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Abdelghani SEGHIR
Enseignant Chercheur, Chargé de Cours
Département de Génie Civil, Université A. Mira de Béjaia.
Site Web : www.freewebs.com/seghir
Email : seghir.a@gmail.com
SOMMAIRE
Résumé ..................................................................................................................................................................................... 2
1. Introduction .................................................................................................................................................................... 2
2. Cadre tectonique ............................................................................................................................................................ 3
3. Niveaux d’accélérations sismiques.............................................................................................................................. 4
4. Evaluation des dommages............................................................................................................................................ 5
5. Types des dommages constatés ................................................................................................................................... 6
6. Dommages subis par les portiques.............................................................................................................................. 7
6.1. Rotule plastique aux nœuds poteau-poutre ..................................................................................................... 7
6.2. Rupture par ecrasement ...................................................................................................................................... 9
6.3. Cisaillement des poteaux .................................................................................................................................... 9
6.4. Flambement des poteaux .................................................................................................................................. 12
6.5. Décollement du béton d’enrobage ................................................................................................................... 13
7. Dommages subis par les voiles .................................................................................................................................. 13
8. Dommages divers ........................................................................................................................................................ 14
8.1. Cas de la poutre palière ..................................................................................................................................... 14
8.2. Cas de rupture dans les poutres par flexion ................................................................................................... 14
8.3. Cas d’étage souple et d’étage transparent ...................................................................................................... 15
8.4. Cas du joint sismique......................................................................................................................................... 17
8.5. Cas d’entrechocs - éffet balle de ping-pong ................................................................................................... 17
8.6. Cas des escaliers ................................................................................................................................................. 18
8.7. Cas de la maçonnerie exterieure ...................................................................................................................... 19
9. Conclusion .................................................................................................................................................................... 20
Références............................................................................................................................................................................... 20
Les journées techniques et scientifiques du bâtiment et de la construction. Séminaire organisé par SAVOIR PLUS, 26-27
Juin 2007 à Béjaia. "Séisme de Boumerdes du 21 Mai 2003 : Pathologie de construction et dommages sismiques", A. Seghir
RESUME
Cet exposé est basé sur l’enquête post-sismique conduite par le Centre National de Recherche Appliquée en Génie
Parasismique (CGS) sur le séisme de Boumerdes du 21 Mai 2003. L’auteur a participé à cette enquête avec
l’accord de l’université A. Mira de Béjaia en qualité d’enseignant chercheur de l’université et de chercheur
associé au CGS. La mission a duré du 25/05/2003 au 05/06/2003 et a concerné les wilayas de Boumerdes et
d’Alger. Son but était le recensement et la caractérisation des dégâts sismiques. Dans ce présent rapport, on
relate quelques dégâts constatés témoignant, d’un coté, de la nature particulièrement violente du séisme, et d’un
autre coté, des performances parasismiques de certains systèmes de contreventement qui ont bien résisté au
séisme et de la vulnérabilité d’autres systèmes qui ont subi d’importants dégâts voire des effondrements.
1. INTRODUCTION
Le séisme de Boumerdes du 21 Mai 2003, de magnitude 6.8 à l’échelle de Richter selon USGS,
a été particulièrement violent ; il a causé des pertes considérables en vies humaines et a
touché considérablement l’économie du pays. Il est venu confirmer une autre fois après le
fameux séisme de Chelef de 1980, que le nord Algérien est une zone de forte sismicité dont il
faut absolument tenir compte.
Selon Belazougui, Farsi et Remas [3], environ 7400 constructions ont été détruites et 7000
autres fortement endommagées. Presque 8500 appartements ont été perdus et 20 000 autres
hautement détériorés. En outre, selon les chiffres officiels, on déplore 2278 morts et plus de
10000 blessés et environ 180000 sans abris.
Dans la zone sinistrée par le séisme de Boumerdes, on retrouve comme partout ailleurs dans
le pays, plusieurs types de constructions utilisant différents systèmes de contreventement. Il
a été constaté que le système constructif ayant le plus souffert est le portique auto stable alors
que l’introduction des voiles dans le contreventement de certaines constructions a montré
une grande amélioration de la résistance vis-à-vis des forces sismiques. Par ailleurs, la
diversité dans l’assiduité et la rigueur des acteurs intervenant dans la construction,
notamment en matière d’application des normes de constructions et de réalisation, des règles
parasismiques algériennes (RPA) et de suivit de chantier, a conduit à une grande variété des
dommages constatés allant de constructions parfaitement résistantes aux constructions
fortement endommagées ou complètement effondrées, et ce indépendamment du site dans
lequel elles sont implantées.
