west Legsl-Cenve
WATT Legal
A\attention de
Monsieur le Premier Ministre
Charles Michel
Etat Belge
Rue dela Loi, 16
B-1000 Bruxelles
ar courier et par emai
Bruxelles, le 30 novembre 2017
‘Monsieur le Premier Ministre,
Par la présente jai honneur de faire suite & mon audition du 25 septembre
demier, en qualité de conseil de S.A.R, le Prince Laurent.
En effet, si ce demier a observé un silence de quatre longs mois dans le but de
ne pas interférer avec la procédure en cours, il apparait que sa prolongation
est mal interprétée par certains médias et visiblement par une partie du public.
Cette perception est importante, en raison des antécédents de cette procédure
et de sa nature politique, comme il sera rappelé ci-aprés. Le caractére non
confidentiel donné a ce courrier vise donc @ faire connaitre, pour la premiére
fois sans doute, certains éléments de fail, de fond et de forme, qui sont
essentiels 4 une appréciation juste de la situation,
Le Prince Laurent est comme les autres citoyens, soumis @ a loi : mais comme
les autres également, rien que la loi, et toute la loi.1. Lors de mon audition jai eu Thonneur de vous remettre un Mémoire Préliminaire tendant &
démontrer que ni la présence du Prince 4 la réception donnée le 18 juillet & 'ambassade de Chine, ni
les antécédents évoqués dans votre courrier du 4 septembre 2017 ne constituaient des manquements
la Loi du 27 novembre 2013 concemant les dotations et les indemnités octroyées a des membres de
Ja Famille royale ainsi que la transparence du financement de la monarchie (ci-aprés « la Loi »).
Ce dabord, pour un motif tenant a limperfection de la Loi elle-méme. Son article 18 soumet en effet les
«contacts » du Prince avec «les auforités étrangéres ou leurs représentants » @ une autorisation
préalable du ministre des Affaires étrangeres.
U1 s'agit hélas de termes issus de la vie courante, que le Iégislateur a omis de définir. Ceci engendre
une inséourité juridique évidente, puisque chacun peut avoir sa propre idée du niveau hiérarchique &
partir duquel on est en présence d'une « autorité » ou d'un « représentant », et surtout de ce que
représente un « contact » au sens de la loi. Selon le dictionnaire Larousse, il s'agit en effet de tout «
état ou action de personnes qui sont en relation, qui communiquent entre elles, qui se fréquentent ».
Dans le cas du Prince, la quasi-totalité de ses « contacts » seraient ainsi visés, puisque depuis des
décennies i fréquente un milieu qui compte évidermment beaucoup d'autorités ou de représentants
d'états étrangers, ou de personnes qui le sont devenues. Un nombre non négligeable d'entre eux sont
en outre membres de sa famille. Tous sujets autorisation ?
‘Comme notre Mémoire Préliminaire tend a le démontrer de facon plus approfondie qui n'est possible
de Vexposer ici, un tel arbitraire n'est pas compatible avec notre Constitution et avec les droits
fondamentaux. La régle ainsi comprise condamnerait en effet son destinataire & un isolement social
contraire & article 8 de la Convention européenne des droits de homme, qu’aucune « nécessité au
regard d'une société démocratique » (ctitére de la jurisprudence de la Cour européenne du méme nom)
ne pourrait justifer.
Cest la raison pour laquelle la loi ne peut viser qu'un contact qualifié, clest dire « revétant une
signification politique » au sens de Varticle 17 de la Loi, quia trait aux voyages a 'étranger mais auquel
Varticle 18 précité renvoie.
Dans votre courrier du 4 septembre 2017 précité, la « signification politique » de la présence du Prince
la réception du 18 juillet & 'ambassade de Chine n'est pas évoquée, encore moins démontrée — alors
que crest bien entendu au Gouvernement de démontrer que les conditions de la loi dont il envisage de
faire application sont réunies.
Et pour cause, puisque la encore il s'agit d'une expression issue de la vie courante, non définie par la
loi. A occasion de examen du projet de Loi, un membre de la Chambre des représentants avait &
juste titre prévu que « /a distinction dont il est question a Varticle 17, fondée sur le caractére politique ou
non d'un voyage, donnera lieu d'autres problémes ».Un Membre du Sénat avait pour sa part posé la
question : « Du reste, qui définit le contenu de fa « signification politique » (...) ? », sans recevoir de
réponse.
De fait, on voit mal comment donner une signification politique a la présence du Prince a une réception
de 600 personnes Bruxelles, ot des responsables belges européens étaient présents en grand
nombre. Parmi eux, M Wim Robberecht, amiral de la Marine belge (également en uniforme, ce qui va
de soi dans ce contexte), et M Mikhail Kostarakos, président du European Union Military Committee —
ce demier ayant pris officiellement la parole conjointement avec son homologue chinois.
2La Belgique entretient en outre avec la Chine des relations amicales, depuis plus de 45 ans, la grand-
mere du Prince ayant é6 parmi les premiéres personnalités occidentales A le visiter aprés le
changement de régime.
Le roi Philippe ler, lorsqu'll était encore prince, y a conduit pas moins de cing missions économiques
denvergure, en 1996, 2000, 2004, 2007 et 2011. II s'y est également rendu dans le cadre d'un voyage
privé, ainsi que lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008,
Ces relations ont culminé trés récemment avec une visite d'état en Belgique du Président chinois Xi
Jinping, en 2014. Grade maximal de échelle protocolaire, la visite d'Etat se veut un signe ¢'entente
entre deux pays. Une semblable visite d'état belge en Chine a été conduite par le Roi et le Premier
ministre, en 2015 (accompagnés d'une délégation de 225 personnes dont des ministres, chefs
dentreprise et recteurs d'université)
En juin 2017, la Belgique et la Chine ont encore signé huit accords commerciaux, qui traduisaient,
selon votre propre expression dans la foulée d'un sommet UE-Chine, la « force des relations bilatéralos
entre les deux pays ainsi qu’entre Pékin et ['Union européenne ».
En réalité, la seule signification politique de ce dossier lui a été donnée par le Ministére des Affaires
6trangéres Iui-méme, lorsquil a cru bon diinformer la presse que ce dernier n’avait pas demandé
autorisation, trois semaines aprés les faits, sans méme siinformer préalablement auprés du Prince
quant @ la nature de 'événement et aux circonstances de sa présence. Ce qui a subitement donné
impression que la Chine serait un pays « infréquentable », et a trés certainement été diversement
apprécié la-bas.
Enfin, on relévera que de toute maniére, l'article 18 de la Loi prévoit une exception générale a la
nécessité d'une autorisation ministérielle, @ savoir pour les « contacts qui peuvent avoir lieu dans le
cadre dactivités de représentation »
Une fois encore les « activités de représentation » ne sont pas définies par la Lol, mais il est possible
de se référer & son article 16, qui prévoit que « Dans le cadre de leurs activités, los membros do la
Famille royale partcipent aux réunions ou manifestations publiques pour lesquelles leur présence ou
leur concours est solicité pour autant que cette participation ne porte pas préjudice & la dignité et a la
rospectabilté de leurs fonctions et qu’elle ne menace pas leur neutralté. »
Ce critére apparait donc rexact complément des précédents, tels quis ont été précisés ci-avant. Eu
égard aux limites posées par les droits fondamentaux, l'objectif de la loi et le simple bon sens, la
volonté du législateur n'a pu étre de soumetire & autorisation préalable que les contacts qui revétent
tune « signification politique » (concept dont on rappellera toutefois limprécision). Logiquement il a
exclu de ce régime lourd sur le plan administratif et limitatif eur le plan des libertés, tout ce qui releve de
activité « normale » des membres de la famille royale (8 savoir activité de représentation incluant les
inaugurations, visites, réceptions ou cérémonies).
Ce méme raisonnement vaut, a fortiori, pour 'antécédent évoqué dans votre courrier précité du 4
septembre. II s'agissait en effet d'une visite de M Ranil Wickremesinghe, Premier Ministre du Sri Lanka,
aux Maisons des énergies renouvelables en 2016
aII apparait du témoignage écrit et detaillé du responsable de ces Maisons, que le Prince n'était pas &
Vinitiative de ce contact. Celui-ci n’était done pas une « rencontre » mais la simple visite (de surcrott
assez inopinée, en fonction des usages diplomatiques) dun liou. C'est le gestionnaire du lieu qui a
demandé au Prince d'accueillr ce visiteur de marque. Son absence pouvait en effet étre considérée
comme un manque de considération, voire un affront, vu quill est une des chevilles ouvriéres de ce
projet novateur.
