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Histoire du droit

On évoquera d'une part les structures, tout ce qui tourne autour du pouvoir, ses fondements, sa
consistance, son étendue, sa transmission.

On évoquera aussi l'exercice du pouvoir, tout ce qui concerne les relations entre les gouvernants et
les gouvernés, les outils qui permettent concrètement d'exercer le pouvoir, les IA au sens large (du
gouvernement central, de l'administration locale).

Ce cours va tourner autour de la notion de pouvoir et d'État, siège du pouvoir. C'est l'État qui servira
de fil conducteur au cours. Au-delà de ces fondements, de l'histoire que ceux qui exercent le pouvoir
au départ, c'est l'histoire de l'évolution de l'État.

Si on évoque une évolution, il faut préciser sur quelle période cette évolution va se situer. Quelle est
la chronologie de ce cours ?

On va étudier le pouvoir et les institutions de la France depuis les origines de la France et on


poursuivra ainsi jusqu'à la fin de l'ancien régime, pratiquement jusqu'à la Révolution.

L'État est très affaibli à la chute de l'empire romain, et il se renforcera progressivement. Il y a des
étapes, des grands moments.

3 étapes:

_ Le Moyen-âge entre le 10ème et le 13ème siècle. Etape qui n'est pas très brillante en ce qui concerne
l'histoire de l'État. L'époque est dominée par la dislocation, la dispersion du pouvoir engendrée par le
phénomène féodal. Une période troublée mais qui connaît quand même une certaine organisation.
C'est une période qui repose sur une organisation sociale, politique, institutionnelle. La société
féodale est fortement hiérarchisée, organisée de la base au sommet notamment grâce au système
féodo-vassalique. Le mouvement d'émancipation de certaines villes entraîne leur organisation
politique et administrative. Le pouvoir royal est affaibli durant cette période, mais il n'a pas disparu, il
reste le roi de France qui tente de le reconstruire.

_ Entre le début du 13ème et le début du 16ème siècle. C'est une période marquée par l'essor du
pouvoir royal. Le pouvoir du roi s'accroît et en même temps, on assiste à l'accroissement du domaine
royal, le territoire sur lequel le roi exerce son autorité. Marquée aussi par l'ébauche de l'État, qui
s'organise avec un gouvernement, une administration. Emerge aussi un concept nouveau et
particulièrement puissant: la nation française se construit justement à cette époque. Emerge la
conscience nationale id est les Français prennent conscience qu'ils appartiennent à une entité
commune, qui les réunit. Tout cela va de paire. L'État s'appuie logiquement sur la nation: la France est
un des 1ers État-nation à l'échelle européenne.

_ Commence au début du 16ème siècle: c'est la période de l'épanouissement de l'autorité royale.


Jamais le pouvoir royal n'a été aussi puissant qu'à cette époque. Le roi détient toutes les prérogatives
de la souveraineté. En même temps, l'État s'organise et devient tout-puissant, dirigiste. C'est la
période de la monarchie absolue, d'autant plus absolue qu'elle s'appuie sur une doctrine. Ce ne sont
pas seulement des faits, ce sont aussi des théories: celle de l'absolutisme. Il n'y a pas que des aspects
de renforcement, le système commence aussi à montrer des signes de vieillissement, de faiblesse.
L'organisation institutionnelle et administrative présente certains archaïsmes. Cela provoque des
contestations. Certains souhaiteraient partager les pouvoirs, la souveraineté. Cette volonté préfigure
la Révolution.

3 étapes qui correspondent aux 3 chapitres:

_ L'effacement de l'État à la période féodale

_ Le renaissance de l'État à la reconstitution de la monarchie

_ L'apogée de l'État à la monarchie absolue

Il faut comprendre comment le pouvoir a pu à ce point éclater. Il faut faire le point sur ce qui a
permis la désagrégation de l'État: sur la période immédiatement de l'État à la période franque (car
elle est dominée par des rois francs).

Cette période commence avec la chute de l'empire romain, fin du 5ème siècle (476) et elle se prolonge
jusqu'au 9ème siècle.

Chapitre préliminaire: L'héritage franc vers la désagrégation de l'État (5ème-9ème siècle)

Introduction: La situation de la Gaule à la chute de l'empire romain:

En 476, l'empire romain d'Occident va s'effondrer, malgré des éléments de supériorité. Mais depuis
longtemps, il donne des signes de faiblesse, depuis 2 ou 3 siècles. Crise à cause de la présence des
peuples barbares, qui franchissent les limites de l'empire. 476: date charnière: marque la fin de la
Gaule et le début d'une période nouvelle, marquée par une double influence:

_ L'influence romaine: la Gaule est romaine, elle a été largement et profondément romanisée.

_ L'influence germanique: influence des peuples germaines, consécutive aux invasions barbares.

Ces deux influences sont très différentes, ne serait-ce que par les différences de civilisation. Malgré
ces différences, on va assister à une interpénétration, une fusion au niveau des langues, des races,
également sur le plan institutionnel.

_ A ces deux influences majeures, il ne faut pas oublier d'ajouter une 3ème influence: l'influence de
l'Eglise, de la tradition chrétienne. Cet empire romain qui s'effondre est un empire chrétien. Après la
chute de l'empire romain, c'est l'Eglise qui conserve la tradition antique, qui est la dépositaire des
valeurs de cette civilisation qui est en train de disparaître, et qui transmettra ses valeurs à la nouvelle
ère naissante. Elle est la médiatrice entre l'antiquité et le Moyen-âge.

La Gaule est un carrefour d'influences, qui se croisent et se mêlent et qui finalement donnent
naissance à notre civilisation occidentale. Sur le plan historique, c'est une période particulièrement
riche.

A la même époque, une autre civilisation est en train de naître, en Afrique du Nord, autour d'une
religion nouvelle: l'Islam.
1) Le legs romain

La Gaule avait été totalement conquise par les romains dès le 1er siècle après J-C. Elle est
véritablement la patrie commune des gallo-romains. La culture est romaine, les mœurs, la langue
latine, le droit est aussi romain. La Gaule est totalement intégrée à la civilisation romaine. Le legs
romain peut s'apprécier à 2 niveaux: politique et administratif.

_ Politique: l'organisation institutionnelle romaine repose sur le concept d'empire. La République


romaine s'est effondrée depuis le 1er siècle avant J-C et depuis longtemps le pouvoir romain est aux
mains de l'empereur, qui concentre de + en + les attributs du pouvoir: dominus. En plus de ce pouvoir
quasiment sans limite, il y a depuis quelques siècles une divinisation de l'empereur: d'où le culte
impérial. Ceux qui refusent de s'y associer risquent des persécutions. Mais son pouvoir connaît
quelques limites: il n'y a pas un mais deux empereurs.

Depuis la fin du 3ème siècle, un empereur d'Orient à Constantinople et un empereur d'Occident à


Rome. En principe, il n'y a pas de partage de pouvoir, mais en réalité c'est de plus en plus le cas et le
partage de l'empire se réalise définitivement à la fin du 4ème. L'empire est définitivement partagé et
dès lors, ces empires vont connaître des destins différents: l'empire d'occident s'effondre en 476 et
l'autre subsiste jusqu'au 15ème siècle, en 1453 (prise de Byzance par les Turcs).

L'empereur a conscience que l'empire n'est pas sa chose, il le domine, il exerce un pouvoir très fort,
mais il exerce le pouvoir au nom d'une entité qui lui est supérieure. Le pouvoir ne lui appartient pas
en propre. Cette entité est l'État: la res publica (la chose publique, du peuple).

è Res publica: il existe un ensemble de choses, d'institutions, de biens, d'affaires qui sont la chose du
peuple, appartiennent à la collectivité et que personne ne peut posséder personnellement. Le
pouvoir est fondé sur cette idée qu'il existe une autorité abstraite, un pouvoir général qui pour
caractéristique de durer, de survivre aux hommes qui exercent le pouvoir au nom de l'État.

On a mal organisé la transmission du pouvoir impérial, ce qui entraîne des révolutions de palais, des
changements de dynastie parfois dans le sens. Des barbares réussissent à devenir empereurs, la
transmission ne se fait pas de manière réglée et cela peut affaiblir le pouvoir du roi.

_ Administratif: L'administration est très organisée. Pour la Gaule, celle-ci est divisée en 4 provinces.
Dans chacune, la base de l'organisation administrative est la cité. Notion précise et vague, car les cités
peuvent être très importantes au niveau géographique parfois moins. Cette organisation est
complexe, fragile et a tendance à se désagréger.

2) La tradition chrétienne

L'empire romain s'est progressivement christianisé (2ème-3ème siècle). Le pouvoir a d'abord persécuté
les chrétiens, notamment au 3ème, car les valeurs défendues par les chrétiens sont en opposition avec
celles des romains. Le culte de l'empereur est remis en cause. Mais cela n'empêche pas la religion de
progresser, l'empereur romain devient chrétien à titre individuel. L'empereur Constantin devient
chrétien au 4ème siècle et il en fait une religion admise, tolérée en 313 par l'Edit de Milan et met un
terme aux persécutions. A la fin du 3ème siècle en 380, elle devient religion d'État: Edit de
Thessalonique.

L'Eglise s'organise et le fait en empruntant les cadres administratifs romains. On va retrouver les
circonscriptions calquées sur celles de l'administration romaine. Dans la cité, l'Eglise crée le diocèse, à
la tête duquel se trouve un évêque, rouage essentiel de l'organisation de l'Eglise: autorité spirituelle
et administrative: il a un pouvoir d'administration du patrimoine de l'Eglise, relativement important
déjà. Au niveau de la province, et particulièrement au chef-lieu (la métropole) on trouve un évêque
particulier: l'évêque métropolitain. Au sommet de l'Eglise, le Pape, à l'origine simplement l'évêque de
Rome et qui a été élevé à ce statut particulier. Tous ces ecclésiastiques se réunissent à l'occasion de
réunions appelées des conciles, qui adoptent souvent des décisions qui règlent la vie de l'Eglise, des
chrétiens: ce sont les canons (sources du droit canonique).

De la part du droit impérial, il y a parfois une certaine tendance à vouloir protéger l'Eglise, voire à la
surveiller et même à confondre pouvoir religieux et politique. L'empereur se mêle trop des affaires de
l'Eglise. L'Eglise réussit à garder ses distances, à maintenir le pouvoir impérial dans ses affaires.
Lorsque l'empire s'effondre, il n'entraîne pas l'Eglise dans son effondrement, elle en ressort au
contraire renforcée. Il ne reste plus que l'Eglise, elle fait figure de conservatoire de la tradition
romaine. Elle assure la transition entre 2 mondes, entre l'Antiquité et le Moyen-âge, entre le monde
romain et le monde barbare.

3) L'apport germanique

Les invasions barbares sont le fruit d'une réaction qui se déroule sur plusieurs siècles. Elles se
déroulent du 3ème au 5ème au moins. A l'origine, il y a l'expansion d'un peuple qui vient de l'Asie, le
peuple hun dirigé par le célèbre Attila, en pleine expansion. On assiste à des mouvements de
population d'est en ouest, ils envahissent la Germanie et poussent les germains vers la Gaule.
Certains pénètrent sur le territoire mais ne font que passer et gagnent l'Espagne, voire le Nord de
l'Afrique. D'autres vont s'y installer. C'est le cas des Wisigoths, qui s'installent dans la région
toulousaine et en Espagne. Un autre peuple barbare, les Burgondes s'installent en Savoie, en
Bourgogne.

Pour ce qui est des traditions, elles sont très différentes de celles des romains. C'est une civilisation
assez primitive, pastorale, itinérante. Sur le plan politique, il n'y a pratiquement pas d'organisation. Le
système d'organisation sociale est tribal, chaque tribu a généralement à sa tête un roi, désigné par
l'ensemble des guerriers. Les rapports sociaux au sein de ces tribus s'organisent autour de l'idée
d'une forte cohésion, d'une forte solidarité de leurs membres. Elle apparaît tout d'abord au niveau de
la famille, le clan, placé sous l'autorité d'un père, d'un patriarche, rôle protecteur. Très forte solidarité
familiale. Solidarité qu'on rencontre aussi au niveau militaire. Au sein de la tribu, on trouve une
structure appelée le "comitatus" (le groupe de compagnons), guerriers qui se réunissent autour de
leur chef. Là aussi, c'est un groupe marqué par une forte cohésion, des liens de fidélité, de
dépendance très forte entre les guerriers et le chef. Ce lien s'explique car le chef est celui qui les
conduit à la guerre, mais aussi celui qui les entretient et il partage avec eux le butin, consécutif à la
conquête.

Leur installation: 2 cas de figure:

_ Acceptée par les romains: hospitalité: les gallo-romains offrent leur hospitalité aux peuples
barbares. L'origine du phénomène est surtout militaire. Les besoins de l'armée romaine sont de plus
en plus importants, il faut défendre toutes les frontières de l'empire. On intègre dans l'armée des
barbares, des mercenaires pour défendre les frontières. Parallèlement, on permet l'installation de
barbares avec leur famille dans des régions dépeuplées qu'il s'agit de mettre en valeur. Ils mettront
en culture le terrain.

Le phénomène s'accélère, des unités entières de barbares libres s'intègrent à l'armée romaine. Ce
sont les armées fédérées: il y a un contrat de fédération qui précise les conditions d'adhésion à
l'armée. Rien ne les empêche de progresser. Certains s'élèvent même au sommet: il y a des généraux
romains qui sont barbares. On assiste à 2 phénomènes: la barbarisation de l'empire qui intègre la
culture romain, mais ce sont aussi des guerriers.

_ Forcée consécutive à la conquête: ils pillent les campagnes, les villes. Rome est pillée en 410 par les
Wisigoths. Au milieu du 5ème, les Vandales envahissent Rome. La Gaule est aussi régulièrement pillée.
Les barbares sont des envahisseurs, ils viennent aussi pour piller.

Rome essaie de résister, mais l'empereur romain est affaibli. Romulus Augustule (le petit Auguste) est
le dernier empereur, qui pour sauver sa vie abdique en 476. Il n'y a plus d'empire romain d'Occident.

Le Nord de la Gaule subit les incursions d'un nouveau peuple barbare: le peuple Franc. Il y a de
multiples tribus, parmi elles, il y a les Francs Saliens et à sa tête, se trouve un jeune chef de guerre,
Clovis, qui va remporter en 486 une grande victoire militaire, à Soisson, qui lui permet de contrôler
tout le Nord de la Gaule. Au départ, ils étaient installés le long du Rhin, dans la Moselle et dans la
Meuse. Clovis contrôle à présent tout le Nord jusqu'à la Loire. Il va se heurter aux Burgondes et aux
Wisigoths déjà installées. Il chercher alors des soutiens pour continuer à progresser, il comprend que
l'Eglise peut lui être d'un grand soutien, car les autres peuples barbares ne sont pas catholiques. Les
Burgondes et les Wisigoths ont adhéré à une hérésie. Clovis fait le choix de la religion, il se convertit
après avoir épousé une princesse catholique, Clotilde (selon la légende). Il se fait baptisé après une
autre grande victoire remportée en 496, Reims: Saint Rémi procède à ce sacrement, avec 3000
guerriers. L'Eglise le soutient dans toutes ses entreprises, il peut battre les Wisigoths et les
Burgondes. A sa mort en 511, pratiquement toute l'ancienne Gaule romaine est sous la domination
franque. Son œuvre sera achevée par ses files en Provence.
L'apport de ces barbares est particulièrement important en ce qui concerne la question du pouvoir
royal.

Section 1: Le pouvoir croyant

Clovis est donc roi des Francs Saliens depuis 481 et on peut le considérer comme le fondateur du
royaume des Francs. Il est aussi le fondateur d'une dynastie, celle des Mérovingiens. On les appelle
ainsi car le grand-père de Clovis s'appelait Mérovée. Cette dynastie domine l'ancienne Gaule durant 2
siècles et demi jusqu'au milieu du 8ème siècle. L'histoire a qualifié les rois successifs de rois fainéants.
Face à la faiblesse de ces rois, de plus en plus, le pouvoir va être exercé par des hauts fonctionnaires
et notamment par l'un d'entre eux, le Maire du Palais. Assez vite, ils se recrutent au sein d'une autre
grande puissante famille franque, de l'est du Rhin. Au 8ème siècle, sont recrutés les maires du palais,
l'un des représentants: Charles Martel, s'est distingué en mettant un terme à la progression
d'envahisseurs venant du Sud. La bataille a lieu à Poitiers. L'Islam est en plein essor, les musulmans
occupent l'Espagne et Charles Martel réussit à stopper leur progression. C'est un personnage
important.

Son fils, Pépin le Bref est maire du palais, il y a toujours un roi mérovingien mais c'est lui qui détient
l'essentiel du pouvoir. En 751, n'y tenant plus, il organise un coup d'État pour s'emparer du pouvoir,
avec le consentement du Pape d'ailleurs. Il écarte le dernier Mérovingien et devient roi à sa place. Cet
évènement marque le début d'une nouvelle dynastie: les Carolingiens (Charlemagne, fils de Pépin
donne son nom à cette dynastie). C'est lui qui restera l'empereur romain en 800.

Distinction du roi mérovingien et du roi carolingien.

§1 Le roi mérovingien et le poids des traditions germaniques

Dans la tradition germanique, le pouvoir est confié à un roi qui est avant tout un chef de guerre
(Clovis). Cela car cette société barbare est avant tout une société guerrière, certains auteurs ont parlé
d'une civilisation, d'une culture fondée sur la guerre. Le pouvoir du roi est avant tout un pouvoir de
commandement, qui lui permet d'ordonner, de contraindre, de punir ceux qui ne respectent pas les
ordres donnés.

Parallèlement, ce pouvoir est aussi de nature patriarcale, en tant que tel il protège sa population, ses
guerriers, il partage avec eux le butin.

Ses pouvoirs, il les exerce en son nom propre. La conception romaine d'un pouvoir exercé au nom
d'une entité abstraite a disparu. C'était une conception trop abstraite pour ces barbares. Il a été
incapable de s'orienter vers un système à la romaine. Même après les conquêtes territoriales, qui
font de lui un roi qui gouverne sur un territoire, il continue à subir les influences de ses origines
germaniques. Le roi règne autant sur un territoire que sur un royaume. Il règne même plus sur des
hommes que sur un territoire.
A) La conception du pouvoir

Ce roi conquérant, chef de guerre, accède au pouvoir par sa seule force de s'imposer aux autres. Il est
le chef car c'est lui le plus puissant. Il se fonde sur ses propres qualités. Il va se comporter vis-à-vis des
hommes qui le suivent comme un patron vis-à-vis de ses subordonnés. Logiquement, il se comporte
un peu comme s'il était le propriétaire du territoire, du royaume qu'il a conquis. Pouvoir de nature
patronale (personnelle) et de nature patrimoniale.

1) Un pouvoir de nature personnelle

Le roi franc a une conception patronale du pouvoir: personnalisation du pouvoir. Le pouvoir est
exercé au nom d'un homme et en application de sa propre puissance, de son charisme personnel.
C'est lui le roi car il est le chef le plus puissant. Dès lors, le roi est un patron qui exige l'obéissance,
mais qui en même temps assure la protection de ses hommes. D'où les relations personnelles qui se
nouent parfois entre le roi et certains de ses soldats. Il y a des fidèles: les leudes. Ces leudes sont des
guerriers puissants qui sont liés au roi par un serment, qui renforce ce lien personnel, cette idée de
fidélité, de dépendance. Cette fidélité entraîne en échange la protection du roi et des dons de sa part.
Le lien qui unit le roi à ses leudes est un lien d'homme à homme: fidélité personnelle, pour ses
qualités de chef de guerre et non pas parce qu'il représente une autorité. Un terme est très parlant:
le roi s'appelle rex francorum à roi des francs, il règne avant tout sur des hommes. Il n'est pas le roi de
France, le roi d'un territoire sur lequel il règnerait au nom d'un pouvoir abstrait.

2) Un pouvoir de nature patrimoniale

Patrimonialité du pouvoir. Ce caractère procède de la manière dont le royaume est acquis et de la


manière dont il est utilisé.

_ Acquisition: le roi tient son patrimoine de la conquête. Le roi mérovingien n'est à l'origine qu'un
simple chef de tribu. Il conquiert les biens de ses ennemis et les fait siens comme un butin (objets
précieux, esclaves, terres, armes…). Comme il s'agit d'un trésor de guerre, il va logiquement les
partager avec ses guerriers, donc renforce le lien qui les unit. Le pays qu'il conquiert appartient au roi.
Le roi le considère comme lui appartenant en propre: c'est son patrimoine privé. Il n'y a pas de chose
publique, il n'y a pas de biens qui appartiennent à la communauté. De la même manière, les
ressources que ce domaine produit ont également un caractère patrimonial.

Par conséquent, comment va-t-il l'utiliser ? Il faut établir une distinction.


_ Usage: Pendant sa vie, le roi dispose librement du royaume, il peut le vendre, il en donne des
parcelles aux guerriers, ils constituent des dots pour ses filles. Mais également des prérogatives: s'il
veut donner à tel guerrier le droit de rendre la justice à tel endroit il le fait, idem pour lever un impôt.
A sa mort, il le partage entre ses fils de la même manière qu'un propriétaire réglera une succession
privée. De la même façon qu'il partage la terre, il partage aussi le pouvoir. Chaque fils va hériter d'une
partie du royaume et du titre de roi. Il y a des guerres fratricides qui affaibliront le pouvoir.

B) L'exercice du pouvoir

Conséquence de la conception personnelle et patrimoniale du pouvoir. Pour exercer ce pouvoir, le roi


mérovingien va fonder son autorité sur des fondements issus aussi bien de la tradition germanique
que de l'héritage de Rome.

Deux pouvoirs essentiels sont exercés par le roi mérovingien.

_ La 1ère: le mundium à latinisation de la main Bour d'origine patriarcale: tutelle, protection que le
père exerçait sur ses enfants, c'est la volonté du patriarche. Ce mundium est une autorité qui fait du
roi à la fois un protecteur, un pacificateur et un justicier. C'est d'abord une protection générale de
tous les sujets, mais les Francs préfèrent se faire justice eux-mêmes (pas très efficace), de certains
lieux (églises, palais…), de certaines personnes exerçant des fonctions particulières (évêques, hauts
fonctionnaires…) et protections de personnes faibles (les veuves, les enfants, les orphelins, les juifs…).

_ La 2ème: le pouvoir de Ban à vraiment caractéristique du roi mérovingien. Notion complexe et assez
large, elle couvre plusieurs idées. C'est le pouvoir de commander, d'ordonner, d'interdire et aussi de
contraindre, de punir. En vertu de ce pouvoir, le roi exerce de multiples prérogatives, il va donner des
ordres, il produit des textes, il sanctionne, il juge le non respect de ses décisions, il exige des
prestations financières, services de nature militaire, il peut convoquer les hommes à l'armée. De la
même manière, il convoque les hommes libres pour composer les tribunaux, les juridictions. Il rend la
justice. Le ban du roi doit être obéi à peine de graves sanctions.

Prérogatives liées essentiellement à la prérogative germaine.

Influence chrétienne aussi. Ils ont réalisé une synthèse des influences. Ils sont séduits par la richesse
de l'empire, par des notions telles que l'empire, l'État et ils sont conseillés par des gallo-romains.

_ Influence quant aux symboles. Le roi mérovingien portera un collier comme l'empereur romain, il
aura un sceptre, un manteau pourpre, un trône. En même temps, il affichera des symboles
typiquement germaniques: il aura les cheveux longs: liberté, autorité et force. Il cumule les
influences.

_ Influence des titres dont il se pare: il se fait appeler Majesté, Votre Gloire, Votre Sublimité, Consul,
Auguste. Il se rattache à l'influence de l'empire.

_ Emprunts à l'Eglise catholique, parmi lesquels le baptême. Portée considérable, immédiate (double)
et plus lointaine. D'une part, il renoue avec la tradition impériale romaine (l'empereur était baptisé)
et en même temps ce baptême lui, procure le soutien de l'Eglise et l'adhésion des romains. Mais ce
baptême a une portée plus lointaine, même si elle est symbolique. Le baptême de Clovis est un
mythe fondateur de la monarchie française: à l'origine des liens étroits et indéfectibles entre la
monarchie et l'Eglise. C'est l'un des grands mythes de la nation française: unité de la France
catholique.

Le sacre (différent du baptême), réservé au roi, onction par laquelle le roi acquiert un caractère
presque divin. Il existe bien des éléments qui rapprochent le roi mérovingien de l'empereur romain.
Synthèse entre l'héritage romain et l'apport des barbares. La seule grande différence porte sur la
conception du pouvoir: absence de notion d'État. Les mérovingiens ne connaissent pas l'idée d'État, il
s'en tienne à une conception patrimoniale et personnelle du pouvoir. Cette lacune va tentée d'être
comblée par les carolingiens.

§2 Les carolingiens et la restauration impériale

Egalement une dynastie importante, conserve le pouvoir plus de 2 siècles. En 751, Pépin détrône le
dernier roi mérovingien. Période qu'on peut schématiquement diviser en 3 phases:

_ D'abord l'essor de la dynastie de 751 à 822. C'est la période des grands bâtisseurs de l'empire. 822:
c'est la 1ère fois que l'on remet en cause l'ordonnancement de l'empire, son partage réalisé par le fils
de Charlemagne, Louis le Pieu.

_ Crise entre 822 et 888, car c'est l'époque où les fils de Louis le Pieu se disputent l'empire, guerres
fratricides qui aboutissent au Traité de Verdun qui partage définitivement l'empire en 3.

_ De 888 à 987: phase de l'élimination progressive de 'époque carolingienne. Les carolingiens ne


parviennent plus à imposer le principe d'hérédité. On remplace par le système de l'élection. Le roi
sera élu. Alternance sur le trône des représentants de deux familles différentes: les carolingiens et les
Robertiens (principal représentant Robert le Fort). L'alternance prend fin en 987 avec Hugues Capet:
fonde une nouvelle dynastie: les Capétiens. Règnent plus de 800 ans. L'avènement d'Hugues Capet
passe inaperçu. Ce n'est que la durée historique exceptionnelle de cette dynastie qui va
rétrospectivement donner toute son importance à cet évènement.

Si les carolingiens se maintiennent au pouvoir pendant 2 siècles c'est parce qu'ils ont su apporter un
certains nombres d'éléments nouveaux au droit. Ils introduisent des innovations sur le plan
institutionnel.

A) Les innovations carolingiennes

Jusqu'au 7ème, l'Eglise entretenait des liens avec les rois francs mais la papoté continuait à considérer
que son protecteur naturel était l'empereur de Constantinople. Au début du 8ème, les choses changent
au cours d'une querelle théologique qui oppose le pape à l'empereur d'Orient. La papoté recherche
de nouveaux protecteurs, auprès des rois francs. Renforcement des relations, une alliance nouvelle
s'établit entre la papoté et les rois francs. L'Eglise va aider les carolingiens à introduire une 1ère
innovation fondamentale pour renforcer le pouvoir royal: le sacre.

1) Le sacre

Le sacre va être une source de légitimité pour le pouvoir royal, particulièrement nécessaire au
moment où une nouvelle dynastie s'installe au pouvoir. L'Eglise donne sa caution au pouvoir royal
mais elle cautionne une mutation dynastique. Comment Pépin le Bref parvient-il à se faire servir. En
750, il est encore maire du palais. Mais il se prépare au coup d'Etat, il est soutenu par l'aristocratie
franque. Il envoie un ambassadeur pour savoir qui est le roi: le Pape lui répond qu'il vaut mieux
appeler roi celui qui détient le pouvoir plutôt que celui qui n'a que le titre et n'a en réalité aucune
autorité. Approbation du Pape au changement de dynastie. Fort de cette approbation, Pépin se fait
élire par l'aristocratie, le coup d'État lui permet d'accéder au pouvoir. Pour renforcer encore sa
légitimité, Pépin recourt à une caution supplémentaire: le sacre.

Le sacre est une cérémonie religieuse au cours de laquelle le souverain reçoit une onction grâce à une
huile sainte par la main d'un ecclésiastique et cette onction lui confère un caractère religieux. Après
le sacre, il n'est plus un roi comme les autres, il a acquis un caractère religieux. Ce n'est qu'après ce
sacre, qu'on lui remet les insignes de son pouvoir. La Bible nous apprend que déjà les rois juifs étaient
sacrés et on considérait de ce fait, qu'ils tiraient leur pouvoir de la volonté de Dieu. Le sacre était en
revanche ignoré des romains. Certains barbares le connaissaient mais il n'était pas répandu. Sacré
une fois en 751 et en 754 par le Pape.

La portée du sacre est considérable, les fondements du pouvoir ont évolué par rapport à l'époque
mérovingienne. Désormais, avec le sacre, le roi est roi par la grâce de Dieu. Le roi est roi par la
volonté de Dieu, il est le représentant de Dieu sur Terre. Lorsqu'il agit, c'est comme si Dieu agissait
lui-même à travers lui. Conception du pouvoir où le politique et le religieux ont tendance à se
confondre: conception théocratique du pouvoir.

Cette conception nouvelle trouve son aboutissement dans une autre innovation carolingienne.

2) Le rétablissement de l'empire

Evènement extraordinaire. La restauration impériale a été possible car le concept lui était favorable.
On assiste à la conjonction d'un certain nombre de facteurs favorables.

4 facteurs:
_ Le plus important: le rayonnement extraordinaire de la famille carolingienne: conséquence de 2
facteurs:

· Rayonnement lié à la conquête: les carolingiens sont de grands conquérants. Charlemagne a


passé sa vie à combattre et à conquérir: le royaume des Lombards, la Frise, la Bohême, la marge
d'Espagne. Il accroît le royaume franc: "royaume franc dilaté". Formidable expansion territoriale.

· Le roi guerrier est aussi un roi chrétien. Charlemagne n'est pas seulement puissant sur le plan
politique et sur le plan militaire. Il a mis ses forces au service de la foi. Chacune de ses entreprises a à
voir avec la religion. Ses ennemis ne sont pas de simples ennemis, quand il est en guerre contre les
Saxons, c'est aussi une guerre contre les païens, contre les musulmans, c'est aussi contre des
infidèles. Cela lui procure un rayonnement considérable.

_ Parallèlement, le déclin de l'empire romain d'Orient. Cela est lié aussi à la conquête de l'islam, qui
amoindrit l'empire d'Orient. Il est en pleine crise notamment économique au 7ème siècle. A cette crise
économique, s'ajoute au 8ème siècle une crise de succession, une crise politique. L'empire tombe aux
mains d'une femme. L'empire n'avait jamais été aussi bas.

_ Excellents rapports entre les carolingiens et l'Eglise, notamment entre la papoté et les carolingiens.
Ces rapports se resserrent encore lorsque Charlemagne soutient le nouveau Pape (élu par
l'aristocratie romaine), qui est plutôt marginal, mal vu par l'aristocratie, qui voudrait l'évincer. Le Pape
va trouver refuge auprès de Charlemagne, qui sera directement le protecteur du Pape.

_ Le contexte intellectuel: dans les milieux ecclésiastiques, on n'a pas oublié l'idée d'empire. On se
souvent que cet empire était symbole d'unité politique, d'universalité. On comprend bien que
l'empire sert à renforcer les pouvoirs. Toute une propagande va être menée pour restaurer l'empire. Il
appartient donc à Charlemagne de prendre la direction du peuple chrétien.

Un concile se tient à Rome en 800: on évoque le déclin de l'empire d'Orient et on évoque la nécessité
de reprendre le flambeau. Il faut que quelqu'un prenne la direction du peuple. On pousse
Charlemagne jusqu'au trône impérial, il est couronné empereur par le Pape Léon III.

[Couronnement impérial ≠ sacre: Charlemagne est déjà sacré. On le considère ici comme le nouvel
empereur, le restaurateur de l'empire d'Occident.]

3 remarques pour apprécier la portée de cette restauration:

_ Charlemagne lui-même prend très au sérieux ses nouvelles fonctions. On assiste à une renaissance
de la symbolique impériale. Les pièces de monnaie le représentent désormais en empereur, couronné
de lauriers comme l'empereur Constantin.

_ La plus importante: la conception du devoir que se fait Charlemagne a évolué par rapport à celle du
roi mérovingien. La conception du pouvoir que se fait l'empereur Charlemagne: on assiste à la
renaissance de l'idée de l'État. Les intellectuels le souhaitaient. Il y a une volonté de renouer avec la
conception romaine du pouvoir. L'empereur n'est pas là pour régner en son nom, il est là pour servir
la res publica, l'utilité commune. On retrouve la conception romaine. En même temps, cet empereur
développe aussi une conception religieuse du pouvoir. Cet empire que l'on restaure n'est pas
seulement l'empire romain, c'est surtout l'empire chrétien. Charlemagne traduit la volonté de Dieu
quand il exerce le pouvoir. Cela va peut-être plus loin. L'empereur considère qu'il exerce un véritable
ministère. L'empereur est quasiment un ecclésiastique: il se veut pacificateur, justicier, correcteur des
erreurs, qui peuvent même être théologiques.

_ L'empire offre aussi à Charlemagne des atouts politiques supplémentaires, sous-entendus au


travers de la propagande qui l'avait poussé à être empereur.

· L'universalité: l'empire s'oppose au royaume, limité au point de vue territorial. L'empire lui n'a
pas de limite. L'empire carolingien est un empire dont le pouvoir est universel, c'est un pouvoir qui
surpasse le pouvoir des simples rois. Universalité du pouvoir de l'empire.

· L'unification: l'empire est outil d'unification. On peut le mesurer à travers plusieurs exemples.
Volonté de développer une culture commune, véhiculée par une langue commune, le latin. Une
administration commune à l'échelle de l'empire est aussi un facteur d'unification. Une capitale
commune: Aix-la-Chapelle. Une religion commune, que l'on s'efforce de défendre, de propager. Un
droit commun: volonté d'établir à l'échelle de l'empire un droit applicable à tous, partout, de la
même façon à l'échelle de l'ensemble de l'empire. Innovation importante.

3) L'essor du pouvoir législatif

A l'origine, le pouvoir de ban du roi franc n'avait pas pour conséquence le pouvoir de légiférer. Le roi
mérovingien ne légiférait pas. Les choses changent peut-être avec le contact avec la tradition
romaine, qui vient enrichir cette conception. Le pouvoir de ban s'élargit, il autorise le roi carolingien à
édicter des règles générales, que l'on veut durables. Le pouvoir de ban s'amplifie. Avec la restauration
impériale, le processus s'amplifie. L'empereur renoue véritablement avec l'idée romaine selon
laquelle l'empereur est source de la loi: Charlemagne va donc développer une activité législative
originale, relativement importante mais qui ne substitue pas aux lois nationales existantes, qui
exprimaient un droit d'origine populaire. A côté de ces lois nationales, les rois carolingiens vont être à
l'origine d'une véritable législation: les capitulaires à actes dont le texte est divisés en chapitres
(capitula), en articles et dont vont faire usage les souverains carolingiens pour publier des mesures de
nature législative ou administrative.

Leurs objectifs sont divers:

Tout d'abord Charlemagne entend faire procéder à une relecture des lois nationales dans le but de les
corriger, les améliorer tout en respectant leur contenu. Chaque race dispose d'une loi qui est propre,
ces lois nationales disparaitront à terme à cause de la fusion des races mais elles se maintiennent
durant un certain temps et Charlemagne essaie encore de corriger ces lois.

Parallèlement à ça, il y a aussi la volonté de créer une législation spécifique nouvelle dans le but
d'uniformiser le droit à l'échelle de l'empire dont l'empereur serait l'inspirateur.
3 types de capitulaires:

_ Rattachés à des lois nationales, ce sont des additifs. Comme la loi nationale est l'émanation d'une
coutume, d'un peuple, le peuple participe à la modification de la loi. Il est impossible de consulter le
peuple, c'est l'aristocratie qui est censée le représenter. On la voit jouer un rôle, au moins
d'approbation.

_ D'autres émanent du roi seul et ont une force législative générale. Ils ont leur propre raison d'être,
ne s'appuient que sur la volonté de l'empereur, et le but est de les imposer partout. Ces capitulaires
n'ont pas besoin d'approbation populaire.

_ Certains ne sont que des instructions données à des fonctionnaires, des inspecteurs avant son
départ en tournée, de la part du roi.

Il est certain qu'une pareille œuvre normative a contribué à réduire la coexistence de droits différents
pour l'apparition d'un droit unique, territorial. Cependant, ces capitulaires sont en fait surtout des
actes d'administration. Plusieurs idées limitent la portée de ces capitulaires:

_ Les capitulaires ne sont pas perpétuels, le successeur devra les confirmer.

_ La diffusion dans l'espace est aussi défaillante. Certains étaient applicables dans tout l'empire,
d'autres avaient une zone d'application beaucoup plus réduite, ne concernaient qu'une partie de la
population.

_ Il y a aussi de faux capitulaires. Il était difficile d'identifier les vrais.

_ Le nombre des capitulaires est assez limités, quelques centaines tout au plus. On ne sait pas ce
qu'on peut qualifier de capitulaire ou pas. Le dernier capitulaire est promulgué en 884. Cette activité
diminue.

Le déclin de ce pouvoir normatif est d'ailleurs le signe du déclin de l'empire lui-même, il est bien en
train de s'effondrer.

B) L'effondrement de l'empire

Malgré les renforcements que la fondation impériale a permis, l'empire ne manque pas de faiblesse.
5 faiblesses peuvent être retenues:

_ L'empire est une conception abstraite, une notion théorique. C'est un édifice intellectuel mis en
place pas des ecclésiastiques cultivés, mais en réalité, c'est une notion que le peuple ne parvient pas
à comprendre.

_ L'empire est assez hétéroclite, il est marqué par la diversité de cultures, de langues, de coutumes et
même de droits. La personnalité des lois n'a pas totalement disparu. Ces facteurs d'unification
existent mais sont superficielles, la latin comme langue commune ne concerne que les élites.
_ L'empire repose sur la personnalité de l'empereur. C'est la personnalité de Charlemagne qui a
donné à l'empire toute sa force et sa cohésion. Or, le fils de Charlemagne, Louis le Pieu n'a pas l'étoffe
de son père, il va se laisser dépasser par sa famille et l'aristocratie et il se laisse manipuler par l'Eglise,
qui n'hésite pas à se mêler de politique et l'empereur a tendance à laisser faire. On parlera de
"gouvernement des évêques" tant ils sont influents.

_ Sa taille: il est beaucoup trop grand au regard des moyens de l'époque dont on dispose pour
l'administrer, il est presque impossible à pacifier.

_ La faiblesse la plus connue: les menaces extérieures, les invasions. Ce ne sont plus celles des 3ème et
4ème siècles, mais aux 8ème et 9ème siècles, on connaît celles des arabes venus du sud, qui s'installent
dans le Massif des Maures, des Scandinaves plus au nord (les Vikings) qui remontent les fleuves,
pillent les villes, les églises et s'installent durablement en Normandie (étaient appelés les Normands),
les Hongrois font également des incursions à l'est de l'empire. Ces invasions affaiblissent notoirement
la structure même de l'empire.

Ces facteurs sont des forces d'éclatement, de dissociation de l'empire.

A ces facteurs il faut ajouter surtout le poids de la tradition germanique, dont on a du mal à se
débarrasser. En quoi le poids de la tradition germanique va-t-il entraîner l'affaiblissement de
l'empire ? 3 idées:

_ La tradition germanique est d'abord la conception patrimoniale du pouvoir, or elle n'a pas disparu
et c'est sa survie qui va entraîner des partages de l'empire et par conséquent compromettre son
unité. Paradoxalement, malgré l'affirmation de l'unité de l'empire, les carolingiens n'ont jamais cessé
de le partager:

· 1ère étape: Pépin le Bref envisage de partager son royaume entre ses fils Charlemagne et
Carloman. Par chance, Carloman meurt avant son père, il ne reste que Charlemagne qui hérite du
royaume.

· 2ème étape en 806: Charlemagne a 3 fils, il prévoit un partage possible de l'empire (la divisio
imperi). Là aussi, 2 de ses fils meurt avant lui, et Louis le Pieu hérite de l'ensemble de l'empire. L'unité
n'est encore préservée qu'en raison des circonstances.

· 3ème en 817, Louis le Pieu est confronté au même problème. Il imagine une idée intermédiaire:
l'Ordinatio Imperii qui date de 817. Ce texte est un règlement successoral où on va essayer de
concilier le principe franc des partages avec la sauvegarde de l'unité de l'empire. Le fils aîné, Lothaire
sera empereur et les 2 fils cadets recevront des royaumes mineurs et n'auront que le titre de roi.
Pépin recevra l'Aquitaine et Louis la Bavière et Lothaire le plus vaste territoire qui se situe entre les 2.
En 822, le texte est remis en cause. 822 à c'est une date charnière: échec de la remise en ordre de
l'empire. C'est le début de la fin, à cause du fait que Louis le Pieu a eu un autre fils, Charles (le
chauve) qui réclame sa part, l'un de ses frères aînés est mort, il reste 3 enfants. En 840, les choses se
gâtent, Louis le Pieu meurt et la guerre latente éclate entre ses 3 fils. En 842, 2 fils s'allient contre
Lothaire. Un accord est finalement trouvé en 843, date du traité de Verdun par lequel on opère un
véritable démembrement de l'empire. Il est coupé en 3 dans le sens Nord-Sud. Lothaire obtient le
centre de l'empire, de la mer du Nord à l'Italie incluant Aix-la-Chapelle et Rome et il hérite du titre
d'empereur, titre seulement théorique. Louis obtient l'est de l'empire: Louis le Germanique. Charles
obtient la Francia occidentalis, partie occidentale du royaume des Francs, tout ce qui à l'ouest de 4
fleuves. C'est là l'origine du royaume de France et de ses frontières.

L'empire est partagé et de manière durable.

_ La survie de la conception personnelle du pouvoir, un pouvoir direct, d'homme à homme, qui porte
atteinte à la notion d'État, d'un pouvoir institutionnalisé. Cette conception n'a pas disparu, malgré la
renaissance de l'idée d'État, développement d'une conception contractuelle de l'État soutenue par
les carolingiens. Des liens personnels de plus en plus nombreux vont s'établir entre le roi et
l'aristocratie, les ecclésiastiques, les fonctionnaires et les hommes libres. Le roi, à plusieurs reprises,
va exiger des serments de fidélité de la part des hommes libres. En 789, Charlemagne prescrit que
tout homme libre âgé de plus de 12 ans devra lui prêter serment. On veut généraliser ce système de
relation personnelle. En 802, un capitulaire vient rappeler cette prescription. On a tendance à
s'orienter sur un système fondé sur des relations de fidélité, qui a plus d'importance qu'une relation
entre un pouvoir abstrait et ses subordonnés.

_ L'émergence de l'aristocratie de plus en plus puissante qui va elle aussi limiter le pouvoir. Montée
en puissance des pouvoirs locaux, souvent des fonctionnaires, des comtes, des évêques, des gens qui
exercent des prérogatives de puissance publique et qui vont voir leur autorité s'accroître. L'autorité
de l'aristocratie a tellement tendance à s'accroître, qu'elle finit même par remettre en cause le
principe héréditaire à la succession du royaume. Jusque là, elle s'imposait. Finalement, on s'oriente
vers une autre solution, réapparaît l'idée de faire élire le roi par l'aristocratie. En 888, pour la 1ère fois,
est élu roi quelqu'un qui n'appartient pas à la famille carolingienne, il appartient à la famille des
Robertiens, pendant 1 siècle on va assister à une alternance de Robertiens et de carolingiens à la tête
du royaume.

Section 2: Le gouvernement du royaume

Moyens d'action auxquels le roi va avoir recours pour administrer le royaume ou gouverner l'empire
selon les périodes. C'est avant le roi et un entourage assez limité, les ecclésiastiques, des proches du
roi qui vont participer au pouvoir. Dans l'ensemble, cette organisation politique et administrative
demeure inchangée de l'époque mérovingienne à l'époque carolingienne. D'une période à l'autre,
elle devient plus complexe, plus spécialisée mais le noyau de base demeure. Progressivement, des
hommes venus de tout l'empire viennent exercer des prérogatives de gouvernement.

§1 Les organes de gouvernement

Le gouvernement du royaume repose sur 2 éléments essentiels:

_ L'entourage immédiat du roi: le Palais à double sens: le bâtiment mais aussi sa cour.
_ Des assemblées moins connues, non permanentes et qui vont parfois jouer un rôle politique.

A) Le Palais

Il est composé de l'ensemble des dignitaires qui entourent le roi, qui vit à proximité du roi, en contact
permanent avec cette autorité. 2 éléments s'en dégagent:

_ Les fidèles de l'entourage royal: ce sont souvent des fils de grandes familles aristocratiques qui vont
être hébergés par le roi à la cour, au Palais: les "nourris du roi", ils sont assis à la table du roi, ce sont
ses convives (vivre avec). Ils sont liés à lui par des liens de fidélité très étroits et ils l'accompagnent
dans ses déplacements. Il est en guerre presque chaque année. Parmi eux, certains constituent une
sorte de garde personnelle du roi, chargée de protéger le roi, toujours menacé d'attentat: la Truste,
troupe de fidèles liés au roi par un serment particulier, doivent rendre des services particulièrement
lourds au roi.

_ Les officiers du Palais, au départ de simples serviteurs du roi, mais dont les fonctions vont se
spécialiser. Au départ ils étaient chargés de fonctions privées, vont se voir attribuer des fonctions plus
politiques. Il y a notamment le sénéchal, le plus ancien des serviteurs du roi, en qui il avait toute
confiance et qui va être chargé des fonctions de direction du personnel domestique et aussi de
fonctions d'approvisionnement, c'est une sorte d'intendant du Palais. A côté du sénéchal, un autre
officier peut-être plus important, le chancelier, il dirige les bureaux du Palais, le service des écritures,
les scribes, les notaires qui rédigent ou recopient les actes officiels. La plupart sont des
ecclésiastiques. L'activité de ces bureaux va connaître un rôle croissant sous les carolingiens, les
capitulaires sont de plus en plus nombreux, la correspondance se développe. Il peut avoir aussi des
fonctions diplomatiques. Il y a aussi d'autres officiers subalternes: le chambrier, au départ s'occupe
de la chambre du roi. Le roi conserve dans sa chambre son butin, ce chambrier deviendra le gardien
du trésor du roi. Même chose pour le bouteiller, qui s'occupe au départ de la table du roi, à terme il
s'occupera de l'approvisionnement du Palais. Le comte Estabula, s'occupe des étables, qui abritent les
chevaux du Palais, la cavalerie prenant une place de plus en plus importante sous les carolingiens, le
comte va prendre de plus en plus d'importance, il deviendra le connétable, chef de l'armée. Le maire
du Palais, à l'origine simplement le chef de la domesticité, mais qui jouissait aussi de la confiance du
roi. Il va jouer un rôle croissant, on lui demande d'exercer un rôle de tutelle dans le cas d'une
minorité du roi. Il va réussir à rendre sa charge héréditaire. Sous les mérovingiens, les maires du
Palais se recrutent au sein d'une famille carolingienne. Pépin le Bref était carolingien et le dernier
maire du Palais du roi mérovingien et c'est cette fonction qui lui permet son coup d'État lui
permettant de devenir roi. Par prudence politique, les carolingiens supprimeront cette fonction.

B) Les assemblées
Les plaids considérés comme assemblées politiques, qui vont aider et conseiller le roi. Plusieurs
origines possibles mais on l'ignore, certains les pensent religieuses, d'autres considèrent qu'elles sont
à mettre en relation avec les guerriers. Leur fonction est consultative id est ils ne sont là que pour
donner des avis, à propos de la situation politique, des institutions, de l'administration, de la situation
militaire et également, on évoque les capitulaires modifiant les lois nationales, avant d'être
promulgués. Charlemagne a donné une certaine impulsion à ces assemblées, les considéraient
comme moyens de gouvernement. Mais cela dépendait des périodes, tout dépend de la puissance du
poids respectif des rois. Tant qu'il est puissant, les plaids ne sont que consultatifs, si le roi est plus
faible, ces plaids peuvent devenir parfois des organes d'opposition. C'est l'aristocratie qui les
compose qui obtient dans ce cas un pouvoir considérable. Vers la fin de la période franque,
l'aristocratie est suffisamment puissante pour substituer au principe héréditaire le principe d'élection
du roi.

§2 Les formes de l'administration locale

C'est une administration assez simpliste, même si elle se perfectionne avec les carolingiens, de
structure assez limitée. Le comte est le principal agent du pouvoir royal au niveau local, c'est la pierre
angulaire de l'administration à l'époque. Face à un pouvoir royal qui a tendance à s'affaiblir, ces
comtes manifestent parfois une certaine indépendance, d'où la mise en place d'autres agents, censés
les concurrencer et les contrôler.

A) L'administration comtale

Le terme comte vient du latin "comes" qui signifie compagnon, à l'origine c'est un proche du roi. Le
comte est le responsable de l'administration locale, c'est le fonctionnaire qui exerce localement
toutes les prérogatives de puissance publique que le roi a voulu lui conférer. L'organisation de la
fonction est connue de manière précise. Le comte est nommé directement par le roi et il lui prête
serment. Au début, la fonction du comte est assez limitée dans le temps: 1 an seulement. Il est en
principe révocable, en tout cas il peut être déplacé au gré du roi d'une circonscription administrative
à une autre. La plupart sont choisis parmi les familles franques. Le futur comte a d'ailleurs été élevé à
la cour, il a été un nourri du roi, il a vécu quasiment avec lui avant d'être nommé en province. Le
comte n'est pas toujours issu de l'aristocratie franque, ils sont parfois des descendants des familles
gallo-romaines. Cet agent ne doit pas être choisi dans la circonscription qu'il doit administrer, pour
qu'il n'ait pas d'intérêt personnel avec des personnes qu'il connaissait déjà. Vis-à-vis du roi, ce comte
est en totale dépendance, son office est de fonction publique dont le roi dispose librement, il lui dicte
tout ce qu'il a à faire. Le comte au moment de sa nomination reçoit des instructions orales et écrites,
il doit venir régulièrement au Palais pour rendre compte de son administration. Cette circonscription
porte un nom, le pagus, on parle aussi de comté. Le pagus est la circonscription administrative de
base de l'époque franque, parfois calquée sur la cité romaine sur laquelle on avait déjà calqué le
diocèse. En réalité, les pagus ne sont pas semblables partout. Il y a des grandes différences
géographiques. On ignore le nombre de ces circonscriptions: entre 200 et 700, le maximum étant
atteint au 9ème. La rémunération du comte est à l'origine assez faible voire inexistante, rappelant que
le comte est issu de l'aristocratie, il dispose donc d'une fortune foncière en général considérable.
Avec le temps, ces sources de profit vont s'accroître, il commence à recevoir une donation foncière,
une terre concédée par le roi en guise de rémunération et dont il aura la jouissance pendant la durée
de ses fonctions. Progressivement, s'ajoutent d'autres revenus, ceux des abbayes, à l'intérieur de son
pagus, le droit de gîte gratuit chez l'habitant.

Ses attributions sont étendues parce qu'il n'y a pas de spécialisation des fonctions. Le comte
représente le roi, par conséquent, c'est comme s'il prolongeait sa personne dans le pagus, les
pouvoirs du comte sont calqués sur les pouvoirs du roi, démultipliés à l'échelle locale. Or, les pouvoirs
du roi reposent sur le mundium, protection et le pouvoir de ban, pour ordonner. Le comte en est
aussi titulaire et il va concrètement exercer un certain nombre de prérogatives qui découlent de l'un,
de l'autre et parfois des deux.

_ En vertu du mundium, le comte aura un devoir d'assurer la paix au sein du pagus, de protection des
plus faibles, de l'Eglise. Il fera également prêter les serments de fidélité au roi. Il n'est pas porté
directement au roi, mais par l'intermédiaire des comtes. Il réprime aussi les désordres, il exerce un
pouvoir de police, de maintien de l'ordre. Il a aussi un pouvoir de justice, il préside le tribunal du
pagus Chaque pagus a au moins un tribunal, il est donc juge, il prononce des sentences, perçoit des
amendes.

_ En vertu du pouvoir de ban, il va publier les décisions du roi, notamment les capitulaires. Il fait
exécuter ses ordres, payer des amendes à ceux qui ne les respectent pas, exécuter les sentences du
tribunal. Il exerce aussi toujours les attributions fiscales, il perçoit des impôts pour le compte du roi. Il
convoque aussi les hommes pour la guerre, c'est lui d'ailleurs qui va diriger la troupe formée par les
hommes du pagus; Il convoque aussi les hommes pour former le tribunal, en général composé
d'hommes libres. Il réquisitionne la main d'œuvre.

Pour assumer toutes ces attributions, il dispose d'auxiliaires, ses fonctions entraînent aussi des
absences fréquentes, il siège dans les assemblées. Il existe à l'échelle du pagus, un embryon
d'administration comtale. Un vicomte choisi par le comte mais agréé par le roi. Il remplace le comte
lors de ses absences. Il y aussi d'autres auxiliaires, placés à la tête de subdivisions du pagus. On
trouve des agents dont le nom diffère: un viguier, ou un centenier. Ils sont placés sous l'autorité du
comte, ils exercent des compétences assez larges mais dans un domaine plus étroit que celui du
comte.

Assez vite, ces comtes vont avoir tendance à abuser de leurs fonctions. Dès que le pouvoir central
donne des signes de faiblesse, ils vont en profiter, ils font preuve d'une plus grande indépendance et
à se livrer à quelques excès. Plusieurs exemples:

_ Certains seront négligents, ils tarderont à obéir voire ils refuseront d'obéir aux ordres du pouvoir
central.
_ D'autres commettent des excès de pouvoir, pour essayer d'en retirer quelques avantages. Certains
convoquent les hommes libres à la guerre, au tribunal alors que ce n'est pas nécessaire pour
percevoir une amende de ceux qui ne viennent pas.

_ D'autres se laissent corrompre par les habitants du pagus.

_ Certains ont tendance à oublier qu'ils sont des fonctionnaires représentants du roi et ils vont
exercer leurs prérogatives en leur nom, dans leur propre intérêt et non pour le roi.

Avec le temps, ces comtes vont avoir tendance à s'installer dans leur pagus, à rester plus longtemps
que prévu, à y acheter des terres, alors que c'était interdit. Ils vont s'enraciner et accroître leur
puissance notamment économique. Le roi a de plus en plus de mal à les déloger, à les révoquer. On
s'oriente dont vers l'inamovibilité des fonctions comtales.

Ces abus présentent un risque, celui de la désagrégation de l'administration locale. Les rois francs
l'ont perçue. Ils ont essayé de trouver des moyens de limiter les pouvoirs des comtes, ils ont essayé
de la moraliser. 4 moyens envisagés:

_ On va essayer de bien les choisir, parmi les fidèles, voire parmi des parents et dans une classe
sociale aisée, et dans une région dont ils ne sont pas originaires.

_ On va limiter leurs compétences, pour éviter qu'ils n'en exercent dans des domaines trop
nombreux; Certains capitulaires vont expliquer dans quels domaines ils sont compétents. En matière
judiciaire, le tribunal du pagus est réorganisé en introduisant des professionnels de la justice, à la
place du comte.

_ On va essayer de les contrôler. On leur demande de venir au Palais, rendre compte de leur gestion.
On va les sanctionner, mais les révocations sont rares, le roi a peur d'indisposer l'aristocratie. On ne
s'oppose pas impunément à l'aristocratie, et le roi ne dispose pas de remplaçants suffisants.

_ En fin de compte, la meilleure façon de limiter le pouvoir des comtes a été de les concurrencer et
les faire surveiller par d'autres agents.

B) Les autres acteurs de l'administration

En marge de l'administration comtale, on va trouver toute une série d'agents qui constituent une
administration parallèle. Ils répondent tous à la même idée. Quelque soit la solution, l'idée est
toujours la hiérarchie et le contrôle. Comment va-t-on organiser cette administration extraordinaire ?
5 moyens de concurrencer ou de contrôler les comtes:

_ Recours à des agents déjà existants: les évêques. Très tôt, les mérovingiens vont avoir recours à eux
pour conforter l'administration locale. Après les invasions, la chute de l'empire, l'évêque était l'une
des rares autorités à avoir survécu. C'est avant tout une autorité religieuse, mais qui généralement
appartient à l'aristocratie. Ils sont donc des proches du roi, élevés au Palais, parfois même des
parents du roi. Le roi leur fait généralement confiance parce qu'il les connaît. Il va les charger
d'attributions de contrôle. Ces évêques vont avoir deux types d'attributions: de nature religieuse au
sein de leur diocèse, mais aussi d'attributions politiques et administratives: plusieurs types: certaines
s'exercent au niveau central, certains évêques sont des sortes de ministres avec des missions
diplomatiques, ils siègent au sein des plaids ; au niveau local, ils vont être utilisés comme des points
d'appui régionaux du pouvoir à ils doivent transmettre les ordres du roi aux rouages de
l'administration locales, d'exercer des fonctions fiscales, lever l'impôt et utiliser l'argent pour réaliser
des opérations: missions parallèles aux missions des comtes, surveillent aussi le comte dans sa
manière d'administrer le pagus. Ils sont intégrés à l'administration, ils sont devenus des rouages de la
hiérarchie administrative. Même si leurs attributions varient selon les époques et n'ont rien de
systématiques, ils deviennent parfois des rouages.

_ Système des immunités: une immunité est un privilège accordé par le roi, mérovingien ou
carolingien, qui interdit à perpétuité à tous ces agents, surtout des comtes, toute intervention sur les
terres de l'immuniste à autorité qui dirige l'immunité, qui est aussi un territoire, en général une
autorité ecclésiastique, un monastère. Le comte ne pourra pas lever d'impôt, l'idée étant surtout de
conférer au titulaire de l'immunité un intérêt fiscal. Cela est formalisé dans un texte: une charte
d'immunité, qui vient garantir les droits de l'immuniste. L'immuniste n'est pas un fonctionnaire
public, il n'a pas été nommé, mais si le comte ne peut pas exercer de prérogatives dans l'immunité, ce
sera l'immuniste qui les exercera, par exemple judiciaire. L'immunité est bien un système qui
concurrence le comte, elle soustrait à l'autorité du comte une portion du pagus, parfois étendue.
C'est donc une enclave sur le territoire du pagus. C'est un système pratique, ça limite le pouvoir du
comte, tant que l'immuniste est fidèle. Mais c'est aussi dangereux, car le risque est le même.

_ Système des marches: à l'origine, ce système n'avait pas pour but de surveiller les comtes mais de
les renforcer, notamment ceux placés aux frontières, aux marches de l'empire. L'idée avait été de
placer des agents, appelés des marquis, chargés d'aider militairement le comte à la défense du
territoire, les marches étant menacées par les invasions. Il fallait leur porter une aide particulière. La
marche d'Espagne, servant à protéger l'empire contre les musulmans. Ces chefs territoriaux sont
appelés parfois aussi ducs, c'est ainsi que les chefs militaires barbares étaient appelés par les
romains, donc ces marches étaient aussi appelées des duchés. Ce sont de vastes commandements
territoriaux qui peuvent recouvrir un pagus, ou plusieurs. Ces marquis ont des attributions
essentiellement militaires. Progressivement, on va leur demander de surveiller les comtes, de les
concurrencer si cela est nécessaire.

_ Le plus important: il consiste pour le pouvoir royal à créer des agents spécifiquement chargés de la
surveillance des comtes et envoyer en mission ces agents pour exercer leurs fonctions. Ces
inspecteurs sont des envoyés du roi et on les appelle les missi dominici: les envoyés du maître, du
dominus. Ils apparaissent de manière épisodique sous les mérovingiens, mais on va avoir tendance à
les généraliser, car ils sont très efficaces. On la connaît assez bien car elle est organisée par un
capitulaire de 802. Comment est-elle organisée ? Ces missi vont en général 2 par 2 ou par 3, en
général un laïc et un ecclésiastique. Ces missi sont choisis parmi l'aristocratie du Palais, par le roi soit
éventuellement on les nomme à l'occasion des plaids. Lors de leur nomination, ces inspecteurs
reçoivent une mission, parfois précisée par un capitulaire spécifique. On leur indique la
circonscription dans laquelle ils vont devoir exercer leur mission, elle est souvent assez vaste (7 ou 8
circonscriptions comtales) et l'itinéraire qu'ils devront suivre, pour faire des tournées sur plusieurs
centaines de kilomètres, où ils bénéficient de l'hospitalité des habitants. Leurs attributions sont très
larges, on dit que les missi sont à la fois l'oreille, parce qu'ils écoutent ce qu'il ne va pas, la bouche,
parce qu'ils transmettent les ordres du roi et le bras du roi, pour sanctionner. Ils ont d'abord un devoir
de surveillance de l'administration locale, surtout les comtes, le respect des prescriptions royales, des
capitulaires en matière fiscale, judiciaire. Ils veilleront aussi à ce que les prescriptions des consignes
(réunions d'évêques) soient respectées. Ils surveillent et remettent de l'ordre dans l'administration
locale, s'ils ne constatent pas les difficultés eux-mêmes, ils stimulent la délation pour qu'on leur fasse
part de ces difficultés. Parfois, ils peuvent même révoquer des agents fautifs. En tant qu'envoyés du
roi, ils exercent eux-aussi leur pouvoir de ban du roi. A ce titre, ils reçoivent les serments de fidélité,
transmettent les ordres, donnent des avis, interprètent même les lois, des dispositions normatives.
Leurs fonctions a également un aspect religieux, une fonction d'évangélisation. Ils sont là pour
surveiller les évêques ou les monastères. Mais l'essentiel est en matière de justice. Ils tiennent de
véritables assises, ils dirigent un tribunal, non permanent mais chargé de réformer les décisions du
tribunal du comte ou de l'immuniste. Si quelqu'un n'est pas satisfait du jugement, il pourra se
plaindre aux missi ou bien la transmettre au Palais si nécessaire. Si on veut mesurer leur portée, leur
efficacité a été réelle pendant une certaine période. Puis, ils l'ont été de moins en moins, leurs
tournées sont devenues moins régulières, ils ont tendance à être recrutés par les notables locaux, ils
ont été rémunérés par l'aristocratie locale, donc ceux qu'ils devaient contrôler. Ils apparaissent de
plus en plus compromis avec le milieu qu'ils doivent surveiller. On retrouve une évolution identique
de celle des comtes, les mêmes abus et inefficacités. L'institution tombe en décadence et elle tend à
disparaître fin du 9ème.

_ Utilisé très tôt pour limiter l'indépendance des comtes et pour renforcer l'administration. Ce moyen
est essentiel, il a consisté à fidéliser ses fonctionnaires en établissant avec eux des liens de
dépendance. Il fallait établir des liens personnels avec les comtes pour qu'ils se superposent à la
hiérarchie de l'administration, pour aboutir au même résultat, une obéissance fondée non pas sur le
respect d'un fonctionnaire à son supérieur, mais sur les liens personnels qui unissent deux personnes
fidèles. Sur le plan institutionnel, les choses changent, les liens personnels sont en train de prendre le
pas sur l'autorité de l'État. On s'orient vers un système politique et institutionnel différent. Ce
système vers lequel on s'oriente est la féodalité marquée par l'émergence du pouvoir seigneurial et
aussi par l'effacement de l'État.

Chapitre 1: La féodalité et l'effacement de l'État 10ème-13ème siècle

Définition de la féodalité: au sens large, c'est une forme d'organisation politique et sociale marquée
par 4 caractéristiques:

_ Morcèlement de l'autorité publique

_ Liens de dépendance: relations féodo-vassaliques

_ Hiérarchie des hommes et des terres


_ Domination d'une aristocratie de guerriers

Deux remarques: Ce système n'est pas propre à l'Europe médiévale, il a existé en Chine, en Russie, au
Japon entre le 15ème et le 17ème siècle.

Sous l'influence des auteurs marxistes, le terme "féodalité" a pris une connotation péjorative,
puisque ces auteurs ont insistés sur les aspects négatifs, dans l'appropriation de la terre sur les
masses paysannes exploitées.

Comment situer la féodalité dans le temps et dans l'espace ?

_ Chronologiquement, on peut choisir des dates charnières:

Entre l'avènement d'Hugues Capet en 987 et le règne de Philippe Auguste entre 1180 et 1223: âge
d'or de la féodalité classique, même si certains de ses aspects se prolongent bien au-delà. Le 4 août
1789, on procède à l'abolition des privilèges et des droits féodaux, donc ils restaient encore des
relents de féodalité.

_ Géographiquement, ça n'a pas existé qu'en France. Avec des variantes, on le rencontre dans toute
l'Europe occidentale. La féodalité parfaite se situe entre le Rhin et la Loire. Systèmes similaires dans
les États issus du partage de l'empire en Allemagne, en Provence, en Italie, en Grande-Bretagne
(Guillaume le Conquérant conquiert cette île et y transporte les structures féodales). Fin 11ème, les
croisades permettent d'exporter le modèle féodal jusqu'en Palestine. Puis en partant d'Allemagne,
elle se répand aussi vers l'est, le sud est dans les pays slaves. La reconquête de la péninsule ibérique
fait pénétrer la féodalité au Portugal et en Espagne.

Concrètement, à quoi correspond la féodalité ?

Elle est marquée par l'effacement du pouvoir central, le glissement du pouvoir aux mains de
seigneurs locaux. La réalité du pouvoir ne s'exerce plus au centre mais localement, au sein de la
seigneurie. Emiettement du pouvoir, mais cela ne veut pas dire que la société féodale est
désorganisée, elle est même structurée, surtout autour de cette hiérarchie de seigneurs, de vassaux,
grâce au système de relations féodo-vassaliques. Elle est ordonnée, faisant référence aux 3 ordres
clairement identifiés qui composent la société. Cette division propre à cette époque durera jusqu'à la
fin de l'ancien régime.

Qu'est-ce qu'un ordre ? C'est un terme médiéval qu'on pourrait traduire par classe sociale. A l'époque
médiévale, un ordre est un groupe d'individus que des caractéristiques rassemblent, ils ont le même
genre de vie, les mêmes intérêts, les mêmes mœurs, une idéologie commune, une même activité…
Ces caractéristiques peuvent organisées en ordres. A l'époque franque, la distinction sociale était
fondée sur la race. Au Moyen-âge, le critère de distinction va changer, ce sera celui de la fonction
sociale des individus. On va donc imaginer une répartition des hommes en 3 catégories sociales selon
la fonction sociale de chacun. On a parlé de tripartition fonctionnelle de la société: répartition en 3
selon la fonction de chacun: trifonctionnalisation de la société. Ce sont toujours les mêmes ordres:
_ Celui de ceux dont l'activité essentielle est de prier.

_ Ceux qui combattent.

_ Ceux qui travaillent pour nourrir les 3 ordres de la société.

Ces 3 ordres sont étroitement liés, ils sont interdépendants, chaque ordre a son utilité. Il existe une
complémentarité, une solidarité, mais qui n'exclue pas la hiérarchie.

La classification est théorisée à cette époque et réalisée de manière concrète. Elle se construit et se
maintient, à peine modifiée jusqu'à la fin de l'ancien régime. En 1789, les États généraux sont
convoqués sur la base de ce système social.

L'origine de cette tripartition fonctionnelle remonte aux origines des civilisations indo-européennes
et géographiquement, dans la région de l'Indus. On retrouve ce modèle partout. Cette réalité sociale
fait aussi l'objet de développements théoriques, au Moyen-âge, ce modèle social est mis en forme,
notamment dans les milieux ecclésiastiques, parce que c'est un modèle social qui conserve la
situation telle qu'elle est, qui conforte la situation sociale existante et évite les conflits. Illustre l'idée
d'une société ordonnée et hiérarchisée.

La féodalité est un système complexe, on ne peut le comprendre que dans la mesure où on sait
comment il se rattache à la période antérieure.

Section 1: Les précédents de la féodalité, la dislocation du pouvoir

A la fin de l'époque franque, on assiste à deux phénomènes interdépendants:

_ Multiplication des liens de dépendances, de fidélité personnelle

_ Perte d'influence de l'autorité publique: le pouvoir carolingien ne parvient plus à faire ressentir son
autorité. Les forces locales exerçaient donc en leur nom. Ruine de l'autorité publique et du pouvoir.

