G : 12/08876
Décision du
Au fond
du 05 novembre 2012
RG : 11/07107
ch n°
BRIKI
C/
SA ALLIANZ IARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
né le 13 Mars 1976
18 allée Picard
69200 VENISSIEUX
INTIMEES :
69628 VILLEURBANNE
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Représentée par Me Jean-Christophe BESSY, avocat au barreau de LYON
La compagnie ALLIANZ
87 rue de Richelieu
75002 PARIS
69100 VILLEURBANNE
INTERVENANTES :
12 Rue d'Aubigny
69003 LYON
Défaillante
La Mutuelle MTRL
Défaillante
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A l'audience, Catehrine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de
procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel,
les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du
code de procédure civile,
Signé par Claude VIEILLARD, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a
été remise par le magistrat signataire.
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Le 3 octobre 2004, alors qu'il participait à un match de football de Coupe de FRANCE, monsieur
BRIKI, licencié du CLUB DES MINGUETTES DE VENISSIEUX, a été blessé par un joueur de
l'équipe adverse, l'ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE VILLEURBANNE, à la suite
d'un tacle qui a entraîné une rupture cliniquement complète du ligament croisé antérieur du genou
droit et une lésion de gravité moyenne du ligament latéral interne, l'ensemble de ces lésions ayant
justifié initialement une ITT de 90 jours et un arrêt des activités sportives et de compétition de 180
jours sous réserve de complication.
Une expertise médicale a été confiée au docteur CARRET par ordonnance de référé du 15 janvier
2008.
Celui-ci après avoir recueilli l'avis technique d'un sapiteur, le docteur BETHEMONT, psychiatre, a
déposé son rapport définitif daté du 22 juillet 2010 dont les conclusions étaient les suivantes :
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*du 31 janvier 2008 au 23 février 2008
- déficit fonctionnel permanent : 15% sur le plan orthopédique et 13% sur le plan psychologique - on
retient donc un DFP global de 26%
Par ordonnances respectives des 16 décembre 2008 et 6 octobre 2009 le juge des référés a
successivement débouté monsieur BRIKI de sa demande d'expertise psychiatrique et de provision et
a accueilli la demande de production par la LIGUE RHONE ALPES FOOTBALL de la feuille de
match et du rapport d'arbitrage.
Suivant acte d'huissier du 21 juin 2011 monsieur BRIKI a assigné devant le tribunal de grande
instance de LYON la LIGUE RHONE ALPES DE FOOTBALL, la compagnie ALLIANZ SA, l'
ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE VILLEURBANNE, la CPAM du RHONE et la
mutuelle MTRL en responsabilité sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1 du code
civil et en réparation de son préjudice.
Par jugement réputé contradictoire du 5 novembre 2012 ce tribunal a débouté monsieur BRIKI de
l'ensemble de ses demandes, a rejeté la demande adverse fondée sur l'article 700 du code de
procédure civile, a déclaré le jugement commun à la CPAM du RHONE et à la mutuelle MTRL et a
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condamné monsieur BRIKI aux dépens.
- qu'un tacle, même sévère, est un geste de technique habituel du football et ne constitue pas en soi
une violation des règles du jeu ni un manquement à la loyauté sportive
- que la preuve d'une faute grave à l'encontre du joueur de l' ASSOCIATION SPORTIVE
ALGERIENNE DE VILLEURBANNE n'était pas rapportée.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 14 décembre 2012 monsieur BRIKI a relevé appel
général de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 28 novembre 2013 monsieur BRIKI
sollicite que par réformation du jugement déféré, la cour :
* «DFP» 50 % 15 300€
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somme de 367 453 € à titre d'indemnité, outre intérêts de droit
- que le tacle effectué par le joueur de l'équipe adverse correspond à une véritable agression et ne
peut pas être qualifié de geste technique mal maîtrisé
- que ce joueur n'a échappé au carton rouge et à l'expulsion du terrain qu'en raison du mauvais
positionnement de l'arbitre et du fait que celui-ci a mal apprécié la gravité des blessures après le
match,
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 10 mai 2013 la compagnie
ALLIANZ, l'ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE VILLEURBANNE et la LIGUE
RHONE ALPES DE FOOTBALL s'opposent aux prétentions de l'appelant en sollicitant la
confirmation du jugement querellé, réclamant chacune à l'encontre de monsieur BRIKI la somme de
1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens de
l'instance ; à titre infiniment subsidiaire, s'il devait être fait droit aux demandes de monsieur BRIKI,
elles entendent qu'il leur soit donné acte de leurs propositions d'indemnisation dans les termes
suivants :
--------------
TOTAL = 73 725€
et demandent que les sommes réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile soient
ramenées à de plus justes proportions et qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
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Les intimées font valoir que la preuve n'est pas rapportée d'une faute constitutive d'une violation des
règles du jeu, en l'état de la feuille de match, des attestations communiquées et des certificats
médicaux.
La CPAM du RHONE et la mutuelle MTRL, n'ayant pas constitué avocat dans le délai légal, ont été
assignées par acte d'huissier du 23 mai 2014 conformément aux dispositions de l'article 902 du code
de procédure civile, ladite assignation s'accompagnant de la signification des dernières conclusions
déposées par l'appelant et les intimées.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire, ces deux organismes ayant été assignés à personne
habilitée.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé
exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2014 et l'affaire plaidée le 13 janvier 2015, a
été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu que l'appel ayant été régularisé après le 1er janvier 2011 (date d'entrée en vigueur de l'article
954 du code de procédure civile modifié par l'article 11 du décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009
lui-même complété par l'article14 du décret n°2010-1647 du 28 décembre 2010) la cour ne doit
statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des dernières conclusions des parties.
