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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Banque mondiale

Perspectives
pour
l’économie
mondiale
Crise, Finance et Croissance

Chapitre 1: Perspectives pour


les économies en développment

2010
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

© 2010 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale


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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Chapitre 1 Perspectives pour les economies en développement

Le pire de la crise financière est derrière nous et trimestres, bien qu’ils restent encore élevés.
la reprise économique mondiale est en cours.
Toutefois, les entreprises du secteur privé restent
Cette reprise est fragile et devrait ralentir au
exclues des marchés bancaires internationaux.
second semestre 2010 à mesure de l’atténuation
De plus, l’affaire Dubai World et les réactions en
de l’impact des mesures de relance budgétaires
chaîne associées à la dégradation de la dette de la
et monétaires sur la croissance et de la fin du
Grèce et du Mexique ont une fois encore suscité
cycle des stocks actuel. En effet, la croissance de
des inquiétudes quant à la viabilité de la dette
la production industrielle est déjà en train de
souveraine et influenceront sans doute
marquer le pas (par rapport à des niveaux certes
l’évaluation du risque, les flux de capitaux et les
très élevés). Par conséquent, la croissance de
marchés financiers en 2010.
l’emploi reste elle aussi limitée et le chômage
devrait rester élevé pendant plusieurs années. On note également une reprise de l’économie
L’ampleur globale de la reprise et sa durabilité réelle. Bien que, en octobre 2009, la production
dépendront du redressement de la demande des industrielle mondiale était inférieure de 5 % à
ménages et des entreprises sur les prochains son niveau de l’année précédente, elle se
trimestres. Selon le scénario de base, la redresse et a affiché un taux de croissance
croissance mondiale devrait atteindre 2,7 % en annualisée de plus de 12 % au troisième
2010 et 3,2 % en 2011 après s'être contractée de trimestre 2009 à la fois dans les pays à revenu
2,2 % en 2009. On ne peut cependant pas exclure élevé et dans les pays en développement. Tout
l'hypothèse d'une rechute en 2011 ni celle d’un comme la forte chute des stocks avait contribué
renforcement de la reprise. au plongeon initial de la production industrielle,
leur stabilisation a contribué au net rebond de la
Après s’être stabilisés, les marchés financiers se
production, un facteur qui devrait soutenir
redressent mais ils restent affaiblis. La liquidité
l'activité industrielle dans un contexte de recul
interbancaire, telle que mesurée par l’écart entre
des taux de croissance.
les taux d’intérêt appliqués entre banques et ceux
dont elles doivent s’acquitter auprès des banques Les échanges commerciaux restent eux aussi en
centrales, a reculé d’un sommet historique de berne malgré une certaine reprise. Les taux de
366 points de base sur les marchés en dollar à croissance trimestrielle sont repassés en territoire
moins de 15 points de base, niveau proche de la positif au cours des derniers mois alors que la
fourchette « normale » en vigueur avant la crise. valeur des échanges en dollar américain restait
Les devises mondiales, qui ont chuté de concert inférieure de 17 % à celle constatée en
face au dollar américain dans le sillage de la septembre 2009. Grâce à la baisse du prix des
crise, ont largement regagné le terrain qu’elles matières premières, le volume des échanges a été
avaient perdu. Les flux de capitaux moins affecté, bien qu'il s’inscrive en repli de 3
internationaux vers les pays en développement % par rapport à la même période de l’année
se sont redressés, avec une envolée dernière.
particulièrement marquée dans les derniers mois Les hausses les plus marquées sont à signaler
de l’année de 2009. Par ailleurs, les taux dans les pays en développement d’Asie de l’Est.
d’emprunt pour les intervenants des pays Elles reflètent, du moins en partie, le programme
émergents se sont stabilisés au cours des derniers de relance de 4 000 milliards de yuans (soit 12 %

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

du PIB) mis en place par les autorités chinoises d’un petit 1,2 % en 2009 à 5,2 % en 2010 et 5,8
jusqu’en 2010 (au titre duquel environ la moitié % en 2011 (tableau 1.1). Ce niveau reste bien
des dépenses ont déjà été réalisées). inférieur au taux de croissance moyen de 6,9 %
affiché par les pays en développement de 2003 à
Ces mesures ont été en grande partie consacrées
2008 mais il est largement supérieur à la
à l’importation de produits de base et de biens
performance moyenne de 3,3 % constatée
d’équipement. Grâce au phénomène de
pendant les années 1990. À l’exception de la
restockage, la demande chinoise pour les
Chine et de l’Inde, les pays en développement
principaux métaux a fait grimper les prix des
devraient enregistrer une croissance de
produits de base qui ont regagné environ un tiers
respectivement 3,3 % et 4,0 % en 2010 et 2011
du terrain perdu. Les prix des métaux
contre 5,4 % en moyenne entre 2003 et 2008.
internationaux exprimés en dollar américain
Les pays en développement d’Europe et d’Asie
restent toutefois inférieurs de 20 % à leurs
centrale ont été les plus durement touchés par la
niveaux de juillet 2008, contre un repli de 44 %
crise et devraient donc afficher la reprise la
pour les cours du pétrole et de 24 % pour les prix
moins marquée, avec une expansion de leur PIB
des denrées alimentaires dans le contexte d’une
de seulement 2,7 % en 2010 et 3,6 % en 2011.
demande mondiale pour le pétrole inférieure de 2
% à son sommet de 87 millions de barils par jour Étant donné la combinaison du net recul de
atteint en 2007. l'activité en 2009 et de prévisions de reprise
relativement faibles, les économies en
La forte chute des prix des produits de base
développement devraient afficher un niveau
conjuguée aux importants excédents de capacités
d’activité inférieur d’environ 3 % à leur potentiel
à travers le monde s’est traduite par un repli de
de production 1 et le chômage, bien qu'en baisse,
l’inflation médiane dans les pays en
devrait rester un sérieux problème.
développement qui est passée de plus de 10 % en
août 2008 à environ 1 % en octobre 2009. L’impact sur la pauvreté et la souffrance
humaine dans ces pays devrait par ailleurs se
La crise a eu pour effet de réduire les
faire sentir. Quelque 30 000 à 50 000 enfants
déséquilibres mondiaux. Cette tendance pourrait
supplémentaires pourraient être morts de
être en grande partie cyclique puisqu’elle est
malnutrition en 2009 des suites de la crise
associée à la forte baisse du déficit commercial
(UNSCN 2009 ; Friedman and Schady 2009) et,
des États-Unis, de l’excédent commercial de la
d’ici à fin 2010, 90 millions de personnes de plus
Chine et des prix du pétrole. La durabilité de
que si la crise n’avait jamais eu lieu devraient
cette réduction des écarts dépendra du rythme
vivre en dessous du seuil de pauvreté.
auquel les États-Unis peuvent mettre en œuvre
leur programme de relance budgétaire et Rares seront les pays pauvres qui bénéficieront
monétaire et de la mesure dans laquelle les d’une marge de manœuvre budgétaire suffisante
investissements en infrastructures prévus par le pour faire face au déséquilibre économique
programme de relance chinois contribuent à causé par la crise sans aide financière
augmenter la demande domestique plutôt que les supplémentaire. Selon les estimations, les pays
capacités d'exportation. IDA (pays éligibles pour recevoir des prêts à
taux réduit et des dons de l'Association
Bien que les effets secondaires de la crise aient
internationale de développement de la Banque
été importants, l’activité économique de la
mondiale) nécessiteront 35 milliards à 50
plupart des pays en développement repart à la
milliards de dollars de financements
hausse et la croissance globale devrait passer
supplémentaires pour maintenir leurs

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010
Tableau 1. 1 Résumé des perspectives mondiales
(variation annuelle en pourcentage, sauf pour les taux d’intérêt et le prix du pétrole)

2007 2008 h 2009 h 2010 i 2011 i


Situation mondiale
Volume du commerce mondial 7.2 3.0 -14.4 4.3 6.2
Prix à la consommation
Pays du G-7 a,b 2.0 3.1 -0.2 1.1 1.7
États-Unis 2.9 3.8 -0.5 1.6 2.4
Prix des produits de base (en dollars)
Produits de base non énergétiques 17.1 21.0 -21.6 5.3 0.7
Prix du pétrole (USD/baril) c 71.1 97.0 61.8 76.0 76.6
Prix du pétrole (% de variation) 10.6 36.4 -36.3 23.1 0.8
Valeur unitaire des exportations de produits manufacturés d 5.5 6.0 -4.9 1.5 0.7
Taux d’intérêt
$, à 6 mois (%) 5.2 3.2 1.2 1.8 2.8
€, à 6 mois (%) 4.3 4.8 1.5 2.2 3.0
e
Croissance réelle du PIB
Mon de 3 .9 1 .7 -2 .2 2 .7 3 .2
Pour mémoire : Monde (pondérations PPA) f 5.0 2.7 -1.0 3.5 4.0
P ays à reven u él evé 2 .6 0 .4 -3 .3 1 .8 2 .3
Membres de l’OCDE 2.5 0.3 -3.3 1.8 2.3
Zone euro 2.7 0.5 -3.9 1.0 1.7
Japon 2.3 -1.2 -5.4 1.3 1.8
États-Unis 2.1 0.4 -2.5 2.5 2.7
Non membres de l’OCDE 5.4 2.6 -2.3 2.9 3.9
P ays en dével oppemen t 8 .1 5 .6 1 .2 5 .2 5 .8
Asie de l’Est et Pacifique 11.4 8.0 6.8 8.1 8.2
Chine 13.0 9.0 8.4 9.0 9.0
Indonésie 6.3 6.1 4.5 5.6 5.8
Thaïlande 4.9 2.6 -2.7 3.5 4.0
Europe et Asie centrale 7.1 4.2 6.2 2.7 3.6
Russie 8.1 5.6 -8.7 3.2 3.0
Turquie 4.7 0.9 -5.8 3.3 4.2
Pologne 6.7 4.9 1.6 2.2 3.4
Amérique latine et Caraïbes 5.5 3.9 -2.6 3.1 3.6
Brésil 5.7 5.1 0.1 3.6 3.9
Mexique 3.3 1.4 -7.1 3.5 3.6
Argentine 8.7 6.8 -2.2 2.3 2.4
Moyen-Orient et Afrique du Nord 5.9 4.3 2.9 3.7 4.4
Egypte g 7.1 7.2 4.7 5.2 6.0
g 7.8 2.5 1.0 2.2 3.2
Iran
Algérie 3.0 3.0 2.1 3.9 4.0
Asie du Sud 8.5 5.7 5.7 6.9 7.4
Inde g 9.1 6.1 6.0 7.5 8.0
Pakistan g 5.7 2.0 3.7 3.0 4.0
Bangladesh g 6.4 6.2 5.9 5.5 5.8
Afrique subsaharienne 6.5 5.1 1.1 3.8 4.6
Afrique du Sud 5.5 3.7 -1.8 2.0 2.7
Nigéria 6.3 5.3 4.3 4.8 5.1
Kenya 7.1 1.7 2.8 3.7 4.8
Pour mémoire
Pays en développement
À l’exclusion des pays en transition 8.1 5.6 2.5 5.7 6.1
À l’exclusion de la Chine et de l’Inde 6.2 4.3 -2.2 3.3 4.0
Source : Banque mondiale. Note : PPA = parité de pouvoir d’achat ; h = estimation ; i = prévision.
a. Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.
b. En monnaies nationales, taux agrégés au moyen des coefficients de pondération du PIB en 2005.
c. Moyenne simple des prix du Dubaï, du Brent et du West Texas Intermediate.
d. Indice de la valeur unitaire des exportations de produits manufacturés des principales économies, exprimées
en dollars.
e. Taux de croissance globaux évalués sur la base des pondérations du PIB en dollars constants de 2005.
f. Évaluée sur la base des parités de pouvoir d’achat de 2005.
g. Conformément à la pratique en vigueur dans ces pays, les données 2008 h 2009 h 2010 i 2011 i
fournies sur l’Égypte, l’Iran, l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh se Egypte 6.8 5.7 5.1 5.6
rapportent à l’année budgétaire ; en termes de données pour l’année Iran 2.5 1.0 2.2 3.2
civile, la croissance du PIB pour ces pays s’établit comme indiqué Inde 7.3 6.4 7.6 8.0
dans le tableau figurant à droite. Pakistan 3.8 2.9 3.3 3.5
Bangladesh 6.3 6.1 5.7 5.7