Cette visite s'inscrivait incontestablement dans un objectif purement scientifique, & savoir constater la
réalisation des Maisons des énergies renouvelables, et recueillir 'expertise du Prince dans ce domaine
ile projet est précurseur au plan mondial.
Par ailleurs, faut-il le rappeler, les relations de la Belgique avec le Sri Lanka sont tout & fait normales.
Dans ces conditions, la présence du Prince ne pouvait en aucun cas « revétir une signification politique
» quelconque. Elle sinscrit dans le droit fi des nombreuses activités de mise en valeur de activité
économique de notre pays, que les membres de la famille royale sont censés soutenir de leur présence.
Crest méme afin de vérifier leurs efforts en ce sens qu'un rapport d'activités annuel leur est demandé
(en vertu de article 15 de la Loi)
Le grief décrit dans votre courrier du 4 septembre, de méme que son antéoédent invoqué, ne sont donc
as justfiés en fait, ni en droit.
2. Le Mémoire Préliminaire qui vous a été remis souléve cependant aussi un certain nombre de
questions fondamentales relativement a la procédure. II m’appartient de les rappeler succinctement ici,
és lors qu’elles motivent le caractere non confidentiel du présent courrier - au corps défendant du
Prince, qui eut évidemment préféré qu'il puisse en aller autrement.
En tant que chef du Gouvernement, vous avez en effet annoncé une sanction dans un communiqué
conjoint avec le Palais royal, des le 8 aott, cest-a-dire avant méme d'avoir entendu le Prince comme la
Loi le prévoit pourtant explicitement.
Cette prise de position a été suivie par les représentants des partis de la majorité au Parlement.
n'y a jamais eu de démenti officiel revenant sur ces positions. Au contraire, elles ont été reproduites
‘sans discontinuer durant les quatre demiers mois,
Une partie de opinion est désormais convaincue de la culpabilité du Prince et de la nécessité de le
sanctionner, voire de lui retirer tout moyen de subsistance (!) comme le révéle un sondage organisé sur
le sujet par un quotidien national (ce qui constitue soit dit en passant une premiére pour une procédure
de nature juricicionnelte...)
‘Comme je vous l'ai exposé, ces circonstances sont de nature a vicier une procédure qui a été engagée
de fagon formelle seulement un mois et demi aprés les faits, ot aprés toutes ces déclarations officielles
de culpabilite
Il s'agit en effet de manquements graves et répétés aux deux principes fondamentaux de la mission
Juridictionnelle exceptionnelle confiée conjointement au Gouvernement et au Parlement par la Loi (et
différente de leur fonction politique habituelle) : Timpartialité et le respect des droits de la défense.
anCette question n’est pas de pure forme: les membres du Gouvernement et du Parlement sont soumis &
élection, et donc leur sensibiité opinion publique peut étre présumée. Les déctarations médiatiques
antérieures obligeront leurs auteurs et leur parti, avec la circonstance quis forment ensemble une
majorité gouvernementale et parlementaire
La situation ainsi créée ne leur permet plus de statuer avec |'impartialité requise, puisque pour
envisager de ne pas sanctionner le Prince, la majorité devrait d'abord se déjuger elle-méme.
lest inutile de rappeler le sort que la Cour européenne des droits de Yhomme réserve a ce genre de
violation des régles du proces équitable, le plus souvent a égard de pays dans lesquels enracinement
de l'état de droit est moins ancien que dans le nétre
3. De surcroft il a également été fait état ces derniers mois dans différents médias — toujours sans
démenti officiel - d'une sanction s‘élevant en un pourcentage de 10 puis de 15 % de la dotation du
Prince (cette augmentation étant singuliérement intervenue aprés que le Prince ait fait appel a un
conseil, circonstance sur laquelle il conviendra le cas échéant de revenir)
On rappeliera que la dotation annuelle de 307.000 € est constituée pour 80 % enciron de frais de
fonctionnement et de représentation. Seuls 20 % environ de ce montant sont considérées comme un
revenu pour le Prince et sa famille en vue de ses dépenses privées, soit 'équivalent du traitement d'un
conseiller d'état (c'est a dire un magistrat de base dans l'ordre administratit
Si Ton considére qu'une telle sanction (soit donc 30.000 ov 45.000 €) devrait étre imputée
intégraloment sur la partie « traitement » de le dotation, cela équivaudrait & plus de la moitié du
traitement brut, et plus que lintégralité du traitement net dimpéts. Ceci serait disproportionné et
contraire aux principes généralement admis en matiére administrative et sociale, qui vous sont bien
connus et que je ne vais donc pas décrire ici.
