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Le Code du Statut
Personnel
Editions
Ministère des Affaires religieuses
Tunis 2008
le
el
Le Code du Statut
ci
Personnel
ffi
O
Enracinement dans l’Islam et modèle
ie
de partenariat effectif
er
im
pr
Im
Actes du
e
33 Colloque du Mouled
tenu à Kairouan
5 et 6 Rabia’ al awwal 1427 H
3 et 4 Avril 2006
Im
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im
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ie
O
ffi
ci
el
le
le
el
SON EXCELLENCE LE PRESIDENT
ci
ZINE EL ABIDINE BEN ALI
ffi
Président de la République Tunisienne
O
La promulgation du Code du Statut Personnel
avait bénéficié de la conjonction des volontés
ie
religieuse et civile. Aussi ses clauses étaient-elles
la quintessence d’un effort d’interprétation
er
jurisprudentielle se référant aux fondements et
aux finalités de la foi, en même temps que le
im
Son Excellence
le Président Zine El Abidine Ben Ali
13 Août 1992
Im
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O
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ci
el
le
PRESENTATION
le
par Son Excellence le Président Zine El Abidine Ben
Ali, et dont les cérémonies se sont déroulées au cours
el
de l’année 2006, le Ministère des Affaires religieuses
a participé à cet événement exceptionnel par le
ci
Colloque du Mouled, dont la 33e Session s’est tenue,
ffi
les 5 et 6 Rabia’ al Awwel 1427 H / 3 et 4 Avril 2006,
sous le titre :
O
ie
Le Code du Statut Personnel
er
5
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O
ffi
ci
el
le
TABLE DES MATIERES
le
Allocution d’ouverture
Dr. Boubaker EL AKHZOURI 9
el
Le Code du Statut Personnel : entre authenticité
ci
islamique et modernité juridique
Pr. Mohamed Habib CHERIF 17
ffi
Le Saint Coran, une des sources du Code du Statut
O
Personnel
Dr. Mongia SOUAIHI 61
ie
La Sunna du Prophète, une des sources du Code du Statut
er
Personnel
Dr. Mohamed BOUZGHIBA 99
im
7
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le
ALLOCUTION D’OUVERTURE
le
el
Dr. Boubaker EL AKHZOURI
Ministre des Affaires religieuses
ci
ffi
Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux,
O
Que la Paix et la Prière soient sur le plus noble des
Messagers,
ie
Je suis heureux de vous rencontrer sur cette terre
er
magnifique, dans la ville de Kairouan, première capitale
islamique du Maghreb et berceau des sciences et des hautes
im
9
Le Code du Statut Personnel :
enracinement dans l’Islam
et modèle de partenariat effectif
le
Code du Statut Personnel dont l’importance ne saurait
échapper à personne. Le Code est le fruit d’un long processus
el
d’Ijtîhâd et de réformes qui a marqué l’histoire de notre pays.
ci
L’une de ses caractéristiques fondamentales est qu’il conjoint
authenticité et modernité. C’est pour cette raison que ce recueil
ffi
d’avant-garde est devenu un des hauts symboles de la pensée
O
éclairée et l’une des marques spécifiques de la Tunisie moderne,
autant qu’il s’est affirmé comme un témoignage vivant de
l’effort résolu et clairvoyant que poursuit notre pays au service
ie
de la protection de l’enfant, de la libération de la femme et du
er
renforcement de l’équilibre de la famille. Aussi, le Code est-il
aujourd’hui la pierre angulaire de l’édification d’une ère
im
10
de savants et d’éminents réformateurs, tels que Kheireddine,
Ibn Abi Dhiaf, Tahar Haddad, pour ne citer que quelques noms.
Ce processus de réformes s’est encore davantage enraciné
en intégrant les apports de la modernité, grâce aux actions
initiées par l’homme du Changement, Son Excellence le
Président Zine El Abidine Ben Ali.
le
équivoque – la volonté de faire le lien entre les différentes
el
actions réformistes et de conjoindre avec sagesse tradition et
modernité, c’est bien la philosophie du Changement. Le
ci
Président Zine El Abidine a en effet voulu qu’elle soit fondée
ffi
sur l’attachement aux vérités éternelles et aux valeurs sublimes
de l’Islam en même temps que sur la conscience des exigences
O
du progrès et de la nécessité d’une participation active à
l’édification de la modernité – une modernité qui ne soit
ie
d’aucune manière en contradiction avec les nobles préceptes de
er
notre religion. Celle-ci ne nous exhorte-t-elle pas à aller
toujours de l’avant pour construire la civilisation en nous
im
11
Outre cette convergence et cette profonde congruence avec
les préceptes et les vérités de notre sublime religion, le Code a
une autre spécificité, c’est sa souplesse et son caractère évolutif
qui ont fait qu’il a connu de nombreux amendements pour
répondre aux exigences de notre époque et aller toujours plus
loin sur la voie de la perfection, sans jamais se couper de ses
racines.
le
La place éminente qui est aujourd’hui à juste titre dévolue
à la femme, devenue un vrai modèle de libération et de progrès
el
dans le monde arabe et islamique, est le meilleur témoignage de
ci
cette œuvre visionnaire que poursuit le Président Ben Ali qui a
voulu que la femme soit, à côté de l’homme, un partenaire
ffi
agissant dans l’édification d’une société avancée. Sans cesse le
Président a affirmé qu’il ne saurait y avoir de modernité ni de
O
progrès, en l’absence de la femme ; sans cesse il a lié la valeur
de la femme à la qualité de la formation qu’elle acquiert, à
ie
l’épanouissement de sa personnalité autant qu’à son apport à la
communauté nationale. Et c’est bien cela qui constitue le plus
er
Zine El Abidine Ben Ali est son rejet de toute surenchère et son
attachement à la modération, au juste milieu et à l’ouverture
sur l’autre. Car c’est ainsi que la société peut vivre à l’abri des
contrecoups du repli sur soi et de l’extrémisme. Il va sans dire
que cela est pour nous un motif de fierté et le meilleur des
stimulants.
12
Le Code du Statut Personnel constitue un mécanisme
juridique qui dépasse par son envergure le contexte local et
atteint en toute légitimité à l’universel. Et c’est aussi un
événement exceptionnel qui eut l’impact le plus positif sur les
âmes et permit à la femme de bénéficier de la totalité de ses
droits, de surmonter l’injustice pour avancer sur la voie de
l’égalité et du partenariat, de s’extirper des ténèbres de
l’ignorance pour accéder à la lumière du savoir et de passer du
le
statut de l’être entravé et placé sous tutelle à celui de l’acteur
assumant pleinement ses responsabilités. Nul doute, dès lors,
el
que ce Code dont notre pays eut l’initiative et la primeur, voilà
un demi-siècle, ne soit le plus haut des acquis pour la femme
ci
et, davantage encore, pour l’ensemble de la société – un acquis
ffi
qui a vu le jour, le 13 Août 1956.
Le Code, je l’ai dit, est en constante évolution, notamment
O
en cette ère bénie du Changement, une évolution qui vient
concrétiser le projet de société avant-gardiste dont le Président
ie
Zine El Abidine Ben Ali a jeté les bases, dans le cadre de la
complémentarité, du partenariat et de l’égalité.
er
13
questions se rattachent des dispositions générales et des points
particuliers en rapport avec la vie conjugale. Les initiatives
portant sur des réformes partielles et les mesures d’avant-
garde, décidées par le Président Zine El Abidine Ben Ali, en
1993, au profit de la femme et de la famille, et, de fait, au profit
de la société tout entière, ont constitué un apport historique à
la matière de ce Code et un soutien essentiel à la pérennité de
son rôle, en tant qu’il est une garantie pour l’équilibre et le
le
progrès de la société, dans un monde où nulle nation ne saurait
el
prétendre à l’invulnérabilité ni à une contribution active à
l’édification de la civilisation universelle, sans ouvrir la voie à
ci
la plus large participation de la femme. Celle-ci est devenue,
ffi
dans la Tunisie du changement, un partenaire intervenant
d’égal à égal aux côtés de l’homme dans l’édification de l’œuvre
O
de développement global qui est à la base de tout progrès, de
tout élan créateur et de tout rayonnement véritable. L’une des
ie
responsabilités les plus hautes qui incombent à notre société est
la préservation des acquis de la femme qui sont, en vérité, les
er
siens et sur lesquels elle construit sa prospérité.
im
14
Changement, au service de la Tunisie, sous la conduite de son
sauveur et de son fils valeureux, le Président Zine El Abidine
Ben Ali. De même, ne cesse-t-elle, en toute circonstance, de se
hisser au niveau de la confiance placée en elle par Son
Excellence, en participant résolument à l’enrichissement de la
vie citoyenne dans notre pays et en contribuant avec le plus
grand discernement à la réalisation des objectifs du
développement.
le
En somme, le Code du Statut Personnel est un acquis
el
indestructible sur le chemin de la modernité et un ensemble de
ci
législations avant-gardistes fondées sur l’Ijtîhâd et sur une
vision civilisationnelle prospective qui répond aux exigences de
ffi
notre temps et anticipe l’avenir, sans jamais se couper des
fondements de l’Islam ou en contredire les principes. Il est donc,
O
sans conteste, digne de cette noble manifestation à laquelle je
souhaite le succès le plus total, tout en exprimant mes plus vifs
ie
remerciements et toute ma considération à Mesdames et
Messieurs les éminents conférenciers qui vont tous apporter
er
15
Im
pr
im
er
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ci
el
le
LE CODE DU STATUT PERSONNEL :
ENTRE AUTHENTICITE ISLAMIQUE
le
ET MODERNITE JURIDIQUE
el
ci
Pr. Mohamed Habib Chérif
ffi
Ex-Coordinateur général pour les droits de l’homme
O
On entend souvent dire, au sujet de notre pays,
ie
notamment de la part d’étrangers informés et objectifs, que la
er
Tunisie est terre de civilisation et de modération et qu’elle est le
pays des droits de la femme. Notre histoire en est effectivement
im
17
Le statut personnel est un sujet sensible qui a des
dimensions individuelles et d’autres collectives. Il a surtout des
dimensions affectives, religieuses, politiques et intellectuelles.
C’est un sujet dont les différentes dimensions sont intimement
liées, un vaste sujet, et qui est particulièrement sensible de nos
jours, tant il est vrai qu’il constitue, au sens propre, un
ensemble de dispositions légales humanistes.
le
Pour toutes ces raisons, le code du statut personnel revêt
une grande importance dans tous les pays du monde, et
el
spécialement dans les pays arabo-musulmans, où, plus que
ci
toute autre législation, il a fait et fait encore l’objet de vifs
débats, surtout à cette époque qui est la nôtre, qui voit s’étendre
ffi
le rayonnement de l’approche tunisienne et se traduire dans les
O
faits son influence sur le droit positif d’un grand nombre de
pays frères et amis.
ie
Pays arabe, musulman, africain et méditerranéen, la
Tunisie s’est distinguée par cette expérience singulière dans ce
er
18
A regarder l’histoire de notre pays, nous constatons qu’elle
est intimement liée aux droits de la femme, et aux noms de
femmes illustres, de la mythique fondatrice de Carthage, la
princesse phénicienne Elissa, devenue par la suite la reine
Didon, à la princesse Salammbô, à la guerrière berbère la
Kahena, jusqu’aux combattantes pour la libération du pays,
puis pour l’édification de l’Etat libre et indépendant et enfin de
le
l’Etat du Renouveau.
el
Arrêtons-nous à un événement historique particulièrement
significatif : l’histoire de la Kahena. Voilà une femme berbère qui
ci
a dirigé la résistance de son peuple, combattant ceux qu’elle
ffi
considérait comme des envahisseurs, les armées musulmanes
conquérantes, mais qui a su concilier sa responsabilité de leader
O
et de chef de guerre avec les exigences de la vie familiale
puisqu’elle était mère de deux garçons. La bataille engagée
ie
contre les armées arabes dirigées par Hassan ibn Nooman, elle
craignit pour ses fils si elle venait à perdre la guerre. Le
er
aucun mal. Son idée était que si elle gagnait la guerre, elle
libérerait ses enfants, et que si elle la perdait, leur vie au moins
pr
19
parce qu’elle participe à la vie sociale, en tant que membre à
part entière, sait concilier les différentes responsabilités qui
sont les siennes, au sein de la famille comme au sein de la
nation ; on la voit chaque jour davantage s’imposer dans des
domaines toujours nouveaux.
La Tunisie s’est donc toujours distinguée, au cours de son
histoire, par son approche humaniste et son souci de la légalité
le
juridique, s’affirmant comme un pays à la fois enraciné dans sa
culture et progressiste. Notre patrimoine juridique l’atteste, en
el
plus d’un endroit, à commencer par la constitution de Carthage
ci
qu’Aristote préférait à celle de Sparte, considérant que le
rapport entre les pouvoirs y était plus équilibré, et qu’elle était
ffi
plus démocratique.
O
De même, la Tunisie s’est-elle montrée pionnière en
matière de libertés en abolissant l’esclavage en 1846, et en
promulguant le Pacte Fondamental, en 1857, suivi de la
ie
Constitution de 1861, première du genre dans un pays arabo-
er
musulman. Puis il y eut la Constitution du 1er juin 1959,
pionnière elle aussi puisqu’elle consacrait un grand nombre de
im
20
innovation. Cette approche juridique et cette conception
moderniste se trouvent incarnées dans le Code du Statut
Personnel, qui est parvenu à concilier tradition et raison, Islam
et temps présent, identité et modernité.
C’est là, en vérité, le fond de la question qui nous réunit
ici, et l’essentiel de la présente intervention.
Le Code du Statut Personnel est en effet considéré, non
le
seulement au niveau national, mais aussi au niveau plus large
du monde arabo-musulman, comme un modèle de synthèse
el
réussie entre authenticité islamique et modernité juridique,
ci
entre préservation de l’identité et visée progressiste, ce que
même les observateurs occidentaux ont relevé. Voilà qui
ffi
explique que tout propos sur cette législation à tous égards
O
remarquable a nécessairement une dimension tout à la fois
intellectuelle, politique, sociale et juridique.
ie
Il convient tout d’abord de se demander par quelles étapes
est passée cette synthèse intelligente et éclairée, et quelles
er
traces chacune d’elles a pu laisser à l’intérieur du Code du
Statut Personnel.
im
21
l’édification ; elle est marquée par l’œuvre du défunt leader
Habib Bourguiba ;
- une troisième enfin – la dernière mais non la moindre,
puisqu’elle a permis de consolider et d’enrichir les acquis des
deux premières – et que nous appellerons étape du Changement
ou du développement de l’approche et des acquis. Elle a été
conduite par le Président Zine El Abidine Ben Ali.
le
I - L’étape de la réflexion
el
Elle se caractérise par une réflexion réformiste éclairée.
ci
Elle se divise en trois périodes distinctes : timide d’abord, elle
devint audacieuse avec Tahar Haddad, avant de devenir enfin
ffi
méthodique et novatrice.
O
1 – L’étape des premiers balbutiements de la pensée
réformiste :
ie
L’Islam a apporté à la Tunisie les valeurs de justice,
er
d’égalité, et de dignité. Cependant, après une phase d’essor, le
pays ne tarda pas, à l’instar du reste du monde musulman, à
im
22
contrat qui l’unit à son mari. Ce pouvoir accordé à l’épouse était
de nature à lui permettre de préserver sa dignité et ses droits.
Mais, en dépit de ces quelques initiatives éclairées, la
femme tunisienne est restée des siècles durant marginalisée,
consacrée au plaisir de son mari, enfermée dans les rôles
d’épouse et de mère, condition guère enviable, où l’ignorance et
l’arriération le disputaient à la pauvreté. On disait qu’une
le
femme ne quittait la maison que deux fois dans sa vie : la
première, pour se rendre chez son époux ; la seconde, pour
el
rejoindre sa dernière demeure. C’était là assurément une
ci
grande perte pour la société, qui se privait ainsi de la moitié de
son potentiel humain.
ffi
Avec l’éveil de la conscience islamique, au temps de la
O
Nahda, sont apparus dans le monde musulman de grands
penseurs, tels que Jamal al-Din al-Afghani et Muhammad Abduh,
avec lesquels s’ouvrit une ère d’Ijtîhâd et de réflexion éclairée.
ie
Notre pays connut durant cette étape de la réflexion de
er
nombreux penseurs réformistes dont : Ahmed ibn Abi Dhiaf,
auteur de Ithâf ahl az-zamân fî akhbâr Tûnis wa-‘Ahd al-
im
23
secondaires – ; le penseur militant Abdelaziz Thâalbi, enfin –
auteur d’un ouvrage en langue française L’esprit libéral du
Coran (2), dans lequel il aborde les questions de la femme, du
code de la famille, et de la définition de la religion et du
sentiment religieux. Aucun de ces réformateurs ne fit preuve
d’autant d’audace que Tahar Haddad.
le
Cette période est tout entière celle du penseur militant
el
Tahar Haddad et surtout de son livre La Femme en Islam et
dans la société (1930) qui suscita des débats houleux. Il
ci
s’agissait pour ce Tunisien authentique de concilier Islam et
ffi
temps présent, dans le but de servir son pays et d’œuvrer à sa
O
libération. Rigoureusement fidèle aux enseignements de
l’Islam, il s’est néanmoins distingué par sa vision progressiste
éclairée. Il s’est proposé de puiser dans le Coran et les Hadiths
ie
une grille de lecture progressiste qui permette de définir des
er
règles en accord avec le temps présent et ouvrant la voie à une
renaissance de la Umma [Communauté des musulmans]. Il
im
24
L’approche de Tahar Haddad se fondait, dans son esprit et
dans sa lettre, sur l’Islam, elle n’en était pas moins à l’écoute de
l’époque, avec ses réalités et ses défis. Il suffit de lire de façon
approfondie et objective La Femme en Islam et dans la société et
ensuite de le comparer avec d’autres écrits réformistes ―
comme, par exemple, ceux de l’Egyptien Kacem Amin, dont la
célébrité au sein du monde arabo-musulman dépasse,
aujourd’hui encore, celle de Tahar Haddad ― pour voir combien
le
il leur est supérieur. L’ouvrage du penseur tunisien est à la fois
el
plus audacieux, plus réaliste, plus équilibré, plus méthodique et
plus fouillé que toutes les œuvres de Kacem Amin. Défendre la
ci
femme, réformer la famille et la société n’est pas chez Tahar
ffi
Haddad un jeu de l’esprit, ni l’affirmation d’une quelconque
supériorité sociale, mais l’expression d’une conviction fondée en
O
raison en même temps qu’une démarche militante et une arme
au service de la libération.
ie
Tahar Haddad était un intellectuel. En tant que tel, il ne
pouvait ne pas avoir lu les grands penseurs qui lui étaient
er
forces comme de ses faiblesses, mais aussi par son grand amour
pour son peuple et son engagement sans faille au service de la
cause tunisienne.
25
responsables religieux, de la Mosquée Zitouna essentiellement,
se sont ligués contre lui, de manière purement partisane.
Animés de vindicte, ils le déclarèrent apostat et le firent
licencier dans l’espoir de le réduire à la faim. Il en souffrit, puis
décéda et fut inhumé dans des conditions très difficiles.
Le Conseil de surveillance de la mosquée Zitouna
s’empressa alors de constituer un comité scientifique destiné à
le
juger son ouvrage (3) qui avait provoqué un véritable séisme au
sein des milieux intellectuels et scientifiques, conservateurs
el
aussi bien que progressistes.
ci
Les sommités de la mosquée Zitouna faisaient partie de ce
Conseil : les Cheikhs Mohammed Ben Youssef, Belhassen
ffi
Najjar, Mohammed Aziz Djaït, Mohammed Belkadhi; son
O
président en était le Cheikh Mohammed Tahar Ben Achour. Ils
proposèrent tout d’abord, de manière préventive, d’attirer
l’attention des autorités sur le livre. Dans un écrit adressé au
ie
Premier Ministre du bey, on lit notamment ceci : « Un ouvrage
er
vient de paraître sous le titre : La femme en Islam et dans la
société. La loi stipule que pareils ouvrages doivent être soumis à
im
26
écarter les fidèles du droit chemin. En conséquence de quoi il
doit être considéré comme hérétique, comme une insulte à
l’autorité de l’ensemble des docteurs de la foi, et comme hostile
à la personne même du Prophète – que la Prière et la Paix
soient sur lui. Aussi ne doutons-nous pas que le Premier
Ministère saura faire preuve de fermeté et prendre les mesures
qui s’imposent, tant il est à craindre qu’une absence de réaction
de sa part puisse être interprétée par certains esprits naïfs
le
comme une forme d’assentiment, voire de soutien. Il convient,
el
au contraire, que le présent rapport soit publié dans les
journaux pour faire triompher la vérité, apaiser les esprits et
ci
faire taire une fois pour toutes ces imposteurs qui sillonnent le
ffi
pays en affirmant haut et fort que le silence des docteurs de la
foi est la preuve que le contenu de ce livre est pure vérité, et
O
autres fables, que colportent en ces lieux les esprits soi-disant
« novateurs ». »
ie
De la part des membres du Conseil des observateurs de la
Zitouna, une telle hostilité aux thèses de Haddad (4) n’était pas
er
27
également été publiées dans un ouvrage consacré à son oeuvre.
(5)
Parmi les attaques les plus virulentes contre La Femme
dans la charia et dans la société, on compte celle du Cheikh
Mohammed Salah Ben Mrad, qui s’était empressé de publier un
ouvrage intitulé Al-hidâd ‘alà Imra’at al-Haddâd [Faisons le
deuil de la « Femme » de Haddad]. Détracteur zélé, l’auteur
le
reconnaît de lui-même, dans son introduction, qu’il n’a pas lu
La Femme dans la charia et dans la société, mais qu’il se
el
propose néanmoins d’apporter la contradiction à Haddad et de
détruire ses thèses en en démontrant le caractère fallacieux.
ci
Plutôt que de prendre la peine de lire Haddad et d’essayer,
ffi
objectivement, de comprendre ses positions, l’auteur s’est lancé
dans une critique haineuse et totalement improvisée.
O
Mais les idées de Tahar Haddad avaient déjà eu un
certain retentissement dans les milieux intellectuels et
ie
progressistes, ce qui amena les autorités politiques à réfléchir à
l’introduction de réformes au droit coutumier, en matière de
er
statut personnel.
im
28
La commission fut constituée au sein du ministère de la
justice, et co-présidée par le ministre de tutelle et par le Cheikh de
l’Islam de l’époque, Mohammed Aziz Djaït. Le projet trouva son
aboutissement, en 1948. Novateur et élaboré de manière
méthodique, la Note associait deux corpus juridiques
correspondant aux deux écoles malékite et hanéfite. Cependant, la
nouveauté s’arrêtait là : malgré son importance, au plan
méthodologique, la Note ne sortait guère dans sa substance de
le
l’approche traditionnelle du fiqh islamique, sans rien y ajouter
el
d’important. Le projet constituait tout au plus une solution
technique destinée à faciliter la tâche des tribunaux. On sait que
ci
la justice de l’époque se divisait en deux cours distinctes, l’une
malékite, l’autre hanéfite. Cette dichotomie juridictionnelle
ffi
rendait très difficile l’exercice effectif de la justice, ainsi que
O
l’atteste l’expression populaire, encore en usage de nos jours,
Yittakka ‘al-hanafi [Il s’appuie sur la doctrine hanéfite (sous
entendu : le hanéfisme est plus permissif)]. Certains rusaient en
ie
effet avec le système en tirant parti de ses failles : lorsqu’une
er
procédure intentée au sein d’un tribunal malékite était parvenue
à l’étape décisive où le jugement devait être prononcé, l’accusé se
im
29
le plus souvent, à ce qu’on appelait ummahât al-kutub wa-l-
marâji‘ [les références et ouvrages fondamentaux], ainsi qu’aux
commentaires dont ils étaient assortis. Cependant, dans la
plupart des cas, cette approche lésait le justiciable parce qu’elle
échouait à traduire dans les faits l’essence du Droit
musulman, et que les jugements qui prévalaient alors étaient
en tout point opposés à toutes les garanties introduites par
l’Islam, en matière de droits des femmes et de droits des
le
enfants. La situation n’était pas pour déplaire au colonisateur
el
dont l’appareil législatif et judiciaire était en train d’annexer le
système législatif du pays, un secteur après l’autre.
ci
Toutes ces considérations, toutes ces difficultés, en un mot
ffi
cette situation déplorable, ont marqué l’étape que nous avons
appelée de réflexion – une réflexion qui, à la vérité, fut à la fois
O
continue et fluctuante, obéissant à ce mouvement de flux et de
reflux que lui imprimaient tantôt les progressistes, tantôt les
ie
conservateurs et qui dura jusqu’à l’Indépendance – que nous
appellerons l’étape de l’émancipation.
er
II - L’étape de l’émancipation
im
30
Djaït (et qui représente 80 % de l’actuel Code du statut
personnel) et introduire des ajouts essentiels, inspirés de la
pensée de Tahar Haddad, ou des ajouts ad hoc, destinés à
prévenir ou à combattre des pratiques extrêmement nocives
dont souffrait la société de l’époque. Nous pouvons en citer
quelques exemples.
Il y avait autrefois en Tunisie ce qu’on appelait Dâr Jwâd,
le
l’équivalent de ce qu’en Orient on appelait Bayt at-tâ‘a : les
femmes qui refusaient de s’acquitter de leurs devoirs conjugaux
el
étaient placées de force dans ces maisons, qui ressemblaient,
ci
parfois en pire, à une prison, où elles étaient soumises à des
humiliations et à des souffrances physiques et morales jusqu’à
ffi
ce qu’elles finissent par céder et par accepter de retourner à un
mari abhorré. Naturellement, les conséquences étaient terribles
O
pour la famille, pour les enfants, et pour la société en général,
sans parler de l’épouse elle-même. Ces pratiques inhumaines
ie
qui portent atteinte à la dignité de la femme ont été à l’origine
de nombreuses tragédies.
er
pouvait, dès lors, être licité qu’à la condition qu’elle ait, dans
l’intervalle, été mariée à un tiers – le Tayyâs –, conformément
aux prescriptions coraniques.
Les faqihs de l’époque trouvèrent une parade, légale
quoique contraire dans son principe à la Sunna. Elle consistait
à marier la femme trois fois répudiée à un enfant impubère ou à
31
un esclave fiable. Au petit matin, le divorce était prononcé,
l’époux fictif se retirait, le premier mari pouvait à nouveau
convoler en justes noces avec sa femme et le compteur des
répudiations était remis à zéro… Cette pratique douteuse –
évoquée par l’écrivain tunisien Béchir Khraïef dans son roman
Barg el-lîl [L’Eclair dans la nuit] – était, au sens propre, une
mascarade juridique et sociale, une mascarade dont les victimes
furent les femmes, mais aussi les familles, et donc l’ensemble de
le
la société.
el
Il y avait également un autre conte que l’on appelait le
conte du fœtus endormi. Une veuve pouvait ainsi mettre au
ci
monde un enfant, quatre ou cinq ans après la mort de son mari.
ffi
Même des faqihs de l’envergure de Abou Hanifa ou de Malek
considéraient, eu égard aux connaissances scientifiques de
O
l’époque, qui étaient limitées, que le fœtus pouvait demeurer
dans le ventre de sa mère quelques années. La durée maximale
ie
de ce sommeil du fœtus était estimée à deux années par Abou
Hanifa, à cinq par Malek. La chose a donné lieu, comme on
er
pouvait s’y attendre, à bien des fraudes, destinées à légitimer
un enfant naturel, à capter un héritage, à spolier des héritiers
im
32
C’est ainsi qu’ont été entrepris des efforts visant à concilier
tradition et raison, héritage religieux et social, nécessités de
l’époque et exigences du progrès. Cette volonté politique, qui
revêt une importance capitale, s’est notamment manifestée
dans le communiqué du Ministre de la justice, daté du 3 Août
1956, c'est-à-dire 10 jours seulement avant la promulgation du
Code du Statut Personnel, en vertu d’un décret du Bey de
l’époque. Ce communiqué du Ministre de la justice a exposé la
le
démarche ou la méthodologie législative et en a précisé les
el
dimensions et les objectifs.
ci
Le Ministre de la justice a notamment affirmé, dans son
communiqué et en présentant le Code du Statut Personnel, qu’il
ffi
s’agit « … d’un nouveau code, prenant la forme d’une législation
moderne, conforme à l’esprit de l’époque, et qui n’est pas en
O
contradiction avec les principes de la religion musulmane.
Certains grands savants en ont pris connaissance avant sa
ie
promulgation et l’ont jugé tout à fait satisfaisant.
er
Il n’est pas étonnant que nous soyons parvenus à rédiger
un code de ce type, accepté par tous, obtenant l’assentiment des
im
33
objectifs qu’il institue. Il se caractérise également par la
profondeur de ses mystères qui s’accordent avec les caractères
divers des hommes, leurs situations et leurs coutumes, en tout
temps, surtout si nous parvenons à savoir comment tirer profit
de ces mystères, extraire les trésors qu’ils recèlent, les adapter
aux événements et aux situations et se comporter à leur égard
comme un musulman véritable, libéré de toutes les entraves de
l’immobilisme, de l’inertie et des traditions… ».
le
Le Ministre de la justice ajoute, dans ce même
el
communiqué : « … Les éléments les plus remarquables dans ce
ci
code sont :
1 – la facilité de son lexique. Nous y avons en effet évité les
ffi
termes peu courants, qui ne sont employés que par les
O
plus grands faqihs, ainsi que les termes qui ne
s’accordent pas avec les goûts de notre époque et qui
ie
sont jugés choquants.
2 – Nous y avons préféré la brièveté aux longueurs et la
er
34
contradiction avec la religion et que les circonstances
actuelles et la vie moderne exigent.
4 – Nous y avons défini d’une manière très précise les
dispositions relatives au divorce de telle sorte que
l’épouse se voie garantir tous ses droits et soit à l’abri
des comportements irresponsables des maris dépourvus
de sens moral qui abusent des femmes et se comportent
le
avec elles comme on le fait avec les vieilles hardes et les
marchandises de peu de valeur dans les marchés. Ainsi,
el
le divorce ne peut désormais être prononcé que dans des
ci
conditions précises et sous l’autorité d’un magistrat, en
concrétisation des finalités de l’Islam visant à préserver
ffi
le lien conjugal et à n’en autoriser la dissolution qu’en
cas de nécessité, conformément à la parole du Prophète,
O
que la Prière et le Salut de Dieu soient sur lui : « Le
divorce est la plus détestable des choses permises ».
ie
5 – Nous avons suivi l’avis de certains savants musulmans
er
au sujet de la polygamie et de son interdiction. Il s’agit
de l’explication fournie par un groupe de savants des
im
35
prélevé un morceau de sa chair, l’a grillé et en a mangé.
L’affaire est en cours au Tribunal de grande instance. Il
s’agit là d’un exemple qui illustre les nombreux
inconvénients de la polygamie.
le
beaucoup de bruit et les experts en médecine ainsi que
les différents penseurs ont considéré qu’il s’agissait là
el
d’une disposition religieuse qui n’est pas adaptée à notre
ci
époque et qui a suscité des difficultés importantes et de
vastes controverses, du fait que les faqihs ont fixé la
ffi
durée maximale de la grossesse entre deux et cinq ans.
Ces critiques ont tout à fait raison pour ce qui est du
O
fond du problème, mais ils ont tort en reliant cela à la
religion, à laquelle ils portent ainsi atteinte, car cette
ie
disposition est en réalité basée sur des opinions et des
er
avis relevant d’écoles doctrinales qui ne s’appuient sur
aucun texte coranique explicite. Les faqihs ont tenté un
im
36
tradition en extrayant les dispositions des livres et en se
référant à l’opinion d’autrui, sans chercher par lui-même
à parvenir à la preuve et à en établir la vérité,
contrevient à la parole du Très-Haut : « N’affirme rien
que tu ne saches de science certaine ! Car on aura
à répondre de tout ce qu’on a fait de son ouïe, de
sa vue et son esprit. » (Le voyage nocturne, 36).
Conformément au principe retenu, le législateur a
le
adopté, pour résoudre ce problème, l’opinion de l’Imâm
el
Ahmed Ibn Hanbal fixant la durée maximale de la
grossesse à un an, ce qui constitue une durée
ci
raisonnable, compatible avec la réalité et considérée
ffi
comme acceptable par les experts en médecine.
7 – L’âge maximal de la garde a été fixé à 7 ans pour les
O
garçons et à 9 ans pour les filles. A l’expiration de cette
période, le père a le droit de prendre l’enfant avec lui,
ie
sauf si le juge estime préférable pour l’enfant de rester
avec celui qui en assurait la garde. Il s’agit là d’une
er
37
lesquels c’est son intérêt avant toute autre considération
qui a été pris en compte.
le
l’homme a été fixé en tenant compte de leur intérêt sur
el
le plan de la santé et sur le plan social.
ci
que la personne sous tutelle devient obligatoirement
ffi
majeure lorsqu’elle a atteint cet âge, sauf si elle a fait
l’objet, auparavant, d’une mesure d’interdiction pour un
O
motif autre que l’âge.
38
A également été adoptée la théorie fondée sur le refus des
justifications fallacieuses, car ce qui est dans son apparence
conforme à la charia mais conduit à un mal ou à un préjudice
doit être interdit afin de ne pas ouvrir la voie à la malfaisance
et aux atteintes à autrui.
La science des finalités a été privilégiée qui exige de ne
pas s’arrêter à la lettre du texte religieux mais de s’attacher à
le
ses nobles finalités et de pénétrer dans ses profondeurs afin
d’en saisir l’essence, ce qui confère au Code du Statut Personnel
el
la valeur d’une synthèse des efforts exégétiques se basant sur
les principes fondamentaux et les finalités de la religion
ci
islamique.
ffi
Cette démarche, qui s’inscrit pleinement dans le cadre des
O
dispositions islamiques, a été choisie afin d’épouser la
modernité et de se conformer à l’actualité c'est-à-dire pour
apporter la preuve que l’Islam, religion sublime et ultime
ie
moment de la Révélation, doit être valable en tout temps et en
er
tout lieu et s’adapter aux temps à venir et à toutes les
situations inédites.
im
39
notaires charaïques ou devant l’officier d’état civil, en vertu
d’un acte notarial ou d’un acte officiel rédigé par l’officier d’état
civil. Nous remarquons ici, évidemment, l’officialisation
obligatoire de l’acte par la mairie, qui est l’une des institutions
de l’Etat, afin de préserver les droits des contractants, et en
particulier ceux de leur descendance.
Parmi les réformes essentielles, citons également
le
l’adoption de la procédure du divorce judiciaire, ce qui signifie
que le divorce ne peut avoir lieu que par-devant le Tribunal. Il
el
devient ainsi nécessaire de pénétrer dans un autre « palais » de
l’Etat, le Palais de justice. L’affaire doit ainsi être portée devant
ci
la justice avant que le divorce ne soit prononcé et les « nœuds
ffi
du mariage » officiellement « déliés. » L’adoption de la
procédure du divorce judiciaire institue un contrôle judiciaire,
O
le législateur ayant établi une égalité totale entre les deux
époux pour tout ce qui se rapporte aux causes du divorce, à ses
ie
procédures et à ses conséquences juridiques.
er
La polygamie a également été totalement interdite afin
d’éradiquer ce phénomène et d’en éliminer les conséquences
im
40
les découvertes scientifiques les plus récentes. On a ainsi
considéré que la durée maximale de la grossesse ne peut
excéder, dans les cas extrêmes, une année.
De nouvelles approches ont également été adoptées,
chaque fois que nécessaire, en puisant dans des courants
doctrinaux qui n’avaient pas cours en Tunisie. Cela a concerné,
par exemple, l’adoption du principe du « retour » de la
le
succession, tel que défini par l’école dhâhirîte, afin de rendre
justice à la fille bénéficiaire de la succession, qu’il y ait une
el
seule ou plusieurs bénéficiaires. Ainsi, en Tunisie, aujourd’hui,
ci
quand une personne décède (le père ou la mère) ne laissant
qu’une ou plusieurs filles, celles-ci héritent de la totalité de sa
ffi
succession, aucun « proche éloigné » du côté du père ne pouvant
prétendre à la moitié de celle-ci, ce qui serait, assurément
O
contraire à la volonté du défunt.
Le principe du legs obligatoire connu dans le fiqh islamique
ie
jusque là sous le nom de tanzîl (legs à la descendance) afin de ne
er
pas exclure les petits-enfants qui ont été privés de leur père ou
de leur mère et se sont retrouvés orphelins et d’empêcher que
im
41
Le Code du Statut Personnel n’est pas resté figé, depuis
sa promulgation. De nombreux amendements y ont été
introduits qui ont fait évoluer ses dispositions et accru leur
efficacité. Cela s’est notamment produit, en 1959, 1966 et 1981
et plus encore en 1993.
le
originale, 170 articles regroupés en 10 livres :
el
- Livre premier : Du mariage (articles 1 à 28).
ci
- Livre second : Du divorce (articles 29 à 33).
ffi
- Livre trois : Du délai de viduité (articles 34 à 36).
O
- Livre quatre : De l’obligation alimentaire (articles 37 à 53).
42
les rectifiant. Les amendements en question relèvent de deux
types de lois :
Des lois promulguées dans la première décennie qui a
suivi l’indépendance et qui ont constitué les chaînons du projet
de réforme de la famille dont le principe a été d’emblée retenu,
et des lois promulguées après et qui consistent dans
l’amendement de 1981, et surtout dans celui de 1993. Ces
le
dernières visaient à consolider la vision réformatrice et à la
faire évoluer au rythme de l’évolution de la société. On peut
el
ainsi parler d’amendements qui ont concrétisé la réforme et
d’autres amendements qui l’ont fait évoluer afin de faire
ci
avancer la société sur la voie du progrès.
ffi
Les amendements du Code du Statut Personnel qui ont
concrétisé la réforme sont constitués par la loi du 4 juillet 1958,
O
celle du 19 juin 1959 et celle du 22 octobre 1962 qui a ratifié
l’arrêté du 20 février 1964, la loi du 28 mai 1964 et celle du 3
ie
juin 1966.
er
Les amendements qui ont constitué un pas de plus dans le
processus de réforme sont, quant à eux, représentés par :
im
viagère.
- La loi du 12 juillet 1993 dont nous traiterons en
abordant l’étape du Changement.
Les grandes lignes de la politique législative moderne ont
pris forme, petit à petit, en Tunisie, à partir de l’Indépendance.
Elles se sont manifestées, au début, à travers les orientations
43
générales fondées sur la double unification de la justice et de la
législation en même temps que sur une volonté de réforme
structurelle et objective.
le
la tunisifiant et en bannissant les tribunaux confessionnels, les
tribunaux mixtes et les tribunaux français qui officiaient en
el
Tunisie. Les tribunaux charaïques islamiques ont cessé
ci
d’exister, en vertu du décret du 3 Août 1956, le tribunal
rabbinique judaïque, en vertu de la loi du 27 septembre 1957.
ffi
Les tribunaux français ont également été supprimés, en vertu
de l’accord tuniso-français du 9 mars 1957, ratifié par le décret
O
du 18 mai 1957. Tout cela a été accompli parallèlement et
simultanément à l’unification des règles charaïques, dont la
ie
première manifestation a été la promulgation, en vertu du
décret du 13 Août 1956, du Code du Statut Personnel dont les
er
44
une attention particulière, la famille étant la cellule nucléaire
de la société et la femme représentant la moitié de la société,
qui n’est plus seulement une société traditionnelle que l’on
chercherait à réhabiliter, mais aussi une société moderne et
équilibrée dont on veut jeter les bases, d’une manière plus sûre.
L’ensemble du droit positif tunisien est ainsi lié, depuis
l’indépendance, sur le double plan conceptuel et organique, aux
le
dispositions du Code du Statut Personnel. Celui-ci doit donc
être considéré comme son point de départ, sa source et le texte
el
d’avant-garde des lois qui le constituent.
ci
III – L’Etape du Changement
ffi
L’étape du Changement et les progrès qui la caractérisent
O
constitue, à notre avis, l’étape de l’édification au-dessus de ce
qui a déjà été édifié. Construire est généralement une tâche
ie
aisée quand on part du niveau du sol, mais construire au-
dessus d’un bâtiment déjà érigé est extrêmement difficile et la
er
difficulté croît avec la hauteur du bâtiment. Le Code du Statut
Personnel représentait déjà, avant le Changement, un édifice
im
l’innovation.
L’action du Président Ben Ali s’est concrétisée, en ce qui
concerne le Code du Statut Personnel, en trois étapes :
1 - Il a clos, au sujet du Code du Statut Personnel, un débat
qui aurait pu avoir des conséquences néfastes.
45
2 - Il a réussi à innover et à faire progresser les conceptions
législatives.
3 - Il a réussi à élever les garanties du Statut Personnel au
rang de principes inscrits dans la Constitution de la
République tunisienne, ce qui veut dire qu’il a hissé cette
branche sensible du droit au plus haut niveau législatif.
le
Personnel :
el
Après le Changement, un grand débat eut lieu en Tunisie
entre certains qui voulaient tirer le pays vers l’arrière et
ci
d’autres qui poussaient vers l’extrême gauche.
ffi
Le débat fit de nouveau rage autour du Code du Statut
Personnel comme s’il constituait le seul véritable sujet de
O
réflexion, à l’aube du Changement au sommet de l’Etat. De
nombreuses rumeurs se mirent à circuler, accréditant l’idée du
ie
retour à la polygamie et celle de l’abandon du divorce judiciaire.
L’attitude du Président Ben Ali fut décisive, ici. Un an et
er
quelques mois seulement après le Changement, il affirmait,
dans un discours prononcé en 1988, que le Code du Statut
im
46
civilisationnel préservant les acquis du pays et tendant à les
faire évoluer. Ce moment historique a été décisif pour les droits
de la famille, de la femme et des enfants.
Le président a prononcé, le 13 Août 1992, à l’occasion de
la fête de la femme, son discours historique dans lequel il a
annoncé un nombre important de réformes relatives aux droits
de la femme, des enfants et de la famille dans le Code du Statut
le
Personnel et dans un certain nombre d’autres textes
juridiques : le Code Pénal, le Code du Travail, le Code de la
el
nationalité tunisienne…
ci
2 – Le développement des conceptions législatives
ffi
dans le Code du Statut Personnel
Ce discours a été suivi de la promulgation de la loi du 12
O
Juillet 1993 portant amendement du Code du Statut Personnel
et qui constitue la traduction juridique du discours présidentiel
ie
du 13 Août 1992 annonçant des réformes essentielles qui
modifiaient les conceptions qui prévalaient alors. En effet, le
er
47
offerts lors de la période des fiançailles et pendant le mariage
ou d’autres questions pratiques.
- L’adoption du principe du partenariat entre les époux, à
travers l’entraide pour tout ce qui concerne la famille et les
enfants (articles 6 et 23).
- Le maintien du père dans son statut de chef de famille,
tout en liant ce rôle à l’obligation pour lui de s’acquitter des
le
frais d’entretien de la famille, et la suppression de l’obligation
expresse d’obéissance pour préserver la dignité de l’épouse.
el
- L’obligation faite à l’épouse de contribuer aux dépenses
ci
de la famille si elle a des biens.
ffi
- L’institution du délit de fraude visant à entraver la
procédure de divorce.
O
- La création de la fonction de juge de la famille et la
modernisation de la procédure du divorce.
ie
- La création de la Caisse de Garantie de la Pension et de
er
la Rente liée au divorce.
- Le renforcement des droits des enfants poursuivant leurs
im
le mariage.
Im
48
tout ce qui les concerne sont ainsi devenus des objectifs
fondamentaux que les époux – les parents – s’emploient à
réaliser de concert, pour tout ce qui concerne l’éducation des
enfants, les soins dont ils les entourent, les études, les
questions financières et les voyages. Tous ces ajouts ont
constitué un bond qualitatif important dans le domaine de la
législation familiale, des droits de la femme et de ceux des
enfants. Elles ont également constitué un nouveau jalon qui a
le
transformé le Code du Statut Personnel en mécanisme de
modernisation de la législation, en outil de développement
el
intégral et continu de la société tunisienne et en miroir
reflétant l’évolution des mentalités, des réalités et du regard
ci
même de la société.
ffi
Par la même occasion, un certain nombre d’autres lois ont
été modifiées, en dehors du Code du Statut Personnel, pour être
O
en harmonie avec cette démarche législative :
- L’élimination expresse dans le Code du Travail de toutes
ie
les formes de discrimination contre la femme pour tout ce qui
concerne le travail, les contrats, le salaire, les différends, la
er
représentation syndicale…
- L’attribution de la nationalité tunisienne à l’enfant de la
im
49
Cette disposition incrimine tout recours à la vengeance
personnelle et consacre l’Etat de droit et les Droits de l’homme.
Suite à cette réforme fondamentale du droit de la famille,
dans ses multiples domaines, plusieurs autres législations ont
été promulguées consacrant les mêmes valeurs et les mêmes
principes mis en œuvre par les amendements apportés en 1993
au Code du Statut Personnel :
le
- Promulgation du Code de Protection de l’enfant, le 9
el
Novembre 1995.
- Amendement du Code des Obligations et Contrats
ci
portant reconnaissance de la responsabilité conjointe des
ffi
parents, en cas de préjudice porté à autrui par l’enfant (1995).
O
- Promulgation d’une loi relative à la prise en charge des
personnes âgées sans soutien familial (1994).
ie
- Promulgation d’une loi attribuant un nom de famille aux
enfants abandonnés et de filiation inconnue (1998).
er
(1998).
- Inscription dans la Constitution de l’obligation de
Im
50
statut personnel, en même temps que renforcement de la
spécificité nationale, en ce qui concerne les valeurs d’entraide,
de solidarité et de tolérance.
- Reconnaissance du rôle de la femme, en tant que
partenaire jouissant de tous les droits et ayant les mêmes
devoirs au sein de la société et de la famille. Ce principe a été
réaffirmé avec force dans le programme d’avenir du Président
le
Zine El Abidine Ben Ali (2004 – 2009) : renforcement de la
présence sociale et politique de la femme en même temps
el
qu’encouragement à veiller sur la famille (travail de la femme à
ci
mi-temps avec les deux tiers du salaire) ; affirmation du droit
des grands-parents de rendre visite à leurs petits enfants ;
ffi
attribution, dans chaque tribunal, d’une aile réservée aux juges
de la famille et des enfants.
O
L’intérêt profond porté à tout ce qui touche au Statut
ie
Personnel est en Tunisie une option civilisationnelle essentielle.
Pour cette raison, l’organisation du Code dépasse le cadre
er
législatif, hissant les garanties qu’il offre au niveau même de la
constitution de la République Tunisienne.
im
51
Etant donné que la constitution se situe au sommet de la
hiérarchie des règles juridiques, son autorité est supérieure aux
autres règles, qu’elles soient contenues dans les traités
internationaux, les textes législatifs ou réglementaires. Dans
l’amendement de la Constitution de 1997 (Loi constitutionnelle
n° 65 de l’année 1997, datée du 27 Octobre 1997), le législateur
a traité la question du « Statut Personnel », dans le cadre de
l’organisation du droit à la constitution de partis politiques. Il a
le
fait de la non contestation des acquis relatifs au Statut
el
Personnel et aux droits de l’homme l’une des conditions
essentielles de l’activité politique, affirmant ainsi avec force
ci
l’importance que revêt le Code du Statut Personnel en Tunisie,
ffi
ainsi que sa dimension progressiste et moderniste et son rôle
dans l’instauration des droits de la femme.
O
L’article 8 de la Constitution dispose ainsi explicitement,
dans ses paragraphes 3, 4 et 5, qu’il incombe aux « partis
ie
politiques de contribuer à encadrer les citoyens en vue
d’organiser leur participation à la vie politique. Ces partis
er
52
Cette avancée constitutionnelle essentielle qui rejette
toutes les formes de discrimination à l’encontre de la femme et
accorde une importance primordiale à l’intérêt de la cellule
sociale a été réaffirmée, lors de la réforme constitutionnelle, en
date du 1er Juin 2002, fruit du référendum populaire. Cette
dernière réforme a fait des Droits de l’homme dans leur
acception globale, et des droits de la femme, en tant que partie
intégrante des droits de l’homme, l’un des principes
le
fondamentaux de la République tunisienne, instituant ces
el
droits dans leur universalité, leur complémentarité et leurs
liens réciproques parmi les options fondamentales de l’Etat
ci
tunisien moderne, l’Etat de droit et des Droits de l’homme.
ffi
Il est à remarquer que l’adoption du principe
d’universalité des droits de l’homme n’a pas empêché le
O
renforcement de la spécificité en ce qui concerne les valeurs
d’entraide, de solidarité et de tolérance, toutes valeurs
ie
fondamentales de notre société qui prennent leur source dans
notre civilisation arabo-musulmane. Ces valeurs se trouvent
er
53
1 – Sur le plan de la forme, une présentation moderne en
livres et articles clairs et précis : la rédaction se
caractérise également par une expression souple qui ne
s’éloigne pas beaucoup du mode d’expression du fiqh
islamique, mais en ne gardant que ce qu’il y a de plus
clair.
le
permet d’éviter certains termes employés par les faqihs
el
qui sont aujourd’hui perçus comme indécents,
susceptibles de créer l’équivoque ou de contenir des
ci
allusions sexuelles avilissantes ou une forme de mépris
ffi
envers la femme.
O
aux multiples circonstances et développements que les
magistrats peuvent rencontrer lorsqu’ils élaborent les
ie
attendus de leurs jugements, de sorte que la réflexion
er
judiciaire en matière de droit positif soit en harmonie avec
l’époque. Le Code du Statut Personnel a ainsi accru les
im
54
accompli un effort de réflexion sont toutes acceptables
quand elles ne contredisent pas un texte explicite ou ne
s’opposent pas au consensus dûment établi, et plus
particulièrement quand elles servent les intérêts réels et
concrets et sont en harmonie avec l’époque. Le respect
de l’autorité du texte religieux – c'est-à-dire les textes
islamiques explicites qui ne souffrent aucune discussion
(Le Saint Coran et la noble Sunna du Prophète) est un
le
des principes constants du Code du Statut Personnel. De
el
nombreux spécialistes affirment que ces principes
fondamentaux ont été respectés et que le Code du Statut
ci
Personnel ne comporte aucune disposition qui soit en
contradiction avec le Saint Coran et la vraie Sunna du
ffi
Prophète.
O
La législation islamique qui doit nous servir d’étalon pour
évaluer le degré de conformité du Code du Statut Personnel à
ie
l’Islam ne peut être que le Saint Coran et la vraie Sunna du
Prophète. Il est à remarquer, à ce propos, qu’il existe
er
quelquefois une confusion, au sein de la pensée islamique. Il
s’agit d’une grave confusion entre la législation islamique et le
im
55
prouve la véracité de ce que nous avançons. Ce qu’ils ont
proposé, et qui s’appuyait sur un effort de réflexion personnelle,
n’a pas soulevé de difficultés à leur époque, mais ce point de vue
n’est plus compatible avec des vérités prouvées par la science
médicale. Ceci ne diminue en rien leur valeur intellectuelle,
mais montre les limites inhérentes à la condition humaine qui
peuvent entraver n’importe quel faqîh, si averti et ingénieux
soit-il.
le
La politique législative en Tunisie, tout en veillant à ne pas
el
contrevenir à ce qu’elle considère comme des préceptes islamiques
ci
établis, s’efforce de se conformer à la modernité en se conformant
aux notamment aux engagements internationaux qui ont été
ffi
intégrés dans le système juridique tunisien. Nous nous souvenons
très bien du fait que la commission technique qui a préparé le
O
projet d’amendement d’un certain nombre d’articles du Code du
Statut Personnel, qui portera la date du 12 Juillet 1993, était
ie
soucieuse tout à la fois de respecter les textes religieux, de
manière à ne pas être en contradiction avec eux, et de consacrer
er
56
rendues à Dieu –, progrès que la volonté politique avertie a
judicieusement planifiés en fournissant le cadre et en faisant
évoluer les approches, malgré les ressources naturelles limitées
du pays.
Nous entendons actuellement dans certains pays, dont il
est inutile de citer les noms, des discours prétendant haut et
fort qu’ils auraient conçu une législation nouvelle qui défend les
le
droits de la femme et organise d’une manière parfaite les
relations au sein de la famille. Nous avons eu connaissance de
el
cette législation et nous nous sommes rendu parfaitement
compte qu’il s’agit là d’un effort estimable mais qui n’a pas, à la
ci
vérité, apporté l’équivalent de ce que la première version du
Code du Statut Personnel a apporté, en 1956. Cinquante ans
ffi
après cette date, d’autres législations adoptées, en matière de
O
droit positif, dans des pays frères et amis, ne sont pas
parvenues à égaler le Code du Statut Personnel. On comprend
que nous nous réjouissions du rayonnement de plus en plus
ie
grand du modèle législatif tunisien.
er
Nul ne saurait douter aujourd’hui que le Code du Statut
Personnel n’est pas un simple ensemble de lois conçues pour
im
57
Notes :
le
réactionnaires ― au sein desquels on comptait des membres du comité
exécutif du Vieux Destour ― aidés de leurs complices allèrent jusqu’à faire
el
déclarer Tahar Haddad apostat, à compromettre sa réputation, à
convoquer une réunion de la commission scientifique, pour, très
ci
rapidement, faire publier un jugement condamnant sévèrement les thèses
défendues par l’auteur, et retirant à ce dernier le bénéfice de ses diplômes
ffi
ainsi que de l’ensemble des droits qui en découlaient, comme par exemple
le droit d’exercer la fonction de notaire. Certains demandèrent au bey
O
d’intervenir en sa qualité de Guide des croyants pour défendre la religion
contre les menaces qui pèsent sur elle … »
(4) Mohammed Habib Bouden, « Les racines du Code du statut personnel dans
ie
le droit musulman », Q.T., 9 / 1982, p. 29 sq : « … En 1930, en Tunisie,
Tahar Haddad fit paraître La femme en Islam et dans la société dans
er
lequel il appelait, entre autres, à libérer la femme, à lui restituer les droits
que l’Islam lui a accordés, et à faire du divorce une prérogative réservée
aux seuls tribunaux.
im
athée et on exigea des autorités qu’il fût condamné pour ses écrits ; sa
charge de notaire lui fut retirée, on lui interdit d’enseigner, de sorte que
ses conditions de vie devinrent des plus précaires… ».
Im
58
personnel et civil en tunisie). Textes recueillis et présentés par Mohamed
Habib Chérif – Dar al-Kitâb. Sousse 1987.
(7) « Le Code du Statut Personnel est un acquis civilisationnel auquel nous
sommes fidèles, qui nous engage, et qui constitue pour nous un sujet de
fierté et de gloire. Il ne saurait y avoir de retour en arrière ni de
renonciation en ce qui concerne ce que la Tunisie a réalisé au profit de la
femme et de la famille ». (Le Président de la République Zine El Abidine
Ben Ali. Carthage, le 19 Mars 1988).
le
el
ci
ffi
O
ie
er
im
pr
Im
59
Im
pr
im
er
ie
O
ffi
ci
el
le
LE SAINT CORAN, UNE DES SOURCES
DU CODE DU STATUT PERSONNEL
le
el
Dr. Mongia SOUAIHI
ci
Professeur des Sciences coraniques
ffi
à l’Université de la Zitouna
O
Mon propos portera sur la convergence entre les
ie
dispositions du Code du statut personnel et le Coran, première
er
source de l’ijtihâd. Mais, avant de traiter la question dans son
ensemble, je commencerai par préciser que l’ijtihâd constitue
im
l’essence de la religion.
Dans la pensée islamique, l’ijtihâd est l’un des piliers
pr
61
personnelle (ijtihâd) dont il est capable afin de parvenir à la
connaissance de l’obligation qui lui a été personnellement faite
par Dieu ».
L’ijtihâd est, dans son prince, une obligation
communautaire telle que, si elle est accomplie par certains, les
autres en sont dispensés, selon le verset : « Pourquoi ne se
mobiliserait pas sur chaque fraction une compagnie,
le
afin d’acquérir une connaissance rigoureuse de la
religion et de donner l’alarme aux leurs, une fois
el
revenus chez eux ? – Ainsi se tiendraient-ils en alerte ? »
ci
(Sourate : Le Repentir, 122)(1).
L’obligation communautaire est accomplie quand un
ffi
groupe de savants s’adonne à l’ijtihâd (effort de réflexion
O
personnelle) et se consacre à l’interprétation afin de trouver les
réponses adéquates, étant donné que, pour les spécialistes des
fondements de la religion (usul), « le terme Ijtihâd fait référence
ie
au fait que le faqîh ne ménage aucun effort pour se constituer
er
une opinion au sujet d’un commandement religieux. »(2)
Ce qu’on entend par « ne ménager aucun effort », c’est
im
62
Nous y voyons ainsi plus clair : l’ijtihâd implique deux
instances : un agent, le sujet qui s’en acquitte, d’une part, et un
objet sur lequel porte l’effort interprétatif, d’autre part.
Le sujet, ou agent, est celui à qui s’applique la définition
ci-dessus mentionnée – telle qu’elle a été commentée – et l’objet
est une disposition de nature religieuse basée sur une opinion
qui s’appuie sur une preuve (3), et dont les gens ont besoin car
le
les situations dans le monde étant en nombre infini, elles ne
peuvent être subsumées par des preuves en nombre fini. On a
el
donc eu besoin « d’ouvrir les portes de l’ijtihâd » en recourant au
qiyâs (analogie) et à d’autres processus interprétatifs.
ci
La condition est donc la survenue d’événements pour
ffi
lesquels on ne dispose d’aucun texte et que les anciens n’ont pas
soumis à l’ijtihâd. Dans ce cas, de deux choses l’une : ou bien on
O
laisse les gens libres de se comporter comme ils l’entendent ou
bien on propose une réponse hors du cadre de l’ijtihâd
ie
canonique, ce qui relève aussi de la fantaisie. Ces deux
solutions constituent un mauvais choix. Il en résulte qu’il faut
er
communauté.
Il est nécessaire de pratiquer l’ijtihâd, en tout temps et à
pr
63
Nous entendons ici par tradition le fait de suivre
l’exemple des premiers compagnons du Prophète et de leurs
successeurs ainsi que celui des Anciens. Ce serait faire preuve
d’un manque de discernement que de dire que l’ijtihâd était
nécessaire, du temps du Prophète, alors même que les textes
coraniques se succédaient et que la Tradition du Prophète
(Sunna) se constituait grâce aux Hadiths, et de prétendre, en
même temps, qu’après cette époque l’ijtihâd doit être interdit
le
alors qu’il constitue l’unique source pour comprendre les textes,
el
amender les comportements, préciser les obligations et les
commandements (5).
ci
Quelle est donc la part de l’ijtihâd dans le Code tunisien
ffi
du statut personnel ?
O
Les jurisconsultes (faqihs) et les juristes tunisiens se sont
fondés sur les sources de la législation islamique pour établir
les dispositions du code du statut personnel. La première de ces
ie
sources, c’est le Saint Coran. Viennent ensuite les Hadiths du
er
Prophète, puis le fiqh et l’ijtihâd, fondé sur la raison. Etant
donné que le sujet que je me propose de traiter est : Le Coran,
im
I – Le mariage :
64
vous en tenez au sous-entendu, ou gardez la chose en
vous-mêmes » (La Vache 235).
Mohamed Abduh écrit : « Dieu le Très-Haut a permis à
l’homme de parler de mariage à la femme en situation de
viduité (Idda), et il a lié cela à l’intention qu’il a en son cœur et
a exigé de lui la sincérité » (10). Dieu a interdit de faire les
choses secrètement car la demande en mariage ne doit pas se
le
faire en secret, selon la parole de Dieu : « En tout cas, ne leur
faites pas de promesse secrète, sauf à observer un
el
langage de convenance. En définitive, ne vous décidez à
la conclusion d’un mariage qu’une fois expiré le délai
ci
prescrit ». (La Vache, 235).
ffi
S’inspirant de ces versets, l’article 1 du Code du statut
O
personnel dispose que « la promesse de mariage et l’échange de
promesses ne constituent pas mariage et le juge ne pourra en
imposer l’exécution aux parties ».
ie
Après la demande en mariage, si le fiancé a offert des
er
cadeaux à sa fiancée, et même si le contrat de mariage a été
établi sans que le mariage ait été consommé, que dit le Coran à
im
65
elles, accorder cette remise, c’est être plus proche de se
prémunir. Mais n’oubliez pas entre vous la libéralité.
Dieu est clairvoyant sur vos actions. » (La Vache, 237)
Ces deux versets, en tant que source fondamentale,
établissent clairement le droit du fiancé à la récupération des
cadeaux offerts à sa fiancée avant le mariage.
Les savants tunisiens, juristes et jurisconsultes, se sont
le
inspirés du Coran, tout en tenant compte de l’évolution
el
historique, et ont reconnu à la jeune fille un droit égal à la
restitution des cadeaux offerts à son fiancé, selon la loi n° 74 de
ci
l’année 1993, datée du 12 Juillet 1993 et amendant certains
ffi
articles du Code du Statut Personnel. Cet amendement a établi
l’égalité entre les deux fiancés quant à la restitution des
O
cadeaux, abolissant ainsi toutes les formes de discrimination à
l’encontre de la femme. Cet article stipulait, avant d’être
ie
amendé, le droit du fiancé de récupérer les cadeaux, sans
mentionner la fiancée, alors que la situation a changé dans
er
l’amendement :
Im
66
trouviez l’apaisement ; qu’Il ait entre elles et vous établi
affection et miséricorde (…)
En quoi résident des signes pour un peuple capable
de réfléchir. » (Les Byzantins, 21). Il va sans dire que
l’affection, la miséricorde et l’apaisement ne se réalisent que si
les deux époux sont consentants. Le Saint Coran a annulé le
mariage de Zeineb bent Jahech parce qu’elle n’était pas
le
consentante pour se marier avec Zayd Al Mawlâ. « Ainsi
quand Zayd eut cessé les rapports avec elle, Nous te la
el
fîmes épouser, de sorte qu’il n’y ait pas de gêne pour les
ci
croyants quant aux épouses de leurs fils adoptifs une
fois que ces derniers ont cessé les rapports avec elles »
ffi
(Les Coalisés, 37).
O
Le Coran a de même interdit d’empêcher les femmes
répudiées de se remarier si elles sont consentantes : « Si vous
avez répudié une femme et qu’elle ait rempli son délai,
ie
n’élevez pas de difficulté contre son remariage avec un
er
nouveau mari, s’ils se sont mis d’accord selon les
convenances » (La Vache, 232) (8).
im
67
époux. Elle garantit que la relation naissante n’est pas un jeu et
constitue une première étape vers l’annonce du mariage, ce qui
amènera la société à lui accorder une reconnaissance qui aura
force de loi. La relation conjugale est un lien de nature sociale,
elle constitue le noyau de la société avec laquelle elle entre dans
un processus d’échange.
La détermination du montant de la dot a également été
le
posée comme condition, selon la parole divine : « Donnez aux
femmes sans contrepartie leurs dons nuptiaux » (Les
el
Femmes, 4).
ci
Et « Epousez-les donc avec le consentement des
leurs, donnez-leur leur salaire nuptial selon les
ffi
convenances » (Les Femmes, 25).
O
Tout ce qui peut constituer un prix et une contre-valeur
pour quelque chose peut constituer une dot (9) : telle est la
ie
substance de l’article 12 du Code du statut personnel : « La dot
peut être constituée par tout bien licite évaluable en argent. La
er
dot constitue pour l’épouse un bien dont elle dispose à son gré ».
im
68
les paroles de Dieu : « Mariez les femmes de votre
communauté et les vertueux parmi vos esclaves hommes
et femmes » (La Lumière, 32).
Le Très-Haut dit également : « N’épousez pas de
femmes polythéistes, avant qu’elles croient ». (La Vache,
221).
Il est possible, à ce propos, de regrouper les articles
le
inspirés de ces sources coraniques :
el
D’abord, l’article 6 du Code du statut personnel : « Le
mariage de l’homme ou de la femme qui n’ont pas atteint l’âge
ci
de la majorité légale est subordonné au consentement de leur
ffi
tuteur et de la mère.
En cas de refus de ce dernier, et de persistance des deux
O
futurs conjoints, le juge est saisi. Son avis est intangible ».
ie
L’amendement de 1993 a ajouté la condition de l’accord de
la mère, il stipule explicitement qu’on ne peut contester
er
l’autorisation accordée par le juge afin de résoudre les
problèmes ayant surgi dans la pratique et qui ont donné lieu à
im
69
Enfin, l’article 9 du Code du Statut Personnel qui stipule
que : « L’homme et la femme peuvent conclure mariage par eux-
mêmes ou par mandataire. Celui qui consent au mariage d’un
mineur peut également le faire par procuration ».
le
d’alliance ou de triple divorce :
el
Au sujet des relations de parenté et d’alliance, Dieu
recommande : « N’épousez pas des femmes qu’auraient
ci
épousées vos pères - exception faite des situations
ffi
acquises - : ce serait une turpitude, un inceste, un
détestable chemin ! Vous sont interdites vos mères, filles,
O
sœurs, toutes de père ou de mère, de frère ou de sœur,
mères et sœurs de lait, mères de vos épouses, pupilles
ie
encore dans votre giron et issues de vos femmes, si vous
er
avez consommé l’union avec ces dernières (au cas
inverse nulle faute à vous), et encore les épouses des fils
im
70
B – Interdictions temporaires :
Ces interdictions concernent les femmes « préservées » ou
observant le délai de viduité.
Le droit de l’autre sur la femme est exprimé dans la
sourate des Femmes. Après avoir interdit le mariage avec les
femmes pour cause de parenté ou d’alliance, Dieu dit : « Les
préservées d’entre les femmes » (Les Femmes, 24). Les
le
« préservées » sont les femmes ayant un mari.
el
Le délai de viduité est évoqué dans ce verset : « Quand
aux répudiées, mise en observation de leur personne
ci
pour une durée de trois menstruations. Il ne leur est pas
ffi
licite de celer ce que Dieu crée en leur matrice pour
autant qu’elles croient en Dieu et au jour dernier » (La
O
Vache, 228).
De même : « Ceux d’entre vous qui sont par Dieu
ie
récupérés laissant des veuves, celles-ci seront mises en
er
observation de leur personne quatre mois et dix jours.
Le délai rempli, vous n’encourriez nulle faute en raison
im
coraniques.
Voici le texte de l’article 14 « Les empêchements au
mariage sont de deux sortes : permanents et provisoires.
Les empêchements permanents résultent de la parenté,
de l’alliance, de l’allaitement ou du triple divorce.
71
Les empêchements provisoires résultent de l’existence
d’un mariage non dissout ou de la non expiration du délai de
viduité ».
On lit dans l’article 15 « Est prohibé le mariage de
l’homme avec ses ascendantes et descendantes, avec ses sœurs
et les descendantes à l’infini de ses frères et sœurs, avec ses
tantes, grands-tantes et arrières grands tantes ».
le
L’article 16 précise : « Est prohibé le mariage de l’homme
el
avec les ascendantes de sa femme dès la célébration du
mariage, avec les descendantes de sa femme à condition que le
ci
mariage ait été consommé, avec les épouses de ses ascendants
ffi
ou descendants, à quelque degré qu’ils appartiennent, dès la
célébration du mariage ».
O
L’article 17 stipule que « l’allaitement entraîne les mêmes
empêchements que la parenté et l’alliance.
ie
Seul, l’enfant allaité est considéré, à l’exclusion de ses
er
frères et sœurs, comme l’enfant de la nourrice et de son époux.
5 – L’interdiction de la polygamie :
L’article 18 a interdit la polygamie en Tunisie, depuis 50
ans, et ceci en se fondant sur l’ijtihâd, inspiré de la parole du
Très-Haut : « Si vous craignez de n’être pas équitables…
alors épousez ce qui vous plaira d’entre les femmes, par
72
deux, ou trois ou quatre. Mais si vous craignez de n’être
pas justes, alors seulement une » (Les Femmes, 3).
le
tout un chacun. Et si la polygamie ne s’accompagne pas du
devoir d’équité entre les épouses, l’équilibre de la famille est
el
détruit, les conflits surviennent, les épouses n’obéissent plus à
ci
leurs époux, les enfants à leurs pères et causent du tort à leurs
épouses et à leurs fils.
ffi
La polygamie ne constitue pas un mal si elle vise un
O
intérêt précis à condition qu’il ne soit pas en contradiction avec
la condition préliminaire et ne l’annule pas » (13).
ie
Le verset 129 de la sourate des Femmes règle d’une
er
manière définitive la question de la polygamie : « Vous ne
pourrez être justes envers vos épouses, même si vous y
im
veillez ».
73
- Encourt les mêmes peines, quiconque, ayant contracté
mariage hors des formes prévues par la loi n°57-3 du 1er Août
1957 (4 Mouharram 1377) réglementant l’Etat civil, conclu une
nouvelle union et continue la vie commune avec son premier
conjoint.
Encourt les mêmes peines le conjoint qui, sciemment,
contracte mariage avec une personne tombant sous le coup des
le
dispositions des deux alinéas précédents.
L’article 53 du Code Pénal n’est pas applicable aux
el
infractions prévues par le présent article ».
ci
6 – La relation entre les deux époux :
ffi
Le Coran considère le mariage comme un engagement
O
ferme contracté par l’époux envers son épouse après avoir
obtenu son consentement et l’accord des tuteurs, en présence
des témoins et une fois la dot donnée et les festivités célébrées.
ie
Le Très-Haut affirme ainsi : « Elles ont reçu de vous un si
er
grave engagement » (Les Femmes, 21).
Qu’est-ce qui est exigé aux termes de cet engagement ?
im
74
Il recommande également à la femme d’avoir de bons
rapports avec son mari, étant donné qu’elle a un rôle important
et que sa contribution est essentielle à la conservation de la
famille et à sa protection contre la désintégration si elle
comprend le sens de ce verset : « Les femmes ont droit à
l’équivalent de ce qui leur incombe selon les
convenances » (La Vache, 228). Le verset nous permet
également de comprendre que l’époux n’a pas le droit de bafouer
le
les droits de sa femme, sous peine de commettre une injustice et
el
un abus de pouvoir et que l’épouse, non plus, n’a pas le droit de
bafouer les droits de son mari, sous peine d’être injuste et de
ci
commettre des abus (14).
ffi
La famille musulmane a été fondée sur l’entraide et le
respect mutuel, selon la parole du Très-Haut : « Entraidez-
O
vous à la piété et à vous prémunir ; ne vous entraidez
pas au péché non plus qu’à l’agression » (La Table
ie
pourvue, 02).
er
Afin de mettre en exergue l’importance de cette entraide
et la fermeté de la relation conjugale, le Très-Haut déclare :
im
lui. Il doit éviter de lui porter préjudice. Les deux époux sont
tenus de s’acquitter des devoirs conjugaux selon les usages et la
coutume. Ils doivent s’entraider dans la gestion des affaires de
la famille, pour ce qui est de l’éducation des enfants. Ils
s’occupent ensemble de ce qui les concerne y compris les études,
les voyages et les transactions financières ».
75
Conformément à l’ijtihâd, et tenant compte de l’évolution
historique, l’amendement de 1993 a confirmé le père dans son
statut de chef de famille mais il a accordé à l’épouse un rôle
plus important dans la gestion des affaires de la famille et le
suivi des intérêts des enfants. Il a introduit un concept
progressiste en formulant le principe de l’entraide entre les
époux et en abrogeant le devoir d’obéissance et de service qui
le
était exigé de l’épouse, et ce dans le but d’élever son statut au
sein de la famille et sa valeur aux yeux de son époux.
el
D’autre part, il a fait obligation à l’épouse de contribuer
ci
aux dépenses familiales si elle dispose d’un patrimoine,
ffi
concrétisant ainsi l’évolution de sa situation économique et
sociale, et renforçant les principes de solidarité entre les époux
O
et de solidarité familiale, selon l’expression de l’éminent
magistrat, le Professeur Mohamed Habib Chérif (15).
ie
II – L’obligation de subvenir aux besoins de la famille :
er
A – L’épouse :
im
indique que ces frais incombent à l’homme. Et, étant donné que
la mère bénéficie de cette obligation, du fait de l’accouchement,
l’enfant y a, à plus forte raison, droit. Le verset oblige de façon
explicite le père à assurer l’entretien de l’enfant. La même
obligation se retrouve dans les articles 37 et 38 du Code du
Statut Personnel. L’article 37 est ainsi rédigé : « L’obligation
76
alimentaire prend sa source dans le mariage, la parenté ou
l’engagement volontaire ».
Le Coran a mentionné l’engagement volontaire et la parenté
dans les versets 14 et 15 de la sourate la Ville : «… ou de
nourrir au jour de famine un orphelin de parentèle. »
le
mariage et durant le délai de viduité en cas de divorce ».
el
B – Le droit des parents à la piété filiale :
ci
Le Coran a fait obligation aux enfants de subvenir aux
ffi
besoins de leurs ascendants, de bien les traiter et de les
entourer d’affection. Ainsi parle le Très-Haut : « Ton seigneur
O
a décrété que vous l’adoriez lui seul, et dans le bel agir à
l’égard des père et mère. Si chez toi ils atteignent au
ie
grand âge, l’un d’eux ou bien tous les deux, ne va pas
leur dire : « Bof ! » ni les rudoyer ; dis-leur des paroles
er
77
ainsi tenus de subvenir aux besoins de leurs parents
nécessiteux et d’offrir des présents à ceux qui sont riches. Ils
doivent également leur rendre visite et exaucer leurs
demandes, tant qu’elles n’enfreignent pas les recommandations
divines ; Dieu a dit : « Nous même avons recommandé à
Dieu ses père et mère : Sa mère ne l’a-t-elle pas porté,
malaise sur malaise, et mis deux ans à le sevrer ? Sois-
M’en reconnaissant, comme à tes père et mère. Je suis la
le
destination de tout.
el
S’ils faisaient cependant tous deux pression sur toi
ci
pour te faire M’associer ce qui heurte ta connaissance,
ne leur obéis pas, tout en les escortant ici-bas de
ffi
convenances. » (Luqmân 14 et 15) Ainsi le droit des parents
à un traitement convenable, à des paroles douces et pleines de
O
prévenance est garanti par le Livre Saint, quand bien même ils
seraient polythéistes.
ie
En se situant dans cette optique qui renforce les relations
er
familiales et sociales, raffermit les liens d’affection au sein de la
famille et amène les jeunes à respecter leurs aînés, le Code du
im
78
par leur petit-fils ou leur petite-fille, symétriquement au droit
des petits-enfants du côté de la fille d’hériter du patrimoine de
leurs grands-parents, selon la modalité du legs obligatoire, tel
que le précise l’article 19 du Code du Statut Personnel dont le
but est de garantir la solidarité familiale et sociale (16).
La lecture des versets coraniques et du contenu de cet
article du Code permet de voir que la prise en charge des
le
besoins matériels des parents et des ascendants est une
obligation et non une faveur ou une grâce accordée par les
el
descendants. L’article 44 du Code du Statut Personnel stipule
ci
également ceci : « L’enfant ou les enfants aisés des deux sexes
sont tenus de pourvoir aux aliments de leur père et mère et de
ffi
leurs aïeux paternels à quelque rang qu’ils se situent et de leurs
aïeux maternels du premier rang ».
O
Entrant dans les détails et afin d’empêcher les enfants de
se défausser de cette obligation envers leurs ascendants ou
ie
d’exiger les uns des autres un partage égalitaire des frais,
er
l’article 45 a précisé « lorsqu’ils sont plusieurs, les enfants
contribuent à la pension alimentaire en proportion de leur
im
C – Les enfants :
Im
79
Il a de même ordonné de subvenir aux besoins des enfants
dans plus d’un verset :
le
- « Croyez en Dieu et en Son Prophète et faites
dépense de ce sur quoi il vous a fait lieutenance » (Le
el
Fer, 7).
ci
Dans l’un de ses nobles hadiths, le Prophète affirme : « le
meilleur dinar est celui que l’homme dépense pour subvenir aux
ffi
besoins de sa famille. » (17) Le Prophète, que la prière et la
O
bénédiction de Dieu soient sur lui, a accordé une haute valeur à
celui qui assure l’entretien de ses enfants et ne les néglige pas.
« Quel homme peut prétendre à une rétribution plus grande que
ie
celui qui subvient aux besoins de ses jeunes enfants ? » (18).
er
Les lois tunisiennes relatives au Statut Personnel sont en
accord avec le Coran et la Sunna. Elles ont traité la question de
im
80
l’affirmation du droit de la fille à la prise en charge de ses
besoins matériels jusqu’au mariage et par la prolongation du
droit du fils jusqu’à l’âge de 20 ans au lieu de 16 auparavant.
Ont droit à l’obligation alimentaire jusqu’à 25 ans les enfants
qui poursuivent leurs études. Les enfants handicapés des deux
sexes en bénéficient quel que soit leur âge s’ils sont dans
l’incapacité de gagner leur vie et de subvenir à leurs besoins. »
(19)
le
Le Code du statut personnel a également accordé de
el
l’importance au droit de l’enfant à l’allaitement, conformément
ci
au Coran. Nous lisons ainsi dans l’article 48 : « En cas
d’empêchement de la mère, le père est tenu de pourvoir aux
ffi
frais de l’allaitement conformément aux us et coutumes. » Selon
le Très-Haut : « Si elles allaitent un enfant de vous,
O
donnez-leur leur pension et concertez-vous avec elles
selon ce que recommandent les convenances. Si cela crée
ie
entre vous des tensions, une autre allaitera l’enfant. »
(La Répudiation, 6).
er
81
orphelins et les pauvres. De nombreux versets recommandent
ainsi de leur porter secours : « … de nourrir en temps de
disette un parent orphelin. » (La ville, 14 et 15) Dieu
recommande de veiller sur eux et sur leurs biens quand ils en
ont et qu’ils sont jeunes, Il dit : « Rendez aux orphelins leurs
biens : ne substituez pas l’infâme à ce qui est bon, ne
mangez pas de leur bien ajouté au vôtre : ce serait
coulpe grave » (Les Femmes, 2).
le
Mettant en garde celui qui détourne à son profit les biens
el
de l’orphelin et le menaçant d’un châtiment exemplaire, Dieu
ci
avertit : « Ceux qui mangent du bien des orphelins, dans
l’iniquité, mangent du feu dans leur ventre : ils brûleront
ffi
en Enfer ». (Les Femmes, 10).
O
Le Coran a également recommandé de veiller sur les
orphelins des deux sexes dans ce saint verset : « Assurez aux
ie
orphelins l’équité ! Tout bien que vous pratiquiez, Dieu
en est connaissant » (Les Femmes, 127). Les orphelins ont
er
ainsi le droit de bénéficier d’une sollicitude particulière. Le
Coran a en effet cité parmi les actions méritoires le fait de
im
82
une personne, quel que soit l’âge de celle-ci, est tenu d’exécuter
son obligation. Si la période n’est pas déterminée, elle le sera au
gré du débiteur ». L’article 50 du même Code a précisé ce que la
pension alimentaire englobe : « La pension alimentaire
comprend la nourriture, l’habillement, le logement, l’instruction
et tout ce qui est considéré comme nécessaire à l’existence,
selon l’usage et la coutume. » Les dépenses sont
proportionnelles aux moyens de celui qui en a la charge, selon
le
l’article 52 du Code : «Les aliments ne sont accordés que dans
el
la proportion de la fortune de celui qui les doit et du besoin de
celui qui les réclame, compte tenu du coût de la vie», et
ci
conformément à la parole du Très-Haut: «Que l’homme aisé
ffi
assure l’entretien à la hauteur de son aisance. Que celui
à qui fut mesurée l’attribution le fasse sur ce que Dieu
O
lui aura imparti ; Dieu ne charge une personne que selon
ce qu’il lui accorde. » (La Répudiation, 7).
ie
III – Le Divorce :
er
83
Des restrictions ont été imposées afin d’en limiter la
pratique. En effet, la répudiation est interdite si elle ne répond
pas à une nécessité, selon le Hadith : «Ni dommage aux autres,
ni hostilité. » (22) L’Islam refuse aussi la répudiation par
caprice ou recherche de plaisir. Le Prophète, que la bénédiction
de Dieu soit sur lui, déclare : « je déteste les « goûteurs » parmi
les hommes et les « goûteurs » parmi les femmes » (23) ; et
« Dieu n’aime pas les « goûteurs », qu’ils soient hommes ou
le
femmes. » (24) Le Coran utilise différents moyens pour tenter
el
d’entraver la répudiation comme le recours à la conciliation
entre les époux, conformément à ce verset : « Si vous craignez
ci
la division entre époux, commettez un arbitre de la
ffi
famille, un arbitre de celle de l’épouse. S’ils veulent un
raccommodement, Dieu les y fasse réussir.
O
- Dieu est connaissant, informé. » (Les Femmes, 35).
L’article 25 du Code du Statut Personnel formule la même
ie
recommandation : « Si l’un des époux se plaint de tout fait lui
er
portant préjudice de la part de l’autre époux sans pouvoir en
administrer la preuve, et si le juge ne peut déterminer l’époux
im
réconcilier les époux et, dans tous les cas, rendre compte de leur
mission au juge ».
Im
84
jurisconsultes ont donné au seul tribunal la prérogative de
prononcer le divorce, dans l’article 30 : « Le divorce ne peut
avoir lieu que par-devant le Tribunal ».
Cette décision comporte des avantages indéniables pour la
protection de la famille contre la désintégration, assurant
également la protection de la femme contre les caprices de
l’époux qui pourrait être tenté de recourir au divorce pour les
le
raison les plus futiles, et évitant aux enfants les souffrances dues
à la séparation des parents. Législation et justice se trouvent
el
ainsi étroitement liées en Tunisie pour ce qui a trait aux affaires
ci
relevant du statut personnel, en général, et le divorce, en
particulier. L’Etat Civil est réglementé conformément à
ffi
l’évolution historique et en harmonie avec la pratique des Etats
modernes qui recourent aux études sociologues, démographiques
O
et politiques et élaborent des plans de développement sur cette
base (25).
ie
2 – La législation de la répudiation dans le Coran :
er
85
observation de leur personne pour une durée de trois
menstruations. Il ne leur est pas licite de celer ce que
Dieu crée en leur matrice pour autant qu’elles croient en
Dieu et au jour dernier. Leur mari a priorité pour les
reprendre, s’il préfère une réconciliation. »
Et encore : « Celles de vos femmes qui désespèrent
d’être menstruées, si toutefois vous avez un doute, leur
le
délai sera de trois mois. De même pour celles non encore
menstruées. Quant à celles en cours de grossesse, le terme
el
sera qu’elles déposent leur faix.» (La Répudiation, 4)
ci
Le Coran interdit à l’époux de renvoyer la femme qu’il a
répudiée de chez elle avant l’expiration du délai de viduité :
ffi
« Ne les expulsez pas de leur logement, qu’elles n’en
O
sortent que si elles ont commis une infamie dûment
prouvée. » (La Répudiation, 1) Le fait que la femme reste au
ie
foyer conjugal durant le délai de viduité et qu’il soit interdit au
mari de l’en renvoyer, à défaut d’une raison légitime, comporte
er
un avantage considérable, étant donné que l’époux et l’épouse
peuvent revenir sur leur décision durant ce délai. La
im
86
qui stipule que « La femme, divorcée après la consommation du
mariage ou devenue veuve avant ou après la consommation du
mariage, doit observer le délai de viduité tel qu’il est déterminé
à l’article ci-après. » C’est-à-dire l’article 35 qui stipule que « la
femme divorcée non enceinte observera un délai de viduité de
trois mois accomplis ; pour la veuve, il est de quatre mois et dix
jours accomplis. Le délai de viduité de la femme enceinte prend
fin avec l’accouchement. La durée maxime de la conception est
le
d’une année à compter du divorce ou du décès du mari. » Se
el
fondant sur le Coran, le législateur a considéré, selon l’article
32 du Code du Statut Personnel, que « quand il y a un ou
ci
plusieurs enfants mineurs, trois audiences de conciliation
ffi
doivent être organisées, séparées l’une de l’autre par 30 jours
au moins. Le juge doit fournir un maximum d’effort afin de
O
parvenir à réconcilier les époux et il doit faire appel au concours
de la personne qu’il juge idoine pour le faire. » En examinant
ie
soigneusement les choses, on voit très clairement la relation
entre le maintien de l’épouse au foyer conjugal durant le délai
er
de viduité, dans l’espoir d’une réconciliation, et le terme de ces
audiences de conciliation.
im
87
l’ancien mari, qu’elle n’ait épousé un autre mari. Si ce
tiers la répudiait, nulle faute pour les deux premiers à se
marier derechef, s’ils s’estiment capables de satisfaire
aux normes de Dieu.
le
prohibé le mariage de l’homme avec la femme dont il avait été
el
divorcé trois fois. » L’article 31 du Code précise les sortes de
divorce possibles : par consentement mutuel, à la demande de
ci
l’un des époux en raison du préjudice qu’il a subi, à la demande
du mari ou de la femme, conformément à la parole du Très-
ffi
Haut : « Si le père et la mère s’entendent pour un sevrage,
O
après consultation réciproque et mutuel consentement,
nulle faute à leur charge.» (La Vache, 233) En cela, il se
ie
base également sur le fiqh, tout en introduisant de nouvelles
dispositions en faveur de la famille et de la femme et en se
er
conformant à l’interdiction de porter préjudice à cette dernière,
exprimée dans le verset suivant : « Si vous répudiez des
im
88
ravir une part de ce que vous leur avez donné, à moins
qu’elles ne se rendent coupables d’une turpitude
prouvée. » (Les Femmes, 19)
La charia interdit à l’homme, si l’initiative de la
répudiation lui revient, de reprendre tout ou partie de ce qu’il
aura offert à son épouse : « Si vous voulez substituer une
épouse à une autre, eussiez-vous donné à l’une d’elles un
le
quintal d’or, n’en récupérez pas une miette.
el
-Le feriez-vous, au prix d’une infamie, d’un péché
flagrant ? Et comment le feriez-vous quand vous avez
ci
accédé l’un à l’autre, et qu’elles ont reçu de vous un si
ffi
grave engagement ? » (Les Femmes, 20 – 21) Ceci, après
consommation du mariage. Avant la consommation du mariage,
O
le Coran stipule : « Si vous les répudiez avant de les avoir
touchées, mais après leur avoir assigné un droit, vous
ie
devrez la moitié de ce que vous aurez assigné, à moins
que l’épouse ne vous en fasse remise gracieuse, elle ou
er
237)
Im
89
époux aura offerts à l’autre après la conclusion du mariage
seront restitués à l’un ou à l’autre dans leur consistance
actuelle, même s’ils sont altérés, si la dissolution du mariage
intervient avant la consommation de celui-ci, pour un motif
imputable à l’une ou l’autre partie. Aucune restitution ne sera
faite après la consommation du mariage ».
L’amendement de 1993 a institué l’égalité entre les deux
le
époux en ce qui concerne la restitution des présents offerts
après la célébration du mariage et avant sa consommation,
el
supprimant ainsi toute forme de discrimination entre les sexes,
ci
prenant en considérant la situation nouvelle de la femme et son
indépendance économique et respectant la recommandation du
ffi
Coran au sujet de ces présents. L’article 33 du Code du Statut
Personnel est conforme au texte coranique : « Si le divorce est
O
prononcé avant la consommation du mariage, la femme a droit
à la moitié de la dot fixée ».
ie
3 - Les droits de la femme divorcée et ceux de ses
er
enfants :
Les sources de ces droits se trouvent dans le Coran et
im
90
Dieu a également recommandé : « Affectez à leur
logement une partie du vôtre, selon vos possibilités. Ne
leur faites pas le moindre mal par des tracasseries. Si
elles sont en cours de grossesse, pourvoyez à leur
entretien jusqu’à ce qu’elles déposent leur faix. Si elles
allaitent un enfant de vous, donnez-leur leur pension et
concertez-vous avec elles sur ce que commandent les
convenances. Si cela crée entre vous des tensions, une
le
autre allaitera l’enfant. » (La Répudiation, 6) Dans la
el
même sourate, on lit : « Que l’homme aisé assure l’entretien
à la hauteur de son aisance. Que celui à qui fut mesurée
ci
l’attribution le fasse sur ce que Dieu lui aura imparti. »
ffi
(La Répudiation, 7).
La femme répudiée et ses enfants ont droit au logement et
O
à la pension alimentaire, selon ses versets et, plus précisément,
la parole du Très-Haut : « …Nulle femme ne soit lésée du
ie
fait de son enfant, non plus que celui à qui l’enfant est
er
né… » (La Vache, 233)
Les droits ont été raffermis et développés grâce à l’effort
im
moral pour celui des deux époux qui aura subi un préjudice du
fait du divorce. La femme qui aura subi un préjudice du fait du
divorce, obtient – et c’est un avantage dont le mari ne bénéficie
pas – une rente viagère, servie mensuellement. Selon l’article
30 du Code du Statut Personnel : « … Le Président doit
ordonner, même d’office, toutes les mesures urgentes
91
concernant la résidence des époux, les aliments, la garde des
enfants et le droit de visite, sauf si les parties renoncent
expressément à des mesures en tout ou partie, à condition que
cela ne porte pas préjudice à l’intérêt des enfants. » L’article 31
stipule que « En ce qui concerne la femme, le préjudice matériel
sera réparé sous forme de rente payable mensuellement et à
terme échu à l’expiration du délai de viduité… Elle continue à
être servie jusqu’au décès de la femme … » Afin de faciliter la
le
vie des enfants et de les préserver contre l’abandon, la loi
el
tunisienne est d’une extrême sévérité à l’encontre de celui qui
néglige ses enfants. Elle punit de prison celui que ne s’acquitte
ci
pas de la pension alimentaire due à ses enfants et à son ex-
ffi
épouse. L’Etat a institué une caisse de garantie de la pension
alimentaire et de la rente, dans l’article 53 bis du Code du
O
Statut Personnel, suite à l’amendement de 1993.
92
mère ira le sixième, déduction faite de la chose testée ou
due. » (Les Femmes, 11)
Le Coran insiste encore sur le legs et les dettes : « A vous
la moitié de ce qu’ont laissé vos épouses, à moins qu’elles
n’aient une progéniture. Si c’est le cas, vous aurez le
quart de leur succession, déduction faite de chose testée
ou due. Elles auront le quart de ce que vous aurez laissé,
le
si vous ne laissez pas de progéniture ; si c’est le cas, elles
auront le huitième de votre succession, déduction faite
el
de chose testée ou due.
ci
En cas de succession d’un homme ou d’une femme
pourvus de successibles directs, mais qui ait un frère ou
ffi
une sœur, à chacun de ces derniers reviendra un
O
sixième ; s’ils sont davantage, ils se partageront un tiers,
déduction faite de chose testée ou due, sauf en cas de
lésion.
ie
Tout cela sur recommandation de Dieu. Dieu est
er
connaissant et longanime. » (Les Femmes, 12)
im
93
5 – L’hérédité.
le
Le livre 11 du Code fixe dans ses articles 171 à 199 les
dispositions relatives au legs, sans s’écarter non plus des
el
dispositions du Livre Saint.
ci
Les dispositions du Code du Statut Personnel et de ses
ffi
annexes se situent ainsi dans le prolongement des principes du
Saint Coran dont elles ne dévient pas quand elles recourent à
O
l’effort de réflexion et d’adaptation aux principes des droits de
l’Homme et des traités internationaux que la Tunisie a ratifiés.
ie
On peut donc tirer les conclusions suivantes :
er
Sunna et l’ijtihâd.
pr
94
- La religion musulmane est faite pour des hommes qui
raisonnent et qui réfléchissent et non pour ceux qui agressent,
interdisent et accusent. Nous constatons une grande différence
entre nos sages Anciens et ceux qui leur ont succédé, entre le
passé et le présent, car nos valeureux Anciens étaient des
bâtisseurs de civilisation et des constructeurs autant qu’ils
étaient des innovateurs et des précurseurs, dans les domaines
le
de la création et des découvertes. Ils ont également marqué
l’histoire du monde par leur présence ainsi que cela s’est
el
concrétisé par leur rôle de premier plan à la tête du processus
ci
civilisationnel durant de nombreux siècles, comme l’a affirmé
Ali Harb dans son livre : ’Al ’Insan al-’Adnâ, ’Amrâdh ad-Din
ffi
wa ’Iitâl al-Hadâtha (L’Homme minimal : maladies de la foi et
entraves à la modernité) (26).
O
- L’ijtihâd et l’exercice de la raison sont seuls susceptibles
ie
de nous faire sortir de la situation de retard civilisationnel et de
nous libérer du mimétisme idéologique des Anciens, mimétisme
er
qui n’est nullement à mes yeux leur imitation dans le travail
sérieux qu’ils ont accompli, leurs initiatives exceptionnelles et
im
95
Notes :
le
4- Abû Ishâq ach-Châtibî – Al-Muwâfaqât fi Usûl ash-Sharîa. T.4, p. 104. Dar
al-Maârifa – Beyrouth. S.d..
el
5- Abbas Mahmûd al-Aqqad – Attafkîru Farîdhatun Islâmiya. P. 22, ed.
Imprimerie du Caire – s.d.
ci
6- Muhammad Abduh. Tafsîr al-Manâr. T.2, p. 426, 2e ed. Dar Al-Maârifa.
ffi
Beyrouth. S.d.
7- Code du Statut Personnel : éd. et commentaire Mohamed Habib Chérif.
O
P.23 Dâr Al-Mîzan li an-Nachr – Sousse – Tunis – Juin 2004.
8- Muhammad Abû an-Nûr. Manhaj as-Sunna fî az-zawâj. P. 139, Dar as-
Salâm, 4e ed. 1413 H/1992.
ie
9- Ibidem p. 18.
er
10- Ahmed Ibn Abderrahmân al-Banna – Fath ar-Rabbânî bi Charhi Tartîb
Musnad Ahmad Ibn Hanbal ash-Shibânî. T.9.
im
Tunis, 1984.
14- Al-Bahiy al-Khûlî – Al-Islâm wal-Mar’atu al-Muaa-sira p.71, Dar al-Ilm,
Im
96
21- Abbas Mahmûd Al-Aqqâd – Al Mar’atu Fî al-Qur’an. P. 92, éd. Al-
Maktaba al-Asriyaa. Beyrouth, 1981.
22- Rapporté par Ibn Mâja et Dâr-Qotnî.
24- Rapporté par At-Tabrâni dans Al Kabîr, selon une chaîne authentique.
25- Pour plus de détails, cf. Code du Statut Personnel p. 91-94.
26- Ali Harb-Al-Insân al-Adnâ, Amrâdh ad-Dîn wa Aâtâl al-Hadâtha, p. 126-
127, 1ère éd. Beyrouth 2005.
27- Ibidem, p. 132.
le
el
ci
ffi
O
ie
er
im
pr
Im
97
Im
pr
im
er
ie
O
ffi
ci
el
le
LA SUNNA, UNE DES SOURCES
DU CODE DU STATUT PERSONNEL
le
el
Dr. Mohamed Bouzguiba
ci
Professeur du Fiqh et des Sciences du Fiqh
ffi
A l’Université de la Zitouna
O
Le réformateur Tahar Haddad a vu juste quand il a
ie
retracé, dans son livre ’Imra’atunâ fi-ash-Sharîa wa al-
er
Mujtamaâ (La Femme dans la charia et la société), l’histoire de
la dégradation de la situation la femme aux époques où les
im
99
voix de Kheireddine at-Tounsi, Ahmed Ibn Ibi Dhiaf qui a écrit
un livre dont la femme constitue le sujet et Mohamed Bayram
V, en Tunisie, ainsi que Rifaâ Rafaâ Tahtâwî, Mohamed Abduh
et Qacem Amîn, en Egypte.
L’idée d’une réforme sociale, en général, et d’une réforme
de la famille, en particulier, a pris de plus en plus de relief à
l’époque de Haddad qui a eu le courage d’écrire son livre
le
universellement connu : ’Imra’atunâ fi-ash-Sharîa wa al-
Mujtamaâ (La Femme dans la charia et la société).
el
Ceci, sur le plan social. Sur le plan judiciaire, on continua
ci
à se conformer à la tradition. Les sources de la charia n’étaient
pas d’un accès facile, les magistrats et les muftis n’étaient pas
ffi
tenus de se référer à des textes précis, au moment de prendre
O
leurs décisions. Il en est résulté des interprétations différentes
et des vues divergentes, notamment dans les affaires relatives à
la famille. Le besoin s’est ainsi fait sentir de codifier les règles
ie
du Statut Personnel et de fixer les dispositions régissant, en
er
particulier, les droits de la femme et de l’enfant.
im
100
dilatoires des justiciables faisaient durer les procès et ne
manquaient pas de porter préjudice aux intérêts des gens. Le
Cheikh Djaït eut alors à cœur de régler ce problème et de
remédier à la situation. Il a ainsi mis au point un recueil des
dispositions inspirées de la charia dans lequel il a pris en
compte l’intérêt général, unifiant ainsi les procédures
judiciaires auprès des tribunaux charaïques et faisant en sorte
que les magistrats, les avocats et les justiciables soient soumis
le
à des règles précises, sans avoir besoin de longues révisions.
el
La Note charaïque se compose de deux sections : une qui
ci
concerne le Statut Personnel et une qui concerne le droit
immobilier. La section se rapportant au statut personnel et au
ffi
droit de la famille contient toutes les dispositions relatives au
mariage, à l’allaitement, au divorce, à la filiation, à la garde, à
O
l’obligation alimentaire, à l’époux disparu, à la succession, à
l’éviction en matière successorale et à l’émancipation.
ie
A l’indépendance, le gouvernement tunisien a pris
er
l’initiative d’unifier la justice et de regrouper tous les tribunaux
dans un cadre unique. Le Ministère de la justice a chargé un
im
101
Djaït. Mais le fruit de son travail n’ayant pu voir le jour, le
Ministère de la justice a été amené à élaborer le Code du Statut
Personnel… »
le
s’accorde en même temps avec l’esprit du temps et la manière
de penser de la communauté… car nous avons puisé ses textes
el
dans les richesses et les sources multiples de la charia, sans
ci
nous limiter à une école doctrinale à l’exclusion des autres et à
l’avis d’un groupe de faqihs (jurisconsultes) au détriment d’un
ffi
autre. »
O
Le communiqué ajoute : « Parmi les apports remarquables
de ce Code soulignons :
ie
- La clarté du vocabulaire, car nous avons évité les termes
inhabituels auxquels seuls recouraient les faqihs versés dans
er
102
promulgation du Code. Y ont pris part le leader Habib
Bourguiba, en sa qualité de Président du Conseil, à l’époque,
son Vice- Président, Bahi Ladgham, le Ministre de la justice, le
Cheikh Djaït, en sa qualité de Cheikh al-Islam malékite et le
Cheikh Mohamed Tahar Ben Achour, Cheikh de la Grande
mosquée et de ses différents départements.
le
gouvernement d’un Etat jeune doit se préoccuper exclusivement
d’éviter de rester en queue du peloton et de séparer la réalité
el
vécue de la législation. En effet, notre législation qui s’inspire
ci
de la charia islamique fournira clairement la preuve qu’elle ne
constitue pas seulement la matière de débats théoriques, mais
ffi
que c’est une législation vivante dont les principes sont en
O
harmonie avec l’évolution de la société… »
103
gouvernement qui s’est déclaré, dans la première de ses lois
fondamentales, gouvernement musulman, pour promulguer des
lois qui recueillent l’agrément de l’élite et de l’ensemble de la
Communauté… » (4)
le
Le Code du Statut Personnel a été publié dans le Journal
Officiel de la République Tunisienne par le décret du 6
el
Moharrem 1376 H, correspondant au 13 Août 1956. Les
ci
Cheikhs de la Zitouna, membres du Conseil charaïque ont
d’abord hésité à accepter cette nouvelle réforme juridique car le
ffi
Tribunal charaïque a été supprimé et annexé aux tribunaux
dépendant du Ministère de la justice et la justice unifiée et ses
O
lois fixées et codifiés, d’une part, et parce que, d’autre part, tout
ce qui se fait pour la première fois et rompt avec les habitudes a
ie
besoin d’un certain délai pour être accepté. Aussi, quand le
er
Journal Al-Istiqlâl a publié une pétition signée par 83 citoyens
demandant aux membres du Tribunal charaïque d’exprimer
im
leurs avis sur le contenu du Code (5), ceux-ci ont critiqué trois
articles et se sont tus au sujet des autres (6), sachant que la
pr
104
réponse, on peut lire ceci : « … En réponse à la pétition publiée
dans le journal Al-Istiqlâl, et qui concerne les dispositions du
Code du Statut Personnel, je dis aux pétitionnaires : le croyant
sincère n’a pas le droit de troubler l’ordre public semant ainsi la
discorde et suscitant la haine et le ressentiment, ni d’attenter à
l’unité nationale car cela ne peut que provoquer des
catastrophes qui ne manqueront pas de porter un coup fatal à
le
notre chère partie. Prendre l’initiative d’une pétition pour
réaliser un si odieux objectif est une entreprise maléfique qui
el
ne peut que se retourner contre ses initiateurs, et s’abstenir de
ci
répondre à cette pétition est l’une des recommandations
expresses du législateur.
ffi
Mais si l’objectif visé consiste à connaître la vérité et la loi
O
divine, la demande doit être faite de manière à ne pas troubler
l’ordre public. Je voudrais rassurer ceux-ci en les informant que
j’ai adressé une correspondance dans laquelle j’ai indiqué ce
ie
qu’il faut modifier… c'est-à-dire les articles 14 – 18 – 19 – 21 –
er
30 – 35 – 88. » (7)
L’auteur de la Note charaïque qui a constitué la source
im
105
* Le témoignage des juristes quant à la conformité du
Code avec le fiqh :
le
tunisien consistait à revenir au fiqh islamique, que le
el
législateur a préféré se contenter des principes généraux,
laissant au juge le soin de régler les questions de détail en se
ci
basant sur les ouvrages de référence et les livres fondamentaux.
ffi
- Ridha Khemakhem a déclaré : « Après l’indépendance, la
question de la législation a été confiée au législateur en matière
O
de droit positif sans qu’il y ait rupture avec le droit islamique,
partant du principe que l’Islam est l’un des fondements
ie
importants de cette société et que l’effort de réflexion visant à
tirer profit de dispositions juridiques et à les adapter de la
er
106
la femme et les enfants. Il a considéré que le Code a puisé, au
moment de sa promulgation, dans les dispositions du fiqh, à
l’exception de quelques articles.
- Le juriste égyptien Anwar Amrussî considère que « la
législation tunisienne est de toutes les législations la seule à
stipuler que le divorce ne peut avoir lieu que par-devant un
tribunal. Elle a réalisé ainsi une réforme fondamentale qui
le
mérite d’être considérée comme un modèle car l’intervention du
juge évitera aux époux de se laisser entraîner vers cette
el
catastrophe qu’est le divorce, chose licite mais détestable, et
ci
d’attirer leur attention sur l’avenir des enfants s’ils en ont… »
(8)
ffi
* Le Code sous l’angle du fiqh :
O
Le Code traite des questions relatives au mariage, au
divorce, au délai de viduité, à la pension alimentaire, à la garde, à
ie
la filiation, à l’enfant trouvé, aux dispositions concernant le
er
disparu, la succession, l’interdiction, l’émancipation, le legs et la
donation. Y ont été ajoutées des annexes promulguées, en 1957,
im
107
l’exécution aux parties. » Le législateur tunisien a simplement
changé le mot « nicâh » par le mot « zawâj », les deux mots étant
synonymes.
- L’article 71 dispose, au sujet de la filiation, que
« Abstraction faite de la validité ou de l’invalidité au mariage,
la paternité de l’enfant né d’une femme mariée, six mois ou plus
après la conclusion du mariage, est attribuée au mari. » Cette
le
disposition découle du droit islamique. En effet, le fait de fixer
le seuil minimal à 6 mois trouve sa source dans les versets
el
suivants : « Nous avons recommandé à l’homme bel-agir
ci
envers ses père et mère. Sa mère dans le malaise le
porta, dans le malaise se délivra. Sa gestation et son
ffi
allaitement durèrent trente mois. » (Al-Ahqâf, 15). Et
« Nous-même avons recommandé à l’homme ses père et
O
mère : sa mère ne l’a-t-elle pas porté, malaise sur
malaise, et mis deux ans à le sevrer ? » (Luqmân, 14). Et
ie
aussi « Les mères allaitent leurs nourrissons deux ans
entiers. » (La Vache, 233). La preuve est ainsi administrée :
er
108
- les frais des funérailles et d’inhumation,
le
Obligations et Contrats et le Code des Droits Réels; l’article 553
el
du Code des Obligations et Contrats est ainsi rédigé : « Les
droits des créanciers sur le patrimoine constituant la succession
ci
priment sur ceux des légataires et ceux des héritiers. Mais le
ffi
droit des légataires et celui des héritiers donnent lieu à un droit
de propriété sur la succession alors que le droit des créanciers
O
est seulement garanti par la succession. » C’est ce que l’article
192 du Code des Droits Réels affirme : « Le patrimoine du
ie
débiteur est une garantie pour ses créanciers qui se la
partagent sauf s’il existe des raisons légales donnant la priorité
er
à certains d’entre eux. »
im
109
Le Code du Statut Personnel ne s’est pas limité aux
dispositions de l’école mâlékite, il a mis à contribution toutes
les écoles doctrinales de l’Islam comme l’école jaâfarîte et l’école
dhâhirîte. En ce qui concerne le legs obligatoire, le législateur a
élaboré l’article 191 sur la base des principes de l’école
Dhâhirîte. Cet article stipule que « les enfants, garçons ou filles,
d’une personne qui décède avant ou en même temps que leur
aïeul ou leur aïeule bénéficient d’un legs obligatoire équivalent
le
à la part successorale qu’aurait recueillie leur père ou leur mère
el
s’ils étaient restés vivants, sans que cette part puisse dépasser
le tiers de l’actif successoral.
ci
Toutefois, ils n’ont pas le droit au legs obligatoire.
ffi
1 - S’ils sont appelés à la succession de leur aïeul ou de leur
aïeule.
O
2 - S’ils bénéficient d’un legs fait en leur faveur par leur aïeul
ou aïeule ou si ces derniers leur ont fait don, de leur
ie
vivant, de l’équivalent du legs obligatoire ; si le legs fait
er
en leur faveur est inférieur au legs obligatoire ou s’il
l’excède, il y aurait lieu dans le premier cas à complément
im
110
aucune ». Ibn Hazm s’est fondé sur la lettre du verset relatif au
legs, dans lequel Dieu dit : « Il vous est prescrit, quand la
mort se présente à l’un de vous et qu’il laisse du bien, de
tester en faveur de ses père et mère et de ses plus
proches, selon les convenances : obligation pour
quiconque se prémunit. » (La Vache, 180).
La lettre du verset signifie, pour Ibn Hazm, que le legs
le
constitue une obligation, le père, la mère et les proches ayant
ensuite leurs quotes-parts fixées par les versets relatifs à la
el
succession dans la sourate Les Femmes. Ceux qui n’ont pas
ci
droit à la succession sont visés par cette obligation.
Or, si le legs est une obligation envers les proches, nul n’est
ffi
plus proche de quelqu’un que ses petits-enfants car ils sont,
O
après ses enfants, les plus proches de son cœur. La législation
égyptienne de 1946 a adopté le principe du legs obligatoire,
suivie par la législation du Statut Personnel syrienne de 1953
ie
(article 257), avec une légère modification. (11)
er
Après ces exemples tirés du fiqh, voici quelques faits qui
prouvent que le législateur tunisien s’est appuyé sur les deux
im
- la sunna du Prophète
Im
111
faire la différence entre les textes coraniques de portée générale
et globale et ceux qui se ressemblent ou ceux qui ceux qui sont
abrogés, etc.
le
le consentement des deux époux ». Sa référence certaine dans la
Sunna est le récit rapporté par Abû Daoud, qui le tient de Oqba
el
Ibn Ameur, selon lequel le Prophète a demandé à un homme :
« Veux-tu que je te marie avec une telle ? » Celui-ci a répondu :
ci
« Oui », et le prophète a demandé à la femme : « Veux-tu que je
ffi
marie avec un tel ? » Elle a répondu : « Oui. » Il les a donc
mariés.
O
De même, le hadith rapporté par An-Nisây, d’après
Aicha qui a dit qu’une jeune fille, Khansa Bent Khaddem al-
ie
Ansâriyya est venue la trouver et lui a dit : « Mon père m’a
er
donnée en mariage à son neveu pour que je l’élève (c'est-à-dire
pour que je lui permette de s’élever au dessus de sa valeur par
im
112
De nombreux Hadiths insistent sur la nécessaire présence
de deux témoins de la conclusion du mariage, dont celui-ci, cité
par Ibn Hayyen dans son Sahîh, d’après Aicha : « Pas de
mariage sans tuteur et deux témoins honorables » et celui
rapporté par Dâr-Qotnî, d’après Aicha, également : « Le
mariage exige quatre : le tuteur, le mari et les deux témoins. »
Parmi les Hadiths portant sur la dot, en tant que
le
condition d’un mariage valide, on peut citer celui-ci : « Offre ne
serait-ce qu’un anneau en fer », adressé par le Prophète à un
el
indigent qui voulait se marier.
ci
- Le montant de la dot n’a pas été fixé par le législateur
tunisien dans l’article 12 : « La dot peut être constituée par tout
ffi
bien licite évaluable en argent. La dot constitue pour l’épouse
O
un bien dont elle dispose à son gré. » Ce principe est confirmé
par la charia en plus d’un endroit, comme dans ce Hadith
rapporté par Ahmed, d’après Aicha : « Le mariage le plus béni
ie
est celui qui demande le moins de dépenses » et, dans une autre
er
version, « L’épouse la plus bénie est celle dont la dot est la plus
facile à réunir. »
im
113
12 ûquiyya, d’argent ; tout montant excédant 400 ira au Trésor
public.
- Pourquoi ? demande-t-il
- Parce que le Très-Haut dit : « Si vous voulez substituer
le
une épouse à une autre, eussiez-vous donné à l’une un
quintal d’or, n’en récupérez pas une miette. Le reprendre
el
serait une infamie et un péché évident. » (Les Femmes, 20)
ci
- Une femme a eu raison et un homme a eu tort, répondit-il ».
ffi
Selon la version de Abû Yaala dans son livre Al-Kabû.
Omar répondit : « Que Dieu me pardonne. Tous sont plus
O
savants que Omar ». Il monta à nouveau en chaire et s’exprima
en ces termes :
ie
« Ô gens, je vous ai interdit d’offrir aux femmes des dots
er
excédant 400 dirhams, que celui qui veut donner de son argent
le fasse ! » (12)
im
114
Les empêchements provisoires résultent de l’existence
d’un mariage non dissout ou de la non expiration du délai de
viduité. »
A l’exception de l’interdiction permanente du remariage
avec l’épouse répudiée par 3 fois, tous les autres empêchements
trouvent leur source dans la charia, conformément au Hadith :
« Est interdit pour cause d’allaitement ce qui est interdit pour
le
cause de parenté. » Le Hadith, rapporté par tous d’après Aicha
est à la base de l’article 17 qui commence ainsi : « l’allaitement
el
entraîne les mêmes empêchements que la parenté et
l’alliance… »
ci
- L’article 22 évoque le mariage non valable et en déclare
ffi
la nullité sans qu’il soit besoin de recourir au divorce. L’examen
O
des Hadiths prophétiques permet de voir des exemples de
mariages considérés comme nuls, tel que le mariage frappé par
une interdiction permanente, en l’occurrence le remariage avec
ie
la femme répudiée 3 fois. Voici ce Hadith : « Dieu maudit celui
er
qui a rendu licite un (tel) mariage et celui qui a bénéficié de
cette licitation. » (Rapporté par Abû Daoud, Ibn Mâja, et At-
im
115
porter préjudice ». A propos de la bienveillance dans la vie
commune, le Prophète a déclaré : « Le meilleur d’entre vous est
le meilleur pour sa famille et je suis le meilleur d’entre vous
pour ma famille » (Rapporté par At-Tirmidhî et Ibn Mâja). On
trouve également, dans un hadith considéré comme
authentique : « Soyez bienveillants avec les femmes. »
le
accorde aux autres leurs droits sans les faire attendre, selon le
Hadith : « Le riche commet une injustice quand il impose
el
l’attente à autrui. » (rapporté par l’ensemble des auteurs de
ci
recueils de hadiths authentiques)
ffi
- L’article 28 relatif au présents offerts à l’épouse stipule
que « en cas de dissolution du mariage avant la consommation,
O
pour un motif imputable à l’un des époux, les présents que
l’autre lui aura faits seront restitués à ce dernier dans leur
ie
consistance actuelle, même s’ils sont altérés. Aucune restitution
ne sera faite après la consommation du mariage. » Le texte a
er
116
La séparation pour préjudice est donc autorisée par les
faqihs, afin d’empêcher les conflits et d’éviter à l’épouse tout
préjudice, conformément à la parole du Prophète : « Ni tort ni
préjudice », et à l’exemple d’Omar Ibn Al-Khattab qui a intimé à
des hommes qui ont quitté leurs femmes de s’acquitter des
dépenses d’entretien de leurs femmes ou de divorcer d’elles. »
(13)
le
- L’article 33 qui dispose que « si le divorce est prononcé
avant la consommation du mariage, la femme a droit à la moitié
el
de la dot fixée », est fondé sur la parole du Très-Haut : « Si
ci
vous les répudiez avant de les avoir touchées, mais après
leur avoir assigné un droit, vous devrez la moitié de ce
ffi
que vous aurez assigné. » (La Vache, 237), ce qui a donné
lieu au consensus des savants qui ont établi le droit de l’épouse
O
à la moitié de la dot si elle est répudiée avant la consommation
du mariage.
ie
- Les dispositions relatives à la période de viduité dans
er
l’article 35 du Code du Statut Personnel trouvent leur
fondement dans la charia. L’article dispose que « la femme
im
117
le décès du mari et vint trouver le Prophète qui lui dit : « Marie-
toi ». Dans une autre version, « Il m’a dit que j’étais devenue
licite au moment de l’accouchement et m’a autorisée à me
marier si telle était ma volonté » (Rapporté par tous les auteurs,
à l’exception de Abû Daoud et Ibn Mâja).
On pourrait trouver problématique que le législateur
tunisien ait fixé à un an la durée maximale de la grossesse,
le
selon ce qui est précisé dans l’article 35 du Code : « La durée
maximale de la conception est d’une année à compter du divorce
el
ou du décès du mari. » Mais, à la lecture des ouvrages de l’école
malékite et de l’école hanbalite, il apparaît clairement que le
ci
délai de viduité est fixé par eux à une année après l’arrêt de la
ffi
menstruation, la femme observant un délai de 9 mois – durée
de la grossesse la plupart du temps – et un délai de viduité de 3
O
mois, ce qui fait une année, avant qu’elle ne soit autorisée à se
remarier. Pour les malékites, l’arrêt de la menstruation peut
ie
être dû à la maladie ou à une cause inconnue. Ils se fondent en
cela sur ce qui a été rapporté au sujet de Omar, que Dieu
er
l’agrée. Concernant une femme répudiée par son mari et qui a
eu des menstrues, une ou deux fois avant que celles-ci ne
im
118
* L’obligation alimentaire :
le
la Paix et la Prière soient sur Lui, et lui a déclaré : « Ô Envoyé
de Dieu, je dispose d’un dinar ». Il lui répondit : « Dépense-le à
el
ton profit. » L’homme a alors dit : « Je dispose encore d’un
ci
deuxième dinar. » Le Prophète répondit : « Fais-en profiter ton
épouse. » L’homme déclara : « J’en ai encore un autre. » Le
ffi
Prophète répondit « Donne-le à tes enfants. » Il dit « J’en ai
encore un autre. » Le Prophète lui ordonna : « Donne-le à tes
O
enfants ». Il dit « J’en ai encore un autre. » Le Prophète :
« Donne-le à ton serviteur. » Il dit « J’en ai encore un autre. » Le
ie
Prophète : « Tu es le mieux place pour juger de ce que tu peux en
faire » (Nayl Al-Awtar de Ach-Choukânî)
er
119
argent : « Toi et ton argent appartenez à ton père, le meilleur de
ce que vous consommez est ce que vous gagnez vous-même, vos
enfants font partie de ce que vous gagnez vous-mêmes,
consommez-le donc en toute quiétude. » (Rapporté par Ahmed
Abu Daoud et Ibn Mâja). On peut lire dans Nayl Al-Awtar
d’Ach-Chûkânî le Hadith suivant : « Toi et ton argent
appartenez à ton père ». Pour Ibn Risâlân, ce Hadith signifie
l’autorisation et non le droit de propriété, si bien que le père
le
peut disposer de l’argent de ses enfants, sans en être pour
el
autant le propriétaire, l’argent de l’enfant appartenant à ce
dernier, c’est à lui de faire la zâkât (l’aumône légale) et il en fait
ci
hériter qui de droit. » (6/11-12).
ffi
La réponse du Prophète à Hend, l’épouse d’Abu Sofiane
dont nous parlions plus haut : « Prends ce qui te suffit à toi et à
O
tes enfants par la douceur » rend obligatoire la pension
alimentaire au profit de l’épouse et des enfants, ce que le
ie
législateur a consacré, dans l’article 53 qui stipule que « si les
bénéficiaires de l’obligation alimentaire sont nombreux et que
er
* La garde :
La garde nécessite sagesse, attention, patience, hautes
qualités morales. L’article 54 stipule ceci : « La garde signifie
garder l’enfant chez lui et prendre en charge son éducation». Si
nous nous référions à la Sunna du Prophète, nous verrions que
le Prophète a enjoint de s’acquitter de la garde des enfants, et
120
notamment les filles, selon ce qui est rapporté par Muslim dans
son Sahîh : « Ibn Abbâs rapporte que Aws Ibn Ubâda al-Ansâri
est venu voir le Prophète et lui dit : « Ô Envoyé de Dieu, j’ai des
filles et je prie Dieu qu’il les fasse mourir ». Le Prophète lui
répondit : « Ô Ibn Sâ’ida, n’en fais rien, cesse donc car les filles
sont bénies. Elles embellissent les temps de prospérité et elles
apportent aide et soutien, en cas de malheur, réconfort et
soulagement, dans les temps difficiles. C’est sur la terre qu’elles
le
pèsent de leur poids, et c’est Dieu qui leur assure la
el
subsistance ».
Ce qui signifie que l’obligation alimentaire en faveur de
ci
celui dont on assume la garde, fils ou fille, incombe au père.
ffi
L’article 67 du Code du Statut Personnel a affirmé le droit
de la mère à la garde en cas de dissolution du mariage, pour
O
cause de décès ou de divorce. Cet article précise : « Si le mariage
est dissout du vivant des époux, la garde est confiée soit à l’un
ie
d’eux, soit à une tierce personne. Le juge en prenant en
considération l’intérêt de l’enfant. Lorsque la garde est confiée à
er
tradition qui veut qu’à une femme venue le voir pour lui dire :
« Ô Messager de Dieu, Mon fils que voici a eu mon ventre pour
Im
réceptacle, mon sein pour source et mon giron pour refuge ; son
père m’a répudiée et veut me le prendre », le Prophète a
répondu : « Tu as la priorité, tant que tu ne t’es pas mariée
c’est-à-dire tant que tu n’as point pris époux. » (Rapporté par
Abu Daoud, al Bayhaqî et al-Hâtem et considéré comme
authentique).
121
Dans un autre Hadith, rapporté par Ahmed Al-Termidhî
et al-Hâkem, le Prophète dit : « Celui qui sépare une mère de
son enfant se verra séparer de ceux qu’il aime par Dieu le jour
du Jugement dernier ».
Ibn Abi Chîba raconte dans son Musnid que Omar Ibn Al-
Khattab répudia sa femme, la mère de son fils Âssim. Il tenta
de lui reprendre Âssim alors qu’il était dans son giron ; ils se le
le
disputèrent, ce qui fit pleurer le garçon. Omar alla trouver Abu
Bakr, que Dieu les agréé, l’un et l’autre, qui lui dit : « Son
el
toucher, son giron et son odeur sont meilleurs pour lui jusqu’à
ci
ce qu’il grandisse et choisse lui-même. »
ffi
* La filiation :
O
L’article 68 du Code du Statut Personnel dispose : « La
filiation est établie par la cohabitation, l’aveu du père ou le
ie
témoignage de deux ou plusieurs personnes honorables. » Ce
qui est visé par la cohabitation, c’est le mariage ; certains
er
jurisconsultes y voient une manière de désigner la femme. Dans
le Hadith, rapporté par l’ensemble des citateurs, à l’exception
im
122
* L’héritage :
le
réservataires.
el
Les bénéficiaires de ces quotes-parts du sexe masculin
sont (….)
ci
Les bénéficiaires desdites quotes-parts du sexe féminin
ffi
sont (….) »
Ces articles sont inspirés du Hadith : « Donnez les quotes-
O
parts aux héritiers réservataires et le reste de la succession au
mâle prioritaire. » (considéré par tous comme authentique).
ie
Parlant de l’importance de la science des successions et
er
des quotes-parts, le Prophète a dit : « Apprenez la science des
quotes-parts et enseignez-là aux hommes. Les quotes-parts
im
Dar-Qotni et al-Hâkim.)
Selon une autre version, rapporté par Ahmed, An-Nisây et
Im
123
L’article 87 du Code du Statut Personnel a désigné les
bénéficiaires de la succession. Il se termine ainsi : « En cas
d’absence d’héritiers, la succession ou ce qu’il en reste, est
recueillie par le Trésor », s’inspirant donc de la parole du
Prophète : « Je suis l’héritier de celui qui n’a pas d’héritier, je
recueille sa succession. » (rapporté par Abu Daoud). En
effet, l’Envoyé de Dieu, la Paix et la Prière soient sur Lui,
n’hérite rien pour son propre bénéfice. Il dépense ce qu’il
le
recueille au profit des musulmans c’est-à-dire de ce qu’il est
el
convenu d’appeler le Trésor.
ci
Le fondement de l’article 88 qui dispose que : « l’homicide
volontaire constitue un empêchement à la successibilité » est le
ffi
Hadith du Prophète : « L’assassin est exclu de tout héritage. »
(rapporté par Mâlek dans al-Muwatté, Ahmed dans Al-Musnid,
O
et d’autres) L’assassin, ayant voulu bénéficier trop tôt de la
succession en commettant un acte interdit, a été sanctionné par
ie
la privation de toute succession.
er
Quant à la disposition concernant la succession de l’enfant
adultérin, précisée dans l’article 152, elle est également
im
124
sa mère : la Tradition a alors retenu le principe selon lequel il
recueille la succession de sa mère et elle recueille sa quote-part
de la sienne. »
Nous n’avons cité qu’une infime partie d’un ensemble
beaucoup plus vaste. En effet, celui qui lira attentivement les
articles de la première version du Code du Statut Personnel ou
les amendements qui y ont été introduits, et examinera d’une
le
manière approfondie les ouvrages consacrés à la Sunna et à la
vie du Prophète ainsi que les livres contenant la jurisprudence
el
islamique, ne pourra que conclure que le Code du Statut
ci
Personnel est un code fondé sur la charia et le Fiqh dont les
initiateurs se sont basés sur la sublime charia islamique
ffi
consistant dans les sources fondamentales de la législation
islamique.
O
La dimension moderniste du Code
ie
du Statut Personnel
er
Malgré ses dimensions réduites, le Code du Statut
Personnel a traité de tout ce qui concerne l’organisation de la
im
125
verset relatif à la question est catégorique et ne laisse pas place
à la discussion : « Pour ce qui est de vos enfants, voici ce
que Dieu vous prescrit : le garçon aura la part de deux
filles. » (Les Femmes, 11) Ce qui a donné, dans l’article 119 du
Code : « L’agnate par suite de la présence d’autres héritiers est
toute femme que devient agnate par concours avec un homme :
la fille, la petite-fille du côté du fils, la sœur germaine et la
sœur consanguine.
le
La sœur est agnatisée par son frère. Elle héritera
el
conjointement avec lui, soit de la totalité de la masse
ci
successorale, soit du reliquat, suivant la règle de l’attribution à
l’héritier masculin d’une part double de celle revenant aux
ffi
femmes. » (16)
O
La dimension moderniste réside dans la forme, avec le
recours à des expressions juridiques modernes et la marge
laissée à de nouvelles améliorations, grâce aux efforts (Ijtihâd)
ie
des juges, mais aussi dans le contenu, le Code imposant la
er
présence de l’Etat lors du mariage et du divorce et instituant la
nécessité d’être en conformité avec l’époque pour ce qui est des
im
126
restitution des cadeaux offerts à l’autre sauf rupture de sa
promesse ou stipulation contraire ».
Avant cet amendement, l’article portait sur le seul droit
du fiancé à la restitution des cadeaux. L’amendement a établi
l’égalité entre les deux fiancés, en ce qui concerne la restitution
des cadeaux éliminant ainsi la discrimination au détriment de
la femme.
le
- La tutelle de la mère sur le mineur :
el
Suite à l’amendement de 1993, l’article 6 est désormais
ainsi rédigé : « Le mariage du mineur est subordonné au
ci
consentement de leur tuteur et de leur mère ». Il exige ainsi le
ffi
consentement de la mère en plus de celui du tuteur du mineur
désirant se marier. Avant l’amendement, cet article était ainsi
O
rédigé : « Le mariage de l’homme ou de la femme qui n’ont pas
atteint l’âge de la majorité légale est subordonné au
ie
consentement de leur tuteur.
En cas de refus de ce dernier et de persistance des deux
er
127
soumettait l’autorisation de mariage au président du tribunal
de première instance, assistait à l’établissement du contrat de
mariage et apposait sa signature pour signifier son
consentement. Le nouvel amendement a ajouté que le mariage
du mineur est subordonné au consentement de la mère. (18)
Cet amendement a accordé à la mère les prérogatives de
la tutelle sur ses enfants, à côté d’un certain nombre d’autres
le
droits. L’amendement de juillet 1993 a élargi le domaine
d’application de la tutelle de la mère, qui exerce désormais le
el
droit de tutelle dans le cadre de l’union conjugale et après la
ci
dissolution du mariage par le divorce. La mère bénéficie
désormais des prérogatives de la tutelle parce qu’elle est
ffi
considérée comme le pilier de la famille et qu’il faut donc tenir
compte de son avis pour ce qui concerne les intérêts de ses
O
enfants car personne n’est plus compatissant qu’elle envers ses
enfants et quand il s’agit de choisir ce qu’il y a de meilleur pour
ie
eux, surtout dans le cas du mariage des mineurs n’ayant pas
atteint l’âge de la majorité légale.
er
128
Chacun des époux doit traiter l’autre avec bienveillance :
le
L’article était ainsi rédigé : « Le mari doit traiter sa
el
femme avec bienveillance et vivre en bons rapports avec elle. Il
doit éviter de lui porter préjudice.
ci
Il doit faire face aux charges du mariage et pourvoir aux
ffi
besoins de la femme et de leurs enfants, dans la mesure de ses
O
facultés et selon l’état de la femme. La femme contribue aux
charges du mariage si elle a des biens.
ie
La femme doit respecter les prérogatives du mari en tant
er
que chef de famille et, dans cette mesure, lui doit obéissance.
129
aux charges du ménage, si elle a des biens, consacrant ainsi le
concept de la solidarité familiale. (20)
L’article 23 amendé dispose que : « chacun des époux doit
traiter l’autre avec bienveillance et vivre en bons rapports avec
lui. Il doit éviter de lui porter préjudice. Les deux époux doivent
remplir leurs devoirs conjugaux, conformément aux usages et à
la coutume.
le
Ils doivent s’entraider dans la gestion des affaires de la
el
famille, l’éducation des enfants et les questions relatives à
l’éducation, les voyages et les transactions financières. Le mari
ci
doit, en tant que chef de la famille, pourvoir aux besoins de la
ffi
famille et de leurs enfants dans la mesure de ses moyens et de
leur état dans le cadre de l’obligation alimentaire. La femme
O
doit contribuer aux charges du ménage si elle a des biens. »
Ce texte est en totale harmonie avec la charia qui veille à
ie
l’institution des fondements de l’affection, de la compassion et
er
de la bienveillance, conformément à la parole du Très-Haut :
« Et c’est un autre signe de Lui, que d’avoir créé pour
im
130
L’établissement de la filiation par l’analyse génique :
le
personnels soient conformes aux évolutions de l’époque s’est
traduit par la promulgation d’une loi relative à l’attribution
el
d’un nom de famille aux enfants abandonnés ou de filiation
ci
inconnue. (21)
L’article 3 bis dispose que : « L’intéressé, le père, la mère
ffi
ou le procureur de la République peuvent saisir le Tribunal de
O
première instance afin de demander l’attribution du nom du
père à l’enfant de filiation inconnue dont la preuve a été fournie
par l’aveu, par le témoignage ou par l’analyse génétique afin
ie
d’établir l’identité de la mère de l’intéressé de filiation
er
inconnue. Le Tribunal statue sur la requête en cas de non
exécution de l’avis émis par lui et ordonne l’analyse sur la base
im
131
CONCLUSION
le
établi la place de la femme dans la société et jeté les bases de
el
l’égalité, dans sa dimension noble et respectueuse de
l’humanité.
ci
Malgré les modifications et les amendements qu’il a subis
ffi
durant un demi-siècle, le Code du Statut Personnel a maintenu
ses fondements essentiels et concilié tradition et innovation,
O
avec une mentalité tunisienne d’avant-garde, ce qui a amené les
organisations régionales à placer la femme tunisienne à l’avant-
ie
garde de la femme arabe.
er
Profondément enraciné dans la charia islamique et ouvert
sur l’époque, ses changements, ses défis et ses apports, tout à la
im
132
NOTES
le
1966, pp. 185-186.
(4) Conférence ministérielle: sur la réforme de la justice, Journal Al ‘Amal
el
(Tunisie), 4 Août 1956, et Journal As-Sabah (Tunisie), même date.
ci
(5) Journal Al Istiqlal, 7 septembre 1956.
(6) ibid., 11 septembre 1956.
ffi
(7) ibidem, 14 septembre 1956.
(8) Mohamed Bouzghiba : Le Code du Statut Personnel est-il conforme à la
O
charia ou d’inspiration laïque ? (en langue arabe) Site : www.
metransparent. com
ie
(9) Mohamed Bouzghiba : Le processus d’organisation de la jurisprudence
(charia) islamique, en Tunisie (en langue arabe). S.D. p. 425
er
(10) ibid, p. 426
(11) Ibn Hâzm : Al Muhâlla. 9/214, in Mohamed Abu Zahra : Dispositions sur
im
les legs et héritages (en langue arabe), pp. 217 et sq. et Mustapha
Zarqa : Introduction au fiqh général (en langue arabe), 2/161, n.i. 1. S.D.
pr
(12) Ibn Al Jawzi, La Vie (sîra) de Omar, 1/321, in Wahba Az-Zuhayli, Le Fiqh
islamique et ses arguments (en langue arabe), 7/256. S.D.
Im
133
(17) Med Habib ach-Charif. Le Code du Statut Personnel. edit. et
commentaires(en langue arabe), p.36. Dar Al Mizên, Sousse (Tunisie)
2004.
(18) Denguir Abderrazak, La tutelle de la mère sur le mineur. Majallat al-
qadha (Revue de la justice) Juin 1995 : 58
(19) Sunan ad-Dârimî : Kitâb al-Farâ’idh. Chap. : De l’agnat 2/664. n° 2990.
(20) Mohamed Habib Chérif. Le Code du Statut Personnel, édit. et commentaires
de. : 58. éd. 2004.
le
(21) Cf notre article: L’empreinte génétique et son statut de preuve dans
l’établissement de la filiation, (2004) in Actes de la journée d’étude de la
el
jurisprudence des questions actuelles. Unité des jurisconsultes de
Tunisie. Université La Zitouna (sous presse)
ci
ffi
O
ie
er
im
pr
Im
134
L’ESPRIT ISLAMIQUE DANS LES DISPOSITIONS
DU CODE DU STATUT PERSONNEL
le
el
Maître Khédija MADANI
ci
Avocat à la Cour de Cassation
ffi
O
Dieu, le Très-Haut a créé la femme et l’homme à partir
d’une même entité et leur a pareillement confié la charge « qui
avait été auparavant proposée aux cieux et à la Terre et
ie
que ceux-ci avaient refusée. » L’Islam a également institué
er
l’égalité entre les deux sexes.
Mais, avec le temps, on s’est éloigné des principes
im
135
La situation s’est perpétuée à travers les époques
successives : les sociétés musulmanes ont depuis lors souffert
d’un véritable handicap, étant donné que la femme – qui
constitué la moitié de la société – a été reléguée hors de la vie
sociale, son rôle ayant été limité à l’enfantement et au ménage,
privée qu’elle était de la lumière de la science et de tous les
droits, au nom de la religion.
le
La femme tunisienne n’a pas échappé à cette situation
misérable, et cela jusqu’à l’émergence du mouvement réformiste
el
dont les prémices datent de la fin du XIXe siècle en Tunisie,
ci
avec la publication du livre du défunt Mohamed Senoussi :
Taftiq al-Akmâm alâ huqûq al-Mar’a fi al-Islâm (En finir avec
ffi
le silence sur les droits de la femme en Islam) en 1897, suivi par
le livre du Cheikh Abdelaziz Thâalbi, publié en français, en
O
1904, L’Esprit libéral du Coran et par le livre célèbre de Tahar
Haddad ’Imra’atunâ fi ash-Sharîa al-Mujtamâa (La Femme
ie
dans la charia et la société), en 1930.
er
Dans les années 40 a émergé l’idée de constituer un
recueil classé rassemblant les dispositions législatives de la
im
136
de Code du Statut Personnel et ce, sous l’impulsion vigoureuse
du gouvernement de l’indépendance et à sa tête le défunt leader
Habib Bourguiba.
Dans son communiqué du 3 août 1956, le Ministère de la
Justice a mis en exergue le fait que le Code a puisé dans « les
sources généreuses de la charia et ses différentes composantes
sans se limiter à une école doctrinale à l’exclusion des autres ni
le
à l’avis d’un groupe de fuqahâ (jurisconsultes) à l’exclusion des
autres » et que certains de ses articles ont été tirés « des lois
el
générales qui ne contredisent pas les préceptes de la religion et
ci
qu’exigent les conditions actuelles et la vie moderne », avec le
souci de préserver l’esprit islamique et les véritables finalités
ffi
de la charîa grâce à l’ijtihâd et à la volonté de s’affranchir de
O
toutes les entraves que constituent l’inertie, la passivité et les
traditions ».
ie
L’orientation choisie par la Tunisie se distingue donc
complètement de celle suivie par la Turquie, sous la conduite de
er
Kemal Atatürk, dans les années 1920, et qui a consisté à
tourner complètement le dos à la religion et à choisir le droit
im
137
succession, est un code inspiré de la charîa islamique et des
règles du fiqh.
Ne pouvant évidemment pas traiter ici l’ensemble des
questions contenues dans ce Code, j’ai choisi trois sujets à
propos desquels il est souvent reproché au Code de s’éloigner de
la loi de Dieu, alors qu’il s’agit tout à fait du contraire, ce que
j’essayerai de montrer.
le
Ces questions sont celle de la capacité, étant donné
el
qu’elle est la clé qui permet à l’individu de gérer sa vie et de
prendre en charge son devenir, celles du mariage et du
ci
divorce car elles constituent les deux réalités fondamentales
de la vie de l’homme.
ffi
I LA CAPACITE
O
La capacité peut être définie comme l’aptitude à conclure
ie
des contrats et à se comporter librement et avec responsabilité
dans tous les domaines qui concernent l’individu, qu’ils soient
er
personnels, économiques ou politiques.
im
« Est interdit pour minorité, celui ou celle qui n’a pas atteint la
majorité de vingt ans révolus. »
Im
138
deux ans après son mariage, sachant que la majorité de cette
dernière n’était pas, de toute façon, une majorité complète mais
limitée par les dispositions de l’article 6 de ce même Code.
Ces deux articles ont été amendés, le 3 août 1956, ce qui a
permis d’établir l’égalité entre la femme et l’homme pour ce qui
est de la capacité et a eu pour résultat de les faire accéder tous
les deux à la majorité, d’une manière similaire, à 20 ans révolus.
le
Il est indubitable que l’Islam a institué l’égalité entre
l’homme et la femme pour la capacité et que le Saint Coran a
el
accordé à la femme un statut équivalent à celui de l’homme en
ci
tant que créatures de Dieu : « Il vous a créés d’une âme
unique dont il tire pour celle-ci une épouse ; et de l’une
ffi
et de l’autre, Il a répandu des hommes en nombre, et des
O
femmes. » (Les Femmes, 1)
De même, Dieu a établi l’égalité entre les deux sexes, dès
ie
le premier commandement divin : « Ô Adam, habitez, ton
épouse et toi, le jardin. Mangez de ses fruits sans
er
contrainte, de partout où vous voudrez. Mais de cet
arbre n’approchez sans quoi vous seriez tous deux des
im
139
Dieu affirme également que : « Moi je ne laisse perdre
l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou
femme. » (La Famille de Imrân, 195), et que « Ceux et
celles-qui-se-soumettent, les croyants et les croyantes,
les dévotieux et les dévotieuses, les hommes et les
femmes de véridicité, de patience et de crainte, ceux et
celles qui font l’aumône, jeûnent, contiennent leur sexe,
pratiquent assidûment le Rappel, Dieu leur ménage Son
le
indulgence, un salaire grandiose » (Les Coalisés, 35).
el
Il a de même affirmé l’égalité entre les deux sexes pour ce
qui est du châtiment : « Il châtie les hypocrites hommes et
ci
femmes, les associants et les associantes, qui
ffi
conjecturent sur Dieu conjecture mauvaise. » (Tout
s’ouvre, 6)
O
D’autre part, le Saint Coran a institué l’obligation pour les
hommes et les femmes, sans distinction entre les deux sexes,
ie
d’ordonner le bien et d’interdire le mal, selon le verset : « Les
croyants et les croyantes sont en rapports mutuels de
er
140
politique, comme le montre le verset : « Prophète, quand des
croyantes se présentent à toi, pour faire allégeance,
comme quoi elles n’associeront rien à Dieu, ne voleront, ne
commettront l’adultère, ne tueront leurs nouveau-nés, ne
commettront pas de faux à controuver entre leurs mains et
leurs pieds, ne te désobéiront aucunement pour le
convenable – accepte leur allégeance, implore en leur
le
faveur le pardon de Dieu.
el
Dieu est Tout Puissant, Miséricordieux » (L’Examinante, 12).
ci
supputations qui ont évoqué la question de la capacité de la
ffi
femme et de son aptitude à bien se comporter sont le produit de
O
comportements humains qui ont été rattachés à la religion alors
qu’ils y sont totalement étrangers et qu’ils vont même jusqu’à
être en totale contradiction avec elle. Il apparaît également que
ie
la reconnaissance de la capacité pleine et entière de la femme
er
par le Code du Statut Personnel prend sa source dans l’esprit
de notre sublime religion et dans le Saint Coran.
im
II. LE MARIAGE
141
soucier de ce que Dieu a ordonné l’amour, l’affection et les bons
rapports entre les époux.
Le Code du Statut Personnel est donc venu pour codifier
le mariage, en fixer les conditions et préciser les droits et les
devoirs de chacun des deux époux, toujours dans le cadre des
exigences de l’esprit islamique.
1. Les conditions
le
Les conditions posées par le législateur au mariage sont
el
toutes inspirées de l’esprit de la religion islamique.
ci
- Le consentement :
ffi
La femme était forcée de se marier avec celui pour lequel
elle a été choisie. Elle rejoignait le foyer conjugal non seulement
O
sans qu’elle ait été consultée, mais souvent même contre son
gré, sous couvert de religion, alors que tout cela est contraire
ie
aux préceptes de la religion et totalement opposé aux
enseignements de la Sunna du Prophète.
er
142
N’oublions pas que Om Kulthum, la fille de Abu Bakr,
informée par sa sœur Aïcha, la Mère des croyants, que Dieu
l’agrée, de la demande en mariage de Omar Ibn Al-Khattab, a
refusé avec fermeté de l’épouser en répondant : « Je ne veux pas
de lui, il mène une vie rude et est dur avec les femmes ».
Qu’est-ce qui est plus conforme à la véritable religion : ce
que le Code du Statut Personnel a institué, c’est-à-dire la
le
liberté de choix accordée à la femme et à l’homme, en matière
de mariage, ou le droit dont on disposait de la forcer à se marier
el
avec celui que l’on choisissait pour elle, au nom de la religion ?
Nul doute que la liberté de choix est ce qui est le plus
ci
conforme à la loi divine.
ffi
C’est ce que le Code du Statut Personnel a consacré, en
posant que le consentement des deux époux est une condition
O
pour la validité du mariage (article 3).
Pour garantir la réalité du consentement, l’article 9 du
ie
Code du Statut Personnel affirme que : « l’homme et la femme
er
peuvent conclure mariage par eux-mêmes », abrogeant ainsi la
nécessité d’un tuteur pour la conclusion du mariage, ce que le
im
- La publicité et la dot :
Les deux autres conditions de validité du mariage posées
par le législateur tunisien sont la présence publique de deux
témoins honorables et la fixation d’une dot pour l’épouse (article
3), deux conditions inspirées d’une manière indubitable de la
charia.
143
- L’âge minimum du mariage :
Le Code fixe un âge minimum du mariage qui est 20 ans
révolus pour les hommes et 17 ans pour les femmes.
Il est hors de doute que la condition de l’âge minimum
pour les deux époux, en garantissant qu’ils ont atteint la
maturité physique et mentale nécessaires pour fonder un foyer
et avoir des enfants, s’inscrit dans la philosophie de notre
le
sainte religion dont l’une des bases essentielles consiste à éviter
le mal et à rechercher le bien.
el
- Les empêchements au mariage :
ci
L’article 5 du Code du Statut Personnel stipule que :
ffi
« Les deux futurs époux ne doivent pas se trouver dans l’un des
cas d’empêchements prévus par la loi ». Ceux-ci sont fixés par
O
les articles 14 à 20 inclus qui ont distingué les empêchements
qui sont permanents et ceux qui sont provisoires.
ie
Les empêchements permanents sont : la parenté,
er
l’alliance familaile, l’allaitement et le triple divorce.
144
condition que le mariage ait été consommé, avec les épouses de
ses ascendants ou descendants à quelque degré qu’ils
appartiennent, dès la célébration du mariage ».
L’article 17 stipule que « l’allaitement entraîne les mêmes
empêchements que la parenté et l’alliance, précisant que
l’allaitement n’est un empêchement que lorsqu’il a eu lieu au
cours des deux premières années de la vie du nourrisson.
le
L’article 19 interdit le mariage de l’homme avec la femme
dont il a été divorcé trois fois, tandis que l’article 20 interdit le
el
mariage de l’homme avec la femme dont le mariage n’est pas
ci
encore dissout et avec la femme dont le délai de viduité n’a pas
encore expiré.
ffi
On voit ainsi que tous ces empêchements découlent des
O
dispositions de la charia.
Reste le dernier empêchement que constitue la polygamie
ie
(article 18) et qui paraît non conforme aux dispositions de la
charia mais qui, en réalité, ne la contredit aucunement.
er
Comment ?
im
c’est une pratique qui a existé depuis la nuit des temps sans
qu’on puisse en déterminer l’origine.
Im
145
femmes, par deux, ou trois ou quatre. Mais vous craignez
de n’être pas justes, lors seulement une. » (Les Femmes, 3)
le
est toléré ou l’interdire si l’intérêt général l’exige ou si cette
el
tolérance risque d’entraîner des inconvénients, et ce
conformément au principe : Ni tort ni préjudice, et en application
ci
du principe de la recherche de l’intérêt général.
ffi
En effet, l’interdiction de la polygamie a éliminé un grand
nombre de problèmes dans lesquels se débattaient les familles
O
tunisiennes et dont les enfants étaient les principales victimes,
l’homme accordant le plus souvent sa préférence à la nouvelle
ie
épouse et négligeant ses devoirs envers l’autre épouse et leurs
er
enfants.
146
2 – Les droits et les devoirs conjugaux :
le
convenances. » (La Vache, 228).
el
Le fait d’assumer la responsabilité de la famille ne confère
aucun privilège absolu aux hommes, en tant que tels. Si priorité
ci
il y a, elle découle de la responsabilité énorme dont ils sont
investis. C’est pour cette raison que Dieu n’a pas dit : Les
ffi
« mâles » ont la charge des « femelles », mais « les hommes ont
O
la charge des femmes », signifiant ainsi que « les hommes »
sont les musulmans qui ont les vertus des musulmans et non
ie
tous ceux qui sont de sexe masculin.
l’image de la femme.
pr
147
résumé en ces termes : « Si tu veux mesurer la distance qui
sépare la pratique de la plupart des musulmans de ce qu’ils
croient être la charia, tu n’as qu’à observer le traitement qu’ils
réservent à leurs femmes. Tu verras alors qu’ils adoptent à leur
égard la plus grande des iniquités, la limite étant en cela, pour
chacun d’eux, son incapacité à aller au-delà ».
le
et les devoirs de chacun des époux, conformément à la parole du
Très-Haut : « Les femmes ont droit à l’équivalent de ce qui
el
leur incombe. » (La Vache, 228) Il a ainsi obligé le mari à
ci
vivre en bons rapports avec sa femme, à la traiter avec
bienveillance et à ne pas lui porter préjudice, en contrepartie de
ffi
l’obéissance qu’elle doit observer à son égard, des soins dont elle
O
doit l’entourer et de l’accomplissement de ses devoirs selon les
usages et la coutume, lui étant le chef de famille.
ie
Mais, avec le temps, il est devenu manifeste que la société
er
s’est méprise sur le sens exact de l’obéissance due au mari par
l’épouse. Le mot obéissance a été pris dans le sens qu’il avait
im
148
Les hommes ont également oublié que le Prophète a
recommandé, lors de son dernier pèlerinage, de bien traiter les
femmes et que parmi ses hadiths certains prouvent son souci de
les voir bien traitées, comme celui-ci par exemple : « Les
meilleurs d’entre vous sont les meilleurs pour leurs femmes »,
et celui-ci : « Seul un noble de cœur les traite avec générosité et
seul celui dont le cœur est empli de bassesse leur manifeste du
le
ressentiment. »
el
Par souci d’assurer l’intérêt général et concrétisant
l’option qu’il a adoptée pour réaliser les conditions de la
ci
stabilité et de l’équilibre de la famille, le législateur a procédé à
ffi
la modification du contenu de l’article 23 en supprimant le
devoir d’obéissance au mari, qui s’imposait à l’épouse et en le
O
remplaçant par un devoir réciproque consistant pour chacun
des époux à traiter l’autre avec bienveillance et à ne pas lui
ie
porter préjudice. Il a introduit la notion de partenariat et celle
er
d’entraide entre les époux dans la gestion des affaires de la
famille et l’éducation des enfants, tout en confirmant le mari
im
149
S’adressant à son Envoyé, Dieu s’est exprimé en ces
termes : « Consulte-les sur toute affaire. » (La Famille de
Imrân, 159)
le
avec sa femme, Dieu ayant fait d’elle une « vêture »pour lui et
fait de lui une « vêture pour elle » ?
el
On voit ainsi que l’amendement de 1993 s’inscrit
ci
parfaitement au cœur des valeurs islamiques.
ffi
Voilà en ce qui concerne le mariage, la seconde question
dont je traiterai à titre d’exemple est celle du divorce.
III LE DIVORCE
O
ie
L’Islam considère le divorce comme licite, mais il le tient
er
pour détestable, selon le Hadith : « Le plus détestable des actes
permis, auprès de Dieu, est le divorce. ».
im
lui-même.
150
L’Islam n’a donc pas fait du divorce un instrument de
vengeance entre les mains de l’époux ni une épée brandie sur la
tête de l’épouse et que le mari utiliserait pour l’asservir. Il a
autorisé le divorce, en tant que dernière solution à laquelle on
peut recourir après l’échec des tentatives de conciliation entre
les époux menées par un arbitre de la famille de l’époux et un
autre de la famille de l’épouse, et afin d’en finir avec des
différends qui ont profondément nui à l’harmonie du couple.
le
Le divorce a ainsi été autorisé par l’Islam pour des
el
raisons de nécessité et n’a jamais constitué un droit absolu
accordé à l’homme pour y recourir selon ses caprices, son
ci
humeur et ses pulsions.
ffi
Or, la situation qui prévalait en Tunisie avant
l’indépendance était très éloignée de ces nobles préceptes. La
O
femme y était, selon la formule de Tahar Haddad, dans son
livre Imra’atunâ fi ash-sharîa wa al-Mujtamaâ (La Femme
ie
dans la charia et la société), « comme une plume emportée par
des vents violents », répudiée sans qu’elle fût coupable de rien à
er
l’égard de son mari et souvent même sans qu’elle le sût. Elle
était placée dans la « dâr jwâd » jusqu’à ce qu’elle obéisse à la
im
1 - Le divorce judiciaire
151
En réalité, l’idée d’instituer des tribunaux spéciaux pour
le divorce, garantissant une application correcte des préceptes
du Coran et évitant les troubles provoqués par le divorce au
sein de la société, a été développée par l’Imam Mohamed Abdûh
depuis un siècle. Tahar Haddad a également défendu cette idée,
affirmant que l’unique remède contre la situation dramatique
dans laquelle vivait la société était d’instituer le principe de
le
l’arbitrage judiciaire afin de garantir l’efficience d’un tel
arbitrage, conformément aux finalités de la charia et aux textes
el
qui la constituent, notamment les versets enjoignant de ne
ci
ménager aucun effort pour tenter de réconcilier les époux en
conflit.
ffi
L’obligation faite aux époux de recourir à la justice pour
O
divorcer a pour but la protection de la famille et la garantie des
intérêts de ses membres, ce qui s’inscrit sans nul doute au cœur
ie
des finalités de la charia.
er
2 - La tentative de conciliation :
152
N’est-ce pas là une fidèle application de la parole du Très-
Haut : « Si vous craignez la division entre époux,
commettez un arbitre de la famille, un arbitre de celle de
l’épouse. S’ils veulent un raccommodement, Dieu les y
fasse réussir. » (Les Femmes, 35) ?
Afin de faciliter la tentative de conciliation et de lui
assurer d’une manière efficace toutes les conditions du succès,
la fonction de juge de la famille a été instituée en 1993. Il
le
s’agit d’un juge du second degré qui a une expérience sociale et
professionnelle lui permettant de traiter de la manière la plus
el
adéquate les problèmes dont il est saisi et de trouver les
ci
solutions susceptibles d’assurer le succès de la mission qui lui
est confiée.
ffi
Il a également été décidé de multiplier les audiences
O
consacrées à la conciliation quand il y a des enfants mineurs
afin d’offrir aux époux des occasions supplémentaires pour se
réconcilier.
ie
D’autre part, l’époux qui s’arrange pour ne pas faire
er
parvenir la convocation à son conjoint encourt désormais une
sanction pénale.
im
153
- à la demande de l’un des époux en raison du préjudice
qu’il a subi,
- à la demande du mari ou de la femme ».
Il est clair que le divorce par consentement mutuel est
autorisé par la charia, selon le verset : « Si le père et la mère
s’entendent pour un sevrage, après consultation
réciproque et mutuel consentement, nulle faute à eux. »
le
(La Vache, 233).
el
Il en est de même pour la demande de divorce pour
préjudice subi.
ci
L’innovation apportée par le Code du Statut Personnel
ffi
consiste dans la possibilité donnée à la femme, à égalité avec
l’homme, de demander le divorce, ce qui lui donne le pouvoir
O
sur elle-même alors que la règle adoptée par la charia consiste à
confier à l’homme la responsabilité de demander la dissolution
ie
du mariage.
Mais la religion n’a pas interdit à la femme d’assumer
er
cette responsabilité, tout comme l’homme, si cela figure comme
condition dans le contrat de mariage.
im
154
Le droit accordé à la femme de demander le divorce, à
égalité avec l’homme, peut donc être considéré comme une
condition préliminaire posée par ceux qui ont en charge la
responsabilité des affaires publiques, pour tous les mariages,
aux termes d’un mandat à eux implicitement conféré par ceux
dont ils ont la responsabilité.
En ce qui concerne notre époque, et dans les régimes
le
démocratiques dans lesquels les pouvoirs exécutif et législatif
sont élus par le peuple, le législateur, qui fait les lois à la place
el
du peuple, et le chef de l’Etat, qui les promulgue en son nom,
ci
peuvent être considérés comme les détenteurs d’un mandat
ayant une valeur juridique les rendant aptes à prendre une
ffi
telle décision.
O
En d’autres termes, au lieu d’inscrire dans le contrat de
mariage la condition selon laquelle la femme dispose du droit de
demander la dissolution du mariage, le législateur inscrit cette
ie
condition dans la loi, ce qui l’institue comme condition pour tous
er
les mariages. Il s’agit là de quelque chose d’acceptable que rien
n’interdit dans la charia.
im
155
comportement à son égard. » Le divorce a eu lieu après qu’elle
lui a rendu son jardin. Le Prophète les a séparés selon la
procédure du khul’. Dans le même genre de situation, le Code
du Statut Personnel institue le droit à la compensation pour
l’autre partie.
L’article 31 stipule que l’époux ou l’épouse qui demande
par caprice le divorce ou contre lequel le divorce a été prononcé,
le
sur la base de préjudice causé à son conjoint, est astreint à
payer une indemnité financière, et ce, conformément au
el
consensus des faqihs (jurisconsultes) sur le fait que le
ci
dédommagement suite à un divorce est licite. Dieu n’a-t-il pas
affirmé : « Les répudiées auront un bien d’usage conforme
ffi
aux convenances : obligation pour ceux qui se
prémunissent. » (La Vache, 241) ?
O
En plus de ces trois raisons pouvant amener à demander
le divorce, il y en a une autre, spécifique à la femme : c’est
ie
l’absence du mari. Il s’agit de ce qu’on appelle « divorce pour
er
absence. » L’article 40 stipule que : « Si le mari, se trouvant
sans ressources, quitte la femme sans lui avoir assuré des
im
156
observe un délai de viduité de trois moins accomplis ; pour la
veuve, il est de quatre mois et dix jours accomplis. Le délai de
viduité de la femme enceinte prend fin avec l’accouchement. La
durée maxima de la conception est d’une année à compter du
divorce ou du décès du mari », selon le verset coranique :
« Quant aux répudiées, mise en observation de leur
personne pour une durée de trois menstruations. Il ne
leur est pas licite de celer ce que Dieu crée en leur
le
matrice pour autant qu’elles croient en Dieu et au Jour
el
dernier. » (La Vache, 228). Et également conformément aux
versets : « celles de vos femmes qui désespèrent d’être
ci
menstruées… De même pour celles non encore
ffi
menstruées. Quant à celles en cours de grossesse, le
terme sera qu’elles déposent leur faix. » (La Répudiation,
O
4) et : « Certains d’entre vous meurent en laissant des
épouses : celles-ci devront observer un délai de quatre
ie
mois et dix jours. » (La Vache, 234)
er
En ce qui concerne les successions, le Code du Statut
Personnel s’est contenté de reprendre les dispositions de la
im
de sexe féminin.
Im
157
père ou la mère sont décédés avec ou en même que leur aïeul, ce
qui leur permet d’obtenir la part qu’aurait recueillie leur père
ou leur mère (article 191).
le
justice et des droits de l’Homme – permettant l’obtention d’un
master professionnel dans le domaine de la répartition des
el
quotes-parts.
ci
Il apparaît ainsi clairement que le Code du Statut
Personnel est conforme à la fois à la religion musulmane et à
ffi
l’esprit de notre époque. C’est ce qui a permis d’éradiquer des
traditions et des coutumes dépassées, de renforcer les liens au
O
sein de la famille et de garantir la tranquillité et la stabilité à
ses membres, dans le respect du Saint Coran et de la Sunna du
ie
Prophète, qui en constitue l’application concrète. Le Code s’est
appuyé sur l’ijtîhâd sur des questions de détail touchant aux
er
coutumes, tout en se conformant rigoureusement aux finalités
de la charia et sans toucher aux principes généraux de la foi.
im
158
charia, recherche qui concerne des cas particuliers, il devient
obligatoire de le confier aux mujtahîds (ceux qui sont à même
de fournir l’effort de réflexion – d’ijtihâd – exigé), en tant que
domaine ouvert à l’innovation ».
le
de rendre visite à leurs petits-enfants, en cas de décès de l’un
el
des deux parents, afin de préserver les relations de parenté.
ci
passer aucune occasion sans affirmer son attachement
ffi
indéfectible à l’Islam, en tant que religion. Citons, à titre
d’exemple, la Déclaration générale présentée par le
O
gouvernement tunisien lors de la ratification de la Convention
internationale sur la lutte contre toutes les formes de
ie
discrimination contre les femmes, en 1985, déclaration selon
laquelle la Tunisie affirme qu’elle ne prendra aucune
er
disposition organique ou juridique susceptible d’être en
contradiction avec le premier article de la Constitution
im
159
Im
pr
im
er
ie
O
ffi
ci
el
le
LA TUTELLE DE LA FEMME DANS
LE CODE DU STATUT PERSONNEL
le
el
Rachid Sabbagh
ci
Magistrat
ffi
O
Au plan lexical : la tutelle est la faculté de protéger et la
capacité de gérer.
ie
Dans la terminologie du fiqh et du droit, il s’agit d’un
pouvoir légal permettant à celui qui en est légalement titulaire
er
de conclure les contrats, et d’accomplir les actes de gestion
effective, que cela le concerne, lui ou ses biens, ou que cela
im
161
tutelle exercée sur elle-même et sur ses biens et tutelle exercée
sur la personne de ses enfants et sur leurs biens. Nous
distinguerons trois centres d’intérêt :
-1- la tutelle de la femme sur elle-même.
-2- la tutelle de la femme sur la personne de ses enfants
mineurs.
-3- la tutelle de la femme sur les biens de ses enfants mineurs.
le
I – La tutelle de la femme sur sa personne et sur ses biens
el
La tutelle de la femme ayant atteint l’âge de la majorité
légale est, dans le Code du Statut Personnel, une tutelle
ci
complète et totalement équivalente à celle de l’homme majeur
sur sa propre personne et sur ses biens. Il faut signaler à ce
ffi
propos que la tutelle de l’individu, homme ou femme, sur lui-
O
même ou sur ses biens, signifie qu’il a acquis la capacité pleine
et entière d’en disposer.
Nous le montrerons en deux points :
ie
1er point : la détermination de l’âge de la majorité
er
légale pour l’homme et la femme
im
tutelle que son tuteur exerçait sur sa personne et sur ses biens.
En ce sens, la majorité selon la charia et la majorité selon le
droit positif sont différentes de la puberté à laquelle sont liées
les obligations religieuses, car la majorité légale correspond à la
maturité intellectuelle qui se distingue de la puberté, laquelle
est un processus physiologique naturel.
162
Pour cette raison, le texte coranique a énoncé un principe
général consistant à subordonner la pleine capacité de
l’individu à bien s’acquitter des actes de gestion à l’acquisition
d’une maturité intellectuelle postérieurement à l’âge de la
puberté, ce qu’exprime la parole du Très-Haut : « Mettez les
orphelins à l’épreuve jusqu’à leur nubilité. Si vous
distinguez en eux un droit jugement, rendez-leur leur
bien. » (1) La charia n’a pas fixé un âge précis pour la majorité
le
légale et a laissé la question aux pouvoirs publics selon les
el
exigences du temps et conformément à son attitude habituelle
pour les questions d’intérêt général. (2)
ci
La législation tunisienne a fixé l’âge de la majorité légale,
ffi
en ce qui concerne l’Etat civil, les transactions civiles et
commerciales et l’aptitude à saisir les tribunaux, à 20 ans
O
révolus, à égalité pour le mineur et pour la mineure. Les textes
suivants le précisent :
ie
- L’article 7 du Code des Obligations et Contrats qui
stipule que :
er
163
La loi a cependant retenu deux cas particuliers dans
lesquels sont déclarés majeurs le jeune homme et la jeune fille,
à égalité, avant qu’ils aient atteint 20 ans révolus. Ces cas sont
les suivants :
1 – L’émancipation résultant du mariage.
2 – L’émancipation absolue ou restreinte pour accomplir
des transactions financières.
le
1– L’émancipation résultant du mariage
el
C’est le cas prévu par le 2ème paragraphe nouveau de
l’article 153 du Code du Statut Personnel. (3) Ce 2ème
ci
paragraphe a été ajouté à l’article susmentionné dans la loi n°
ffi
74 de l’année 1993, datée du 12 Juillet 1993. (4) Il stipule que
« Le mineur qui se marie acquiert la majorité légale, s’il a
O
dépassé l’âge de 17 ans, pour ce qui est des questions d’état civil
et des transactions civiles et financières ». (5)
ie
Le mineur est celui qui n’a pas atteint l’âge de la majorité
légale qui est 20 ans révolus, sans distinction entre l’homme et
er
la femme.
im
164
Les preuves de cette double tutelle et ses conséquences
sont confirmées pour la femme majeure par les articles 3, 9 et
24 du Code du Statut Personnel.
- L’article 3/1 : « Le mariage n’est formé que par le
consentement des deux époux. »
La condition du consentement de l’épouse pour son
mariage, sans mention de son tuteur, prouve qu’elle est la
tutrice d’elle-même car la conclusion du mariage est l’un des
le
domaines d’application de la tutelle sur la personne.
el
- L’article 9/1 : « L’homme et la femme peuvent conclure
mariage par eux-mêmes ou par mandataire ».
ci
Ceci est le résultat de la jouissance de l’époux et de
ffi
l’épouse, à égalité, de la tutelle sur la personne.
- L’article 24 : « Le mari ne dispose d’aucun pouvoir
O
d’administration sur les biens propres de la femme. »
Ceci résulte du droit de l’épouse de gérer ses biens du fait
ie
de sa capacité juridique de gérer ses biens. C’est ce qui est visé
par l’expression « la tutelle de la femme sur ses biens ».
er
165
- à conclure les contrats relatifs aux transactions civiles et
commerciales que sont les contrats de gestion, de ses biens,
résultat de sa tutelle sur ses biens.
En outre, l’important complément que comporte l’article
153 nouveau, c'est-à-dire l’émancipation résultant du mariage
évoquée ci-dessus, constitue un avantage pour la femme (6) car,
avant l’amendement de l’article 153 par la loi n° 74 de l’année
1993, la femme qui n’avait pas atteint l’âge de 20 ans révolus
le
restait, même mariée, sous tutelle pour minorité en ce qui
concerne sa personne et ses biens, les deux tutelles ne prenant
el
fin qu’après 20 ans révolus. Cette situation la confrontait à de
ci
nombreuses difficultés, tant dans le domaine des transactions
financières qu’ailleurs, l’empêchant d’administrer ses affaires,
ffi
en cas d’absence du tuteur, de différend familial ou d’autres
problèmes dont les conséquences négatives se sont manifestées
O
dans la pratique, notamment en matière judiciaire, dans les
situations de conflit entre elle et son époux. Pour cette raison, le
ie
nouvel amendement a été adopté pour résoudre ces problèmes
en affirmant d’une manière explicite l’accession des deux époux
er
à la majorité légale, du simple fait du mariage, si l’un des deux
ou les deux a (ou ont) moins de 20 ans révolus.
im
166
2 - l’émancipation judiciaire absolue ou restreinte :
Il s’agit du 2ème cas d’émancipation du mineur, garçon ou
fille, afin de lui permettre d’accomplir des actes de gestion
financière d’une manière valide et efficiente. Les dispositions de
ce type d’émancipation sont énoncées dans les articles 158 et
159 du Code du Statut Personnel et dans l’article 6 du Code du
Commerce. Elles stipulent que l’émancipation, dans ce second
cas, ne peut être accordée que par le juge, qui peut la retirer.
le
Elle peut être absolue ou restreinte et ne peut être accordée au
el
mineur avant l’âge de 15 ans révolus. Mais si l’émancipation est
accordée pour l’exercice d’une activité commerciale, le mineur
ci
doit avoir 18 ans révolus et cette émancipation doit être
absolue. (8)
ffi
L’article 7 du décret daté du 18 Juillet 1957 relatif à la
O
nomination des tuteurs s’est contenté d’affirmer que le Juge des
tutelles est seul compétent pour examiner les demandes
d’émancipation restreinte qui lui sont soumises par les
ie
intéressés. Pour cette raison, l’autorisation d’émancipation
er
absolue est du ressort du Tribunal de Première Instance, étant
donné les prérogatives générales qui sont les siennes. (9)
im
167
contrats, de contracter des engagements, d’être propriétaire de
biens meubles et immeubles et de gérer son patrimoine. Nul n’a
le droit d’administrer ses biens sans une autorisation de sa part
ou une procuration qu’elle lui accorde pour agir à sa place. Dans
ce cas, elle a le droit de le révoquer et de mandater quelqu’un
d’autre. En ce qui concerne le mariage, la femme a le droit de
choisir librement son époux et interdiction est faite qu’elle soit
mariée contre son gré. A ce propos, on rapporte ce récit fait par
le
Aicha, que Dieu l’agrée : « Je dis au Prophète : Ô Envoyé de
Dieu, les femmes ont-elles le pouvoir sur elles-mêmes ? - Oui,
el
répondit-il. » (10) D’après Abdallah Ibn Abbas, que Dieu l’agrée,
le Prophète a dit : « La femme qui a déjà été mariée a plus de
ci
droits sur elle-même que n’en a son tuteur, la vierge doit être
ffi
consultée et son silence vaut approbation. » (11) De Aicha, que
Dieu l’agrée, on rapporte également qu’une jeune fille est venue
O
la voir et lui a dit : « Mon père m’a mariée à son neveu afin que
je lui permette de s’élever dans les degrés de la vertu alors que
ie
je n’en ai pas le désir. » Aicha lui répondit : « Assieds-toi et
attends l’arrivée du Prophète, que la prière et la bénédiction de
er
Dieu soient sur lui. » Quand le Prophète est arrivé, elle lui a dit
ce qu’il en était. Il a envoyé chercher le père, et celui-ci lui a
im
mon père a fait, mais je voulais que les gens sachent que les
pères n’ont pas à décider en ces questions. » (12)
Im
168
« prennent leur source dans les sources généreuses de la charia
et ses diverses composantes sans se limiter à une école
doctrinale à l’exclusion des autres. L’Islam, comme on le sait, se
caractérise par sa tolérance et la diversité de ses finalités. Il
enclot des mystères insondables qui s’accordent avec les
dispositions naturelles des gens, leurs situations et leurs
coutumes, en tout temps et à toutes les époques, surtout si nous
consentons à faire l’effort pour tirer profit de ces mystères,
le
extraire les trésors qu’ils renferment et les adapter aux
événements et aux situations, et si nous parvenons à bien les
el
gérer en tant que musulmans fidèles libérés de toutes les
entraves de l’inertie, de la passivité et de la tradition. »
ci
L’examen des articles du Code du Statut Personnel
ffi
relatifs à la tutelle de la femme sur elle-même et sur ses biens
permet de se rendre compte que le Code a suivi sur cette
O
question les préceptes de l’école hanéfite :
ie
1 : en ce qui concerne la conclusion par la femme
majeure de son contrat de mariage :
er
L’imam Abu Hanîfa et ses disciples ont affirmé que la
femme majeure a, d’après la charîa, le droit de conclure
im
169
sous la direction du défunt Cheikh al-islam Abdelaziz Djaït, les
articles 5, 11 et 12 du chapitre relatif au mariage, dans la
section consacrée au Statut personnel, sont ainsi rédigés :
- article 5 hanéfite : « le mariage est conclu par la
déclaration de l’un des contractants et l’assentiment de l’autre.
Le demandeur peut être, indifféremment, le mari, son tuteur ou
son mandataire et la personne qui donne son assentiment peut
être, indifféremment, l’épouse, son tuteur ou son mandataire » ;
le
- article 11 hanéfite : « Nul ne peut épouser une femme
el
majeure saine d’esprit de la part de son père ou d’une autorité
sans son consentement, qu’elle soit vierge ou qu’elle ait déjà été
ci
mariée. Si elle l’accorde, le mariage est valide, si elle le refuse,
le mariage est nul ». Al Hendiyya, d’après As-Sirâj al-wahhâj (p
ffi
269) (le commentaire est dû au Cheikh Djaït).
O
- article 12 hanéfite : « Le mariage de la femme libre
majeure est conclu sans qu’il y ait besoin de tuteur ». Al –
Hendiyya d’après At-tâbiîn. Ce sont à l’évidence les principes de
ie
l’école de Abû Hanîfa et Abû Youssef que Dieu ait leur âme (le
er
commentaire est dû au Cheikh Djaït).
Tous les livres de l’école hanéfite font référence à cette
im
170
- Le livre du docteur Hassan Ali Chédli, professeur de fiqh
comparé à l’Université Al-Azhar : « La femme majeure saine
d’esprit peut se marier elle-même, son mariage étant alors
valide et efficient. C’est l’opinion de l’imâm Abû Hanîfa, suivi
en cela par des disciples Zafar, Al Hassan et Abû Youssef et à la
fin de sa vie par Mohamed Ibn Hassan. C’est aussi l’opinion des
imâms duodécimains. Ces hanéfites posent comme condition
qu’il y ait parité entre les époux et que la dot soit conforme à ce
le
qui est habituellement accordé. (15)
2 : En ce qui concerne la gestion par la femme
el
majeure de ses biens : L’article 240 hanéfite de la Note sur les
ci
dispositions charaïques du Cheikh Djaït dispose, dans le
chapitre relatif au mariage, que « le mari ne dispose d’aucun
ffi
pouvoir d’administration sur les biens propres de sa femme.
Elle les gère sans son autorisation et accord, et sans qu’il puisse
O
lui contester ce droit. Elle dispose du droit de recueillir les
bénéfices de son patrimoine, de mandater un autre que son
ie
mari pour gérer ses affaires, de conclure ses contrats sans
dépendre de son autorisation ni de celle de son propre père si
er
elle est majeure ».
Remarquons que l’article 24 du Code du Statut Personnel
im
171
personne et la tutelle sur les biens. (10) La tutelle sur la
personne consiste à veiller sur la personne sous tutelle en
assurant sa garde, son éducation, son instruction et son mariage.
La tutelle sur les biens de la personne consiste à les
administrer en veillant à les préserver, à les gérer et à les faire
prospérer.
Nous n’évoquerons ici que les droits que le Code du Statut
Personnel a accordés à la mère pour ce qui est de la tutelle sur
le
la personne de ses enfants mineurs.
el
Le Code du Statut Personnel n’a pas consacré un livre
spécifique à la tutelle sur la personne. Il en a formulé certaines
ci
dispositions dans divers articles dont les plus importants se
trouvent dans le livre relatif au mariage, comme les articles 6,
ffi
7, 8, 9 et 23, dans le livre relatif à l’adoption, les articles 54, 57,
60 et 67 et les articles 153, 154, 155 et 161 (17), dans le livre
O
relatif à l’interdiction et à l’émancipation.
Le Code du Statut Personnel a réparti les composantes de
ie
la tutelle sur la personne des enfants entre le père et la mère,
prenant en considération en cela l’intérêt des enfants, même s’il
er
172
- 2ème fonction : elle consiste à marier la personne sous
tutelle et a été appelée « tutelle de mariage ».
Le Code du Statut Personnel a accordé le deuxième type
de tutelle, c'est-à-dire la tutelle de mariage, au père et à l’agnat
(Açab) par parenté de sexe masculin, selon les détails précisés
dans l’article 8 du Code. (18)
Mais l’article 6 nouveau du Code du Statut Personnel
le
dispose, quant à lui, que « le mariage du mineur est
subordonné au consentement du tuteur et de la mère. Si le
el
tuteur ou la mère refusent de donner leur accord et que le
mineur persiste dans son désir, le juge est saisi. L’autorisation
ci
de mariage est irrévocable. » (19)
ffi
Selon Abdallah Ibn Omar, que Dieu les agrée, le Prophète
O
a recommandé ceci : « Consultez les femmes en ce qui concerne
leurs filles » En d’autres termes, demandez leur avis. (Cité par
Abû Daoud (20))
ie
Nous nous contenterons dans ce qui suit de parler de la
er
tutelle de garde et de sa relation avec le droit de garde comme
nous le montrerons.
im
173
- le 2ème : Satisfaire aux besoins moraux (21), c’est-à-dire
éduquer, instruire, guider l’enfant, lui apprendre à bien se
conduire, surtout s’il s’agit d’un enfant en bas âge. Les besoins
moraux incluent certains actes judiciaires, comme les recours
en matière de filiation et d’obligation alimentaire. (22)
Il faut signaler que les fonctions susmentionnées et
incluses dans la tutelle de garde entrent d’office dans le droit de
garde, la mère titulaire du droit de garde de son enfant les
le
exerçant sans qu’il y ait besoin d’un texte spécifique.
el
Cependant, celle-ci les accomplit en collaboration avec le tuteur
de l’enfant et sous son contrôle, ce tuteur étant prioritairement
ci
le père.
Le Code du Statut Personnel a mentionné en outre des
ffi
prérogatives particulières qu’il a désignées explicitement et
O
dont il a considéré que l’exercice est exclusivement du ressort
de la mère titulaire du droit de garde, à l’exclusion de tout
autre personne à laquelle la garde pourrait être confiée (23),
ie
sauf si le père est titulaire du droit de garde, auquel cas il
er
cumule la garde et la tutelle sur la personne de l’enfant.
Les prérogatives spécifiques les plus importantes dévolues
im
174
1993, et qui a porté sur les articles 23, 60 et 67 de la manière
suivante :
- L’amendement a augmenté l’article 23 des paragraphes
2 et 3 suivants : « les époux s’acquittent de leurs devoirs
conjugaux conformément aux usages et à la coutume ».
« Ils s’entraident dans la gestion des affaires de la famille,
la bonne éducation des enfants et la prise de décision en ce qui
le
les concerne, y compris pour l’enseignement, les voyages et les
transactions financières. »
el
- L’amendement a ajouté à l’article 60 le mot « la mère » :
« le père de l’enfant ou son tuteur ou sa mère peuvent avoir un
ci
droit de regard sur ses affaires, pourvoir à son éducation et
ffi
l’envoyer aux établissements scolaires, mais l’enfant ne peut
passer la nuit que chez celui qui en a la garde, le tout sauf
O
décision contraire du juge prise dans l’intérêt de l’enfant ».
- L’amendement a ajouté à l’article 67 les paragraphes 4
ie
et 5 suivants :
« La mère dispose, si elle est titulaire du droit de garde,
er
des prérogatives de la tutelle en ce qui concerne le voyage,
l’instruction et la gestion des biens de l’enfant ».
im
175
est également appelée tutelle de garde ou tutelle d’éducation.
(24)
Le droit de garde constitue donc une tutelle sur la
personne, son titulaire est un tuteur de garde, dans les limites
de ses compétences. Cette tutelle est définie par :
1 - son nom : la tutelle du droit de garde ou la tutelle de
garde ;
le
2 - son domaine d’application qui se limite au premier volet
de la tutelle sur la personne, qui est la tutelle de garde,
el
et ne s’étend pas à la tutelle de mariage qui en est le
ci
second volet ;
3 - sa durée qui est coextensive au droit de garde, laquelle
ffi
peut ne prendre fin que lorsque la personne sous tutelle
O
atteint l’âge de la majorité légale si la tutelle de la
personne en question n’a pas été auparavant confiée au
détenteur de la tutelle sur la personne ;
ie
4 – le fait que son détenteur l’exerce sous le contrôle du
er
détenteur de la tutelle sur la personne ;
5 – le fait que ses détenteurs sont le plus souvent distincts
im
176
Nous nous sommes contenté dans cette section d’évoquer
les prérogatives de la mère titulaire du droit de garde, à
l’exclusion des autres femmes, car le Code du Statut Personnel
lui en a accordé certaines prérogatives qui n’ont pas été
octroyées aux autres femmes pouvant être titulaires du droit de
garde, prenant en cela en considération l’intérêt de la famille et
des enfants, compte tenu de la place de la mère dans la famille.
Le Code du Statut Personnel a réparti la tutelle de garde
le
ou la tutelle du droit de garde entre la mère et le père de
el
l’enfant. (26)
L’article 57 du Code du Statut Personnel stipule que « la
ci
garde appartient durant le mariage aux père et mère ».
ffi
L’article 67 stipule que « En cas de dissolution du mariage
par décès, la garde est confiée au survivant des père et mère.
O
Si le mariage est dissout du vivant des époux, la garde est
confiée, soit à l’un d’eux, soit à une tierce personne. Le juge en
ie
décide en prenant en considération l’intérêt de l’enfant. »
er
La mère est prioritaire pour exercer la tutelle de garde ou
la tutelle de droit de garde parce qu’elle est plus compatissante
im
177
Cependant, si le tuteur sur la personne néglige
d’accomplir ses devoirs en la matière et qu’il faille désespérer de
lui, quelles qu’en soient les raisons, le souci des intérêts de
l’enfant exige de permettre à la personne la plus compatissante
envers lui, qui lui est la plus proche de s’acquitter de ces
devoirs, le législateur a donc permis à la mère titulaire du droit
de garde de jouer le rôle de tuteur sur la personne pour tout ce
qui relève de la tutelle de garde sans être a priori inclus dans le
le
droit de garde, à l’exception de la tutelle de mariage qui est du
ressort exclusif du tuteur sur la personne, selon l’article 8 du
el
Code du Statut Personnel comme il a été indiqué ci-dessus.
ci
Pour cette raison, l’article 67 du Code du Statut Personnel
dispose, dans son 5ème et dernier paragraphe, ajouté par la loi n°
ffi
74 de l’année 1993, datée du 12 juillet 1993, comme mentionné
ci-dessus, que « le juge peut accorder l’ensemble des
O
prérogatives de la tutelle à la mère titulaire du droit de garde si
le tuteur se trouve dans l’incapacité de les exercer, s’il commet
ie
des abus ou s’il néglige de s’acquitter des devoirs qui en
découlent habituellement, s’il change de domicile sans qu’il soit
er
possible de déterminer son nouveau lien de résidence ou pour
tout autre motif pouvant porter préjudice aux intérêts de
im
l’enfant. » (27)
Cet article indique explicitement que ses dispositions
pr
concernent :
1 - la mère, à l’exclusion des autres femmes titulaires du
Im
droit de garde ;
2 - à condition que la mère soit effectivement titulaire du
droit de garde de son enfant sous tutelle ;
3 - que le tuteur sur la personne ne s’acquitte pas de ses
devoirs quelle qu’en soit la raison ;
178
4 - que cette négligence porte préjudice aux intérêts de
l’enfant bénéficiant du droit de garde ;
5 - et qu’un jugement soit rendu par le Tribunal accordant
le droit d’exercer la tutelle à la mère titulaire du droit
de garde.
le
La tutelle sur les biens du mineur a essentiellement pour
el
fondement son incapacité. La tutelle du père ou de la mère sur
les biens de leurs enfants mineurs s’inscrit dans ce cadre. Pour
ci
cette raison, quand le mineur acquiert cette capacité en
atteignant l’âge de la majorité légale, qui est 20 ans révolus
ffi
dans la législation tunisienne, cette tutelle prend fin.
O
- La tutelle du père ou de la mère sur les biens de leurs
enfants mineurs est une tutelle légale car elle tire sa source de
ie
la loi. Elle leur revient respectivement dans cet ordre, dès la
naissance des enfants, selon la loi, et prend fin quand ceux-ci
er
atteignent l’âge de 20 ans, selon la loi. Ce qui signifie que son
début et sa fin ne sont pas subordonnés à un jugement rendu
im
par le Tribunal.
- C’est une tutelle par substitution (28), au sens où le
pr
179
dans son intérêt engage le mineur si les contrats sont
conformes aux conditions légales. Le mineur ne peut les
révoquer après son accession à la majorité.
Le Code du Statut Personnel a accordé à la mère la tutelle
sur les biens de ses enfants mineurs, d’une manière explicite,
dans les articles 154 et 155 selon l’amendement qui y a été
introduit par la loi n°7 de l’année 1981, datée du 18 février
1981.
le
Ces deux articles sont désormais ainsi rédigés :
el
Article 154 : « Le père est le tuteur de l’enfant mineur et,
en cas de décès ou d’incapacité du père, c’est la mère qui en est
ci
tutrice légale, sous réserve des dispositions de l’article 8 du
ffi
présent Code, relatif au mariage. Le testament du père ne
produit ses effets qu’après la mort de la mère ou son incapacité.
O
En cas de décès des parents, ou de leur incapacité, et à
défaut de tuteur testamentaire, le juge doit nommer un
ie
tuteur ».
Article 155 : « la tutelle est exercée de droit sur l’enfant
er
mineur par le père, puis par la mère, puis par le tuteur
testamentaire. Elle ne cesse que sur ordre du juge pour des
im
raisons légitimes ».
Nous parlerons dans ce qui suit de la tutelle de la mère
pr
sur les biens de ses enfants mineurs dans les deux points qui
suivent, le premier étant consacré à la capacité qui en est la
Im
180
dispositions de la capacité dans le livre de l’interdiction et de
l’émancipation relatif à la tutelle sur les biens et aux causes de
l’interdiction. Le livre se compose des articles 153 à 170.
Les jurisconsultes distinguent deux types essentiels de
capacité qui sont : la capacité d’obligation et la capacité
d’exécution.
La capacité d’obligation consiste dans le fait que la
le
personne est sujet ou objet de droits. Toute personne, physique
ou morale, possède une capacité d’obligation complète depuis la
el
naissance jusqu’à sa mort. La capacité d’obligation est donc liée
à la qualité d’être humain. (31)
ci
La capacité d’exécution, quant à elle, consiste dans le
ffi
fait que la personne dispose des prérogatives de gestion de ses
droits. La capacité d’exécution ne commence chez l’être humain
O
qu’à partir du moment où il est pourvu de discernement. Elle
n’est complète que quand il atteint l’âge de la majorité légale.
ie
L’article 156 du Code du Statut Personnel stipule que
« L’enfant qui n’a pas atteint l’âge de 13 ans accomplis est
er
considéré comme dépourvu de discernement et tous ses actes
sont nuls.
im
181
2 - des contrats d’administration qui consistent à exploiter
quelque chose, comme le contrat de location, relativement
à la chose louée ;
le
n’engendrent que des préjudices pour le donateur.
el
Il faut distinguer capacité et tutelle sur les biens.
ci
- La capacité est, comme nous l’avons dit, une capacité
d’obligation que l’être humain possède dès sa naissance et qui
ffi
consiste dans l’établissement de droits pour lui et sur lui » et
O
une capacité d’exécution qui appartient à la personne pourvue
de discernement et qui consiste dans « la prérogative d’utiliser
ie
ces droits ».
d’autrui.
182
2ème point : Les caractéristiques de la tutelle de la mère
sur les biens de ses enfants mineurs :
le
éventuelles du droit de garde ;
el
2 - elle se limite à la tutelle sur les biens de ses enfants
ci
mineurs. Le mineur est l’enfant qui n’a pas atteint
l’âge de la majorité légale, c'est-à-dire 20 ans révolus,
ffi
comme le stipulent les articles 153 et 157 du Code du
Statut Personnel et l’article 7 du Code des Obligations
O
et Contrats ;
ie
3 - il s’agit d’une tutelle personnelle légale que le
législateur lui a accordée, en raison de la relation de
er
proximité qui caractérise le rapport mère/enfant,
comme il l’a accordée au père, en raison de la
im
183
tuteur testamentaire désigné par le père, qui se
trouve ainsi au troisième rang après le décès du père
et de la mère ou s’ils ont perdu la capacité. Au
quatrième rang se situe la tutelle du juge, du fait de la
tutelle générale (35) qui est la sienne et qui lui permet
de désigner un tuteur provisoire du mineur quand il
n’y a pas de tuteur testamentaire, au moment du
le
décès des parents ou de la perte de leur capacité.
el
tutelle sur les biens des mineurs dans le Code du Statut
ci
Personnel sont classés ainsi : le père puis la mère puis le tuteur
testamentaire, appelé tuteur choisi (36), puis le juge, puis le
ffi
tuteur provisoire nommé par le juge. C’est ce que l’article 154
O
permet de comprendre (37).
184
L’interdiction, dans la langue, signifie l’empêchement.
Dans la terminologie juridique, le mot signifie l’empêchement
de la validité de la gestion par la parole, au sens où l’interdit
est dépourvu de la capacité d’exécution en matière de contrats
et pour toutes les autres actions légales.
le
la tutelle de la mère sur les biens de ses enfants mineurs.
el
ci
ffi
O
ie
er
im
pr
Im
185
Notes :
le
4 – Publié in J.O.R.T n°53 daté du 20 juillet 1993 p 1004. Travaux
préparatoires : débats de l’Assemblée nationale. Adoption lors de sa
el
réunion du 6 juillet 1993.
5 – L’article 5 du C.S.P. a fixé l’âge du mariage en stipulant ceci :
ci
« L’homme avant 20 ans révolus et la femme avant 17 ans révolus ne peuvent
contracter mariage. Au dessous de cet âge, un mariage ne peut être
ffi
contracté qu’en vertu d’une autorisation spéciale du juge qui ne l’accordera
que pour des motifs graves et dans l’intérêt bien compris des deux futurs
O
époux ».
6 – Son Excellence le Président de la République a déclaré, dans son discours
ie
prononcé, le 13 Août 1992, au palais de Carthage, à l’occasion de la Fête de
la femme : « Il n’est pas possible d’accepter, en même temps, le mariage de
er
la jeune fille de moins de 20 ans avec toutes les conséquences juridiques
qui en découlent, et de la considérer comme une mineure qui dépend de
son tuteur en ce qui concerne sa vie personnelle et même pour ses
im
famille et qu’elle élève ses enfants d’une manière convenable. Pour cela, il
est nécessaire d’émanciper celles qui ont atteint 17 ans dès qu’elles se
Im
186
8 – Voici le texte des deux articles 158 et 159 du Code du Statut Personnel et
celui de l’article 6 du Code de Commerce :
- article 158 du Code du Statut Personnel : « Le juge pourra accorder à
l’enfant une émancipation restreinte ou absolue, comme il pourra la lui
retirer en cas de besoin.
Les actes accomplis par l’enfant dans les limites fixées par l’acte
d’émancipation seront valables ».
- article 159 du C.S.P « L’enfant ne pourra être émancipé avant l’âge de
quinze ans révolus ».
le
- article 6 du Code du Commerce : « Le mineur ayant atteint l’âge de 18
ans révolus, qu’il soit de sexe masculin ou féminin, ne peut exercer une
el
activité commerciale ni être considéré comme majeur pour les
engagements qu’il aura contractés dans ses affaires commerciales s’il n’a
pas obtenu son émancipation absolue. »
ci
9 – Le 1er paragraphe du Code des Plaidoiries Civiles et Commerciales dispose
ffi
que « Le Tribunal de Première Instance statue en Première Instance sur
tous les recours à l’exclusion de ceux qui sont régis par un texte
O
spécifique ».
10 – Recueilli par Al-Bukhârî, Muslim et An-Nisaî. cf. Jâmaâ al-’Usûl d’Ibn
al-Athîr. Tome 11. p 462. cf. aussi Sahih al-Jâmaâ as-saghîr et ses
ie
compléments. Edité par Mohamed Naceur al-Albâni. Tome 2. p 419. N°
2806.
er
11 – Recueilli par Malek dans Al-Monatta’, Muslim, At-thermidhî, Abû Dâoud
et An-Nissâi. cf. Jâmaâ al-Ussûl d’Ibn al-Athîr. Tome 11 – 460. Le mot
im
« ayyim » désigne celui qui n’a pas de conjoint, homme ou femme, qu’il
soit vierge ou qu’il ait été déjà marié. Ici, il désigne la femme qui a déjà
été mariée. Le pluriel du féminin est « ayâmâ ». Dieu a dit « Epousez
pr
187
leur personne dans les limites des convenances » (La Vache, 234)
et « qu’elle n’ait épousé un autre mari » (La Vache 230). Dans ces
deux versets, le mariage est du ressort de la femme et non de son tuteur.
Ils se réfèrent au Hadith : « La femme qui a déjà été mariée a plus de
droits sur elle-même que n’en a son tuteur », Hadith cité ci-dessus. Ils se
basent également sur un argument logique selon lequel quand la femme
se marie par elle-même, elle exerce un droit qui lui appartient. Elle a la
capacité pleine et entière, et ses actes sont valables. Elle peut aussi
conclure tous les contrats financiers. Cf. Charh Qânun al-Sabûni.
le
Imprimerie de l’université de Damas, 1972. Volume 1. p 209 et 211.
14 – Ahkâm ach-sharîa al-Islamiyya fi-al-ahwâl ach-chakhsiyya. 3ème éd.
el
Dar Al-Maâref. Egypte 1961. p 203.
15 – Al-Wilâwa alâ an-Nafs. 1ère éd. Dâr at-Tibâa al –Muhammadiyya bi-al-
ci
Azhar. Le Caire, 1979 – p 32.
ffi
16 – Abderrazak Denguir. La tutelle de la mère sur le mineur in Majallat al-
Qadhâ wa at-Tachrî. Octobre 1995. n°8 p 47.
O
17 – Faisons ici observer deux points :
1 - Le Code du Statut Personnel n’a pas utilisé l’expression « La tutelle
ie
sur la personne et la tutelle sur les biens » car il s’agit d’une
expression consacrée ; or, si elle est fréquemment utilisée dans les
er
livres des jurisconsultes contemporains quand ils parlent de la
tutelle, les anciens jurisconsultes y ont rarement eu recours. J’ai, par
exemple, trouvé dans le livre de l’interdiction du Commentaire de
im
188
chapitres consacrés au mariage, à la naissance et au droit de garde.
Ils ont parlé des dispositions de la tutelle sur les biens dans le
chapitre relatif à l’interdiction. Le Code du Statut Personnel qui s’est
inspiré du fiqh islamique sans se limiter à une école doctrinale
spécifique, a dans l’ensemble suivi les jurisconsultes (fuqahâ) pour ce
qui est de la terminologie et dans le classement adopté.
18 – L’article 8 du Code du Statut Personnel dispose que « consent au mariage
du mineur le plus proche parent agnat. Il doit être sain d’esprit, de sexe
masculin, majeur. Il revient obligatoirement au père, ou à son
le
mandataire, de consentir au mariage de son enfant mineur, qu’il soit de
sexe masculin ou féminin. S’il n’y a point de tuteur, le consentement est
el
donné par le juge.
19 – Dans le discours qu’il a prononcé au palais de Carthage, le 13 Août
ci
1992, à l’occasion de la Fête de la femme, Son Excellence le Président
Zine El Abidine Ben Ali a déclaré notamment « La condition du
ffi
consentement de la mère au mariage de sa fille qui n’a pas encore
atteint l’âge de la majorité ne fait que traduire notre souci que la vie
O
conjugale soit basée sur la solidarité et l’entente entre les époux, en ce
qui concerne les affaires de leurs enfants et constitue une garantie du
consentement total de la jeune fille qui n’a pas atteint l’âge de 20 ans
ie
et un moyen de prévenir les dissensions au sein du couple, en cas
d’opposition de la mère à ce mariage. » Cf. le texte du discours in
er
Majallat al-Qadhâ wa at-Tachrîi. n° 1 – Janvier 1994 – p 9.
20 – cf. Jâmaa al-Usûl d’Ibn al-Athîr. Tome 11. p 464.
im
second, c’est la tutelle de mariage ». cf. son livre Al-wilâya alâ an-Nafs.
Dar al-Ilm li-al. Malâyîn. Beyrouth. 1970. p 22. Le professeur Ahmed al-
Hosarî affirme : « la tutelle sur la personne comprend deux éléments : le
Im
189
23 – Rachid Sabbagh : L’évolution du droit de garde dans les pays du
Maghreb, Revue tunisienne de droit 1969 – 1970 – p 49 – 65.
24 – Rachid Sabbagh : L’enfant et la tutelle d’éducation in Majallat al-Qudhâ
wa at-Tachrî 10/1968. p 7.
25 – Sobhî Mahmasâm. Al Mabâdi ech-sharriyya. Dar al Ilm li al-Malâyîn.
Beyrouth. 1954. p 58.
26 – Le Cheikh Mohamed Abû Zahra affirme : « Les deux parents sont deux
ailes qui entourent la famille, l’une, celle de la mère, nourrit et permet
de grandir, l’autre, celle du père, protège et initie à une vie autonome. Se
le
rencontrent ainsi deux gardes fortes, la garde de la mère et la garde du
père par la tutelle sur la personne ». Al-Wilâya alâ an-Nafs. Dar al-Ilm li
el
al-Malâyîn. Beyrouth. 1970, p 11.
27 – Dans son discours prononcé au palais de Carthage, le 13 Août 1992, à
ci
l’occasion de la Fête de la femme, Son Excellence le Président de la
République affirme ceci : « L’évolution de la vie familiale et notamment
ffi
l’évolution de la structure familiale et sa limitation dans la plupart des cas
au père, à la mère et aux enfants, ainsi que la complexité croissante de la
O
vie et des modes d’existence et le grand nombre d’actes juridiques relatifs
à la vie des enfants, exigent de nous, aujourd’hui, l’invention des moyens
ie
permettant à la femme de participer à l’administration des affaires des
enfants étant donné qu’elle est plus proche d’eux. Il est également
er
nécessaire d’accorder à la mère titulaire du droit de garde les moyens
juridiques lui permettant de gérer les affaires de l’enfant sous sa garde,
quand, suite à la séparation avec son mari, celui-ci commet des abus dans
im
190
contrat qui le désigne ». Al-Wasît fî charh al-Qânûun al-Madâni. Tome 1. p
203. annexe n° 1.
30 – Sobhi Mohmasâni: “Les actes juridiques sont de deux sortes : Par la
parole et par l’action. Les actes accomplis par la parole, appelés actions
juridiques, comprennent les contrats et les autres actions similaires
(volonté individuelle). Ils ont été appelés actes par la parole car ils sont
accomplis par une déclaration ou l’expression de la volonté des
contractants, Ils sont accomplis oralement, par écrit ou par des signes.
Les actes accomplis par l’action, quant à eux, résultent des actions
le
licites ou illicites, et des délits et assimilés comme la dilapidation des
biens d’autrui ou l’agression contre lui ». Al-Mabâdi ach-charîyya. Dar
el
al-Ilm li –al-Malâyîn. Beyrouth, 1954. p 46.
31 – Le mineur est celui qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, comme cela a
ci
été indiqué.
32 – Mabrouk Ben Moussâ : La privation de tutelle in Majallt al-Qadhâ we at-
ffi
Tashrîi (n° spécial consacré aux droits de l’enfant) Janvier 1999. n°9. p
11.
O
33 – Il faut remarquer que la capacité d’obligation découle de la qualité d’être
humain. Elle ne dépend ni de l’âge, ni de la possession des qualités
ie
mentales ni de la majorité. Toute personne, à n’importe quelle étape de
sa vie et quelle que soit sa qualité, y compris le fœtus et le dément, sont
er
considérés comme disposant de la capacité d’obligation. Celle-ci peut
être complète ou incomplète. Ainsi, le fœtus, dans le ventre de sa mère,
ne bénéficie que du droit à la filiation, à la succession et au legs
im
191
caractérisent. Dans la réalité des faits, la désignation du tuteur
testamentaire découle du testament du père.
35 – Il y a deux sortes de tutelles : Particulière et générale. La tutelle
particulière est celle qu’exerce une personne sur un individu particulier,
comme la tutelle du père ou de la mère sur l’enfant. La tutelle générale,
quant à elle, est celle qu’exerce le détenteur du pouvoir suprême ou le
juge au nom de l’intérêt général pour exercer son contrôle sur la tutelle
privée ou pour se substituer à elle si elle est absente. En vertu de la
tutelle générale, le juge est le tuteur du prodigue, le tuteur de l’enfant
le
en cas d’absence de tuteurs testamentaires, il a le droit de désigner les
tuteurs provisoires quand il n’y a pas de tuteurs, il a le droit de les
el
contrôler, de contrôler leurs comptes, de les révoquer et de leur accorder
l’autorisation légale nécessaire pour certaines actions. Le détenteur de
ci
la tutelle, particulière ou générale, est appelé tuteur s’il est désigné par
la loi comme le père ou le juge, mais s’il est désigné par le tuteur par
ffi
testament, il est appelé tuteur choisi et s’il est désigné par la justice il
est appelé tuteur désigné ou tuteur du juge ou tuteur provisoire.
O
36 – En Tunisie, à notre connaissance, l’appellation tuteur choisi par le père
sur ses enfants, n’est pas utilisée.
ie
37 – La justice désignait très souvent, par le passé, la mère comme tutrice
provisoire sur ses enfants mineurs après le décès de leur père car elle est
er
plus proche d’eux, elle est celle qui a le plus de compassion envers eux et
qui veille le plus à préserver leurs biens. On voit que le législateur a
voulu aller dans le même sens, pour les mêmes raisons, mais d’une
im
personne afin qu’ils lui laissent le droit de garde sur ses enfants et lui
permettent d’obtenir du tribunal le statut de tutrice provisoire sur eux,
ce qui l’oblige à s’acquitter des frais de justice qui peuvent être lourds
Im
192
LES ACQUIS DE LA FEMME TUNISIENNE
D’APRES LE CODE DU STATUT PERSONNEL
le
el
Jawida GUIGA
ci
Ex-Présidente de Chambre au Tribunal de Cassation
Membre du Conseil Constitutionnel
ffi
O
D’après le sociologue français Durkheim, « La loi constitue
le document le plus précieux pour connaître la famille et la
société, en particulier les modèles familiaux et sociaux, parce
ie
qu’elle atteint les niveaux d’objectivité les plus élevés. »
er
Ma communication a pour sujet : le Code du Statut
Personnel, des propositions à l’égalité au partenariat effectif.
im
193
effet revenus en arrière en dressant de nombreux obstacles
devant la femme, utilisant à cet effet des subterfuges
juridiques, ce qui a engendré des familles mal équilibrées.
Lorsque le déséquilibre social a commencé, au cours des
derniers siècles, à devenir une véritable menace pour la
cohésion des sociétés arabes, un ensemble de penseurs et de
réformateurs de la fin du 19e et du début du 20e siècles ont
réalisé la gravité de la situation et appelé à de grandes
le
réformes en ouvrant à nouveau «la porte de l’ijtîhâd » tant en ce
qui concerne les affaires de ce monde que la religion. Cette
el
époque est connue sous le nom d’époque de la Nahdha. Elle a
ci
été marquée par l’actions de novateurs tels que Jameleddine El
Afghâni, Mohamed Abdûh, Rafaâ Rifâat at-Tahtâwî et Qâcem
ffi
Amîn et, en Tunisie, Kheireddine at-Tounsi, Mahmûd Qâbâdû,
Ahmed Ibn Abî adh-Dhiâf, Mohamed Bayram V et Mohamed
O
As-Senûssî.
Au sein de ce mouvement réformiste, la Tunisie a vu
ie
naître un intellectuel des plus courageux, Tahar Haddad.
er
Tahar Haddad fait partie des pionniers qui ne se sont pas
contentés de s’inspirer des nouvelles idées de l’Europe pour tout
im
194
Le livre de Tahar Haddad, ’Imra’atunâ fi-Sharîa wal-
mujtamâa (La Femme dans la charia et, dans la société), paru
en 1930, constitue l’aboutissement de ses idées concernant la
réforme de la situation de la femme et de la famille et, partant,
de celle de toutes les catégories et les classes constitutives de la
société tunisienne. Ces idées en faveur de la promotion de la
femme et de l’amélioration de ses conditions d’existence ont
donné lieu à une polémique opposant conservateurs et
le
novateurs, à une époque où la société tunisienne subissait la
el
domination coloniale. Ses idées réformistes ont également
suscité les réactions et les critiques d’une mouvance constituée
ci
par des jurisconsultes (faqihs) et des cheikhs conservateurs, tels
Mohamed Salah Ben M’rad qui a répliqué à Haddad dans son
ffi
livre ’Al-Hidâd ala ’Imra’ati al-Hadad (Prenons le deuil devant
O
la femme de Haddad) et Omar al-Bâri al-Madanî dans son livre
Sayf ’al-Haq al man lâ Yarâ al-Haq (Le Glaive de la loi contre
celui qui ignore la loi).
ie
Les idées de Haddad ont également préparé l’avènement
er
d’une étape qui a vu la réalisation des conditions objectives
permettant à son projet réformiste de donner lieu à ce que l’on
im
195
droits et les devoirs. Mais si l’égalité constitue la règle
fondamentale, il n’empêche qu’ici ou là certaines dispositions
puissent ne pas être respectées.
Passons maintenant de ce cadre général qui définit les
grands principes aux droits spécifiques accordés à la femme
dans la Constitution et la législation générale.
Ces droits relèvent de deux types :
le
Premier type de droits :
Les droits qui lui sont accordés, à égalité avec l’homme, et
el
que lui garantissent la Constitution et les traités internationaux
ci
signés par la Tunisie, dont les dispositions concernent le citoyen
en général, indépendamment de son sexe. Ces dispositions
ffi
traduisent d’une manière effective la règle générale de l’égalité
évoquée ci-dessus. Citons, à titre d’exemples :
O
- le droit de vote et de participation à toutes les élections
et à toutes les consultations, à tous les niveaux, à égalité avec
ie
l’homme ;
er
- le droit de se porter candidate à toutes les assemblées
représentatives et locales ;
im
196
Citons quelques exemples :
- le droit à un mariage librement consenti et le droit à la
liberté de choix de son époux ;
- le droit de bénéficier, elle et les enfants qu’elle a eus de
lui, de l’obligation alimentaire assumée par le mari ;
- le droit à la garde de ses enfants ;
- les droits financiers ;
le
- le droit au maintien dans le domicile familial en cas de
garde des enfants.
el
Ces droits constituent ce qu’il est convenu d’appeler
ci
les droits de la femme dans son environnement familial.
A l’occasion de la célébration du cinquantenaire du Code
ffi
du Statut Personnel, nous nous contenterons de parler de cette
seconde catégorie de droits, c’est-à-dire des droits de la femme
O
dans son environnement familial, droits concrétisés par les
dispositions du Code du Statut Personnel, les lois subséquentes
ie
et les amendements qui sont venus le compléter.
er
Quand la Tunisie indépendante a promulgué le Code du
Statut Personnel, le 13 août 1956, elle a introduit de nombreux
principes et de profondes réformes qui ont révolutionné la
im
197
relations avec la famille, il convient d’insister sur le fait que si la
femme est une entité personnelle, elle passe, en tant qu’entité
morale par les mêmes étapes, de la naissance à la croissance et à
l’extinction pour des raisons et sous des formes diverses et variées.
Nous ne traiterons pas dans cette étude de toutes ces
étapes ; nous nous contenterons des acquis qu’elle a obtenus
pour tout ce qui précède et tout ce qui suit le mariage et de ceux
relatifs aux situations de conflit au sein du couple.
le
I - Les acquis juridiques de la femme tunisienne
el
avant et après le mariage.
ci
Le Code du Statut Personnel a suivi dans ce domaine une
ffi
progression graduelle, de l’affirmation de l’égalité entre
l’homme et la femme à l’établissement des bases d’un
O
partenariat, au service des intérêts de la famille et des enfants.
Cette progression graduelle est passée par deux étapes :
ie
1ère étape : Pour l’égalité entre l’homme et la femme.
er
La législation tunisienne a réalisé, par la promulgation du
Code du Statut Personnel le 13 août 1956, le maximum possible
im
198
décret du 3 août 1956, amendant les articles 6 et 7 du Code des
Obligations et Contrats qui limitaient la capacité de la femme.
Le Code du Statut Personnel, promulgué le 13 août 1956, a
confirmé ce décret et proclamé que toute personne, homme ou
femme, ayant atteint 20 ans révolus, est considérée comme
majeure. Cependant, trois articles du Code des Obligations et
Contrats ont maintenu la limitation posée à la capacité
juridique de la femme.
le
Ainsi, l’article 831 (ancien) du Code des Obligations et
Contrats conditionnait la validité du contrat de travail conclu
el
par la femme par l’autorisation préalable du mari qui avait le
ci
droit d’annuler tout contrat conclu sans son consentement.
L’article 1481 (ancien) stipulait que la femme ne peut
ffi
administrer que le tiers de ses biens si son époux ne l’autorise
O
pas à gérer une part plus importante. Dans le même cadre,
l’article 1524 (ancien) du Code des Obligations et Contrats
n’autorisait pas la femme à saisir la justice en cas de besoin
ie
sans la permission de son mari. Même si ces articles étaient
implicitement abrogés par les textes postérieurs à eux, étant
er
199
par le consentement des deux époux » (article 3 du Code du
Statut Personnel). La femme majeure peut ainsi se marier par
elle-même. En ce qui concerne le mineur, de sexe masculin ou
féminin, le consentement de son tuteur s’ajoute à sa propre
volonté, qui reste nécessaire pour la conclusion du mariage dont
elle constitue un des fondements. On pourrait même dire qu’elle
est l’élément axial du contrat, selon l’article 21 du Code du
Statut Personnel.
le
Au départ, l’âge légal minimum du mariage a été fixé à 15
ans pour la jeune fille et à 18 ans révolus pour le jeune homme,
el
et cela pour mettre officiellement un terme à la coutume du
ci
mariage des enfants, lequel constitue un mariage précoce ne
servant pas les intérêts de la famille et de la société et
ffi
s’opposant totalement aux droits psychologiques, sexuels et
sociaux de l’enfant. Soucieux de renforcer ces orientations
O
juridiques générales, le législateur a promulgué la loi, datée du
21 avril 1964, amendant certains articles du Code du Statut
ie
Personnel et portant l’âge légal minimum du mariage à 17 ans
révolus pour la jeune fille et à 20 ans révolus pour le jeune
er
homme, de sorte que le Code puisse également s’harmoniser
avec la politique économique et démocratique du pays, garantir
im
200
maturité pour conclure son mariage, dès l’âge de 17 ans, et en
même temps de la traiter en mineure, au plan juridique,
l’article 153 du Code du Statut Personnel a été amendé par la
loi n°74 de l’année 1993, datée du 14 juillet 1993, ce qui a eu
pour résultat que le mariage de la mineure ayant atteint 17 ans
révolus lui confère la majorité, relativement à sa situation
personnelle et aux transactions civiles et commerciales
accomplies par elle.
le
3 – L’obligation de conclure le mariage par un acte
el
officiel afin de fonder la famille sur une base valide et d’établir
les droits de l’épouse et des enfants sur une base légale et
ci
ferme. Tout mariage conclu hors des formes prévues par la
législation est considéré comme un délit (article 36 du Code de
ffi
l’Etat Civil).
O
4 – L’interdiction de la polygamie, la punition de tout
contrevenant et de son complice d’une peine de prison assortie
ie
d’une amende, et l’annulation du second mariage, qu’il ait été
conclu conformément à loi ou selon d’autres modalités, et cela
er
d’après une doctrine du fiqh (celle du Cheikh Mohamed Abdûh)
qui interdit le mariage avec une seconde épouse, en se fondant
im
201
6 - L’octroi de la nationalité tunisienne aux enfants
de la Tunisienne mariée avec un étranger : l’article 2
(nouveau) du Code de la Nationalité a accordé aux enfants
mineurs de la Tunisienne mariée avec un étranger, même s’ils
sont nés à l’étranger, le droit d’obtenir la nationalité tunisienne
avant l’âge de 19 ans, à condition que le père exprime son
accord dans une requête signée conjointement avec la mère.
7 – Le régime de la communauté des biens : la
le
législation tunisienne ne fixe pas un régime particulier de la
propriété des biens entre les époux, chacun d’entre eux
el
jouissant de la propriété de ses biens sans que l’autre dispose
ci
d’aucun droit sur eux. Mais, face à certains situations dans
lesquelles l’épouse s’est trouvée dans l’incapacité de fournir la
ffi
preuve de sa participation à l’acquisition du domicile conjugal
et donc de le quitter, en cas de divorce, notamment en l’absence
O
d’enfants mineurs, le législateur est intervenu en promulguant
la loi n°94 de l’année 1998, datée du 9 Novembre 1998, pour
ie
réparer cette injustice et donner aux deux époux la possibilité
de choisir le régime de la communauté des biens qui vise à leur
er
assurer la propriété commune d’un ou de plusieurs biens
immeubles réservés à l’usage familial, en précisant que le
im
202
Code du Statut Personnel. On a évoqué la possibilité d’y apporter
des modifications, dans tel ou tel sens, et de nombreuses rumeurs
ont circulé annonçant, tour à tour, l’éventualité d’un
accroissement des droits de la femme et l’imminence de leur
remise en question par la réintroduction de la polygamie et
l’interdiction du travail de la femme.
Les autorités politiques ont immédiatement réagi en
exprimant explicitement leur position confirmant les dispositions
le
du Code du Statut Personnel et des autres lois tunisiennes
el
relatives à la femme et à la famille. Plus encore, de nombreuses
lois consacrant le principe de l’entraide et du partenariat entre
ci
l’homme et la femme ont été promulguées. La loi du 12 juillet 1993
en est l’une des plus importantes et elle constitue une sorte de
ffi
charte pour garantir l’équilibre familial.
O
Quels sont les principaux amendements apportés par
cette loi ?
ie
1 - L’égalité entre les fiancés et entre les époux divorcés
avant la consommation du mariage : l’article 2 (ancien) du Code
er
du Statut Personnel n’a évoqué que la restitution au fiancé des
cadeaux qu’il a offerts à la fiancée comme si celle-ci ne pouvait
im
203
amendements apportés à l’article 2 et à l’article 28 du Code du
Statut Personnel ont affirmé le principe de l’égalité selon lequel
la financée et l’épouse avant la consommation du mariage ont,
elles aussi, droit à la restitution des cadeaux offerts par elles,
en cas de rupture due à l’autre partie.
2 – Le consentement de la mère au mariage de son
enfant mineur (article 6 nouveau du Code du Statut Personnel) :
le
Le père est juridiquement le tuteur de l’enfant mineur
alors que la mère n’est tutrice qu’en cas de décès du père ou de
el
son incapacité. Pour cette raison, le mariage de l’enfant mineur
est subordonné au consentement du père. A la suite de
ci
l’adoption de la loi n°74 de l’année 1993, datée du 12 juillet
ffi
1993, et afin de réaliser le partenariat effectif, le consentement
de la mère est devenu nécessaire également.
O
3 – L’octroi du droit à l’obligation alimentaire aux
jeunes des deux sexes, aux handicapés et aux filles sans
ie
revenus :
er
Avant la promulgation de la loi de 1993, le droit des
enfants à l’obligation alimentaire prenait fin à l’âge de 16 ans,
im
204
4 – L’entraide et le partenariat entre les époux :
L’article 23 du Code du Statut Personnel comportait,
avant d’être amendé en 1993, l’obligation pour la femme d’obéir
à son mari en tant qu’il est le chef de la famille. Etant donné le
caractère discriminatoire de cette obligation, un amendement a
été introduit, lui substituant une obligation réciproque
garantissant de bons rapports entre les époux et amenant
le
chacun d’entre eux à traiter l’autre avec bienveillance et à
éviter de lui porter préjudice.
el
Dans ce même cadre, le nouveau texte a introduit le
principe de l’entraide et du partenariat entre les époux, dans la
ci
gestion des affaires de la famille et l’éducation des enfants, tout
ffi
en conservant au père son statut de chef de famille, partant du
principe que toute association doit nécessairement avoir un
O
chef. Le rôle de chef de famille ne s’exerce donc plus sous la
forme d’une autorité hégémonique mais sous celle d’une
ie
autorité duale basée sur l’entraide. Le chef de famille a donc le
devoir, en tant que tel, de subvenir aux besoins des enfants,
er
l’épouse devant participer aux dépenses du foyer si elle a des
revenus.
im
205
1ère étape : La dissolution des liens du mariage suite
à un divorce
Lors de la promulgation du Code du Statut Personnel le
13 août 1956, les dispositions positives instituées par le
législateur tunisien en faveur de la femme sont les suivantes :
1 – Le législateur a frappé d’interdiction définitive
l’entrave du triple divorce afin de mettre fin aux ruses et
manœuvres juridiques et au recours au subterfuge de la
le
licitation charaïque, connu dans les milieux populaires sous le
el
nom de «Tayyas» (l’époux fictif donné à la femme trois répudiée,
afin qu’elle puisse, au terme d’un mariage blanc se remarier
ci
avec son répudiateur), considérant que cette pratique porte
atteinte à la dignité de la femme et déstabilise la famille.
ffi
2 – Le législateur tunisien ne reconnaît que le
O
divorce judiciaire et il a stipulé explicitement et d’une
manière catégorique que le divorce ne peut avoir lieu que par-
devant le Tribunal (article 30 du Code du Statut Personnel). Le
ie
divorce coutumier résultant de l’énonciation par le mari de la
er
formule consacrée a ainsi été prohibé, ce qui a garanti les droits
de la femme divorcée et des enfants, et préservé la famille de la
désintégration résultant de la précipitation.
im
206
forme d’une rente viagère ou d’un capital global, comprenant, si
nécessaire, le domicile.
L’amendement du 12 juillet 1983 a de nouveau permis au
législateur de renforcer les droits de la femme divorcée en lui
octroyant les privilèges suivants :
1 – Le droit de regard sur l’enfant dont la tutelle a
été confiée à l’un des parents. L’article 60 (ancien) du Code
du Statut Personnel n’accordait le droit de confier la garde de
le
l’enfant qu’au père ou au tuteur. Vu le caractère discriminatoire
el
de cette disposition, l’article 60 a été amendé pour que la mère
jouisse d’un droit équivalent lui permettant d’exercer un droit
ci
de regard sur son enfant.
2 – La tutelle exercée par la mère divorcée titulaire
ffi
du droit de garde de son enfant mineur :La tutelle sur
O
l’enfant mineur est considérée comme un droit exclusif du père,
même en cas de divorce et d’attribution du droit de garde à la
mère, ce qui n’a pas manqué d’engendrer des troubles profonds,
ie
préjudiciables à l’intérêt de l’enfant et à son équilibre
er
psychologique. C’est pourquoi le législateur tunisien a mis fin à
cette situation et décidé, en vertu de la loi n°74 de l’année 1993,
datée du 12 juillet 1993, d’accorder automatiquement la tutelle
im
207
femme divorcée et qui ne s’en acquitte pas était passible d’une peine
de prison et d’une amende, mais le simple paiement est devenu,
depuis la loi de juillet 1993, suspensif des poursuites, du procès ou
de l’exécution de la peine, afin de sauvegarder la famille et d’offrir
aux époux une occasion de réconciliation.
De plus, la loi de juillet 1993 a consolidé les droits de la
femme divorcée et lui a permis de bénéficier des services de la
Caisse de la Pension et de la Rente pour les divorcées, caisse
le
qui lui sert les sommes qui lui sont dues et qui se retourne
el
ensuite contre l’époux débiteur afin de récupérer ce qu’elle a
avancé.
ci
J’ouvrirai ici une parenthèse pour expliquer le rôle de
ffi
cette caisse à laquelle renvoie l’article 53 bis du Code du Statut
Personnel et qui a été créée par la loi n°65 de l’année 1993,
O
datée du 5 juillet 1993, et le décret n°1655, daté du 9 août 1993.
Cette caisse a pour rôle de se substituer au père divorcé
ie
débiteur, afin de servir la pension alimentaire ou la rente due à
la femme divorcée puis de se retourner contre celui qui a été
er
condamné à les payer et qui répugne à le faire, afin de
récupérer les sommes payées augmentées des amendes et des
im
intérêts légaux.
Il faut signaler que le décret du 9 août 1993 précisant les
pr
208
Le deuxième amendement du décret mentionné ci-dessus
impose à la Caisse, en cas de récidive du débiteur, de continuer
à servir les sommes accordées par le Tribunal aux femmes
bénéficiaires de cette mesure sans qu’elles soient obligées de
fournir tous les trois mois une attestation établissant l’état de
la plainte pour abandon de famille instituée par le 2ème
paragraphe de l’article 6 du décret du 9 août 1993.
Les droits et les acquis de la femme ne se limitent
le
cependant pas au cas de la dissolution du mariage par le
divorce. Ils sont également garantis en cas de décès du conjoint.
el
2ème étape : La dissolution de la relation conjugale
ci
suite au décès du mari
Le processus de restauration des droits de la femme, en
ffi
tant qu’elle constitue la moitié de la société, s’est également
étendu à sa situation après le décès de l’époux. Parmi les droits
O
acquis par la femme après la dissolution de la relation
conjugale pour cause dé décès, citons ceux-ci :
ie
1 – Le législateur tunisien a accordé à la fille, si elle
est l’unique descendante, le droit de recueillir la totalité
er
209
3 – Le législateur tunisien a établi le droit de la
grand-mère paternelle ou maternelle, de recueillir le
sixième de la succession de ses petits-enfants décédés,
notamment si le père ou la mère du défunt est déjà décédé.
En plus de ces droits, la femme dispose d’autres droits, en
cas de dissolution du mariage, suite à un divorce ou à un décès,
droits qui renforcent le partenariat effectif et l’équilibre
familial. Les plus importants sont les suivants :
le
1 – Le droit de maintien dans le domicile familial en
el
cas de décès du mari ou s’il a quitté le domicile
conjugal : L’article 3 de la loi n°123 de l’année 1993, datée du
ci
27 décembre 1993 et amendant la loi n°35 de l’année 1976, en
date du 18 février 1976, stipule qu’en cas de décès de la
ffi
personne bénéficiant du droit de maintien dans le logement ou
de l’abandon par lui du domicile conjugal, le droit de maintien
O
est transféré à l’épouse ou à ses enfants mineurs jusqu’à ce
qu’ils aient atteint l’âge de la majorité ainsi qu’à ses enfants
ie
handicapés.
D’autre part, le décret n°13 de l’année 1981, daté du 1er
er
210
n°51 de l’année 2003, datée du 7 juillet 2003, a accordé à la
mère le droit de donner son nom à l’enfant et de saisir la justice
afin de lui donner également le nom et le prénom du grand-
père. Tout cela afin de préserver l’enfant et sa mère de tout
risque de marginalisation. Il est également possible désormais
pour la mère de bénéficier d’un jugement du Tribunal
attribuant à l’enfant le nom de famille de son père si la preuve
de la filiation est établie par la reconnaissance, le témoignage
le
ou l’analyse génétique.
el
3 – Enfin, et pour consolider les liens de solidarité
familiale et les relations entre les générations, le législateur
ci
a promulgué la loi n°10 de l’année 2006, datée du 6 mars 2006, en
complément aux dispositions du Code du Statut Personnel.
ffi
Quels sont les éléments nouveaux apportés par cette loi ?
O
Le législateur tunisien a effectivement réglementé, dans
l’article 66 (ancien) du Code du Statut Personnel, le droit de
ie
visite du parent qui n’est pas titulaire de la garde de l’enfant.
Mais il n’a pas explicitement accordé ce droit aux grands-
er
parents. Ce vide juridique a conduit certains tribunaux à ne pas
répondre favorablement aux requêtes présentées par les
im
211
Le mot géniteur s’applique pareillement au fils et à la fille,
ce qui fait que le décès de l’un ou l’autre d’entre eux donne aux
grands-parents paternels et maternels le droit de demander le
droit de visite. En outre, ce droit appartient au grand-père et à la
grand-mère à égalité. Afin de consolider la fonction de juge de la
famille, ce dernier a seul compétence pour recevoir les demandes
des grands-parents relatives au droit de visite aux petits-enfants.
De plus, et afin de permettre aux justiciables de bénéficier de
le
leurs droits dans les meilleurs délais, tout en évitant à cette
catégorie particulière des démarches longues et complexes, la
el
nouvelle loi a ajouté un 2e paragraphe à l’article 66 du Code du
Statut Personnel, préconisant le recours aux procédures d’urgence, lors de
ci
l’examen de ces demandes.
ffi
Il apparaît, en conclusion, que l’ensemble de ces dispositions
juridiques tunisiennes, anciennes et nouvelles, mettent en
O
évidence l’importance de l’impact de la libération de la femme sur
la famille et la société. Cependant, les acquis déjà réalisés par la
ie
femme dans de nombreux pays ont encore besoin, aujourd’hui et
dans l’avenir, d’être encore davantage consolidés et développés,
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notamment dans les pays arabes, dans le sens d’une présence plus
significative de la femme dans la vie publique et en levant les
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vie publique, et d’enraciner l’esprit d’égalité en droits et en
devoirs entre les deux sexes. Les médias font partie des
mécanismes à mettre en œuvre dans ce cadre.
- Par une démarche volontaire de la femme elle-même qui
doit participer davantage à la vie publique, dans les fonctions et
postes professionnels qu’elle occupe afin de relever les défis que
lui impose le moment historique qu’elle vit, sur les plans
national et international et qui se caractérise par la rapidité
le
des évolutions et des mutations ainsi que par le développement
des moyens de communication et les progrès de l’informatique
el
qui constituent autant de facteurs ayant transformé le monde
ci
en un village planétaire et nous appelant tous à approfondir la
réflexion en regardant davantage vers l’avenir que vers le
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passé.
Le célèbre sociologue français n’a-t-il pas affirmé en effet
O
que : « La loi constitue le document le plus précieux pour connaître
la famille et la société, en particulier les modèles familiaux et
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sociaux, parce qu’elle atteint les niveaux d’objectivité les plus
élevés. » ?
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