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2. CADRE TECTONIQUE
Toute la bande du littoral Algérien est siège d’une forte activité sismique causée par
l’affrontement entre les deux plaques tectoniques africaine et eurasiatique issu de
l’avancement progressif de la plaque africaine vers le nord-ouest, contre la plaque
eurasienne, à une vitesse de quelques millimètres par an. La figure 1 schématise les sens et
les vitesses des déplacements des plaques. Ce niveau de sismicité élevé de la bordure
littorale peut s’expliquer selon Yelles-Chaouche et Djellit du GRAAG [5] par le fait que cette
zone soit le siège des déformations continentales les plus importantes. Les mêmes auteurs
ont relaté plusieurs travaux et mesures microtectoniques montrant l’existence d’un réseau de
failles dans la région de Boumerdes. Ils ont cité notamment les travaux de Boudiaf [5] qui ont
permis de décrire précisément la faille de Thénia à lest de Boumerdes et qui se prolonge vers
le nord-ouest jusqu’au large d’Alger alors qu’au sud-est elle disparaît à l’Oued Isser. Ils
précisent que sa longueur en terre est estimée à 35 Km et son prolongement en mer est de 20
Km (figure 2). Par ailleurs, il a été noté que le séisme de Boumerdes s’inscrit dans la cadre de
la sismicité de la région d’Alger marquée au cours de l’histoire par trois événements
importants : le séisme du 02/01/1365, celui du 03/02/1716 et celui de 29/10/1989.
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Par ailleurs, les calculs parasismiques basés sur la méthode modale spectrale qui est une
méthode dynamique très pratique, utilisent des spectres de réponse normalisés appelés
spectre de calcul. On montre sur la figure 4, un spectre de calcul élastique préconisé par le
RPA pour une structure de bonne qualité de construction, implantée sur un site S3 dans la
région de Boumerdes (classée en zone II avant le séisme). Les spectres d’accélérations
enregistrées aux stations de Dar-Elbeida, Keddara et Hussein-Dey sont aussi tracés pour
comparaison. On voit bien que les niveaux atteints dépassent fortement ceux préconisés par
le règlement notamment dans la gamme des périodes inférieures à 0.5 secondes qui
correspond, en général, aux constructions de moins de six niveaux et qui ont été les plus
touchées par le séisme.
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Accé l é ra ti o n s sp e ctra l e s ( g )
à travers un coefficient de comportement 1.4
R PA
global de la structure calculée. Ce 1.2 D a r El b e i d a
Ke d d a ra
coefficient a pour effet de réduire la force 1.0 Hus s ein Dey
De ce fait, il est donc impératif du point de vue conception et réalisation de s’en tenir
rigoureusement aux recommandations du règlement et au respect des normes en vigueurs.
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Même si le poteau de la photo 2 est bien armé tant en armatures longitudinales qu’en cadres,
ce qui donne un béton bien confiné, il reste cependant insuffisant par rapport à la poutre.
Lors d’un fort mouvement horizontal, c’est la poutre qui casse le poteau et non pas l’inverse.
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Par contre dans la photo 3, le poteau est assez fort pour que la rotule se produise dans la
poutre ; il est ainsi libéré avec un moment bien réduit, le plancher reste toujours accroché et
la structure demeure sans risque d’effondrement.
Il a été constaté que ce mode de ruine par formation de rotules plastiques dans les poteaux
était le plus courant et a constitué la cause principale de l’effondrement total ou partiel de la
majorité des constructions n’ayant pas résisté.
En plus du phénomène poteau faible/poutre forte qu’on vient de voir, le RPA à prévu la
continuité du ferraillage transversal des poteaux en zones nodales. Des cadres en double U,
ou ordinaires lorsqu’il est possible de les placer, doivent être disposés dans le portique
comme illustré sur la figure 5.7 de l’article 7.5.2.2 du règlement. Le manque de cadres dans
cette zone très sensible des poteaux conduit à son affaiblissement vis-à-vis des efforts
tranchants et des moments. Sans ferraillage transversal, le béton n’est pas assez confiné, les
armatures longitudinales peuvent flamber et la section peut se fissurer en X ou s’effriter
complètement. Les photos 4 et 5 suivantes montrent les dégâts subis par deux poteaux
appartenant à deux constructions différentes.
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Photos 6 et 7 : Ecrasement de béton et flambement des aciers dans les deux poteaux de la cage d’escaliers
La fragilité des sections écrasées a été aggravée par un manque de cadres intérieurs (par
négligence ou par mauvaises intentions). On souligne qu’à notre avis, ces poteaux d’une
section de 60ൈ60 cm², armés avec 12T20 et 3 cadres Ԅ8, sont suffisants pour une tour R+7 qui
d’ailleurs n’a subit de dommages importants qu’au niveau du RDC mais sans gravité ; il
s’agit d’effondrement de la maçonnerie, écrasement des deux poteaux et fissuration des
voiles de la cage d’ascenseur.
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Photo 8 : Cas d’une surélévation de 1,5m de la partie Photo 9 : Détail de cisaillement d’un des 6 poteaux.
centrale d’un plancher sur pilotis (6 poteaux)
Dans le cas des photos 10 et 11, le cisaillement est dû aux entrechocs entre les poteaux et le
plancher de la structure voisine, on voit ici le cas typique où le joint sismique est insuffisant.
Si les planchers sont de mêmes niveaux les conséquences auraient peut être été moins
graves, mais avec des différences entre niveaux, les structures n’ayant pas nécessairement les
mêmes modes de vibration, le déphasage de mouvement cisaille littéralement les poteaux.
Photo 10 : Cas d’entrechoc avec un plancher adjacent. Photo 11 : Détail d’un poteau
Les efforts de cisaillement dans les poteaux sont souvent plus importants lorsque
l’élancement géométrique du poteau est faible, et on désigne par poteau court (ou pièce
courte d’une manière générale), une pièce dont l’élancement géométrique est inférieur à 5.
Une attention particulière est accordée par le RPA au cas de poteaux courts, la figure 7.3 de
l’article 7.4.3.2 illustre la création d’une telle situation par réservation de vides dans la
maçonnerie. Ce cas est très fréquent surtout dans les établissements scolaires et les vides
sanitaires comme le montre les photos 12 à 15.
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Photo 12 : Cas de poteaux courts sans protection – tous les poteaux sont cisaillés.
Photo 13 : Détail d’un poteau au centre. Photo 14 : Détail d’un poteau au coin
Il arrive dans certains cas où les poteaux courts dus au vide sanitaire puissent servir de
fusibles et éviter une destruction totale du bâtiment. La disposition de la photo 15 est jugée,
selon un rapport de l’AFPS [2] sur le séisme de Boumerdes, comme très intéressante car elle a
l'avantage de laisser pratiquement intacte le reste de la structure ; ce qui permettrait
éventuellement de réintégrer le bâtiment après vérinage et réparation de poteaux et autre
dégâts subis par les équipements et les éléments non structuraux.
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Cependant cette situation a été interdite par le RPA après le seisme de Chelef de 1980. Le
règlement exige l’utilisation d’un voile périphérique dans les vides sanitaires afin de
protéger l’ensemble. En effet, la disposition peut s’avérer efficace pour un séisme majeur
mais elle rend la structure fragile et l’expose aux effets des séismes modérés ou même faibles.
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Même si la résistance globale d’un poteau sujet à cette pathologie d’exécution n’est pas
affectée d’une manière significative, le poteau peut constituer une faiblesse dans l’ensemble
du système de contreventement. Un décollement de la couronne d’enrobage met à nu les
armatures comme le montre la photo 18 ci-dessus.
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Photo 20 : Rupture de section à la base du voile. Photo 21 : Fissures ouvertes dans le voile
8. DOMMAGES DIVERS
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L’utilisation de voiles même de petite largeur (aileron) permet de protéger les poteaux et
limiter les déplacements, il ne faut néanmoins pas trop rigidifier le RDC pour ne pas affaiblir
le premier étage ou les étages supérieurs.
