FILOLOGIJOS FAKULTETAS
PRANCŪZŲ FILOLOGIJOS IR DIDAKTIKOS KATEDRA
Magistro darbas
Darbo vadovas:
Dr. Zita Tarvydienė
Darbas priimtas
2011 05 23
Darbą atliko:
Sandra Stanaitytė
Darbas priduotas
2011 05 23
VILNIUS, 2011
UNIVERSITÉ PÉDAGOGIQUE DE VILNIUS
FACULTÉ DE PHILOLOGIE
DÉPARTEMENT DE PHILOLOGIE ET DIDACTIQUE
FRANÇAISES
Mémoire
Directeur du travail:
Dr. Zita Tarvydienė
Fait par:
Sandra Stanaitytė
VILNIUS, 2011
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION………………………………………………………………….…….……4
I. CHANGEMENTS DANS LA LANGUE FRANÇAISE…………………...…..………….. 6
1. Évolution du sens des mots…………………………………………………….….….6
2. Causes de l’évolution du sens des mots.…………..……………………………….…8
II. COUCHES DIACHRONIQUES DU LEXIQUE FRANÇAIS…………………................10
1. Fond primitif ……………………………………………………………………..….10
2. Apports classiques …………………………………………………………….….....11
3. Couches d’emprunts modernes ………………….………………...………..……….12
III. MORPHOLOGIE DÉRIVATIONNELLE…………………...………………………..…15
1. Dérivation…………………………………………………………………………...15
1.1. Suffixation…………………………………………………….……….……....16
1.2. Préfixation………………………………….……………………….…….…...19
1.3. Dérivation parasynthétique…………………………………………........…….20
1.4. Allomorphes…………………………………………………….…..……..…..23
1.5. Emprunts……………………………………………………………..……...…25
1.5.1. Emprunts au latin…………………………………………..……..……...28
1.5.2. Emprunts à l’anglais………………………………………..………........29
2. Composition……………………………………………………………….…...........31
2.1. Mots fléchis…………………………………………………………….…..…33
2.2. Mots composés……………………………………………………………......33
3. Argot…………………………………………………………………………...…....35
4. Abréviation et siglaison ……………………………………………………….....….40
3.1. Abréviation……………………………………………………………….…...40
3.2. Siglaison…………………………………………………………….……..…..42
5. Néologie………………………………………………………………….……….….43
V. ANALYSE DES MOTS EMPRUNTÉS AUX AUTRES LANGUES…………..…….….45
CONCLUSION…………………………………………………...…………………….….…48
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………........................50
SANTRAUKA…………………………………………………………..……………………52
3
INTRODUCTION
Une langue n’est pas le fait d’une génération spontanée sur un territoire donné. Une
langue est toujours issue d’une autre langue, à travers d’incessantes transformations au cours
des temps. Ces transformations ne peuvent s’opérer qu’à force de contacts entre des
populations qui ont chacune leur langue de communication et de culture. L’emprunt des mots
nouveaux aux langues étrangères a toujours eu de grandes possibilités d’enrichissement pour
le français. Le français vient d’une langue romaine primitive, une sorte de latin parlé fort
éloigné du latin littéraire et diversifié selon les régions, le latin étant lui-même une variété de
l’italique.
Toute langue est perpétuellement en cours d’évolution. Directement lié à tous les
domaines de l’activité humaine, le lexique de toute langue se renouvelle constamment. Selon
le dictionnaire Larousse (2007, 586), « le lexique c’est un ensemble des mots formant la
langue d’une communauté et considéré abstraitement comme l’un des éléments constituant le
code de cette langue (notamment par opposition à la grammaire) ». Le renouvellement du
lexique français provient de trois voies essentielles : d’une part la formation des mots
nouveaux et l’évolution du sens des mots déjà existants (ressources internes d’enrichissement
du lexique), d’autre part les emprunts aux autres langues (ressource externe). Chaque langue
en enrichissant son vocabulaire utilise tout d’abord ses propres ressources : la formation des
mots et l’évolution du sens.
La notion d’un mot présente ce double caractère d’être familier, évidente pour le grand
public, et surtout de constituer pour le linguiste une source de difficultés théoriques
considérables. « Accepter l’idée que le mot est à la base de l’apprentissage de la langue,
qu’elle soit orale ou écrite, revient à admettre, comme l’a toujours proposé la grammaire
traditionnelle, qu’il constitue l’unité fondamentale de la langue et qu’il reste au fondement de
la constitution des dictionnaires » (Chiss J.-L., Filliolet J., Maingueneau D., 1993, 125).
Souvent du point de vue sémantique, tout mot emprunté, tel un corps étranger qui
cherche à s’introduire dans un organisme vivant, fait subir des modifications à la langue qui
l’accueille (quand il ne subit pas lui-même des modifications). En ce qui concerne la langue
d’accueil, elle possède une organisation structurelle de son lexique qui va devoir se modifier
pour que le mot étranger s’intègre dans ce qui deviendra un nouveau système de corrélations.
La majeure partie des mots usuels français est polysémique. La polysémie, c’est la
faculté d’un mot d’avoir à une époque donnée plusieurs significations. Le mot peut être
porteur à la fois de plusieurs significations puisqu’il peut désigner plusieurs objets, plusieurs
4
faits, si ces derniers ont des traits communs. La polysémie reflète avec évidence la faculté de
notre pensée de généraliser les faits de la réalité.
Donc notre mémoire (Voies d’enrichissement du vocabulaire) a pour but de trouver
des voies variées qui servent de l’enrichissement du vocabulaire français.
L’objet d’études est un mot.
Les tâches :
1. Promener le regard sur la naissance de nouveaux mots français.
2. Trouver des causes de l’évolution du sens des mots.
3. Examiner la morphologie dérivationnelle.
4. Faire des recherches pratiques et trouver des mots qui sont issus d’autres langues et
expliquer leurs sens.
Méthodes de recherche:
1. L’étude et l’analyse de la littérature scientifique.
2. La méthode descriptive.
5
I. CHANGEMENTS DANS LA LANGUE FRANÇAISE
La langue change plus ou moins considérablement d’une génération à une autre. Ces
changements sont cependant si imperceptibles qu’il se succède plusieurs générations avant
qu’on en prenne conscience. Au début, ils n’atteignent que les éléments isolés de la langue
pour s’accumuler petit à petit et aboutir à des modifications catégoriales importantes.
La langue se modifie même dans la façon de parler d’un même individu suivant le
milieu et le but de l’énoncé (variétés stylistiques). Une de ses variétés et, notamment le
langage parlé ou familier, présente grosso modo l’état progressif de la langue, la langue en
évolution, tandis que l’idiome littéraire est plutôt traditionnel et conservateur.
Les notions de développement sont propres à l’état synchronique d’une langue autant
qu’à sa diachronie. « L’évolution est inhérente à tout phénomène de la nature et de la société,
à plus forte raison frappe-t-elle le langage humain. Ce sont les besoins de la communication
dépendant plus ou moins directement des structures économiques et politiques de la société
qui causent divers changements dans la langue » (Chigarevskaja N., 1974, 5).
Les événements politiques et économiques, l’évolution de la société féodale, le
développement des sciences, arts et métiers, ainsi que l’épanouissement de la culture et de la
littérature, tout cela a trouvé son influence dans le lexique.
« Au cours des siècles les mots subissent des changements divers et compliqués tels que
l’extension et la restriction de sens, l’affaiblissement de sens, la « dégradation » et
« l’ennoblissement » de sens. Les uns perdent leur valeur propre et évoluent vers le figuré,
d’autres passent du concret à l’abstrait » (Timeskova I. N., Tarxova V. A., 1967, 15). Tous les
mots devenus usuels ont subi un long développement. Chaque mot a son évolution
particulière et sa propre histoire.
Il existe des liens indissolubles entre la pensée humaine et la langue, entre le mot et la
notion, les idées n’ayant d’existence propre en dehors de la langue. « Chaque mot est tout
d’abord porteur du sens étymologique, ou primitif. Le sens étymologique, ou primitif, du mot
est souvent, dans l’état actuel de la langue, son sens essentiel. Ainsi beaucoup de mots hérités
du latin populaire ont conservé leur sens primitif. Mais il arrive en bien des cas que le sens
essentiel du mot ait changé au cours des siècles, son sens primitif tombant dans l’oubli. Tel
est le cas des verbes partir – primitivement « partager », travailler – étymologiquement
6
« tourmenter », livre – primitivement « l’écorce d’arbre sur laquelle on écrivait » (Timeskova
I. N., Tarxova V.A., 1967, 16).
« L’histoire d’une langue est l’étude de son évolution. Il est incontestable que le
français parlé de nos jours n’est plus le même qu’il y a cinquante ans, au début du siècle, et
diffère beaucoup de la langue parlée en France il y a cent ans, dit M. Cohen, les hommes ont
le sentiment qu’ils continuent à parler la même langue, dont ils se servent entre eux dans le
groupe où ils vivent » (Skrielina L. M., 1972, 5).
En effet, pour la génération d’A. Pouchkine, la langue de G. Derjavine ou d’A.
Radichtchev n’était point archaïque, parce que les années qui les séparent formaient
seulement un petit laps de temps insuffisant pour saisir le mouvement de la langue, serait-ce
même celui d’une langue littéraire. « Au début du XIXe siècle les différences linguistiques
apparaissaient plutôt comme divergences de style, mais ce qui apparaît comme divergence de
style à une époque, devient norme ou se perd à l’époque suivante » (Skrielina L. M., 1972, 5).
Ainsi la différence des langues parlées dans la même société linguistique ne se fait-elle
voir qu’au cours des siècles. Les formes et les mots empruntés par A. Pouchkine dans le vieux
slave sont de belles trouvailles stylistiques. Nous les comprenons et apprécions bien, tandis
que les tournures et les emplois archaïques chez ses prédécesseurs rendent souvent difficile et
peu compréhensible la lecture. Ceci veut dire que la langue de Pouchkine est pour nous la
langue moderne, tandis que celle de Derjavine ou de ses contemporains représente le XVIIIe
siècle, ne l’est plus à la fin du XXe siècle. (L.M.Skrielina, 1972, 5).
Tout mot à plusieurs significations a un sens bien déterminé dans le contexte. La
polysémie et la monosémie du mot présentent une unité dialectique. Dans l’esprit le mot
existe avec tous ses sens latents qui s’actualisent dans la parole, dans le contexte. Les
significations des mots avoisinants permettent d’établir le sens du mot. Ainsi quand on dit : ce
village a 200 feux, le sens des mots voisins fait comprendre que le mot feu est employé dans
une des acceptions vieillies, au sens de « foyer » (synonyme de maison). Les écrivains se
servent largement de la polysémie des mots pour rendre leur langue plus expressive.
Il y a plusieurs facteurs qui conditionnent la signification du mot. Le premier est local :
le sens du mot dépend du territoire où il est employé. Dans certains parlers locaux le mot
pommier signifie « l’arbre », le mot femelle « la femme ».
Le second facteur important est le facteur temporel, le sens du mot étant une catégorie
historique changeant au cours des siècles. Ainsi, au Moyen Age le substantif franchise était le
synonyme de liberté, l’adjectif riche signifiait « puissant ».
Le troisième facteur, c’est le facteur social : le milieu social peut déterminer à lui seul le
sens du mot polysémique. Le facteur professionnel n’est pas à négliger. Ainsi, un médecin et
7
un historien prêteront un sens différent aux mots comme exemple on peut citer : dislocation et
crise.
Les causes qui déterminent l’évolution du sens des mots sont multiples et variées. Elles
sont conditionnées par l’évolution des notions et par les besoins de la communication entre les
hommes.
Il faut distinguer les causes extra-linguistiques et intra-linguistiques. On rapporte aux
causes extra-linguistiques les changements de sens dûs au développement de la vie sociale,
économique et culturelle, au progrès de la mentalité humaine. Les causes intra-linguistiques
ont un caractère purement linguistique. Ainsi le vieillissement d’un mot peut amener
l’apparition d’un sens nouveau chez un autre mot déjà existant.
On peut citer quelques exemples de l’évolution de sens due aux causes extra-
linguistiques. « Le verbe chômer primitivement « ne pas travailler pendant la chaleur », a pris
son sens actuel avec le développement de la société capitaliste, avec l’apparition des milliers
de sans-travails. Au cours du développement capitaliste ont changé de sens les mots usine,
fabrique, manufacture. Le substantif usine, originairement « atelier », désignait au XVIIIe
siècle un établissement où l’on travaillait le fer à l’aide de machines. Puis, au XIXe siècle, ce
substantif prend déjà son sens actuel et désigne tout établissement pourvu de machines
modernes. Les mots manufacture et fabrique font leur apparition au XVIe siècle et ont tout
d’abord le sens de « fabrication », c’est-à-dire ce sont des substantifs à valeur purement
abstraite. Au XVIIe siècle ces deux substantifs commencent à désigner un établissement
industriel » (Timeskova I. N., Tarxova V. A., 1967, 18).
Les causes extra-linguistiques et intra-linguistiques sont très liées les unes aux autres.
Parfois elles s’entrent-croisent dans l’histoire d’un seul mot. « Ainsi avec le progrès de la
mentalité humaine le verbe latin intendere évolue du concret à l’abstrait et devient dans une
de ses significations synonyme du verbe comprendre (cause extra-linguistique). Après la
défaillance du verbe ouïr due à l’effacement de son aspect phonique le verbe entendre prend
sa signification qui devient son sens essentiel : « percevoir des sons par l’oreille » (cause
intra-linguistique) » (Timeskova I. N., Tarxova V.A., 1967, 19).
Le sens des mots évolue lentement, parfois au cours de plusieurs siècles. C’est un
processus lent et complexe.
8
Comme on le voit, l’histoire des notions et des choses nous permet de mieux
comprendre l’évolution sémantique des mots, le vocabulaire d’une langue étant étroitement
lié à l’histoire du peuple
À la fin du XIXe siècle, le français est à peu près tel que nous le connaissons
aujourd'hui. Le vocabulaire a continué de s'enrichir avec le parlementarisme de la IIIe
République (1870-1940) et la création des partis politiques, la naissance des syndicats, de la
grande finance et du grand capitalisme, la renaissance des sports, l'amélioration des moyens
de transport: apparition de l'avion, de l'automobile, de l'autobus et du tramway électrique. Les
emprunts à l'anglais d'outre-Manche pénétrèrent massivement dans la langue française. Mais
l'unité linguistique prônée lors de la Révolution française était, du moins en France, loin d'être
réalisée. Il a fallu plusieurs décennies d'efforts dans les écoles pour tenter de faire disparaître
les «idiomes» parlés par les Français. Puis, la Première Guerre mondiale jeta les hommes de
France pêle-mêle dans toutes les directions, colonies comprises. On n'avait jamais vu un tel
brassage de populations, qui favorisa nécessairement l'uniformisation linguistique.1
1
http://www.salic-
slmc.ca/showpage.asp?file=langues_en_presence/langues_off/fr_histoire&language=fr&updatemenu=true#31
41
9
II. COUCHES DIACHRONIQUES DU LEXIQUE FRANÇAIS
Comme on a déjà abordé l’étude formelle des unités lexicales, il sera nécessaire de
mettre en relief les couches diachroniques du lexique français. En examinant les mots du point
de vue de leur origine, on peut constater qu’ils forment un ensemble hétérogène. La plupart
des termes sont issus du fond héréditaire, et une faible proportion est constituée de termes
empruntés aux langues étrangères.
Parmi les mots du fonds héréditaire, quelques-uns semblent avoir pour origine une
onomatopée. Les onomatopées sont des imitatifs, des mots qui prétendent reproduire certains
bruits, tels que le chant ou le cri des animaux, le son des instruments de musique, le bruit qui
accompagne les phénomènes de la nature, etc. (bobo, bribri, claquer, cliqueter, cocorico,
coquelicot, crinquer, dodo, ronfler, etc.). L’onomatopée, au lieu d’être une reproduction
exacte, est toujours une approximation. Pourtant ces signes motivés constituent une frange
très marginale du lexique. La plupart des mots ne présentent aucun lien analogique entre leur
forme et la réalité qu’ils désignent.
Dans cette partie, on examinera le fonds primitif, les apports classiques et les couches
d’emprunts modernes du lexique français.
1. Fonds primitif
Beaucoup de mots de la langue française proviennent d’un fonds primitif très ancien,
antérieur aux premiers témoignages écrits. Les chercheurs ont pu repérer un certain nombre
de mots d’origine gauloise et celtique dont plusieurs concernent les arbres et les plantes, ainsi
que les anciennes techniques, etc. (alouette, bec, bouleau, changer, charrue, char, savon,
dolmen…).
Le fond latin ou, plus précisément, latin vulgaire, forme le fonds proprement originel du
français. Les mots du latin populaire ont été transmis de siècle en siècle dans la tradition orale
et vivante de la langue. Leur prononciation s’est transformé, abandonnant certains sons, en
acquérant d’autres et modifiant ainsi l’aspect des mots : abante → avant, abortare → avorter,
accaptare → acheter, bomba → bombe, etc.
De ce fonds, la langue tire toute une série de mots nouveaux à l’aide de la dérivation et
de la composition. Autour de la plupart des termes primitifs se forme un ensemble de dérivés,
dus à l’action féconde des préfixes et des suffixes ou aux habitudes de la composition que
présente déjà le latin populaire. Ce développement représente le mouvement naturel de la
10
langue parlée, vivant sur son propre sol. Mais la langue subit de la part des langues voisines
diverses actions qui ont pour effet d’y déposer des mots d’origine étrangère.
Le latin a beaucoup emprunté au grec. Déjà, longtemps avant l’ère chrétienne, les
relations commerciales et politiques avaient introduit dans la langue latine un certain nombre
de mots grecs qui s’y sont intégrés rapidement. Plus tard, la culture littéraire en a fait adopter
un bien plus grand nombre. Enfin, le christianisme, à son tour, lui a apporté de nouveaux
termes religieux.
Si un certain nombre des mots venus du grec sont restés en quelque sorte à la couche
populaire, le nombre de ceux qui se sont introduits dans le latin vulgaire est relativement
important : amande, baptême, blâmer, bourse, jaloux, chambre, parole, nain, coup, chère,
église, prêtre, etc. Une grande proportion de mots grecs ont été transmis par le latin et, par
conséquent, ont passé par toutes les phases de la formation populaire.
Les peuplades germaniques ont pu, des les premiers siècles de l’ère chrétienne,
introduire quelques mots dans le latin parlé en Gaule. Au début du Ve siècle, les Francs ont
envahi la Gaule. Un contact ininterrompu de six siècles environ entre le latin vulgaire de la
Gaule du Nord et le langage germanique des envahisseurs a favorisé l’introduction dans la
langue des ancêtres des français un grand nombre de mots qui ont donné au lexique français
du Moyen Âge une physionomie à part dans la famille des langues romanes.
Les mots d’origine germanique se trouvent dans des catégories d’idées les plus
diverses, mais la guerre, la vie rurale et les institutions sociales y jouent un rôle prédominant :
aigrette, balle, guerre, bleu, chouette, gris, coiffe, bière, glisser, épeler, choisir, écharpe, etc.
2. Apports classiques
Dans le lexique français, il y a donc des mots qui sont issus du latin par filiation directe,
mais on peut y rencontrer également des mots d’importation latine et grecque. En effet, au
cours des siècles, des rapports classiques sont venus s’ajouter à ce fonds primitif. L’influence
des formes latines est très importante. Au IXe siècle, la langue vulgaire a commencé à
s’enrichir de mots directement empruntés à la langue des clercs, mais ce mouvement
d’emprunts aux idiomes antiques a été particulièrement productif dans la première moitié du
XVIe siècle, sous l’influence de l’humanisme : acer → acre, articulum → article, capsa →
caisse, ministerium → ministère, etc.
Très souvent le mot d’emprunt, qui a conservé une forme très voisine de son étymon
(=la forme que la recherche étymologique identifie comme étant à l’origine du mot) latin,
double un mot primitif de même étymologie. Dans ce cas on parle de « doublets » : métier et
11
ministère, par exemple, proviennent du même mot latin (ministerium). L’une des formes
(métier) est ancienne et a subi l’évolution phonétique normale, tandis que l’autre (ministère) a
été empruntée directement au mot latin à une époque ultérieure. Généralement, la forme
primitive est plus courte que la forme tirée postérieurement. On constate aussi que la série
populaire appartient pour l’essentiel à un registre concret et usuel du lexique, tandis que
l’autre série contient une forte proportion de termes abstraits ou spécialisés (frêle-fragile,
livrer-libérer, écouter-ausculter, etc). En dépit de quelques exceptions, comme monasterium
qui a donné moutier et monastère, les doublets n’ont jamais le même sens. Le terme le plus
ancien n’a pas subi uniquement une évolution phonétique, mais aussi une évolution
sémantique, un changement de sens.
Les emprunts grecs, qui ont fait concurrence au latin, ont fourni à la langue plus de mots
construits ou d’éléments de construction que de mots simples (gramme, mythe, phrase, thèse,
etc.). Ils appartiennent le plus souvent aux domaines scientifiques et techniques.
Les emprunts dépendent de la circulation des biens et des êtres, dans différents
domaines de la vie économique et sociale :
- activités culturelles, artistiques : chapiteau, violon, intermède (Italie) ; boléro,
quadrille, saynète (Espagne) ; accordéon, valse (Allemagne).
- activités de loisirs et jeux : loterie (Italie) ; partenaire, chelem, bingo
(Angleterre) ; manille (Espagne).
- activités sportives : football, bowling (Angleterre) ; corrida (Espagne); judo, jiu-
jitsu (Japon).
- activités militaires : arquebuse, sabre, obus (Allemagne) ; canon, cartouche,
calibre (Italie).
- activités domestiques (habillement, mobilier, cuisine, etc.) : redingote,
socquette, pudding, toast (Angleterre) ; gilet, satin, alcôve (Espagne).
- Industries, techniques de pointe, technologie, etc. : oléoduc, bulldozer, feed-
back, fading, ébonite (Angleterre).
À quoi il faut ajouter le monde des affaires, l’administration, des sciences, les objets
manufacturés, la faune et la flore, les religions, etc. (Charaudeau P., 1992, 81)
Le vocabulaire héréditaire contient aussi des mots provenant des langues étrangères
passés en français entre le XVe et le XXe siècle. En effet, au cours de son histoire, le français
a emprunté à toutes les langues avec lesquelles il a été en contact, quelle qu’ait été la nature
12
des relations établies : commerciales, culturelles, politiques, conflictuelles, etc. Le nombre des
emprunts faits à chacune d’elles dépend de l’importance et de la durée de ces contacts.
Pour ce qui concerne le français, parmi 4 à 6% des mots étrangers qui ont été empruntés
à des époques différentes, certains sont d’origine arabe (zéro, algèbre, azimut, chiffre),
d’autres d’origine italienne (courtisan, escapade, fougue, bizarre, pittoresque, piano, fronton,
diva, brio), d’autres d’origine espagnole (camarade, matador, brasero, canaille, gitane,
guérilla, pacotille, moustique), d’autres d’origine allemande (vison, edelweiss, quenelle,
croissant, édredon, sabre, cible, zinc) ou d’origine anglaise et anglo-américaine (pipe-line,
planning, parking, play-back, short, sport, sport, tennis, budget, standard, rock, crash, etc.).
(Charaudeau P., 1992, 81)
L’italien a apporté un grand nombre de mot au français. Les premiers emprunts se sont
produits au début du XIVe siècle grâce aux relations commerciales, diplomatiques et
militaires qui ont commencé à s’intensifier entre les deux pays. Mais c’est surtout le grand
mouvement de la Renaissance qui a provoqué une véritable « invasion » de mots italiens qui
touchent la littérature, les beaux-arts, la guerre et le sport (adagio, alarme, altesse, anti-
chambre, appartement, aquarelle, attaquer, baroque, cavalier, coupole, dessin, diva, espion,
grandiose, mezzanine, moche, mosaïque, satin, soprano, ténor, trio, etc.). De l’Italie plus
contemporaine, le français tient autostrade, espresso, fascisme, fasciste.
L’espagnol a également fourni de nombreux termes au français. Cette langue avait déjà
joué un rôle dans les anciennes chansons de geste, mais ce n’est qu’à partir de la seconde
moitié du XVIe siècle que le français a accueilli un nombre considérable de mots espagnols
(alcôve, anchois, artichaut, camarade, canot, disparate, fanfaron…). Grâce à l’extension
coloniale de l’Espagne au XVIe siècle, sa langue a servi de véhicule à une quantité de mots
d’origine américaine. Le vocabulaire exotique du français doit aussi au portugais (mandarin,
fétiche, caravelle, acajou, bambou, banane) et à l’arabe (élixir, orange, safran, guitare, calife,
etc.).
Le lexique du français possède aussi des mots d’origine allemande. C’est surtout depuis
le XVe siècle que, par suite d’événements politiques différents (alliance avec les Suisses,
Reforme, Guerres de religion, Guerre de trente ans, etc.), l’allemand a réussi à s’imposer dans
le français (loustic, choucroute, accordéon, boulevard, dalle, élan, balle, blottir, cauchemar,
halte, huguenot, trinquer, obus, sabre, flinquer, etc.). En dehors des termes qui ont trait à la
vie quotidienne, les termes militaires forment un groupe important parmi ces emprunts.
La pénétration anglaise a été assez tardive. Les emprunts antérieurs au XVIIIe siècle
sont rares ; mais, plus tard, le développement extraordinaire de l’Angleterre et des États-Unis
a favorisé l’invasion massive des mots d’origine anglaise. « De nombreux mots techniques
13
sont pris des mots anglais : commerce (discount, facturing, leasing, sponsor, marketing…),
spectacle (strip-tease, jazz, rock, disc-jockey, happening), sport (cameraman, script,
travelling, western…), journalisme (gallup, reporter, flash…), informatique (hardware,
software…). La vie quotidienne comporte un nombre non négligeable d’emprunts à l’anglo-
américain : briefing, brushing, cheeseburger, gadget, hamburger, leader, self-service, etc. »
(Niklas-Salminen A., 1997, 52).
Un grand nombre d’autres langues étrangères ont apporté aussi des unités lexicales à la
langue française (arabe, russe, néerlandais, langues scandinaves, turcs, slaves, hébreux…). Il
existe aussi les marques laissées par les contacts de la langue commune avec les parlers
régionaux, les lexiques spéciaux et les argots. Le français a emprunté aux dialectes et aux
patois des termes qui désignent des réalités régionales (dolmen, goéland, cigale,
bouillabaisse, aïoli, rascasse, etc.). Quant aux argots, ils ont influencé le français standart
dans des proportions relativement faibles (boniment, bribe, dupe, polisson, coquille, etc.)
Les formes d’emprunt et leur intégration :
a) « Dans la majorité des cas, les mots empruntés à l’étranger sont ou deviennent des
noms. Il s’agit essentiellement d’un emprunt à des fins de dénomination de nouveaux êtres.
Parfois, cependant, bien que très rarement, certains éléments d’emprunt deviennent des
suffixes qui servent à composer des mots en francais. Il s’agit des suffixes –issime
(illustrissime, généralissime), et –esque (chevaleresque, barbaresque, puis livresque,
soldatesque) et –ade (esplanade, salade, puis œillade, reculade, etc.).
b) Le problème essentiel de l’intégration d’un mot étranger est celui de l’adoption de sa
forme phonétique ou graphique au système français, ce que l’on peut appeler le phénomène de
francisation du mot étranger.
- intégration phonétique et graphique (sans tenir compte d’une modification éventuelle
de l’accentuation : esplanade (it.), contredanse, redingote (angl.), choucroute, accordéon
(all.).
- intégration phonétique et graphie étrangère : building, cocktail, lunch, pull-over, gasoil
(angl.) ; fioriture, allegro (ital.). » (Charaudeau P., 1992, 82)
14
III. MORPHOLOGIE DÉRIVATIONNELLE
Elle concerne la formation des mots et consiste dans la création de nouvelles unités
lexicales par l’adjonction à une base d’un affixe : chant-eur. En français il n’existe pas
d’affixe inséré dans la base et que les affixes la précèdent ou la suivent.
Qu’ils soient issus diachroniquement du fonds primitif, des langues classiques savantes
ou des langues étrangères vivantes, les mots français peuvent être décomposés en unités
significatives plus petites et en mots qui sont constitués de deux ou de plusieurs mots ou
morphèmes. Certains termes sont formés par dérivation, d’autres par composition. On peut
aussi rencontrer des locutions ou des syntagmes lexicalisés qui figent une construction
syntaxique.
En effet, les mots résultant d’un processus de dérivation sont des unités dont l’un des
éléments constitutifs est apte à être employé de façon autonome dans l’énoncé. Les mots qui
résultent d’un processus de composition sont des unités dont les deux éléments constitutifs
peuvent servir de base à des dérivés. Très souvent ces éléments constitutifs peuvent exister à
l’état libre (lave et glace, porte et manteau, etc).
La morphologie lexicale respecte deux points de vue complémentaires : au niveau
diachronique, elle cherche l’origine des mots et retrace leur évolution ; au niveau
synchronique, elle décrit les mots tels qu’ils se présentent à une époque donnée dans le
système de la langue.
Il convient de souligner qu’il y a des mots qui sont considérés historiquement comme
des mots construits, dérivés ou composés, mais qui sont néanmoins traités en synchronie
comme des mots simples. « La condition nécessaire pour qu’une partie de mot puisse
constituer un morphème est qu’elle puisse être remplacée par un autre élément, donc
commuter avec lui. » (Niklas-Salminen A., 1997, 53).
1. Dérivation
15
constitue une unité qui, telle quelle ou assortie des désinences requises, forme un mot dont la
nature détermine en retour le statut catégoriel de la base. » (Niklas-Salminen A., 1997, 53)
Un mot dérivé peut être formé à l’aide d’un préfixe, d’un suffixe ou de la combinaison
d’un ou plusieurs préfixes ou suffixes. Ainsi l’affixation peut opérer aussi bien sur des bases
simples que sur des bases déjà élargies par préfixation ou par suffixation. Elle peut aussi se
faire à partir des mots d’origine étrangère, à partir des sigles ou même à partir des
constructions syntaxiques entières :
Strip-tease → strip-teaseuse
CAPES → capésien
Moyen Âge → moyenâgeux
1.1. Suffixation
A l’intérieur de la dérivation, la suffixation se distingue par le fait que les affixes qu’elle
utilise, les suffixes, sont toujours postposés à la base :
Range → range-ment
maison → maisonn-ette
Les suffixes jouent plusieurs rôles. Ils ont une fonction sémantique dans la mesure où ils
introduisent un changement de sens, mais ils peuvent présenter plusieurs fonctions
supplémentaires. On constate qu’un certain nombre de suffixes sont aptes à modifier la valeur
d’emploi de la base sans changer totalement son sens. Dans ce cas, l’adjonction du suffixe
n’entraîne pas la création d’un mot dérivé d’une classe grammaticale différente de celle de la
base. Si la base est un substantif, le mot dérivé est un substantif, si la base est un adjectif, le
mot dérivé est un adjectif, etc. C’est ce qui se passe en particulier avec les suffixes diminutifs,
péjoratifs et collectifs :
Rue → ru-elle
Blanche → blanch-âtre
Colonne → colonn-ade
Le suffixe peut également restreindre l’aire d’emploi de la base.
Les suffixes ont des fonctions grammaticales. Ils ont parfois un rôle d’indicateurs de
classe, dans la mesure où ils sont susceptibles d’entraîner la création d’une unité lexicale
faisant partie d’une classe morphosyntaxique différente de la base employée comme mot
simple :
Fort (adjectif) → fortifier (verbe)
Vert (adjectif) → verdir (verbe)
16
Chaque suffixe indique donc la classe morphosyntaxique du dérivé qu’il sert à
fabriquer.
En outre les suffixes peuvent avoir une fonction catégorisatrice, puisqu’ils sont aptes à
indiquer le genre grammatical des dérivés. L’adjonction de plusieurs suffixes successifs peut
provoquer de changements de catégorie grammaticale par rapport au mot de départ.
La plupart des suffixes sont généralement attachés à une ou plus rarement à deux
classes grammaticales de bases.
On rencontre également des suffixes qui peuvent s’ajouter à plusieurs bases différentes.
Dans ce cas, le même suffixe véhicule des instructions sémantiques très diverses :
montagne (nom) → montagn-ard (nom)
vanter (verbe)→ vant-ard (adjectif)
Il est important de remarquer que l’adjonction d’un suffixe à une base peut entraîner des
allomorphes de la base : éléphant :
[elefã] → éléphant-eau : [elefãt-o]
majeur : [maзoerR]→major-ité : [maзoR-ite] ( A.Niklas-Salminen, 1997, 56).
À partir de bases généralement nominales, verbales et adjectivales, la dérivation
suffixale est susceptible de construire des noms, des verbes, des adjectifs et des adverbes.
a) Suffixes nominaux
Les suffixes nominaux servent à créer des noms à partir des bases verbales, nominales
ou adjectivales. Ces suffixes peuvent véhiculer des sens très différents :
- « Action, résultat de l’action (bases: verbe, nom) : embrasser → embrass-ade ; sigle
→ sigl-aison.
- Qualité, propriété, fonction (bases : adjectif, nom, verbe) : bon, bonne → bon-té ;
diriger → dirig-isme.
- Opinion, attitude (bases : nom, adjectif) : commun → commun-isme.
- Partisan d’une opinion ou d’une attitude (bases : nom, adjectif) : social → social-iste.
- Agent d’une action (bases : verbe, nom) : coiffer → coiff-eur ; lait → lait-ière.
- Instrument, machine, objet fonctionnel (bases ; verbe, nom) : arroser → arros-oir ;
plafond → plafonn-ier.
- Arbre (ou végétal) producteur (bases : nom) : pomme → pomm-ier ; fraise → frais-
ier.
- Lieu de fabrication, d’exercice, de vente (bases : verbe, nom) : fumer → fum-oir ;
teinture → teintur-erie.
- État (bases : nom) : esclave → esclavage.
- Collectifs (bases : nom, verbe) : colonne → colonn-ade ; manger → mange-aille.
17
- Contenu, mesure (bases : nom) : assiette →assiett-ée ; matin → matin-ée.
- Péjoratifs (bases : verbe, nom) : cumuler → cumul-ard ; laver → lav-asse.
- Diminutifs (bases : nom) : lion → lion-ceau ; île → îl-ot.
- Habitants d’une région ou d’une ville (bases : nom) : rom-ain,-e ; angl-ais,-e.
- Âge, anniversaire (bases : numéro) : centen-aire. » (Niklas-Salminen A., 1997, 59).
b) Suffixes adjectivaux
Ces suffixes servent à créer des adjectifs à partir des bases adjectivales, nominales et
verbales.
- Propriété, relation (bases : adjectif, nom, verbe) : haut,-e → haut-ain ; durer → durat-
if.
- Intensif (bases : adjectif) : riche → rich-issime.
- Possibilité (bases : verbe) : lire → les-ible ; manger → mange-able.
- Indication du rang, multiplicatif (bases : numéro) : deux →deux-ième ; quatre →
quadr-uple.
c) Suffixes verbaux
À l’aide de ces suffixes on forme des verbes à partir des bases nominales, adjectivales,
verbales et pronominales :
- « Action (bases : nom) : tyran → tyrann-iser.
- Action ou état (bases : adjectif, pronom) : rouge → roug-oyer; tut → oyer.
- Fréquentatifs, diminutifs, péjoratifs (bases : verbe) : voler → vol-eter ; vivre → viv-
oter. » (Niklas-Salminen A., 1997, 59).
d) Suffixes adverbiaux
En Français, il existe seulement deux suffixes adverbiaux :
- « le suffixe –ons (-on), qui n’est plus productif : à recul-ons ; à califourch-on.
- et le suffixe –ment (-amment, -emment) qui est productif : petit,-e → petite-ment ;
grand,-e → grande-ment » (Niklas-Salminen A., 1997, 59).
Ce suffixe s’ajoute le plus souvent à des adjectifs. Dans ce cas, c’est la forme du féminin
qui est à la base de la suffixation.
18
1.2. Préfixation
19
1.3. Dérivation parasynthétique
La dérivation impropre
« Selon Kr. Nyrop, la dérivation impropre est définie comme « le procédé par lequel on
tire d’un mot existant un autre mot en lui attribuant simplement une fonction nouvelle ». Par
20
ce procédé on crée un nouveau mot à partir d’une des formes d’un mot ancien en la faisant
passer dans une autre catégorie grammaticale » (Gardes-Tamine J., 1998, 76).
La dérivation impropre est en fait improprement nommée, puisqu’elle n’a aucun
caractère morphologique et consiste simplement à faire changer un mot de catégorie
morphosyntaxique :
verbe sourire substantif le sourire ;
verbe parler substantif le parler
adjectif vrai substantif le vrai.
adjectif aimant substantif l’aimant
On l’appelle, à juste titre, de plus en plus souvent conversion.
La dérivation impropre touche toutes les classes grammaticales, mais les transferts les
plus nombreux affectent surtout les catégories de noms, d’adjectifs et d’adverbes. En effet, il
y a des noms qui proviennent : d’adjectifs, de noms propres, de pronoms, de verbes, de
prépositions, d’adverbes, de conjonctions, etc.
Dans tous les cas de dérivation, une question se pose, celle de la vivacité ou
disponibilité des affixes et de la formation utilisée. La disponibilité se distingue de la
fréquence : il s’agit de la capacité d’un affixe à créer de nouveaux dérivés. En fréquence
absolue, un affixe peut, à un moment donné, étant donné les mots formés antérieurement, être
majoritaire par rapport à des affixes de sens voisin, mais ne plus être disponible, c'est-à-dire
être peu utilisé dans la fabrication des mots nouveaux. (Gardes-Tamine J., 1998, 76)
Par exemple, si l’on considère les suffixes d’action –ment, -tion et –age, leur
disponibilité est très inégale. Actuellement c’est –age qui est le plus disponible, suivi de –
tion, -ment étant le moins vivace, alors qu’il est très fréquent. C’est que –age se répand par
l’intermédiaire du vocabulaire technique (antiparasitage, doublage) jusque dans le
vocabulaire courant (cafouillage, largage) et que –tion s’appuie sur l’existence d’un suffixe
analogue en anglais (indexation, programmation), tandis –ment se restreint au champ des
attitudes psychologiques ou sociales, ou se spécialise dans un sens résultatif. Un des critères
qui permettent d’apprécier la disponibilité d’un affixe est qu’il peut ou non s’ajouter à des
bases différentes.
La dérivation inverse (ou régressive)
Elle consiste à tirer un mot plus simple d’un mot plus long. Dans l’histoire du français,
un grand nombre de mots ont été formés par suppression du suffixe verbal :
Accorder → accord
Galoper → galop
21
La dérivation inverse élimine parfois un suffixe nominal (aristocratie → aristocrate,
diplomatique → diplomate) ou même un e muet final (violette → violet, médecine → châtain,
châtaigne → châtain).
Les affixes disponibles sont souvent des affixes qui peuvent se combiner avec des bases
nominales (revanchisme), à des bases verbales (dirigisme), à des noms propres (gaullisme) et
même à des bases d’origine savante (autisme).
Il est parfois surprenant de constater que des phénomènes souvent imprévisibles
peuvent rendre disponible un affixe qui était devenu productif. Par exemple, le suffixe
nominal –erie n’était presque plus disponible dans les années soixante. Subitement, à partir
des années soixante-quinze, grâce au développement du commerce, un grand nombre de
dérivés ont été formés à l’aide de ce suffixe : croissanterie, carterie, jardinerie, juperie,
roberie…
Le recul d’un affixe est souvent lié au développement d’un autre : les suffixes –ard et –
oire, par exemple, qui servaient à designer des outils ont été concurrencés par –eur/-euse, le
préfixe contre- a tendance à reculer devant anti-. Un affixe devenu peu productif peut prendre
de nouvelles valeurs (littéraires, archaïsantes, péjoratives, etc.) ou être utilisé dans des
situations nouvelles.
Certains chercheurs font remarquer qu’en dehors de quelques rares cas, le français ne
sait plus construire de verbes déverbatifs par suffixation : trafiquer → traficoter, écrire →
écrivasser, chanter → chantonner. Cela ne signifie pas qu’il est incapable de fabriquer de
nouveaux verbes en général, mais qu’il se sert alors des déverbatifs construits par préfixation
(dé-/ dés-, re-/ré-, etc.), soit des dénominatifs (=verbes dérivés à partir de noms).
En lexique il y a des mots qui entretiennent entre eux des rapports plus ou moins étroits.
En effet, un certain rangement des notions s’institue à la faveur de la forme des mots. Ainsi,
À partir des bases verbales, on peut construire des dérivés en –eur qui désignent l’agent de
l’action indiquée par le verbe (chant(er) → chanteur, dans(er) → danseur, camp(er) →
campeur, cour(ir) → coureur, etc.). À l’aide du suffixe –iere (-ère) on désigne des emplois
féminins (couturière, infirmière, lingère…), à l’aide du suffixe –isme, des concepts (séisme,
illogisme, naturisme, traumatisme, formalisme, structuralisme, etc.), etc.
Des assemblages plus ou moins systématiques ont une tendance à se dessiner à
l’intérieur du lexique autour de centres d’intérêt, d’une part, et de certaines particularités
formelles, de l’autre. Mais il ne faut pas croire que le lexique de la langue soit parfaitement
régulier du point de vue de la dérivation. En effet, assez souvent on est surpris par des lacunes
ou des formes imprévisibles. Il y a parfois un écart entre les règles mécaniques de création des
dérivés et leur emploi effectif dans la communauté linguistique. On peut citer l’exemple du
22
dérivé projecteur, formé à partir d’une base verbale et le suffixe –eur. Ce mot est réservé à un
certain type d’appareils électriques ou audiovisuels, au lieu de valoir, contrairement à ce que
l’on pourrait penser, pour tous les agents de projection. Il y a aussi des unités lexicales qui
pourraient être engendrées par dérivation mais qui ne sont pas attestées, comme surdormir au
sens « dormir excessivement » ou inaimable.
1.4. Allomorphes
La combinatoire des affixes et des bases provoque des modifications des uns et/ou des
autres et l’apparition d’allomorphes. Les allomorphes – les formes variables que peut prendre
un même morphème. En français, tous les allomorphes des morphèmes se caractérisent par
des changements terminaux ou parfois internes, mais jamais initiaux. Le début des bases en
contact avec le préfixe ne peut pas être modifié.
- Allomorphes des affixes :
Les préfixes ne posent pas de problèmes particuliers parce que la répartition de leurs
variantes se laisse souvent décrire simplement. La forme du préfixe peut varier selon la
nature du phonème suivant. Assez souvent, on assiste à la présence d’une forme brève devant
une consonne et d’une forme longue devant une voyelle :
dé- [de] + consonne : dégager [degaзe]
dés- [de] + voyelle : désarmer [dezaRme]
Dans certains cas, la nature de la consonne initiale de la base détermine la présence de
tel ou tel allomorphe du préfixe :
Il-légal ; Im-moral ; In-variable ; Ir-réductible
Les suffixes posent plus de problèmes. Parfois, la répartition de leurs allomorphes est
confuse, puisque dans le même entourage on peut rencontrer l’un ou l’autre. C’est le cas, par
exemple, un suffixe –ité [ite], qui sert à former des noms indiquant une qualité à partir d’une
base adjectivale. Ce suffixe admet les deux variantes –ité et –té, leur répartition ne dépend pas
de la nature des phonèmes qui précèdent : habile → habileté [abilte] vs mobile → mobilité
[m bilite].
Dans ces exemples, les deux allomorphes du même morphème : -té et –ité se trouvent
exactement dans le même contexte : après la consonne l. Il faut savoir que la formation des
mots porte, sans doute plus que les autres secteurs de la langue, les marques de l’histoire. En
effet, dans un état de la langue donné, existent de façon concomitante des mots créés à des
époques très différentes. Certains d’entre eux ont été calqués sur des mots latins et ne reflètent
pas un processus de dérivation propre au français.
23
- Allomorphes des bases :
dent → dentiste [dãt-ist]
lent,-e → lentement [lãtmã]
Les bases sont susceptibles de changer de forme uniquement si l’on a affaire à des dérivés
suffixés, par suffixation ordinaire ou par dérivation parasynthétique. Une partie des
allomorphes des bases ne peuvent être expliqués que par la prise en considération de l’histoire
qui permet en particulier d’opposer dérivation savante et dérivation populaire obéissant aux
règles ordinaires de la dérivation française.
Pendant le Moyen Âge jusqu’au XVIe siècle, les savants avaient tendance à emprunter des
mots latins. Ces mots dits de « formation savante » ressemblent toujours beaucoup au latin
d’origine. On a formé :
Légal sur legem
Charité sur carus
Epigramme sur épigramma
Parfois il existe deux mots français remontant au même ancêtre latin, l’un de formation
populaire, l’autre de formation savante on les appelle « doublets »:
lat. hospitalem → hôtel (populaire) / hôpital (savant)
lat. carus → cherté (populaire) / charité (savant)
lat. legem → loyal (populaire) / légal (savant)
Un doublet est donc un couple de mots issus de même étymon. À quelques rares
exceptions près, comme monasterium, qui a donné moutier et monastère, les doublets n’ont
jamais le même sens. L’un des mots d’un couple a été hérité du latin, l’autre lui a été
emprunté. Hérité, le mot a subi l’évolution phonétique du français. Emprunté, même il y a
déjà très longtemps, il n’a subi qu’une adaptation minime aux règles phonologiques du
français.
On constate qu’entre mûr et maturité, cœur et cordial, loi et légal, on peut relever les
alternances vocaliques suivantes : y / a ; œ / ; wa / e.
Ces alternances se produisent entre une base seule et une base accompagnée de suffixes
(mûr vs matur-ité, coeur vs cordi-al, loi vs légal). Il est important de préciser que le mot
simple mûr, par exemple, vient de l’étymon latin maturus. Il a suivi l’évolution phonétique
normale. Le mot dérivé maturité, au lieu de s’être formé à partir de ce mot populaire, est issu
directement ; et par un processus conscient ; du mot latin maturitas. Si l’on examine la série
germanique/allemand, hispanique/espagnol et nippon/japonais, qui sont des doublets, on
s’aperçoit que dans la dérivation, il n’est pas rare que seul l’un de ces radicaux supporte un
affixe : germaniser (*allemandiser), hispaniser (*espagnoliser).
24
Si la forme que présente le dérivé moins l’affixe est très éloignée de la base de départ,
on parle de « supplétion ». Ainsi, dans la dérivation des verbes en –iser, par exemple, nippon
est le suppléant de japonais. En français, un mot peut parfois avoir deux suppléants, latin et
grec : œil, ocul-(iste) (lat.), ophtalmo- (gr.).
1.5. Emprunts
« Le terme « emprunt » a un sens assez vague, ou trop large dans certains ouvrages
linguistiques. L. Deroy, dans son livre sur l’emprunt linguistique, fait remarquer que « On ne
peut logiquement qualifier d’emprunts dans une langue donnée que des éléments qui y ont
pénétré après la date plus ou moins précise marquant conventionnellement le début de cette
langue » (Niclas-Salminen A., 1997, 83).
L’emprunt fait partie des procédés par lesquels on peut enrichir le lexique d’une langue.
Il consiste à faire apparaître dans un système linguistique un mot qui provient d’une autre
langue. « L’emprunt, contrairement aux autres processus de formation des mots étudiés plus
haut (dérivation, composition, abréviation, siglaison), présente la particularité de faire surgir
des unités nouvelles sans recourir à des éléments lexicaux préexistants dans la langue. En
effet, les mots d’emprunt s’intègrent dans la langue comme des éléments isolés ; ils ne sont
pas du tout motivés.» (Niclas-Salminen A., 1997, 83).
En effet, on peut considérer comme de vrais emprunts seulement les mots étrangers
acquis au début de la formation du français en tant que langue nationale. « Il faut savoir
distinguer l’enrichissement du vocabulaire par emprunt de celui qui résulte du croisement de
deux langues » (Timeskova I. N., Tarxova V. A., 1967, 62).
Les emprunts c’est le moins morphologique des modes de formation, puisque, comme
son nom indique, il consiste à utiliser dans une langue un mot pris à une autre, comme adagio
pris à l’italien, camping à l’anglais, assassin à l’arabe. Ces emprunts se font aux langues de
contact, intellectuel, diplomatique, etc. (Gardes-Tamine J., 1998, 78).
Le vocabulaire de la langue française, de même que celui de toute autre langue, change
constamment. Son lexique varie et s’enrichit à toute époque. Dès les plus anciens textes, on
peut constater l’existence en français de mots empruntés soit aux langues étrangères, soit au
latin, soit aux dialectes, patois ou argots.
Parmi les différentes sources d’enrichissement lexical il faut signaler l’emprunt aux
autres langues. Ce phénomène linguistique est étroitement lié au développement de la société,
à l’histoire du peuple. Il est déterminé par plusieurs facteurs matériels et psychologiques. Le
développement de la science et de la technique moderne, celui de la vie politique et de la
25
mentalité humaine, les relations commerciales et culturelles entre les peuples favorisent
l’introduction de plus en plus fréquente de termes étrangers dans le lexique française, surtout
dans le domaines où le français ne possède pas des formes appropriées pour désigner d’une
façon économique et efficace les nouvelles réalités qui se manifestent.
Dans le monde moderne, la plupart des emprunts semble parvenir aux usagers de la
langue par la presse et les livres et par la radiodiffusion et la télévision. Le terme emprunté a
toutes les chances de s’introduire dans l’usage de l’ensemble des locuteurs, s’il est considéré
comme utile, si son intégration dans le système de la langue ne pose pas beaucoup de
problèmes, si le statut socioculturel de la langue-source par rapport à la langue-cible est réputé
d’être prestigieux, etc. Progressivement, il prend sa place dans la structure de la langue et se
met à avoir des relations avec les unités préalablement existantes.
À la faveur du croissement du latin populaire avec la langue des Celtes sur le territoire
de la Gaule et avec celle des Francs, par suite des invasions germaniques dans la Gaule
romanisée, un grand nombre de mots d’origine celtique et germanique sont entrés dans le fond
héréditaire du français. Ce sont des termes militaires guerre, guetter, hache ; des mots
nommant les institutions politiques et judiciaires alleu, bannir, gage ; des mots du vocabulaire
de la vie sociale ou privée choisir, gagner, garder, gerbe, flatter, vassal ; une série d’adjectifs
marquant la couleur : blanc, bleu, brun ; les adjectifs fauve, frais, morne, etc.
Donc, l’emprunt est un mot pris par le français à une langue étrangère ou bien à une
minorité nationale habitant la France (breton, basque, flamand). Il est un élément étranger
introduit dans le système linguistique du français.
L’emprunt le plus fréquent et le plus apparent est celui d’un mot étranger. Le peuple qui
reçoit un objet nouveau ou une notion jusque là inconnue d’un autre peuple, accepte en même
temps le nom de l’objet ou de la notion. C’est ce qu’on appelle l’emprunt lexical. Par
exemple, on a emprunté à l’anglais les termes de marine dock, sloop ; de cinéma producer,
sun-light ; de politique, d’économie et de finances leader, dumping, lock-out, reconversion ;
de chemin de fer wagon, tender, rail et d’autres. « En français il y a plusieurs mots venus de
langues géographiquement très éloignées. Ils désignent souvent des produits naturels ou des
animaux exotiques : colibri vient de la mer des Caraïbes, kangourou – de l’Australie, tomate
– du Mexique, soya – de la Mandchourie, etc. » (Chigarevskaja N., 1974, 254).
Mais les langues s’approprient aussi des traits morphologiques, des significations,
parfois des tours syntaxiques. En effet, plusieurs suffixes du français ont une origine
germanique. Ainsi le suffixe –aud vient des mots germaniques bald ‘audacieux’ et wald
‘maître’, employés comme seconds termes de noms composés. On le trouve dans de
nombreux noms de personnes d’origine germanique : Arnaud, Renaud, Rigaud.
26
Parfois on prend à l’étranger des significations nouvelles qui s’ajoutent aux sens anciens
de mots traditionnels. Par exemple, le mot jalousie a pris son second sens de « sortie de
personne » à l’italien gelosia, les mots cenvention et parlement ont emprunté leur valeur
politique à l’anglais.