Sur la responsabilité :
Attendu qu'il résulte de l'article 1384 alinéa 1 du code civil que les associations sportives ayant pour
objet d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions et
entraînements auxquels ils participent, sont responsables de plein droit des dommages qu'ils causent
par leur faute caractérisée par une violation des règles du jeu ;
Attendu que par ailleurs le principe posé par les règlements organisant la pratique d'un sport selon
lequel la violation des règles du jeu est laissée à l'appréciation de l'arbitre chargé de leur application,
ne prive pas le juge civil, saisi d'une action en responsabilité fondée sur la faute de l'un des joueurs,
de sa liberté d'apprécier si le comportement du joueur en cause a constitué une faute caractérisée par
une violation des règles du jeu de nature à engager sa responsabilité ;
Qu'ainsi il ne peut être utilement être fait état du fait que l'arbitre n'a pas délivré un carton rouge à
l'encontre du joueur de l'équipe de l'ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE
VILLEURBANNE, ou encore que la feuille de match fait mention d'un comportement antisportif
dudit joueur, étant au demeurant relevé que cette mention ne peut pas être rattachée expressément et
de manière certaine à la blessure occasionnée à monsieur BRIKI en l'absence de toute précision sur
la nature de ce comportement et sur la victime éventuelle de celui-ci.
Attendu qu'il appartient en conséquence à monsieur BRIKI d'établir que l'action du joueur de
l'équipe adverse, à savoir l'ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE VILLEURBANNE,
était anormale eu égard aux règles et à la loyauté du jeu.
Que cette preuve ne saurait être trouvée dans les certificats médicaux communiqués rapportant la
sévérité des blessures, la gravité de celles-ci ne suffisant pas à établir de facto l'existence d'une
violation des règles du jeu ; qu'est tout aussi dénuée de pertinence l'appréciation personnelle du
docteur DEJOUR qui établit un lien de causalité entre les séquelles et «la violence de l'agression
subie par monsieur BRIKI lors de ce match de foot», ce médecin n'ayant pas assisté de visu aux faits
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pour pouvoir qualifier ceux-ci d'«agression» ;
Que de même ne peuvent être retenus comme probants en ce qui concerne le déroulement des faits le
certificat du docteur GIRARDIER, ou encore le rapport du docteur BETHEMONT établi en sa
qualité de sapiteur, ceux-ci ne faisant que rapporter sur ce point précis, les déclarations et analyses
personnelles de monsieur BRIKI, étant rappelé qu'une partie n'est pas recevable à témoigner pour
elle-même, y compris par témoignage interposé.
Qu'alors même qu'il est constant que l'objet du litige se trouve être un tacle, le témoin CHIBANI fait
état quant-à lui d'une «charge très sévère sur la jambe droite de monsieur BRIKI» tout en rapportant
que l'arbitre n'aurait pas vu l'action et donc n'aurait pas pu sanctionner en temps utile le joueur
adverse par un carton rouge mais qu'il aurait «quand- même infligé un carton jaune» à ce dernier ;
que pour autant l'existence de ce carton jaune ne peut être vérifiée, la feuille de match n'en faisant
pas état, les autres attestations n'y faisant par ailleurs aucune référence ;
Que l'article de presse relatant le match rapporte seulement «la sérieuse blessure de BRIKI auteur du
premier but, sévèrement taclé ...», sans plus de précision sur les circonstances de ce tacle, voire son
caractère anormal au regard des règles du jeu ;
Que l'affirmation péremptoire du témoin MADOUCHE selon laquelle «ce geste est non seulement
hors des règles du jeu mais aussi pas tolérable sur un terrain de football tant le choc a été violent sur
le genou de monsieur BRIKI» ne permet pas de caractériser les circonstances précises d'exécution de
ce tacle, qu'il s'agisse de savoir si le joueur adverse s'est comporté à cet instant précis d'une manière
téméraire en décollant le pied de terre ou en utilisant une force excessive, s'il a réalisé un tacle glissé
abordé par l'arrière ou avec les deux jambes tendues, s'il a fait ou pas barrage à monsieur BRIKI en
lançant ou pas sa jambe en avant, si monsieur BRIKI était en train de courir ou pas au moment du
tacle... .
Attendu qu'en définitive le jugement querellé doit être confirmé dès lors que n'est pas davantage
rapportée en cause d'appel la preuve d'une faute caractérisée par un manquement aux règles du jeu en
matière de football à l'encontre du joueur de l'ASSOCIATION SPORTIVE ALGERIENNE DE
VILLEURBANNE, le tacle n'étant pas en soi une action interdite.
Attendu que le présent arrêt sera, en tant que de besoin, déclaré opposable à la CPAM du RHONE et
à la mutuelle MTRL.
Attendu que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se
justifiant pas tant en première instance (le jugement déféré devant être confirmé de ce chef), qu'en
cause d'appel.
Attendu que monsieur BRIKI, qui succombe, doit supporter les dépens de la procédure d'appel.
LA COUR,
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Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement
avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Claude VIEILLARD, président, et par madame Martine SAUVAGE, greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT