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Dossier
de vente
Darwich
deux textes
Discours de l’Indien rouge / Une Mémoire pour l’oubli
Durée : 1h15
Musique
If We Never Meet Again I Hope We Meet To Heaven (0:52), Sung by The Children of Diamond
Rural School, St. Croix, Virgin Island. 1958.
Watani (3:24), Sung by Deir Yasin, Al Qods, Palestine. 1983
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S O M M A I R E
o Fiche technique
o Contacts
o Revue de presse
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Qu’il crève le POETE
par Mohamed Rouabhi – avril 2009
Les immeubles de Beyrouth sont à peu près tous touchés, dans ce qu'on appelle
encore Beyrouth-Ouest. Ils s'affaissent de différentes façons : comme un mille-
feuille serré par les doigts d'un King-Kong géant, indifférent et vorace, d'autres
fois les trois ou quatre derniers étages s'inclinent délicieusement selon un plissé
très élégant, une sorte de drapé libanais de l'immeuble. Si une façade est
intacte, faites le tour de la maison, les autres façades sont canardées. Si les
quatre façades restent sans fissure, la bombe lâchée de l'avion est tombée au
centre et a fait un puits de ce qui était la cage d'escalier et de l'ascenseur.
Abonné pendant des années à la Revue d’Etudes Palestiniennes, je trouve un matin de l’hiver 1993
dans ma boîte aux lettres le n°46 de la revue, bien emballé dans son enveloppe matelassée blanche
durcie par le froid glacial, je sais que je vais devoir annuler mes rendez-vous du jour, me passer
d’un déjeuner, éviter de répondre au téléphone. Même ma femme alors, maudissant intérieurement
le gougeât qu’elle a épousé sans le savoir, grincera des dents quand je passerai devant elle sans un
regard.
Je sais que je vais rester comme je suis sorti de mon lit, habillé à la hâte, encore imbibé de
sommeil et de rêves, assailli de tourments et de désinvoltures. Sale peut-être, mais avec une envie
de café et de cigarette, tout de suite, les pieds nus, cherchant dans ma maison l’endroit le plus
serein pour m’installer et me plonger, seul, dans la lecture de l’épaisse revue que je porte sous le
bras.
Je ne pourrais oublier ce jour, car ce jour il s’est passé quelque chose, une chose qui est arrivé
jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ces mots que je suis en train d’écrire.
Et me voici installé dans un fauteuil près de ma cheminée, et me voici tournant les toutes
premières feuilles, et me voici dès la page 3 projeté en avant avec une force inouïe, à la merci
d’une langue qui va me traverser de part en part, le mouvement parfait du bras qui dans l’air va
dessiner la courbe pure d’un coup de sabre.
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Dans le texte qui précède et qui date de 1996, j’ai tenté de décrire une des étapes de mon travail
qui aboutira quelques mois après à la création pour la première en France dans un théâtre – le
Théâtre Paris-Villette – d’un spectacle à partir de deux œuvres de Mahmud Darwich : Discours de
l’indien rouge et Une mémoire pour l’oubli.
Les conditions quasi-confidentielles de cette création – une quinzaine de représentations, une salle
ne pouvant accueillir que quarante spectateurs ! – n’ont pas empêché de créer autour de ce
spectacle une véritable exaltation, recueillant même auprès de la presse une troublante mais
sincère unanimité.
Je n’ai pas coutume de faire ainsi état de ce qui pourrait passer pour de l’orgueil ou de la
suffisance, mais je ne peux m’empêcher de croire que ce petit travail que nous avions fait
ensemble avec Patrick Pineau il y a 12 ans – une heure à peine de spectacle – méritait amplement
une existence plus longue.
C’est pourquoi j’ai voulu lui donner une deuxième vie, un second souffle, de nouveaux jours.
Je me suis rendu compte que j’avais mis plus d’une année à faire le deuil de Mahmud Darwich,
refusant poliment peu après sa disparition, les nombreuses sollicitations qui m’ont été faîtes, à des
lectures de textes, de poèmes, de récits divers en hommage au poète.
J’avais rencontré Mahmud à de nombreuses reprises, à Paris mais principalement à Ramallah où j’ai
passé presque quatre années à travailler dans des camps de réfugiés ou des prisons palestiniennes,
de 1998 à 2001.
Je peux même dire qu’il y eut un temps où je le voyais régulièrement.
Je savais son aversion pour les cérémonies, les protocoles, les hommages en tout genre, rendez-
vous harassants et morbides où se mêlent aux sincères et muets témoignages de douleur et de
peine, hypocrisie, goût de l’exhibition et spectacle d’une affliction mondaine.
Je connaissais son amour du verbe, sa passion démesurée pour la musique des mots.
Et la musique.
Et les mots.
J’aimais à l’infini sa poignante solitude.
Celle du matin. Celle de la nuit. Celle du café.
J’aimais l’éclat soudain malicieux de ses yeux durs qui accompagnaient le verre de vin qu’il portait
à ses lèvres.
J’aimais l’odeur de ses Gitanes filtres qui imprégnait ses costumes gris et le journal plié dans sa
poche, ses doigts, ses cheveux épais.
J’aimais la nostalgie de cet homme délicat et rugueux, un homme de la terre et un homme de l’air,
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sa nostalgie des fruits et des aromates.
J’aimais les femmes qu’il aimait et j’aimais les femmes qu’il écrivait.
Alors j’ai attendu d’en avoir fini avec les souvenirs du poète. Fini avec les paroles.
Fini avec ses silences dans son vaste bureau du Centre Culturel Khalil Sakakini à Ramallah. Fini avec
sa respiration bruyante dans ce silence. Penché sur une édition du journal Le Monde en arabe.
Ou sur un gros livre qu’il faut tenir à deux mains.
Parce que la poésie est une femme et nos deux mains ouvertes de chaque côté sont une invitation
au regard et au désir de ce regard silencieux et pudique et nos deux mains ne suffisent pas à aimer
la femme et le livre.
Avec la même avidité.
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MAHMOUD DARWICH s ' e n t r e t i e n t avec
H e l i t Yeshurun
Je ne reviens pas, je viens
Entretien du 7 février 1996 à Amman publié dans la revue israélienne Hadarim n° 12, printemps 1996 et traduit de l'hébreu
par Simone Biton.
N° 9 nouvelle série - automne 1996 - Revue d'Études Palestiniennes (Éditions de Minuit)
Extraits
[…]
YELIT YESHURUN : Y a-t-il un seul de vos poèmes qui ne soit pas écrit à partir de l'exil ? La
situation d'exil n'est-elle pas une concrétisation de la position du poète dans le monde, de tout
poète dans sa patrie ou en exil ?
MAHMOUD DARWICH : On peut dire de tous mes écrits qu'ils sont une poésie d'exilé. Je suis né
exilé. L'exil est un concept très vaste et très relatif. Il y a l'exil social, l'exil familial, l'exil dans
l'amour, l'exil intérieur. Toute poésie est l'expression d'un exil ou d'une altérité. Lorsqu'elle
correspond à un vécu réel, c'est un exil concentré, comprimé. Je trouve l'exil dans chacun des mots
que je cherche dans mon lexique. Mais je ne m'en plains pas. Après tout, l'exil a été très généreux
pour mon écriture. Il m'a donné la possibilité de voyager entre les cultures, entre les peuples.
YELIT YESHURUN : L'exil a enrichi votre poésie. Il lui a permis la transformation qui manquait
tellement dans ce que vous écriviez avant de quitter le pays.
MAHMOUD DARWICH : C'est vrai. Mais permettez-moi seulement de corriger les concepts : avant, je
croyais que la poésie participait de la lutte, aujourd'hui je ne pense pas qu'elle ait une fonction
immédiate. L'influence poétique est très lente, c'est une affaire d'accumulation. Ce qui m'a permis
d'adoucir le ton est la distance. La distance m'a permis de m'observer moi-même, d'observer
l'occupation, le paysage et la prison, en y ajoutant une mesure de sainteté ; la poésie s'est
transformée en culte de la beauté, un culte libéré de toute obligation. Disparaître ailleurs est une
libération. Moins on vous connaît, plus vous vous connaissez vous-même. C'est aussi une question de
maturité. Je lisais davantage, j'ai écouté la poésie européenne. J'ai appris à pardonner. Car en fin
de compte, nous sommes tous des exilés. Moi et l'occupant, nous souffrons tous deux de l'exil. Il est
exilé en moi et je suis la victime de son exil. Nous tous, sur cette belle planète, nous sommes tous
voisins, tous exilés, la même destinée humaine nous attend, et ce qui nous unit est le besoin de
raconter l'histoire de cet exil.
YELIT YESHURUN : Le rapport entre la "terre" et la "poésie" nourrit tous vos poèmes. En quoi
consiste-t-il ?
MAHMOUD DARWICH : La terre est ma première mère. Je suis né d'elle et à elle je retournerai. La
terre recèle en elle le cercle de l'existence humaine. Elle est notre ciel concret. Un ciel inversé,
pourrait-on dire. Nous nous élevons, puis nous descendons et nous nous endormons. C'est peut-être
par là que nous rencontrerons Dieu, par la terre. Comme la terre m'a été enlevée et que j'en ai été
exilé, elle s'est transformée en origine et en adresse de mon esprit et de mes rêves. Ce sont des
circonstances extérieures au lieu que la terre occupe dans mon travail. Le symbole de la patrie. Elle
est toute la nostalgie et les rêves de retour. Mais on ne doit pas la considérer seulement comme un
lieu circonscrit. Elle est aussi la terre du monde, et cela aussi est à la base de mon travail. La terre
est une synthèse : elle est à l'origine de la poésie, et elle en est aussi la matière et le langage.
Parfois la terre et la langue sont inséparables. La terre est l'existence physique de la poésie.
YELIT YESHURUN : Dans votre poésie des dix dernières années je sens de plus en plus un
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rapprochement avec la conception juive qui a mûri pendant des siècles d'exil : le texte face à la
réalité, le lieu abstrait face au lieu physique. Dans Une mémoire pour l'oubli, vous écrivez : "Nous
n'avons vu du Liban qu'une langue nous rendant à l'instinct de l'existence". Et dans un autre passage
: "La Palestine n'était plus une patrie mais un slogan vide de sens". Je sais que la comparaison entre
le destin juif et le destin palestinien vous révolte, car elle implique une sorte de "compétition"
pour savoir qui est plus victime que l'autre.
MAHMOUD DARWICH : Tout d'abord, cette comparaison ne me choque pas s'il s'agit de profondeur
littéraire. En ce domaine le nationalisme n'existe pas. Je pense que ce complexe qui consiste à
accepter ou à refuser la comparaison sera résolu avec la paix. Le Juif n'aura pas honte de la
composante arabe qui est en lui, et l'Arabe n'aura pas honte de déclarer qu'il est également fait de
composantes juives. Surtout qu'il s'agit de la même terre, Eretz Israël en hébreu, Palestine en
arabe. Je suis le produit de toutes les cultures qui sont passées dans ce pays, la grecque, la
romaine, la perse, la juive, l'ottomane. Cette présence existe jusque dans ma langue. Toute culture
forte y a laissé quelque chose. Je suis le fils de toutes ces cultures, mais je n'appartiens qu'à une
seule mère. Est-ce à dire que ma mère est une prostituée ? Ma mère est cette terre qui a accueilli
tout le monde, qui a été témoin et victime. Je suis aussi le fils de la culture juive qui fut en
Palestine. C'est pourquoi je ne crains pas la comparaison. Mais la tension politique - si Israël est
présent, les Palestiniens doivent s'absenter, et si les Palestiniens sont là, Israël ne peut y être - a
fait que nous avons refusé de nous considérer comme nés des mêmes conditions et nous sommes
devenus rivaux dans la question de savoir qui de nous est davantage la victime de l'autre. J'ai déjà
vu des sionistes perdre l'esprit lorsqu'on leur rappelle les génocides perpétrés contre d'autres
peuples. Comme Elie Wiesel, qui a écrit qu'il se demande comment on a pu dire que ce qui se passe
en Bosnie est un génocide. Comme s'il y avait là un monopole juif.
[…]
YELIT YESHURUN : Dans Une mémoire pour l'oubli, vous écrivez : "Il nous faut savoir ce que nous
désirons (...) : notre pays, ou l'image de nous-mêmes loin de notre pays, ou bien encore l'image de
notre nostalgie pour notre pays à l'intérieur du pays". Nostalgie pour la chose en elle-même ou
pour son reflet ?
MAHMOUD DARWICH : Les grands mots tels que patrie, révolution, patriotisme, recouvrent des
choses fragiles. La patrie est un vaste concept, mais lorsqu'on va dans sa patrie on cherche un arbre
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particulier, un rocher particulier, une fenêtre. Ce sont des composantes très chaleureuses, pas un
drapeau ou un hymne national. Je languis des petits détails. Votre question sur la chose ou son
reflet prépare le terrain de mon cœur à la déception. Mais pour que je puisse arriver à me poser
cette question, m'accorderez-vous au moins le droit de revenir ?!
YELIT YESHURUN : Voici plusieurs années que l'on vous considère comme le poète national des
Palestiniens et que vous êtes l'objet de leur admiration. Ce statut ne menace-t-il pas votre devenir
en tant que poète ? Ne vous emprisonne-t-il pas ?
MAHMOUD DARWICH : Tout dépend de ce que l'on veut dire par "national". Si un poète national est
un représentant, et bien je ne représente personne. Je ne suis pas responsable de la manière dont
mes textes sont lus. Mais la voix collective est présente dans ma voix personnelle, que je le veuille
ou non. Même lorsque je raconte une triste soirée d'hiver à Paris, chaque Palestinien pense que je
le représente, que cela me plaise ou non. Je n'y peux rien. Mais si l'on veut dire qu'un poète
national est celui qui exprime l'esprit du peuple, je l'accepte, c'est beau. Tous les poètes du monde
rêvent que leur voix soit aussi celle des autres. A mon grand regret, lorsque les critiques me
désignent ainsi, ils veulent dire que je suis le poète d'une communauté, ils tentent de confiner le
texte au domaine du politique. Or, dans nos vies, la politique n'est pas une affaire de partis, c'est
plutôt l'un des noms du destin. Je me tiens au milieu, sur la frontière entre la voix publique et la
voix personnelle. Mais vraiment, je m'en fous ; peut-être que si l'on m'oubliait, je la désirerais à
nouveau. Ce qui compte pour moi, c'est de me sentir libre. Le fait même qu'il y ait une attente pour
un nouveau poème de moi me gêne, mais je ne succombe pas à cette attente. A chaque fois que
j'écris un poème d'amour, on dit que c'est un poème pour la terre.
9
ELIAS SANBAR
Une rencontre avec
(…)
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Mahmoud Darwich
Poète palestinien. Son œuvre comprend vingt grands recueils de poésie ainsi que plusieurs ouvrages
en prose et de nombreux articles. Elle est traduite dans plus de quarante langues.
Arraché à sa terre à l’âge de 6 ans, il fut ballotté dans la tourmente politique et la guerre de
libération. Porte-parole malgré lui de tout un peuple, ses premiers textes furent associés à la cause
palestinienne, sans toujours y avoir été destinés. Sa poésie, adulée dans le monde arabe, chante
l’exil, la guerre, la prison, l’amour. Ce succès populaire, il le doit en grande partie aux nombreux
artistes qui ont chanté ses vers.
Mahmoud Darwich n’a jamais voulu être ni héros ni victime, seulement un homme, apatride, avec
ses souffrances et ses joies simples. C’est sûrement cette volonté farouche de se démarquer de
toute forme de militantisme qui donne une telle force à sa poésie. Celle-ci lie l’intime et le
collectif, l’amour d’une femme et celui d’une terre, l’expression du désir de vivre et celle du
combat politique. Mahmoud Darwich réinvente une langue empreinte des modèles de la littérature
arabe médiévale ; il réhabilite les muallaqu’ats délaissées par ses contemporains et redonne ses
lettres de noblesse à une langue ancestrale en l’ancrant dans un présent qu’il souhaite au plus
proche du réel. Un réel violemment rattrapé par l’Histoire : « Notre problème littéraire
permanent, à nous, Palestiniens, est que nous sommes condamnés à être les enfants du moment
immédiat, parce que notre présent ne se résout ni à commencer ni à finir. »
Principaux ouvrages
Autres :
- La terre nous est étroite et autres poèmes (poèmes, Gallimard, 2000) ;
- Palestine, mon pays : l'affaire du poème (Editions de Minuit, 1988) ;
- Rien qu'une autre année, anthologie 1966-1982 (Editions de Minuit, 1988) ;
- Les poèmes palestiniens (Cerf, 1970).