§1 La formation de liens de dépendance

Correspond précisément à la vassalité: c'est la condition dans laquelle se trouve les hommes libres
qui se lient personnellement à un maître et qui vont se subordonner à lui, appelé le seigneur à
l'époque féodale. Engagement qui implique des services de la part de ce vassal.

Mais la vassalité n'est pas qu'un phénomène social et politique, elle est complexe car elle a aussi des
prolongements économiques dans la mesure où le vassal recevra en rémunération de ses services
une contrepartie. En guise de rémunération, comme la principale source de richesse est la terre, c'est
une terre qu'on va lui concéder: elle s'appelle le bénéfice. Il est important car il crée un lien
supplémentaire entre le vassal et son maître, il y avait déjà le lien personnel déjà existant, s'ajoute
alors un lien concret.

A) La vassalité ou l'engagement personnel

Le terme de "vassalité" apparaît à la fin de l'époque franque, si le mot apparaît assez tardivement, il
recouvre une réalité qui existe déjà depuis bien longtemps. C'est un phénomène social qui se
construit durant toute la période franque, dès les mérovingiens et ce sont les carolingiens qui lui
donneront plus d'ampleur. Elle devient pratiquement un moyen de gouvernement.

1) Les précédents mérovingiens

L'origine des relations de dépendance est ancienne. Ces relations se retrouvent déjà dans la tradition
germanique, elles se traduisent de différentes manières:

_ Les 1ers signes de relation de dépendance: le compagnonnage militaire qui est au cœur de cette
culture germanique. On a évoqué le comitatus, groupe de guerriers libres qui s'engageaient auprès
du chef le plus prestigieux, qui partagent avec lui le butin de guerre.

_ Cette tradition se retrouve dans l'entourage royal avec la truste, garde personnelle du roi. Les
hommes qui la composent sont liés au roi de manière personnelle par un serment et ils s'engagent à
le servir, à le protéger.

_ Au sein de l'aristocratie avec les leudes, liés par serment aux rois mérovingiens en contre-partie de
dons, de faveurs, de privilèges.

_ On la retrouve dans le système de la paternité adoptive: le roi accepte à la cour les fils des grandes
familles franques et il les élève comme ses enfants. Ce sont ses convives, il les nourrit, il les éduque: il
existe donc des liens de dépendance très forts dont le roi se servira.

Ce phénomène, qui existe à l'origine essentiellement autour du roi, va avoir tendance à se généraliser
au bénéfice des grands. Le roi ne sera plus le seul à avoir des fidèles, à établir des liens de
dépendance. Cela est lié au contexte de l'époque, celui d'une grande insécurité. Cela concerne toutes
les couches de la société. La société franque est une société violente, s'ajoute la menace des
invasions qui reprennent aux 8ème et 9ème siècles. Face à cette insécurité, est-ce qu'il y a des sources de
protection ? L'État n'offre aucune sécurité. L'administration non plus. L'Eglise est puissante mais par
définition elle n'offre qu'une sécurité orale, un réconfort. Reste la famille, la communauté villageoise.
Partout, notamment dans les régions menacées, les plus faibles éprouvent le besoin de se placer sous
la protection des plus puissants. Celui qui s'engage, tout en restant un homme libre, recherche avant
tout protection, sécurité et subsistance. De leur côté, les puissants ont aussi besoin de fidèles, de
clients, parce que plus ils ont de fidèles, plus ils sont puissants, et accroît aussi leurs moyens d'action.
Concrètement, comment va se former ce lien de dépendance ? Il se forme à partir d'un serment de
fidélité, prêté par celui qui s'engage dans le cadre de ce qu'on appelle la recommandation (c'est la
cérémonie, l'acte), du latin "commandare": se confier. L'acte par lequel un faible s'engage, se met
sous la protection d'un plus puissant que lui. Les termes utilisés soulignent cette différence de
situation entre celui qui s'engage et celui qui le reçoit: celui qui s'engage est appelé Junior, celui qui le
reçoit est qualifié de Senior, Dominus ou Potens. Pour formaliser cet engagement, il y a des rites pour
symboliser l'engagement de l'un, qui va mettre ses mains dans celui qui le reçoit, il se donne donc à
lui, parallèlement, un serment est prononcé, il confirme sa fidélité, son dévouement, son obéissance
(forte connotation morale et religieuse) et la réception de l'autre.

2) La vassalité carolingienne

Ce phénomène social qu'est la vassalité va avoir tendance à se répandre, à concerner un nombre de


personnes de plus en plus grand. Qui va être concerné ?

Plusieurs types de personne. Cette pratique se répand dans l'entourage du roi, on voit donc
apparaître des "vassi dominici". Le roi a de plus en plus de vassaux, ils cherchent la protection du roi,
ils jouissent d'un certain prestige. En contrepartie, ils devront des services particuliers.

Les carolingiens vont également essayer d'inclure les ecclésiastiques. L'Eglise est pleinement intégrée
dans la féodalité.

On va trouver des vassaux dans l'entourage de l'aristocratie, des marquis, des comtes, des grands
propriétaires terriens et chez les grands ecclésiastiques.

Les carolingiens ne vont rien faire pour enrayer ce phénomène, ils vont délibérément le développer,
jusqu'à lui donner un caractère quasiment officiel, voire pratiquement obligatoire. Durant toute cette
période, on assiste à une progressive accentuation de la vassalité, cela suppose l'existence de
plusieurs États. En 789, Charlemagne prescrivait à tout homme libre de plus de 12 ans de lui prêter
serment. C'était surtout une fidélité négative, pour se prémunir de toute mauvaise action. Il
s'engageait à ne pas causer de tort au roi. Cette prescription est réitérée en 802, un capitulaire
prévoit que tout homme qui s'engage doit être fidèle comme on doit l'être envers son maître. C'est
un engagement peut-être plus positif que le précédent. Il n'est pas assimilable à l'engagement
vassalique mais il est plus positif que celui demandé une dizaine d'années auparavant.

En 807, l'empereur vient préciser les obligations du vassal envers son maître. On apprend que ce
vassal doit accompagner son maître à la guerre, à partir de ce moment on comprend que la vassalité
a acquis une connotation militaire.

Les choses se précisent en 813, on confirme le caractère viager (dure toute la vie du vassal).

Etape fondamentale en 847 avec un dernier capitulaire: le capitulaire de Mersen. Epoque d'insécurité
croissante, notamment à cause des Vikings, qui sont de plus en plus menaçants, ils ont pillé Rouen,
Nantes, Toulouse, Paris en 845 est également mise à sac. Les musulmans sont aussi menaçants, ils
dévastent la Provence, la Vallée du Rhône. En 847, les 3 fils de Louis le Pieu, à l'occasion du partage
de Verdun en 843, se retrouvent à Mersen en 847 pour tenter de trouver une solution contre les
envahisseurs. C'est à cette occasion que Charles le Chauve va adopter ce capitulaire, le roi conseille
vivement à tout homme libre d'entrer en vassalité. Le but est de créer un tissu de fidélité qui puisse
jouer en cas d'agressions extérieures. On espère que ces relations personnelles vont jouer et qu'elles
permettront une meilleure défense du territoire. Mais ce n'est pas une obligation absolue, certains
continueront à vivre isolément. Mais la plupart vont suivre les prescriptions de ces capitulaires.

Parallèlement, le cérémonial a tendance à se préciser de même que les obligations réciproques qui
en découlent. Pour ce qui est du cérémonial, sous les mérovingiens on parlait de recommandation, là
on parlera d'hommage, terme de l'époque carolingienne. L'hommage est la cérémonie par laquelle le
vassal vient se placer sous l'autorité d'un seigneur. Au cours de cette cérémonie, la remise des mains
devient la règle (existait déjà sous les mérovingiens), elle symbolise l'entrée en vasselage. Le vassal
explique sa volonté, ce qu'il entend par cet engagement. Cette déclaration est renforcée par un
certain caractère religieux, le serment se prête désormais sur l'évangile. Ce n'est pas seulement un
engagement, mais une promesse devant Dieu.

En ce qui concerne les obligations réciproques:

_ Pour le vassal, la fidélité demeure, à la fois négative et surtout positive, faite de respect, de
dévouement. Ce qui change est le service que le vassal doit à son seigneur. Sous les mérovingiens, il
était de nature domestique. Désormais, il revêt un caractère militaire. Début 9ème, il l'acquiert,
l'assistance militaire devient la raison essentielle pour laquelle un seigneur cherche à acquérir des
vassaux. Il espère avoir autour de lui des hommes qui vont l'aider à faire la guerre aux voisins. A partir
de ce moment, le terme "vassal" change de sens, avant quasiment "serviteur", maintenant synonyme
de "soldat". C'est un soldat d'élite.

_ Pour le seigneur, il doit toujours protéger son vassal, lui rendre justice et subvenir à ses besoins, en
l'entretenant directement à son domicile. Mais de plus en plus, le seigneur va avoir tendance à
installer le vassal sur une terre qui va lui permettre de vivre avec sa famille. Mais ce que vise le
seigneur est surtout que cette terre que fera exploiter le vassal, fournisse suffisamment de revenus
pour que le vassal remplisse bien sa fonction militaire, pour qu'il ait des chevaux, une armure, des
armes. Cet équipement coûte de plus en plus cher étant donné que la cavalerie se développe. Le
seigneur chase son vassal sur un bénéfice (terre).

Pourquoi les carolingiens ont développé de la sorte la vassalité ?

Pour eux, la vassalité est pratiquement une solution de gouvernement: ils se rendent compte qu'ils
peuvent difficilement enrayer ce phénomène social. Ils vont donc décider de l'utiliser à leur profit. Ils
vont essayer de récupérer cette pratique sociale pour en faire un frein à la dislocation de l'État.
L'administration locale donne parfois des signes de faiblesse, d'indépendance excessive. Face à un
pouvoir royal qui s'affaiblit, les comtes, marquis etc. ont de plus en plus de pouvoir, ils exercent leurs
fonctions dans leur propre compte. Ils n'avaient plus d'autorité sur l'administration. Ils ont essayé de
la renforcer en la doublant d'un tissu de fidélité, d'une hiérarchie nouvelle, une pyramide de relations
personnelles au sommet de laquelle se trouvera le roi. C'est pour ça qu'ils ont systématisé la
vassalité, car à leurs yeux cette pratique sociale présente des avantages. 3 avantages:
· Elle présente un avantage administratif: la vassalité sert à palier l'insuffisance à la fois
quantitative et qualitative de l'administration traditionnelle. Quantitative: il n'y a pas assez de
fonctionnaires locaux ; qualitative: même s'il y en a assez, ils ne sont pas suffisamment fidèles.

· Elle présente aussi un avantage sociopolitique, car elle a pour effet d'inscrire l'ensemble de la
société dans une sorte de pyramide dont le roi sera le sommet et donc le bénéficiaire.

· Elle présente un avantage militaire, ce tissu de relations personnelles accélèrera la


mobilisation.

La vassalité présente des avantages, elle peut apparaître comme une solution pour consolider la
société, l'administration, le pouvoir. Seulement, une telle pratique est risquée, car elle présente aussi
des inconvénients majeurs. 2 inconvénients:

· La contractualisation du pouvoir: la nature du pouvoir a changé. Avant que cette pratique ne se


répande, l'autorité publique était fondée sur la notion d'État, sur la puissance qu'exerçait un chef
d'État sur ses fonctionnaires. Désormais, ce n'est plus qu'une relation de nature publique,
contractuelle, elle est fondée sur des relations personnelles. Toujours la même idée de
personnalisation du pouvoir. L'obéissance des individus n'est pas liée au fait que le roi est souverain,
mais au fait qu'il est seigneur. On lui obéit parce qu'on a avec lui des liens particuliers. S'il n'y a pas de
lien entre les personnes ou si le roi est faible, le subordonné oubliera d'obéir.

· La médiatisation du pouvoir: désormais, entre le roi et ses sujets, il existe un obstacle, un filtre
formé par les vassaux du roi. La médiatisation signifie que le pouvoir ne s'exerce plus de manière
immédiate, il est médiatisé: il s'exerce par l'intermédiaire de multiples vassaux, de seigneurs qui
auront eux-mêmes leurs vassaux. Les carolingiens finissent par accélérer ce qu'ils voulaient éviter.
Leurs subordonnés ont eux-mêmes des subordonnés. Ca peut fonctionner tant que le roi est
puissant, on obéit d'un niveau à l'autre. S'il est faible, les vassaux vont s'émanciper, mais ils vont aussi
entraîner derrière eux leurs propres vassaux. Ce système ne fonctionne que si le sommet de la
pyramide est solide. La médiatisation fait courir au roi un risque considérable.

B) Le bénéfice, lien réel

Etymologiquement, le bénéfice est un bienfait, une libéralité accordée par le roi, un cadeau qu'il fait à
ses fidèles, c'est une pratique qui s'inscrit dans la générosité des rois francs. Très vite, cette pratique
va être intégrée par la vassalité dans la mesure où on considère que l'homme qui sert un maître
mérite une récompense. Or, il est parfois difficile d'entretenir le vassal au domicile du seigneur, le
bénéfice apparaît donc comme la solution la plus commode pour servir de compensation aux services
du vassal. On fait le chois de la chaser sur une terre. Rapidement, le bénéfice devient le mode
ordinaire de rémunération du vassal, indissociable de la vassalité: le chasement du vassal devient la
règle au 9ème siècle. Le bénéfice est cette concession de terre faite par un seigneur à son vassal pour
le rémunérer de ses services.
Le bénéfice va devenir la raison essentielle de l'engagement du vassal. Pourquoi un vassal cherchera-
t-il un seigneur ? Il s'engage pour obtenir un bénéfice. Sans promesse de la part du seigneur de lui
concéder un bénéfice, il hésitera à s'engager.

La situation juridique des 2 protagonistes est particulière:

_ Dans la concession du bénéfice, le seigneur ne se dépouille pas totalement de la terre. Il peut en


principe la récupérer à la mort du vassal parce que le lien entre les 2 hommes est personnel. La mort
du vassal rompt le lien personnel, donc le lien matériel est rompu aussi. Même du vivant du vassal,
s'il ne respecte pas ses obligations, le seigneur peut logiquement lui reprendre le bénéfice. C'est la
condition d'engagement du vassal mais aussi la sanction du lien vassalique. Risque d'arbitraire du
seigneur. Pour éviter cela, les vassaux vont obtenir des garanties, notamment que le seigneur ne
puisse pas confisquer les bénéfices si cela n'a pas été décidé par les autres vassaux. On appelle ça un
jugement par les pairs (situation de parité entre le vassal fautif et les autres vassaux).

_ Pour la situation juridique du vassal, elle va avoir tendance à se renforcer. Initialement, le vassal a
simplement un droit de jouissance du bénéfice, un droit d'usufruit, mais pas plus. Le vassal ne pourra
pas détériorer la terre qui lui a été concédée, car elle ne lui appartient pas. Il ne peut pas non plus
l'aliéné, ne peut pas le léguer, le louer. Assez vite, on change d'avis. Le vassal qui vit sur cette terre,
qui en assure la défense, qui fait exploiter la terre, la met en valeur, la bonifie par le travail de ses
paysans. Ce vassal va pouvoir la transmettre à son fils. Le fils deviendra lui-même le vassal du
seigneur de son père. Ce sont des intérêts économiques, familiaux, qu'on s'oriente vers le principe
d'hérédité du bénéfice. Elle est acquise dès la fin du 9ème.

§2 La ruine de l'autorité publique et la dispersion du pouvoir

Parallèlement à l'affaiblissement du pouvoir central, les grands vont se rendre de plus en plus
indépendants, et parmi eux, les comtes vont profiter du déclin de l'autorité royale pour s'approprier
des fonctions publiques et aussi pour s'enraciner dans le pagus. Pour essayer de concurrencer les
comtes, les rois francs avaient eu recours au système des immunités. Mais à partir du 9ème, les
immunités commencent elles aussi à échapper au pouvoir. L'émancipation des comtes et celle des
immunistes d'autre part, qui ont tendance aussi à s'émanciper.

A) Les comtes et l'appropriation du pouvoir public

Ces comtes sont des fonctionnaires royaux avec de larges prérogatives, mais ils vont en abuser dès
que le pouvoir donne des signes de faiblesse, ils en profitent pour renforcer leur pouvoir et mieux
s'enraciner dans leur pagus. On les voit rendre leurs fonctions inamovibles et finalement héréditaires.

_ Obtenir l'inamovibilité: ils sont indéplaçables. En principe, la fonction était temporaire et il était
révocable. Dès la fin de l'époque mérovingienne, certains comtes réclament des fonctions viagères
pour exercer leurs fonctions dans le même pagus jusqu'à leur mort. L'aristocratie fait aussi pression
dans ce sens. Elle réclame qu'un comte puisse se maintenir dans son pagus pour la durée de sa vie, le
roi finit par céder. Charles le Chauve adopte un capitulaire de Coulaimes en 843, il s'engage à ne pas
destituer un comte sans de justes motifs. A partir de ce moment, il suffit qu'un comte s'abstienne de
commettre des actes répréhensibles, de manifester trop d'indépendance, pour éviter d'être révoquer.
C'est à lui de décider ou pas s'il risque d'être révoqué. Dès le milieu du 9ème, l'inamovibilité des
fonctions comtales est désormais acquise.

_ Reconnaissance de l'hérédité des fonctions comtales. Depuis quelques dizaines d'année, de plus en
plus on a tendance à considérer la fonction du comte comme un bien qui est entré dans son
patrimoine. Son titulaire est désormais inamovible, il a tendance à considère que cette fonction lui
appartient et qu'il peut la léguer à son héritier. Le roi, à la mort d'un comte, va avoir tendance à
confier à son fils la fonction de son père. La pratique a lieu, lorsque celle-ci est confirmée par un
capitulaire Quierzy-sur-Oise en 877. Il va avoir des conséquences extrêmement importantes. Le roi
est sur le point d'entreprendre une campagne militaire en Italie, il part accompagné de ses vassaux.
Or, tous les comtes sont vassaux du roi. Le risque est de voir plusieurs comtes mourir. Le roi admet
que si un comte vient à mourir lors de l'expédition, il sera remplacé provisoirement par son fils à la
tête du pagus. Lorsque le roi reviendra, il le maintiendra ou pas. Principe d'hérédité qui va s'imposer.
Dès le début du 10ème, l'hérédité des fonctions comtales est admise.

Le comte s'est approprié ses fonctions, elles sont entrées dans son patrimoine, ils les exercent en son
nom, il peut les transmettre à ses héritiers: on parle de dynastie comtale, idem pour les ducs ou les
marquis, qui exercent leur contrôle sur des territoires parfois assez vastes, on les appelle des
principautés territoriales. Ces morcellements donneront naissance aux seigneuries. Mais certaines
n'ont pas pour origine le pagus, mais les immunités, qui elles aussi vont connaître un développement
parallèle.

B) L'évolution des immunités

A l'époque franque, l'immunité est un privilège accordé par le roi à un grand propriétaire, souvent un
ecclésiastique, et cela interdit au comte de pénétrer sur les terres de l'immuniste.

Plusieurs raisons:

_ Constituer des enclaves échappant à l'autorité du comte, pour limiter son pouvoir.

_ Elles sont accordées en général aux ecclésiastiques, qui en principe n'ont pas d'enfant. Donc
l'immunité n'est pas menacée par l'hérédité.

_ L'immunité est un moyen de gratifier l'Eglise, qui n'a jamais cessé de soutenir le pouvoir, elle traduit
la bienveillance du pouvoir royal notamment envers les églises locales.
_ Ca correspond bien à l'état d'esprit du moment, où on a tendance à privilégier les liens personnels,
de fidélité. Ils vont s'établir entre le roi et l'immuniste.

Seulement, comme le comte ne peut pas gérer ce domaine, il faut qu'une administration parallèle
soit propre à l'immunité pour remplacer l'administration comtale. L'immuniste, qui à l'origine n'est
pas un fonctionnaire, va quand même bénéficier de prérogatives de puissance publique:

_ Prérogatives judiciaires: le comte ne peut pas juger les ressortissants de l'immunité. Il y aura un
tribunal sur le modèle des juridictions comtales.

_ Attributions fiscales principalement: l'immuniste lèvera les impôts, prélèvera les taxes, les amendes
et les reversera au trésor royal.

_ Attributions militaires: l'immuniste commandera des troupes levées au sein de l'immunité.

En même temps que les carolingiens font de l'immunité un rouage supplémentaire, la condition de
l'immuniste se précise:

_ L'immuniste est logiquement protégé de l'incursion des comtes, qui ne les respectent pas toujours.

_ L'immuniste est aussi responsable devant le roi, d'autant qu'on lui a confié des prérogatives de
puissance publique, et susceptible d'être sanctionné.

_ L'immuniste est assisté pour pouvoir répondre à toutes ses fonctions, pour remplir les prérogatives.
Il va disposer d'un appareil administratif embryonnaire, calqué sur celui du comte. Le comte est un
laïc, l'immuniste un ecclésiastique, ainsi il ne peut pas remplir certaines attributions, les militaires, il
ne doit pas combattre ni verser le sang. Il aura besoin d'un auxiliaire qui le remplace dans les
fonctions qu'il ne peut pas exercer. On l'appelle l'avoué, qui sera un laïc. Les évêques, qui exercent les
mêmes prérogatives, ne peuvent pas porter les armes, un agent, le vidame, les remplacera dans les
fonctions qu'ils ne peuvent pas remplir.

Les immunités vont suivre le mouvement général d'émancipation. A partir du moment où le pouvoir
du roi s'affaiblit, l'immuniste va s'émanciper jusqu'à la rupture des liens avec le roi. Il va sanctionner
de plus en plus dans son intérêt au détriment de l'intérêt général, il oublie qu'il agit pour le compte
du roi. La situation peut évoluer de 2 manières différentes:

_ Soit il est suffisamment puissant pour se maintenir au pouvoir, pour gouverner en son nom propre:
l'immunité se transforme en seigneurie ecclésiastique.

_ Soit il n'est pas assez puissant et un laïc prend le pouvoir, ce peut être l'avoué, un voisin, un duc, un
marquis voisin: l'immunité devient alors une seigneurie laïque.

Quoiqu'il en soit, on assiste à une dispersion du pouvoir, qui fait que celui-ci n'est plus exercé qu'à
l'échelon local, il n'y a plus de pouvoir central à proprement parler.

Section 2: Seigneurie et féodalité


Dans ce contexte, c'est désormais au niveau local que la réalité du pouvoir s'exerce. On assiste à un
phénomène de décentralisation extrême du pouvoir. Cette seigneurie est quasiment indépendante, le
pouvoir est personnel et totalement indépendant. Mais on assiste aussi à un phénomène de
cloisonnement. La société féodale est close, la seigneurie se suffit à elle-même et est coupée de ce
qui se passe à côté. C'est en même temps un monde très ordonné, hiérarchisé. Le meilleur exemple
est fourni par les relations entre les seigneurs et les vassaux: le système féodo-vassalique.

§1 La seigneurie

Elément fondamental du système: le Moyen-âge est l'âge de la seigneurie car c'est le cœur du
problème à nouvelle forme de pouvoir et nouveau cadre social. C'est là que le pouvoir se trouve, que
la réalité sociale se vit. C'est à la fois une cellule politique et une cellule sociale, ce qui rend complexe
sa définition. Les deux éléments sont à prendre en considération.

La seigneurie c'est d'abord un territoire sur lequel un seigneur exerce des prérogatives de puissance
publique, au besoin de manière violente. Ce seigneur est appelé de différentes manières: seigneur
territorial parce qu'il domine un territoire, seigneur banal parce qu'il exerce toutes les prérogatives au
pouvoir de ban des anciens fonctionnaires carolingiens ou encore seigneur justicier parce qu'il rend la
justice et parce que c'est la prérogative la plus importante.

Mais la seigneurie c'est aussi un ensemble de terres et d'hommes, tous deux exploités par le
seigneur. On le qualifie volontiers de seigneur foncier, qui détient le pouvoir économique, qui exerce
une autorité sur le sol et sur ceux qui l'exploitent.

A) La formation des seigneuries

L'apparition de ces unités territoriales pratiquement indépendantes ne se fait pas de manière


brutale, c'est une formation progressive qui débute fin 9ème et qui se poursuit pendant le 10ème
jusqu'au 11ème siècle. Elle se déroule schématiquement en 2 étapes:

_ Morcellement territorial qui aboutit à de grandes principautés territoriales au cours du 10ème siècle

_ Morcellement qui donne naissance aux seigneuries

1) Le morcellement territorial
L'idée de partager le territoire n'est pas neuve (traité de Verdun). Il existait déjà sous les carolingiens
des parties du royaume relativement indépendantes: système des marches, mise en place de marquis
qui supervisaient plusieurs comtés, surtout pour la défense des frontières. C'était des entités
relativement indépendantes, qu'on rencontrait notamment dans le sud-ouest, mais ailleurs aussi
(Normandie, Ile-de-France…). Plusieurs facteurs ont favorisé ces divisions, 3 facteurs au moins:

_ Un facteur ethniques: malgré la fusion des races qui a commencé en même temps que les
invasions, certains peuples ont moins fusionné que d'autres, les Burgondes, les Basques. Le facteur
ethnique va jouer, c'est un facteur d'éclatement du royaume.

_ Un facteur économique: étant donné le contexte, notamment les invasions, l'activité économique
est limitée à des échanges locaux. On assiste à un cloisonnement de l'économie autour de quelques
centres isolés: économie très particulariste. Cause aussi de division.

_ Un facteur politique: c'est la désagrégation du pouvoir royal qui a favorisé l'émergence des pouvoirs
locaux, surtout à la périphérie du royaume. Plus on est loin du centre, plus on est loin du roi
carolingien, plus on se sent indépendant. Ces pouvoirs locaux vont s'affirmer d'autant plus
facilement. Ces comtes et marquis se comportent comme des seigneurs locaux, ils transmettent leur
fonction à leurs héritiers, s'installent des dynasties comtales et de marquis. Ils ont toutes les
prérogatives propres au seigneur.

En raison de ces multiples facteurs se sont formées ces principautés territoriales: vastes ensembles
territoriaux autonomes sur lesquels un puissant, un prince, exerce l'autorité qui appartenait jadis au
roi, notamment le pouvoir de ban. Elles apparaissent surtout dans les régions périphériques, en
Flandre, en Bourgogne, dans le Nord-est… Ces principautés territoriales vont être elles-mêmes
victimes des forces centrifuges qui leur ont donné naissance, qui vont morceler ces principautés et
donné naissance à des entités plus petites, qui sont les seigneuries.

2) L'apparition des seigneuries

Dès le 10ème et jusqu'au 11ème, certaines principautés territoriales vont à leur tour se fractionner.
Certaines principautés résistent, c'est le cas de la Normandie, ses frontières sont fixées au 10ème
siècle, et le duc évite l'éclatement de son duché. Mais le morcellement se poursuit, on dit qu'il y a des
poussières de seigneuries. Quelles sont les raisons de ce fractionnement ?

_ Raison politique: ces principautés sont souvent très vastes, et donc fragiles. Le pouvoir du puissant
a donc du mal à s'imposer. Les seigneurs locaux vont avoir la même attitude vis-à-vis du principe
territorial que celle qu'il avait eu vis-à-vis du roi. Ce mouvement a tendance parfois à se poursuivre, le
comté lui-même va parfois se désagréger. Certains comtes parviennent à maintenir la cohésion de
leur pagus. D'autres voient un autre réussir à s'emparer du pouvoir sur un territoire qui sera une
partie du comté.

_ Raison économique: économie renfermée sur elle-même.

_ Raison d'insécurité: elle a deux sources essentielles:


· Le long des fleuves, les raids des envahisseurs se poursuivent, les Normands, les Slaves, les
Sarazins (arabes). Mais cela s'arrête. Les Vikings cessent de menacer les régions au nord de la Loire au
début du 10ème, dans le Midi, notamment dans le Var, les Sarazins sont exterminés à la fin du 10ème.
Mais jusqu'à ce moment, l'insécurité est un facteur qui joue.

· A l'intérieur du pays, ce sont les rivalités, les conflits qui existent entre les puissants. Ce sont de
véritables guerres qu'entretiennent entre eux ces potentats locaux. Ce sont des guerres privées,
distinctes des guerres menées par l'autorité publique. Au Moyen-âge, la guerre est considérée
comme un moyen normal pour laver une injure, pour faire triompher son droit. Un puissant a le droit
de recourir à la guerre lorsqu'il se sent menacé. Ce droit est quasiment illimité. Mais ces guerres ne
concernent pas seulement des individus isolés. Chacun des antagonistes va entraîner sa famille, son
lignage et tous ceux qui sont liés par des liens vassaliques, pour ça que les seigneurs veulent de plus
en plus de vassaux. La puissance des seigneurs locaux va donc s'accroître, plus ils sont puissants, plus
ils contestent le prince territorial et par conséquent, faire éclater la principauté.

Permet l'apparition des seigneuries. Il faut expliquer aussi que les seigneuries prennent naissance
autour de pôles, de points d'appui, de centres d'attraction autour desquels elles vont se constituer.
Deux types de centres d'attraction:

_ Les établissements ecclésiastiques: essentiellement des abbayes, des monastères, qui avaient
bénéficié d'immunités, on y exerçait déjà des prérogatives de puissance publique. L'abbé en exerçait
directement soit par l'intermédiaire d'un avoué. Mais ils étaient devenus aussi des centres
administratifs, des centres de vie économique. Les abbayes sont propriétaire de domaines fonciers
considérables, plusieurs centaines de paysans y travaillent, y vivent, constituent parfois un village
autour du monastère ou de l'abbaye. Certains de ces établissements commencent à être fortifiés. Ils
offrent donc une certaine protection, une certaine défense. Parallèlement, les évêques qui exercent
une fonction administrative se sont émancipés, et la cité épiscopale où ils vivent connaît parfois la
même évolution que les établissements ecclésiastiques. Elle devient un centre de vie, un centre
économique. Ces phénomènes vont donner naissance à des seigneuries ecclésiastiques, le seigneur
est un ecclésiastique, mais elles ne sont pas différentes des autres.

_ Les châteaux: c'est le véritable point d'ancrage de la féodalité. Multiplication des châteaux a permis
à la féodalité de se généraliser. Ce phénomène d'enchatellement est un phénomène complexe car il
recouvre deux réalités parallèles:

· Une vague de privatisation des forteresses publiques: des châteaux existaient depuis toujours,
y compris à l'époque carolingienne. Des forteresses étaient aménagées à partir de vieilles enceintes,
et de nouveaux étaient construits. Mais le droit de construire et de fortifier était une prérogative
royale. La garde de ces châteaux était logiquement confiée par le roi au comte, au duc ou au marquis,
puisque ces édifices leur permettaient d'exercer leurs fonctions militaires. Ces agents, lorsqu'ils
étaient chargés de la garde d'un château, étaient appelés des châtelains. Avec le mouvement
d'émancipation, on assiste à une appropriation de leur part des moyens qu'ils utilisaient, donc des
châteaux. Ils s'en emparent, ils s'approprient des moyens de défense du territoire, et c'était
particulièrement utile lors des guerres privées. Ils utilisent ces forteresses pour leur intérêt privé,
pour faire la guerre aux voisins. C'est ce phénomène qu'on appelle privatisation des forteresses
publiques puisque qu'elles sont utilisées dans l'intérêt d'une personne en particulier.
· Une vague de construction de forteresses privées de la part de puissants locaux. Sauf qu'ils ne
le font pas pour le compte du roi mais en leur propre intérêt, d'où le qualificatif de "privé". C'est un
avoué, un propriétaire foncier, qui construit un château. Tous ceux qui en ont les moyens et en
ressentent le besoin font construire des châteaux. Tous les anciens agents royaux, les puissants
locaux, les grands propriétaires émancipés, peuvent construire un château. Fin 10ème début 11ème, de
très nombreux châteaux sont construits. Au départ, ce sont des édifices assez sommaires, puis petit à
petit ils se perfectionnent: pour les incendies, on abandonne le bois pour la pierre, plus important et
solide, la garnison devient de plus en plus importante. Les seigneuries vont se constituer autour des
châteaux: les seigneuries châtelaines, ou plus précisément des châtellenies. C'est le modèle le plus
répandu. Cette châtellenie devient le centre de vie sociale et économique de la seigneurie, c'est là
que le châtelain va exercer tous ses pouvoirs judiciaires, militaires, économiques.

B) L'organisation de la seigneurie

Le pouvoir seigneurial va s'exercer partout de la même manière, il est calqué sur l'ancien pouvoir du
roi. Il est une émanation du pouvoir du roi sauf qu'il s'exerce sur un territoire plus petit. De quoi
découle-t-il ?

C'est assez simple: le seigneur a conservé l'ancien pouvoir de ban que ses ancêtres détenaient en tant
qu'agents royaux. Il est l'héritier du pouvoir de ses ancêtres, sauf qu'ils étaient fonctionnaires, alors
qu'il l'a usurpé. Il est de nature publique mais il l'a privatisé. C'est pour cela qu'on parle de seigneurie
banale, car le seigneur y exerce tous les attributs du pouvoir public. La différence: toutes les
prérogatives exercées par ce seigneur banal sont usurpées. Il exerce une autorité qui n'est pas
légitime. Certains auteurs parlent de terrorisme seigneurial.

Le seigneur n'est pas seulement banal. Le seigneur est aussi un propriétaire foncier. Au sein de la
seigneurie, il y a aussi cette dimension économique: on parle d'ailleurs de seigneuries foncières. Le
seigneur exploite sa seigneurie comme n'importe quel propriétaire privé.