Mais méme si lon considére qu'elle pourrait étre imputée sur la partie « fonctionnement » (ce qui est
loin d'étre évident du point de vue légal), cela équivaudrait quand-méme & une ponction sur la partic «
traitement ». Le Prince ne peut évidemment pas « suspendre » ses frais de fonctionnement et de
représentation (dans une large mesure récurrentes), qui lui permettent d'exercer les activités - dont il
boit par ailleurs rendre compte dans un rapport annuel..
I devrait donc en pratique suppléer avec la partie « traitement » de la dotation, ce qui équivaut dans les
faits & une imputation disproportionnée sur celle-ci, et & lui supprimer ainsi qu’a sa famille tout moyen
de subsistance, comme décrit ci-avant
Sur le plan des principes, une ponction sur la partie « fonctionnement » reviendrait en outre & imposer
au Prince de diminuer son activité (dont il doit rendre compte par ailleurs), ce qui normalement ne
pourrait étre lobjectif de la Loi
En toute hypothése, une éventuelle sanction devrait donc toujours étre calculée en pourcentage de la
partie « traitement » (et non de la dotation globale), et représenter un montant non disproportionné,
conforme a la jurisprudence en matiére sociale et administrative,
Elle ne pourrait en outre étre que trés modeste, dés lors que quand bien méme une faute serait retenue
(or on a vu que cela ne devrait pas étre le cas), on ne peut que conclure & son absence de gravité dans
srles faits. Aucun dommage iplomatique d'aucune sorte n’a en effet ét6 engendré par le Prince, tout au
plus est-ce la réaction de certains responsables politiques qui a pu étonner les pays concemés, qui se
voient subitement désignés comme sujets & caution
4. Nonobstant toutes ces considérations, le Prince tient & souligner que celles-ci ne peuvent en aucun
cas étre considérées comme une contestation de l'autorité de la Loi, ou des Institutions en charge de
son application.
Comme annoncé dans le Mémoire préliminaire du 25 septembre au chapitre « Altemative @ la
sanction », vous voudrez done bien trouver (ci-joint) un avant-projet de «Protocole en vue de
application de la Loi de 2013 », élaboré avec le concours de différents spécialistes, lequel permettrait
d'assurer l'application effective et harmonieuse d'une loi qui présente hélas - du point de vue méme de
ses concepteurs - bien des lacunes.
Ce document de travail vise avant tout (sous toutes réserves et sans reconnaissance préjudiclable) &
démontrer quil est possible, sans modifier la Loi, diinterpréter celle-ci de fagon raisonnable, de maniére
éviter une application arbitraire et contraire aux droits fondamentaux.
11 suffit en effet de diminuer linsécurté juridique actuelle par un systéme d'autorisations générales
anticipatives — mais bien entendu révocables tout moment par le ministre si les circonstances le
justfient, afin de respecter objectif de la loi (c'est & dire de facon non arbitraire).
(On voit mal en effet pourquoi le Prince devrait demander l'autorisation d'effectuer un voyage privé au
Canada, alors qu'l peut le fare librement dans Union européenne. On voit mal, également, pourquoi
le Prince devrait chaque fois demander I autorisation en vue de contacts habituels dans le cadre de ses
activités dintérét général bien connues et limitées (la protection animale, la gestion de environnement
et la protection de l'enfance). C’est impraticable, et daillours jusqu’a lépisode sri-lankais personne ne
le tui avait demands.
En revanche, le Prince devrait savoir de fagon non équivoque quels sont les contacts qui, du point de
vue du ministre en charge, revétiraient une véritable « signification politique » potentielle, Cela ne doit
as relever de improvisation politique et des hasards de la curiosité (Iégitime par ailleurs) des médias.
5. II apparait en outre nécessaire de combler, par le méme procédé, une lacune majeure de la Loi, &
savoir le fait que le Prince ne ressort d'aucun régime de sécurité sociale ni de pension. II n’a pas non
plus le droit d'exercer une activité professionnelle rémunérée afin de se constituer un patrimoine.
Cotte situation est contraire aux droits les plus fondamentaux de la personne humaine dans une
société développée, et elle dure depuis plus de 30 ans
Aujourd’hui, elle s’étend a sa famille, ce qui ne laisse au Prince d’autre choix que de ne pas, cette fois,
subir en silence le sort qui lui est réservé (rappelons en effet quill n'a a aucun moment été consulté ni
méme informé de la Loi qui le concemait lorsque celle-ci a été adoptée ~ alors qu'une tele courtoisie
aurait pu éviter bien des écuells)
Bien sdr, le silence de la Loi de 2013 concemant le statut social et de pension du Prince et de sa
famille résulte du fait que le législateur a implicitement considéré que, comme pour les autres membres
de la famille royale concemés, la dotation présente de facto un caractére viager et transmissible (de
fagon adaptée) au conjoint survivant,
enMais il nest pas inutile de rappeler, au vu des commentaires parus ces demiers mois a propos de la
situation financiére du Prince, lorigine de ce paradoxe : loctroi d'une dotation par la Loi, alors méme
que le Prince ne figurait déja plus en ordre utile dans la succession a trone, et alors méme que la Loi
voulait précisément limiter les dotations aux princes(ses) héritier(e)s.
II s'agit d'un régime transitore,justifié par le fait que depuis sa naissance, Iexistence du Prince a été
mise sous le signe de lintérét de Etat, au nom dune conception plus ancienne de la monarchie,
partagée & 'époque tant par les monarques régnants que par les gouvernement successifs.
Dans cette conception ancienne, un prince ne pouvait pas travailler (ce serait témoigner « un intérét
our argent », reproche que, c'est un comble, certains osent répéter encore aujourd'hui !), et suivait
dans le meilleur des cas un enseignement le destinant & un grade militaire quelconque.
Précurseur en cela d'une conception modeme de la monarchie — celle qui a donné lieu a la Loi de 2013
et @ de sembiables évolutions par exemple aux Pays-Bas-, le Prince a toujours espéré exercer une
activité professionnelle. ll en a systématiquement été empéché, de fagon particuliérement humiliante,
avec les conséquences que l'on sait sur son image, et, oserais-je ajouter, sur sa sante.
La dotation votée en 2013 constitue donc avant tout la reconnaissance de cet état de fait : 50 ans, il
était décemment plus possible de demander au Prince de commencer une carriére professionnelle
u'on Iui avait sciemment refusée pendant les décennies précédentes
La circonstance que malgré son caractére indemnitaire tout autant que rémunératoire, cette dotation
soit remise en question au gré des agendas politiques, représente un facteur diinsécurité majeur pour
le Prince, et surtout pour sa famille, qui est également contraire aux droits fondamentaux.
II faut que le Prince tienne son rang, en toute modestie, mais il faut aussi que |'Etat tienne le sien,
singuliérement a légard de ceux a qui il n'a pas laissé d'autre choix que de servir ses intéréts (tels quil
les concevait 4 une époque) leur vie durant.
6. En guise de conclusion, si votre Gouvernement devait continuer dans sa volonté de proposer au
Parlement d'imposer une sanction au Prince, le deuxiéme objet de ce courrier est de vous rappeler les
engagements pris quant a la suite de la procédure a l'occasion de mon audition du 25 septembre, &
savoir : lenvoi pour accord du compte-rendu conjoint de cette audition, la prise de connaissance du
Mémoire en réponse du Gouvernement et la possibilité dy répondre dans un Mémoire ampliatif, avant
que le Gouvernement ne motive sa décision.
Meme sil souhaite, le cas échéant, étre également défendu devant le Parlement lorsque ce dernier
exercera sa mission de nature juridictionnelle, le Prince espére das ce stade préliminaire convaincre
votre Gouvernement du bien fondé de ses arguments et suggestions, qui visent a rencontrer la volonté
du législateur tout autant qu’a assurer le respect des droits fondamentaux,
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de ma trés haute considération.
Fiemnat
Laurent AmautsAVANT-PROJET DE PROTOCOLE
en vue de l’application de la
Loi du 27 novembre 2013 concernant les dotations et les
indemnités octroyées 4 des membres de la Famille royale ainsi
que la transparence du financement de la monarchie
Considérant que
exposé des motifs de ta Loi du 27 novembre 2013 concernant les dotations et les,
indemnités octroyées & des membres de la Famille royale ainsi que la
transparence du financement de la monarchie précisait que « des techniques
souples do concertation, notamment avec les membres du gouvernement, doivent
permettre datteindre les résultats escomptés, sans formaliser @ lexcés les
relations de confiance qui doivent s'instaurer entre les membres du gouvernement
et les membres de la Famille royale, »
Par ailleurs, la Loi ne définit pas les termes (dont certains issus de la vie courante)
qu'elle utilise, ce qui compromet lefficacité de son application et le respect des
objectifs du légistateur. II convient de les interpréter avec une précision compatible
avec a sécurité juridique nécessaire, et dans le respect de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de homme et libertés fondamentales,
Enfin, la Loi ne régle pas la question de la sécurité sociale et de la pension de
certains bénéficiaires d'une dotation, qui n'ont pas été autorisés a développer une
carriére professionnelle avec les garanties afférentes, ni la question des droits de
leurs conjoints.
Le présent Protocole vise dés lors & préciser 'interprétation de la Loi de 2013 par
''Etat belge dans ses rapports avec le Prince, et !exécution quil entend lui donner,
sans préjudice des pouvoirs du législateur, en vue d'en assurer une application
efficace et harmonieuse.Les parties au présent Protocole conviennent d'appliquer comme décrit c-apres
les dispositions suivanies de la Loi du 27 novembre 2013 concernant les dotations,
et les indemnités octroyées & des membres de la Famille royale ainsi que la
transparence du financement de la monarchie :
L- ARTICLE 17 : VOYAGES HORS E.E.E.
Art. 17. Pour tenir compte des implications politiques éventuelles que
peuvent avoir @ Vétranger les déplacements des membres de la Famille
royale, tout projet de déplacement en dehors de Espace économique
européen, quil soit public ou privé, est communiqué au ministre des Affaires
étrangéres.
Tout déplacement 4 'étranger qui peut revétir une signification politique et,
en particulier, sil comporte un contact avec les hautes autorités de IEtat
concemeé, est communiqué au ministre des Affaires étrangéres. Le ministre
rend, dans un délai de huit jours, un avis sur 'opportunité d'un tol
déplacement et, le cas échéant, sur les conditions dans lesquelles il peut se
réalisor. En tout état de cause, ce déplacement ne peut avoir liew que de
avis conforme du ministre.
4. La communi
valablement faite par 'envoi d'un email a adresse suivante : XXX.
ion du Prince au ministre des Affaires étrangéres sera
2. Cette communication se fera au plus tard le 10° jour précédant le jour du
départ projeté, ce jour étant inclus dans le délai (en vue d'un départ projeté le 21
du mois, la communication devra donc s‘effectuer le 12 avant minuit),3. INfaut entendre par « hautes autorités d'un état étranger » les chefs d'état
et les membres du gouvernement.
4. Il faut entendre par «contact» ayant une «implication politique
éventuelle » au sens de la Loi, toute entrevue soit (i) au siége de lautorité
étrangére, ou (i) 2 sa résidence de fonction, ou (ili) dans un batiment officiel de
Etat de destination.
5. Il faut également entendre par « contact » toute rencontre a laquelle il est
conféré un caractére officiel, par la nature de la publicité qui lui est donnée.
‘Si un caractére officiel est conféré a une telle rencontre sans que le contact ait 66
annoncé préalablement au ministre des Affaires étrangéres et contre la volonté du
Prince, celui-ci veillera sans délai & (i) manifester sa désapprobation par écrit
auprés de l'autorité concemnée et (i) envoyer au ministre la copie de ce courrier,
seul ce demier étant juge de la nécessité den faire usage aux fins de démentir le
caractére officiel de la rencontre.
6. Sont considérés comme faisant objet d'un avis conforme anticipatif de par
le présent Protocole, les voyages dans les pays :
- membres de OTAN ;
- membres du Conseil de l'Europe.
A tout moment le ministre des Affaires étrangéres pourra cependant suspendre cet
avis conforme anticipatif pour les pays et la période quill déterminera,
7. Le ministre pourra assortir un avis conforme des conditions spécifiques ou
des recommandations qu'il jugera opportunes.
8 Le ministre pourra, en dérogation aux principes ci-avant, 8 tout moment
requérir du Prince que les voyages vers les pays quill détermine sont soumises a
la procédure d'avis conforme pour les raisons et pendant la période quill
détermine.
3199. Tout avis non conforme du ministre, ou tout avis conforme assorti de
conditions, ou toute dérogation visée ci-avant doivent étre motivés conformément
la loi du 29 juillet 1991 relative & la motivation formelle des actes administratis.
10. Sile ministre ne répond pas dans le délai de 8 jours visé & article 17, son
avis est réputé conforme,
11. Si les circonstances le justifient, le Prince pourra solliciter un avis en
urgence du ministre, lequel rendra son avis aussi rapidement que possible.
12. Les demandes davis du Prince et les avis du ministre sont confidentiels.
lis peuvent toutefois étre produits dans le cadre de tout litige administratif ou
judiciaire, ou devant les assemblées parlementaires,
43. Dans 'hypothése de questions posées par des tiers quant a la nécessité
ou lexistence dun avis conforme en vue dun voyage 'étranger, le Prince
Tenverra au ministre, lequel slabstiendra tuiméme (de méme que ses
représentants) de toute déclaration sans avoir préalablement entendu le Prince.
14. De fagon générale, toute communication du Gouvernement, du ministre ou
du Prince (de méme que de leurs représentants) relativement a la mise en couvre
de la procédure davis velllera & ménager leurs relations respectives avec les
autorités étrangeres visées.
IL. ARTICLE 18 : CONTACTS
Art. 18. A l'exception des contacts qui peuvent avoir lieu dans le cadre
activités de représentation, les contacts des membres de la Famille royale
en Belgique avec les autorités d'Etats étrangers, dorganisations
intemationales ou leurs représentants sont assujettis aux régles définies &
article 17,
15. La communication au ministre des Affaires étrangéres sera valablement
faite par 'envoi d'un email a l'adresse suivante : XXX16. Cette communication se fera au plus tard le 3° jour précédant rentrevue
projetés, ce jour étant inclus dans le délal (en vue d'une entrevue projetée le 21 du
mois, la communication devra done s‘effectuer le 19 avant minut.
17. Il faut entendre par « autorités dun état étranger ou leurs
représentants » les chefs d'état et les membres d’un gouvernement.
18. Il faut entendre par « autorités d'une organisation internationale » les
dirigeants d'une organisation intemationale, ayant la fonction de président ou de
secrétaire général ou une fonction équivalente.
19. Il faut entendre par « contact» nécessitant un avis conforme, toute
entrevue dont 'objet principal est la rencontre avec le Prince, et qui revétirait une
signification politique en raison de son contexte,
20. Ne sont donc pas réputées constituer un « contact » au sens de la Lol, et
ne sont donc pas soumises a la procédure davis conforme, les rencontres du
Prince dans le cadre des activités de représentation habituelles reprises a ce titre
dans son rapport d'activité établi en application de l'article 15 de la Loi, comme des
inaugurations, visites, réceptions ou cérémonies,
24. Sont réputées ne pas revatir une « signification politique », et ne sont done
pas soumises a la procédure davis conforme, les entrevues avec les autorités
suivantes, pour autant qu’elles aient lieu dans le cadre des activités dintérét
général du Prince:
= d'un pays membre de EEE ;
= d'un pays membre de fOTAN ;
= d'un pays membre du Conseil de Europe ;
= d'une organisation internationale dont la Belgique est membre
Les activités d'intérét genéral du Prince Laurent sont
+ la protection animale ;
~ _ la gestion de l'environnement ;
59= _ la protection de 'enfance.
22. Sont réputées ne pas revétir une « signification politique », et ne sont done
as soumises & la procédure davis conforme, les entrevues du Prince avec des
membres de sa famille.
23. Mame dans le cas oW elles se déroulont dans le cadre des activités
diintérét général du Prince, et méme si ces autorités sont membres de sa famille,
sont soumises & la procédure d'avis conforme les entrevues avec les autorités
- dun pays avec lequel la Belgique est en guerre ;
- dun pays avec lequel la Belgique a rompu les relations diplomatiques ;
- dun pays @ légard duquel la Belgique applique des sanctions
internationales.
24. Le ministre pourra accompagner un avis conforme des conditions
spécifiques quill jugera opportunes, relativement & d'éventuelles entrevues.
25. Le ministre pourra, en dérogation aux principes ci-avant, a tout moment
requérir du Prince que les entrevues avec les autorités étrangéres ou
‘organisations internationales qu'll détermine sont soumises a la procédure davis
cconforme pour les raisons et pendant la période quil détermine.
26. Tout avis non conforme du ministre, ou tout avis conforme assorti de
conditions, ou toute dérogation visée ci-avant doivent étre motivés conformément &
la loi du 29 juilet 1991 relative a la motivation formelle des actes administratifs.
27. Sie ministre ne répond pas dans le délai de 3 jours visé plus haut, son
avis est réputé conforme
28. Si les circonstances le justifient, le Prince pourra solliciter un avis en
urgence du ministre, lequel rendra son avis aussi rapidement que possible.
6928. Les demandes d'avis du Prince et les avis du ministre sont confidentiels.
lls peuvent toutefois étre produits dans le cadre de tout Iitge administratif ou
judiciaire, ou devant les assemblées parlementaires
30. Dans Ihypothése de questions posées par des tiers quant a la nécessité
ou existence d'un avis conforme en vue d'une entrevue avec une autorité
étrangere ou une organisation internationale, le Prince renverra au ministre, lequel
ne fera lui-méme (ou son représentant) aucune déclaration avoir préalablement
entendu le Prince.
31. De fagon générale, toute communication du Gouvemement, du ministre ou
du Prince (ou leurs représentants) relativement & la mise en ceuwre de la
procédure davis veillera a ménager leurs relations respectives avec les autorités
ou organisations internationales visées.
lIL- ARTICLE 14 : FRAIS DE FONCTIONNEMENT
Art. 14. Le premier président et Ie président de la Cour des comptes
‘examinent la légalité ef la régularité des dépenses imputées sur la part
fonetionnement et personnel.
32. Est considérée comme légale et réguliére imputation sur la part
fonctionnement de la dotation des dépenses supplémentaires nécessaires compte
tenu du rang eviou en vue d'améliorer la sécurité du Prince et des membres de sa
famille, soit notamment les frais d'inscription de ses enfants dans une école
‘comportant des mesures de sécurité adaptées, eu égard a absence de protection
ar les forces de ordre et tant qu'une telle protection ne sera pas assurée.
33. Est considérée comme légale et réguliére imputation sur la part
fonctionnement et personne! des dépenses de fournisseurs, de traiteur et de
restaurant relatives aux invitations et réceptions données par le Prince, en sa
résidence ou a lextérieur.
34, Est considérée comme légale et réguliére Fimputation sur la part
fonctionnement de la dotation des frais de voyage du Prince et de sa famille
1935. La comptabilité remise par le Prince au Premier Président et au Président
de la Cour des comptes en application de l'article 14 de la Loi est confidentielle et
en particulier ne peut pas faire fobjet d'une communication aux médias, seul le
rapport étant soumis au mode de communication prévu par la lo.
IV.- ARTICLE 23 : DOTATION ET PENSION
36. Dans la mesure od la Loi ne prévoit pas pour le Prince de protection
sociale ni de pension, il est entendu qu’a linstar des autres membres de la famille
royale bénéficiant d'une dotation en raison de Tinterdiction qui leur a ét& faite de
développer une carriére professionnelle (et done de constituer les droits 8 la
pension corrélatifs), il pourra diminuer son activité en fonction de son age et état
de santé sans que sa dotation soit remise en question.
37. Dans la mesure oi la Loi ne prévoit pas explicitement pour le Prince que
ssa dotation bénéficiera également & son conjoint survivant, et dans la mesure oi le
respect des droits fondamentaux de ce demier ne peuvent dépendre de son état
de fortune personnelie, il est entendu que ce demier peut concevoir des
cexpectatives légitimes que I'Etat belge y pourvoira comme il Va fait jusqu'ci pour
les autres membres de la famille royale dont le conjoint était titulaire dune
dotation
v.
ARTICLE 11 : PROCEDURE EN MANQUEMENT
Dans la mesure oi la Loi ne le prévoit pas explicitement, il est précisé qu’en raison
de sa nature et son objet, la procédure visée a l'article 11 de la Loi est soumise
aux exigences procédurales et de fond de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de 'homme et libertés fondamentales.
89)Protocole signé a Bruxelles, le XXX
Pour le Gouvernement Claire de Belgique Laurent de Belgique
Le Premier Ministre
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