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BIOGRAPHIES
Mohamed Rouabhi,
Comédien, auteur dramatique, metteur en scène, scénographe, scénariste, librettiste.
Né à Paris d’un père algérien qui combattit dans l’Armée Française pendant la Seconde Guerre
Mondiale au sein des Bataillons Indigènes et d’une mère qui rejoignit les rangs du FLN pendant la
Guerre d’Algérie, il fut marqué par leurs récits de captivité. Il quitta l'école à l’âge de 15 ans et
exerça de nombreux métiers avant d'être admis à la Rue Blanche (ENSATT) en 1985 où il travailla
avec Marcel Bozonnet, Stuart Seide et Brigitte Jaques.
Il jouera ensuite dès l’âge de vingt ans dans une trentaine de spectacles montés entre autres par
Anne Torrès, Jean-Paul Wenzel, Gilberte Tsaï, Georges Lavaudant, Stéphane Braunschweig, François
Berreur, Patrick Pineau, des textes pour la plupart d'auteurs contemporains : Eugène Durif, Arlette
Namiand, Joël Jouanneau, Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch, Jean-Paul Wenzel, Howard
Barker, Rodrigo Garcia ou Mahmoud Darwich dont il monte également pour la première fois en
France un long poème en 1997.
Il mène parallèlement à son métier d'acteur un travail d'écriture qui le conduira avec la
collaboration de Claire Lasne à créer en 1991 la compagnie "Les Acharnés" qui produira Les
Acharnés, Les Fragments de Kaposi, Ma petite Vie de Rien du Tout, Jeremy Fisher, Les Nouveaux
Bâtisseurs. Gilberte Tsaï monte au Festival d'Automne De Plein Fouet, Jean-Paul Wenzel Moi, le
Cheval & Nuit des Temps, Nadine Varoutsikos El Menfi et il mettra lui-même en scène Malcolm X,
Requiem opus 61 et Soigne ton droit. Il écrit et met en scène Providence café au Théâtre du Rond
point, en mars 2003, année où il reçoit le Prix SACD Nouveau Talent Théâtre. Puis ce sera Moins
qu’Un Chien, d’après l’autobiographie de Charles Mingus au Festival Banlieues Bleues 2004 et Le
Tigre Bleu de l’Euphrate un monologue de Laurent Gaudé au Théâtre National de Luxembourg avec
Carlo Brandt.
Il poursuivra sa collaboration avec l’acteur suisse en présentant au Festival de Liège, aux Halles de
Schaerbeek et à la Ferme du Buisson, Discours de l’Indien Rouge, de Mahmoud Darwich, et
Analectes de Nabeshima, de Jocho Yamamoto.
Il produira au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis de 2007 à 2008 les deux premiers volets d’un
spectacle monstre, Vive la France, qui rassemblent pas moins d’une quarantaine d’artistes et
techniciens.
Il anime de nombreux ateliers d'écriture en milieu carcéral ainsi que dans de nombreux lycées en
France et à l’étranger. Il travailla de 1998 à 2001 dans les territoires occupés en étroite
collaboration avec le Ministère des Affaires Sociales palestinien où il écrivit et mis en scène deux
spectacles en langue arabe.
Acteur pour France-Culture depuis 1986 où il enregistre une centaine de dramatiques, il écrit
également pour les ondes du service public cinq pièces ainsi qu'un feuilleton radiophonique adapté
d'un roman de Léo Malet, La Vie est dégueulasse qui obtint de nombreuses récompenses. Il se
consacre à la rédaction de nouvelles, de poèmes et d'un roman.
Il prépare actuellement un livret opéra pour 2012 qu’il mettra également en scène, Des Etoiles en
Plein Soleil, avec une musique écrite par Isabelle Aboulker pour le Quatuor Debussy, qui relate la
grande rafle du Vel d’Hiv en juillet 42 à Paris. En compagnie de la réalisatrice Viviane Candas, de
Jean-Claude Carrière et d’Isabelle Adjani, il participera enfin au projet Sharzade dans le cadre de
la manifestation culturelle Marseille 2013.
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Jeanne Louvard
Assistante
Avec entre 2000 et 2004 une formation universitaire consacrée au théâtre (baccalauréat série
Littéraire, DEUG Arts du spectacle, Licence arts du spectacle mention études théâtrales), elle fait
la rencontre de Mohamed Rouabhi lors de sa Maîtrise arts du spectacle mention études théâtrales
qui a pour intitulé « Le théâtre de Mohamed Rouabhi : un théâtre politique ? ». Elle poursuit en
2006 par un Master 2 arts du spectacle mention études théâtrales « Le Tigre Bleu de l’Euphrate. Un
texte de Laurent Gaudé. Une mise en scène de Mohamed Rouabhi ». A cette occasion, elle rejoint la
compagnie et tient la régie son sur Le tigre Bleu de l’Euphrate. Elle sera ensuite assistante,
dramaturge et comédienne sur les créations de Moins qu’un Chien, Vive la France I, Vive la FranceII
Lerat Nathalie
Eclairagiste
Depuis 1995, elle éclaira une trentaine de créations en France et à l’étranger pour les metteurs en
scène Rolf Abderalden, Hélène Mathon, D de Kabal, Frédérique Liébaut, Odile Roire, M.A. Sévilla, V.