1) L'organisation militaire

Dans le contexte d'insécurité de l'époque, c'est une fonction essentielle. Le seigneur est pas
nécessité un chef de guerre, qu'il s'agisse de défendre la seigneurie ou de lancer des opérations
offensives sur un voisin, le seigneur est souvent en guerre. Il ne la fait pas seul, il dispose d'une armée
réduite: quelques centaines tout au plus. Un grand prince territorial de Normandie dispose de 700 à
800 cavaliers. Pour la constituer il dispose de 2 moyens:

_ En tant que seigneur féodal, il dispose de vassaux. L'obligation essentielle du vassal est d'aider
militairement son seigneur. Elle est ici de nature privée, contractuelle. Elle découle de l'engagement
du vassal, de la contrepartie que lui accorde le seigneur, en général le bénéfice.
_ Lorsque celui-ci agit en tant que seigneur banal, détenteur du pouvoir de ban, le seigneur va
pouvoir demander aux habitants de la seigneurie un service de nature militaire. La différence étant
que da la part des habitants de la seigneurie, c'est une obligation de nature publique car elle est liée
au pouvoir de ban. Elle répond aux ordres qu'il donne en vertu de son pouvoir de ban. Le seigneur
peut les réquisitionner pour des opérations offensives, mais c'est peu efficace: les habitants n'ont pas
beaucoup de moyens et ne seront que de simples fantassins, pas aptes à se battre. Le plus souvent, il
va leur demander de construire des fortifications, de monter la garde, de transporter du matériel, des
vivres, des armes, ils ne se battent qu'exceptionnellement. De manière générale, les habitants de la
seigneurie vont transformer le service militaire par le paiement de taxes. C'est relativement
intéressant pour le seigneur, car avec l'argent il pourra avoir recours à des soldats professionnels ou
des mercenaires, beaucoup plus efficaces.

2) L'organisation judiciaire

Cette organisation est complexe. En tant que titulaire du pouvoir de ban, le seigneur rend aussi la
justice, on le qualifie de seigneur justicier. Cette prérogative judiciaire est très importante. Or, cette
justice que rend le seigneur au sein de la seigneurie est d'origine publique. Elle est liée à l'usurpation
de prérogatives de puissance publique. Elle remonte aux rois carolingiens, aux fonctionnaires
carolingiens. Par usurpations successives, elle est tombée aux mains des seigneurs. On la qualifie de
justice banale et aussi de justice seigneuriale. Cette justice est d'origine publique et s'applique à tous
les habitants de la seigneurie: aux roturiers, aux serfs et de manière général à tous ceux qui résident
sur le territoire de la seigneurie, et même aux étrangers.

Quelles juridictions le seigneur va-t-il utiliser ? On va trouver un tribunal seigneurial, qui s'est
substitué au tribunal comtal de l'époque franque. On peut dire que ce tribunal est une cour
coutumière, présidée par le seigneur bien que celui-ci ait tendance à se faire remplacer par des
juristes. Le seigneur est un homme de guerre, la justice ne l'intéresse guère. Mais tous les seigneurs
ne sont pas dans la même situation au regard de la justice. Certains ont de plus larges compétences
que d'autres, certains ont une compétence totale: les seigneurs haut-justiciers, alors que d'autres ont
des compétences moindre, ils n'exercent que la basse-justice. C'est lié au morcellement territorial et
à la dispersion des prérogatives de puissance publique. Plus la puissance est importante, plus il y a de
chances que le seigneur soit haut-justicier: compétent pour juger les affaires les plus graves, donc
toutes les affaires. En matière pénale, le seigneur va juger tous les crimes: on appelle cette justice la
justice de sang. Elle permet au seigneur de juger les affaires dans lesquelles on a fait couler le sang,
mais aussi une justice où le seigneur pourra faire couler le sang. Inversement, certains seigneurs
moins importants ne sont pas allés aussi loin dans l'appropriation de la puissance publique. Ils
n'auront qu'une compétence de basse justice, ils ne jugeront que les affaires mineures, dont est
exclue la peine capitale. Entre Haute et basse justice il n'y a pas de hiérarchie. Quelqu'un qui n'est pas
satisfait de la décision d'un bas-justicier ne pourra pas faire appel devant un haut-justicier. La
procédure est très archaïque, elle est orale, le système de preuves est plutôt irrationnel, il n'y a pas
d'appel, mais elle a recours en revanche à des peines extrêmement sévère. La justice pour le seigneur
est un devoir, il doit la rendre et il le fait volontiers car c'est une manière de monter à quel point il est
puissant. Mais c'est aussi un pouvoir lucratif, la justice rapporte, il y a des amendes, des confiscations
de biens.
3) L'organisation économique et financière

Cette organisation économique procure des ressources au seigneur, il exploite la seigneurie et elles
auront un caractère patrimonial. Elles lui appartiendront personnellement et assureront ses dépenses
personnelles. Mais ces ressources, le seigneur les acquiert à un double titre:

_ En tant que chef économique, que seigneur foncier, en tant qu'exploitant de la seigneurie: le
seigneur considère que la seigneurie est une exploitation, c'est un vaste domaine agricole organisé
selon un système particulier. Mais le seigneur est le vrai chef de la seigneurie économique. Les terres
de la seigneurie sont réparties de manière assez particulière, sur la base d'un régime juridique qui
distingue ce qu'on appelle le domaine retenu du seigneur du domaine qu'il va concéder à des êtres
humains.

· Le domaine retenu est ce qu'il ne concède par à d'autres, il se réserve cette partie du territoire:
on l'appelle donc la réserve seigneuriale. Ce sont les terres que le seigneur se réserve. En font parties
le château, les meilleures terres agricoles qu'il fait exploiter par les serfs (ne sont pas des esclaves
mais ont beaucoup d'incapacités) mais aussi par des roturiers. Ces terres sont exploitées moyennant
des corvées: périodes de travail que doivent fournir les serfs et les roturiers sans rémunérations. La
coutume a fixé des corvées de labour, de transport…

· Le domaine concédé regroupe toutes les terres que le seigneur va concéder à des exploitants.
On appelle les terres concédées des tenures. Il y a plusieurs types de tenures, en l'occurrence elles
sont roturières, car elles sont concédées à des paysans, synonyme de tenures économiques, car elles
sont concédées à des fins économiques, pour que le tenancier l'exploite, pour en tirer des revenus.
En échange, il verse au seigneur une redevance.

· Terres communes, les terres les plus pauvres: les landes, les taillis, les forêts, utilisées en
commun par les habitants pour faire paitre les troupeaux, pour la cueillette.

_ Mais aussi en tant que chef politique, en tant que détenteur du pouvoir de ban: le seigneur va
exercer des prérogatives en vertu de ce pouvoir de ban. On voit le seigneur en vertu de son pouvoir
de contraindre, organiser la vie économique de la seigneurie, il exerce un pouvoir réglementaire, de
police rurale, il organise la vie commerciale, économique, il autorise les marchés, les foires, il contrôle
les poids et les mesures. En vertu de ce même pouvoir, il tire certains revenus que procure l'activité
économique, ce sont des péages, perçus sur la circulation des marchandises. Pour emprunter un pont
pour faire passer les marchandises, on doit payer un péage. Egalement, les banalités, qui sont des
redevances exigées par le seigneur banal, pour l'utilisation de la part des habitants de la seigneurie
de bâtiments ou d'instruments qu'il est le seul à détenir. Au sein de la seigneurie, le seigneur fait
construire un moulin, il détient un monopole dessus. Tous les habitants devront, s'ils veulent faire
moudre leurs grains, se rendre au moulin banal. La banalité est à la fois la redevance perçue et le
monopole qu'il exerce.

_ Il perçoit des taxes, des impôts. La fiscalité est l'expression la plus parfaite du pouvoir banal. La
taille est l'exaction seigneuriale par excellence, perçue en vertu du pouvoir de ban sur l'ensemble des
habitants de la seigneurie. La taille est exceptionnelle mais par la suite son montant va être fixé et
elle devient régulière. Au départ, elle pouvait être payée en nature, mais elle devient payable en
argent.

La seigneurie est une structure politique indépendante, en tout cas du pouvoir central, tellement
l'autorité publique est affaiblie. Mais des liens de dépendance de nature contractuelle se sont
développés. Ces seigneurs vont être aussi intégrés à un système dans lequel ils seront étroitement
liés à d'autres: le système féodo-vassalique.

§2 Le système féodo-vassalique

Ce seigneur qui est en même temps un seigneur banal et un seigneur foncier, est en même temps
seigneur féodal: c'est un seigneur qui aura des vassaux mais qui sera lui-même liée par un lien de
fidélité à un plus puissant que lui. C'est un phénomène extrêmement répandue. A l'échelle
européenne, toute la société des puissants est concernée par le développement de ces liens de
vassalité, appelés à présent des liens féodo-vassaliques. On va voir comment ils se forment, quels
sont leurs effets et qu'est-ce qu'il se passe s'ils ne sont pas respectés.

A) La formation du lien féodal

Elle est calquée sur la formation des liens vassaliques de l'époque carolingienne. A la différence près
que la procédure est beaucoup plus élaborée. On retrouve quand même les 2 éléments indissociables
qui créent le lien féodal: le lien personnel (fondé sur l'hommage) et le lien réel (réalisé par la
concession de terres, appelées un fief, élément essentiel, il devient la cause et la condition de
l'engagement personnel du vassal).

1) Le lien personnel: l'hommage

Hommage: acte par lequel le vassal se place sous la dépendance du seigneur féodal. Il se situe bien
dans le prolongement. Le rituel s'est précisé. L'hommage est porté, le vassal porte l'hommage à son
seigneur. C'est le vassal qui va se déplacer à la résidence du seigneur, au château en général. La
cérémonie aura lieu dans un lieu public (château, église) en présence d'une assistance nombreuse,
les principales personnalités de la seigneurie sont présentes. Justement, c'est l'époque aussi où le
rituel se précise, les déclarations verbales des protagonistes: solennité, formalisme du rituel sont
importants car pas encore de recours à l'écrit. Il faut garder mémoire des évènements. Ce n'est que
par la suite que l'écrit fera son apparition, on commencera à rédiger des actes mais seulement fin
11ème siècle. Mais avant on était très attachés aux rites et à la forme de la cérémonie.

1ère phase: l'hommage proprement dit, symbolisé par la dation des mains.

2ème: le serment appelé la foi.

Hommage et foi sont inséparables: le vassal porte foi et hommage. Les deux se succèdent, mais ces 2
phénomènes sont liés.

· L'hommage:

Il comprend 3 étapes:

_ La dation des mains ou la jonction des mains. Le rituel s'est précisé, le vassal s'agenouille, tête nue,
sans arme. Signe de soumission et il va mettre ses mains dans celles du seigneur et rester debout
devant lui. Cela symbolise la remise de sa personne entière. Lorsque le seigneur referme ses mains
sur celles du vassal, c'est une manière de montrer qu'il accepte l'homme qui se donne à lui.

_ On ajoute des paroles à ces gestes: déclaration de volonté. Le vassal dit au seigneur qu'il devient
son homme et le seigneur lui répond qu'il l'accepte: je vous reçois.

_ Baiser de paix échangé entre les 2 hommes. Technique assez répandu pour sceller le contrat qui
s'établit entre eux. Ce geste souligne aussi le lien personnel qui unit les 2 protagonistes. Ca montre
aussi qu'ils sont sur un pied d'égalité. Ce sont deux hommes libres, bien que l'un est plus faible
l'autre. Assez complexe: on a beaucoup discuté sur les situations respectives du vassal et du seigneur.
On a conclue qu'il existait entre une "hiérarchie d'égaux".

· Le serment:

Etape apparue à l'époque carolingienne. Déjà le serment venait renforcer la promesse, l'engagement
du vassal par un appel à Dieu. Même rituel de l'hommage qui se poursuit. Le vassal se relève, et il
pose sa main sur des livres sains, des reliques, en général sur les évangiles et là il prête serment
d'être fidèle à son seigneur pour la durée de sa vie: on dit qu'il jure foi et fidélité. Dimension
religieuse, s'il rompt son serment, il est traître, félon et il commet aussi un parjure (faute qui consiste
à trahir un serment). Ca fait toute la différence car désormais, il est passible de sanctions de nature
religieuses: l'excommunication (l'exclure de l'église), c'est grave car il risque la damnation éternelle.
C'est donc beaucoup plus grave. C'est une manière de renforcer la promesse par les sanctions auquel
cette dimension religieuse est assortie.

Le problème est que la soif de richesse de la part des vassaux a pu les pousser à multiplier les
hommages. Un seul vassal ne va pas se contenter d'un seigneur. Pour obtenir plusieurs fiefs, ils vont
avoir plusieurs seigneurs, alors qu'en principe un vassal n'est fidèle qu'à un seul seigneur. A partir du
10ème et surtout 11ème, les vassaux auront plusieurs seigneurs. La rigueur initiale s'oublie et on
commence à tolérer cette multitude d'engagements. Mais le vassal qui a plusieurs seigneurs est vite
tenté de considérer qu'il n'est le vassal de personne. Si les 2 seigneurs se font la guerre, en général le
vassal ne soutient aucun des 2.
On a essayé de trouver des solutions et on a imaginé à partir du 11ème un système permettant de
hiérarchiser les hommages. L'hommage préférentiel est appelé l'hommage lige. En général c'est celui
qui est porté le 1er, sinon c'est celui qui procure le fief le plus important. C'est le seigneur-lige que le
vassal devra servir de la manière la plus complète. C'est à lui qu'il devra toutes les obligations. Les
autres hommages entraîneront des obligations moins rigoureuses.

2) Le lien matériel: le fief

La concession du fief vient compléter l'hommage, il va le consolider. La concession du fief est une
pratique tellement importante que le terme féodalité tire son origine du "feodum": le fief. Concession
faite par le seigneur au vassal en contrepartie de services personnels et le plus souvent, militaires. Le
fief devient le mode ordinaire de rétribution pour les services du vassal au seigneur.

Etymologiquement, le mot "fief" vient d'un terme germanique qui signifiait à l'origine bien précieux,
bien de valeur. C'était à l'origine un bien meuble, il est ensuite latinisé (feodum), et ce terme se
répand à partir des années 1050. Ceci dit, pour ce qui est de son origine, le fief succède le bénéfice.
Mais en réalité, c'est la même chose. Ils sont employés comme synonymes pendant un certain temps,
jusqu'à ce que le fief s'impose.

a) La nature du fief

(Du point de vue juridique, le fief est une tenure, donc une terre concédée par une personne à une
autre, d'un concédant à un concessionnaire. La tenure est caractéristique d'une conception de la
propriété, typique du Moyen-âge. Aujourd'hui, conception de la propriété rigide, exclusiviste, le
propriétaire peut même abuser de son bien s'il le souhaite. Cette conception est en partie issue de la
conception romaine. Au Moyen-âge, on considère que plusieurs personnes peuvent exercer des
droits sur une même chose, sur une même terre en l'occurrence. Elle offrira des droits au concédant
et au concessionnaire.

Tenure: terre concédée à un paysan moyennant une redevance. C'était une tenure économique
(moyennant une redevance et pour que le concessionnaire les exploite), roturière (concédée à des
paysans). Différent pour le fief, concédé à d'autres fins, il est concédé au vassal pour que celui-ci le
fasse exploiter par ses paysans, pour qu'il fasse des bénéfices pour acheter le matériel militaire dont il
a besoin. Cette tenure portera un autre nom, ce sera une tenure noble, car il est concédé à des fins
politiques, militaires.)

Le fief est généralement une terre: le fief foncier. Ca peut être une châtellenie, cette concession peut
être associée à des prérogatives de puissance publique.

Si le fief est une terre, d'où vient-elle ? Où le seigneur la prend-il ? Plusieurs possibilités:

_ Généralement, il la prélève sur son propre patrimoine: c'est un fief d'attribution, car le seigneur
prend un morceau de sa seigneurie et il l'attribue à son vassal.
_ Le fief de reprise: appartient au vassal, il l'apporte au seigneur et le seigneur lui rétrocède en fief
avec en plus sa protection (surtout pour les tenures économiques).

_ Le seigneur va prendre le fief qu'il va concéder à son vassal dans son propre fief. Le seigneur
intermédiaire est concessionnaire d'un fief que le seigneur supérieur lui a concédé, il en concède une
partie à son vassal: c'est le démembrement du fief du seigneur.

Tous les fiefs ne sont pas des terres. On parlera alors de fiefs immatériels ou encore des fiefs en l'air.

_ Ca peut être des objets précieux, mais c'est rare car un fief doit rapporter quelque chose. Ca peut
être aussi des fonctions ou des droits: fiefs-fonction.

_ Ca peut être une fonction administrative, le plus souvent ce sont des prérogatives de puissance
publiques, dont l'exercice est censé rapporter quelque chose au vassal: rendre la justice, percevoir
des amendes, lever une taxe, un péage à tel endroit. Parfois ça peut être aussi des fonctions
religieuses.

Avec la réapparition de la monnaie fin 11ème, apparaissent des fiefs-rente, fiefs de bourse ou
de revenus. Ce sont des pensions que le seigneur va verser annuellement à son vassal. Cela
n'implique pas le démembrement de son patrimoine.

La durée de la concession du fief: assez logiquement, elle est viagère, comme la fidélité. En termes de
propriété, le fief continue d'appartenir au seigneur. Ceci dit le principe est que le seigneur reprenne le
fief à la mort de son vassal. Assez vite les choses changent et progressivement, on s'oriente vers la
patrimonialisation du fief: le vassal va considérer que le fief est entré dans son patrimoine, qu'il lui
appartient véritablement. Or le changement est important, les conséquences:

_ Hérédité: si le fief est entré dans le patrimoine du vassal, il considère qu'il peut le transmettre à ses
héritiers, en général au fils aîné. L'hérédité est acquise assez rapidement, avec quelques
aménagements pour garantir le seigneur. Des problèmes peuvent se poser, l'héritier est un enfant, il
ne pourra pas aider le seigneur notamment militairement. Si c'est une fille idem. Solutions trouvées à
chaque fois, elles permettent à chaque fois que les services vassaliques puissent être remplis par le
nouveau vassal.

_ Aliénabilité: acquis un peu plus tard dans le courant du 12ème. Il est considéré comme une source de
profit, le vassal considère donc qu'il peut le vendre. Là aussi des précautions seront prises. Le
seigneur doit pouvoir agréer l'acquéreur du fief.

b) La concession du fief

L'acte qui fait naître la concession est l'investiture du fief, acte par lequel le seigneur remet le fief à
son vassal. Cette investiture suit l'hommage et le serment. L'investiture est indissociable de
l'hommage, du rituel créant le lien personnel. C'est la même cérémonie qui se poursuit. Dans une
société relativement archaïque, ce rituel va être accompagné d'un certain formalisme. Le seigneur
procède généralement à la remise d'un objet censé représenter le fief. Par exemple si c'est une terre,
on va lui remettre une motte de terre, ou une baguette de bois, un fétu de paille. Si ce n'est pas un
terre, on peut lui remettre une épée, une lance, un gant (main mise du vassal sur le fief, ou main de la
Justice). Si le fief n'est pas trop éloigné, on procède à la montrée du fief, le seigneur montre à son
nouveau vassal la terre qu'il lui a concédée. A partir du 12ème, on aura tendance à joindre puis plus
tard à substituer un écrit à la montrée du fief, dont la fonction sera la même. On l'appelle l'aveu (le
seigneur avoue la concession du fief) et dénombrement (inventaire de la consistance du fief). Ces
actes sont tellement importants qu'ils deviennent obligatoires.

B) Les effets du lien féodal

Ce lien féodal est placé sous le signe de la fidélité et il aura donc des conséquences qui se situent
avant tout sur un plan moral, des conséquences dictées par la conscience des 2 protagonistes.

On va considérer assez vite qu'il est un véritable contrat. Le droit va se superposer à la morale. Nous
sommes bien en présence d'un contrat synallagmatique (bilatérale, qui crée des obligations tant pour
le seigneur que pour le vassal).

Parmi ces obligations, certaines sont communes au vassal et au seigneur, notamment la fidélité. A
côté, il y a des obligations imputables au vassal: les services vassaliques, en contre-partie desquelles il
a obtenu un fief.

1) La fidélité, obligation réciproque

a) La fidélité du vassal

Cette fidélité a toujours une double connotation, positive et négative. La fidélité négative a tendance
à prendre le pas sur la 1ère.

Cette fidélité est d'abord le respect, qui découle de la situation de subordination. Dévouement
également, c'est une sorte d'affection désintéressée, qui entraîne le vassal à se comporter avec
droiture: fidélité positive.

Négative: elle est synonyme de sécurité (on parle de foi et sécurité). Ca veut dire que le vassal devra
dans son comportement ne pas nuire à son seigneur: ne pas lui causer de dommages, ne pas lui
porter atteinte, physiquement et à son honneur, à son patrimoine, à ses possessions mobilières,
foncières, à son pouvoir, à ses prérogatives, à son rang et surtout, le vassal s'interdit de recours à la
guerre privée contre son seigneur.

b) La fidélité du seigneur
A peu près identique, même si le seigneur domine le vassal. Ce sera surtout une fidélité négative: il
ne devra commettre aucun tort, aucune injure, aucune infidélité à son vassal. Mais l'essentiel est
d'entretenir le vassal en lui concédant un fief, c'est devenu la règle: les vassaux non chasés sont de
plus en plus rares. C'est la condition même de l'hommage. Le seigneur devra lui concéder un fief et
lui garantir une jouissance paisible de ce fief. Il le protéger contre ses ennemis, répondre à son vassal
si celui-ci a besoin d'aide et également lui rendre justice.

2) Les obligations vassaliques

a) L'aide

Le vassal doit aider son seigneur dans l'administration de sa seigneurie. Or dans le contexte de la
société médiévale, cette aide va essentiellement prendre une connotation militaire. Il y a une aide
militaire et une aide pécuniaire.

_ L'aide militaire est la contribution la plus naturelle du vassal, c'est un soldat d'élite. C'est tout
naturellement que le seigneur appellera ses vassaux pour qu'ils l'aident militairement;
Originairement, c'st la raison essentielle pour laquelle le seigneur cherche à avoir des vassaux. C'est
pour disposer de cavaliers que le seigneur distribue des fiefs. Pour le seigneur, le vassal est une sorte
de guerrier domestique qu'il a à sa disposition et sur qui il doit pouvoir compter à chaque fois qu'il en
aura besoin.

Par définition, cette contribution ne devrait pas avoir de limites, comme sa fidélité. En
réalité, l'aide militaire a été limitée par la pratique, par la coutume et on a fini par la limiter à 3
prestations:

· Le service d'ost: ça correspond à une entreprise guerrière de longue durée, qui peut être donc
lointaine. Lorsque le seigneur part en guerre loin et longtemps, le vassal doit le suivre et de se battre
à ses côtés. Il le fera sans aucune autre rémunération qu'il a reçue précédemment. Cette expédition
peut être très onéreuse, pour entretenir les chevaux, les valets, transporter les armes. Cette
expédition sera limitée à 40 jours au 12ème. Au-delà, si le seigneur veut continuer à faire la guerre, le
service devient facultatif pour le vassal et il se fera aux frais du seigneur.

· La chevauchée ressemble à l'ost mais est plus limitée dans l'espace (pas plus d'une semaine) et
dans le temps (pas plus de 24h de marche de la seigneurie), c'est une courte expédition. C'est une
brève expédition limitée aux conflits de voisinage.

· La garde du château: le vassal devra contribuer à garder le château du seigneur, à encadrer les
hommes de troupe.
Cette aide militaire est conçue gratuitement. Mais elle peut être modulée en fonction de l'importance
du fief. Parfois, s'il est très important, le vassal devra venir avec ses propres vassaux: les arrière-
vassaux. Si le fief est peu important, le vassal viendra seul.

_ En ce qui concerne l'aide pécuniaire: ce n'est pas une redevance car le fief est une tenure noble, ni
roturière ni économique. Ce n'est pas non plus un impôt, une sujétion fiscale. Elle est payée au
soutien que le vassal devra apporter au seigneur dans des circonstances particulières. Notamment
lorsque les dépenses sont lourdes, il aura du mal à y faire face tout seul. 4 hypothèses (l'aide aux 4
cas):

· Lorsque le seigneur est fait prisonnier et qu'il faut payer une rançon pour sa libération, tous les
vassaux contribuent au paiement de la rançon.

· Lorsque le seigneur arme son fils aîné, qu'il en fait un chevalier, cela entraîne une cérémonie
entourée de festivités souvent onéreuses. Le vassal est appelé à participer son fils.

· Lorsque le seigneur marie sa fille aînée, le vassal contribue à constituer la dot de la mariée:
l'apport de la femme constitué par sa famille à l'occasion de son mariage. Un mariage sans dot ne se
conçoit pas, c'est déshonorant. Une dot permet au seigneur de se choisir un gendre, plus la dot est
importante, plus il y aura de prétendants et d'alliances intéressantes sur le plan politique. La dot est
le moyen d'une véritable politique matrimoniale.

· Plus tard à partir du 12ème, lorsque le seigneur part en croisade, l'équipement et le voyage
coûtent cher, le vassal devra également participer aux frais de l'expédition.

b) Le conseil

Ce devoir de conseil est également appelé service de cour, ça laisse entendre que le vassal constitue
la cour du seigneur, en compagnie des autres vassaux. Ils se réunissent et ensemble constituent la
cour seigneuriale. C'est une cour de pairs, de personnes à un niveau de parité, elles sont égales entre
elles. Ce service de cour est assez variable. Les fonctions de cette cour sont de 3 ordres:

· La cour peut être une assemblée d'apparat, pour montrer la puissance du seigneur, l'ampleur
de ses réseaux vassaliques. Elle souligne le prestige du seigneur.

· La cour est aussi un "organe de gouvernement", en tout cas elle sert à l'administration de la
seigneurie. Les vassaux sont là pour conseiller le seigneur de manière politique, diplomatique. C'est
une structure de concertation. Le seigneur va s'appuyer sur le conseil de ses vassaux.

· C'est aussi et surtout une cour de justice, seulement, la justice qui est rendue n'est pas la
justice ordinaire, la justice seigneuriale, celle du seigneur banal. C'est une justice qui concerne
exclusivement les vassaux et elle va trancher les différents qui opposent le seigneur à l'un de ses
vassaux. C'est une justice aristocratique. Elle repose sur le principe qui est celui du jugement des
pairs: un vassal au sein de cette cour sera jugé par ses pairs, par les autres vassaux du seigneur. Cette
justice rendue s'appelle la justice féodale, censée contrôler, sanctionner le non-respect des
obligations vassaliques.
C) Le contrôle du lien féodal: la justice féodale

On est en présence ici d'une justice de nature privée car elle résulte du contrat qui lit le seigneur à ses
vassaux. Elle est d'essence personnelle, contractuelle: elle est issue du lien de fidélité entre le
seigneur et son vassal. Il ne faut pas la confondre avec la justice seigneuriale, ou justice banale, que le
seigneur exerce en vertu de son pouvoir de ban sur l'ensemble des habitants de la seigneurie: elle est
d'essence publique. Ce même seigneur sera parfois amené à juger dans le cadre de la justice féodale,
qui ne concerne que ses vassaux.

On peut dire qu'elle applique un jugement par les pairs: c'est le seigneur qui va juger un vassal fautif,
mais il va le faire entouré de tous ses autres vassaux. Tout vassal est tantôt juge, tantôt justiciable.
Dès l'entrée en vassalité, il accepte ce système, il se soumet à cette forme de justice aristocratique,
cette justice de clan. Ceci est assez théorique, parfois ce n'est pas le cas. Les difficultés sont parfois
tranchées par la force. Tous les manquements du vassal à ses obligations sont jugés: absence de
fidélité, il refuse le service d'ost, de payer la rançon. Mais également, sont jugées les fautes du
seigneur, par exemple le défaut de protection. Des sanctions particulières sont prévues, qui peuvent
toucher soit le seigneur, soit le vassal.

_ La sanction du non-respect des obligations du seigneur est la procédure de désaveu, elle a lieu
devant la cour du seigneur du seigneur. Devant la cour du suzerain, le seigneur intermédiaire va être
jugé. Cela suppose une structure très hiérarchisée qui n'existe pas toujours et que les intéressés
acceptent de se soumettre à ce type de justice. Si devant cette cour le vassal gagne, on admet qu'il
sera délié de ses obligations à l'égard de son seigneur, il va conserver son fief et devient directement
le vassal du suzerain.

_ La sanction du non-respect des obligations du vassal est plus fréquente et les sanctions sont plus
précises. Ces sanctions auront un caractère patrimonial, c'est logique car le fief est la contre-partie
des obligations du vassal. Dans les cas les moins graves, la cour prononcera une confiscation
provisoire du fief: le saisie féodale (quelques mois voire années), mais le vassal conserve le droit de
reprendre possession du fief s'il revient à un meilleur comportement. Dans les cas les plus graves,
refus du service d'ost en général, la cour peut prononcer la confiscation définitive du fief: la commise.
Cela entraîne logiquement la rupture du lien féodal. La commise est souvent difficile à faire
prononcer. Si la commise est prononcée par la cour féodale, le seigneur a souvent recours à la force
pour la faire exécuter.

La pratique est assez éloignée de ces principes.

Ce lien féodo-vassalique s'intègre dans tout un système: la hiérarchie féodale, qui est un sorte de
pyramide dont le sommet est le roi en tant que seigneur féodal le plus puissant, en tant que suzerain,
le roi est logiquement au sommet. La monarchie a été prise dans la féodalité, elle ne pouvait pas
ignorer ce phénomène. C'était pour compenser le morcellement extrême de l'autorité publique. Au
11ème et 12ème, cette hiérarchie féodale est difficile à réaliser. D'abord car le pouvoir central est faible.
Ensuite, car on assiste à des hommages multiples, un vassal aura plusieurs seigneurs. C'est un
ensemble de pratiques qui engendre un enchevêtrement de fidélité. On est à une époque où les
obligations vassaliques ne sont pas toujours respectées. C'est plutôt une anarchie féodale. Cette
hiérarchie est difficile mais pourtant l'idée n'est pas abandonnée, elle est même relancée par le roi,
par l'Eglise, qui vont essayer de reconstruire cette hiérarchie féodale, par des moyens pratiques et
théoriques.

_ En pratique, on va imaginer des solutions pour concilier les engagements multiples et le respect des
obligations vassaliques. Plusieurs solutions: l'hommage-lige, le seigneur-lige est supérieur aux autres,
entraînant des obligations complètes vis-à-vis de celui-ci de la part du vassal. On introduit dans
certains hommages des clauses de réserve de fidélité: un vassal qui s'engage auprès d'un 2ème
seigneur pourra dire en cas de conflit entre ses 2 seigneurs, qu'il ne sera fidèle qu'à un seul.

_ Sur le plan théorique, on va imaginer d'autres solutions. On va essayer de renforcer la hiérarchie


des hommes en faisant référence à une hypothétique hiérarchie des terres, des fiefs. On va prétendre
qu'il existe une hiérarchie des fiefs, parallèlement donc une hiérarchie des hommes. L'idée est qu'en
concédant un fief, un seigneur en général démembre le fief qui lui a été concédé. Ce qu'il concède, il
le tient généralement de son seigneur supérieur, ainsi de suite jusqu'au roi. Tout fief relève d'un autre
fief ("Tout fief meut d'un autre fief."). Ce qui veut dire que toute terre est dans la mouvance d'une
autre terre. Par conséquent, tout homme est dans la mouvance de quelqu'un placé au-dessus de lui
et cela est censé remonter jusqu'au roi. L'affirmation de l'existence de cette hiérarchie des terres
serait de nature à renforcer la hiérarchie des hommes. Si on essaie de construire ces théories, c'est
qu'elles doivent servir une autorité qui est malmenée: celle du roi, qui doit bien s'intégrer dans le
monde féodal, mais qui va occuper une situation particulière en raison de sa faiblesse.

Section 3: La royauté dans le monde féodal

Les carolingiens étaient parvenus à faire admettre le principe de l'hérédité pour l'accession au trône.
Mais, dès la fin du 9ème, les carolingiens n'étaient plus assez puissants pour imposer ce principe, ils
s'étaient heurtés à l'aristocratie, dont quelques familles auraient aimé que l'un de leurs représentants
devienne roi. Sous sa pression, un autre principe s'impose: le principe électif. A partir de la fin du 9ème
et pendant une centaine d'années, on assiste à l'alternance de rois issus de 2 familles: carolingiens et
Robertiens.

Après un siècle de concurrence, les Robertiens l'emportent sur les carolingiens en imposant l'un
d'entre eux, pendant près de 800 ans: 987: avènement de Hugues Capet. Evènement qui sanctionne
rapports de force entre 2 familles, le couronnement d'une évolution et la naissance de la dynastie
capétienne. Les comportements évoluent. Les capétiens vont tenter de renforcer l'institution royale.
Le pouvoir royal est particulièrement affaibli tout au long de cette période. Ceci dit, le pouvoir royal
est aussi un élément de permanence car le roi est le continuateur d'une tradition qui assure à l'État
une certaine pérennité. L'idée d'État est effacée mais malgré cela, sur le plan symbolique, il détient
un pouvoir, celui de chef d'État. Mais la royauté n'est pas à l'écart de la société de son temps, elle est
mêlée au monde féodal, elle subit ses effets. Le roi aura tendance à se comporter comme un seigneur
féodal, à utiliser le droit féodal à son avantage.

Comment la royauté survit-elle ? Comment compose-t-elle avec le monde féodal, comment le roi
s'intègre-t-il ?

§1 La survie de la royauté

Le plus proche prétendant est son oncle, Charles de Lorraine, il est en fait duc de Loraine. Il est en
réalité vassal de l'empereur de Germanie. Il lui a concédé la Lorraine en fief. Il faut savoir que
quelques années auparavant, en 962, un roi de Germanie a restauré lui aussi l'empire. Empire
carolingien effondré au 9ème, l'empereur restaure un empire, son empire est limité, il se réduit à une
partie de l'Allemagne. Mais son empire va se développer, en volume et en puissance; On l'appellera
le Saint Empire Romain Germanique. Il disparaît au 19ème siècle avec Napoléon Bonaparte. Charles de
Lorraine, s'il devient roi, on craint qu'il ne place le royaume de France au service d'une monarchie
étrangère, qu'il absorbe le royaume de France. Sa candidature présente un risque.