Les langues empruntent aussi les unes aux autres la forme interne de mots. Ce type
d’emprunt est appelé c a l q u e . Le composé français bas-bleu est modelé sur l’anglais blue-
ctocking, chou-fleur – sur l’italien cavolfiore.
L’emprunt se fait à la langue d’un peuple qui, à une époque donnée, exerce une grande
influence économique, politique et culturelle sur les autres peuples. Ainsi, la plus grande
influence des mots italiens date du XVIe et du XVIIIe siècles, l’Italie ayant devancé la France
dans plusieurs domaines des sciences, des arts et de l’économie. La plupart des anglicismes
ont pénétré dans la langue française au cours du XVIIIe et XIXe siècles, époque où
l’Angleterre a acquis un grand prestige dans l’arène mondiale. Les XIXe - XXe siècle ont
apporté une grande quantité d’emprunts au russe ce qui s’explique par l’influence toujours
croissante de l’Union Soviétique, par ses progrès scientifiques et économiques.
« Le lexique du français contemporain contient aussi des mots d’origine italienne,
anglaise, espagnole, arabe, néerlandaise, allemande, portugaise, etc. Certains emprunts ont été
faits il y a longtemps. C’est le cas, par exemple de l’italien, qui a fourni de nombreux termes
au français déjà au XIVe et surtout au XVIe siècle. L’intégration morphologique de ces mots
s’est généralement faite sans difficulté (appartement, altesse, baroque, cavalier…), car cette
langue a une structure très proche de celle du français » (A.Niclas-Salminen, 1997, 83).
L’emprunt reflète le lien étroit qui est entre la langue et l’histoire du peuple, créateur de
cette langue. Le français emprunte des mots aux langues étrangères à toutes les époques de
son histoire. On peut relever les emprunts à la langue latine et aux autres langues qui datent
des IXe – XVe siècles. Le français moderne ne cesse de puiser des mots nouveaux dans le
vocabulaire des autres langues (anglais : réaliser au sens de « comprendre », pick-up,
cocktail ; russe : spoutnik, lunique, soviet, bolchevik).
Il est curieux de noter que certains mots pris autrefois au français par d’autres langues
sont rempruntés par le français d’aujourd’hui. Par exemple, le mot de l’ancien français
desport « jeu, amusement » emprunté par l’anglais, est revenu en France sous la forme de
sport ayant changé son sens primitif ; le mot record « souvenir » est revenu sous la forme
d’enregistrement, mais avec une nouvelle signification comme terme sportif ; tenez – terme
du jeu de paume est revenu sous la forme de tennis et avec une autre acception.
Comme on voit ces mots reviennent souvent avec des sens spéciaux ce qui explique le
remprunt. Parfois, ils sont presque méconnaissables, tellement leur forme a changé. Par
27
exemple, le mot français parcenier « associé » a pris la forme de partner en anglais ; le
français l’a repris et en a fait partenaire. L. Deroy appelle ces emprunts les emprunts « aller-
retour ».
Pour des raisons principalement économiques et politiques, les autres langues offrent un
apport beaucoup moins massif au français. L’espagnol a fourni des termes concernant la
tauromachie (toro, corrida, etc). Le russe a alimenté la politique et l’économie (soviet,
koulak, kolkhoze, etc).
Il est à souligner que les éléments «étrangers » sont presque toujours substantifs. Ils
peuvent être francisés assez facilement à l’aide des déterminants français. « Il va de soi qu’il
est nettement plus difficile d’emprunter un verbe dont la flexion ne peut en aucune manière se
marier avec la conjugaison française. L’emprunt des substantifs pose parfois de problèmes
grammaticaux. Souvent on se demande s’il faut conformer le pluriel de ces mots aux règles de
la langue d’origine ou bien aux règles du français. Doit-on écrire ladys ou ladies, gentlemans
ou gentlemen? Les deux versions sont admises » (Niclas-Salminen A., 1997, 84).
Parmi les langues modernes, c’est l’italien qui a fourni le plus de mots, suivi par
l’anglais, les autres langues venant loin derrière. Les emprunts à l’italien sont plus anciens
que les emprunts à l’anglais. Ceux-ci caractérisent surtout les vocabulaires techniques :
spectacle, sport, commerce, industrie, informatique, etc. (Gardes-Tamine J, 1988, 79-80).
Les modifications du mot emprunté peuvent être phonologiques : la finale [ŋ] du mot
camping se transforme en [g], le phonème anglais n’existant pas en français. De même riding-
coat a produit redingote, d’où ont disparu les diphtongues de l’anglais, car le français n’en a
plus. Elles peuvent également être d’ordre morphologique. Par exemple l’anglais starlet
donne starlette, où la finale a été remplacée par le suffixe –ette. Elles peuvent être d’ordre
morphosyntaxique. Les adaptations sont essentiellement des adaptions de genre : l’allemand
das Bier devient la bière, féminin puisqu’il n’y a pas de correspondant au genre neutre de
l’allemand.
Au cours de son histoire, le français a emprunté à toutes les langues avec lesquelles il a
été en contact. Le nombre des emprunts faits à chacune d’elles dépend évidemment de
l’importance et de la durée de ces contacts. La liste la plus importante des emprunts contractés
pendant des siècles par le français est sans doute celle des emprunts au latin qui constituent la
plus grande partie du vocabulaire savant du français. Ils ont été adoptés dès les temps les plus
28
anciens et n’ont jamais cessé d’être introduits au fur et à mesure des besoins. La symbiose du
latin et du français a parfois été complétée par l’intervention du grec.
Le latin, qui est la langue-mère des langues romanes, a de tout temps exercé une grande
influence sur la langue française. « L’enrichissement du vocabulaire français par des éléments
latins date de la période de la formation de la langue française comme telle et se poursuit
jusqu’à nos jours » (Lopatnikova N. N., 1971, 125).
Le français avait besoin de mots nouveaux indispensables pour exprimer les notions
abstraites ; ainsi la consolidation de l’église et du culte religieux, le développement de la
jurisprudence apportant de nouvelles notions avaient besoin de termes nouveaux.
Généralement, les emprunts au latin pénètrent dans la langue française par les œuvres
des classiques latins traduites en français. Ils se rapportent, d’habitude, au vocabulaire
d’église et de jurisprudence.
Au XVIe siècle, à l’époque de la Renaissance, le nombre d’emprunts au latin et au grec
augmente considérablement. Cela s’explique par le développement rapide et fécond des lettres
et des sciences. C’est à cette époque que dans le français apparaissent des noms tels que
agriculture, éducation, structure ; des adjectifs : complexe, pacifique, social ; des verbes :
assimiler, exister, etc.
Encore de nous jours le latin sert au français de source d’enrichissement. Le lexique
spécial ; la terminologie technique et scientifique puisent des mots nouveaux dans la langue
latine. Par exemple, termes de chimie : uranium ; sélénium ; termes de médecine : virus,
sérum ; termes de jurisprudence : persona grata, desiderata, etc.
Les langues empruntent aussi les éléments formatifs. Le latin a fourni au français un
bon nombre d’affixes et de thèmes de formation dont plusieurs sont toujours productifs.
La situation de l’anglais est différente. Les emprunts antérieurs au XVIIIe siècle sont
rares. En dehors de quelques exemples parfaitement intégrés (redingote, paquebot, budget…),
les emprunts modernes semblent s’afficher comme tels. En effet, la connaissance de plus en
plus répandue de l’anglais en France, a tendance à affaiblir et même à rendre inutile le
phénomène d’intégration morphologique. Il n’est donc pas surprenant de s’apercevoir que le
phonème anglais /η/ apparaît de plus en plus souvent en français (parking, shopping, building,
planning, meeting, briefing, etc.).
Les mots empruntés à l’anglais sont souvent soulignés par une connotation valorisante
due au prestige de la civilisation anglo-américaine. Ces mots pénètrent dans un grand nombre
29
de secteurs de la langue : commerce (discount, leasing, marketing, etc), spectacle (jazz, rock,
disc-jockey, etc.), sport (volley-ball, football, surf, etc.), cinéma (caméraman, script,
travelling, etc.), journalisme (gallup, reporter, flash, etc.), informatique (hardware, software,
etc.). « Le foisonnement des mots anglais inquiète souvent les défenseurs de la langue
française qui font des efforts pour franciser les secteurs les plus atteints » (Niclas-Salminen
A., 1997, 84).
L’adoption définitive des marques françaises est le signe de la francisation et le
processus d’intégration au lexique français se manifeste aussi par la naissance des dérivés
(footballeur, gadgeterie, scootériste, etc.).
« Les chercheurs font souvent la différence entre les emprunts nécessaires et les
emprunts superflus. On peut dire que les emprunts nécessaires sont des termes qui s’imposent.
Il s’agit très souvent des termes techniques relatifs à réalités (concepts, procédés, objets, etc.)
qui n’étaient pas encore en usage dans la société parlant la langue emprunteuse. En effet,
c’est souvent la réalité importée qui apporte avec elle sa dénomination propre (pick-up,
tracking, data processing, etc.) » (Niclas-Salminen A., 1997, 84). Les défenseurs de la langue
française essaient d’élaborer des nomenclatures technologiques nationales destinées à être
substituées aux nomenclatures étrangères.
À côté des emprunts qui se sont imposés, il y a des termes étrangers qui ne sont pas
nécessaires. C’est le cas par exemple, de football, living-room, planning, jogging, footing.
Dans ce cas, on parle d’« emprunts superflus ». La plupart de ces termes étrangers pourraient
très bien être remplacés par des mots français. Pourquoi dire football alors qu’on peut dire
balle au pied? Pourquoi dire living-room à la place de salle de séjour?, etc. En fait, le mot
d’emprunt permet souvent de nuancer l’expression, il possède toujours une saveur différente
de celle de son équivalent national. Il est certainement plus convaincant de parler des
admiratrices d’un footballeur que de celles d’un joueur de balle au pied.
Selon A. Niclas-Salminen (1997, 85), « parallèlement à ces emprunts qui consistent à
admettre en français un mot étranger en l’ajustant plus ou moins la prononciation du français
et en l’intégrant dans son système grammatical, il existe des emprunts de sens. Ce phénomène
se produit surtout quand il s’agit de mots étrangers dont la forme écrite est identique ou
semblable à celle du terme français correspondant. » Le cas assez représentatif d’un emprunt
de ce gendre est fourni par le verbe français réaliser qui est utilisé dans le sens de
« concrétiser, accomplir, effectuer, exécuter… ». Ce verbe a commencé à être employé aussi
dans l’acception que les Anglais ont donnée à to realize, c’est-à-dire « constater la réalité de
quelque chose ».
30
Une autre forme d’emprunt, le décalque, qui consiste à reconstruire un mot étranger en
se servant des éléments français correspondants, n’a pas tellement de succès en français
contemporain. La rareté de ce procédé, pourtant très employé dans beaucoup d’autres langues,
semble s’expliquer par le fait que les emprunts adoptés par le français sont issus surtout des
mots anglais qui eux-mêmes proviennent souvent du fonds latin et grec.
Les défenseurs de la langue française ont tendance des décalques pour remplacer les
mots directement empruntés :
ang. tracking radar→ radar de poursuivre
ang. choke coil → bobine d’étouffement
Très souvent, lorsqu’il s’agit d’un terme technique ou scientifique, les spécialistes
français se sentent obligés de créer un décalque fabriqué avec des éléments latins ou grecs :
ang. bull dozer → excavatrice
ang. pine-line → oléoduc ou gazoduc
Il est important de constater que l’emprunt est nécessairement lié au prestige dont
jouissent une langue et le peuple qui la parle. Le succès des emprunts apportés par les langues
dépend considérablement du jugement collectif des sujets parlants sur les civilisations qu’elles
manifestent. C’est le prestige de l’Italie au XVIe siècle et des USA au XXe siècle qui explique
la supériorité quantitative des emprunts à l’italien et à l’anglais.
2. Composition
La composition peut être définie comme la juxtaposition de deux éléments qui peuvent
servir de base à des dérivés. Certains linguistes ont tendance à la définir comme la
juxtaposition de deux éléments qui peuvent exister par ailleurs à l’état libre.
Un certain nombre de linguistes font la différence entre mots composés et locutions. Il
est indispensable de souligner que, malgré les nombreux critères utilisés pour identifier ces
deux concepts, la frontière qui les sépare reste extrêmement indécise.
Les mots composés et les locutions sont inscrits à côté des mots simples, mots dérivés et
mots fléchis, comme unités figées dans le code de la mémoire du sujet parlant. Cela veut dire
que l’on doit les reproduire tels quels, en bloc, dans le discours. Au contraire, le syntagme
libre et la phrase sont des unités qui ne sont pas codées. Leurs éléments peuvent être choisis,
déplacés et intervertis à volonté, dans les limites de la grammaire et de la sémantique.
En effet, « le lexique français présente des mots qui ont une forme simple bien qu’on y
perçoive la présence de deux mots lexicaux (photocopier, bonhomme, pourboire,
marchepied), des mots qui se composent de deux mots reliés par un trait d’union ou par des
31
éléments grammaticaux (télécabine, croc-en-jambe, tire-au-flanc, point de vue, prendre feu,
jeter un œil), et des combinaisons de mots, plus ou moins importantes, qui pourtant
fonctionnent comme des unités lexicales (à la va comme je te pousse, se mettre une idée dans
la tête, le mieux est l’ennemi du bien) » (Charaudeau P., 1992, 73).