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

programmes actuels, sans compter les fonds commencé à se redresser à mesure du recul de
nécessaires pour répondre aux besoins des l’incertitude et de l’aversion au risque. En
personnes supplémentaires tombant en dessous données annualisées, les entrées de capitaux
du seuil de pauvreté 2. Pire encore, la récession brutes vers les pays en développement ont atteint
pourrait entraîner une réduction des montants 435 milliards de dollars sur les cinq mois
d’aide octroyée par les bailleurs au moment où jusqu’en novembre 2009, contre 218 milliards de
les besoins s’intensifient. dollars au premier semestre. Bien que les flux de
capitaux sur l’ensemble de l’année restent
Les perspectives restent caractérisées par une
inférieurs de 20 % à leur niveau de 2008 et
grande incertitude. Même la faible reprise décrite
largement inférieurs à leur pic de 2007, la
ci-dessus n'est pas garantie. Si le secteur privé
récente envolée des flux de portefeuille, si elle se
continue à épargner afin de restaurer les bilans
poursuit, fait craindre l'apparition de nouvelles
d’entreprises, un scénario de récession à double
bulles sur les marchés des actions, des devises et
creux caractérisé par une rechute de la croissance
de l’immobilier dans les pays en développement
en 2011 reste possible, surtout si l'on tient
au sein desquels leur niveau commence tout
compte de l'atténuation de l'impact des mesures
juste à baisser du fait de la crise. Ce risque
de relance. Une forte reprise est également
pourrait toutefois avoir été atténué par l’affaire
possible si les programmes monétaires
Dubai World et la dégradation de la note de
exceptionnels, traditionnels ou non, mis en place
crédit de la Grèce et du Mexique fin 2009.
dans les pays à revenu élevé commencent à
produire leurs effets. Les taux d’intérêt restent très faibles à travers le
monde, bien que certaines banques centrales
Évolution récente des marchés financiers aient commencé à resserrer leur politique (p. ex.,
Les mesures exceptionnelles prises par les l’Australie a déjà relevé ses taux de 75 points de
autorités à la fois dans les pays développés et en base) ou indiqué qu’elles étaient sur le point de
développement suite à la faillite de Lehman le faire. Aux États-Unis, le taux des fonds
Brothers en septembre 2008 ont grandement fédéraux de la Réserve fédérale évolue autour de
contribué à stabiliser les marchés financiers et à 12 points de base contre près de 550 points de
restaurer les flux de capitaux vers les pays en base à la mi-2007, tandis que le taux directeur de
développement (voir Banque mondiale 2009c la Banque centrale européenne (BCE) se situe
pour un résumé de ces mesures). autour de 100 points de base contre un niveau de
plus de 400 points de base en 2008. Les taux du
Le mouvement de retrait des capitaux marché à court terme sont eux aussi très faibles,
internationaux de ces pays au profit de marchés reflétant la baisse du coût d’opportunité associé
refuges aux États-Unis et en Europe s’est aux emprunts effectués auprès de l’autorité
inversé. Par conséquent, les taux de change d'un monétaire et le regain de confiance dans la
grand nombre de pays émergents ont retrouvé solvabilité des contreparties au sein du système
leur niveau d'avant la crise par rapport au dollar bancaire international. Grâce aux mesures
américain, les marchés boursiers ont en grande favorisant la recapitalisation des banques et
partie récupéré leurs pertes et les flux de visant à restaurer la confiance dans le système
capitaux vers les pays en développement ont financier international, l’écart entre le taux
commencé à augmenter. pratiqué par les banques commerciales pour les
Vers la fin de 2009, les entrées brutes de prêts interbancaires au jour le jour et le taux au
capitaux vers les pays en développement ont jour le jour appliqué par les banques centrales

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

(un indicateur courant de la confiance des emprunteurs souverains. Bien que ces écarts
banques les unes envers les autres) est tombé de restent supérieurs à leur moyenne d’avant la
365 points de base au plus fort de la crise à faillite de Lehman (environ 180 points), ils sont
moins de 15 points de base (figure 1.1, encadré nettement inférieurs à leur moyenne à long terme
a). Dans le cadre de ces efforts, les banques grâce à l’amélioration des fondamentaux de
centrales ont adopté une série de mesures nombreux pays en développement et à plusieurs
exceptionnelles prévoyant notamment des prêts années de réformes.
directs aux entreprises privées et une
À mesure de la baisse des écarts et du recul de
intervention sur les marchés hypothécaires
l’aversion au risque symptomatique de la période
secondaires, entraînant un gonflement de leur
ayant immédiatement suivi la crise, les
bilan.
investisseurs ont commencé à réinjecter une
Grâce à ces mesures, entre autres, la paralysie partie de l’argent qu’ils avaient retiré des
qui a caractérisé les marchés financiers à marchés de capitaux des pays en développement.
l’automne 2008 s’est nettement atténuée et les Par conséquent, les devises de ces pays ont
écarts imposés aux emprunteurs des marchés commencé à s’apprécier par rapport au dollar en
émergents ont diminué (figure 1.1, encadré b), mars 2009 (figure 1.1, encadré c) et leurs
les emprunteurs commerciaux étant en mesure marchés boursiers se sont redressées, récupérant
de lancer des appels de fonds pour une prime de entre un tiers et la moitié de leurs pertes initiales
359 points de base contre 300 points pour les (figure 1.1, encadré d), ce qui, en restaurant une

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

partie de la richesse détruite pendant la crise, a favorables. L’amélioration sur les marchés
entraîné un regain de confiance à travers le boursiers et obligataires reflète la normalisation
monde. des marchés financiers et, dans une certaine
mesure, le lancement d’une opération de portage
Le rebond de l’activité boursière a favorisé de
précipitée par la faiblesse des taux d’intérêt réels
nouveaux placements en actions de la part des
dans les pays à revenu élevé. Certains pays à
économies émergentes, ceux-ci totalisant 98
revenu intermédiaire (notamment le Chili et le
milliards de dollars sur les onze premiers mois
Brésil) attirent d’importantes entrées de capitaux
de 2009, soit une forte hausse par rapport aux 66
qui, s’ils se poursuivent au rythme actuel,
milliards de dollars constatés pour la même
pourraient poser des problèmes de politique et
période en 2008. Bien que le nombre
générer des pressions significatives. Certains
d’introductions en bourse soit resté limité au
pays ont cherché à mettre en place un
premier semestre 2009, les signes d’un net
interventionnisme accru ou d’autres mesures
rebond ont fait leur apparition au troisième
telles que la taxe sur les opérations financières
trimestre grâce notamment à d’importantes
au Brésil, même si l’efficacité de ces mesures
opérations en Chine, au Brésil et en Inde, qui ont
reste encore inconnue.
représenté environ 85 % de toutes les
transactions réalisées sur les marchés émergents Contrairement au rebond des marchés boursiers
depuis le début de l’année contre 65 % en et obligataires, les prêts bancaires internationaux
moyenne sur les cinq ans jusqu’en 2007. Les restent faibles étant donné que les banques
investisseurs semblent avoir privilégié ces mondiales poursuivent leur mouvement de
économies grâce à leurs fondamentaux consolidation et de désendettement afin
relativement solides. Les flux bousiers bruts vers d’assainir leurs bilans. En 2009, les opérations
les autres pays en développement restent limités, de prêts syndiqués impliquant des pays en
ne représentant que 0,15 % du PIB en 2009 développement ont atteint un montant de 123
contre 0,42 % en moyenne sur les cinq années milliards de dollars contre 236 milliards en 2008.
jusqu’en 2007. Signalons un rebond inattendu en décembre
2009 lorsque le montant des prêts s’est élevé à
L’accès des pays en développement aux marchés
27 milliards de dollars, alimenté principalement
de capitaux internationaux s'est lui aussi
par un prêt de 10 milliards de dollars pour des
amélioré. Les entreprises comme les
projets énergétiques en Papouasie-Nouvelle
emprunteurs souverains ont bénéficié d'une
Guinée et une facilité de financement des
liquidité mondiale renforcée, d'une embellie des
exportations de 6,5 milliards de dollars accordée
conditions de marché et de l'amélioration des
au gouvernement brésilien (figure 1.2). Dans
fondamentaux à long terme des économies
l’ensemble, les créances sur les pays en
émergentes par rapport aux pays développés. La
développement publiées par la Banque des
multiplication des émissions d’obligations
règlements internationaux (BRI) n’ont augmenté
d’entreprises dans les pays en développement a
que de 10 milliards de dollars au deuxième
atteint 109 milliards de dollars en 2009, en
trimestre 2009 (corrigé du taux de change) après
hausse de près de 45 milliards de dollars par
une contraction de 126 milliards de dollars au
rapport à 2008. Au cours de la première semaine
premier trimestre 2009 et de 279 milliards de
de 2010, la Turquie et les Philippines ont lancé
dollars au quatrième trimestre 2008.
des émissions obligataires d’un montant cumulé
de 2 milliards de dollars et 1,5 milliard de dollars Toute éventuelle reprise des prêts bancaires à
respectivement, profitant de conditions court terme devrait être limitée (les perspectives

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

à long terme sont présentées au chapitre 3), en conséquences de la crise se font encore sentir.
particulier en Europe et en Asie centrale où la Ces événements n’ont eu qu'un impact limité sur
multiplication des prêts non productifs et les les marchés mondiaux et les flux de capitaux
importants ajustements domestiques sont vers les marchés émergents se sont renforcés au
susceptibles de freiner à la fois la demande et cours des derniers mois. Jusqu’à présent, ces
l’offre de prêts. Parallèlement, les prêts aux pays entrées de fonds accrues n’ont que partiellement
riches en ressources naturelles devraient rester compensé le net repli qui avait suivi la crise et
soutenus. n’ont pas alimenté une nouvelle bulle. Si ces
flux massifs persistent ou augmentent toutefois,
Contrairement aux apports de capitaux
des bulles spéculatives pourraient refaire leur
générateurs de dette, les investissements directs
apparition, exposant ces pays au risque d’un
étrangers (IDE) ne semblent pas encore avoir
retrait soudain du financement extérieur.
rebondi. Les IDE constituent en général la
source de capitaux internationaux la plus stable Perspectives et implications pour les besoins de
mais ils ont chuté de 40 % depuis le premier financement des pays en développement
trimestre 2008 pour s’établir à 69 milliards de Dans l’ensemble, les flux nets de capitaux privés
dollars au troisième trimestre 2009 (figure 1.3). vers les pays en développement ont, selon les
Bien qu’un redressement de ces flux soit prévu estimations, chuté de 795 milliards de dollars en
pour le dernier trimestre, le montant total des 2009 (par rapport à leur plus haut niveau de
entrées pour les pays en développement sur 2007), soit un recul de près de 70 %. Même si la
l'année est estimé à 385 milliards de dollars, soit reprise est annoncée, les prévisions de flux en
seulement 30 % de leur valeur en 2008. Malgré 2010 ne s'élèvent qu'à 517 milliards de dollars,
le redressement des investissements associés aux soit 3,2 % du PIB. Les pays à faible revenu
ressources naturelles en 2009 après une pause fin seront les plus affectés par cette baisse car leur
2008, les investissements dans le secteur part déjà minuscule des flux de capitaux privés
bancaire, qui ont dominé au cours des dernières (2,6 % en 2007) devrait se rapprocher de zéro en
années, restent réduits. 2010. Bien que réduits en termes relatifs, les flux
de capitaux vers ces pays à faible revenu
La récente décision par la holding Dubai World
représentent une part importante des revenus et
de demander à ses créanciers un moratoire de six
investissements nationaux et leur disparition ne
mois sur le paiement de sa dette et l’abaissement
manquera pas d’avoir un sérieux impact sur la
de la note de crédit de la Grèce et du Mexique
capacité de ces pays à répondre à leurs besoins
par les agences de notation signalent que les

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

de financement à court et moyen terme (voir le ainsi leurs déficits commerciaux en limitant leurs
chapitre 3). importations), soit en utilisant d'autres ressources
comme les retraits de réserves internationales ou
Malgré le net recul des entrées de capitaux, les
l’appel à l'aide publique (soit les deux). Dans
besoins de financement ex ante des pays en
l’ensemble, les pays en développement ont
développement n’ont pas vraiment changé. Sur
utilisé 362 milliards de dollars de leurs réserves
la base des prévisions pour le déficit courant en
internationales pendant les premières phases de
2010 et des calendriers de remboursement de la
la crise, tandis qu'un grand nombre de pays
dette privée étrangère, les besoins de
augmentaient le montant de leurs emprunts
financement extérieur des pays en
auprès du Fonds monétaire international (FMI),
développement sont estimés à environ 1 100
de la Banque mondiale et de diverses agences de
milliards de dollars en 2010, contre 1 200
développement régionales et bilatérales. Les
milliards de dollars en 2009 3. Les pays d’Europe
données globales concernant l'augmentation des
et d’Asie centrale d’une part, et d’Amérique
flux d'aide publique ne sont pas encore
latine et des Caraïbes d’autre part devraient
disponibles mais on sait que la Banque mondiale
afficher les plus importants besoins de
(Banque internationale pour la reconstruction et
financement extérieur en 2010, à respectivement
le développement ou BIRD et IDA) a renforcé
447 milliards de dollars et 280 milliards de
ses engagements de prêt de 12,8 milliards de
dollars (figure 1.4). Bien que de moindre
dollars et que le FMI a pris des engagements
ampleur, les besoins de financement de l'Afrique
supplémentaires de 70 milliards de dollars en
subsaharienne ont également augmenté,
octobre 2009.
atteignant au moins 12 % du PIB.
Les ressources de prêt du FMI ont triplé à 750
milliards de dollars, dont une allocation au droit
de tirage spécial (DTS) de 283 milliards de
dollars. Toutefois, les DTS étant alloués en
fonction de quotas nationaux, cette décision ne
devrait avoir que peu d’impact sur les pays en
développement dont les besoins sont les plus
importants.

Croissance mondiale
Après une profonde récession mondiale, la
croissance économique est redevenue positive,
Conjuguées aux estimations nationales de l'intervention des autorités ayant permis de
financement du secteur privé, ces prévisions soutenir la demande et de réduire l’incertitude
laissent présager un déficit de financement total ainsi que le risque systémique associé aux
pour les pays en développement pouvant aller marchés financiers. La reprise devrait toutefois
jusqu'à 315 milliards de dollars en 2010. être lente car les marchés financiers restent
affaiblis, les mesures de relance budgétaires
En 2009, les pays dont les besoins de
devront être retirées prochainement et les
financement ex ante dépassaient les entrées de
ménages des pays victimes d'un éclatement de la
capitaux privés ont dû combler ce déficit soit par
bulle des prix sont forcés de reconstituer leur
une réduction de la demande domestique par le
épargne dans un contexte de chômage élevé.
biais d’une dépréciation de leur devise (réduisant

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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Même si la croissance mondiale devrait caractérisé par l’aversion au risque.


retourner en territoire positif en 2010, le rythme
La croissance de la région Asie de l’Est et
de la reprise sera lent et soumis à des
Pacifique (en particulier la Chine) et de l’Asie du
incertitudes. Après un repli estimé à 2,2 % en
Sud (en particulier l’Inde) a fait preuve de
2009, la production mondiale devrait progresser
résistance, soutenue par un programme de
de 2,7 % et 3,2 % respectivement en 2010 et
relance budgétaire exceptionnel en Chine et par
2011 (–1,0 %, 3,5 % et 4,0 % selon un calcul
une gestion macroéconomique habile en Inde.
basé sur la pondération de la parité du pouvoir
Entre 2008 et 2009, la croissance de la région
d’achat).
Asie de l’Est et Pacifique a, selon les
Le principal frein à la croissance mondiale vient estimations, reculé de seulement 1,2 points de
des pays à revenu élevé dont les économies pourcentage à 6,8 % tandis que celle de l’Asie
devraient se contracter de 3,3 % en 2009. Le du Sud est restée stable à 5,7 %. Toujours selon
Japon, où les conséquences de la crise mondiale les estimations, la croissance du PIB chinois est
ont été plus marquées que dans d’autres pays à passée de 9 % en 2008 à 8,4 % en 2009 mais
revenu élevé, a affiché la plus forte baisse de devrait remonter vers 9 % avant la fin de la
croissance (–5,4 %). On prévoit respectivement période des prévisions.
un taux de croissance de 2,5 % et 2,9 % en 2010
Ces évolutions se reflètent également dans la
pour les États-Unis et les pays à revenu élevé
production industrielle mondiale qui a nettement
n'appartenant pas à l'Organisation de coopération
chuté dans le sillage de la crise financière. En
et de développement économiques (OCDE).
février 2009, elle affichait un recul annualisé de
L’impact de la crise économique mondiale sur 27 % mais en avril/mai, elle avait entamé une
les pays en développement s’est principalement reprise (figure 1.5), alimentée initialement par
manifesté sous la forme d’une forte contraction l’accélération de la croissance chinoise suite à la
de l’activité industrielle mondiale liée à la mise en place d’un plan de relance budgétaire de
réduction soudaine des programmes 575 milliards de dollars (sur cinq trimestres).
d’investissement et de la demande de biens de L’augmentation de la demande des importations
consommation durable ainsi qu’aux efforts en Chine s’est rapidement propagée aux autres
généralisés de réduction des stocks face à des pays et la production industrielle est redevenue
perspectives d’avenir incertaines. La baisse de la positive pour les pays émergents (hors Chine) en
demande pour les exportations, du prix des mars 2009 et pour les pays à revenu élevé en mai
produits de base et des flux de capitaux est 2009. À mesure de l’atténuation des effets des
venue exacerber la crise. Dans l’ensemble, la
croissance des pays en développement a reculé
de 1,2 % en 2009 selon les estimations, contre
une progression de 5,6 % en 2008.
Sur le plan régional, ce sont les pays en
développement d’Europe et d’Asie centrale qui
ont été le plus touchés par la crise, leur PIB se
contractant de 6,2 % (–8,7 % pour la Fédération
de Russie). Ceci s’explique principalement par la
baisse du prix du pétrole (Russie) et les
difficultés de financement des importants
déficits courants dans un environnement

11
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

mesures de relance et de l’accumulation des production au Japon, avec un taux de croissance


stocks, les taux de croissance de la production de 1,3 % au troisième trimestre (taux moyen
industrielle ont commencé à baisser. L’évolution corrigé des variations saisonnières).
de la demande des ménages et des entreprises
Le rebond de la croissance des pays à revenu
dans les mois à venir nous dira si ce repli est le
élevé devrait se maintenir sur les prochains mois
signe d’une transition vers une croissance moins
mais pourrait perdre de la vitesse au cours de
rapide et plus conforme à l'évolution de la
l’année 2010 à mesure que l’impact des mesures
demande sous-jacente, ou s’il s’agit des
de relance et de l’accumulation des stocks sur la
prémisses d’une récession à double creux (voir la
croissance s’atténue. Au plus fort de la récession,
section sur les Risques ci-après).
les variations d’accumulation des stocks ont
réduit la croissance annualisée de 2,4 % au
Perspectives des pays à revenu élevé
premier trimestre 2009 (figure 1.6). Le cycle des
Selon les estimations, la production des stocks devrait constituer un facteur essentiel de
économies à revenu élevé s’est contractée de 3,3 la reprise aux États-Unis et dans les économies
% en 2009 et le PIB cumulé de ces pays a chuté nouvellement industrialisées étant donné que le
pour la première fois depuis 1960. Les flux déstockage y a été particulièrement marqué au
commerciaux entre les pays à revenu élevé ont plus fort de la crise. En Europe, bien que
été particulièrement faibles, tout comme la l’accumulation plus lente des stocks ait pesé sur
production industrielle qui a affiché des replis la croissance, leur reconstitution se poursuit à un
pointe-creux de plus de 20 % dans des pays rythme modéré. Par conséquent, le cycle des
comme les États-Unis, le Royaume-Uni, stocks en Europe devrait être moins important et
l’Allemagne et le Japon. plus court.
Nous assistons actuellement à un net rebond de
la croissance qui a été initialement alimenté par
la reprise des investissements dans les pays en
développement, en particulier en Chine et dans
les économies nouvellement industrialisées
d’Asie de l’Est, qui s’est ensuite propagée aux
pays exportateurs de biens d’équipement comme
l’Allemagne et le Japon. La contribution des
pays à revenu élevé à la production mondiale et à
la croissance des échanges a commencé à
augmenter grâce aux effets favorables des
mesures de relance sur la demande domestique et
les importations ainsi qu’à l’évolution du cycle
des stocks. Aux États-Unis, malgré le redressement de la
Soutenus par d’importants programmes de croissance constaté au second semestre, le PIB
relance, le Japon, l’Allemagne et la France ont pour l’année 2009 aurait reculé de 2,5 % selon
retrouvé le chemin de la croissance au deuxième les estimations. La reprise devrait se poursuivre
trimestre 2009 et le PIB des États-Unis a en 2010, soutenue par le cycle des stocks, le
progressé de 2,0 % au troisième trimestre. Les creux atteint par la crise du secteur du logement
données publiées récemment signalent et les mesures de relance budgétaires et
également une progression continue de la monétaires. Le rythme de la reprise devrait

12
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

toutefois ralentir vers le milieu de l’année à grâce principalement aux investissements


mesure que l’impact de ces facteurs s’atténue et d’entreprises et à la construction, dans un
que la consolidation du bilan des banques et les contexte de baisse de la consommation privée. À
effets négatifs sur la richesse pèsent sur la terme, la forte reprise des commandes étrangères
demande domestique. Dans l’ensemble, la pour les produits manufacturés indique que les
croissance devrait s’inscrire à 2,5 % en 2010 et exportations nettes devraient soutenir la
se stabiliser au niveau relativement modeste de croissance. Par ailleurs, l’accroissement des
2,7 % en 2011. dépenses publiques alimentera l’activité au
second semestre 2009 et pendant une bonne
Selon les estimations du FMI, même si les
partie de l’année 2010 mais parallèlement, la
dépréciations d'actifs des banques totalisent déjà
hausse du chômage pèsera sur la consommation
1 300 milliards de dollars pour le premier
privée.
semestre 2009, de nouvelles dépréciations
d'environ 1 500 milliards de dollars pourraient En France, la production du troisième trimestre a
être à prévoir étant donné que les banques bénéficié d’une hausse des exportations tandis
domiciliées aux États-Unis n'ont comptabilisé que les dépenses privées restaient stables et que
jusqu'à présent qu'environ 60 % des les investissements en capital fixe continuaient
dépréciations prévues. de baisser. En général, la France a été moins
affectée que les autres pays riches car elle n’est
Dans les pays à revenu élevé d’Europe, le PIB
ni un grand fournisseur de crédits internationaux
devrait reculer de 3,9 % en 2009 et s’inscrire en
ni dépendante de l’emprunt. De plus, le
hausse de seulement 1,0 % en 2010. La
gouvernement français est intervenu lorsque la
croissance de la région devrait bénéficier d'une
demande privée s’est effondrée. Bien que la
politique budgétaire et monétaire favorable à la
récession au Royaume-Uni ait été plus marquée
demande domestique et de l'amélioration de la
que ne l'envisageaient la plupart des prévisions
demande mondiale. Toutefois, les problèmes de
initiales, la croissance du PIB devrait redevenir
bilans persistants des banques de la zone euro
positive au quatrième trimestre, mettant ainsi fin
devraient continuer de peser sur l’environnement
à six trimestres consécutifs de baisse.
financier. Jusqu’à présent, les banques
commerciales n’ont pas vraiment eu recours aux L’économie du Japon a affiché une croissance
programmes de sauvetage des gouvernements et révisée de 1,3 % (moyenne corrigée des
ces derniers ne les ont pas encore modifiés. Par variations saisonnières) au troisième trimestre.
conséquent, les restrictions en matière de prêts Cette reprise s’explique principalement par les
devraient continuer de peser sur les dépenses mesures de relance déployées à la fois sur le plan
d’investissement. Selon la dernière Financial domestique et à l’étranger. Des incitations
Stability Review de la BCE (2009), deux tiers fiscales ainsi qu’un programme de prime pour
seulement des pertes potentielles des grandes l’achat de produits écologiques encouragent les
banques européennes ont fait l'objet de consommateurs japonais à opter pour des
provisions ou été amortis jusqu'à présent et les voitures à faible émission et des appareils
pertes potentielles restantes s'élèvent à environ ménagers économiques. Parallèlement, les
187 milliards d’euros. volumes d’exportation ont bénéficié d’une
demande étrangère accrue pour les produits
La production de l’Allemagne a joué un rôle clé
nippons, notamment pour les voitures et produits
dans l’évolution générale de la zone euro.
associés aux États-Unis et pour les produits
L’économie allemande a progressé à un rythme
électroniques en Chine.
annualisé de 2,9 % au troisième trimestre 2009

13
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Sur les prochains trimestres, la croissance de baisse de la demande domestique et étrangère,


devrait être favorisée par la fin de la liquidation la production industrielle s’est retrouvée sous
des stocks à la fois sur le marché domestique et à pression. À la fin du premier trimestre 2009, elle
l’étranger ainsi que par les effets persistants des avait perdu 12,9 % par rapport à la même
programmes de relance. La croissance pourrait période de l’année précédente, le volume et la
de nouveau être sous pression en 2010/11 à valeur des exportations des pays en
mesure que l’impact du programme de relance développement avaient chuté de 30,2 % et 17,6
s’atténue et face à la modeste reprise anticipée % respectivement et les prix des produits de base
des principaux partenaires commerciaux. qui avaient soutenu la croissance pendant les
années de hausse des marchés dans de nombreux
Perspectives des pays en développement pays avaient nettement baissé. Par ailleurs, le gel
Une analyse plus poussée des six régions en des flux de capitaux dans les pays à revenu élevé
développement est disponible à la section et la hausse des coûts d’emprunt ont généré un
"Perspectives régionales". déficit de financement massif de 690 milliards
de dollars qui a dû être comblé par une réduction
La plupart des pays en développement n’étaient des importations, des licenciements et, dans
pas directement impliqués dans les certains cas, d’importantes injections de capitaux
comportements risqués qui ont donné lieu à la étrangers par le biais d’agences publiques telles
crise financière et les systèmes bancaires de la que le FMI, la Banque mondiale et diverses
plupart des régions n’avaient qu’une exposition banques de développement régionales.
limitée aux prêts subprimes. Pourtant, l’activité
économique de presque tous ces pays a été Par conséquent, la croissance du PIB des pays en
sérieusement affectée. Au premier trimestre développement a chuté brutalement pour
2009, 25 des 31 pays en développement (pour ressortir à seulement 1,2 % sur l’année. Les pays
lesquels des données comptables nationales en développement d’Europe et d’Asie centrale,
trimestrielles sont disponibles) affichaient des qui affichaient au début de la crise d’importants
taux de croissance négatifs (figure 1.7). déficits courants liés à une croissance de la
consommation financée par le crédit
La demande domestique de ces pays a été international et les IDE, ont été les plus
particulièrement affectée par le net repli de la durement touchés, leur PIB s’étant contracté de
croissance des investissements en capital fixe qui 6,2 % en 2009 selon les estimations. À
est passée de 13,4 % en 2007 à 8,5 % en 2008 et l’exception de ces pays ainsi que de la Chine et
est estimée à 1,3 % pour 2009. Dans un contexte de l’Inde, qui ont pu éviter les pires effets de la
crise grâce à d’importants programmes de
relance budgétaires et monétaires, le PIB des
autres pays en développement a chuté de 2,2 %
en 2009 selon les estimations, niveau nettement
inférieur à la croissance tendancielle de 3,0 %
qu’ils connaissaient avant la crise. Si, dans
l’ensemble, la croissance des pays en
développement est restée positive, la
décélération et les déséquilibres causés ont été
violents. Le chômage augmente, 90 millions de
personnes supplémentaires devraient rester en

14
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

dessous du seuil de pauvreté (moins de 1 dollar La production industrielle régionale affichait une
par jour) d’ici à la fin de 2010 des suites du baisse de 9 % en rythme annualisé fin 2008 mais
ralentissement de la croissance et ont prévoit 30 a commencé à se redresser début 2009 sous
000 à 50 000 décès supplémentaires parmi les l’influence du programme de relance budgétaire
enfants pour cause de malnutrition en 2009 de 4 000 milliards de yuans (12 % du PIB)
(Friedman and Schady 2009). instauré et du relâchement de la politique
monétaire adopté par le gouvernement chinois.
Perspectives régionales L’effondrement des exportations régionales s’est
Les perspectives des pays en développement accentué, ces dernières reculant de 50 % en taux
tablent sur une reprise relativement soutenue en annualisé au premier trimestre 2009. Depuis, les
2010, avec une croissance cumulée de 5,2 % ou volumes d’exportations se sont redressés,
3,7 % si l’on ne tient pas compte de la Chine, de gagnant 18 % au troisième trimestre. En mars
l’Inde et de la région Europe et Asie centrale. La 2009, les partenaires commerciaux de la région
production devrait poursuivre sa progression en ont commencé à bénéficier de l’envolée des
2011, quoique à un rythme modéré, avec une importations chinoises associée au plan de
croissance de 5,8 % pour l’ensemble des pays en relance budgétaire (figure 1.8) et les volumes
développement et de 4,1 % pour les pays en d’exportations ont affiché une croissance
développement hors Chine, Inde et Europe et annualisée de 10 % au cours des derniers mois.
Asie centrale.

Asie de l'Est et Pacifique


De plus amples discussions sur les perspectives
pour les régions en développement, y compris
des projections spécifiques aux pays, sont
disponibles en ligne dans le Appendix des
Perspectives Regionales.
Les économies d’Asie de l’Est ont été moins
affectées par la crise que d’autres régions, bien
qu’elles aient souffert d’un net repli des
échanges commerciaux et de la production de
Dans l’ensemble, la croissance du PIB a bien
septembre 2008 à mars 2009 du fait de leur
résisté à la récession mondiale, avec une
statut de principaux producteurs de biens
expansion de 6,8 % en 2009. Sans tenir compte
d'équipement et de consommation durable.
de la Chine, le recul de la croissance est plus
Les conséquences directes de la crise financière marqué, le PIB de ces pays ayant progressé de
dans les pays à revenu élevé ont été limitées. 1,3 % selon les estimations contre 4,8 % en
Malgré une chute rapide et prononcée des 2008. Les mesures budgétaires et monétaires de
marchés boursiers, la présence d’actifs toxiques relance régionales conjuguées à la faiblesse de la
au sein du système financier de la région était demande étrangère ont entraîné une hausse de la
relativement réduite, ce dernier ayant été contribution de la demande domestique à la
amélioré par les réformes bancaires qui avaient croissance globale.
suivi la crise financière asiatique des années
À terme, la stabilisation des marchés financiers
1990.
internationaux et les nouvelles entrées de

15
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

capitaux, conjuguées à un solide cycle des novembre 2009. En Novembre, la croissance


stocks, surtout dans les pays nouvellement annuelle de la production industrielle est
industrialisés de la région, devraient faire devenue positive, en atteignant 1,3 %, après 12
grimper la croissance à 8,1 % en 2010, la Chine mois de déclin par rapport aux chiffres de l'année
menant la reprise avec une progression de 9,0 %. précédente. En Pologne, la production
La persistance des excédents de capacités dans industrielle a été plus soutenue et la croissance
l’industrie manufacturière et la progression du PIB est restée positive grâce à une demande
limitée de la croissance des échanges mondiaux domestique relativement soutenue, aux récentes
(dans un contexte historique) devraient limiter la réductions d’impôts sur le revenu et à
croissance du PIB à 8,2 % en 2011. l’amélioration des allocations retraite. Malgré un
recul de 1,8 % en novembre 2009 par rapport à
Europe et Asie centrale novembre 2008, la production turque a elle aussi
La vulnérabilité persistante des pays en bien résisté et se redresse. Dans les pays baltes,
développement d'Europe et d’Asie centrale, liée la production industrielle a chuté de 15 à 20 %.
notamment aux importants déficits courants, à Parmi les autres petits pays de la région, comme
une dépendance excessive vis-à-vis des capitaux l’Arménie, le Kirghizstan et le Tadjikistan,
étrangers pour le financement de la l’ampleur du ralentissement de la Russie a réduit
consommation domestique et aux déficits les envois de fonds des travailleurs émigrés dont
budgétaires conséquents de certains pays, s’est la valeur en dollar américain a chuté de 15 % à
traduite par une nette correction dans la région 33 % au premier semestre 2009.
associée à la perte de confiance des investisseurs La reprise dans la région devrait rester faible au
internationaux au début de la crise. vu des importants ajustements nécessaires dans
Face au durcissement des conditions de les niveaux de demande domestique et des
financement externes, les autorités ont réagi en difficultés financières. Face à l’ampleur de la
mettant en place des mesures d’ajustement crise, le nombre de prêts non productifs a
macroéconomique domestique et en sollicitant nettement augmenté, une tendance qui devrait se
un financement massif auprès du FMI, de la poursuivre et qui, conjuguée à une hausse des
Banque mondiale et de l’Union européenne pour taux d’intérêt et à de faibles flux de capitaux
renflouer leurs réserves de change, soutenir leurs internationaux, pourrait freiner la croissance des
initiatives budgétaires et contrer la pression investissements (figure 1.9).
baissière sur leurs devises.
Malgré ces efforts, la région a été la plus touchée
par la crise parmi les pays en développement,
son PIB ayant chuté de 6,2 % selon les
estimations. En Russie, le PIB aurait chuté de
9,0 % en glissement annuel au troisième
trimestre, la baisse du prix des produits de base
(en particulier du pétrole) et l’inversement
soudain des flux de capitaux ayant entraîné un
effondrement des revenus et des investissements
en capital fixe. On note un redressement de
l’activité industrielle qui a progressé à un rythme
annualisé de 9,3 % sur les trois mois jusqu’en

16
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Dans l’ensemble, la reprise devrait être atone, Malgré un contexte défavorable, les taux de
avec une croissance du PIB de seulement 2,7 % change se sont bien maintenus, presque toutes
en 2010 et 3,4 % en 2011. Par ailleurs, au vu des les devises de la région ayant retrouvé leur
nombreuses difficultés et du besoin de niveau d’avant la crise par rapport au dollar
consolidation des bilans, d’importants risques américain. Les marchés boursiers se sont eux
baissiers subsistent, y compris la possibilité aussi redressés et les écarts des actions par
d’une crise financière régionale secondaire ou rapport aux emprunts souverains régionaux se
d’une récession à double creux. sont resserrés. En conséquence, de nombreux
pays de la région ont réussi à faire appel aux
Amérique latine et Caraïbes marchés de capitaux internationaux.
Grâce à ses solides fondamentaux L'envolée des entrées de capitaux attribuable en
macroéconomiques, la région Amérique latine et partie au niveau toujours élevé des différentiels
Caraïbes a mieux résisté à cette crise qu’aux de taux d’intérêt a toutefois été source de
précédentes. En effet, les écarts de risque de la pressions à la hausse sur les taux de change
région sont retombés à des niveaux proches de effectifs dans certains pays. Au Brésil, le
ceux constatés avant la crise à mesure du regain gouvernement a instauré une taxe sur les
de confiance des investisseurs (figure 1.10). transactions financières de 2 % sur les flux de
Comme ailleurs, la production industrielle et les portefeuilles étrangers mais il n’est pas certain
volumes d’échanges internationaux ont que cette mesure mette un frein aux entrées de
nettement chuté dans un contexte de contraction capitaux ou à l'appréciation du real. Certaines
soudaine de la demande mondiale. En octobre économies pourraient faire face à une
2009, la production industrielle était inférieure appréciation de leurs devises réelles en raison de
de 5,3 % à son niveau d’août 2008 malgré une l’affaiblissement du dollar américain, de la
progression annualisée de 9,8 % au cours des hausse du prix des produits de base et des
derniers mois. De même, le volume des entrées de capitaux élevées, ce qui affecterait
exportations régionales a reculé de 25 % pendant leur compétitivité à l’étranger alors que la reprise
les premiers mois de la crise et entame tout juste de la demande extérieure reste fragile.
son rebond. La baisse du prix des produits de
Au sein de la région, le Mexique a affiché la plus
base a exacerbé le repli de la valeur des
forte contraction, son PIB chutant
exportations et entraîné un recul des revenus
respectivement de 9,7 % et 6,3 % aux deuxième
dans de nombreux pays de la région.
et troisième trimestres 2009 par rapport à l’année
précédente. L’ampleur du ralentissement de
l’activité reflète les liens étroits entre le pays et
l’économie américaine ainsi que sa spécialisation
dans les secteurs les plus affectés par la crise
(construction, automobile et appareils
électriques). De plus, l’épidémie de grippe A
(H1N1), qui s'est traduite par une baisse de 80 %
du trafic aérien sur certains mois et par des taux
de vacance dans les hôtels des zones touristiques
de plus de 80 %, a pesé sur le PIB à hauteur de
0,7 points de pourcentage.

17
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Au Brésil, le PIB a reculé de 0,2 % en reprise, la prise en charge adéquate et durable


glissement annuel sur les deux premiers des chômeurs ainsi que le maintien d’une
trimestres de la crise avant de rebondir aux approche ouverte des échanges et des
deuxième et troisième trimestres 2009. Un solide investissements internationaux.
programme budgétaire prévoyant une aide au
secteur automobile et une inversion du cycle des Moyen-Orient et Afrique du Nord
stocks a favorisé la production industrielle qui a Les pays en développement du Moyen-Orient et
progressé à un solide rythme annualisé de 22,2 d’Afrique du Nord ont été affectés par la crise à
% en octobre 2009. Parallèlement, la baisse des différents degrés. Au début de la crise, les
taux d’intérêt et le resserrement des écarts de marchés boursiers des pays à revenu élevé du
taux a permis un rebond du crédit privé, ce qui a Conseil de coopération du Golfe (CCG) et
soutenu la demande domestique. plusieurs places des pays en développement de
En Argentine, le PIB a augmenté de 0,5 % et 0,2 la région se sont effondrées, affichant des replis
% en données annualisées aux deuxième et supérieurs à la moyenne des marchés émergents.
troisième trimestres 2009. Les incertitudes La reprise sur ces marchés a été hésitante au vu
concernant les politiques, notamment en matière des incertitudes concernant la situation
de restrictions sur l’exportation, ont fait financière à Dubaï et dans les Émirats Arabes
lourdement chuter la production industrielle et Unis qui ont joué un grand rôle dans
les échanges de 17,3 %. Le rythme de la reprise l’acheminement des IDE vers la région.
a également été freiné par une grave sécheresse La croissance du PIB des pays en
qui a causé un effondrement de la production développement en 2009 devrait avoir chuté de
agricole. 4,3 % en 2008 à 2,9 % selon les estimations.
La production de la région devrait continuer à Malgré la poursuite d’importants programmes de
progresser en 2010. La production industrielle développement des infrastructures, le taux de
augmente actuellement de 22,2 % en rythme croissance des pays en développement
annualisé au Brésil et la contraction au Mexique exportateurs de pétrole a été divisé par deux,
commence à s’infléchir. Cette tendance devrait passant de 2,9 % en 2008 à 1,6 % en 2009. Ceci
être favorisée par de nouvelles mesures de s’explique principalement par la réduction de la
relance budgétaires, les avantages différés du production pétrolière pour soutenir les prix
solide soutien de la politique monétaire, minimum définis par l’OPEP (Organisation des
l’inversement du cycle des stocks et pays exportateurs de pétrole) (figure 1.11).
l’amélioration des termes de l’échange.
Toutefois, de nombreux petits pays d’Amérique
centrale qui dépendent fortement des envois de
fonds des travailleurs émigrés devraient rester à
la traîne en termes de reprise de la production.
Par conséquent, bien que les prévisions tablent
sur une croissance du PIB de 3,1 % en 2010,
celle-ci ne devrait progresser que de 3,6 % en
2011.
Les principaux défis auxquels sera confrontée la
région sont l'impact de l'atténuation des mesures
de relance monétaires et budgétaires sur la

18
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Au sein des économies diversifiées, la croissance années et de l'inflation du prix des actifs (les prix
a reculé de près de 2 points de pourcentage sur immobiliers ont fortement augmenté, notamment
l’année, passant de 6,6 % en 2008 (tirée à la en Égypte et au Maroc), la région pourrait
hausse par une croissance de plus de 7 % en connaître à l’avenir de nouvelles pertes
Égypte) à 4,7 %. L’effondrement des principaux financières significatives. Si c’est le cas, ces
marchés d’exportation (en particulier la zone pertes pourraient plomber la confiance des
euro) s’est traduit par un net repli des marchés, les conditions financières, l'emploi et
exportations de biens de pays comme l’Égypte, l'investissement dans la région et peser sur ses
la Jordanie, le Maroc et la Tunisie. perspectives de croissance à moyen terme.
Parallèlement, les envois de fonds des
travailleurs émigrés ont chuté de 6,3 % et les Asie du sud
revenus du tourisme ont reculé de 5 % en 2009, L’Asie du Sud semble avoir échappé aux pires
deux importantes sources de revenus étrangers effets de la crise, la croissance du PIB de la
qui soutiennent la consommation des ménages et région étant estimée à 6,0 % en 2009, une baisse
la création d’emplois dans ces pays. par rapport à la croissance de 6,9 % en 2008. Le
À terme, la reprise économique dépendra de la ralentissement de la croissance du PIB a
demande mondiale pour les hydrocarbures qui principalement reflété la baisse des
pourrait ne pas se redresser avant la fin de la investissements et de la demande du secteur
période des prévisions. Dans l’ensemble, la privé qui n’a été que partiellement compensée
croissance des pays en développement de la par l’augmentation des dépenses publiques.
région devrait enregistrer une légère progression Plusieurs pays (les Maldives, le Pakistan et le Sri
pour atteindre 3,7 % en 2010 avant une reprise Lanka) ont dû faire face à d’importantes
plus affirmée en 2011. La hausse de 4,4 % du difficultés pour financer leurs déficits courants.
PIB prévue en 2011 reste toutefois inférieure au Malgré un repli de 5 % des volumes
taux de 5 % atteint au début des années 2000. d’exportation de biens et de services, le recul
Les récentes difficultés de la holding Dubai encore plus marqué de la demande pour les
World, conglomérat public de Dubaï, montrent importations (dû en partie au recul de la
que les institutions de la région n’ont pas été demande pour les investissements) et la baisse
entièrement épargnées par la crise financière des prix de l’alimentaire et du pétrole ont permis
mondiale. Au vu des investissements une amélioration de la balance commerciale et
conséquents consentis au cours des dernières de la balance des opérations courantes en 2009
(figure 1.12). Les envois de fonds des
travailleurs émigrés vers la région, qui
représentent environ 4,7 % du PIB, ont chuté de
1,8 % selon les estimations, ce qui constitue un
sérieux repli des revenus des ménages et des
recettes en devises.
La région a subit d’importantes sorties de
capitaux au début de la crise, en particulier au
Pakistan et au Sri Lanka où elles étaient
motivées par les inquiétudes des investisseurs
concernant l’accentuation des déséquilibres
domestiques et externes. Le regain de confiance

19
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

des investisseurs, grâce notamment à la


croissance relativement solide de la production
(Inde) et aux programmes nouveaux ou en cours
du FMI (Pakistan et Sri Lanka) ainsi qu'à
l'amélioration de la stabilité politique (fin de la
guerre civile au Sri Lanka), s'est traduit par de
nouvelles entrées de capitaux aux deuxième et
troisième trimestres 2009. L'aversion au risque
des investisseurs domestiques et étrangers
s'atténuant, les taux de change et les marchés
boursiers locaux ont repris des couleurs.
La reprise dans la région devrait être moins
production en repli de 2,8 % en rythme annualisé
marquée qu’ailleurs pour refléter partiellement la
au deuxième trimestre 2009. La croissance du
moindre ampleur de la crise. La croissance
pays est toutefois retournée en territoire positif
devrait progresser à 7,0et 7,4 % respectivement
au troisième trimestre avec un gain de 0,9 %
en 2010 et 2011 contre 60% en 2009.
tandis que le PIB du Kenya augmentait de 5,8 %
Afrique subsaharienne (moyenne corrigée des variations saisonnières)
au deuxième trimestre 2009, laissant penser que
L’effondrement des échanges mondiaux a la reprise est en cours (figure 1.13). La
lourdement pesé sur la croissance en Afrique croissance du Nigeria a été favorisée par la
subsaharienne qui est tombée à 1,1 % en 2009 performance relativement solide des secteurs
contre plus de 5 % en moyenne sur les cinq agricole et des hydrocarbures. Toutefois, au vu
années précédentes. Dans un premier temps, à du niveau important de prêts non productifs, le
mesure du repli des flux de capitaux mondiaux, secteur financier devrait tirer la croissance du
l’impact de la crise a été plus marqué pour les pays vers le bas à court terme.
pays comme l’Afrique du Sud dont le marché
financier est plus intégré aux marchés financiers Le net repli des prix du pétrole qui a
mondiaux. Par la suite, avec l’effondrement des accompagné la récession a entraîné une baisse de
échanges, l’impact s’est propagé aux pays la balance des opérations courantes des pays
exportateurs de pétrole (comme l'Angola) et de exportateurs de pétrole de la région (de plus de
produits de base (comme le Botswana et la 10 % du PIB pour des pays comme l’Angola, le
Zambie). Le recul du tourisme ainsi que la baisse Gabon et le Nigéria).
des envois de fonds des travailleurs émigrés et La reprise devrait être modeste, le PIB gagnant
du niveau de l’aide publique au développement 3,8 % et 4,6 % en 2010 et 2011 respectivement.
ont également eu un impact défavorable sur la Les perspectives restent toutefois incertaines et
région. Dans l’ensemble, la croissance du PIB l’ampleur de la reprise dépendra grandement de
aurait chuté de 4 points de pourcentage et le la croissance des principaux marchés
produit national brut (indicateur tenant compte d’exportation. Leur rebond devrait se traduire
de l’effet des termes de l’échange) a chuté de 3,7 par une augmentation de la demande extérieure
points de pourcentage entre 2008 et 2009, selon et par une reprise des flux d’IDE. Les revenus
les estimations. des pays dépendant des envois de fonds des
L’Afrique du Sud a connu trois trimestres travailleurs émigrés devraient rester limités en
consécutifs de croissance négative avec une raison notamment de la persistance d’un

20
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

chômage élevé aux États-Unis et dans l’Union associée à la fuite de capitaux initiale vers les
européenne. États-Unis. En effet, le prix réel en monnaie
locale des produits de base internationaux
Marchés des produits de base (mesure corrigée des fluctuations de change et
Une période prolongée de forte croissance des des différentiels d’inflation) a beaucoup moins
pays en développement conjuguée à des facteurs augmenté que leur prix en dollar (figure 1.14).
d’offre spécifiques s’est traduite par une baisse Ainsi, bien que le prix de l'énergie exprimé en
excessive des capacités excédentaires dans le dollar américain ait progressé de 57 % entre
secteur du pétrole, de faibles stocks de février et octobre 2009, l’augmentation sur la
nombreuses céréales et des réserves limitées de même période du prix réel pondéré des échange
nombreux métaux au milieu des années 2000 en monnaie locale n’était que de 33 %.
(voir Banque mondiale 2009b pour une
description approfondie du cycle expansion-
contraction des produits de base). Ces facteurs
fondamentaux ont été renforcés par les
investissements financiers associés à l’expansion
des liquidités mondiales (voir chapitre 2), qui ont
probablement exacerbé l’impact de la restriction
de l’offre sur le prix des produits de base. Par
conséquent, de 2003 à 2008, le prix des produits
de base hors énergie a doublé tandis que les prix
réels de l'énergie gagnaient 170 %.
Bien que les prix des produits de base aient
commencé à chuté avant le plus haut de la crise Le pétrole
financière, la contraction financière engendrée
La demande mondiale pour le pétrole, qui a
par la crise elle-même et le très net repli de
progressé en moyenne de 1,7 % par an entre
l’activité économique qu’elle a entraîné ont tous
2000 et 2007, a reculé de près de 3 % au dernier
deux généré une forte baisse de la demande
trimestre 2008 et au premier trimestre 2009 en
mondiale pour les produits de base. De juillet
raison du repli de l’activité économique et de la
2008 à février 2009, le prix de l’énergie en dollar
conservation et substitution par d’autres sources
américain a perdu les deux tiers de sa valeur et
d’énergie motivées par l’évolution des prix. La
celui des métaux a reculé de plus de 50 % par
demande en pétrole des pays de l’OCDE a
rapport à son précédent plus haut niveau. Le prix
commencé à baisser au quatrième trimestre 2005
en dollar des produits agricoles a quant à lui
(lorsque le prix du baril a franchi la barre de 50
diminué de plus de 30 % tandis que celui des
dollars) et recule depuis plus de quatre ans, une
graisses et huiles perdait 42 %.
croissance faible voire nulle étant prévue pour
Le prix en dollar de l’énergie et des métaux a 2010. En ce qui concerne les pays hors OCDE,
commencé à se redresser en mars 2009, en ligne la demande a là encore diminué au premier
avec l’activité économique mondiale et grâce à trimestre 2009 mais elle a depuis augmenté et
la bonne tenue de divers facteurs du secteur devrait retrouver son taux tendanciel en 2010.
financier. Cette hausse des prix reflétait en partie
L’OPEP a réagi à la baisse de la demande
la dépréciation du dollar qui a depuis lors annulé
mondiale en réduisant sa production de près de 4
quasiment toute l’appréciation qui avait été

21
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

d'œuvre qualifiée et des nombreux retards dans


les projets. Par ailleurs, environ trois quarts des
réserves prouvées sont contrôlées par des
compagnies pétrolières nationales (sous le
contrôle de l'OPEP ou non), ce qui pousse les
grandes compagnies pétrolières internationales à
investir dans des gisements à coûts plus élevés
(comme les sables pétrolifères et les forages en
eau profonde), augmentant ainsi leurs dépenses
et les délais de mise en œuvre des projets.
Au vu des importants stocks excédentaires et de
la faible croissance prévue de la demande en
millions de barils (Mb/j) par jour afin de
pétrole sur les prochaines années, le prix réel du
maintenir les prix aux alentours de 75 dollars le
pétrole ne devrait pas connaître une forte
baril. Par conséquent, la capacité excédentaire de
progression. Le secteur reste toutefois sensible à
l’OPEP (un indicateur du sous-emploi des
l’évolution de l’offre et de la demande, et toute
capacités sur les marchés pétroliers) a atteint
perturbation de l’offre mondiale pourrait
environ 6,5 Mb/j, soit l’équivalent d’environ
entraîner un rebond marqué, quoique temporaire,
cinq ans de croissance de la demande et un
des prix.
niveau comparable à celui de 2003 lorsque le
baril de pétrole était à 20 dollars (figure 1.15). En l’absence de la découverte de nouvelles
De plus, les stocks de pétrole déjà extrait et de réserves, le pouvoir de fixation des prix de
produits pétroliers restent très élevés, environ l’OPEP se renforcera d’avantage. À long terme
150 millions de barils étant actuellement stockés toutefois, les sources d’énergie alternatives
à bord de navires en mer pour cause de faible comme le charbon, le gaz naturel, le nucléaire et
demande et de saturation de certaines facilités de diverses énergies renouvelables, devraient
stockage sur terre. plafonner le prix réel du pétrole. Selon les
estimations du secteur, au niveau actuel des prix
Bien que l’offre à très court terme soit
réels du pétrole, l’offre et la demande devraient
généreuse, les perspectives à plus long terme
rester équilibrées à court terme.
sont incertaines. Au cours des dernières
décennies, l’offre des pays hors OPEP (à Les métaux
l’exception des pays de l'ancienne Union
soviétique dont la production a fortement La récession mondiale s’est traduite par un net
augmenté au début des années 2000) a été recul de la demande pour les métaux. Au premier
globalement stable, l'augmentation de la semestre 2009, la consommation mondiale
production du Brésil, du Canada et de l'Afrique d’aluminium et de cuivre, les deux métaux les
de l'Ouest ayant été compensée par la baisse de plus importants en termes de volume, a chuté
la production des États-Unis et en mer du Nord. respectivement de 19 % et 11 %. La
Bien que la forte hausse des prix se soit traduite reconstitution des stocks des sociétés chinoises
par un renforcement des investissements, la (la Chine est le premier consommateur mondial
croissance des nouveaux gisements a été limitée de métaux) et le State Reserves Bureau ont
en raison des coûts élevés pour 2007-2008 entraîné une forte hausse de la demande au
associés à la pénurie d'équipements et de main- premier semestre mais la reconstitution des
stocks s’est atténuée au second semestre et n’a

22
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

pas encore commencé dans les pays Produits agricoles


industrialisés. Par conséquent, la demande
Bien que les prix des denrées agricoles aient
mondiale pour l’aluminium et le cuivre en 2009
chuté de 22 % depuis leur pic de juin 2008, ils
a chuté respectivement de 11 % et 9 % par
restent toutefois près de deux fois plus élevés
rapport à son pic de 2007 selon les estimations,
que leur plus bas niveau affiché au début des
la demande mondiale hors Chine chutant de plus
années 2000. La récente baisse des prix agricoles
de 20 % pour les deux métaux.
(par rapport à leur pic précédent) reflète le repli
En ce qui concerne l’offre, les mines et les du prix du pétrole (l'un des principaux facteurs
fonderies ont nettement réduit leur production de coûts), l’accumulation des stocks de produits
pendant la phase baissière du cycle. Par ailleurs, agricoles de base comme le riz, le maïs et le blé
les annulations de projets, le durcissement des (figure 1.16) résultant de récoltes favorables, et
conditions sur le marché de la ferraille et la l’expansion des zones de culture des principales
multiplication des grèves (au Canada et en matières premières agricoles.
Amérique du Sud notamment) ont contribué à
réduire l'offre. Sur les deux prochaines années,
les prix des métaux devraient continuer à
légèrement augmenter à mesure que la reprise
mondiale se confirme et que la demande se
renforce. Cette hausse devrait cependant restée
limitée en raison d’une part de la forte
appréciation jusqu'à ce jour mais surtout des
importantes capacités disponibles dans de
nombreux secteurs pouvant être relancées de
façon rentable aux prix actuels. Une fois que la
croissance de la demande aura repris et que les
capacités disponibles auront été éliminées, le
En l’absence de problèmes de production
secteur devra être en mesure de générer les
imprévus, l’offre sur les marchés agricoles
capacités nécessaires pour faire face à la forte
devrait rester généreuse. Par conséquent, les prix
croissance des pays en développement car les
devraient chuter de 13,8 % en 2009 par rapport à
nouvelles mines seront plus chères (exploitation
2008. À moyen et long terme, les prix agricoles
sous-terraine au lieu de mine à ciel ouvert par
devraient rester globalement stables en termes
exemple) et seront souvent situées dans des
réels, reflétant l’opposition de deux forces :
régions présentant des difficultés géopolitiques.
d’une part, la corrélation accrue entre les prix de
Le secteur devra également faire face à
l’énergie et des denrées agricoles (coûts de
l’affaiblissement de la teneur des minerais, à la
production supérieurs et demande en
réhabilitation de l’environnement et des terres
biocarburant) exercera une pression haussière sur
ainsi qu’à des pressions sur l’eau, l’énergie et la
les prix ; et d’autre part les gains de productivité
main-d’œuvre. Les prix des métaux ne devraient
globale des facteurs (habituellement plus élevée
pourtant pas retrouver les pics nominaux atteints
dans l’agriculture que dans l’industrie
au début de la décennie sur la période des
manufacturière) devraient limiter les coûts de
prévisions.
production.
Les inquiétudes quant à la sécurité alimentaire à
court terme ont disparu et la plupart des pays ont

23
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

réduit ou éliminé les interdictions et autres par une volatilité accrue sur les marchés
restrictions à l’exportation mises en place concernés. De même, l’utilisation de produits
pendant l’envolée du prix des produits de base agricoles comme source alternative de carburant
en 2008. Les défis que représente la hausse du pourrait introduire une certaine cyclicité dans les
prix des denrées alimentaires en termes de prix alimentaires qui n’était pas présente jusqu’à
pauvreté restent cependant d’actualité. À long aujourd’hui.
terme, les gains de productivité au niveau
mondial devraient garantir l’offre alimentaire L'inflation
mais, dans de nombreux pays pauvres, la De même que la forte hausse des prix des
productivité agricole n’arrive pas à suivre le denrées alimentaires et du carburant a généré une
rythme de la croissance démographique. Il existe augmentation rapide de l’inflation globale dans
donc un risque croissant de dépendance vis-à-vis les pays à revenu élevé et en développement en
des denrées importées pour répondre aux besoins 2008, la baisse des prix des produits de base en
de base. Ainsi, de 1980 à 2004, le PIB agricole 2009 et le ralentissement exceptionnel de
par habitant de l’Afrique subsaharienne était l'économie mondiale ont entraîné un
inférieur à 1 % par an (contre plus de 3 % en effondrement de l'inflation globale (figure 1.18).
Asie de l’Est).

Perspectives
À moyen terme, les prix réels des produits de
base devraient rester relativement stables, les
risques haussiers et baissiers restant plus ou
moins équilibrés (figure 1.17). La récente hausse
des prix reflète la dépréciation du dollar et un
certain surajustement associé au ralentissement
de l’activité économique mondiale. À long
terme, il existe un risque que les produits de base
non industriels deviennent plus procycliques et
volatils que par le passé. Si l’influence des
investisseurs financiers sur les marchés des Le taux médian de l'inflation des prix à la
produits de base se renforce, la nature consommation en glissement annuel dans les
procyclique de leurs activités pourrait se traduire pays à revenu élevé, qui a atteint un pic de 5,2 %
à la mi-2008, est passé en territoire négatif en
juillet pour remonter à 0,6 % en novembre 2009.
Le taux d’inflation médian pour les pays en
développement est quant à lui tombé d’un pic de
12,4 % à la mi-2008 à seulement 2,6 %. Malgré
le recul de l’inflation globale, l’inflation de base
est restée relativement stable dans les pays à
revenu élevé (figure 1.19), à l’exception du
Japon où elle est passée en dessous de zéro.
Étant donné que la déflation du prix des produits
de base a été en grande partie absorbée par le
système, l’inflation globale devrait commencer à

24
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Par conséquent, à fin mai 2009, le prix des


denrées alimentaires dans les pays en
développement avait augmenté environ 8 % plus
vite que les prix hors alimentation comparé à
janvier 2003. Ceci indique que les pauvres dans
ces pays n’ont pas bénéficié de la baisse des prix
alimentaires mondiaux au même degré que les
pauvres des pays riches et qu’une part
importante des 130 millions de personnes étant
tombées dans une pauvreté extrême lorsque les
prix alimentaires était au plus haut (Banque
mondiale 2009b) n’ont pas changé de situation
se redresser pour se rapprocher des taux de malgré la baisse du prix des denrées à
l’inflation de base dans les mois à venir. l’international.
L’inflation globale aux États-Unis et dans les
pays du G7 devrait atteindre en moyenne 1,6 % Le commerce
et 1,1 % respectivement en 2010. Le commerce international a évolué globalement
L’évolution de l’inflation a changé radicalement en ligne avec la production industrielle, avec un
pour les pays à revenu faible ou intermédiaire. repli toutefois plus marqué et une reprise en
L’inflation médiane dans les pays à faible revenu retrait. La valeur des échanges mondiaux en
a atteint un sommet à 15,4 % au milieu de 2008 dollar a chuté de 31 % entre août 2008 et son
mais s’inscrivait à seulement 1,2 % en octobre plus bas en mars 2009 (figures 1.21a et 1.21b).
2009, un niveau nettement inférieur à celui En termes de volumes, le recul est moins
observé avant l’envolée des prix de l’alimentaire prononcé si l’on ne tient pas compte de la chute
et du carburant. Toutefois, l’inflation des denrées du prix des produits de base et des fluctuations
alimentaires dans les pays en développement a de change, mais ils affichaient une baisse de 22
chuté moins rapidement que l’ensemble des prix % en mars 2009. Bien que les échanges aient
dans les deux tiers de ces pays pour lesquels des repris depuis ces plus bas, ils restaient inférieurs
données sont disponibles jusqu'en mai 2009 de 2,8 % à leurs niveaux d'avant la crise en
(figure 1.20). octobre 2009.
Ce retard dans le rebond des échanges
commerciaux ne reflète pas uniquement la
faiblesse du financement des importations (bien
que ce facteur ait certainement joué un rôle)
mais surtout le niveau encore particulièrement
bas des investissements (les biens d’équipement
font généralement l’objet de nombreux
échanges). Les investissements mondiaux
auraient chuté de 9,7 % en 2009 et leur
croissance n'est estimée qu'à 4,9 % pour 2010.
Le repli initial des volumes d’importations a été
plus marqué dans les pays à revenu élevé,
notamment en raison du ralentissement de la

25
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

croissance déjà entamé avant la faillite de 2008, les arrivées de touristes avaient reculé de 7
Lehman Brothers. Ce repli s’est accentué et % au premier semestre 2009 (figure 1.22). Sur le
généralisé avec la crise, les volumes mondiaux plan régional, les pays d’Europe centrale et de
d’importations chutant à un rythme annualisé de l’Est ont enregistré la plus forte baisse du
40 % au premier trimestre 2009. Les tourisme (11 %) tandis que l’Afrique bénéficiait
importations des pays à revenu élevé ont atteint d’une légère hausse. Le Mexique a été
un point bas en chutant de 24 % par rapport à particulièrement touché, les arrivées de touristes
leur niveau d'août 2008 contre un repli de 25 % chutant de 19 % (en glissement annuel) au
pour les pays en développement. deuxième trimestre, les effets de la récession
mondiale ayant été exacerbés par l’épidémie de
Le recul des échanges a été moins marqué dans
grippe A(H1N1) et les efforts déployés pour
les pays asiatiques grâce en partie au programme
éviter la contamination. Plus récemment, le
de relance budgétaire de la Chine. La plupart des
tourisme mondial semble s'être redressé, les
partenaires commerciaux de la Chine ont
volumes de juillet n'étaient en effet inférieurs
bénéficié du rebond des importations chinoises.
que de 4 % à la même période de l'année
Au troisième trimestre, la demande pour les
précédente. Malgré les efforts consentis pour
importations s’était redressée dans la plupart des
soutenir le tourisme par le biais de déductions
pays. Après une faiblesse temporaire reflétant la
fiscales, du relâchement des restrictions de visa
contraction de la demande domestique, la
et de programmes d'investissement,
croissance des volumes d’importations a atteint
l'Organisation mondiale du tourisme table sur
29 % en octobre aux États-Unis (taux moyen
corrigé des variations saisonnières), 27 % en
Allemagne et 31 % au Japon en novembre.
Dans l’ensemble, les échanges de services ont
été plus soutenus que les échanges de
marchandises en raison notamment du fait
qu’une plus grande part des services est destinée
à la consommation personnelle et non aux
dépenses d’investissement. Le tourisme fait
exception puisqu'il est considéré comme un luxe
et est de ce fait plus volatil. L’Organisation
mondiale du tourisme a indiqué que, comparé à

26
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

une baisse des volumes mondiaux comprise resserrement des déficits commerciaux entre la
entre 4 % et 6 % en 2009. Chine et les États-Unis. Globalement, la valeur
absolue de la balance mondiale des opérations
Dans l’ensemble, les volumes d'échanges
courantes (somme de tous les excédents majorée
mondiaux de marchandises se sont contractés de
de la valeur absolue de tous les déficits) devrait
17,6 % en 2009 selon les estimations, les biens
selon les estimations passer d’un pic de 5,9 % du
et services accusant quant à eux un repli de 14,4
PIB mondial en 2008 à environ 3,9 % en 2009.
%. Au vu de la faiblesse de la reprise prévue et
Au vu de la taille des écarts de production et de
des effets de base, les échanges ne devraient
l’absence de pressions favorables à une demande
progresser que de 4,3 % en 2010 et 6,2 % en
excédentaire (en particulier dans les pays à
2011. Par conséquent, même deux ans après le
revenu élevé), facteurs qui devraient contribuer à
début de la reprise, le volume total des biens et
limiter le prix du pétrole, ce resserrement devrait
services échangés devrait encore être inférieur de
être globalement stable, avec une légère hausse
5 % à son pic de 2008.
des déficits à environ 4,1 % du PIB en 2011
Les envois de fonds des travailleurs émigrés sont (figure 1.23).
une autre source importante de devises pour les
Le recul du déficit courant des États-Unis reflète
pays en développement et représentent pour
la poursuite du resserrement existant de la
certains d’entre eux jusqu’à 20 % de leur PIB.
balance commerciale hors pétrole qui avait été
Ces envois ont été plus stables que les flux de
masqué par la hausse du prix de l’or noir. Il
capitaux liés aux échanges de marchandises mais
traduit également une nette augmentation du
ont toutefois reculé de 6,1 % en 2009 selon les
taux d'épargne des ménages, l'effet de richesse
estimations (encadré 1.1).
de la bulle immobilière ne soutenant plus les
niveaux élevés de consommation. La légère
Réduction des déficits des paiements extérieurs
mondiaux augmentation récente du déficit commercial
En données cumulées, la crise a entraîné un américain reflète principalement la hausse du
resserrement des déficits mondiaux attribuable à prix du pétrole, les déficits du secteur public
la baisse globale du volume des échanges (pour n’ayant que partiellement compensé la hausse de
un pourcentage donné de déséquilibre entre l'épargne. Le resserrement marqué des excédents
importations et exportations, le recul des chinois est directement attribuable au recul des
échanges se traduit par une réduction du déficit échanges mondiaux et au programme de relance
mondial), à la chute du prix du pétrole et au chinois qui a soutenu les importations à un

27
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Encadré 1.1 Perspectives des envois de fonds


Les envois de fonds de travailleurs émigrés vers les pays en développement officiellement enregistrés ont atteint
un sommet à 338 milliards de dollars en 2008, soit une hausse de 16,7 % par rapport à 2007, et ce malgré un
repli des envois vers plusieurs destinations au dernier trimestre 2008. Sur la base des données mensuelles et tri-
mestrielles publiées par certaines banques centrales et conformément aux prévisions économiques mondiales de
la Banque mondiale, on table sur une baisse de 6,1 % des rapatriements de salaires vers les pays en développe-
ment en 2009 avant une reprise en 2010. L’affaiblissement du marché du travail aux États-Unis s’est traduit par
une baisse significative des envois de fonds de travailleurs émigrés vers l’Amérique latine, et en particulier vers
la Jamaïque et le Mexique qui ont vu leurs envois de fonds reculer de 16 % et 13 % respectivement. En re-
vanche, les envois vers certains pays d’Asie du Sud comme le Bangladesh ou le Pakistan ont continué à afficher
une croissance positive en 2009 avec une progression de respectivement 16 % et 27 %. Dans le cas du Pakistan,
ceci s’explique par les mesures prises par les autorités pour augmenter les flux passant par les circuits officiels,
avec notamment des subventions pour les frais de marketing des fournisseurs de services de transfert de fonds («
Pakistan Remittance Initiative »). Par ailleurs, certains émigrés reviennent aux pays avec leurs économies accu-
mulées.a
Les envois de fonds, toutes régions confondues, devraient toutefois diminuer par rapport à leurs niveaux de 2008
et cette détérioration devrait être plus marquée en Europe et en Asie centrale (-15 %) tandis que l’Asie du Sud
devrait connaître un repli plus modéré de 2 %. Les envois de fonds vers l’Asie du Sud ont fortement progressé
en 2008 malgré la crise économique mondiale mais il existe un risque de ralentissement différé en réponse à
l'affaiblissement économique. L’Asie de l’Est et l’Afrique subsaharienne présentent les mêmes risques. Les en-
vois de fonds vers l’Amérique latine et les Caraïbes d’une part et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord d’autre
part ont été inférieurs aux attentes en 2009 mais ils semblent déjà avoir atteint un plancher et devraient se re-
dresser en 2010 et 2011.
Dans l’ensemble, les prévisions tablent sur une reprise des flux de migration et des envois de fonds en 2010 et
2011 mais cette reprise devrait être limitée et les rappariements de salaires ne devraient pas retrouver leurs
niveaux de 2008 même en 2011. Dans toutes les régions en développement, les envois de fonds devraient faire
face à trois risques baissiers : une reprise économique sans création d’emplois, un renforcement des contrôles de
l’immigration et une évolution imprévisible des taux de change. Malgré ces risques, les envois de fonds
devraient mieux résister que les flux de capitaux privés et leur part du financement externe devrait augmenter
dans de nombreux pays. Les autorités pourraient réagir en adoptant des mesures permettant de faciliter la migra-
tion et les envois de fonds afin de rendre ces flux moins chers, plus sûrs et plus productifs à la fois pour les pays
envoyeurs et receveurs.b
a. Voir http://www.pri.gov.pk/.
b. Ratha 2009. "Dollars Without Borders: Can the Global Flow of Remittances Survive the Crisis?" Foreign Af-
fairs, 16 octobre. http://www.foreignaffairs.com/articles/65448/dilip-ratha/dollars-without-borders.

moment où la demande mondiale pour les réduites, le déficit commercial pourrait repartir à
exportations était affaiblie (figure 1.24). la hausse. Bien que la croissance américaine
n’en soit qu’aux premiers stades de la reprise, les
La poursuite de ce resserrement dépendra du
récentes améliorations des opérations courantes
dénouement des mesures de relance budgétaires
se sont maintenues au troisième trimestre 2009,
et monétaires dans ces deux pays. Dans le cas
la hausse marginale du déficit courant de 2,8 % à
des États-Unis, si le taux d’épargne des ménages
3,0 % du PIB étant principalement attribuable à
baisse à mesure que la reprise se confirme mais
la hausse des coûts d'importation du pétrole.
que les dépenses du secteur public ne sont pas

28
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

En Chine, l’efficacité des mesures de relance budgétaires, la fin progressive du


gouvernementales en matière de stimulation de cycle des stocks, l'incertitude concernant
la demande domestique déterminera l’éventuelle l'ampleur de la confiance du secteur privé et la
hausse de son excédent commercial à mesure de possibilité d'une deuxième série de faillites
la reprise des échanges mondiaux. Jusqu’à bancaires dans les pays développés ou en
présent, les efforts de relance se sont concentrés développement sont autant de facteurs qui
sur le renforcement des investissements en pourraient contribuer à un ralentissement plus
infrastructures. Si, comme le craignent certains, prononcé de la croissance au second semestre
ils ne font que soutenir la compétitivité des 2010 et en 2011 qui se traduirait par une
exportations du pays sans provoquer une récession à double creux.
augmentation des dépenses domestiques,
En revanche, en cas de regain de confiance du
l’excédent commercial de la Chine pourrait
secteur privé, les importantes mesures de relance
gonfler à nouveau à mesure que le commerce
monétaires traditionnelles et non traditionnelles
mondial reprend des couleurs. Si une flexibilité
qui ont été mises en place pourraient commencer
accrue des taux de change contribuerait à
à faire effet, regonflant potentiellement les bulles
renforcer l’attrait des marchés domestiques pour
qui viennent d’éclater avec la crise. En effet,
les producteurs chinois, une telle décision est
certains (Roubini 2009) opinent déjà que les
peu susceptible d’éliminer la propension de la
politiques monétaires très accommodantes
Chine à accumuler d’importants excédents
adoptées par les pays à revenu élevé ont fait
commerciaux, à moins qu’elle ne s’accompagne
naître une opportunité de portage qui sous-tend
de changements structurels visant à réduire le
une résurgence non viable des flux de capitaux
taux d’épargne des ménages et des entreprises.
vers les pays en développement et qui pourrait
Le scénario de base table sur une réduction donner lieu aux mêmes types de déséquilibres
modérée des déficits mondiaux à moyen terme. qui ont été à la source de la crise actuelle.
L’excédent des opérations courantes de la Chine
Dans les pages suivantes, nous présentons
devrait passer de 5,6 % du PIB en 2009 à 4 % en
certains de ces problèmes ainsi que des
2011 tandis que le déficit des États-Unis devrait
simulations visant à illustrer de possibles
afficher une hausse marginale de 2,9 % en 2009
solutions alternatives en fonction de l’influence
à 3,1 % du PIB en 2011. Dans l’ensemble,
de ces pressions, présentes dans notre scénario
l’ampleur des déficits mondiaux exprimés par la
de base, au cours des mois à venir. Ces scénarios
valeur absolue de la balance des transactions
alternatifs ne visent pas à quantifier les résultats
courantes en pourcentage du PIB mondial
du pire ou du meilleur des cas mais cherchent
devrait chuter d’un pic de 5,9 % en 2008 à 4,5 %
plutôt à illustrer la fourchette raisonnable des
en 2011.
résultats possibles au vu des incertitudes qui
persistent aujourd’hui.
Des perspectives incertaines
Comme nous l’avons indiqué précédemment, la Une récession plus prononcée
reprise économique en cours devrait se
Le tableau 1.2 illustre les résultats de deux
poursuivre pendant plusieurs mois et soutenir
scénarios. Le premier présente les perspectives
une croissance relativement rapide. Les
de croissance du PIB dans l’hypothèse où
perspectives pour le second semestre 2010 et au
l’amélioration progressive des marchés
delà sont toutefois caractérisées par une grande
financiers mondiaux figurant dans le scénario de
incertitude. L'atténuation de l'impact des mesures
base n’est pas aussi marquée que prévu et

29
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

souffre des premiers efforts visant à retirer les Tableau 1.2 Les perspectives restent incertaines
mesures budgétaires et monétaires en place. Croissance du PIB réel (%)
Dans ce scénario, le léger durcissement de la Scénario de base
politique monétaire et budgétaire et la poursuite Région 2008 2009 2010 2011
de la restructuration du secteur bancaire freinent Monde 1.7 -2.2 2.7 3.2
Pays à haut revenu 0.4 -3.3 1.8 2.3
la croissance des investissements qui est
Pays en développement 5.6 1.2 5.2 5.8
inférieure à celle du scénario de base. Les Asie de l'Est et Pacifique 8.0 6.8 8.1 8.2
résultats figurant dans la deuxième partie du Europe et Asie centrale 4.2 -6.2 2.7 3.6
tableau sont basés sur une simulation fondée sur Amérique latine et Caraïbes 3.9 -2.6 3.1 3.6
l'hypothèse selon laquelle l'augmentation des Moyen Orient et Afrique du Nord 4.3 2.9 3.7 4.4
déficits structurels de 2009 4 est réduite de 10 % Asie du Sud 5.7 5.7 6.9 7.4
Afrique subsaharienne 5.1 1.1 3.8 4.6
en 2010 et de 20 % supplémentaires en 2011, et
le rebond des investissements ne représente que Scénario de récession aggravée
80 % de celui prévu dans le scénario de base. Région 2008 2009 2010 2011
Dans ce cas, la croissance mondiale est Monde 1.7 -2.2 2.5 2.7
Pays à haut revenu 0.4 -3.3 1.6 1.8
inférieure d’environ 0,2 points de pourcentage en
Pays en développement 5.6 1.2 5.1 5.4
2010 et 0,5 points de pourcentage en 2011 à Asie de l'Est et Pacifique 8.0 6.8 7.9 7.5
celle du scénario de base. Les taux de croissance Europe et Asie centrale 4.2 -6.2 2.6 3.2
dans les pays à revenu élevé reculent de 0,2 et Amérique latine et Caraïbes 3.9 -2.6 3.0 3.2
0,5 points de base respectivement en 2010 et Moyen Orient et Afrique du Nord 4.3 2.9 3.7 4.4
2011. Ces chiffres sont supérieurs au repli de 0,1 Asie du Sud 5.7 5.7 6.9 7.3
Afrique subsaharienne 5.1 1.1 3.8 4.4
et 0,4 points de pourcentage prévu pour les pays
en développement en raison notamment de Scénario de croissance renforcée
l'ampleur beaucoup plus marquée des Région 2008 2009 2010 2011
programmes de relance dans les pays à revenu Monde 1.7 -2.2 3.1 3.4
élevé. En effet, les contraintes financières de Pays à haut revenu 0.4 -3.3 2.2 2.4
nombreux pays en développement ont empêché Pays en développement 5.6 1.2 5.8 6.3
toute véritable augmentation anticyclique des Asie de l'Est et Pacifique 8.0 6.8 9.0 8.8
Europe et Asie centrale 4.2 -6.2 3.1 4.0
dépenses.
Amérique latine et Caraïbes 3.9 -2.6 3.6 4.2
Les déséquilibres mondiaux se réduisent dans ce Moyen Orient et Afrique du Nord 4.3 2.9 4.1 4.6
scénario du fait du repli de la demande dans les Asie du Sud 5.7 5.7 7.4 7.6
Afrique subsaharienne 5.1 1.1 4.0 5.1
pays à revenu élevé. Par ailleurs, la désinflation,
le chômage et la taille des écarts de production Source : Banque mondiale.
deviennent des problèmes de plus en plus graves. permet pas de soutenir le rebond des
investissements qui suit habituellement une
Un enthousiasme accru du secteur privé période de forte récession.
La réaction du secteur privé à la reprise reste Toutefois, au vu de la politique monétaire
l’une des principales incertitudes caractérisant particulièrement accommodante appliquée dans
les perspectives. Selon le scénario de base, les les pays à revenu élevé, il est probable que les
effets négatif sur la richesse liés à la crise et taux d’épargne des ménages chutent plus
l’endettement partagé pendant la reprise limitent rapidement que ne le prévoit le scénario de base.
la consommation pendant plusieurs années. De De même, les investissements pourraient être
plus, l’affaiblissement du secteur bancaire ne lui

30
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

plus stimulés que prévu par la faiblesse des taux l’épargne aux États-Unis contribue à gonfler son
d’intérêt et le regain de confiance des déficit courant à hauteur d’environ 0,2 % du
intervenants 5. PIB.
La troisième partie du tableau illustre les Impact de la crise sur les personnes très
résultats d’une simulation basée sur l’hypothèse pauvres
selon laquelle le taux d’épargne aux États-Unis La crise financière a sérieusement affecté les
chute de son niveau actuel de 3,4 % du revenu chances de réaliser les Objectifs de
des ménages à environ 2,7 %, soit un niveau développement pour le Millénaire (ODM) en
proche de sa moyenne pour les années 2000. Les 2015. Les estimations actualisées de la Banque
taux d’épargne dans les pays européens à revenu mondiale indiquent que la crise provoquera une
élevé reculent eux aussi dans les mêmes augmentation du nombre de personnes vivant
proportions selon ce scénario. sous le seuil de pauvreté de 57 millions en 2009
Dans ce cas, l’augmentation mondiale de la et de 76 millions en 2010 par rapport à un
consommation et des investissements entraîne scénario sans crise 6. Malgré ces statistiques
une augmentation de la croissance du PIB déprimantes, la reprise relativement rapide dans
d’environ 0,4 points de pourcentage pour les les pays en développement, leurs perspectives à
pays à revenu élevé et 0,6 % pour les pays en moyen terme telles que décrites dans la première
développement en 2010. Par conséquent, le partie de ce chapitre et les progrès significatifs
commerce mondial est supérieur de près de 0,2 accomplis dans la plupart des régions depuis
points de pourcentage au scénario de base en 1990 permettent d’espérer que les ODM seront
2011 et les écarts de production sont inférieurs atteints au niveau mondial.
d’environ 0,6 points de pourcentage. Le recul de

Tableau 1.3 La pauvreté dans les pays en développement par région, différentes années
Région ou pays 1990 2005 2015 2020 1990 2005 2015 2020
Pourcentage de la population Nombre de personnes vivant de
vivant de moins de 1,25 USD/jour moins de 1,25 USD/jour
As i e de l 'Es t et Pa ci fi que 54.7 16.8 5.9 4.0 873 317 120 83
Chi ne 60.2 15.9 5.1 4.0 683 208 70 56
Europe et As i e centra l e 2.0 3.7 1.7 1.2 9 16 7 5
Améri que l a ti ne et Ca ra ïbes 11.3 8.2 5.0 4.3 50 45 30 27
Moyen Ori ent et Afri que du Nord 4.3 3.6 1.8 1.5 10 11 6 6
As i e du Sud 51.7 40.3 22.8 19.4 579 595 388 352
Indi e 51.3 41.6 23.6 20.3 435 456 295 268
Afri que s ubs a ha ri enne 57.6 50.9 38.0 32.8 296 387 366 352
Tota l 41.7 25.2 15.0 12.8 1,817 1,371 918 826

Pourcentage de la population Nombre de personnes vivant de


vivant de moins de 2,00 USD/jour moins de 2,00 USD/jour
As i e de l 'Es t et Pa ci fi que 79.8 38.7 19.4 14.3 1,274 730 394 299
Chi ne 84.6 36.3 16.0 12.0 961 473 220 168
Europe et As i e centra l e 6.9 8.9 5.0 4.1 32 39 22 18
Améri que l a ti ne et Ca ra ïbes 19.7 16.6 11.1 9.7 86 91 67 62
Moyen Ori ent et Afri que du Nord 19.7 16.9 8.3 6.6 44 52 30 26
As i e du Sud 82.7 73.9 57.0 51.0 926 1,091 973 926
Indi e 82.6 75.6 58.3 51.9 702 828 728 686
Afri que s ubs a ha ri enne 76.2 73.0 59.6 55.4 391 555 574 595
Tota l 63.2 47.0 33.7 29.8 2,754 2,557 2,060 1,926
Source : Ba nque mondi a l e.

31
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

Les prévisions actuelles concernant le moyen (ou de la consommation). Depuis le


pourcentage de la population des pays en rapport de l’année dernière, les prévisions de
développement vivant avec 1,25 dollar par jour pauvreté intègrent 31 nouvelles enquêtes auprès
ou moins (mesure standard du seuil de pauvreté) des ménages. En combinant ces nouvelles
sont de 15 % (tableau 1.3), niveau nettement enquêtes aux prévisions de croissance de l’année
inférieur au taux cible de 20,8 % (la moitié de dernière, on obtient un recul de 0,5 points de
l'indice de pauvreté en 1990). Ainsi, environ 920 pourcentage de l’indice de pauvreté cumulé de
millions de personnes vivraient en dessous du 15,5 % à 15,0 % (figure 1.25). La plus grande
seuil de pauvreté international, soit environ 50 % variation concerne la Chine pour laquelle
du nombre de pauvres estimé en 1990. Notons l’utilisation des nouvelles enquêtes implique une
toutefois qu’il existe d’importantes variations réduction de l’indice de pauvreté estimé pour
régionales. La région Asie de l’Est et le 2015 d’environ 2 points de pourcentage.
Pacifique dépassera largement son objectif grâce L’Afrique subsaharienne affiche quant à elle une
principalement à la forte réduction de la pauvreté légère augmentation de 0,3 points de
en Chine, pays de loin le plus peuplé de la pourcentage pour la même raison. Par rapport à
région. L’Afrique subsaharienne devrait quant à 2008, les nouvelles prévisions économiques
elle être en deçà de son objectif (de plus de 9 n’ont aucun effet net au niveau cumulé mais
points de pourcentage), tout comme l’Europe et elles se traduisent par une légère augmentation
l’Asie centrale. La mauvaise performance de de l’indice de pauvreté pour l’Afrique
l’Afrique reflète en grande partie la faible subsaharienne ainsi que l’Asie de l’Est et le
croissance des années 1990 et les ajustements Pacifique 7.
économiques nécessités par la transition d’une
L’année 2015 approchant à grand pas, il est utile
économie planifiée à une économie de marché
de se pencher sur l’avenir pour évaluer les
sont pris en compte. Ces deux régions devraient
besoins des pays en développement dans 10 ans.
réaliser d’importants progrès en matière de
Les nouvelles prévisions pour 2020 tablent sur
réduction de la pauvreté entre 2005 et 2015.
826 millions de citoyens des pays en
Les données basées sur la définition plus large développement vivant avec 1,25 dollar par jour
d’un seuil de 2 dollars/jour semblent toutefois ou moins, soit 12,8 % de la population, chiffre
moins encourageantes, l’indice de pauvreté qui passe à près de 2 milliards si l’on utilise le
tombant alors à un niveau toujours élevé d’un seuil de 2 dollars/jour. À cette échéance,
tiers de la population totale des pays en
développement et de plus de 50 % du niveau de
1990, quelque 2 milliards de personnes vivant
avec moins de 2 dollars par jour.
Comme chaque année, les prévisions de pauvreté
sont basées sur une combinaison de deux
facteurs : les dernières enquêtes auprès des
ménages et les nouvelles prévisions de
croissance du revenu par habitant. Outre les
avancées méthodologiques des enquêtes les plus
récentes, ces prévisions reflètent l’évolution de
la distribution sous-jacente des revenus qui n'est
pas mesurée par les fluctuations du revenu

32
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

l’Afrique subsaharienne n’aura toujours pas gouvernementales devraient privilégier des


atteint les ODM en matière de pauvreté. stratégies de croissance visant à optimiser la
productivité. En particulier dans les pays à faible
Politiques pour les pays en développement revenu, ces stratégies pourraient s’attaquer
Bien que la crise financière soit derrière nous et simultanément à plusieurs problèmes structuraux
que la reprise économique mondiale semble en sous-jacents tels que la qualité des institutions, la
cours, les autorités et les institutions financières réforme des réglementations et l’ouverture,
internationales doivent encore faire face à de autant de facteurs essentiels pour promouvoir
nombreux défis, au premier rang desquels figure une accélération de la croissance de la
la gestion du retrait des mesures de relance productivité. Si ces politiques réussissent à
budgétaires et monétaires qui ont largement générer une production et des recettes
permis d’éviter une crise beaucoup plus grave. gouvernementales supplémentaires, les dépenses
associées seront alors plus viables que les
Le bon timing du resserrement des politiques dépenses plus traditionnelles. Les pays
budgétaires et monétaires sera essentiel pour ne bénéficiant d’une marge de manœuvre
pas tuer la reprise dans l'œuf. Il convient budgétaire suffisante pourraient chercher à
également de tenir compte du fait que des mettre en place des mesures visant à réduire les
conditions monétaires et budgétaires trop goulots d’étranglement (dans l’infrastructure). Si
accommodantes dans les pays à revenu élevé elles sont orientées judicieusement en faveur du
pourraient engendrer des conditions dangereuses capital humain et physique, ces mesures
dans les pays en développement. On constate pourraient permettre à un pays de se positionner
déjà que les très faibles taux d’intérêt appliqués pour mieux profiter de la reprise mondiale
dans les pays à revenu élevé encouragent des lorsqu'elle se concrétisera grâce à une meilleure
opérations de portage qui risquent de exploitation de ses avantages compétitifs
promouvoir des entrées de capitaux existants et à la création de nouveaux avantages.
déstabilisantes vers les pays en développement,
favorisant ainsi la création de nouvelles bulles
Notes
spéculatives et les conditions d'une future crise.
Pour les pays en développement, la gestion du 1. Le potentiel de production est le niveau de
redressement des flux de capitaux est un défi de production correspondant à une pleine utilisation de
taille. Une plus grande flexibilité des taux de tous les facteurs de production, à savoir la main-
change pourrait être nécessaire pour éviter de d’œuvre, le capital et la technologie.
nouvelles bulles sur le prix des actifs. Si ces 2. Selon les estimations (FMI 2009), l’ensemble des
entrées de capitaux se maintiennent et qu’elles revenus des pays IDA est passé en moyenne de 26,2
sont consacrées à des investissements productifs, % du PIB sur la période 2000-2008 à 21,9 % du PIB
elles pourraient représenter une aubaine pour les en 2009. Ce repli de 4,3 % (en pourcentage du PIB)
des revenus correspond à un montant de près de 35
pays en développement (voir l’analyse au
milliards de dollars. Si l’on compare les revenus 2009
chapitre 2). Toutefois, si elles dépassent la
à ceux de l’année précédente (le total des revenus
capacité d’absorption de ces pays ou qu’elles 2008 représentait 28,1 % du PIB), cette baisse s'élève
sont réduites brutalement, les conséquences à près de 50 milliards de dollars.
pourraient être dramatiques.
3. Les prévisions de besoins et de déficit de
Au vu de la faible croissance et des ajustements financement externe sont basée sur la méthodologie
associés dans la sphère réelle prévus à moyen mise au point par la Banque mondiale (2009a) et
terme (voir les chapitres 2 et 3), les politiques évaluent le degré auquel les flux de capitaux de

33
Perspectives pour l’économie mondiale 2010

sources privées répondront aux besoins de financement Document de base preparé pour le Sommet des
externe des pays en développement tels que définis par chefs d'etats et de gouvernement du G20,
le déficit courant et le remboursement prévu du principal Pittsburgh, PA, 24-25 septembre de 2009. http://
sur la dette privée. La réduction de la dette privée à court siteresources.worldbank.org/NEWS/Resources/
terme devrait se poursuivre en 2010 alors que la dette à WorldBankG20PaperonLICsSept2009.pdf
moyen et long terme devrait légèrement augmenter.
BCE (Banque centrale européenne). 2009a. “What
4. Le programme de relance budgétaire des pays du G20 Triggers Prolonged Inflation Regimes? A
correspond à la modification de la mesure Historical Analysis,” par Isabel Vansteenkiste.
discrétionnaire du déficit budgétaire de Horton, Kumar Working Paper Series.
et Mauro (2009). Pour les autres pays en
_____________2009b. Financial Stability Review,
développement, il correspond à l’évolution du déficit
décembre 2009. Francfort, Allemagne. http://
structurel (dans les pays où les dépenses structurelles ont
www.ecb. europa.eu.
augmenté en pourcentage du PIB) en utilisant les
estimations du FMI pour les dépenses et recettes Chen, S., and M. Ravallion. “The Impact of the
publiques générales. Global Financial Crisis on the World’s Poorest.”
Vox: Research-based policy analysis and
5. Au début des années 2000, les investissements ont
commentary from leading economists [Consulté
progressé à un rythme environ 1,6 fois supérieur à la
le 9 décembre 2009], www.voxeu.org/index.php?
croissance du PIB dans les pays en développement avec
q=node/3520.
des pics à 2 fois la croissance du PIB pendant les phases
haussières. Selon le scénario de base, ce rapport entre FMI (Fonds monétaire international). 2009. World
investissements et PIB correspond globalement aux Economic Outlook. Washington, DC.
tendances du début de la décennie (environ 1,4 fois la Friedman, Jed, and Norbert Schady. 2009. “How
croissance du PIB dans la plupart des pays). En Many More Infants Are Likely to Die in Africa
appliquant le ratio historique le plus généreux de 2 as a Result of the Global Financial Crisis?”
pendant les phases haussières, on en conclut que les Document de travail consacré à la recherche sur
investissements pourraient progresser au rythme moyen les politiques 5023, Banque mondiale,
de 10,9 % en 2010-2011 contre 7,8 % selon le scénario Washington, DC. http://www-
de base. wds.worldbank.org/external/default/
6. Ces calculs actualisent ceux de Ravallion (2009) et de WDSContentServer/IW3P/
la Banque mondiale (2009c) et tiennent compte des IB/2009/08/20/000158349_20090820140450/
données des nouvelles enquêtes et des prévisions de Rendered/PDF/WPS5023.pdf
croissance révisées présentées dans ce rapport. Horton, Mark, Manmohan Kumar, and Paolo Mauro.
7. Nous n’avons pas transposé ces évolutions sous forme 2009. “The State of Public Finances: A
d’ajustements des prévisions de croissance proprement CrossCountry Fiscal Monitor.” IMF Staff
dites, ni de l’élasticité de la pauvreté par rapport à la Position Note SPN/09/25, Fonds monétaire
croissance telle qu’elle ressort des nouvelles enquêtes . international, Washington, DC.
International Energy Agency. 2009. Oil Market
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Perspectives pour l’économie mondiale 2010

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35

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