu'elle profite de leur fric,
que c'est sa manière de combattre, d'avoir de la méthadone
gratuite, que je ne ressemble plus vraiment à un punk, que je
me suis peut-être rangé, que j'ai abandonné le combat.
Je fuis. Je ne peux pas
porter ça. C'est trop
lourd. C'est pas humain
de vieillir comme ça, de
trente ans en dix. Ca
devrait pas être permis
que les gens s'abîment à
ce point-là. Ca pue le
charnier à plein nez, c'est
pas une vie.
Quelle rigolade!
J'arrête le massacre.