Comme le critères orthographiques se révèlent souvent insuffisants, les chercheurs ont
tendance à se référer à d’autres signes pour décider si tel ou tel groupe de mots constitue un
mot composé ou pas. Étant donné que les mots composés sont inscrits comme unités dans le
code de la mémoire du sujet parlant, le critère d’inséparabilité, c’est-à-dire l’impossibilité
d’insérer un élément quelconque à l’intérieur d’une unité lexicale, est un critère souvent
utilisé par les chercheurs. Il est tout à fait impossible de dire pomme pourrie de terre ou aigre
très doux. Le locuteur n’a pas, non plus, la liberté de changer, à sens égal, l’ordre des
éléments dans ces unités (éprouvette, de terre pomme).
Le critère de commutation, qui permet de mettre en évidence des classes d’équivalences
(pomme de terre appartient au paradigme de carotte, navet, poireau, etc.), confirme ce que
révèle le critère d’inséparabilité : lorsqu’une unité complexe est lexicalisée, c’est-à-dire sentie
comme mot, elle se comporte, dans ses rapports avec les autres éléments de l’énoncé,
exactement comme une unité simple.
On peut aussi mentionner d’autres indices qui aident à identifier les mots composés et
les combinaisons libres d’unités dans le discours. L’existence d’un dérivé suffixal semble être
aussi un critère important. Ainsi « tiers-monde peut être considéré comme un mot composé
car il a donné naissance aux dérivés tiers-mondiste, tiers-mondisme et tiers-mondisation. Il est
impossible de remplacer l’un des éléments du mot composé par un synonyme ou antonyme.
Piquant-doux à la place d’aigre-doux n’est pas envisageable, ainsi que mal hébergé au lieu de
mal logé. Si le dernier élément des noms composés est un substantif, il se pressente très
souvent sans article : hôtel de ville, robe de chambre, tenue de soirée » (Niklas-Salminen A.,
1997, 73).
32
2.1. Mots fléchis
Les mots variables ont plusieurs formes : ils ont une flexion (conjugaison, déclinaison,
variation en genre et en nombre). On utilise conventionnellement l’une des formes du mot
pour les nommer en tant qu’unité lexicale : le masculin singulier des mots variables en genre
et en nombre, le singulier des mots variables en nombre, l’infinitif des verbes, le cas sujet des
mots à déclinaison.
Les différentes formes du mot variable sont aussi des mots : on peut parler du mot
blanc, tel qu’il apparaît dans les dictionnaires, et du mot blancs dans la phrase : Les murs sont
blancs.
Selon A. Lenhmann, F. Martin-Berthet (2005, 2-3) « si une des formes ou si chaque
forme a un sens particulier, elle acquiert le statut d’unité lexicale différente ; cela arrive
surtout avec la variation en genre : par exemple, cuisinier « appareil » n’est pas la forme
féminine de cuisinier, loup « demi-masque noir » n’est pas la forme masculine de louve ;
couturier et couturière désignent des métiers différents ».
Les mots composés peuvent être d’origine savante, d’origine mixte ou d’origine
entièrement française. Contrairement à beaucoup d’autres langues qui forment leurs termes
techniques et scientifiques nouveaux à partir d’éléments existant dans la langue, le français
favorise la composition par emprunts aux langues anciennes. Dans ce cas, on parle de
« composition savante ». Les composés savants sont souvent créés par la fusion de bases
grecques ou latines qui ne constituent pas des unités lexicales autonomes (sauf en cas
d’abréviation, comme géo ou litho) : les éléments hémo- et –philie de hémophilie, par
exemple, ne se trouvent que dans des composés savants comme hémogramme et pédophilie.
La spécificité de la composition savante tient à l’emploi presque exclusif d’éléments
empruntés directement au latin et au grec et à une formation qui tend à respecter les règles de
la composition dans ces deux langues. Cependant, il existe aussi des composés savants qui
contiennent un élément faisant partie du vocabulaire courant : par exemple, sensible dans
hypersensible, etc.
Les éléments latins servant en composition savante sont moins fréquents que les
éléments grecs. La première partie de ces composés se termine généralement par la voyelle de
transition –i : insecticide, viticole, calorifère, etc.
33
Les éléments grecs sont extrêmement nombreux, surtout dans les domaines
scientifiques. La voyelle de transition –o relie habituellement les deux éléments : néologisme,
bibliophile, cosmonaute, etc.
Il existe aussi des composés hybrides formés d’un élément latin et d’un élément grec :
automobile (auto du gr. autos « soi-même, lui-même » + mobile du lat. mobilis « qui se
meut »)
Ou dans lesquels l’un des deux éléments est français ou peut être considéré comme tel :
antidater, minijupe, juxtaposer, ultra-chic, etc.
Parfois, deux composés synonymes proviennent l’un du latin, l’autre du grec, comme
juxtaposition et parataxe. Il y a des éléments qui peuvent se placer uniquement au début
(acro- dans acrobate) ou à la fin des mots composés (-mane dans mythomane, négalomane),
alors que beaucoup peuvent, selon le mot, occuper les deux positions : pédiatre/orthopédie,
podologie/gastéropode, etc.
Les mots composés peuvent également comporter des mots français qui ont une
existence autonome par ailleurs. Dans ce cas, on parle de « composition populaire ». Les
éléments assemblés dans un mot composé forment une unité de sens nouvelle, dont la
signification dépasse celle de ses éléments pris isolément. La composition en français est
rarement le lieu d’une simple juxtaposition de ses éléments. Les relations sémantiques entre
les deux parties d’un mot composé sont très variées : il peut exister, entre deux éléments
nominaux, des rapports attributifs comme dans député-maire ou des rapports de détermination
comme dans pomme de terre. Quand le premier élément est un verbe, le nom qui suit peut
avoir le statut de complément d’objet comme dans porte-bagages ou essuie-glace. Quand les
deux éléments sont des verbes, ils peuvent être tantôt dans un rapport de subordination
(savoir-faire), tantôt dans un rapport de coordination (pousse-pousse), etc. En fait,
l’interprétation des mots composés français dépend d’abord de la nature catégorielle et
sémantique des constituants et de leur ordre.
Les principales structures de composition en français contemporain :
a) Les noms composés :
- Nom + nom:
Dans ce type de formation, on peut repérer des rapports attributifs : canapé-lit ; bar-
tabac, etc.
Parfois le deuxième nom est un complément de relation du premier, sans préposition :
timbre-poste ; poids-plume, etc.
Nom + préposition + nom ou verbe à l’infinitif : pomme de terre ; machine à écrire, etc.
34
Les prépositions utilisées entre les deux termes peuvent signifier plusieurs choses : la
destination, la caractérisation distinctive, l’agent moteur, etc.
- Adjectif + nom : bas-fond ; bon sens, etc.
- Nom + adjectif : amour-propre ; fait divers, etc.
Dans ce type de construction, le deuxième élément peut être quelquefois un participe passé ou
présent (bande dessinée, cerf-volant).
- Préposition ou adverbe + nom ou verbe : pourboire, sans gêne, etc.
Dans ces noms formés par la combinaison d’un adverbe ou d’une préposition et d’un
verbe, le premier élément joue, d’une certaine façon, le rôle d’un préfixe. C’est pour cela que
d’après certains linguistes, ces constructions relèvent plutôt de la dérivation.
- Verbe + nom : brise-glace ; tire-bouchon ; marchepied (=petit banc où l’on pose les pieds
quand on est assis), etc.
- Verbe + adjectif ou adverbe ou pronom : gagne-pain ; passe-partout…
- Verbe + verbe : laisser-aller ; cache-cache, etc.
b) Les adjectifs composés :
- Adjectif + adjectif : politico-commercial ; franco-belge, etc.
Il est intéressant de noter que très souvent la première partie de l’adjectif composé se
termine sur la voyelle o ou même sur la voyelle i. Ces mots composés populaires calquent
leur formation sur les mots composés savants ou latins. Mais il y a aussi des groupements
sans ces deux voyelles: aigre-doux ; mi-clos, etc.
- Adverbe + participe passé ou participe présent : malentendant ; nouveau-né, etc.
- Adjectif + nom : jaune citron, vert bouteille, etc.
c) Les verbes composés :
À l’intérieur de cet ensemble, on peut rencontrer quelques composés très anciens
devenus immotivés : saupoudrer (de sau, forme atone de sel et poudrer) ; bouleverser (de
bouler et verser), etc.
Et une longue série, vivante et ouverte, d’expressions verbales reposant sur un verbe
opérateur : faire partie ; prendre garde, etc.
3. Argot
Selon J. Picoche (1986, 94), « l’argot est un langage de complicité tendant à exclure de
la communication la multitude des non initiés (personnes profanes dans un domaine). Un
certain nombre des procédés utilisés par les locuteurs qui se constituent un argot sont à
l’origine de puissantes démotivations et par conséquent créateurs d’homonymie ».
35
Selon d’autres auteurs, un argot est un registre de langue ou un parler particulier à un
groupe social, c'est-à-dire un sociolecte, qui vise à exclure tout tiers de la communication.
L'argot a initialement pour fonction de chiffrer le message, avec pour visée qu'un non-initié ne
le comprenne pas. Il a également une fonction identitaire car il permet la reconnaissance
mutuelle des membres du groupe et la démonstration de leur séparation de la société par un
langage différent. Il faut distinguer l'argot du jargon, qui est propre à un groupe professionnel
et est censé en théorie ne pas avoir cette visée cryptique.2 Un argot est l'ensemble oral des
mots non techniques qui plaisent à un groupe social.
« La date de naissance de l’argot français est le petit livre du Tourangeau Olivier
Chéreau, en 1628, qui glose 216 mots. C’est le « jargon de l’argot reformé » - c’est-à-dire
d’une nouvelle confrérie de malfaiteurs appartenant au mythique « royaume d’argot ». (Rey
A., 2007, 1225). A partir de cette époque, l’idée d’un langage propre à des malfaiteurs
organisés, à des bandes s’installe.
Dès l'origine, l'argot manifeste un triple caractère: « c'est d'abord un langage technique
– un jargon –; il est ensuite réservé à des initiés qui désirent communiquer entre eux sans
qu'on puisse percer leur message; ces initiés ont en commun d'être des malfaiteurs – les
mercelots sont des merciers ambulants, des colporteurs connus pour leurs escroqueries ».3
L'utilisation de l'argot est aussi une façon de contourner les tabous instaurés par la
société. Le langage courant témoigne d'une certaine retenue à évoquer certaines réalités
explicitement. L'argot, aussi le langage familier, permet de désigner ces réalités par un
langage détourné, dénué des connotations immédiates liées aux mots du registre habituel.
Cela explique que le lexique argotique soit particulièrement riche dans certains domaines
comme la sexualité, mais aussi la violence, les crimes et la drogue. « Cette fonction de
contournement des tabous est utilisée par l'argot commun dans le premier cas, par la pègre
dans le second » (Charaudeau P., 1992, 81-82)
Quant à l’argot, contrairement à une opinion courante, il emprunte peu de mots
étrangers, étant donné qu’il doit se renfermer sur lui-même pour survivre. On aura seulement
remarqué quelques mots d’origine arabe importés par les soldats se trouvant en Afrique du
Nord pendant les périodes coloniales (chouia, kawa, mézigue), des mots anglais qui ont été
repris et diffusés par les medias (job, bisness, because, fifty-fifty), et, plus récemment dans le
langage branché des années 80, des expressions : c’est cheap, être cool, un dealer, les
eighties, être down, avoir le feeling, flasher, soft, hard, etc.
2
Argot, accédé 11-01-2011 / http://fr.wikipedia.org/wiki/Argot
3
Légende de l’argot, accédé 15-01-2011 / http://forum.aceboard.net/16332-2289-6871-0-.htm
36
Il n'existe pas un argot, mais des argots. Différents groupes sociaux ont développé, à des
époques différentes, leur propre parler. L'importance des fonctions cryptiques et identitaires
varie entre les argots. On remarque que la tendance actuelle privilégie l'identitaire sur le
cryptique : le français contemporain des cités en particulier a moins besoin de masquer son
message que de marquer l'appartenance à son groupe et, par opposition, son rejet de la société
pré-établie.
Souvent utilisé par des groupes itinérants, l'argot recourt également aux emprunts:
caboche (d'origine espagnole), nouba, sidi, clebs (d'origine arabe).
L'argotier coupe volontiers les mots: Sébasto pour Sébastopol, prolo pour prolétaire.
Tantôt il retranche le suffixe (occase pour occasion), tantôt il en surajoute un qu'on peut
appeler parasitaire (argomuche pour argot). Il substitue souvent un suffixe à une autre finale:
médicâtre pour médecin, boutanche pour bouteille. Il combine divers procédés: momochard
est une fusion de môme et de moche augmentée du suffixe -ard (comme -ouille, -oche, -uche,
-aque, -oque), blase est un croisement de deux termes argotiques (blair et nase, «nez»);
capiston pour capitaine est un mot-valise avec substitution de suffixe.4
L'argotier joue également sur des glissements de sens: lame pour couteau, bitume pour
racolage (métonymies) ou flûte pour jambe, portugaises pour oreilles (métaphores).
L'explication de ces glissements peut nécessiter tout une paraphrase: pompe pour chaussure
évoque un soulier troué qui aspire l'eau de la rue.
Il faut remarquer également que, pour que les tiers soient maintenus dans
l'incompréhension de la communication, l'argot doit constamment renouveler ses procédés
d'expression, spécifiquement son lexique. L'existence de dictionnaires d'argot annule bien sûr
toute l'efficacité des mots définis. « De nombreux termes originaires de l'argot sont d'ailleurs
passés dans le registre familier, voire dans le langage courant (par exemple, cambrioler et ses
dérivés sont issus de l'argot cambriole « chambre »). Ainsi, certains mots ou expressions
possèdent une foule de traductions argotiques, la palme revenant à des termes comme
« argent », « femme » ou « faire l'amour » qui possèdent plus d'un millier d'équivalents en
argot ».5
En fait, l'argot est toujours connu pour son vocabulaire, mais cela ne signifie pas qu'il
suit les règles syntaxiques, grammaticales, phonétiques, pragmatiques de la langue standard.
La formation des phrases, la prononciation, l'intonation, la gestuelle sont très différentes de la
norme officielle et participent à la distinction du groupe. Néanmoins, les procédés autres que
4
Légende de l’argot, accédé 15-01-2011 / http://forum.aceboard.net/16332-2289-6871-0-.htm
5
Argot, accédé 11-01-2011 / http://fr.wikipedia.org/wiki/Argot
37
lexicaux utilisés par l'argot ne lui sont en général pas propres : il s'agit généralement de
caractères du langage familier ou populaire.
« Quant aux procédés d'élaboration lexicale, ils sont de deux types : soit sémantiques
(modification et jeu sur les sens des mots), soit formels (création ou modification de mots).
Lorsque l'élaboration lexicale est formelle, on assiste souvent à une déconstruction du langage
courant : l'argot déforme, mélange, déstructure, découpe les mots et enfreint les règles. Cette
déconstruction laisse transparaître la volonté du groupe social de se démarquer en rejetant la
société établie ».6
Les traits caractéristiques de l'argot français contemporain, qui le distingue de l'argot
classique, sont :
- L'utilisation du verlan : le verlan permet de créer un vocabulaire nouveau avec comme
limite le nombre de mots de la langue d'origine, même si les mots de plus de trois syllabes
font rarement l'objet d'une inversion. Exemple : Mon reup, il était trop vénère. (Mon père était
très énervé): Père donne Reup et Enervé Vénère.
Exemple : le mot Arabe a donné Beur (qui est passé au registre familier), pour donner ensuite
rebeu, qui est donc un « verlan de Beur ». Il convient de noter que Beur ne désigne pas tous
les Arabes, mais seulement ceux qui ont la nationalité française et dont les parents sont
d'origine maghrébine.
Cependant, l'utilisation du verlan n'est pas en soi un phénomène nouveau.
- L'utilisation de mots étrangers : elle est souvent liée à l'origine nationale des familles des
locuteurs, qui sont d'ailleurs fréquemment bilingues, mais aussi à l'omniprésence du franglais.
Exemple : Misquina, elle fait tièp (De misquine = pauvre en arabe et tièp = pitié en verlan: La
pauvre, elle fait pitié).
Exemple : Je suis speed (Je suis pressé).
Exemple : cette go, elle bédave pas (De go = fille en bambara, derivé de l'anglais girl et
bédave = fumer, en gitan : Cette fille ne fume pas).
Ainsi, les Français d'origine maghrébine étant une composante importante des
populations des quartiers populaires, l'arabe tient naturellement une place de choix dans le
vocabulaire de l'argot contemporain.
Les influences des langues étrangères dans l'argot sont influencées par les origines des
immigrants selon l'époque. « L'exception étant le Rom, qui fournit une quantité énorme de
mots à l'argot français, dépassant largement la seule communauté gitane, et ce depuis l'origine
6
Argot, accédé 11-01-2011 / http://fr.wikipedia.org/wiki/Argot
38
même de l'argot. Les exemples foisonnent: rodave, piyave, shourav, bikrav, rayav, bouillav,
maramé, gadjo, gadji, candav, pashav, etc ».7
Il existe aussi des «argots à clés», véritables codes qui consistent à introduire dans un
mot des sons ou des syllabes parasites ou à inverser l'ordre des syllabes: ainsi le javanais, qui
intègre dans le mot la syllabe av ou va (chaussure devient chavaussavurave), le largongi
(déformation de «jargon») ou le loucherbem (déformation de «boucher»). Inutile d'insister sur
le verlan («à l'envers»): chetron pour tronche.
L'argot possède nombre de procédés et l'on comprend qu'il soit riche en mots ayant de
multiples sens (battant, par exemple, signifie «neuf», «cœur», «estomac», «courage»,
«homme combatif» ou «langue alerte») et qu'il dispose de «synonymes», surtout pour certains
champs thématiques comme le sexe, la boisson, l'argent: pour «lit», on trouve pieu, plume,
plumard, page, pageot, pucier.
D'autre part, les argots sont en étroite liaison avec des groupes professionnels qui
sécrètent des jargons. En principe, argot et jargon se distinguent parfaitement: les argots
visent à se cacher, éventuellement par simple plaisir, et les jargons à densifier des notions
scientifiques et techniques. Les argots abondent en polysèmes et homonymes, les jargons se
doivent de proposer des termes univoques. Mais le jeu entre transparence (pour les initiés) et
opacité (pour les non-initiés) n'est pas si simple. Les jargons de métier abondent en
formations savantes, composant souvent des mots longs. À partir d'un terme technique, on
peut pratiquer une troncation de type argotique: perfusion devient perf. De plus ces formes
tronquées peuvent servir d'écran pour les non-initiés. Le vocabulaire médical est une source
inépuisable de ce genre de phénomènes: «On lui fait une tomo» («tomographie») permet à un
médecin de consulter un collègue devant le malade sans que celui-ci comprenne. Le jargon a
alors la fonction cryptique de l'argot. Mais deux médecins peuvent également employer
«tomo» dans leur bureau par simple connivence professionnelle et par souci de brièveté.
Il est important de souligner qu’à côté de l'argot traditionnel et des jargons se situent les
«parlers branchés» des jeunes, différents selon que ceux-ci appartiennent à la famille punk,
skin ou minet. Les puristes argotiers font la fine bouche devant ces parlers nouveaux qu'ils
estiment pauvres. En réalité, ils constituent la relève du vieil argot moribond avec des
trouvailles comme décoincer (pour «partir»), taxer (pour «extorquer de l'argent»), mazout
(pour «whisky-coca»). Fait notable, ces parlers affectent parfois la syntaxe, comme dans Il
craint, je veux, employés intransitivement, ou Il est classe, où classe devient adjectif. Les
parlers branchés font également resurgir des termes tombés dans l'oubli (comme suriner, de
7
Argot français contemporain, accédé 10-01-2011 /
http://fr.wikipedia.org/wiki/Argot_fran%C3%A7ais_contemporain
39
surin, grande lame faite pour égorger). Par l'intermédiaire des médias (la publicité fait un
usage immodéré de l'argot et les hommes politiques n'y rechignent pas), les parlers branchés
apportent leur tribut à l’argot commun.
Argots traditionnels, jargons, parlers branchés vivent en osmose avec la langue
commune et s'y infiltrent, provoquant un certain mélange de générations et de classes
sociales. « C'est que, depuis le début du siècle, s'est créé peu à peu, puisant à diverses sources,
un argot commun (slang en anglais) que chacun connaît peu et, éventuellement, utilise dans
les situations propices. Cet argot commun est celui qui entre, année après année, dans les
dictionnaires courants, avec la précision «familier» ou «populaire» (bosser, boulot, tif,
tignasse, ringard, etc): il participe très largement à la néologie du français, avec ses créations
et ses reviviscences, l'enrichit, compense les pertes lexicales, le vocabulaire étant, sans nul
doute, la partie de la langue la plus directement branchée sur l'expérience réelle ».8
La langue est perpétuellement réinventée par chaque nouvelle génération, soucieuse de
renouveler son vocabulaire pour mieux se l'approprier. Cela permet de relativiser les discours
faisant du développement de la langue populaire un signe de déclin social.
4. Abréviation et siglaison
Le français se sert aussi de deux autres procèdes qui contribuent à la création lexicale:
l’abréviation et la siglaison. Ces procédés, le second étant une variante du premier, ont pour
principal objet de raccourcir des mots.
« Le phénomène de l’abréviation est particulier à la langue familière ou vulgaire, qui
tend systématiquement à l’économie dans la prononciation tout en conservant l’unité du
signifié. Celui de la siglaison affecte la langue courante et permet de ramasser des ensembles
lexicaux désignant une idée unique au moyen de plusieurs composants, le sens général étant
préservé » (Béchade H.-D., 1992, 172). L’un et l’autre procédé ont une forte faculté
d’expansion dans la langue contemporaine.
4.1. Abréviation
Les mots raccourcis par l’abréviation – on appelle aussi ce phénomène troncation – sont
en général des adjectifs ou surtout des substantifs, et jamais des verbes. L’abréviation affecte
des mots qui comportent d’ordinaire trois syllabes ou davantage pour le plus souvent les
8
Légende de l’argot, accédé 15-01-2011 / http://forum.aceboard.net/16332-2289-6871-0-.htm
40
réduire à deux syllabes. Elle consiste à exprimer une unité linguistique par un signifiant qui,
tronqué d’un ou plusieurs éléments, conserve le signifié de l’unité de départ. L’abréviation
peut se présenter sous des formes différentes :
a) Quand un objet, un être ou un processus sont désignés par une fusion de deux ou
plusieurs unités lexicales, l’usage tend à réduire cet ensemble trop encombrant à son terme le
plus caractéristique :
générale au lieu de répétition générale
quotidien au lieu de journal quotidien
Les abréviations touchent souvent des mots composés savants :
Stylo pour stylographe
Photo pour photographie
b) Les unités lexicales graphiquement ininterrompues jugées trop longues (souvent à partir
de trois syllabes) donnent également lieu à des phénomènes de troncation :
prof pour professeur
fac pour faculté
c) La langue écrite utilise fréquemment des abréviations qui réduisent un mot à une ou
plusieurs lettre(s) :
Dr pour Docteur
p. pour pages
Mme pour Madame
Certains ouvrages spécialisés comme les dictionnaires et les grammaires, par exemple,
comportent des listes d’abréviations assez longues, dont certaines sont d’usage courant : c-à-
d., ex., qqch, qqn. Il s’agit ici de commodités d’impression ou d’écriture. Il s’agit ici de
commodités d’impression ou d’écriture.
L’abréviation efface généralement les dernières syllabes du mot : fac(ulté),
prof(esseur), amphi(théâtre). La réduction de la partie initiale du mot est plus rare : (auto)bus,
(ca)pitaine, (prin)cipal.
L’abréviation a souvent pour résultat de réduire un mot préfixé à son préfixe, qui prend
alors le sens de l’ensemble : super (carburant). Dans les composés savants, c’est
généralement le premier élément qui est conservé, comme télé(vision ou homo(sexuel), mais
le découpage n’est pas toujours exact (météo pour météoro-logie).
Les abréviations peuvent servir à leur tour de base pour la formation de nouveaux mots:
bus est l’élément final dans autobus, trolleybus, abribus, bibliobus ; auto a servi d’élément
initial (plus rarement final : lavauto) à de nombreux mots nouveaux : auto-école, autoradio,
autoroute, auto-stop(peur), etc.
41
Elles sont souvent utilisées par le langage familier (écoliers, étudiants, etc.). Le jargon
de chaque groupe socioprofessionnel semble également posséder des mots tronqués.
4.2. Siglaison
42
RMI → érémiste
Toutes les unités lexicales – mots simples, mots dérivés, mots composés, locutions,
abréviations et sigles – constituent ce qu’on appelle « le fonds national du lexique ». Malgré
leur richesse et leur diversité, ces ressources sont concurrencées par celles qui proviennent des
langues étrangères.
Le sigle devient un signe de notre civilisation : toute société, toute entreprise, toute
équipe sportive, la moindre association met un point d’honneur à se forger un sigle et à se
faire connaître par lui. « Le sigle acquiert valeur légale et peut être protégé au même titre
qu’une marque de produit » (Doppagne A., 1998, 83).
La siglaison doit être considérée comme un des principaux facteurs d’enrichissement de
la langue, car le sigle se mue en souche génératrice.
5. Néologie
La néologie est le processus de formation de nouvelles unités lexicales. Tant qu’il y des
gens pour se servir d’une langue, elle est en perpétuel mouvement. Comme la vie ne s’arrêt
jamais, des mots nouveaux sont toujours indispensables pour exprimer les changements qui
surviennent : les découvertes scientifiques, les progrès industriels, les modifications de la vie
sociale, etc. En même temps il y a des mots qui s’usent, qui perdent de leur force et de leur
expressivité et qui finissent par disparaître.
Les néologismes sont soit des emprunts soit des créations nouvelles. Les mots qui
entrent dans la langue ont tendance à obéir aux règles d’organisation déjà existantes. On
s’aperçoit que les procèdes actuels de création lexicale ne sont guère différents de ce qu’ils
ont toujours été en français. Il y a des chercheurs qui divisent les néologismes en deux
groupes: la création primitive et la création conventionnelle.
La création primitive consiste à former des mots totalement nouveaux, sans aucun
rapport historique avec les mots qui existent dans la langue. Elle cherche à éviter tous les
procèdes de formation connus (ex. kodak et quelques autres termes industriels). Cette forme
de création est cependant extrêmement rare, car il est très difficile de construire un mot
nouveau sans aucune relation étymologique avec les unités lexicales déjà existantes.
La création conventionnelle se sert des éléments qui se trouvent dans la langue et
respecte les modes de formation connus:
- composition ;
- dérivation (suffixale, préfixale, parasynthétique, impropre et régressive) ;
- abréviation ;
43
- siglaison.
Ces procèdes ont été analysés en détail. On peut également se trouver en présence
d’autres modes de création. En effet, parfois une nouvelle unité lexicale est formée par la
contamination de deux mots existants :
Foultitude (foule + multitude)
Un nouveau mot peut également être créé par une simple réduplication d’un mot ou
d’une partie d’un mot. Ce procédé est utilisé surtout dans la langue enfantine et
hypocoristique (= qui exprime une intention affectueuse, caressante) : dodo, bonbon, Fifi.
On peut aussi rencontrer des mots nouveaux qui ont été formés par la substitution d’un
mot à un autre : malagauche pour maladroit, paradouze pour paradis.
Un grand nombre de néologismes apparaissent, puis disparaissent pour reparaître plus
tard dans des conditions favorables.
Au début de leur existence, les néologismes attirent très généralement la critique. Les
défenseurs de la langue les trouvent prétentieux, ridicules, inutiles, etc. Mais les néologismes
sont les résultats nécessaires et les marques infaillibles de la vitalité forte et saine de la langue.
En même temps, ils témoignent d’une imagination poétique et plastique toujours en éveil,
d’efforts continuels pour rendre l’expression plus variée, plus nuancée, plus riche.
Tous les locuteurs créent constamment des néologismes. On peut les observer dans les
livres, les journaux, comme dans le parler de tous les jours. Une grande partie de ces
nouvelles unités lexicales continue à exister et centre vite dans le grand courant de la langue
parlée. D’autres néologismes sont des créations de circonstance qui ne tardent pas à
disparaître, ne trouvent pas d’emploi hors de la situation toute spéciale qui les a provoqués.
44
IV. L’ANALYSE DES MOTS EMPRUNTÉS AUX AUTRES LANGUES
45
Ce sont des sigles qui désignent des organisations politiques, administratives,
internationales, etc. Comme on a déjà parlé dans le chapitre 4.2., les organismes, les
entreprises, les associations nouvelles, etc. essaient de trouver des sigles parlants et efficaces
qui s’enregistrent vite et se retiennent facilement.
Toutes les langues font des emprunts à d'autres langues. C'est ainsi qu'elles évoluent et
s'enrichissent. Le français a emprunté à l'anglais. Dans la presse française et dans les manuels
on rencontre beaucoup de mots anglais ou américains. On a parcouru des yeux des magazines
et des manuels français et on a vu qu’ils sont nombreux :
Marketing– (américain marketing). Ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de
prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l’égard des biens et
des services et d’adapter la production et la commercialisation aux besoins ainsi précisés.
Pop – (anglais pop, abréviation de popular, populaire) – se dit d’un chanteur ou d’un
musicien de pop music.
Relooker – (de l’anglais look, air, allure). Modifier l’aspect de quelqu’un, de quelque chose ;
adapter, moderniser.
Job – anglais job. Tout travail rémunéré.
Handicap – (anglais handicap). Désavantage souvent naturel, infériorité qu’on doit
supporter.
Dandy – (anglais dandy). Homme qui affecte une suprême élégance dans sa toilette, ses
manières, ses goûts.
Joker – (anglais joker, de to joker, plaisanter). Au poker et à divers jeux, carte qui prend la
valeur que lui donne celui qui la possède dans son jeu.
Flop – (anglais flop, plouf). Échec, bide, four en matière de spectacle, d’ouvrage publié.
Express – (anglais express, du français exprès). Train de voyageurs à vitesse accélérée, ne
s’arrêtant que dans les gares importantes et dont l’horaire est étudié pour assurer, dans le
minimum de temps, les principales correspondances.
Leadership – (anglais leadership. Fonction de leader). Position dominante qu’occupe en
droit ou en fait un homme politique au sein d’un mouvement ou d’un État.
Coalition – (anglais coalition). Alliance militaire et politique conclue entre plusieurs nations
contre un adversaire commun.
International – (anglais international). Qui a lieu entre plusieurs nations, qui concerne leur
relations.
Stress – (anglais stress). Ensemble de perturbations biologiques et psychiques provoquées par
une agression quelconque sur un organisme.
46
Stock – (anglais stock). Ensemble des marchandises disponibles sur un marché, dans un
magasin, etc.
Kit – (anglais kit). Ensemble des pièces détachées constitutives d’un objet, vendus avec un
plan de montage, et que l’on assemble soi-même.
Eye-liner – (américain eye-liner), de eye, œil, et liner, crayon à maquiller.
Boom – (américain boom). Hausse soudaine des valeurs en Bourse.
Cake – (anglais cake). Gâteau.
Week-end – (anglais week-end). Fin de semaine.
Parking – (anglais parking). Ensemble d’emplacements pour garer les voitures en sous-sol
d’un immeuble ou au pied de celui-ci ; chacun de ces emplacements.
Web – abréviation de l’anglais Word wide web, signifiant toile d’araignée mondiale.
Cool – (anglais cool, froid). Calme, décontractée, détendu.
Population – (anglais population). Ensemble des habitants d’un pays, d’une région, d’une
ville, etc.
Certains journalistes de la télévision française, de la presse, dont la fonction exige une
grande maîtrise du français, introduisent néanmoins des mots anglais. Lexicaux, syntaxiques
ou phonétiques, ces calques jouissent auprès des téléspectateurs et de lecteurs d’un fort effet
de mode qui garantit leur rapide acclimatation dans la langue française, par le simple fait qu'il
s'agit de termes inhabituels et ressentis comme nouveaux donc avantageux.
Comme on a mentionné dans le chapitre 1.5.2., « le foisonnement des mots anglais
inquiète souvent les défenseurs de la langue française qui font des efforts pour franciser les
secteurs les plus atteints ». Les défenseurs de la langue française essaient d’élaborer des
nomenclatures technologiques nationales destinées à être substituées aux nomenclatures
étrangères.
Les mots empruntés à l’anglais se prononcent généralement selon une phonétique
anglaise simplifiée. Les emprunts sont essentiellement lexicaux (emploi de mots d’origine
anglaise) ; à de rares exceptions, ni la grammaire ni la syntaxe du français n’ont été
influencées.
47
CONCLUSION
48
On peut souligner que de nos jours, l’économie du temps et de l’espace devient une
préoccupation sérieuse, voire majeure. Justement, le mode de création lexicale par réduction y
trouve son compte, notamment dans les grandes langues telle comme le français. Une
abréviation doit être la plus courte et la plus transparente possible. L’abréviation se présente
comme le procédé d’abrégement et sert de la création de nouveau lexique.
En fait il n'est pas toujours aisé de savoir quand un nouveau terme est apparu. Tout au
plus peut-on s'en rendre compte quand il commence à être suffisamment employé par des
locuteurs d'horizons divers. Généralement, les dictionnaires en recensent les premières
attestations écrites dans un texte reconnu qu'il soit littéraire ou non.
49
BIBLIOGRAPHIE
1. Antoine, G., Martin, R. 1999. Histoire de la langue française (1880-1914). Paris : CNRS,
Editions.
2. Charaudeau, P. 1992. Grammaire du sens et de l’expression. Paris : Hachette.
3. Chigarevskaja, N. Aleksandrovna, N. 1974. Précis d’histoire de la langue française.
Ленинград: Просвещение. Ленинградское отделение.
4. Chiss, J.-L., Filliolet, J., Maingueneau D. 1993. Linguistique Français: Notions
fondamentales, phonétique, lexique. Paris: Hachette.
5. Doppagne, A. 1998. Majuscules, Abréviations, symboles et sigles. Pour une toilette
parfaite du texte. P.Duclot.
6. Gardes-Tamine, J. 1998. La grammaire. Phonologie, morphologie, lexicologie. Paris :
Armand Colin.
7. Béchade, H.-D. 1986. Phonétique et morphologie du français moderne et contemporain.
France : Presses universitaires de France.
8. Lehmann, A., Martin-Berthet, F. 2005. Introduction à la langue lexicologie, Sémantique
et morphologie. Paris : Armand Colin.
9. Monnerie-Goarin, A, Fourgerouse, M.-C., Lopes, M.-J., Le Bougnec, J.-T. 2001.
Methode de francais Ado 3. Paris : Clé international.
10. Niclas-Salminen, A. 2007. La lexicologie. Paris : Masson&Armand Colin Éditeurs.
11. Petit Larousse illustré. 2007. Paris : Larousse.
12. Picoche, J. 1986. Structures sémantiques du lexique français. France : Université Nathan
information formation.
13. Rey, A. 2007. Mille ans de langue française. Histoire d’une passion. France : Perrin.
14. Skrielina, L. M. 1972. История французского языка :для институтов и
факультетов иностранных языков. Москва: Высшая школа.
15. Тсhеsnovitch, E. 1981. La lexicologie française: lectures. Leningrad : « Просвещение»
Ленинградское отделение.
16. Timeskova, I. N., Tarxova, V. A. 1967. Essai de lexicologie français moderne.
Leningrad : « Просвещение» Ленинградское отделение.
50
SOURCES
SITOGRAPHIE
51
SANTRAUKA
ŽODYNO PLĖTROS KELIAI
Kiekviena kalba yra kilusi iš kitos kalbos, laikui bėgant įgavusi naujas formas. Kalbos
žodynas nuolat atsinaujina visose naudojimo srityse, susijusiose su žmogiškąja veikla. Šie
pakitimai vyksta kontaktuojant įvairių kraštų gyventojams, kurie turi savo bendravimo kalbą
ir kultūrą. Prancūzų kalba visada turėjo puikias galimybes skolintis žodžių iš kitų kalbų ir
tokiu būdu turtinti savo žodyną. Prancūzų kalbos leksikos atsinaujinimas išplaukia iš trijų
pagrindinių kelių: naujų žodžių sudarymas, naujų reikšmių atsiradimas iš jau egzistuojančių
žodžių, skolinimasis iš kitų kalbų. Semantiniu požiūriu, kiekvienas pasiskolintas žodis, kuris
stengiasi įsiterpti į gyvą organizmą, gali kisti toje kalboje į kurią jis atėjo. Iš tikrųjų yra sunku
nustatyti, kada naujas terminas yra atsiradęs.
Tyrimo tikslas – surasti kelius, padedančius turtinti žodyną. Tyrimo objektas – žodis.
Tyrimo uždaviniai: 1. Peržvelgti naujų prancūziškų žodžių naujumą. 2. Surasti žodžių
vystymosi priežastis. 3. Išnagrinėti žodžių derivacinę morfologiją. 4. Atlikti žodyno praktinę
analizę ir surasti žodžius, kilusius iš kitų kalbų. Tyrimo metodika: 1. Mokslinės literatūros
studijavimas ir analizavimas. 2. Aprašomasis metodas.
Apžvelgus mokslinę literatūrą ir atlikus praktinę žodyno analizę, paaiškėjo, kad
prancūzų kalbai didžiausią įtaką padarė lotynų, graikų ir anglų kalbos. Lotynų vulgarioji kalba
sudaro prancūzų pirmapradį pagrindą. Lotynų populiarioji kalba buvo perduodama žodžiu iš
amžiaus į amžių. Tačiau jos tarimas pasikeitė, praleidžiant kai kuriuos garsus ir pakeičiant
pavidalą.
Kas liečia pasiskolinimą iš anglų kalbos, tai anglų kalbos įtaka šiuo metu yra didžiausia
prancūzų kalbai. Dažniausiai skolinamasi žodžius, susijusius su prekyba, sportu, kinu,
žurnalistika, ypač informatika. Prancūzų valdžia mėgina sumažinti anglų kalbos įtaką,
pakeičiant angliškus žodžius į prancūziškus. Tačiau jie nėra įsitikinę, ar pavyks juos pakeisti,
nes tai kalbos vartotojai, kurie nusprendžia ar kažkoks žodis įeis į žodyną, ar ne.
Be skolinių žodynas taip pat turtinimas derivacijos ir sudarymo būdu lotynų kalbos
pagrindu. Prie primityvių sąvokų formuojasi visuma derivacijos, kuri yra gausi priešdėlių ir
priesagų.
Prie žodyno turtinimo irgi prisideda santrumpos, kurios vartojamos taupant laiką ir
vietą. Jos turi būti kuo trumpesnės ir aiškios. Naujų terminų pripažinimą ir vartojimą pirmieji
patvirtina žodynai. Apskritai nauji žodžiai atsiranda tam, kad galėtume apibūdinti reiškinį ar
objektą tam tikra sąvoka.
Raktiniai žodžiai: leksika, žodyno turtinimas, nauji žodžiai, skoliniai.
52