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Photo 26 : Détail d’un poteau au centre. Photo 27 : Détail d’un poteau au coin
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La photo 28 montre une telle situation où une cage d’escaliers indépendante qui sert les deux
blocs est prise aux entrechocs entre les deux grandes structures. La photo 29 montre bien les
dégâts infligés à la superstructure de l’un des deux blocs.
Photo 28 : Détail d’un poteau au centre. Photo 29 : Détail d’un poteau au coin
Photo 30 : Poussée au vide du au ferraillage sans ciseau. Photo 31 : Mauvaise qualité du béton.
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On voit bien dans la photo 30 que la disposition des armatures en ciseaux a été mal réalisée,
ce qui a conduit, malgré la bonne qualité apparente du béton, au détachement de la volée
d’escaliers du palier dû à la poussée au vide. Dans la photo 31 par contre, c’est la mauvaise
qualité du béton qui a conduit à la rupture. Cette mauvaise qualité est parfois accompagnée
de présence d’impuretés de tout genre (bois, fils de fer, papier,…) qui s’entassent au niveau
de la jonction palier-volet.
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9. CONCLUSION
Deux aspects importants ont étés soulignés dans ce rapport, le premier concerne le caractère
très violent du séisme de Boumerdes du 21 Mai 2003. Du point de vue statistique, il est
caractérisé comme événement rare et les niveaux d’accélérations sismiques et d’énergie
véhiculée ont dépassé les prévisions de la réglementation parasismique. Ceci peu expliquer
en partie l’ampleur des dégâts et dommages subis par la majorité des constructions. Le
second aspect est naturellement lié aux insuffisances des performances parasismiques des
systèmes de contreventement et surtout aux malfaçons de conception ou de réalisation.
Les constats des effets du séisme sur les constructions ont montré que le système structurel
ayant le plus souffert est le portique poteau-poutre. Ce système aurait pu fonctionner
correctement notamment si les sections des poteaux étaient bien dimensionnées et les zones
nodales bien réalisées. Il a été clairement démontré que quand la qualité d'exécution est
médiocre, ce système de contreventement devient très vulnérable car il ne possède pas de
réserves suffisantes pour encaisser l'énergie de déformation.
Les malfaçons et les mauvaises conceptions des zones nodales on fait des nœuds des
portiques, qui devraient être rigides, des points de faiblesse qui on conduit à des formations
de rotules plastiques dans les poteaux. La succession de plusieurs rotules dans une structure
auto-stable conduit inévitablement à un mécanisme induisant un effondrement total ou
partiel. Il apparait ainsi impératif d’être très prudent avec ce système constructif utilisé dans
la majorité des constructions en Algérie, il faudrait améliorer sa mise en œuvre et prendre en
compte dans les notes de calculs tout phénomène et toute disposition constructive pouvant
le rendre vulnérable.
Par ailleurs, il a été constaté que l'inconvénient majeur du remplissage en brique réside dans
sa fragilité, de ce fait il s'effondre sur les occupants et encombre les cages d'escalier
pénalisant les évacuations après la secousse et pénalisant l'accès des secours.
REFERENCES
[1] Afra, H., "Performance parasismique des systèmes structurels durant le séisme de Zemmouri", Colloque
international, Risque, Vulnérabilité et Fiabilité dans la Construction, 11-12 Octobre 2003, Alger,
Algérie.
[2] AFPS, "Le séisme du 21 Mai 2003 en Algerie, Rapport préliminaire de la mission AFPS", Association
Française de Génie Parasismique.
[3] Belazougui, M., Farsi, M.N. et Remas, A., "Zemmouri earthquake of 21st of May, 2003. Building
damage assessment and causes”, Colloque international, Risque, Vulnérabilité et Fiabilité dans la
Construction, 11-12 Octobre 2003, Alger, Algérie.
[4] Ministère de l’Habita, "Règles parasismiques Algériennes RPA 99", document technique
réglementaire D.T.R.–B.C.–2.48, Centre National de Recherche Appliquée en Génie Parasismique.
[5] Yelles-Chaouche, A.K., et Djellit, H., "Le sésisme de Boumerdes (21 Mais 2003, Mw :6.8) ", Colloque
international, Risque, Vulnérabilité et Fiabilité dans la Construction, 11-12 Octobre 2003, Alger,
Algérie.
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