Face à lui un prétendant Robertien, Hugues Capet, duc de France, de l'Île-de-France, il est aussi comte
d'Orléans. Il est issu d'une famille prestigieuse, riche, puissante, il est un grand féodal, il a le soutien
de l'aristocratie, qui est favorable au principe électif. Il est aussi soutenu par l'Eglise. C'est pour ces
raisons qu'il est finalement choisi. Il est élu mais c'est un roi relativement faible et il n'a pas les
moyens d'instaurer un pouvoir capable de s'imposer aux grandes puissances de son époque. Son
autorité demeure très théorique. Mais en même temps, Hugues Capet fait preuve d'habileté pour
conforter son pouvoir et il y parvient notamment par 2 moyens: le rétablissement de l'hérédité et le
renforcement du caractère sacré de la royauté.

A) Royauté héréditaire et continuité dynastique

Quelques mois après avoir été élu au pouvoir et avoir été sacré, Hugues Capet réussit un tour de
force puisqu'il réussit à placer son fils sur le trône à ses côtés et du coup à écarter le principe électif
qui affaiblit l'institution royale. Comment ?

Il faut dire que les évènements lui sont favorables, il s'apprête à combattre les infidèles qui menacent
la marche d'Espagne, les arabes. Le comte de Catalogne l'a appelé à son secours. Hugues Capet sait
qu'il risque de mourir, dans ce cas le pays n'aurait pas de direction. Il fait admettre à son entourage
qu'il vaudrait mieux faire élire un roi pour lui succéder. Son discours est entendu. Il fait élire son fils
Robert, plus tard Robert le Pieu. Quelques mois après, Robert est élu et associé au trône du vivant de
son père. On est en présence de 2 rois: le rex ronatus, le roi couronné à côté duquel règne son fils, le
rex desiniatus. Capet obtient même un sacre anticipé de son fils. Capet ne meurt pas au cours de
cette expédition, il va régner jusqu'à sa mort en 996. Lorsqu'il meurt, Robert déjà élu et sacré roi, il
n'a plus qu'à rester sur le trône sur lequel il est déjà assis. Sans grande difficulté, Capet rétablit
l'hérédité, en raison des circonstances et de son habileté. Il abolit l'élection, rétablit l'hérédité, et
introduit la pratique de l'association au trône. Elle va être utilisée par de nombreuses générations de
capétiens durant près de 2 siècles. Robert le Pieu va associer son fils Henri 1er. La pratique se
perpétue jusqu'à Philippe Auguste. La monarchie fut assez affirmée après pour s'en passer.

S'ajoute également un phénomène fortuit, mais qui va renforcer leur dynastie: le miracle capétien.
C'est le fait que par hasard, les capétiens auront toujours un descendant mâle pour leur succéder.
Pendant des siècles, on évite de se poser la question de savoir si une fille peut succéder à son père.
Cette continuité dynastique renforce le pouvoir de cette famille. Le roi a plusieurs fils, un principe
s'impose, celui de la primogéniture.

A côté de cela, les capétiens vont renforcer aussi le caractère religieux de la royauté à travers le sacre.

B) Une royauté consolidée par le sacre

Hugues Capet a été élu roi de manière précipitée par l'aristocratie, il fallait barrer la route à Charles
de Lorraine, mais il a besoin de légitimité. Quelques jours après, il se fait sacrer par l'archevêque de
Reims et confirme ainsi sa volonté de donner à la royauté une forte connotation religieuse. Ce sacre
immédiat renforce le pouvoir et qu'on veut donner une forte coloration religieuse à la royauté. Les
capétiens vont tout faire pour renforcer l'assise religieuse de l'institution royale.

Comment le sacre se passe ? Sa portée.

1) La cérémonie du sacre

Le sacre est la cérémonie par laquelle l'Eglise confère au roi au moyen d'une onction un caractère
religieux, quasiment ecclésiastique, de nature à légitimer et à renforcer le pouvoir.

Le sacre, sauf exception, aura lieu à Reims par les mains de l'archevêque de Reims car c'est lui qui
avait baptisé Clovis. Depuis, des liens étroits existaient entre la monarchie et l'Eglise de Reims, c'est
un de ses privilèges que de pouvoir sacrer les rois de France. Puis, à cette justification historique
s'ajoute une légende, on dit que Clovis au moment de son baptême, aurait reçu par une colombe
(esprit saint) une fiole contenant une huile sainte qui depuis est conservée à Reims et qui sert au
sacre de tous les rois de France. Cette légende de la Sainte Ampoule confère au sacre un caractère
magique, on essaie de conserver cette idée d'une magie qui entoure cet évènement particulier.

Le rituel du sacre est très précis, il est intégré à l'office religieux, une messe. Il comprend 3 étapes:

_ La promesse du roi: elle a été introduite dans le cérémonial par les évêques. Concrètement, c'est
l'archevêque qui va demander au roi s'i; s'engage à assurer un certain nombre de choses. Il lui
demande s'il veut garantir la paix, la justice, l'équité, la sécurité du royaume, s'il régnera avec
miséricorde, à préserver les privilèges de l'Eglise, s'il voudra combattre les hérétiques. A chaque
question, le roi répond par l'affirmative, il promet solennellement, publiquement et par écrit aussi. Le
roi souvent enfant au moment du sacre, signe un document avec le seau du roi, qui lui rappellera ses
devoirs, ce à quoi il s'est engagé. Le sens de cette promesse est plus complexe. Elle sert à exercer un
contrôle sur le roi, c'est pour fixer le cadre de son action. C'est une manière de reprocher au roi les
obligations qu'il ne respecte pas. C'est aussi pour freiner le déclin du roi, c'est aussi reconnaître
l'ampleur, l'importance de sa fonction. C'est aussi une manière d'amoindrir l'influence des grands sur
le roi parce que dire qu'il appartient au roi d'assurer la paix, la sécurité, c'est aussi dire que ce n'est
pas aux autres de le faire: ce sont prérogatives royales.

_ L'élection: elle n'est plus qu'une fiction, un vestige qui rappelle la vieille procédure d'acclamation
du roi par ses guerriers. C'est simplement une manière de rappeler cette lointaine tradition puisque
la succession est héréditaire. Ce n'est pas le peuple qui l'élit, c'est l'archevêque qui élit le roi, il le
choisit, il donne la caution de l'Eglise au pouvoir qu'il va exercer et il fait approuver l'élection par
l'assistance: les évêques, les grands, le peuple rassemblé à Reims. C'est une confirmation, mais ça n'a
rien d'une élection.

_ Le sacre proprement dit, le moment fort de la cérémonie. On arrive au rite de l'onction.


L'archevêque va pratique sur la tête du roi une onction qui vient de la Sainte Ampoule. Utilisée aussi
pour la consécration des évêques: donc le roi n'est plus un laïc. On remet ensuite au roi les objets qui
symbolisent la fonction royale: l'anneau symbolise l'alliance du roi avec Dieu et du roi à son peuple, le
glaive: la lutte que le roi entreprendra aux ennemis de la foi, le sceptre: la puissance royale, la main
de justice: rappelle que le roi est justicier. Ce n'est qu'après qu'intervient le couronnement qui se
limite à poser la couronne sur la tête du roi. La couronne symbolise le prestige, la majesté royale. Ce
n'est qu'après que le roi est conduit au trône. Il y a à l'évidence un parallèle entre la sacralisation du
roi et la consécration de l'ecclésiastique. On le retrouve aussi lorsqu'on évoque la portée du sacre.

2) La portée du sacre

Le sacre a tout d'abord une fonction politique. Il s'agit de consacrer le pouvoir, et aussi à montrer qui
est le vrai roi. Important surtout à l'occasion d'une mutation dynastique, l'Eglise doit prendre partie,
et montrer ainsi le vrai roi. Pépin le Bref et Hugues Capet s'empressent de se faire sacrer. L'Eglise
montre son accord au changement dynastique.

La dimension religieuse: le sacre crée un lien entre Dieu et le roi. Dieu désigne le roi par le sacre, le
roi est l'élu de Dieu, il est investi par Dieu, délégué par lui pour accomplir sa fonction. La fonction est
donc d'origine divine. Ce qui fait qu'on peut estimer que c'est le sacre qui fait le roi, il faut un sacre
pour le roi soit véritablement roi. Dans ces conditions, la royauté revêt une dimension clairement
religieuse. Certains auteurs ont parlé de roi-prêtre, dans la mesure où la fonction du roi est proche du
sacerdoce. Le sacre transfigure le roi. Le roi n'est plus un laïc ordinaire, avant et après le sacre ce n'est
plus la même personne. Dès lors, il va placer son pouvoir au service de Dieu, de l'Eglise. Il doit
protéger l'Eglise, les faibles, la foi catholiques.

Dimensions politiques et religieuses et un 3ème aspect.


La dimension magique du sacre: "la magie du sacre". Sur le plan religieux, le sacre n'est pas un simple
sacrement. Pour le roi c'est plus qu'un sacrement, dans la religion catholique c'est un mystère,
quelque chose qu'on ne peut pas comprendre, un dogme inaccessible à la raison humaine. Parce que
le sacre est un mystère, qu'il est inaccessible à la raison humaine, on va avoir tendance à le
considérer comme un véritable miracle et que le sacre confère au roi une sorte d'aura magique. Le roi
est revêtu d'une sorte d'aura qui lui confère des pouvoirs surnaturels, notamment celui de guérir, on
dit que le roi est thaumaturge. On croit fermement qu'il peut les guérir de certaines maladies.

Par le sacre le roi acquiert une prééminence évidente, ce n'est pas un personnage comme les autres,
mais qui en réalité est assez théorique. Concrètement, le roi n'est pas très puissant, pas plus que
d'autres grands seigneurs. Quelle va être son attitude vis-à-vis du monde féodal ?

§2 L'insertion du roi dans le monde féodal

Dans le contexte de l'époque où le roi est plutôt faible, sa puissance est assez mal acceptée par les
grands seigneurs, qui sont parfois aussi puissants que lui voire plus. Un certain nombre de grands
seigneurs considèrent le roi au mieux comme leur égal, comme un simple seigneur territorial. Ce qui
les conforte, c'est que le roi lui-même se comporte comme tel, comme quelqu'un qui exerce son
autorité sur un domaine et sur les personnes qui y habitent. Logiquement, parce qu'il n'est pas
extérieur au système féodal, il va se comporter comme un seigneur féodal, qui aura des vassaux. En
même temps, on le voit aussi essayer de dominer la hiérarchie féodale. On le voit essayer de se placer
au dessus de cette hiérarchie.

A) Le roi dans le domaine royal

Le domaine royal englobe tout ce dont le roi est propriétaire, tout ce qui fait partie de sa réserve
seigneuriale plus les seigneuries, les châtellenies qu'il a concédées en fiefs, dont il est le seigneur
immédiat et sur lesquelles il exerce une certaine maîtrise. Au temps d'Hugues Capet, le domaine
royal est extrêmement limité, le territoire est très médiocre. Concrètement, ça correspond à Paris et
à la région entre Etampes et Orléans, Poissy, Compiègne (l'équivalent de 2 ou 3 départements
actuels). Le territoire n'est pas continu mais les capétiens n'ont jamais cessé de l'agrandir, en
achetant des terres, par des mariages, des confiscations en utilisant le droit féodal, par la commise.

Comment le roi se comporte-t-il ? Comme un seigneur territorial, un seigneur banal, son pouvoir a un
caractère seigneurial. Il gouverne son domaine et les hommes qui y vivent. Certains des organes du
gouvernement de l'époque franque n'ont pas disparu, certains éléments du palais, le roi a toujours
autour de lui quelques officiers du palais: le chancelier, toujours à la tête des services administratifs,
bien que l'administration soit limitée ; un sénéchal: qui joue un rôle important, tantôt lieutenant du
roi, chef de guerre, chargé de surveillant les agents, le connétable, le bouteiller, le chambrier. A côté il
reste la cour royale qui comprend toujours les membres de la famille royale, l'aristocratie laïque, les
dignitaires ecclésiastiques. Mais cette cour royale a surtout acquis un caractère féodal, elle est
surtout composée de ses vassaux. En réalité, ce sont surtout des vassaux du roi qui viennent remplir
leurs obligations vassaliques. Ils le conseillent pour la guerre, sa politique patrimoniale, pour l'aider
avec le service d'ost, de chevauchée: une petite armée féodale au service du roi. Du point de vue
politique, la situation du roi, en tout cas dans son domaine, était plutôt favorable. Dans son domaine,
l'entourage géographique immédiat, la situation du roi est assez confortable. Il a de bonnes relations
avec les seigneurs qui sont ses vassaux, il peut réclamer les services qu'ils lui doivent et en général il
parvient à les obtenir.

En revanche, les choses sont bien différentes lorsqu'il est confronté à des princes territoriaux plus
éloignés.

Comment va-t-il se comporter à leur égard ?

B) Le roi face à la hiérarchie féodale

En dehors du domaine royal, le reste du royaume est composé de seigneuries plus ou moins vastes,
certaines sont d'anciennes principautés territoriales, d'autres sont plus petites. Mais elles sont
presque toutes indépendantes et c'est le cas pour l'ensemble du royaume. A leur tête on trouve des
seigneurs, des princes territoriaux, des barons, parfois aussi puissants que le roi, voire plus puissants.
Comment vont-ils se comporter à son égard ?

Pendant une certaine période au 10ème-11ème, le roi est largement ignoré par ces seigneurs, mais
progressivement les choses changent. On relance l'idée d'une hiérarchie féodale, d'une pyramide de
relations féodo-vassaliques à la tête de laquelle se trouve le roi. Ce qui fait qu'au 12ème le roi essaie
déjà de se présenter en tant que seigneur féodal placé au sommet, il essaie de se présenter comme le
seigneur supérieur, le suzerain (seigneur auquel tous les seigneurs du royaume sont soumis, auquel
ils doivent tous un hommage). D'ailleurs, on estime que tous les grands princes territoriaux ont un
domaine qu'ils tiennent en fief du roi: c'est la théorie de la mouvance. Tous les grands seigneurs sont
dans la mouvance du roi. Même si en réalité, c'est loin d'être le cas mais c'est pour soutenir qu'il y a
une hiérarchie des terres, sur laquelle se fonde une hiérarchie des hommes.

2 étapes:

_ Vers le 10ème-11ème, le roi est négligé par le monde féodal. Il y a entre le roi et les grands seigneurs
un climat d'oubli réciproque. Plusieurs attitudes trahissent cette indifférence mutuelle: les hommages
sont portés de façon irrégulière, il y a même des refus d'hommage. Le roi n'a pas les moyens
d'obtenir en réalité que ces grands princes lui portent hommage, il n'a pas les moyens de faire jouer
les sanctions féodales. Il faut dire que la géographie ne facilite pas les choses, la distance qu'il y a
entre ces princes et le roi n'arrangent rien. Le comte de Barcelone était vassal du roi, à un moment
donné il oublie de porter l'hommage: le lien de vassalité n'est pas renouvelé et il tombe en
désuétude. Lorsque les hommages sont rendus, ils le sont en marche. L'hommage sera porté lorsque
par hasard le roi rencontre le seigneur voisin: c'est le cas pour le duc de Normandie, qui se considère
l'égal du roi de France, il considère qu'il tient son fief en héritage et non pas du roi. Durant cette
période, même lorsqu'il y a hommage, il n'entraîne pas toutes les obligations décrites, il prend plutôt
l'allure d'un pacte de non-agression. Les princes territoriaux ne sont pas pressés de remplir leurs
obligations vassaliques vis-à-vis du roi, en particulier l'aide militaire. Le roi leur demande mais ils
aident quand ils le veulent.

Mais en même temps on reconnaît une certaine prééminence théorique, naturelle du roi. Les grands
n'ont jamais perdu le sentiment d'appartenir au royaume, de dépendre du roi. Au moment du sacre,
en général ils sont là et c'est le moment de renouveler l'hommage. Il reste aussi de la part de ces
seigneurs un respect particulier vis-à-vis du roi, de la fonction royale. Les actes juridiques adoptés par
les grands seigneurs seront datés par rapport à la date du règne du roi. C'est une manière de montrer
qu'il y a l prise en compte d'une certaine prééminence du roi.

_ Les choses changent à partir du 12ème, la soumission au roi va être plus manifeste. Plusieurs
phénomènes en attestent. D'abord, le roi réussit à obtenir l'hommage de la plupart des grands
princes territoriaux, il cherche le moyen de faire sentir le plus possible sa suzeraineté. Il cherche donc
à obtenir l'hommage de tous les princes. Le roi obtient l'hommage du nouveau duc de Normandie, et
ce sera même un hommage lige.

Le roi va essayer de multiplier le nombre de ses vassaux et surtout de ses vassaux directs parce qu'il
sait que son autorité est moins marquée sur ses vassaux inférieurs: les arrière-vassaux. Le Roi a peu
d'autorité sur eux, elle est filtrée par ses propres vassaux: l'écran féodal. Un adage montre qu'il n'a
pas beaucoup d'autorité: "Le vassal de mon vassal n'est pas mon vassal.". Le roi va donc chercher à
contourner cet obstacle. Il utilise de nombreux moyens: le roi va débaucher les vassaux de ses
vassaux ou les vassaux d'autres seigneurs en leur proposant plus, mieux, en leur proposant des fiefs-
rente plus grands pour qu'ils deviennent ses vassaux directs. Lorsque le roi acquiert une principauté
territoriale, une grande seigneurie, il en devient le seigneur et du coup il devient directement le
seigneur des vassaux de l'ancien prince. Lorsque l'œuvre des vassaux du roi est désavouée par un
arrière-vassal, celui-ci devient le vassal du seigneur supérieur, donc le roi. C'est un moyen
supplémentaire pour établir des liens directs.

Au terme de cette évolution, le roi est devenu suffisamment puissant pour s'imposer à ses vassaux, il
est désormais en mesure de réclamer les services vassaliques, en particulier l'aide militaire. Il a les
moyens d'obliger les vassaux avec les moyens que lui offre le droit féodal. Le roi, progressivement,
réussit à se placer au sommet de la hiérarchie féodale.

Un peu en marge de la féodalité, il y a un phénomène qui aura des conséquences sur le plan politique
et institutionnel: le mouvement urbain.

Section 4: Le mouvement urbain

Ce renouveau des villes est à mettre en parallèle avec un renouveau commercial vers 1150-1180.
L'économie était rurale, fermée, autarcique. A partir du milieu du 11ème, on assiste à un renouveau
commercial: véritable révolution commerciale, comparable à la révolution industrielle du 19ème.
Comment l'expliquer ?
Comme c'est souvent le cas, il n'est pas la conséquence d'une cause unique, il y a 5 facteurs qui
expliquent ce renouveau:

_ Un facteur démographique: l'augmentation de la population à partir du milieu du 11ème. C'est la fin


des grandes invasions, rétablissement de la paix, révolution des techniques agricoles qui entraînent
un meilleur rendement des sols. Période aussi où il y a peu d'épidémies. Cette situation se prolonge
jusqu'au 13ème. En France, fin 13ème, on compte près de 20 millions d'habitants, presque autant qu'à la
fin de l'ancien régime (27 millions). La rupture sera la grande peste en 1348. Mais jusque là, cette
population augmente. L'augmentation a une influence sur l'économie: plus de population, plus de
main-d'œuvre, le commerce se développe car la production augmente.

_ Un facteur lié aux possibilités du commerce international, conséquence de l'offensive contre l'islam.
Jusque là, la méditerranée était totalement contrôlée par les musulmans, qui contrôlaient la presque
totalité de l'Espagne. Le commerce était presque impossible en méditerranée. Cette offensive date de
la fin du 11ème, elle est l'œuvre des chevaliers normands, qui prennent pied en Sicile en 1090. La Sicile
servira de base à des expéditions plus lointaines. La 1ère croisade en 1095 aura pour conséquence la
prise de Jérusalem. Tout cela a des conséquences sur le plan économique. Les croisades rétablissent
des contacts commerciaux avec l'Orient. Le commerce méditerranéen renaît en quelques dizaines
d'années, des ports se développent (Marseille), des produits nouveaux apparaissent venant d'Orient,
qui révolutionnent les habitudes de consommation: le riz, les étoffes d'Orient, le coton, le damas, les
épices, les parfums, les médicaments, les fruits (oranges, abricots). On découvre aussi une civilisation
beaucoup plus raffinée que la civilisation de l'Europe Occidentale. Les princes européens découvrent
la poésie, la philosophie, les mathématiques arabes. L'Occident essaie aussi d'exporter ses propres
produits, surtout textiles mais beaucoup moins que ce que l'on importe (cf. p48 TD).

_ Un facteur dans l'essor de la production: on fait du commerce car on produit plus. C'est lié à l'essor
des techniques de production. Dans l'industrie, la métallurgie, la force hydraulique fait faire beaucoup
de progrès. Jusque là on utilisait la force animale, voire humaine. Cette découverte révolutionne la
production. Des progrès aussi en matière de construction: époque de l'art gothique. Le travail
artisanal est valorisé. Il y a surtout un secteur qui connaît un développement considérable, dans les
Flandres, en Belgique: les textiles, les draps. C'est le produit le mieux exporté.

_ Un facteur lié aux possibilités d'échanges, des moyens d'échange. D'abord, l'amélioration des voies
de communication. Au 11ème, on répare l'ancien réseau routier romain, particulièrement dégradé
pendant des siècles. On n'hésite pas à tracer des voies nouvelles, on aide les marchands, certaines
voies sont entretenues par l'Eglise, les routes de pèlerinage. D'autres routes sont entretenues pas les
marchands eux-mêmes. L'axe qui permet de joindre les Flandres à Venise est un des principaux en
Europe. C'est une voie commerciale importante, il y aussi la vallée du Rhône grâce aux transports
fluviaux. Toutes les grandes villes fluviales se développent.

Le développement des foires et des marchés. Les marchés se développent au niveau local, ils
servaient à écouler les surplus. Les foires sont les rendez-vous de professionnels. Ces foires vont
s'implanter de manière presque spontanée sur les bords des grandes voies commerciales. Elles
prennent vite de l'ampleur. Les princes territoriaux vont les protéger, ils vont en faire des lieux d'asile,
ils protègent les marchands moyennant finances. C'est le cas pour le comte de Champagne, qui a
compris leur intérêt économique, c'est là que les plus importantes se développent. Les foires sont
internationales, où l'on rencontre des marchands étrangers, flamands, italiens où on trouve des
produits d'Orient.

_ Un facteur lié au développement de la monnaie et du crédit. Jusque là, la monnaie était


relativement rare, elle était de mauvaise qualité. Pendant longtemps, on a préféré un économique
fondée sur le troc. La monnaie se développe grâce à certaines villes italiennes, qui vont émettre leur
propre monnaie: Florence, Gênes, Venise… En France un peu plus tard, le roi commence lui aussi à
produire des monnaies en or. La réapparition facilite les échanges commerciaux.

Se développe aussi des techniques de crédit, destinées à permettre aux commerçants d'obtenir des
numéraires, pour développer leurs échanges. Mais l'Eglise interdit l'usure, le prêt à intérêt. Mais elle
autorise les crédits fondés sur la terre.

Cela a une conséquence, c'est le développement des villes. Le commerce est par définition une
activité urbaine. Le renouveau du commerce a pour conséquence le développement des villes à partir
de la fin du 11ème, début du 12ème. Elles commencent à se développer mais les villes de l'époque
romaine n'avaient pas encore disparu, mais elles s'étaient ruralisées, leur population avait décliné,
leur surface s'était restreinte et les activités étaient mi-urbaines, mi-rurales. Les villes qui subsistaient
étaient peu importantes, elles comptaient tout au plus 3000 ou 4000 habitants. Ces villes sont
comprises dans les seigneuries, elles ne constituent pas des espaces à part. Leurs habitants ne
bénéficient pas de privilèges particuliers, leur statut est le même que celui des paysans, des roturiers.
Sauf qu'au 11ème, ces villes commencent à grossier sous l'effet de l'essor démographique. Les serfs
prennent la fuite et viennent chercher refuge en ville. La population urbaine commence à augmenter.
Tout cela se fait dans un climat où les mentalités commencent à évoluer, avec notamment la
naissance d'un état d'esprit différent, peu répandu jusqu'alors: l'esprit de profit, caractéristique de la
mentalité bourgeoise. Ils ont envie de gagner de l'argent. Effectivement, l'essor commercial est en
train de donner naissance à une classe sociale nouvelle: la bourgeoisie.

§1 L'avènement de la bourgeoisie

Cette classe sociale nouvelle, urbaine, commerçante, est totalement en contradiction avec le monde
de son époque. Il y a une contradiction très nette entre la mentalité de cette bourgeoisie naissante et
la société féodale. Plusieurs phénomènes l'illustrent.

La bourgeoisie s'accommode mal de l'organisation économique seigneuriale, rurale et fermée,


totalement dirigée par le seigneur.

De même, la bourgeoisie s'intègre mal dans l'organisation sociale de l'époque: tripartition


fonctionnelle (ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent). La bourgeoisie n'y a pas
sa place, ce schéma est trop rigide.

La bourgeoisie s'accommode mal aussi d'une société violente, pour faire du commerce on a besoin de
paix et de sécurité.
_ Elle accepte mal aussi la situation de dépendance vis-à-vis du seigneur, situation de la très grande
majorité de la population. Les serfs dépendent entièrement du seigneur, les roturiers au moins du
point de vue économique. Les bourgeois ont besoin d'indépendance.

_ Ils ont du mal à se satisfaire de l'état d'esprit de l'époque, où on se contente de travailler pour
survivre ou pour le compte du seigneur et c'est ce que fait la majorité de la population. La
bourgeoisie travaille, mais pour s'enrichir, pour faire du profit.

_ La bourgeoisie ne se satisfait pas de l'espace trop étroit de la seigneurie. Les bourgeois ont besoin
de grands espaces et non pas de l'espace étriqué de la seigneurie, un espace facilitant les échanges:
la ville en sera un.

La bourgeoisie est en opposition avec le monde féodal, qui constitue un cadre trop étroit pour ces
activités.

Elle va revendiquer une situation plus adaptée à ses besoins. Elle va essayer de s'émanciper.

A) L'émancipation des populations urbaines

Ce qui caractérise ces bourgeois c'est un fort esprit communautaire, une forte solidarité. Cela
s'explique par 2 raisons:

_ Les habitants des villes ont perdu la solidarité traditionnelle, la protection de leur famille, de leur
environnement villageois, de leur ancien seigneur.

_ Ce sont des gens qui ont les mêmes intérêts à promouvoir.

Pour ce faire, ils vont avoir tendance à constituer des groupements, pour défendre leurs intérêts.

Quels sont ces groupements ? Comment les seigneurs réagissent ?

1) La formation de groupements urbains

Plusieurs raisons. Même s'ils sont assez mal connus, on peut retenir 3 types de groupement, donc 3
raisons:

_ Certaines associations se constituent simplement pour poursuivre un objectif matériel précis, par
exemple établir une voie de communication, pour construire des halles, un marché, un site de
production, un lieu d'échange. L'objectif peut être militaire, on construit des remparts. On s'associe
pour fonder une Eglise, patronner un hôpital. Ces associations portent souvent le nom de fraternités,
de confréries. Elles poursuivent souvent un but charitable.

_ Les associations qui réunissent tous ceux qui exercent la même activité, dans le but de mieux
défendre les intérêts professionnels communs. Ca peut être un groupement qui se constitue pour
participer à une foire, à une caravane pour faire transporter leurs produits à un même endroit. On les
appelle des hanses (à Paris, les hanses des marchands de l'eau: ils produisent par la Seine), plus au
nord on les appelle parfois des guildes.
_ Les plus fréquentes: association dont les membres s'engagent à maintenir la sécurité et la paix,
toujours pour la prospérité de leurs activités. Il s'agira de lutter contre le brigandage des routes, les
guerres privées, construire de lieux d'asile, d'échanges protégés. On les appelle des amitiés, des paix-
jurées (fondées sur un serment), des conjurations de paix, des communes et presque toujours, ces
associations sont fondées sur le serment de leurs membres.

C'est schématique, mais certaines peuvent poursuivre plusieurs de ces objectifs.

Tôt ou tard, ces associations vont chercher à obtenir des garanties pour ceux qui en font partie, des
privilèges particuliers, des libertés particulières pour les membres et parfois, elles vont essayer de
jouer un rôle dans l'administration de la ville. On passe d'une attitude de défense à une attitude de
revendication.

2) La réaction des seigneurs

Grandes diversités de situations. 3 types d'attitude:

_ Une réaction hostile, conduisant parfois à un conflit entre les bourgeois et le seigneur. C'est assez
rare mais ça a existé. Ca traduit souvent une méfiance des seigneurs, une incompréhension.

_ Une attitude de compréhension de la part du seigneur, pour éviter la crise, car celui-ci se rend
compte qu'il a des intérêts communs avec les bourgeois: des intérêts militaires, pour défendre la ville,
politiques, il pourra s'appuyer sur les bourgeois et surtout des intérêts économiques communs: le
seigneur comprend bien que l'activité des bourgeois peut être une source de profit, il peut faire peser
sur cette activité une fiscalité indirecte qui peut devenir très lucrative. C'est cela qui explique la
compréhension des seigneurs.

_ Les seigneurs parfois, précèdent même les revendications des bourgeois, ils accordent des
franchises, créent des lieux d'asile pour attirer des populations nouvelles. Le seigneur va créer des
nouveaux villages: ville-neuve ou ville-franche. Il accordera un statut avantageux pour que les
habitants défrichent et développent des activités agricoles, artisanales, commerciales. Pour garantir
ces privilèges, ils seront écrits dans une charte de franchises (privilèges, garanties): la charte est un
écrit, un acte unilatéral, elle émane du seigneur, par lequel celui-ci va accorder aux bourgeois des
privilèges et des libertés personnelles. La charte est souvent issue d'une négociation. Il y a en amont
une négociation. La forme de ces chartes est souvent désordonnée, elle ne fait que traduire de
manière solennelle un accord négocié verbalement. Certaines de ces chartes servent de modèle pour
les villes voisines: on appelle ces villes des villes chefs de sens (cf. p49 TD). Il y a d'autres chartes: la
charte de Rouen (les établissements de Rouen), elle sera imitée par de nombreuses villes sur toute la
façade atlantique. Lorsqu'ils accordent ces chartes de franchise pour contenter les bourgeois, ils le
font en général pour ne pas avoir à leur accorder plus de libertés, pour calmer leurs revendications.
En leur donnant peu, on évite de devoir leur donner davantage.

B) La condition des bourgeois


La bourgeoisie est une réalité sociale nouvelle. A l'origine, elle n'a pas de statut, il va se construire
progressivement. La coutume va permettre de les distinguer progressivement des roturiers, des serfs,
qui eux sont restés à la campagne.

Comment devient-on bourgeois ?

Les conditions dans lesquelles s'acquiert cette qualité sont précises:

_ Le temps: il faut un certain temps, une présence prolongée en ville pour qu'un serf, un roturier
puisse être considéré comme un bourgeois: 1 an et 1 jour au moins.

_ La nécessité de manifester sa présence en tant qu'habitant de la ville, montrer qu'on veut y vivre et
y développer ses activités. On le montre en construisant une maison et en se pliant aux règles de la
cité. Notamment, il faut prêter serment à la communauté des bourgeois. Dans certaines villes, on
ajoute même le devoir de payer une taxe de bourgeoisie.

Le statut de bourgeois repose sur des privilèges, que les bourgeois ont arraché au seigneur. Parfois, ils
l'ont arraché par la lutte. Mais souvent, ça s'est fait par négociation, ou par achat. Ces privilèges sont
étendus, en général, ils sont des garanties contre l'arbitraire seigneurial et ça peut aller très loin. Le
seigneur inscrit ces bourgeois dans la charte de franchise, et les privilèges peuvent être nombreux:

_ Plus de restriction à la liberté. Le bourgeois n'est pas un serf lié à la seigneurie, sur lequel pesaient
des incapacités, des charges caractéristiques de la servilité. "L'air de la ville rend libre."

_ Privilèges militaires: les bourgeois sont commerçants, et non guerriers. Ils vont chercher à ne pas
avoir de contribution militaire à apporter, elle sera le plus souvent compensée par une taxe.

_ Privilèges fiscaux: la taille fait souvent l'objet de franchise. Elle peut être forfaitaire.

_ Privilèges commerciaux: les bourgeois vendent des marchandises, ils voudront la suppression de
certains péages qui gênaient leurs activités.

_ Privilèges judiciaires: les bourgeois considèrent que la justice seigneuriale est très contraignante,
sévère. C'est pourquoi ces bourgeois obtiennent parfois la création de juridictions municipales. Un
tribunal composé de bourgeois, qui jugera des bourgeois. C'est important pour eux d'être jugé par
leurs pairs.

Ce sont des privilèges personnels, individuels, qui concernent les bourgeois en tant que personnes
individuels.

Parfois les bourgeois obtiennent autre chose, plus. C'est le groupe qu'ils constituent qui va obtenir
quelque chose de plus. La communauté des bourgeois va obtenir des prérogatives supplémentaires,
de nature publique, politique, qui ne concerneront plus le statut des personnes prises
individuellement mais l'administration de la ville elle-même. Ces bourgeois obtiendront la possibilité
de participer à l'administration de leur cité et parfois même dans le cas où ils réussissent à obtenir
une large autonomie, à s'autogouverner. Dans les 2 cas, ça donne naissance à des institutions
spécifiques.
§2 Les institutions urbaines

Ces bourgeois supportaient mal les contraintes du monde féodal, celles du seigneur et ont obtenu
des privilèges particuliers. Ils obtiennent parfois des prérogatives d'ordre politique. Ces groupements
vont vouloir exercer le pouvoir, ou au moins le partager avec le seigneur.

Ceci dit, les résultats obtenus ne sont pas toujours les mêmes. Le degré d'autonomie n'est pas
toujours le même, parfois ils obtiennent une très large autonomie, parfois ce n'est pas le cas. 2 types
de villes: celles qui n'ont pas obtenu d'autonomie très large et les villes à large autonomie
municipale.

A) Les villes à autonomie municipale restreinte ou limitée

Ce sont des villes où les bourgeois ont obtenu des libertés personnelles, mais en tant que
communauté, la ville reste toujours placée sous l'autorité du seigneur. C'est lui qui continue à
gouverner, à administrer. Parfois c'est lui, parfois il se fait remplacer par un agent seigneurial: on
l'appelle un prévôt, un viguier etc. Ces villes s'appellent des villes-franches ou villes de franchise pour
montrer que ce qu'elles ont obtenu sont des prérogatives personnelles mais pas publiques, ville de
prévôté car c'est le prévôt qui gouverne la ville. Mais les bourgeois arrivent à limiter le pouvoir du
seigneur, et à participer au pouvoir seigneurial.

_ Par exemple, quant le prévôt entre en fonction, il prêtera serment de respecter les privilèges des
bourgeois.

_ Parfois, le seigneur ou son représentant sollicitera l'avis des bourgeois concernant les décisions
importantes, coûteuses concernant la ville. Il organise une assemblée générale pour discuter.

_ Parfois, le prévôt va s'entourer en permanence de bourgeois. Le meilleur exemple est fourni par
Paris: on trouve 2 prévôts, le prévôt du seigneur (le roi) et un prévôt des marchands + 4 chauvins. Le
prévôt du roi travaille en collaboration avec le prévôt des marchands.

Ces villes ne se trouvent pas partout, on les rencontre surtout dans le bassin parisien, le domaine
royal, le centre de la France et dans l'ouest. C'est le système que les seigneurs préfèrent car il garantit
encore leurs prérogatives essentielles. En leur accordant quelques libertés, on évite de devoir leur
accorder davantage. D'ailleurs, lorsque certains seigneurs vont créer des villes nouvelles, villes-
neuves ou villes-franches, c'est ce système-là qu'ils vont proposer. Le seigneur propose lui-même une
charte de peuplement id est une charte dans laquelle pour attirer la population on accorde des
franchises mais où on précise bien que l'autorité politique est celle du seigneur ou de son
représentant. Elle accorde des libertés limitées mais pas d'autonomie politique.

Parfois les seigneurs ont été obligés d'accorder une plus large autonomie.

B) Les villes à large autonomie municipale

Contrairement aux précédentes, ces villes vont disposer d'une large liberté voire totale liberté
politique et administrative. Les bourgeois vont se gouverner eux-mêmes sans l'intervention de
quiconque. Cette autonomie n'a rien à voir avec la taille de la ville. Paris est très grande mais limitée,
et d'autres de taille plus modestes mais qui jouissent d'une totale liberté politique. Ca n'a rien à voir
avec leur localisation, on trouve des villes autonomes partout, aussi bien dans le nord que dans le
midi. Mais on trouve des différences:

_ Dans le nord, ces villes correspondent à des communes.

_ Dans le midi, on les appelle des consulats.

1) Les villes de commune

Les 1ères communes remontent au début du 12ème siècle mais elles continuent à se constituer au
siècle suivant. Parfois, elles se constituent à l'issue de véritable lutte opposant les bourgeois aux
seigneurs. Elles naissent parfois dans un climat de guerre civile, par exemple dans la ville de Laon, le
seigneur, évêque, est assassiné par les bourgeois. On les trouve dans le nord et l'est de la France:
Beauvais, Saint Quentin, dans les Flandres, en Artois, Arras, Lille.

3 questions: savoir comment elles se forment, comment elles sont organisées et aussi quelles
relations elles vont entretenir avec le monde féodal et avec le roi.

a) La formation des communes

Le terme "commune" conduit à souligner un 1er élément qui est indissociable du phénomène
communal. Le mot "commune" est synonyme de conjuration, d'association jurée. La commune ne se
constitue nécessairement qu'à partir d'un serment prêté par les bourgeois. Quel est son objectif ? Il y
en a plusieurs:

_ Ce serment est un serment d'aide mutuelle, il traduit la forte solidarité qui existe entre les
bourgeois. Prêter serment, c'est prendre conscience de cette solidarité, il fait la force du lien
communal, il concrétise le lien entre les bourgeois.

_ Ce serment est lié aussi à l'idée d'exclusivité, voire d'exclusion. Prêter serment, c'est aussi une
manière d'exclure ceux qui ne le prêtent pas. Tous ceux qui sont liés par un autre serment: les
vassaux, les ecclésiastiques, les seigneurs. C'est une manière de se retrouver entre bourgeois.

_ Plus concrètement, il est destiné à défendre des intérêts spécifiques, parfois de manière violente. Il
s'agit de lutter contre le seigneur, la commune est ce moyen trouvé pour s'opposer au seigneur. Elle a
une connotation très contestataire, très agressive. Elle sert à arracher au seigneur un certain nombre
de chose. Le mot "commune" a un sens insurrectionnel. Les communes naissent à l'issue d'une
insurrection, de violences.

Un 2ème élément plus important et indissociable du phénomène communal: existence d'une


autonomie juridique de la communauté des bourgeois. C'est un corps à part entière, une entité
juridique à part entière. Les bourgeois ont utilisé un concept issu du droit romain. Les bourgeois vont
puiser dans le droit romain ce concept qui va renforcer la personnalité juridique du groupement qu'il
constitue: l'universitas. C'est la communauté des bourgeois, des habitants d'une ville qui disposent de
la personnalité juridique.

Le 3ème élément est la charte. Cette charte est la reconnaissance officielle de la commune. Il existe
aussi des chartes pour les villes à faible autonomie municipale: les chartes de franchise. Sauf qu'ici
c'est différent, c'est une charte de commune. Ici, le seigneur ne se limite pas à reconnaître des
franchises, des privilèges particuliers pour les habitants. Dans la charte, il reconnaît l'universitas, la
personnalité juridique de la collectivité. Il lui reconnaît des prérogatives de nature politique, de
nature juridique. La charte d'une ville de commune (charte de commune) est l'acte par lequel le
seigneur reconnaît la commune en tant que personne juridique (universitas) et par lequel il octroie
aux habitants des privilèges et à l'universitas des prérogatives de nature politique et administrative.

Cela a une conséquence, si la commune a obtenu le droit d'exercer ces prérogatives, ça veut dire que
la commune est devenue une institution, elle va pouvoir s'administrer elle-même, elle va disposer
d'organes, de structures, lui permettant cette auto-administration.

b) L'organisation communale

Juridiquement, tous les habitants de la ville ne font pas partie de la commune, notamment ceux qui
n'ont pas prêté serment, les ecclésiastiques, les paysans des alentours, ceux qui n'ont pas vécu
suffisamment longtemps dans la commune, les étrangers de passage. En revanche, tous les bourgeois
font partie de la commune, et à ce titre, tous peuvent participer à l'administration de la cité. Quelles
sont les prérogatives qu'elle exerce ?

L'administration communale repose toujours sur 3 organes:

_ Un organe délibérant qu'on appelle en général un corps municipal ou corps de ville (équivalent du
conseil municipal) qui détient le pouvoir de ban. Les membres s'appellent des échevins, des jurés, des
pairs. Leur nombre varie de 10 à 25 membres. Ces échevins sont élus selon des modalités diverses, ce
n'est pas au suffrage universel. Ils sont choisis par des groupements influents. Parfois, ceux qui
quittent leur charge désigne un remplaçant. Parfois il arrive que ce soit une assemblée générale de
bourgeois qui désigne ces membres. En général, au sein de cet organe délibérant, le pouvoir reste aux
mains de quelques familles influentes, riches, ce sont de petites oligarchies locales qui essayent de
tenir le peuple à l'écart des charges municipales.

_ A la tête de ce collège, se trouve un organe exécutif, que l'on appelle un maire, le 1er magistrat de la
cité, c'est lui qui le préside et fait exécuter ses décisions. Ses attributions sont très larges dans le
domaine administratif, financier, judiciaire. C'est lui qui garde les clés de la ville, les portes sont
fermées tous les soirs. C'est lui qui garde les coffres où est contenue la charte.

_ Lorsqu'une décision importante doit être prise, on peut faire appel à une assemblée générale des
bourgeois. En théorie, ça devrait être la plus grande autorité de la commune, mais en fait, on ne la
réunit que dans des circonstances exceptionnelles et elle ne fait que ratifier des décisions déjà prises.
Le plus souvent c'est le corps municipal et le maire qui détienne l'essentiel du pouvoir.
Les compétences de la commune sont très étendues. Ce sont toutes les prérogatives seigneuriales
auxquelles le seigneur a renoncé et qu'il a transférées à la commune. La charte prévoit toutes ces
prérogatives. La commune détient donc le pouvoir de ban (ordonner, contraindre, punir,
sanctionner), elle l'exerce à l'intérieur des remparts mais aussi sur les terres avoisinantes. Ces lieux
sont appelés la banlieue.

_ D'abord, la commune exerce un pouvoir de police, elle assure la sécurité des habitants par les
sergents. C'est aussi la police administrative, elle règle les problèmes de voieries, d'urbanisme. C'est
aussi la police économique, la police des marchés, la surveillance des produits vendus, les prix, les
poids et les mesures. Pouvoir très large.

_ Prérogatives également dans le domaine judiciaire. La commune exerce la prérogative de justice


seigneuriale sur tous les habitants de la cité. La procédure reste très rigoureuse mais les bourgeois
considèrent que c'est plutôt un avantage d'être jugé par les juridictions urbaines et d'échapper à la
justice du seigneur.

_ En matière fiscale, la ville jouit d'une grande autonomie financière, elle a son propre budget avec
ses propres ressources (revenus qu'elle tire de son domaine, des impôts indirects, des taxes sur les
marchés, les péages, la circulation des marchandises, tout est conservé dans un coffre) et ses propres
dépenses (pour l'entretien des remparts qui entourent la cité, pour la construction d'édifices publics,
pour verser le salaire des agents municipaux, les sergents de police, des sommes d'argent au
seigneur).

_ Enfin dans le domaine militaire, là aussi elle exerce des prérogatives étendues. Elle dispose d'une
milice, une petite armée composée de bourgeois, parfois dirigée par le maire. Elle aura de plus en
plus recours à des professionnels. Tout cela lui permet de se défendre, d'assurer la garde, le guet,
mais le cas échéant d'exercer un droit de guerre privée.

Toutes ces prérogatives sont extrêmement importantes, elles témoignent de l'autonomie de la


commune. Elles sont symbolisés par des signes extérieurs: le sceau communal qui sert à sceller les
actes officiels de la commune (signe de puissance), les clés de la ville qui ouvre les portes, les
remparts, qui montrent que la ville assure elle-même sa propre sécurité, le beffroi de la ville (sorte de
clocher mais pas religieux, sert de tour de guet, elle est munie d'une cloche, plus tard elle sera munie
d'une horloge).

Dans de telles conditions, la ville a nécessairement intéressé le roi et les seigneurs, ils ne pouvaient
pas être indifférents. Ils ont pu être tentés de la considérer comme une partenaire. Comment va se
positionner cette commune ?

c) La commune face au roi et au monde féodal

Elle pouvait difficilement y échapper, elle est détentrice d'une puissance militaire, de richesse,
politique: elle intéresse logiquement le seigneur.

Comment va-t-elle être considérée par la féodalité ?


Elle va être intégrée à la féodalité, à la hiérarchie féodale et considérée comme une seigneurie
collective. Elle deviendra la vassale de son ancien seigneur id est du seigneur qui lui avait concédé la
charte. Cette commune portera au seigneur l'hommage. Elle sera soumise à toutes les obligations
vassaliques classiques: l'aide pécuniaire et le conseil, c'est le maire qui remplira cette fonction. Le
maire viendra siéger à la cour du seigneur au même titre que les autres vassaux.

En ce qui concerne le roi, c'est plus compliqué. La position du roi a évolué dans le temps.

_ Dans un 1er temps, l'attitude du roi diffère peu de celle des seigneurs, parfois une certaine hostilité,
en tout cas une certaine inquiétude face aux mouvements d'émancipation des villes. Le roi a
tendance à soutenir certains seigneurs contre des communes. Ou bien le roi n'accordera que des
franchises limitées.

_ Vers la fin du 12ème, la politique royale à l'égard des villes se fait plus précise. Il faut distinguer selon
que la ville se situe dans le domaine royal ou à l'extérieur. Le roi joue un double jeu selon la
localisation de la ville:

· Dans le domaine royal, il est hostile à une large autonomie urbaine. Il va donc se limiter à
accorder des chartes qui concentrent des franchises individuelles mais pas des chartes qui accordent
des prérogatives politiques, sinon c'est sa propre autorité qui s'amoindrit. Il accepte les villes à
autonomie municipale réduite.

· En dehors du domaine royal, le roi est beaucoup plus favorable au mouvement communal. Si
en dehors du domaine royal les villes s'émancipent, selon va amoindrir d'autant le pouvoir des
seigneurs voisins, le pouvoir du roi semblera plus grand. Pour affaiblir les seigneurs voisins, le roi
deviendra plus favorable à l'émancipation des villes. En dehors, il fera figure de protecteur des villes,
on le qualifiera plus tard de père des communes. C'est un peu comme s'il y avait une alliance tacite
entre le roi et les villes. Il y a d'autres intérêts à cette politique. Le roi prétend toujours être le
suzerain, il a tout intérêt à multiplier ses vassaux et à compter parmi eux des villes à large autonomie
pour qu'elles puissent lui rendre les services vassaliques. Le roi a besoin de puissance, d'argent et
qu'on l'aide du point de vue militaire. Il trouvera les 3 avec ces villes.

2) Les consulats du midi

Le mouvement urbain a pris des formes différentes selon les régions: dans le nord, des communes,
dans le midi, surtout le Languedoc et en Provence, ce seront des consulats.

Ce qu'on sait est que la situation des villes du midi est différente. Les villes sont plus nombreuses,
plus fortement urbanisées. L'héritage romain n'a pas disparu. Elles sont aussi plus peuplées. Ce sont
des villes qui ont moins régressé à l'époque franque et qui se sont réveillées plus tôt, qui ont connu
un renouveau précoce, probablement avec la proximité avec l'Italie, elles ont connu un essor
commercial plus tôt que celles du nord. Ceci ne justifie pas pour autant que les institutions soient
différentes. Comment expliquer l'existence de cette variante institutionnelle que sont les consulats ?
Plusieurs explications avancées par les historiens, certaines sont peu satisfaisantes, d'autres
davantage:
_ Pour certains historiens, ces consulats ne font que prendre la suite des institutions municipales
romaines. Ces consulats prennent leur suite. Cette thèse est peu convaincante, mais 5 siècles se sont
écoulés entre la chute de l'empire et le retour des consulats.

_ L'influence du droit romain, que l'on vient de redécouvrir en Italie (compilations de Justinien), un
droit qui se répand très tôt et d'abord dans le midi. Il est porteur de concepts qui vont être utilisés
par les consulats. Le terme même de "consulat" est d'origine romaine ("universitas" également).

_ Une autre hypothèse: c'est l'influence des villes italiennes. On essaie d'expliquer que des consulats
sont apparus dans le midi par imitation des institutions des villes autonomes italiennes. Il faut savoir
que certaines villes italiennes sont allées très loin dans l'autonomie jusqu'à devenir totalement
indépendantes, elles constituent des États à part entière (Venise, Gênes, Florence etc.). Le problème
est que si c'était vrai, ce mouvement aurait du s'étendre d'est en ouest en commençant par le sud-est
de la France en progressant vers le sud-ouest. En réalité, ce mouvement n'existe pas, ce serait même
plutôt le contraire.

_ La plus intéressante et fondée: les consulats résultent d'une évolution particulière du pouvoir
seigneurial dans le midi. Il faut dire que dans le midi, l'emprise de la féodalité classique est moins
forte que dans le nord. Ce qui fait que dans le midi, on est confronté à des situations particulières:

· D'abord on rencontre plus souvent des formes de coseigneuries, le seigneur n'est pas une
personne physique seule, le seigneur est formé de plusieurs personnes, parfois des ecclésiastiques. Il
existe donc une certaine habitude du partage du pouvoir. On est déjà habitué à partager le pouvoir, y
compris le pouvoir seigneurial.

· Les relations entre les bourgeois et le seigneur: une relative coopération entre eux. Les
seigneurs sont très impliqués dans la vie de la cité, parfois certains vivent en ville, ils assurent la
défense d'un rempart et participent à la vie économique de la cité. Comme il est impliqué, assez
logiquement, il est amené à solliciter l'avis de notables, de bourgeois. Ces conseillers apparaissent
comme les représentants des habitants. Parfois les bourgeois achètent au seigneur certains droits,
certaines prérogatives. Il y donc entre eux des relations beaucoup moins conflictuelles que dans le
nord. Au sein de ces consulats, on n'assiste pas à l'exclusion de certains groupes sociaux comme dans
les communes. Il y a des ecclésiastiques, la noblesse participe aussi à l'administration de la cité. On
assiste à une coopération entre les seigneurs et les bourgeois.

Ces consulats n'apparaissent pas de manière violente, sauf exception, ils apparaissent de manière
pacifique et souvent aussi de manière moins soudaine, au contraire des communes. Ils se
construisent par étape, les 1ers apparaissent au 12ème, ils sont plus tardifs que les communes et leur
apparition se prolonge au-delà.

Cette organisation est assez similaire à celles des communes du nord, dans la mesure où on retrouve
les 3 organes: un conseil, un exécutif et une assemblée générale.

_ Le conseil: les appellations varient: commun conseil, conseil général, grand conseil... Les effectifs
sont plus importants dans les communes, 48 personnes à Nice, 128 à Toulouse. Les membres sont
rarement désignés de manière démocratique, souvent par cooptation. A Nice, il est divisé en 4 parts
égales chacune représentant une classe sociale. Ce conseil est l'organe délibérant de l'universitas qui
adopte les principales dispositions qui régissent la vie commune, et freine parfois l'exécutif.
_ L'exécutif n'est pas confié à une seule personne, il est collégial. Un collège de consuls dont le
nombre varie: de 3 ou 4 à une douzaine en général (12 à Arles, 24 à Toulouse). A Nice, l'un représente
la noblesse, un autre la bourgeoise, un les artisans et le dernier tous les autres, agriculteurs, paysans,
pêcheurs. Il n'y a pas de maire, chacun des consuls va présider ce conseil à tour de rôle. Ces consuls
sont généralement désignés pas cooptation.

Leurs attributions sont les mêmes que celles des communes. Ces attributions sont en matière
militaire, financière, de police, économique. Ces villes jouissent d'une très large autonomie,
personnes morales dotées de la personnalité juridique, elles ont de larges prérogatives. ON rencontre
même de véritables codes d'administration municipale, le recours à l'écrit est plus fréquent et
précoce dans le midi. Ces consultats produisent des règles touchant à tous les domaines sociaux, ils
réglementent la vie de la communauté, l'organisation administrative. On y trouve des fois des
dispositions de droit privé, de droit pénal (souvent appelés des Statuts). Confirme la très large
autonomie des consulats.

Chapitre 2: La reconstitution monarchique et la renaissance de l'Etat (13-16ème siècle)

Cette période débute avec la fin du Moyen-âge, c'est souvent présenté comme une période de
transition sur le plan économique (on passe d'une économie rurale et féodale à un essor économique
qui se prolonge jusqu'au milieu du 14ème, vers 1350, période de crise à cause de la peste de 1338, et
aussi de famines redoutables, de difficultés consécutives à la guerre de 100 ans -> période de déclin),
politique, culturel.

Ce n'est qu'au milieu du 15ème qu'on assiste à un renouveau notamment sur le plan économique.
Période favorable jusqu'au milieu du 14ème, déclin et redémarrage.

Sur le plan culturel, recul de l'influence intellectuelle de l'Eglise et temps marqué par l'envie de
renouer avec la culture antique: la Renaissance. C'est une période d'effervescence intellectuelle,
essor des grandes universités (Paris, Toulouse, Orléans...).

Sur le plan politique, période de transition fondamentale: on passe des temps féodaux marqués par
l'effacement de la royauté au temps de règne marqué par le renforcement de l'autorité royale. Les
rois réaffirment leur autorité et reconstruisent le royaume: oeuvre d'ascension continue de la
monarchie. Ce renforcement s'accompagne de la renaissance de l'Etat, les 2 phénomènes sont liés. La
restauration de la souveraineté monarchique va de paire à ce rétablissement de la notion d'Etat. On
avait oublié cette notion, on la redécouvre et la renforce.

Parallèlement, s'impose aussi une autre idée, celle de nation. Là c'est une idée nouvelle. La nation à
cette époque est le prise de conscience des gouvernés de leur appartenance à une même entité,
d'une même patrie au fond. C'est la conscience d'avoir une origine commune, la même langue, les
mêmes mœurs, une histoire commune, des ennemis communs (la guerre de 100 ans contre les
anglais renforce cette prise de conscience nationale) mais c'est aussi la conscience d'un avenir
commun. Solidarité qui rapproche les hommes, tous ceux qui vivent dans un même cadre territorial;
c'est ce qui forme l'identité nationale. Elle se construit à cette époque. L'Etat va s'appuyer sur ce
phénomène, il en tire sa cohésion. C'est pourquoi on dit que la France est un Etat-nation, il se
construit en s'appuyant sur cette réalité nationale. Le sentiment national est un élément de la
puissance de l'Etat. C'est en s'appuyant sur tout cela que le roi développe sa souveraineté sur le
royaume, et en même temps les moyens d'administrer le royaume, de le gouverner. En même temps,
cette autorité bien qu'elle devienne souveraine, n'est pas sans limite. Le roi doit tenir compte
d'institutions souvent héritées de la période féodale, qui viendront tempérer son pouvoir: monarchie
tempérée: le roi dans ce cadre a en face de lui toute une série d'institutions, de pouvoirs locaux, de
collectivités, de groupes sociaux avec lesquels il va devoir compter, entetenir un dialogue permanent,
une collaboration. Ce n'est que lorsqu'il dominera tout cela qu'on passera à une monarchie absolue.

Formidable consolidation de la royauté et ensuite comment le pays est gouverné, administré, les
moyens de tempérer le pouvoir.

Section 1: Une royauté consolidée

Jusqu'à la fin du 12ème la royauté était largement soumise aux structures féodales. Le roi tirait du
sacre un certain prestige, il essayait de se mettre au sommet de la hiérarchie féodale. Mais ce qui la
caractérisait était sa faiblesse car le roi se bardait à cette structure féodale.

Les choses changent à partir du 13ème: progressivement, on assiste à une lente affirmation de
l'autorité royale. Quels sont les facteurs ?

Il ne faut pas négliger la personnalité de certains grands rois, le changement est du en partie à ces
personnalités: Philippe Auguste (1180-1223), 44 années de règne, il agrandit le royaume, en 1214 il
remporte une victoire colossale sur le duc de Normandie et de puissances étrangères: bataille de
Deauville, immense retentissement ; Saint-Louis (Louis IX) 1226-1270, 44 années aussi, très grand roi,
presque un symbole de la renaissance de l'autorité royale ; Philippe Lebel (Philippe IV) 1285-1314,
affirme l'autorité de la monarchie française, il affirme un pouvoir souverain contre les prétentions du
pape et de l'empereur.

L'affirmation de cette autorité est liée aussi au fait que ces souverains ont eu le mérite de s'entourer
des conseils de juristes extrêmement efficaces: des légistes, ils connaissent les lois romaines. Ce sont
eux qui vont exploiter le droit romain au profit du roi. Ce droit romain était un trésor de concepts
juridiques, dans lequel tous pouvaient puiser des moyens de renforcer leur autorité. Ces légistes vont
aller y chercher des arguments, des justifications, des concepts, qui vont être mis au service de la
monarchie. C'est ainsi que se construit le droit privé monarchique. Ces légistes vont fournir des
arguments juridiques pour soutenir les prétentions territoriales du roi pour défendre ce territoire. Ils
vont aussi développer une notion fondamentale: celle de souveraineté. Cette idée selon laquelle
existe un roi souverain chargé de gouverner dans l'intérêt général. Il est au dessus des autres
pouvoirs, de nature différente, chargé de gouverner dans le commun profit. Progressive reconquête
du royaume et affirmation de la souveraineté.
§1 La reconquête et la consolidation du royaume

Ces légistes ont également développé une notion essentielle sur laquelle la monarchie va s'appuyer.
Cette notion est celle de « couronne ».

Au sens matériel, c'est juste ce cercle de métal posé sur la tête du roi au moment du couronnement.
Il est l'un des emblèmes comme la main de Justice, le trône, de la dignité royale.

Il a aussi un sens abstrait, symbolique. La couronne est pratiquement l'Etat monarchique, mais un
État dont on veut souligner la souveraineté, la puissance et la dignité. En réalité c'est plus compliqué.
La couronne en tant qu'entité abstraite va disposer aussi de droits liés à la souveraineté (droits de
l'Etat), mais également d'un domaine, un territoire, un patrimoine à sa disposition: le domaine de la
couronne (aujourd'hui on parle du domaine public de l'Etat). Cela enrichit la définition.

3 questions à propos du domaine:

_ Comment s'est-il constitué et accru ?

_ Comment a-t-il été conservé ?

_ Comment est-il transmis ? Dévolution de la couronne.

A) L'accroissement du domaine royal

La définition du domaine royal est assez simple, c'est un ensemble de biens matériels, de terres
notamment, mais aussi de droits (de justice, fiscaux), de revenus, qui appartiennent à la couronne et
à la disposition du souverain.

Ce domaine est un ensemble en perpétuelle évolution, il est discontinu. Il faut ajouter 3 remarques:

_ Sur le plan juridique, pendant un certain temps encore, on aura tendance à confondre domaine
royal et patrimoine privé du roi. Le roi va continuer à considérer que ce domaine est sa propriété, il
l'utilisera comme si c'était le sien.

_ Sur le plan géographique, le domaine ne se confond pas avec le royaume. A l'époque des 1ers
capétiens, il correspondait à 2 ou 3 départements autour de royaume. Le royaume en théorie est
toute la Francia Occidentalis. Pendant longtemps, le domaine ne coïncide pas avec le royaume, mais
les rois seront obsédés par cette idée de faire coïncider les 2.

_ Sur le plan politique, la puissance dépend souvent de l'étendue du territoire. Plus il est important,
plus il y aura de revenus fiscaux, plus il pourra lever de troupes. C'est pourquoi les rois de France vont
mener une politique territoriale pour accroître progressivement le domaine de la couronne jusqu'à
essayer de faire coïncider le domaine avec le royaume.

Tout cela est progressif. Quelles sont les étapes ? Quels sont les moyens ?

Les phases de l'extension territoriale ?

Plusieurs étapes qui marquent cet accroissement et la montée en puissance de la monarchie:


_ Tournant décisif: règne de Philippe II 1180-1223: Philippe Auguste ->qui augmente, il augmente la
taille du domaine, on l'appellera le grand rassembleur de terres. Entre le début de son règne et la fin,
la taille du domaine de la couronne est pratiquement multiplié par 4 (p60), il réussit notamment à
réunir à la couronne le duché de Normandie. Il réussira également à conquérir l'Anjou, l'Auvergne.
On peut commencer à parler de Royaume de France, dont l'assise territoriale est relativement
conséquente.

_ Règne de Saint Louis, milieu 13ème. Persée vers le midi, le Languedoc, avec l'annexion de la
sénéchaussée de Carcassonne en 1229, le comte de Toulouse en 1271, et fin 13ème la Champagne.
Fin 13ème, le roi contrôle pratiquement les 2/3 du royaume.

_ Au 14ème l'expansion se ralentit, mais elle se poursuit, on incorpore la seigneurie de Montpellier et


on intègre également le Dauphiné, important car il se situait en terre d'empire, il ne faisait pas partie
de la Francia Occidentalis.

_ Au 15ème, cette politique s'amplifie. Après la guerre de 100 ans on récupère les territoires occupés
jusque là par les Anglais, la Gascogne, le duché de Guyenne. Plus tard, la Bourgogne, et fin du 15ème
la Provence, qui faisait partie des terres d'empire.

Fin 15ème, seule la Bretagne échappe encore à la couronne mais cette question va être résolue par le
mariage entre la duchesse de Bretagne et le roi de France. Il aura fallu entre la fin du 12ème et la fin
du 15ème, 3 siècles d'effort pour que le domaine coïncide avec le royaume et même plus, puisqu'on
dépasse les frontières de l'ancienne Francia Occidentalis.

Cette expansion a été rendue possible par des moyens divers, parfois par la force en ayant recours à
la guerre ou à la diplomatie, en général les 2, mais le plus souvent, à des moyens juridiques: le roi
utilise la force et le droit comme il se plaît à le dire. La guerre n'intervient que lorsqu'il faut faire
appliquer une solution judiciaire.

Les moyens de l'extension territoriale

Depuis longtemps, le roi essaie de se positionner en tant que suzerain, supérieur à tous les seigneurs,
il demande à ce qu'ils soient tous ses vassaux. Sur quoi se fondent leurs relations ?

Sur le droit féodal, or c'est un droit qui concerne essentiellement les relations féodo-vassaliques.
C'est sur ce droit que le roi va s'appuyer pour accroître son domaine. C'est logique car le droit public
monarchique est embryonnaire, tout comme la souveraineté qui n'est pas consolidée. Il dispose de
ce qu'il a sous la main, donc ce droit. Ce droit offre au roi 2 moyens qu'il va très largement utiliser: le
retour des fiefs et tout ce qui est lié à la patrimonialité des fiefs.

a) Le retour des fiefs

Il s'agit d'une question déjà abordée, il s'agit d'appliquer le justice féodale lorsqu'un vassal du roi ne
respecte pas ses obligations. Dans les cas les moins graves: saisie (temporaire) du fief et dans les plus
graves, la commise (définitive). Dans le but d'accroître le domaine royal, le roi aura recours quand
c'est justifié à la commise. Ce n'est pas si facile, encore faut-il qu'il soit suffisamment puissant pour la
faire appliquer concrètement.

Exemple: au milieu du 12ème, le duchesse d'Aquitaine épouse le roi d'Angleterre sans demander
l'accord de son seigneur, le roi de France, car il y a des conséquences politiques considérables. Son
attitude aurait pu être sanctionnée par une commise. Mais le roi ne tente rien car il n'a pas les
moyens matériels de la faire appliquer. Le droit n'est une arme efficace que si son application est
effective. Le seul moyen est le recours à la force à cette époque, à la guerre. Sinon, la commise ne
sera pas très efficace.

La commise a été largement utilisée, notamment pour acquérir la Normandie. Le duc de Normandie a
un vassal qui se plaint du comportement de son seigneur qui lui aurait enlevé son château et sa
fiancée, il va s'en plaindre au seigneur supérieur, le roi. Le roi Philippe Auguste va convoquer sa cour
féodale, qui va décider d'appliquer la commise à ce duché. Sur la base de cette décision judiciaire,
l'armée royale se lance à la conquête de la Normandie, de l'Anjou également. Ces territoires sont
soustraits au duc Jean de Normandie, appelé de là Jean sans terre. Ces terres sont donc réunies à la
couronne, il ne lui restera que la Guyenne et une zone normande.

b) La patrimonialité des fiefs

Lorsqu'on a parlé du fief dans le chapitre précédent, la concession était au départ viagère, mais on
s'était orienté dès le 12ème vers la patrimonialité du fief, on a vite considéré qu'il rentrait dans le
patrimoine du vassal, dit donc hérédité et aliénabilité. Le vassal a la possibilité de le transmettre à
son fils, moyennant un droit de mutation au seigneur et à condition que le fils devienne à son tour
vassal. En cas de difficultés, pluralité des descendants, pas de descendant mâle et si le fils du vassal
décédé est mineur. A chaque fois on a imaginé toute une série de solutions, surtout pour que les
services vassaliques puissent être rendus. Le nouveau vassal doit pouvoir remplir les mêmes
obligations que remplissait son père.

De la même manière, on a fini par admettre l'aliénabilité du fief, le vassal peut le vendre moyennant
2 conditions: le paiement au seigneur un droit de mutation et l'accord du seigneur, au cas où le fief
serait vendu à un ennemi. Si le seigneur ne l'accepte pas, il peut se substituer à l'acquéreur et acheter
le fief. à son vassal.

Sur la base de ce principe général, les rois capétiens ont multiplié les moyens d'utiliser ce principe à
leur profit pour accroître leur domaine. Quels moyens ? 4 moyens:

_ D'abord, une politique d'acquisition: le fief est aliénable, le roi est riche, il va en acheter, à des
seigneurs en difficultés financières, utilisée au 13ème et encore plus au 14ème (pour Montpellier).

_ Une politique successorale le roi devient l'héritier d'un vassal qui va lui léguer son fief. C'est ce qui
se passe en Provence, le roi laisse domaine à un neveu très âgé sans descendant et par testament, à
sa mort, il décide de léguer la Provence au roi en 1483. Le roi pourra bénéficier du droit de désirance,
pour mettre la main sur les biens sans maître. Un vassal meurt sans héritier, son fief revient au
seigneur, et c'est souvent le roi, il remet donc la main sur le fief. Utilisée pour ajouter la Bourgogne en
1361, le duc de Bourgogne meurt sans héritier, le roi récupère le fief de son vassal.

_ Une politique matrimoniale: on va chercher pour le roi une future épouse qui soit l'héritière d'un
fief important. Philippe Auguste va épouser la nièce du comte de Flandres, Philippe Lebel obtient par
mariage la Champagne. Pratiquement tous les rois vont utiliser le mariage dans ce sens. Le plus bel
exemple est la Bretagne, la duchesse épouse 2 rois successivement. Sa fille fait de même. Le
remariage est utilisé pour accroître le domaine de la couronne.

_ Les traités de pariage: un traité conclu entre le roi de France et un seigneur pour permettre au roi
de participer à l'administration du fief, le roi devient le coseigneur du fief. Ce sont des traités souvent
conclu avec des seigneurs ecclésiastiques. Le seigneur ecclésiastique d'Andorre signe ce traité avec le
roi de France.

Encore faut-il pouvoir conserver ce domaine.

B) La conservation du domaine royal

Assez paradoxalement, tout en développant la notion de domaine de la couronne, notion de droit


public moderne, les capétiens ont eu du mal à se défaire de la conception patrimoniale du domaine.
La distinction entre privé et public n'est pas établie. Les rois ont tendance à vouloir vendre, partager
des parcelles. Ce n'est qu'avec le temps que cette conception primitive va s'estomper. Ces pratiques
vont se limiter avec le recours à 2 moyens:

_ Limitation des apanages,

_ Grand principe d'inaliénabilité du domaine de la couronne.

La limitation des apanages

L'apanage est une terre qui est donnée par le roi à ses fils cadets en compensation du fait que c'est
l'ainé qui hérite de la couronne. Pour ne pas léser les cadets, on leur concède des terres. Ces
apanages sont des parts d'héritage accordés aux cadets pour leur permettre de vivre honorablement
sans travailler. Le roi se comporte comme un bon père de famille, pour avantager ses enfants. Mais il
ne se comporte pas vraiment comme un souverain préoccupé par la conservation de la couronne.

Cette pratique devient courante, elle présente des avantages et des inconvénients:

_ L'avantage est sur le plan politique. L'avantage est que le roi va avoir tendance à accorder à ses
enfants cadets souvent des fiefs qui viennent à peine d'être incorporé au domaine de la couronne
pour les assimiler plus facilement, pour éviter les contestations, les hésitations des habitants
nouvellement intégrés. Ils ne sont pas directement sous l'autorité du roi ce qui permet une période
de transition pour une assimilation plus souple de ces territoires.

_ L'inconvénient est qu'avec l'accroissement du domaine royal, les apanages deviennent de plus en
plus importants. Le risque est que les liens peuvent se distendre entre les rois et les princes
apanagistes. Surtout lorsque le roi meurt, les liens peuvent se distendre entre les fils. Risque
d'indépendance excessive, même s'ils ont des pouvoirs limités, au 14ème on voit certains princes
apanagistes faire preuve d'indépendance, ce peut être une menace pour l'intégrité du royaume. En
raison de ces inconvénients, cette pratique pourrait être plutôt un moyen de porter atteinte à son
intégrité.

La monarchie a imaginé des moyens pour limiter les effets négatifs des apanages. D'abord on va
systématiquement faire entrer les apanagistes dans la féodalité, on en fait des vassaux directs du roi,
c'est la féodalité de fleur de lys, propre aux apanagistes. A côté, on a essayé de réduire les droits des
apanagistes. On a commencé à leur accorder des apanages de plus petite taille. De la même manière,
on réduit leurs droits à des prérogatives essentiellement économiques, elles ne seront plus de
puissance publique, ni militaire, ni judiciaire. Il ne peut que faire fructifier le territoire et en retirer
des bénéfices. Si les cadets sont des filles, elles recevront des apanages en argent pour éviter que par
mariage, l'apanage ne s'éloigne du roi. Enfin, on va faciliter le retour des apanages à la couronne en
intégrant dans le texte qui permet cette concession une clause de reversion, qui prévoit que si
l'apanagiste meurt sans héritier, l'apanage revient a la couronne.

A côté il y a un autre principe plus radical qui permet la conservation du domaine de la couronne.

L'inaliénabilité du domaine de la couronne

Jusqu'au début du 14ème, le roi a tendance à disposer encore assez librement de ce domaine de la
couronne. Il n'hésite pas à faire preuve de largesses, il vend des parcelles, en fait cadeau à des
proches. Cette pratique est assez courante jusqu'au milieu du 14ème. Sous l'influence des légistes et
avec le temps, le principe d'inaliénabilité va progressivement s'imposer.

Parmi les raisons qui expliquent l'émergence de principe, il y a une motivation fiscale. On est à une
époque où les charges de l'Etat ont tendance à s'alourdir, se met en place une armée nationale, cela
coûte extrêmement cher, les besoins de la monarchie s'accroissent. Les finances du roi ont 2 origines:

_ L'impôt, ressource extraordinaire, on y recourt rarement.

_ La ressource ordinaire est ce qui correspond aux produits du domaine de la couronne.

On trouve normal que l'impôt soit épisodique et que le roi vive d'abord du sien, il doit dépenser
l'argent qui provient de ce que son domaine produit. Pour éviter que ces ressources ordinaires ne
diminuent, il va falloir préserver le domaine, il faut mettre un terme aux aliénations. On a tout un
courant favorable à l'affirmation de ce grand principe. Celui-ci est affirmé en 1319, le roi confirme ce
principe et de manière rétroactive. Le roi révoque toutes les aliénations du domaine intervenues
depuis 50 ans: tout doit revenir au domaine de la couronne. C'est une mesure importante que l'on va
fonder sur un principe de droit romain, qui veut que la chose publique, la res publica est inaliénable.
Le domaine royal est donc lui aussi inaliénable. Cette idée va être confirmée à de nombreuses
reprises. Tout au long du 14ème on rappelle ce principe d'inaliénabilité. Une assemblée réunissant
une grande partie de l'aristocratie en 1329, à Vincennes: c'est l'occasion pour les légistes de
proclamer des prérogatives royales et ce principe qui le rend inaliénable. Ceci dit, certains rois vont
essayer de passer outre ce principe. C'est pourquoi durant la 2ème moitié du 14ème sous Charles v, il
intègre ce principe à la promesse du sacre, avant l'onction. Il va promettre aussi le principe de
l'inaliénabilité du domaine de la couronne. On prend conscience que le domaine n'appartient pas au
roi, il appartient à cette entité abstraite qu'est la couronne, le roi ne peut pas en disposer comme il
veut. Le domaine ne lui appartient pas en propre, il appartient à la couronne. Le roi va administrer le
domaine, en retirer des fruits, mais il n'en dispose pas. A la fin du Moyen-âge ce principe
fondamental est rappelé dans des ordonnances royales, il acquiert pratiquement un « caractère
constitutionnel »: c'est un principe qui a une valeur supérieure aux lois ordinaires.

Reste le problème de déterminer dans quelles conditions la couronne va être transmise.

La dévolution de la couronne

Dans cette phase de consolidation de l'Etat il est important de lui assurer une permanence et une
continuité. Il est important que la transmission de la couronne se fasse sans difficulté. Un certain
nombre de règle coutumière vont être élaborées pour éviter toute difficulté.

_ La 1ère est l'hérédité, établie par Hugues Capet. Il l'a rétabli par l'association au trône de son fils
Robert et son sacre anticipé, il avait rétabli ce principe d'hérédité, gage de stabilité du pouvoir. Assez
vite, ce principe n'est plus contesté, le fils du roi est l'héritier naturel du roi, il ne soulèvera pas de
difficultés.

_ A ce principe s'est ajouté très tôt le principe de primogéniture, le 1er né des fil du roi défunt
héritera de la couronne, appelé aussi droit d'aînesse. Deviendra un principe de droit public, cette
règle s'inspire du droit féodal: l'héritage se fait aussi par primogéniture. Tout cela car il est important
de préserver l'unité du fief, et on considère l'aîné comme le plus expérimenté car il est le plus âgé, et
surtout le plus apte à remplir le service d'ost au bénéfice du seigneur. C'est pourquoi ce principe
s'impose en droit féodal. En plus de cela, le principe de primogéniture va s'affirmer dans des
circonstances précises. En 1027, sous le règne de Robert le Pieu, il a depuis longtemps associé son fils
au trône, mais celui-ci meurt avant son père. Le roi a encore plusieurs enfants, lequel choisir ? La
reine aurait préféré l'un des plus jeunes, contre l'avis de la reine, le roi choisit Henri, plus tard Henri
Ier car c'est l'aîné. C'est là le départ du principe de primogéniture qui ne sera plus contesté par la
suite. C'est un précédent qui en est à l'origine. Très souvent, ce sont les circonstances qui permettent
de dégager un principe fondamental. A un moment donné, un problème successoral apparaît, sans
solution, on en trouve une pragmatique, et cette solution de bon sens est acceptée de tous, elle est
consacrée par le temps et devient une coutume. C'est un événement particulier qui crée l'occasion de
dégager un principe fondamental.

_ Un autre principe essentiel va être dégagé lorsque s'achève le miracle capétien, le fait que le roi de
France ait toujours un enfant mâle pouvant lui succéder. Il n'y a plus des filles, est-ce qu'une femme
peut régner en France ? C'est le cas dans la plupart des monarchies d'Europe. En France, ce ne sera
pas le cas et les circonstances vont permettre de dégager un autre principe fondamental: le principe
de masculinité.
Le principe de masculinité

Ce principe repose sur une idée simple: la couronne doit se transmettre de mâle en mâle à l'exclusion
des femmes mais également des descendants par les femmes. Ce ne sont pas seulement les femmes
que l'on va réussir à exclure, mais également les hommes descendants de femmes.

a) L'exclusion des femmes

(Cf. arbre généalogique p117)

Cette règle va être dégagée à l'occasion d'un cas concret qu'il va falloir résoudre. Le problème: en
1316, Louis X meurt, il ne laisse qu'une fille d'un 1er mariage mais également une 2ème épouse
enceinte. IL faut attendre la naissance de l'enfant pour régler la succession. Une assemblée de grands
féodaux, de barons, de prélats, désigne le frère du roi défunt, Philippe, pour assurer la transition, la
Régence (phase de transition de gouvernement provisoire du royaume). A la naissance l'enfant, si
c'est un garçon il sera roi en application du principe, il régnera quand il sera en âge de le faire, il sera
remplacé provisoirement par un Régent. Si c'est une fille, aucune solution n'a été prévue, le
problème ne s'est jamais posé en raison du miracle capétien. L'enfant naît, Jean Posthume, il meurt 5
jours après sa naissance. Il ne reste que Jeanne, la question est de savoir si elle va pouvoir régner. La
réponse du droit féodal n'est pas précise, pour succéder à un fief, elle peut succéder à son père. Dans
la monarchie, la plupart des pays acceptent le règne d'une femme. En France, on écarte la
candidature de cette enfant. Philippe, le frère du roi défunt profite de circonstances favorables et
d'arguments politiques pour se maintenir au pouvoir:

_ D'abord, il est déjà Régent, donc déjà en place.

_ Il bénéficie du soutien des barons, de l'Eglise, du monde féodal, de l'aristocratie.

_ Si Jeanne venait à régner, cela supposerait une longue régence, elle n'a que 4 ans, et qui est
toujours une période de faiblesse pour le pouvoir.

_ Etant une fille, elle se mariera un jour et le risque est que la couronne peut passer dans des mains
étrangères.

_ Si on accepte le principe de la succession des femmes, il ne faut pas oublier que Louis X et Philippe
ont une sœur aînée, Isabelle. Pourquoi ne pas lui confier la couronne à ce moment-là ?

Toutes ces raisons se cumulent et permettent à Philippe de se maintenir au pouvoir, il devient


Philippe V, roi de France. Il pose ce principe fondamental selon lequel les filles ne peuvent pas
accéder au trône de France. Le principe est le suivant: Faute de descendant mâle en ligne directe (fils
ou petit-fils), la couronne passera au plus âgé des frères du roi défunt.

Plus tard de multiples adages se formeront pour illustrer ce principe: « Le royaume ne saurait tomber
aux quenouilles. » Plus tard, « Les lys ne filent point. »

Ce principe ne va pas tarder à être appliqué quelques années plus tard en 1322, lorsque Philippe V
décède à son tour et lui aussi n'a que des filles. Sauf que maintenant on dispose d'un principe qu'on a
dégagé 6 ans plus tôt. Par chance, Philippe V a un frère, Charles, il va régner sous le nom de Charles
IV.
A la mort de Charles IV, en 1328, un autre problème surgit, il ne laisse que des filles mais il n'a plus de
frère pour lui succéder, il n'a qu'une sœur, Isabelle, qui a elle-même un fils. La question est de savoir
si le neveu du roi défunt peut succéder ? C'est la volonté d'exclure ce prétendant qui va permettre de
dégager un 2ème principe complémentaire du précédent.

b) L'exclusion des descendants par les femmes

Nous sommes en 1328, Charles IV ne laisse que des filles, 2 prétendants se présentent, le fils de sa
sœur, Edouard III et il est issu du mariage entre Isabelle et Edouard II, le roi d'Angleterre ; l'autre est
parent au 4ème degré du roi, Philippe de Vallois, qui est le fils de Charles de Vallois, fils de Philippe
Lebel.

Dans l'hypothèse d'une succession à un mâle en ligne directe, le plus proche parent du roi défunt est
Edouard III. Mais les partisans de Philippe de Vallois s'y oppose. De part et d'autre on avance des
arguments de nature politique, juridique pour défendre son candidat.

_ Sur le plan juridique, les proches d'Edouard III accepte le 1er principe d'exclusion des femmes. Mais
en revanche, si une femme ne peut pas succéder, elle peut transmettre des droits successoraux à son
fils. Ils s'appuient sur un adage du droit féodal qui dit que la femme fait pont de planche: elle sert de
passerelle aux droits successoraux et elle permet à son fils de succéder.

En revanche, les juristes partisans de Philippe de Vallois repoussent cette thèse et considèrent qu'on
ne peut pas transmettre ce qu'on ne peut pas faire. L'inexistence du titre fait l'inexistence de la
transmission.

_ Les partisans de de Vallois soulignent le risque de la succession d'Edouard III, il serait à la fois roi de
France et roi d'Angleterre, ce qui risque d'entraîner une absorption du royaume de France.

On va préférer finalement la candidature de Philippe pour ces raisons politiques au détriment


d'Edouard III.

Philippe de Vallois régnera à partir de 1328 sous le nom de Philippe VI. C'est un capétien lui aussi, ce
n'est pas vraiment un changement de dynastie, mais il n'est pas capétien direct, il est issu d'une
branche collatérale, les Vallois (tout comme au 16ème, on passe des Vallois aux Bourbon). On a
l'impression de Vallois accepte la solution, mais il revient sur sa décision, il se proclamera roi de
France et d'Angleterre, relations tendues entre les deux, qui vont dégénérer en un long conflit, c'est
le début de la guerre de 100 ans.

Plus tard, les juristes de l'entourage royal ajouteront d'autres arguments juridiques qui vont dans le
sens des principes de l'exclusion des femmes et de leurs descendants:

_ Ils auront recours à la loi salique, loi nationale des Francs saliens, loi du peuple de Clovis, qui
remonte au 5ème siècle, elle excluait les femmes de la succession. La terre des ancêtres ne devait
être transmise qu'à un descendant mâle. Pas de grande valeur sur le plan juridique, car cette loi
n'introduisait qu'une disposition de droit privé, règle difficilement transposable au droit public
monarchique. Mais la propagande royale essaie de rattacher la monarchie à des ancêtres prestigieux.
Même si cette référence n'a pas grande valeur sur le plan juridique, elle est quand même symbolique,
elle aura une valeur morale. Elle contribuera à faire du principe de masculinité un principe
fondamental.

_ Un autre argument lié au sacre. Celui-ci faisait pratiquement du roi un ecclésiastique. Le roi n'était
plus à proprement parler un laïc, il était investi de pouvoirs de guérison. Une femme, si elle peut
entrer dans le clergé dans les couvents, elle ne fer a pas partie du clergé séculier et donner le
sacrement. Donc il est impossible qu'elle soit sacrée et par conséquent qu'elle accède au trône.

Maintenant que ce principe est acquis, encore faut-il que le roi n'utilise pas la couronne comme il
l'entend. Sa dévolution doit se faire de la manière la plus automatique possible. L'idée est que le roi
ne doit pas disposer de la couronne, elle ne lui appartient pas. La couronne est quelque chose qui est
indisponible. C'est là un autre grand principe.

2. L’indisponibilité de la couronne

En 1420, Charles VI donne des signes de faiblesse et de démence. S'ajoute un climat de guerre civile,
c'est la guerre entre les armaniaques et les bourguignons. En 1420, le roi doit prendre une décision
surprenante, il signe un traité avec le roi d'Angleterre, Henry V, le traité de Troie, aux termes duquel
le fils du roi, Charles, est écarté de la succession à la couronne. La couronne sera cédée à Henry V, qui
est adopté par le roi de France et on prévoit qu'il épousera la fille du roi de France. Il deviendra le fils
adoptif, le gendre et le successeur. L'adoption a lieu, le mariage aussi. Charles VI prend une décision
particulièrement surprenante car il écarte son propre fils de la succession. Il porte atteinte à un
principe coutumier qui semblait acquis: le fils aîné devait succéder directement à son père. Ce qui
résout le problème sont les évènements et les arguments des juristes:

_ Sur le plan évènementiel, au cours de 1422, le roi de France, Charles VI le fou décède mais décède
également celui que le traité de Troie a désigné comme successeur, Henry V. C'est cela qui va
permettre au fils du roi de France de se ressaisir. On l'appelle depuis quelques décennies le dauphin,
car en 1349, le fils du roi de France avait acquis le Dauphiné. Charles, le dauphin, trouve donc dans la
mort de son père et de son principal rival l'occasion de ressaisir, il entreprend la reconquête du
pouvoir par les armes. Ses succès militaires lui permettent d'accéder au trône, il bénéficie du soutien
de Jeanne d'Arc.

_ Sur le plan juridique, les légistes vont essayer de développer toute une série de thèmes qui
enferment la dévolution de la couronne dans des règles très strictes. On voit s'ébaucher un véritable
droit public monarchique destiné à ce que le roi ne puisse disposer de la couronne comme il veut. Un
juriste Languedocien Jean de Terre Vermeille, explique dans un ouvrage de 1429 que la couronne
relève d'un statut particulier: la théorie statutaire du royaume. L'idée est que la royauté est une
fonction dont le roi n'est pas propriétaire. La couronne est une chose publique, le roi ne peut en
disposer, il n'est que l'administrateur de la couronne, il ne peut pas régler sa dévolution à sa guise,
elle est fixée par la coutume. Or la coutume est un ordre juridique indépendant de la volonté royale.
Elle ne peut pas être modifiée par une volonté individuelle. Par conséquent, la succession royale doit
se distinguer d'une simple succession patrimoniale, de droit privé. Ca ne se règle pas par testament,
ce n'est pas une succession héréditaire. Le futur roi n'est pas à proprement parler l'héritier de son
père au sens du droit privé, il ne fait que recueillir la couronne non pas par succession héréditaire
mais par le jeu d'une loi coutumière. « Hériter » n'est pas le terme adéquat. Il est donc le successeur
légal, coutumier, dans le cadre d'une succession de nature publique. D'ailleurs, avant même de
succéder, on dit de lui qu'il est un successeur présomptif, il a un droit acquis à succéder, personne ne
peut le déposséder de ce droit, fondé sur les liens de sang et sur la coutume. On dira même plus tard
qu'il est l'héritier nécessaire. Si le roi a un fils c'est nécessairement lui qui succédera, simplement en
application de ce principe successoral coutumier.

Ca laisse entendre que la couronne repose aussi sur l'idée de permanence, de continuité. Il s'agit
d'assurer sa continuité, sa permanence.

3. Permanence de la couronne et continuité royale

Il faut éviter autant que possible les périodes au cours desquelles la couronne n'a pas de titulaire,
aussi courtes soient-elles, ce sont des périodes de vide qui fragilisent le pouvoir, elles sont
dangereuses. Plusieurs moyens vont être imaginés, pour que ces périodes n'existent pas ou au moins
pour réduire les risques autant que possible.

Au départ, un moyen assez efficace, on estimait que c'était le sacre qui faisait le roi, il ne pouvait
régner que s'il avait été sacré: moyen du sacre anticipé, le fils est sacré du vivant de son père et
associé au trône, la continuité est assurée. Mais de plus en plus, on va considérer que le roi n'est pas
roi grâce au sacre mais qu'il règne par succession coutumière. On va renoncer au sacre anticipé dès
Philippe Auguste car le roi s'impose de lui-même. Entre la mort du roi et l'arrivée de son successeur, il
y a un flottement, un vide juridique.

On va imaginer des moyens pour combler ce vide, à 2 moments:

_ Au moment de la mort du roi: on va imaginer (fiction juridique) que la succession se réalise de


manière instantanée. Plusieurs ordonnances rappellent que le fils aîné devient roi immédiatement à
la mort de son père (adage: « Le royaume n'est jamais sans roi. »): principe de l'instantanéité de la
succession, principe illustré par divers adages: « Les rois ne meurent pas en France »: physiquement
ils meurent, mais la fonction subsiste, il y a toujours un roi pour régner et adage prononcé à
l'occasion de la mort du roi: « Le roi est mort, vive le roi. »: au dessus de sa personne physique qui
meurt, l'institution demeure, la royauté demeure inchangée.

_ Durant la minorité du roi: on considère que l'enfant-roi est le roi véritable, le roi de droit. « Le roi de
France est toujours majeur. »: en théorie, il est majeur, il peut gouverner. En pratique, on ne laissera
pas un enfant prendre des décisions politiques importantes. L'âge de la majorité politique est très
bas, 14 ans en 1270, et même à 13 ans. Dès 13 ans, le jeune roi pourra commencer à assumer des
responsabilités politiques. Avant cet âge, le système est celui de la régence: gouvernement provisoire
du royaume exercé par quelqu'un d'autre pendant la minorité du souverain. Qui va exercer la régence
? La question se posait en droit féodale pour un fief: c'est le plus proche héritier qui exercera la
régence, celui qui succéderait si l'enfant venait à mourir. 2 thèses s'affrontent pour la régence royale:
soit à l'imitation du droit féodale, on dit que c'est l'héritier présomptif, soit une solution plus simple,
assurera la régence celui qui a été désigné par le roi avant sa mort. Si personne n'est choisi, la
personne qui a le plus d'influence sur l'enfant est toute désignée, id est sa mère. Souvent, c'est la
reine-mère qui à partir du 13ème siècle, assumera la régence (Catherine de Médicis auj 16ème,
Marie de Médicis au 17ème), mais la régence est une période trouble, pas une période de stabilité
pour le pouvoir.

Cette consolidation repose aussi sur une évolution considérable de la nature même du pouvoir:
l'affirmation de la souveraineté royale.

§2 L'affirmation de la souveraineté royale

A la fin du 12ème, la royauté reste largement intégrée au contexte féodal, mais une royauté qui tente
de tirer profit de ce contexte, le roi essayant de se présenter au sommet de cette pyramide féodale,
en qualité de suzerain. La suzeraineté est un pouvoir limité, dans le temps et en intensité et du fait
qu'il ne s'exerce que sur les vassaux directs du roi. Dans le monde féodal, on essaie toujours
d'appliquer le principe selon lequel « le vassal de mon vassal n'est pas mon vassal ». Le pouvoir du
suzerain est toujours médiatisé, limité. Ecran que constituent ses propres vassaux qui rend difficile
l'exercice du pouvoir sur les autres vassaux. Le roi va avoir tendance parallèlement à développer un
pouvoir de nature différente pouvant s'exerce sur tous ses sujets de manière beaucoup plus large. Il
ne renonce pas à la suzeraineté, mais il développe un autre pouvoir, une supériorité basée sur
d'autres fondements que les relations habituelles du monde féodal: la souveraineté. Comment passer
de la suzeraineté à la souveraineté ?

A) De la suzeraineté à la souveraineté

Ce passage est une évolution considérable du pouvoir, d'abord sur le plan du droit: parce que les
fondements juridiques du pouvoir ne sont pas les mêmes. Evolution aussi dans la pratique du pouvoir
dans la mesure où la suzeraineté et la souveraineté ne s'appliquent pas aux mêmes personnes et
n'autorisent pas les mêmes droits au titulaire.

La notion de suzeraineté

La nature de cette notion: la suzeraineté est une notion de droit féodal, de droit privé qui relève des
relations personnelles entre le roi et ses vassaux, une notion reposant sur une conception
contractuelle, patrimoniale du pouvoir. Les vassaux tiennent leur fief du roi, ils sont dans la mouvance
du roi. La suzeraineté est une notion qui doit jouer au profit du roi, il est intégré au système féodal,
on parle d'une monarchie féodale, les 2 termes ne sont pas antinomiques. Le roi se place au sommet
de cette pyramide, les conséquences:

_ Tous les puissants, les grands, les barons doivent hommage au roi, et même un hommage-lige.
Principe d'une pyramide de vassaux derrière.

_ Le roi lui ne doit d'hommage à personne au contraire parce que le royaume, il ne le tient de
personne, personne ne le lui a concédé. Un adage du 13ème souligne cette idée: « Le roi ne tient de
personne, sauf de Dieu et de soi-même. »: il ne dépend d'aucune autorité temporelle, il dépend de
Dieu mais ne dépend que de sa propre volonté. Les légistes qui élaborent cette théorie insistent donc
sur évidence, sur cette triple évidence:

_ Le roi est au sommet de la hiérarchie.

_ Le roi ne tient de personne et donc il ne doit d'hommage à personne.

_ Tous les grands doivent être vassaux directs du roi et doivent même l'hommage-lige.

Fort de cette théorie, le roi va donc agir en tant que suzerain, comme un grand seigneur féodal.
Comment se comporte-t-il ?

_ Lorsqu'on entre dans la vassalité du roi, on prête systématiquement un hommage-lige.

_ Le roi exigera ponctuellement les services vassaliques, tout le temps, il exige l'ost, l'aide pécuniaire,
le conseil.

_ Le roi utilise la justice féodale: la commise, la main mise.

_ Le roi tire profit de la patrimonialité des fiefs.

Le roi sait très bien en tant que suzerain tirer profit de toutes les techniques offertes par le système
féodal. Mais en même temps, pour la monarchie féodale, cette suzeraineté n'est pas une fin en soi. Il
faut imaginer la suzeraineté à la fois comme une étape et comme un moyen de l'affirmation du
pouvoir royal. C'est une étape car l'affirmation du pouvoir royal prend des siècles, la suzeraineté est
une étape avant de passer à autre chose. C'est un moyen car elle permet au roi de s'imposer avant de
développer un pouvoir de nature différente. Une fois qu'il a pleinement exploité cet outil politique,
qu'il a exploité toutes les potentialités, le roi sort de la féodalité, il se place au dehors du système
féodal, en développant se souveraineté. C'est à ce moment qu'il va essayer d'éliminer ce système
féodal, il retourne le pouvoir souverain contre ce système. La réalité n'est pas aussi schématique
parce que la suzeraineté et la souveraineté sont intimement liées, elles sont même concomitantes. Le
roi développe sans doute les deux en même temps. Les capétiens ont su utiliser la suzeraineté pour
renforcer leur souveraineté.

La théorie de la souveraineté

Contrairement à la notion précédente, la souveraineté est une notion de droit public, plus abstraite et
plus large que la suzeraineté. La souveraineté est une notion synonyme de supériorité, de puissance
suprême. Cette notion est déjà connue du droit romain. Etymologiquement, le souverain est celui qui
occupe la plus haute place, c'est le détenteur de cette puissance suprême. Ce qui est intéressant et
paradoxal, c'est que le roi va construire sa souveraineté en s'appuyant sur la suzeraineté, mais c'est
contre le monde féodal qu'elle va être utilisée. La souveraineté est donc un moyen d'action pour
s'imposer contre le monde féodal.
Exemples:

_ Le roi achète un fief d'un vassal, il a un seigneur. Logiquement, on doit porter l'hommage au
seigneur du vendeur, donc au seigneur du vassal. mais on estime qu'il doit s'en passer justement
parce qu'il est le roi. Il porterait l'hommage « s'il n'était roi ». Adage: « Les rois de France n'ont point
coutume de faire hommage à leurs sujets. »: sujet fait appel à une certaine notion de souveraineté.

_ Exemple relatif à la guerre: lorsqu'un seigneur est en guerre contre le roi, les vassaux de ce seigneur
devrait l'aider, remplir leur service d'ost. Le vassal ne pourra pas suivre son seigneur sans avoir
vérifier auprès du roi que celui-ci est dans son tort, il faut donc lui demander l'autorisation. On ne
s'oppose pas au souverain sans précaution. Le roi est le souverain.

Les rapports féodaux peuvent jouer au bénéfice du roi. Dès qu'ils risquent de porter atteinte au
bénéfice du roi, ces rapports ne doivent pas jouer parce que son pouvoir est de nature différente. Le
roi est souverain, il est au dessus de ce monde féodal, il est hors de ce monde. Le roi tire profit de ce
que lui offre sa situation de suzerain, mais lorsque la féodalité peut jouer en son encontre, il se sort
de cette féodalité. « Le roi est souverain par dessus tout. » Texte p.62 plaquette TD.

En ce qui concerne l'exercice de la souveraineté, celui-ci a lieu à l'encontre du monde féodal. Les
historiens disent que « la souveraineté s'exerce dans l'ordre interne, contre le monde féodal », mais
aussi dans le royaume, « dans l'ordre externe », à l'encontre du Pape et de l'empereur.

A côté du développement de la souveraineté royale, il y a aussi un autre phénomène qui va de paire


avec ce développement, qui va modifier la perception que l'on se fait de la royauté: renouveau du
pouvoir monarchique.

B) Le renouveau du pouvoir

Personne ne songe à contester l'institution royale, l'utilité de la monarchie est reconnu, mais on va
quand même s'efforcer de rendre cette institution encore plus indispensable en soulignant se
légitimité et en suscitant une plus grande adhésion des sujets à l'égard de cette institution et à l'égard
de la personne du roi. On va essayer de développer une religion royale, une mystique de la royauté.
C'est en cela que l'institution est rénovée aux yeux des Français, on leur propose une image nouvelle
de la royauté, qui va renforcer l'institution et développer ses fonctions.

La rénovation de l'institution royale

Dans l'immense majorité, les contemporains reconnaissent que la monarchie est la meilleure forme
de gouvernement, tout comme le corps humain ne peut avoir qu'une seule tête, le royaume ne peut
être dirigé que par un chef unique, encore faut-il que ce roi soit légitime. On a vu à quel point au
14ème et 15ème les problèmes de succession ont rendu cette question importante. Qui doit régner,
quel sera le roi légitime ? Dans la France du Moyen-âge est considéré comme roi légitime celui qui n'a
pas usurpé le pouvoir mais qui le tient de l'hérédité, donc de manière directe, en respectant les
principes coutumiers évoqués: hérédité, primogéniture, masculinité. Les légistes rappellent les
principes fondamentaux sur lesquels se fonde la succession légitime. Proclamer une légitimité du roi
n'est pas suffisant, il faut que le roi présente des qualités propres à renforcer cette légitimité, à la
placer hors de toute critique. On va essayer d'améliorer l'image de la royauté par toute une série de
moyens. Au Moyen-âge, on dispose de certains moyens pratiques, concrets destinés à rénover cette
image de la royauté. Il y a des moyens importants, exceptionnels qui ne peuvent être utilisés que
rarement et d'autres plus fréquents qui permettent de diffuser plus régulièrement cette image
positive de la royauté.

Il y a au moins 4 moyens:

_ C'est le sacre (p.61 TD), moyen le plus ancien, et un moyen qui avait acquis sous les 1ers capétiens
un caractère constitutif. Maintenant, le roi règne par droit dynastique et il le fait immédiatement
après la mort de son prédécesseur en application du principe d'instantanéité. Le sacre perd donc de
sa valeur quand le roi règne instantanément. En revanche, sur ce qu'il perd sur le plan juridique, il le
gagne en grandiose et en faste, sur le plan du spectacle. Le peuple est très attaché à l'éclat de cette
cérémonie, la dimension religieuse du sacre n'a pas disparu, mais ce qu'on va chercher surtout est de
frapper l'opinion. C'est une cérémonie fastueuse, accompagnée de festivités extraordinaires, souvent
coûteuses. Le sacre n'arrive qu'une seule fois cela dit.

_ Sa mort, on va en profiter également pour insister sur un certain nombre d'idées, de valeurs: les
funérailles du roi. On va avoir tendance à en faire une sorte de spectacle grandiose. c'est un moment
au cours duquel on tente de donner tout son sens à l'adage « le roi est mort, vive le roi ». On essaie
d'en faire un trait d'union entre le roi défunt et son successeur. Tout est fait au cours de cette
cérémonie pour insister sur la continuité de l'institution royale.

Le roi va trouver d'autres occasions pour développer cette image positive.

_ Les visites du roi, les voyages notamment à travers les visites des bonnes villes, pour cultiver
l'institution royale. Ce sont des villes qui entretiennent des rapports de confiance avec la monarchie,
des rapports privilégiés. Le roi est le protecteur de ces villes, ces villes servent localement de point
d'appui à l'autorité royale, une courroie de transmission. Lorsqu'il leur rend visite, c'est un moyen
privilégié pour établir le dialogue avec le pays, et développer cette image positive. L'entrée du roi
dans la ville donne lieu à une réception fastueuse, et à renforcer le lien entre le roi et la ville.

_ Mise en place d'une véritable propagande monarchique. Au départ, elle se développe dans
l'entourage du roi, au sein de la noblesse, des élites, par la diffusion d'ouvrages qui ont pour but de
vanter les mérites de monarchie, d'expliquer la politique, de convaincre mais il ne touche qu'une part
limitée de la population. Pour les autres, on a recours à l'Eglise: tous les grands évènements sont
célébrés par l'Eglise, des messes solennelles, des processions en l'honneur du souverain, pour son
mariage, pour une bataille remportée, l'anniversaire du roi, la naissance de ses enfants. A partir du
13ème, la monarchie va tirer profit du développement de l'imprimerie, elle devient un véritable
instrument de propagande monarchique. L'écrit est un moyen important pour la propagande.
Cette royauté renouvelée va pouvoir intensifier son action: c'est l'exercice de la fonction royale qui
permet d'apprécier l'ampleur de la souveraineté. C'est la diversité des fonctions que le roi va exercer
qui souligne l'importante de la souveraineté.

L'exercice de la fonction royale

L'Eglise était intervenue pour mettre en place des institutions de paix dans un contexte
particulièrement violent. Mais maintenant que le pouvoir royal se renforce, il retrouve naturellement
cette fonction de défense, d'autant plus que le roi s'est engagé à assurer la protection de ses sujets, la
défense de son royaume. Ces protections s'exercent dans deux domaines.

_ Pour les menaces extérieures, le roi commence par recourir aux moyens que lui offre le pouvoir
féodal, il recourt à ses vassaux. Il fait appel aux milices dans les villes et aussi si c'est nécessaire,
ordonner une mobilisation générale. Cette idée d'une véritable défense nationale commence à se
développer, mais elle ne se développe réellement que lorsque la nation se construit id est
concrètement avec la guerre de 100 ans, apparaissent les contours d'une armée nationale.
Parallèlement, la nation française se construit. C'est le développement de l'armée qui rend nécessaire
cette protection.

_ Pour la sécurité intérieure menacée par les menaces de guerre privée. Le roi va pleinement remplir
ce devoir de protection à un triple niveau: protection des individus, des collectivités et plus général
de l'ensemble du royaume.

La protection des individus passe par 2 mesures différentes mais qui en réalité visent les mêmes
objectifs qui est assurer la sécurité: serment de paix entre 2 personnes qui s'assurent à ne pas se faire
la guerre, sorte de pacte de non-agression. Elles s'engagent à recourir au droit. En même temps, ces 2
personnes se placent sous la protection du roi et elles placent leur engagement mutuel sous le
contrôle du roi. Si l'une d'entre elles ne respecte pas son engagement, le roi la punira sévèrement. Le
roi va chercher à rendre obligatoire ce système, notamment entre les seigneurs les plus belliqueux.

A côté, la sauvegarde: protection que le roi va exercer automatiquement sur certaines personnes
(dans la lignée du mundium de l'époque franque), à ses proches, aux officiers royaux, aux grands
vassaux, mais aussi à ceux qui en ont besoin, les marchands qui voyagent sur les routes, et
progressivement on voit des particuliers venir solliciter une lettre de sauvegarde, ils vont l'afficher sur
leur porte pour montrer qu'ils sont sous la protection du roi.

La protection des collectivités, des villes d'abord et des églises aussi. L'Eglise est par définition faible,
elle est incapable d'assurer sa protection, elle est menacée car elle est riche. La garde des églises à
l'époque féodale, elle était passée aux mains des seigneurs. Ils en tiraient des avantages.
Progressivement, le pouvoir royal va essayer de reconquérir cette garde. Dès le 13ème on distingue la
garde spéciale d'auparavant et la garde générale, celle du roi se superpose à la précédente. Si le
gardien spécial est défaillant, le roi va pouvoir s'emparer de cette fonction de protection (cf p.63).

A côté, on note également des efforts pour assurer la protection de l'ensemble du royaume par des
mesures générales, des dispositions applicables en principe à l'ensemble du royaume. Elles devraient
car les 1ères manquent d'effectivité, car le roi n'a pas encore les moyens d'en imposer l'application.
Exemple: au milieu du 12ème en 1155, le roi décrète une période de paix pour 10 ans, une
interdiction absolue de recourir à la guerre privée, manière de soustraire les faibles aux risques que
présentent ces guerres privées. Elle aura une portée limitée, on ne la respectera guerre. Au siècle
suivant, Saint Louis interdit les guerres privées, les duels, les tournois. Là encore, interdire tout ceci
reste une mesure limitée, elle est appliquée surtout dans le domaine royale, ailleurs elles suscitent
des médisances. Une mesure générale relative à l'ensemble du royaume appelée la quarantaine: c'est
une trêve de 40 jours suivant un défi par lequel les hostilités sont déclenchées. A partir de ce défi
commence à courir un délai de 40 jours, les familles des belligérants sont placées sous la protection
du roi, pour éviter qu'elles ne soient attaquées par surprise. Période au cours de laquelle les
belligérants ont le temps de trouver une autre solution amiable, judiciaire pour mettre un terme à
leur conflit. Si l'un des deux ne respectent pas cette trêve, atteinte grave à l'autorité du roi, et ça peut
faire l'objet d'une sanction assez sévère.

Le devoir de justice, qui est le devoir royal par excellence. D'ailleurs, le roi s'y est également engagé
lors de la promesse du sacre. « Le roi est grand débiteur de justice. », « source de justice », « fontaine
de justice »: il doit rendre justice à tous ceux qui le demandent. Important sur le plan symbolique, la
justice symbolise la souveraineté royale. On représente le roi de France dans sa fonction judiciaire,
avec une main de justice sur son trône. Image de Saint Louis, assis à Vincennes en train de rendre la
justice. C'est un pouvoir important mais il ne s'exerce pas sans concurrence. La justice royale n'est pas
la seule justice: justice seigneuriale, urbaine, d'Eglise aussi, elle est une société dans la société, à part
entière qui bénéfice d'une justice qui lui est propre. Ces justices font figure de justice concurrente de
la justice royale. Le roi ne va pas leur confisquer brutalement leurs prérogatives judiciaires. C’est un
long mouvement qui s'amorce au cours duquel la justice royale s'emploie à réduire les moyens des
justices concurrentes. Par exemple, on considère que certaines affaires doivent relever de la
compétence exclusive de la justice royale, en raison de leur nature, de leur gravité, des personnes
mises en cause. On les appellera les « cas royaux », certains seront royaux par définition. Ou bien, on
va essayer de développer la notion d'appel: le roi construit une hiérarchie judiciaire qui place les
juridictions royales au dessus des juridictions d'Eglise, ou seigneuriales. Elles seront secondaires, les
juridictions royales venant les coiffer.

La fonction législative, qui est inséparable de la justice, car rendre la justice c'est aussi appliquer les
bonnes lois donc faire les bonnes lois. Ceci dit, les 1ers capétiens n'agissent pas différemment des
grands seigneurs: ils jouissent dans leur domaine du pouvoir de ban dans leur domaine, ils ont la
possibilité de créer des normes, d'émettre des règlements et de contraindre les habitants à les
respecter. En dehors de son domaine, le roi au départ n'a pas les moyens d'imposer sa volonté.
Jusqu'au milieu du 13ème, c'est presque un principe de considérer que le roi ne peut prendre de
mesures obligatoires qu'à l'intérieur de son domaine. Difficile alors de parler de pouvoir législatif,
parce que la loi est d'application générale par définition, c'est l'un de ses caractères. Là on en est loin,
on parlera d'un vague pouvoir normatif, d'un pouvoir réglementaire. Même si le roi édicte des règles
qu'il voudrait appliquer à l'ensemble du royaume, elles ne sont pas respectées (la paix pour 10 ans:
règle qui voudrait être d'application générale mais qui ne sera pas appliquée). L'essor du pouvoir
normatif du roi est une opération lente, du 12ème au 15/16ème. Ce pouvoir s'affirme très
progressivement.

Les fondements sont doubles, 2 idées permettent au roi d'édicter des normes:
_ Pouvoir lié à la fonction royale elle même, au contenu du ministère royal. On trouve d'abord la
mission d'assurer la protection de ses sujets et de faire régner la justice. On va estimer que pour les
assurer, il pourra donc prendre des dispositions lui permettant de remplir ces missions.

_ Au 13ème, se rajoute l'idée selon laquelle le roi assure la garde générale du royaume: il pourra
adopter des dispositions générales pour remplir cette mission, mais seulement lorsque l'intérêt
général l'exige, « le commun profit ». Le roi pourra adopter des dispositions générales. Le champ
d'action normative s'agrandit. C’est notamment un légiste qui reprend ces idées, Beaumanoir. Au
13ème, il développe l'idée que le pouvoir normatif est fondé sur la notion de commun profit: lorsque
l'intérêt général l'exige, le roi pourra adopter des dispositions applicables à l'ensemble du royaume.

_ Ce pouvoir est aussi fondé sur les grands principes du pouvoir romain. Les légistes de l'entourage
royal exploitent ces principes pour favoriser l'essor du pouvoir normatif.

Comment se manifeste-t-il ?

Les choses évoluent avec le temps: au 13-14èmes, il y a encore un décalage entre la théorie et la
pratique. En théorie, on considère que le roi souverain détient un véritable pouvoir normatif. En
réalité, le roi n'est pas tout à fait sorti du monde féodal, il ne va légiférer en dehors de son domaine
qu'avec le consentement de chacun de ses vassaux à la tête de la seigneurie. Chacun doit approuver
l'application de cette disposition dans son domaine. Progressivement les choses évoluent, au cours
du 13ème, d'abord on se contente de l'accord de la majorité des vassaux, en général les plus
importants. Puis au fur et à mesure que s'affirme le pouvoir royal, la pratique ne voudra que le roi ne
recueille que quelques accords. Au terme de l'évolution, même si le roi est toujours tenu de
demander conseil de ses vassaux, il ne sera plus lié par les avis des vassaux, il pourra passer outre les
avis défavorables. C’est un travail de longue haleine, un pouvoir qui ne s'affirme qu'avec le temps.

Cette souveraineté va s'exercer aussi dans l'ordre externe.

L'affirmation de la souveraineté à l'extérieur du royaume

Vis à vis de qui la souveraineté du roi va-t-elle devoir s'imposer ? Vis à vis de ceux qui prétendent
limiter le pouvoir royal à l'extérieur du royaume, essentiellement deux autorités: l'empereur du Saint
Empire Romain-germanique et le Pape. C’est dans sa lutte contre ces 2 autorités que le roi prend sa
stature de chef d'Etat indépendant et qu'il renforce son pouvoir souverain.

Les relations entre le roi et l'empereur

Les relations entre le roi de France et l'empereur sont délicates, car l'expansion territoriale des
capétiens les a conduits à acquérir des territoires réunis à la couronne qui étaient auparavant en terre
d'empire. Si on remonte au partage de Verdun en 843, ces territoires le Dauphiné, la Provence, les
Flandres étaient placées sous l'autorité de l'empereur. Depuis, l'empire carolingien s'est effondré
mais au milieu du 10ème, un nouvel empire s'est constitué en Allemagne, et celui-ci renoue avec les
prétentions universalistes de tout empire. Des contestations peuvent naître avec le roi de France et
de l'autre côté, un roi de France qui s'empare de territoires de l'empire, il y a des risques de conflits.
Cette rivalité est ravivée par la renaissance du droit romain. Le roi romain va fournir des arguments
nouveaux à l'empereur, dont il va tirer profit, donc les légistes impériaux. L'empereur est aussi
entouré de légistes, ils vont trouver dans le droit romain des arguments permettant d'exalter la
puissance de l'empereur, qui permettent de lui reconnaître un pouvoir absolu, un pouvoir souverain.
Ils placent les rois dans une situation de subordination. Une telle prise de position va provoquer des
réactions hostiles de la part du roi de France, il ne peut pas laisser l'empereur affirmer sa puissance.
Le 1er à réagir est Philippe Auguste au début du 13ème, il s'oppose clairement à l'empereur (le fait
de se faire appeler Auguste montre déjà que Philippe II se place sur un pied d'égalité avec
l'empereur). Cette opposition se poursuit par la guerre. En 1214, la bataille de Bouville, qui opposait
le duc de Normandie et le roi du France, le duc allié à l'empereur. 1ère grande victoire du roi entre le
roi et l'empereur. Ce combat se poursuit surtout sur le plan du droit. Les juristes français vont
développer des arguments pour défendre les prétentions du roi de celles de l'empereur, pour
soutenir l'indépendance du roi vis à vis de l'empereur. 3 exemples d'arguments qui ne manquent pas
d'habileté:

_ Ils vont s'emparer d'un texte de droit canonique, qu'ils vont détourner de son sens. Ce texte est une
décrétale d'Innocent III: « Le roi de France n'a pas de supérieur au temporel, ». Le sens au départ:
c'était une manière pour le Pape que le roi avait un supérieur au spirituel, le Pape. Les légistes royaux
vont tronquer cette formule en ne gardant que le 1er aspect et ils l'utilisent pour s'opposer aux
prétentions de l'empereur. Ils en tirent comme conclusion que le roi ne doit pas être soumis à
l'empereur.

_ Ils reprennent un adage de droit féodal aux termes duquel « Le roi ne tient de personne, il tient
simplement de Dieu et de lui même. » A l'origine il expliquait que le roi ne devait d'hommage à
personne. Là encore, on l'extrait de son contexte initial de droit privé pour en faire un argument de
droit public, pour dire que le roi ne tient pas de l'empereur.

_ Ils vont construire un principe d'indépendance dans un adage qui dit « Le roi de France est
empereur en son royaume. » C'est une manière de dire que le pouvoir du roi de France est souverain
et égal en droit à celui de l'empereur. Il dispose de la même puissance, de la même supériorité
suprême que l'empereur. On la justifie par référence à l'intérêt général. Le roi est là pour servir
l'intérêt général. Or par définition, il n'a pas de limite, il en va de même pour celui qui en assure la
promotion donc pour le roi. Sa mission n'ayant pas de limite, lui même n'aura pas de limite. c'est
pourquoi le roi de France est aussi empereur en son royaume.Ces arguments ont pu être avancés car
l'empereur n'a jamais été très puissant. Il est plutôt défaillant, en revanche, la monarchie française
est en train de s'affirmer. La monarchie s'affirme vis à vis de l'empereur, elle va pouvoir s'affirmer
également vis à vis du Pape.

Le roi et le Pape

Question assez complexe. On s'en tiendra aux principales étapes, qui illustrent l'affermissement de la
souveraineté royale. Papoté: puissance spirituelle et universelle qui a toujours eu tendance à vouloir
coiffer les autorités politiques de l'empereur ou du roi. L'idée est d'exerce une hégémonie sur les
royaumes, d'autant plus lorsque le Pape est puissant.

Puissante réforme de l'Eglise entreprise par le Pape Grégoire VII, réforme grégorienne qui va
consolider la papoté et l'Eglise. Par conséquent, elle va renforcer les prétentions du Pape. il y a une
volonté d'ingérence du Pape dans les affaires temporelles, d'établir une suprématie sur l'autorité
royale: la théocratie pontificale. Face à ces prétentions, la monarchie française va réagir
douloureusement en essayant de se soustraite à cette influence sur le plan temporel et spirituel,
notamment en essayant de constituer une église nationale soustraite à l'autorité du Pape et placée
sous le contrôle du roi. Toute une doctrine soutient cette politique: le gallicanisme (anglicanisme,
même phénomène pour l'Angleterre).

a) La théocratie pontificale

Elle s'affirme avec la réforme grégorienne lorsque le Pape en 1075 accède aux fonctions pontificales.
Il s'emploie à soustraire l'Eglise du monde féodal en leur interdisant de nommer des évêques dans
leur fonction. A l'époque, le roi se soumet. C'est plutôt l'empereur germanique qui essaie de résister,
Henri IV, car il tirait profit du pouvoir de nommer les évêques et les abbés; Début d'une grave
tension: la querelle des investitures, car elle porte sur l'investiture des abbés et des évêques
notamment. Cette querelle va aller jusqu'à l'excommunication de l'empereur qui devra demander
pardon au Pape pendant 3 jours. Cette théocratie pontificale va plus loin que la simple défense de la
hiérarchie de l'Eglise. En réalité, on passe d'une attitude défensive à la volonté d'exercer une véritable
suprématie temporelle. Pour cela, il s'appuie sur des justifications théoriques, venant soutenir la
supériorité du spirituel sur le temporel. Des thèses nombreuses défendent cette supériorité: l'idée de
base est que toute autorité vient de Dieu. Saint Paul au 1er siècle soutenait qu'« il n'y a pas d'autorité
qui ne vienne de Dieu », parmi elles l'autorité royale. Le roi doit servir le représentant de Dieu, donc
le Pape. Les textes pontificaux, les décrétales, les bulles, vont s'appuyer sur cette théorie et vont
développer l'idée d'une véritable souveraineté pontificale, qui absorbe les rois et s'imposent à eux. Le
Pape a un pouvoir universel qui permet de donner des ordres aux rois, de juger les rois en cas de
péchés et de déposer les rois. ces théories connaissent leur apogée au 11ème. Dès le 12-13ème, les
choses changent, les mentalités évoluent, c'est la naissance de l'esprit laïc, des valeurs plus éloignées
des dogmes de l'Eglise. Ces évolutions conduisent à l'echec de la souveraineté pontificale quand elle
se heurte à la résistance du roi de France.

Jusqu'au début 13ème, les relations entre la papoté et le roi sont assez correctes, mais au 13ème, les
idées évoluent et on voit un certain nombre de juristes, de théologiens commencer à expliquer que
l'Etat n'a pas à dépendre de l'Eglise, du Pape. Ils défendent l'idée d'un droit naturel de l'Etat: l'Etat a
un fondement naturel qui lui est propre et qui n'a pas pour fondement la volonté divine. C'est
s'opposer au principe selon lequel toutes les autorités viennent de Dieu. Ce qui fait que le
représentant de Dieu sur terre n'a aucune autorité à exercer sur le pouvoir temporel. Les royaumes
doivent être conçus comme totalement indépendants des autorités religieuses. Opposition croissante
entre le Pape et les rois, elle culmine à la fin du 13ème début 14ème avec un conflit important, entre
Boniface VIII et Philippe le Bel. Au départ, simple litige fiscal, le roi a besoin d'argent et souhaite lever
des taxes sur le clergé français, plutôt que de négocier avec le Pape il s'adresse au clergé de France.
Le Pape réagit mal et il rappelle au roi la nécessitée d'obtenir l'accord du Pape. Le roi interdit toute
sortie d'argent du royaume. Or le Pape tire de l'Eglise de France des profits importants par les
revenus, le Pape s'incline, accepte que le roi lève des taxes sur le clergé mais seulement en cas de
nécessité (1295-1297): début de l'opposition. En 1301, un évêque français est accusé de complot
contre le roi, est arrêté, le roi veut le faire juger, mais les ecclésiastiques bénéficient d'une protection
judiciaire, ils ne sont jugés que par les juridictions religieuses. Bulle de 1302 de Boniface VIII où il le
met en garde contre les excès de pouvoir et le Pape affirme les grands principes de la souveraineté
pontificale, et indique au roi qu'il va convoquer à Rome un concile pour statuer sur son attitude et qui
pourra conduire à son excommunication. En 1302, le roi de France réagit en convoquant à Paris un
assemblée d'évêques, de seigneurs, de représentants des villes, on la considérera plus tard comme la
1ère réunion des Etats généraux. Pour l'instant, devant cette assemblée, le roi fait exposer sa
conception du pouvoir, il affirme sa souveraineté face aux prétentions du Pape, il n'a pas à dépendre
du Pape parce qu'il ne tient pas son pouvoir de Dieu. Cette assemblée approuve la position du roi.
peu de temps après, nouvelle Bulle du Pape (p.65) où il reprend les grands principes de la théocratie
pontificale, où il affirme la supériorité du spirituel sur le temporel, où il affirme que le roi est soumis
au Pape et envisage l'excommunication du roi. Philippe le Bel est largement soutenu par l'opinion en
France, et lui demande de préserver la souveraineté du royaume et réagit en essayant de faire
déclarer le Pape comme hérétique. La date de l'excommunication a été fixée, le 8 septembre 1303. La
veille un envoyé du roi se rend auprès du Pape, dans sa résidence privée dans la ville d'Anagni, en
Italie. L'envoyé rencontre le Pape et lui notifie de comparaître devant un concile à Lyon où il risque
d'être déclaré hérétique. Cette entrevue est assez violente: l'attentat d'Anagni. Le Pape meurt le mois
suivant, il était âgé de plus de 80 ans, mais il meurt à la suite ou pas, un nouveau Pape est élu et il
s'incline en adoptant une attitude en retrait, il ne suit pas la politique de Boniface VIII, il va absoudre
Philippe le Bel, toutes les accusations sont levées et la mort du Pape conduit à une situation
beaucoup plus apaisée. 2 ans plus tard, en 1305, un autre Pape sera élu, d'origine française, proche
de Philippe le Bel, il est sous contrôle. En 1309, pour accroître encore le contrôle sur la papoté, le
Pape est installé à Avignon. Elle restera à Avignon de 1309 à 1378. Papoté soumise au pouvoir royal et
coupé de son organisation traditionnelle, ce qui pose quelques difficultés. Celles ci conduisent en
1378 à l'élection de 2 Papes,, un à Rome et un à Avignon: le grand schisme d'Occident, qui durera une
dizaine d'années, il prend fin en 1417, on aura à cette date un Pape unique à Rome. La papoté
d'Avignon a permis une main mise de la monarchie sur l'Eglise ponctuellement et sur l'Eglise de
France de manière durable. C'est déjà là une expression du gallicanisme.

b) L'émergence du gallicanisme

Le gallicanisme est un courant doctrinal lié à l'émergence du sentiment national qui tend à vouloir
constituer une Eglise Française, soumise au roi et soustraite de l'influence de la papoté pour tout ce
qui ne relève pas du spirituel. Traduction du clergé français face à la politique centralisatrice de
Rome. Le gallicanisme est à l'origine un courant religieux, mais qui a eu des conséquences sur le
pouvoir politique.

_ Sur le plan religieux, le gallicanisme est la volonté de souligner la spécificité de l'Eglise de France,
qui entend résister à l'autoritarisme de la papoté. Sur la base de quels arguments ? LE clergé va
développer une littérature autour d'un thème central, base du gallicanisme: le principe de la
suprématie du concile (assemblée d'évêques) œcuménique: la volonté exprimée par l'ensemble des
évêques prime sur la volonté du Pape. Contestation de la suprématie pontificale. Cette thèse va être
développée à l'occasion de plusieurs conciles au 15ème siècle. D'abord au concile de Constance de
1414 à 1418, principe affirmé et repris au concile de Bâle en 1431. Ces questions vont avoir des
prolongements jusqu'au 20ème.

_ Sur le plan politique, le gallicanisme va être ce courant qui soutiendra l'indépendance du royaume
de France vis à vis de la papoté, un courant largement développé par les légistes royaux, qui insistent
sur cette idée notamment sur le contrôle que le roi peut exercer sur son Eglise. L'Eglise de France est
soumise au roi et non au Pape. Le roi est le protecteur naturel des libertés de l'Eglise de France, de
l'Eglise gallicane. De quelles libertés ? La liberté des élections épiscopales: lorsqu’il faudra élire un
nouvel évêque, c'est aux évêques français et non au Pape de le faire. Le roi protégera l'Eglise de
France dans le choix qui sera fait. Cette analyse va connaître une sorte de consécration officielle au
15ème en 1438, le roi Charles VII, va réunir dans la ville de Bourges les ecclésiastiques du royaume
pour accueillir les délégués du concile de Bâle. Dans cette assemblée, le roi va confirmer cette
analyse, que le concile est supérieur au Pape, par une ordonnance appelée la Pragmatique Sanction
de Bourges. Le roi ajoute qu'il pourra lui même recommander les candidats à l'occasion des élections
épiscopales. En se positionnant en qualité de protecteur de l'Eglise gallicane, il confirme aux évêques
qu'ils éliront eux mêmes mais qu'il pourra faire des recommandations. Cette modification est
acceptée par le clergé, les évêques deviennent des auxiliaires du pouvoir royal. C'est le roi en réalité
qui proposera ceux qui seront élus évêques. Le roi est bien à la tête de l'Eglise de France: victoire du
temporel sur le spirituel.

Tout cela n'a été possible que dans la mesure où le roi s'est donné les moyens d'administrer
souverainement le royaume.

Section 2: Gouvernement et administration du royaume

L'opposition parlementaire

Mis en sommeil sosu louis XIV, au 18e c'est la revanche du parlement.

Elle a la fois des explications pratiques et des fondements théoriques

En pratique:

D'abord l'abscence de séparation des pouvoirs permet au parlement d'intervenir dans des domaines
nombreux.
Ensuite la vénalité des fonctions parlementaires qui est une manière de montrer une certaine
indépendance.

Ensuite les parlements ont un esprit de cohésion , ils coordonnent leur action pour etre plus efficace.

Enfin, la royauté s'est beaucoup appuyé sur le parlement pour éradiquer la féodalité, ce qui fait que
le parlement est devenu un véritable organe du gouvernement.Au 16e siecle le pouvoir n peut plus se
passer du parlement.

En théorie:

La première idée est que les etat generaux ne se réunissent plus et le parlement estime qu'il lui
appartient de remplir cette fonction.

Ensuite on il y une these disant que le parlement est né du déémembrement de la cour du roi et on
estime qu'il aurait hérité les compétence de lépoque frnque.

Les francs etaient des hommes libres et n'abandonnaient pas leur pouvoir politique.

Les parlementaires y voient la légitimité de discuter la législation royale et contribuer à son


élaboration.

La fausse théorie des classes , selon laquelle tous les parlements de France seraient issu d'une meme
assemblée originelle, l'idée est que tous les parlements sont les différentes classes de cette meme
institution unique et imaginaire qui serait le Grand Parlement de France ( c'est un mythe pour
justifier leur prétentions politiques ).

le plus importatn est que sur la base de ces justifications théoriques les parlement vont montrer une
opposition radicale.

D'abord ils font trainer les ordonnances

Ensuite les remontrances seront longuiement délibérées.

Ils négocient le pouvoir et essaient de faire pression sur le pouvoir et parfois ils se mettent en grève
ou démissionnent en bloc, et toute la machine judiciare est alors bloquée.

Ils vont correspondre pour coordonner leurs actions.

Face à cela , le roi s'en tient au principe de la souveraineté absolu et par conséquent les parlements
sont ses subordonnés. cela est rappelé par Louis XV en 1766 qui va rappeler par le lit de justice
appelée la séance de la flagellation.

3 idées vont alors émerger de cette séance:

D'abord le roi est seul titulaire du pouvoir de justice et législatif.

Ensuite, que les parlements agissent par délégation du souverain, que cette concession est précaire
et révocable.
Enfin le roi ne reconnait pas au Parlement de représenter la Nation , ses droits et ses intérets. Seul le
roi incarne la Nation, il est la Nation.

Sur la base de ces justifications le pouvoir royal adopte une attitude très ferme: d'abord il va
multiplier les ordonnances, en matière judiciaire il utilise la justice retenu.

A l'égard des parlementaires il est très sévère et les fait emprisonner par lettre de cachet, il les exile ,
les révoque, il peut également exiler le parlement lui meme.

Tout au long du 18e on a des exemples de ces actions.

Le chancellier Maupéou entreprend une réforme en 1771 suite à une opposition entre un
représentant du roi et le parlement de Bretagne, mais en 1769 cela se calme et en application de la
théorie des classes , le parlement de paris prend la relève et le roi fait alors un lit de justice. On essaie
d'organiser un édit qui dénonce tous les travers du parlement comme la théorie des classes , et qui
va interdire toute communication entre les parlements.

Maupéou ne se laisse pas intimider et demande aux parlementaires de démissioner , de les exiler, de
confisquer leurs charges en les indemnisant et de faire une réforme du parlement. Il va d'abord
diviser le ressort du parlement de Paris qui est très étendu, en 6 conseils souverains.

Deuxième élément essentiel, il supprime la vénalité des charges et les parlementaires deviennent des
fonctionnaires rémunérés par l'état.

Enfin , leur role est limité à un devoir de conseil et qu'ils n'aient ainsi plus aucun pouvoir politique.

cette réforme sera alors abandonnée par l'arrivée de Louis XVI.

C'est la dernière illustration de l'absolutisme.

Mais cette monarchie absolue n'est pas despotique, les commandements de la religion , la pratique
politique , l'organisation de la politique sont souples.

paragraphe 2 Les entraves à l'absolutisme

Si ce roi dispose d'un pouvoir absolu , il ne gouverne pas de manière arbitraire, qui limitent le
despotisme:

A Les limites morales

Ce sont des limites innérantes à la monarchie elle-meme, le roi n'est pas monté sur le trone pour
abuser du pouvoir , il est là pour remplir une mission : travailler dans l'intéret général ( qu'il a promis
de remplir lors du sacre ).

Il a un idéal monarchique qu'il doit respecter, ce pouvoir n'est ni arbitraire, ni despotique, il règne sur
des sujets et pas sur des esclaves.
Il va entretenir une relation paternaliste avec le peuple.

Le poids de la religion et donc la conscience chrétienne limite les agissements du roi qui est
responsable devant Dieu.

B Les limites concrètes

L'immensité du territoire, le roi ne sait pas sur quoi et sur qui il gouverne précisément, ignore le
nombre d'habitants , de villages.

les distances entre versaille et la province limitent la portée des ordres.

L'importance de la population , depuis le "17 jusqu'à la Révolution on est passé de 18 à 28 millions


d'habitants.

Il y aussi des freins institutionnels , un ensemble de règles relatives à la transmission du pouvoir


appelées les Lois Fondamentales.

A Les lois fondamentales et la continuité de l'état.

Ces lois n'ont pas d'appelation et ce n'est qu'en 1575 qu'on les appele Lois Fondamenrtales:
inaliénabilité ,indisponibilité , primogéniture, hérédité, masculinité.

2 remarques :

On les appele Lois mais ce ne sont pas vraiement des lois puisqu'elles n'émanent pas d'un corps
législatif mais de la coutume dont le temps a augmenté la valeur. ces lois sont fondamentales pour 2
raisons : elles s'imposent à la volonté du roi elles ont un carctère impératif. le roi est obligé de s'y
soumettre et deuxième raison ces lois sont immuables le roi ne peut les changer. Si il cherchait à leur
porter atteinte le parlement le rappeleraià l'ordre, de meme que si une ordonance va à l'encontre de
ces principes , cette dernière ne sera pas appliquée. C'est donc bien une entrave à l'absolutisme.

Deuxième idée, ces normes ont une valeur supérieure aux lois ordinaires , elles constituent le cadre
constitutionnel du royaume , c'est un cadre qui n'est pas écrit mais qui est coutumier. L'ancien régime
ne connait pas de constitution écrite à proprement parlé. on peut quand meme considéré ques lois
forment une constitution coutumière de la monarchie.

Il y a plusieurs types de lois fondamentales: des ancienenes, des précsions, des nouvelles.

Le souci est d'assurer la continuité de l'état, avec 3 types de règles.


Les règles de dévolution de la couronne, les règles des biens de la couronne , et les règles d'actes dur
roi.

1 La continuité de l'état à travers la succession à la couronne:

Hérédité , primogéniture et masculinité. Plus tard s'inscrit le principe d'indisponibilité et de la


continuité de la fonction royale.

a l'affirmation de la catholicité

Le nouveau roi doit eter de religion catholique. Mais avec l'émergece du protestantisme un problème
se pose en 1589 au moment de l'assassinat d'Henri III qui ouvre une crise de succession: il n'y a pas
de descendant direct mais on se réfère à la coutume et c'est Henri de navarre qui doit etre choisi le
problème vient du fait qu'il est protestant. des 1588 les états généraux se sont réunis et ont adoptés
un édit de l'union qui va introduire le principe de catholicité.

Le successeur doit etre catholique pour acéder à la couronne.

Toute une série d'arguments sont élaborés comme: le fait que c'est un principe implicite depuis
Clovis, ensuite ce principe découle de la cérémonie du Sacre qui oblige à etre catholique pour eter
sacré, ensuite ce principe d'un caractère saccerdotale car le roi est un roi prètre. Cette loi de
catholicité est fondamentale et pour les ultra catholiques cette loi occupe le premier rang, cette loi
doit primer devant les autres.

le parlement )qu est le gardien des lois fondamentales va rendre un arret de 1593 appelé aussi arret
Lemaistre aussi appelé Arrete de la loi Salique. le parlement explique que rien ne peut etre fait contre
la loi salique. En meme temps le parlement prend acte de l'édit et intègre le principe sans écarter les
autres lois . La solution est de concilier les 2 problèmes.

La solution viendra de l'interessé: Henri de Navarre décide de renoncer à sa relgion protestante et


considère que cela vaut la peine pour devenir roi.

Il est sacré en 1594 et sera connu sous le nom d'Henri IV.

b La confirmation de l'indisponibilité de la couronne

le fils ainé du roi défunt est l'héritier présemptif, il est statutairement désigné pour etre le roi.
l'application de ce problème pose 3 problèmes:

Un roi peut il renoncer à la couronne ?

François 1er est prisonnier en Espagne et on le contraint à abdiquer , est ce que cette abdication est
valable ? Non , jamais reconnu par le parlement , car abdiquer , c'est disposer de la couronne.

un roi peutil contraindre un de ses descendants à renoncer au trone ? Non non et non. le petit fils de
Louis XIV qui régnait sur l'Espagne, mais de peur d'une domination française des pays européens vont
entrer en guerre et finalement Louis XIV va accepter un article qui fait renoncer son petit fils à la
couronne mais cette clause n'est pas valable, elle est anticonstitutionnelle donc nulle.

Est ce que un roi peut légitimer des enfants adultérins ? En 1714 l'édit de Marly va légitimer les
enfants naturels du roi Louis XIV, à défaut d'enfants légitimes. Mais après la mort de Louis XIV c'est la
merde , le régent va s'empresser d'annuler cette édit.

2 la continuité de l'état à travers les biens

Le principe d'inaliénabilité est renforcé par l'indisponibilité.

le domaine de la couronne : ensemble de moyens matériels et finaciers mis à la dispodsition du roi


comme support de la fonction du roi.

le domaine corporel ou matériel est le domaine foncier c'est à dire les terres , et les domaines
mobiliers comme les trésors.

Le domaine incorporel c'est les droits féodaux et toutes les prérogatives qui rapportent de l'argent au
roi.

le domaine est inaliénable : principe enrichie , on protège le domaine contre le roi tenté de faire des
affaires, c'est le principe d'imprescriptibilité qui s'ajoute à l'indisponibilité. Quiconque réussit a se
réserver une parcelle du domaine ne peut pas en acquérir la propriété.

la consécration du principe d'inaliéabilité datant du 16e siecle.

D'abord en 1547, on remet au roi apres un sacre on lui remet un anneau qui symbolise le pouvoir. Les
juristes considèrent qe s'opèrent un mariage entre le roi et l'état. Le roi recevrai alors le domaine
comme une dot; la dote a la particularité d'etre inaliénable. ce principe est consacré juridiquement
en 1566 avec l'ordonnace de Moulin. l'ordonace établit une nuance entre le domaine fixe et le
domaine casuel.

Le domaine fixe constitut l'essentiel, c'est d'abord touts les biens reçus du prédecesseur et s'y ajoute
les biens propres au nouveau roi qui sont incorporés au domaine fixe et tout ce qu'il a acquis par des
agents royaux depuis au moins 10 ans. Ce domaine fixe est inaliénable.

Le domaine casuel , c'est tout ce que le roi a pu acquérir après son avènement depuis moins de 10
ans; ce domaine est aliénable.

Mais il y a des conditions de fond:

possible en temps de guerre ou de nécessité absolue

l'engagement est temporaire

Et des conditions de forme:


l'engagement se fait en argent

il se fait par lettre patente , le parlement contreole l'engagement.

C'est un moyen d'assurer la continuité de l'état;

3 la continuité de l'état à travers les actes du roi

a La 1ere question revient à l'application de la régence

les conditions évoluent peu par rapport à cette régence. On confie la régence généralement à la reine
mère.
Si la mère est décédée c'est l'hériter présomtpif si l'enfant vean

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