Rabinovich, C. Guillemot, Airy Routier, Marie Chasle, Marc Delamaizière (Cirque Le Grand Céleste)
Eclairagiste de Mohamed Rouabhi depuis 1997 pour la Compagnie Les Acharnés, on la retrouve sur
les spectacles : Vive la France II, Vive la France, Un enfant comme les autres, Le Tigre bleu de
l’Euphrate (de Laurent Gaudé), Moins qu’un chien (d’après Charles Mingus), Providence Café,
Discours de l’indien rouge (de Mahmoud Darwich), Requiem Opus 61 et Malcolm X.
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PROGRAMME DE
SALLE
Remerciements
Patrick Pineau / Carole Thibaut / Compagnie Sambre / Claire Lasne / CDN Poitou Charente / Sophie Bissantz /
Marguerite Gateau / Nadège Antonini / Pierre Mine / Catherine Simon / Laurent Letrillard / Boutique Harpo
Site : www.lesacharnes.com
CREDIT
If We Never Meet Again I Hope We Meet To Heaven (0:52)
Sung by The Children of Diamond Rural School, St. Croix, Virgin Island. 1958
Watani (3:24)
Sung by Deir Yasin, Al Qods, Palestine. 1983
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Selon la légende, le « dream catcher » était utilisé par les indiens woodlands. Accroché à la fenêtre de la
chambre, il avait le pouvoir d'attraper tous les rêves.
Les mauvais rêves retenus dans la toile jusqu'au lever du jour, finissaient brûlés au soleil. Les bons rêves, quand
à eux, trouveront le chemin du centre de la toile pour enfin être filtrés vers le bas jusqu'aux plumes.
Retenus, ils pourront être à nouveau rêvés une autre nuit.
PHOTO
Avec le Massacre de Wounded Knee, une des dernières grandes batailles du 19° siècle et la mort du chef sioux
Big Foot à la fin de l’année 1890, c’est un peu la fin d’un monde, le crépuscule de l’Amérique précolombienne.
Les unes après les autres, les tribus vont rendre les armes.
Plus que la supériorité logistique et militaire des forces US, c’est sans doute le chemin de fer, l’électricité,
l’aviation et le déferlement d’un monde sur un autre qui aura écrasé les peuples premiers et leur paysage fait de
plumes, de rêves, d’animaux sauvages, d’arbres et de lune.
A une époque où tout le monde semble sortir de sa torpeur suicidaire, soudainement mobilisé pour défendre la
terre, la nature, l’environnement - et la race humaine, peut-être -, le poète nous rappelle que notre fin a sans
doute commencé le jour où les Indiens d’Amérique se sont tus à jamais. Laissant parler les esprits des morts par
ce vers prophétique qui sonne à présent le glas de la planète :
L’ironie voudra que la photographie, qui vient juste de voir le jour, capturera à jamais sur les plaques argentées
de ses entrailles, les visages et les corps de ceux qui ne sont déjà plus que des fantômes, halos de lumière qui
impressionnent le papier, esprits ailés visitant nos rêves.
Les immeubles de Beyrouth sont à peu près tous touchés, dans ce qu'on appelle encore Beyrouth-Ouest. Ils
s'affaissent de différentes façons : comme un mille-feuille serré par les doigts d'un King-Kong géant, indifférent
et vorace, d'autres fois les trois ou quatre derniers étages s'inclinent délicieusement selon un plissé très élégant,
une sorte de drapé libanais de l'immeuble. Si une façade est intacte, faites le tour de la maison, les autres
façades sont canardées. Si les quatre façades restent sans fissure, la bombe lâchée de l'avion est tombée au
centre et a fait un puits de ce qui était la cage d'escalier et de l'ascenseur.
BEYROUTH / HOUSTON
En aout 1982, dans le quartier ouest de Beyrouth (Liban), un homme est cloitré dans une des pièces de son
appartement. Dehors, c’est la guerre. Dedans, c’est la guerre aussi malgré les efforts qu’il déploie pour tenter de
rendre son quotidien plus vivable. Est-ce le rêve d’une femme qu’il a aimé qui le sort de son sommeil ou un
missile qui vient de traverser la cuisine, à une heure où l’aube peine encore à percer la pénombre ?
Une chose est sûre, une fois debout, il lui faut comme beaucoup de gens – dont je suis -, les trois éléments
essentiels pour, comme dit le poète « saisir sa part d’aube, avant de mourir » :
un café, une cigarette, un journal.
Dans ce récit poignant et drôle, Darwich rend hommage aux habitants de Beyrouth, à leur courage, à la force
démesurée qui les maintient en vie. Détaillant avec un humour corrosif son propre enterrement, il nous rappelle
combien cette mort terrible, enterré vivant sous des décombres, à laquelle il ne veut pas succomber pendant son
long exil au Liban en pleine guerre, a fini par l’emporter, des années plus tard, en aout 2008, loin de chez lui,
aux Etats-Unis d’Amérique, à Houston, dans l’Etat du Texas.
Le pays des cow-boys.
Et de l’indien rouge.
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FICHE TECHNIQUE
Cette fiche est suceptible d’être modifée en fonction de la salle
LUMIERE
SON
Console standard
Lecteur MD avec autopause
4 points de diffusion
DECORS / PLATEAU
Jauge spectateurs : la salle, dans le prolongement de la scène doit accueillir une capacité
MAXIMUM de 60 personnes assises et ce pour des raisons acoustiques et dramaturgiques. Au-delà,
l’éloignement du dernier rang ne permet pas de conserver la tenue du spectacle tel qu’il a été
conçu et nuirait considérablement à sa qualité.
C’est une des raisons pour lesquelles nous encourageons les éventuels acheteurs à solliciter des
lieux atypiques ( caves voutées, sous-sol etc.) capables de rendre l’atmosphère si particulière à la
naration.
Nous sommes parfaitement conscient que pour des raisons économiques, les diffuseurs seraient
tentés d’augmenter les capacités d’accueil du public, mais pour celles et ceux qui ont assistés à
une des représentations, il serait difficile d’imaginer conserver l’intimité et la proximité avec
une centaine de spectateurs…
C’est également pour ces raisons que nous avons étudié les propositions financières afin d’offrir
des tarifs de vente raisonnables.
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CONTACTS
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PHOTOGRAPHIES
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Darwich deux textes
Discours de l’Indien rouge / Une Mémoire pour l’oubli
REVUE DE PRESSE
En sol majeur, par Yasmine Chouaki
le Jeudi 08 octobre, de 16h30 à 17h30. Emission autour de Darwich, deux textes
Actualités culturelles
le Dimanche 11 octobre, de 10h02 à 10h08 . Interview autour de Darwich, deux textes,
11 Octobre 2009
Un hommage bouleversant
Après la création des deux textes (Discours de l’Indien
rouge et Une mémoire pour l’oubli), il y a douze ans au
Théâtre Paris-Villette, Mohamed Rouabhi donne « une
deuxième vie » à cette composition pour laquelle les deux
textes sont mis en regard et rendent hommage au grand
poète Mahmoud Darwich mort en 2008. Comédien et
metteur en scène engagé et passionné, Mohamed Rouabhi
se saisit de toute la douleur, des populations décimées par
© Eric Legrand
les horreurs de la guerre, abordée par le grand poète,
dans sa dimension universelle.
Un hommage poignant et bouleversant, est dit, interprété par Mohamed Rouabhi dans une
création théâtrale qui joue la carte de la sobriété et de l’élégance. Dans la petite salle
voûtée de la maison de la Poésie, un épais tissu écru habille l’aire de jeu où se trouve une
chaise sur laquelle le comédien interprète une prose touchante de vérité. Le langage des
signes se mêlent à la parole et à des râles méditatifs et chargent l’interprétation de
Mohamed Rouabhi d’une mysticité étonnante. Puis, l’homme se retrouve allongé sur un lit de
fortune à côté duquel est placée une table de chevet. Un intérieur d’une simplicité extrême
qui fait raisonner les mots avec force. Cette « deuxième vie » qu’offre Mohamed Rouabhi à
la création théâtrale des deux textes de Darwich mérite bien l’éternité.
Les deux textes sont publiés aux Editions Actes Sud.
19 Octobre 2009
as évident
P de
s’attaquer
à
monument de la
un
poésie universelle
de la trempe de
Mahmoud Darwish.
Poète, Palestinien,
il a été l’une des figures de proue de la poésie contemporaine, au-delà des étiquettes, au-delà de la
volonté d’une poignée de recouvrir ses vers libres d’un linceul nationaliste. Darwich était un combattant,
un combattant de la poésie, un combattant de la liberté, un poète universel et ses vers parlaient à tout
un chacun, portant au plus profond d’eux les stigmates indélébiles de « l’exil concentré », la douleur de
l’exil, jamais comme un fardeau, toujours comme un flambeau. Poète de la terre, « notre ciel concret,
notre ciel inversé », la terre chez Darwich communiait avec le cosmos ; elle était « aussi la terre du
monde ». C’est flagrant dans le premier poème choisi par Rouabhi, le « Discours de l’Indien rouge ».
C’est Elias Sambar qui fit lire un jour à Darwich le texte de Seattle, le grand chef Sioux, lui suggérant
« d’imaginer une sorte de réponse ». Et les mots de Darwich retrouvent naturellement l’empreinte de
ceux laissés par le vieux Sioux, le chemin de l’exil, de combats perdus d’avance parce qu’inégaux, la
solitude et la douleur intérieure. Et les mots sont violents et tendres, déstabilisants à force de visions
esquissées d’une Histoire qui avance, comme à tâtons. « Ainsi nous sommes qui nous sommes dans le
Mississipi. (…) Ô maître des Blancs, seigneur des chevaux, que requiers-tu de ceux qui parlent aux
arbres de la nuit ? »
Ainsi commence ce long poème que Mohamed Rouabhi dit, dans des habits blancs qui se confondent
avec le fauteuil sur lequel il est assis. Seul le visage est éclairé, d’un blanc violent comme les mots qu’il
prononce, les uns après les autres, dans un silence assourdissant ; et le visage exprime ces questions
éternelles qui parlent du sens de la vie, de la perte de ses frères, de l’injustice, de la guerre pour la
terre. Combat inégal selon que l’on soit fort ou non, armé ou pas. Que l’on porte l’amour ou la haine
de l’humanité au fond de soi. Selon que l’on piétine la terre et les hommes sans état d’âme. Et lorsque
les mots ne suffisent plus, les gestes les esquissent dans un ballet aérien d’une grande pudeur, et c’est
troublant, fascinant. On entend chaque respiration, chaque battement de cœur. On distingue les mots
de Darwish et on devine ceux de Seattle, répons à deux voix qui finissent par écrire un cantique païen
bouleversant.
Changement de décor. Une chambre, un lit, une simple table de chevet. Depuis la fenêtre, la mer.
Beyrouth, milieu des années soixante-dix. « Une Mémoire pour l’oubli ». Le poète tourne en rond tandis
que le bruit sourd des bombardiers israéliens s’avance sur la mer qui revêt des reflets métalliques.
Prison, double prison. Darwich vit ce double enfermement, cet exil dans l’exil avec une philosophie
déconcertante. Qu’est-ce que résister ? De là où il est, de là où il parle. Prendre les armes… Résister,
c’est braver ces bombes qui tombent au hasard sur la ville, descendre acheter son journal, préparer un
café, allumer et savourer la première clope du matin. Darwich/Rouabhi tournent en rond dans cette
chambre et les murs disparaissent peu à peu, au fur et à mesure que la parole du poète, pleine de bon
sens, dit le désir de vivre, plus que tout. Et l’on se surprend à rire comme Darwish rit de lui, avec une
bonhomie et un dandysme détonnant. Et la force du poète est là, dans cette capacité de sublimer le
quotidien, les gestes simples, de les transcender. Cette poésie est non seulement un acte de résistance :
elle est un défie à l’inhumanité, à la barbarie, un cri civilisateur. « J’ai attendu d’en avoir fini avec les
souvenirs du poète. J’ai attendu d’en avoir fini avec la mort du poète » écrit Mohamed Rouabhi.
Darwich est mort il y a un an de cela. Ses vers continuent de vivre, de respirer et nous accompagnent.
Ici, là-bas. A jamais.
Marie-José Sirach
20 Octobre 2009
Et la poésie se transmet comme la langue…
par Marina Da Silva
partent aux arbres de la nuit ? … » Il aura peu de mouvements et de gestes mais aucun n’est
gratuit. Pour cela, il a appris avec Béatrice Blondeau la langue des signes (dont on dit que
l’origine provient des Amérindiens) et l’effet visuel, tout comme lorsqu’il retire sa veste et la
berce comme on berce un enfant donne des rythmes musicaux à sa propre voix qui est en elle
seule une mélopée douce ou acide.
Pour le deuxième texte, on est dans tout à fait autre chose. La toile blanche s’est effondrée et
la nouvelle bande son est devenu effroi. Mohamed est jeté sur un petit lit de fortune. Une voix
de femme (Claire Lasne) lui parle. Il ne sait pas s’il est vivant ou mort. Il ne sait pas s’il est dans
le rêve ou la réalité.
On est dans les bureaux de l’AFP à Beyrouth en 1982, là où des réfugiés palestiniens
pensaient avoir trouvé refuge, lorsque Yasser Arafat était un chef de guerre, dans les pires
moments du siège israélien. Les marines français et américains ne sont pas encore arrivés dans
la capitale. Les combattants palestiniens avaient promis de quitter la ville pour ne pas
aggraver les souffrances des populations civiles mais les Israéliens déversent des pluies de
bombes et font de la mer une mer de feu, pulvérisant tout ce qui bouge et ne bouge pas.
Cette fois Rouabhi joue le poète. Mahmoud Darwich enfermé dans le bunker dans la terreur
que les murs ne s’écroulent et qu’il n’y reste enseveli (l’immeuble est un gratte-ciel !)… et qui ne
pense qu’à se faire un café : « De tous les matins du monde, je ne veux rien d’autre que l’odeur
du café. » Interprétation remarquable de la passion légendaire de Darwich pour le café et les
cigarettes. De sa métaphysique du combat : « Le courage, c’est ce morceau de Beyrouth dans
Beyrouth-Ouest. Il ne reste pas une parcelle de terre que les obus épargnent. » Mais les chansons
de résistance ou de vie fleurissent avec la guerre et la frontière entre Beyrouth-Est et Ouest
est aussi celle de la terre et du ciel. Interprétation subtile et complexe d’Une mémoire pour
l’oubli dans la traduction de Yves-Gonzales-Quijano et Farouk Mardam-Bey (Actes Sud,
1994). Le poète cherche à apprivoiser sa peur qu’il conjure en anticipant sa mort. Il voudra
« des funérailles paisibles. Pas comme le premier contact ». « Et ses funérailles seront gratuites ».
Il voudra « un beau cercueil d’où il pourra contempler l’assistance ». Et il se rira de toutes les
langues de vipère qui diront de lui « qu’il aimait trop les femmes » et « trompait celles qui
l’aimaient », l’argent : « on a trouvé cinq voitures de luxe dans son garage à Beyrouth » et
« assez de cailloux chez lui pour bâtir un camp de réfugiés »…
De toute façon, la vraie peur est ailleurs car que ferait-il si l’immeuble s’effondrait
emprisonnant ses bras ou ses jambes dans un cercueil de métal et de béton ou s’il en sortait
vivant mais dans un champ de ruines et « ne trouvait même pas un chat à caresser, s’il ne
trouvait rien à faire » ?
Lorsque le comédien s’en va nous laissant seuls avec Watani ii on comprend mieux ce qu’il a
voulu faire :
« J’ai attendu d’en avoir fini avec la mort du poète.
Pour enfin recommencer à lire le poète.
Comme une première fois.
Avec, comme une première fois, ce sentiment de beauté aveuglante mêlée à de la cendre encore
chaude. »
i
The Children of Diamond Rural School, St. Croix, Virgin Island. 1958
ii
Deir Yasin, Al Qods, Palestine. 1983
21 Octobre 2009
22 Octobre 2009
Darwich. Seul en scène, avec une économie de moyens, Mohamed Rouabhi transmet la parole du poète
Mahmoud Darwich. Superbe.
C’est bien cela, aussi, le théâtre : « quatre planches et pas grand-chose », autrement dit, en
l’occurrence, un espace restreint dans une cave humide avec une trentaine de sièges plus ou moins
confortables pour célébrer une messe théâtrale. Un comédien, une chaise puis un lit, une banquette
plutôt, quelques draps blancs pour habiller le tout, afin de nous offrir deux textes, admirables, du
poète palestinien récemment disparu, Mahmoud Darwich. Et le miracle se produit. Dans ce lieu exigu
de la Maison de la poésie (qui possède par ailleurs une véritable salle de théâtre), à Paris, se donne l’un
des plus beaux spectacles, l’un des plus forts, que l’on puisse voir en ce moment dans la capitale et aux
alentours.
Hommage.
Nous le devons au metteur en scène-comédien Mohamed Rouabhi qui avait déjà présenté ces deux
textes de Mahmoud Darwich, Discours de l’indien rouge et Une mémoire pour l’oubli il y a une
douzaine d’années dans une petite salle du Paris-Villette avec un succès mérité. Mais le metteur en
scène que Patrick Pineau, également comédien, avait accompagné dans l’aventure, n’avait pas jugé bon
de prolonger l’expérience ailleurs. Entre les deux séries de représentations, le poète est mort :
Mohamed Rouabhi lui rend ici le plus bel hommage. Tout se passe comme si les paroles du poète qu’il
profère avec une maîtrise étonnante, dans une gamme de registres différents, voix comme retenue au
bord du cri, une sorte de sanglot ravalé mêlé à une colère sourde, mais toujours à mi-voix, dans un
rapport étroit avec les spectateurs qu’il pourrait effleurer s’il tendait le bras, tout se passe comme si ces
paroles avaient, au fil des ans, pris une autre consistance. Quelque chose de lourd et de délié à la fois.
Les paroles claquent qui disent la douleur et la colère de celui qui a été massacré, de celui qui a été
exilé dans son propre pays, l’« Indien rouge ». C’est, bien sûr, de la réalité du peuple palestinien dont
parle Mahmoud Darwich, de son propre exil, de son propre massacre, mais le décalage accompagné de
la fraternité de celui qui a vécu les mêmes tourments renforce la parole, lui donne un poids nouveau.
Assis sur une chaise face à nous, Mohamed Rouabhi, que l’on n’avait jamais vu dans un telle retenue,
dans une telle précision de la voix et des gestes pour ainsi dire chorégraphiés, nous fait véritablement
l’offrande du poème de Darwich. C’est bouleversant.
Comme est bouleversant, mais dans un autre registre, le deuxième texte de Darwich, Une mémoire
pour l’oubli, dans lequel, au travers de la description d’un homme cloîtré dans une pièce de son
appartement, et qui attend la mort (dit-il). Car la guerre fait rage, et dans ce quartier ouest de
Beyrouth, en ce mois d’août 1982, il n’y a rien d’autre qu’à attendre l’explosion d’une bombe ou d’un
missile tiré par les avions israéliens…
Rituel.
Une attente pour ainsi dire paradoxale, puisqu’en fin de compte c’est une sorte d’hymne à la vie qui est
émise par cet homme qui ne rêve que de son café du matin, qu’il prépare d’ordinaire selon un rituel
bien établi. Un café dont l’arôme parvient encore à ses narines. Rêve d’une chose si dérisoire et si
importante à la fois. Un café qu’accompagnera la première cigarette du matin… Avant peut-être de
pouvoir aller chercher son journal, troisième élément essentiel de son petit matin… Nous sommes là
dans un registre plus purement théâtral, et Mohamed Rouabhi y excelle qui donne vie à ce « héros »
du quotidien. Un quotidien qui a été celui des habitants de Beyrouth auxquels Mahmoud Darwich rend
un vibrant hommage.
Ces deux textes sont mis en scène (et interprétés) avec une rigueur et une pudeur extrêmes. Il se
dégage de ce spectacle (c’en est un !), une émotion d’une rare intensité.
23 Octobre 2009
Le fracas de la guerre
A la découverte de la poésie du poète palestinien Mahmoud Darwich, disparu en août 2008.
Antoine Malo
23 Octobre 2009
Dire la poésie est un art auquel peu de comédiens se frottent, et dans lequel peu s’illustrent vérita-
blement. Au jeu du dire sans dédire, Mohamed Rouabhi brille de créativité et d’implication. Loin
des "déclameurs" qui vous tapent sur le système dès la deuxième strophe, il habite son texte sans
s’y soumettre. C’est pourtant une admiration passionnelle qui guide sa voix et ses gestes dans
l’obscurité de la Maison de la poésie. Mais son amour pour l’œuvre et la personne de Mahmoud
Darwich s’accommode d’une appropriation de ses textes et s’accompagne d’une connaissance
profonde de sa vie et de ses souffrances. Sur scène, il se meut dans l’ombre, omnisciente figure
des peuples originels d’Amérique dans le ‘Discours de l’Indien rouge’. Plus proche des questions
culturelles et politiques qui nourrissent son œuvre, plus concret, le deuxième texte, ‘Une mémoire
pour l’oubli’, voit le poète réincarné dans les murs d’un appartement libanais. L’odeur du premier
café, dégusté dans la solitude du matin, couvre la fureur qui au-dehors détruit aveuglément les
hommes. Un lit, une lampe et un ventilateur soumis aux interruptions de courant : la mise en scè-
ne est sobre. Elle habille des mots qui battent la mesure de la peur. Il aura fallu attendre un an
après la disparition du poète pour que Mohamed Rouabhi s’empare de ses vers. L’hommage est à
la hauteur de l’écrivain palestinien : puissant, drôle, émouvant. Un témoignage vivant de l’immorta-
lité de son œuvre.
©E.Legrand